INTERDICTION DE L`USAGE DE LA GRENAILLE DE PLOMB SUR

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INTERDICTION DE L`USAGE DE LA GRENAILLE DE PLOMB SUR
INTERDICTION DE L’USAGE DE LA GRENAILLE DE PLOMB
SUR LES ZONES HUMIDES : DERNIERE LIGNE DROITE
Rappel : L’arrêté du 21 mars 2002 interdit l’usage de la grenaille de
plomb sur les zones humides à compter de l’ouverture de la chasse du
gibier d’eau en 2005
Depuis mars 2002, plus de 2 ans se sont écoulés sans que rien, semble-t-il, n’ait été fait, pensé
ou imaginé sur ce dossier au niveau du monde cynégétique.
Black-out total. Omerta sur le plomb, ou plutôt sur l’acier.
Et pourtant, la date fatidique approche : 2005, c’est demain ; c’est l’an prochain.
Courant 2000-2001, un groupe de travail (écologistes, scientifiques, chasseurs, armuriers,…)
s’était pourtant réuni à plusieurs reprises pour réfléchir sur le sujet, ce qui avait donné lieu à la
réalisation et à la remise d’un rapport : le rapport BARON (2001).
Celui-ci préconisait tout un ensemble de mesures à mettre en œuvre sans tarder selon un
échéancier de 6 ans qui nous aurait quasiment mené à 2008 : formation et préparation des
armuriers d’un côté, des chasseurs de l’autre ; contrôle des armes ; nouveaux tests sur les
munitions ; campagne de sensibilisation et d’information ; politique d’incitation financière ;…
Tout semblait à peu près prendre tournure sauf qu’en 2002, en lieu et place de l’application de
ce programme, par palier, c’est une interdiction pure et simple à l’horizon 2005 qui a été
prononcée sans aucune prévision de préparatifs ou poursuite de concertation.
Il n’en fallait pas plus pour que certains, mécontents comme on peut l’imaginer et le
comprendre, se mettent en retrait et ne veuillent plus entendre parler du sujet. Mais pendant ce
temps là, le délai courait. 2002 passait, puis 2003. Voici 2004 bien entamé, et 2005 pointe
déjà le bout de son nez… Et rien n’est prêt.
Panique à bord mon capitaine : « C’est qu’est-ce que-t-il ? »
Face à l’urgence de la situation, tout fraîchement constatée, un nouveau groupe de réflexion
vient d’être initié par l’ONCFS sous la responsabilité de M. JF. MAHE. Ce groupe s’est réuni
une première fois le 15 avril 2004. Second rendez-vous le 18 mai.
A l’heure où la machine semble vouloir se mettre en route dans l’espoir affiché de tenter de
rattraper le temps perdu, il ne semble pas inutile de faire un point de la situation et l’état des
connaissances actuellement disponibles sur le sujet.
- Le plomb est-il néfaste aux oiseaux d’eau ?
Oui, aux oiseaux d’eau comme au reste d’ailleurs, ne serait-ce qu’aux prédateurs qui mangent
les cadavres des oiseaux morts de saturnisme.
Une étude menée par l’ONCFS, en laboratoire, a démontré qu’après l’ingestion de 3 plombs
n° 4, le taux de mortalité des oiseaux était de 67 % (9 % avec un seul plomb).
A l’état sauvage, les espèces les plus sensibles et les plus concernées sont les canards
plongeurs (morillons, milouins), le canard colvert, le canard pilet, la bernache du Canada,…
Les cygnes tuberculés semblent aussi payer un fort tribut quoique peu de données
scientifiquement avérées viennent conforter cette impression générale des chasseurs de gibier
d’eau dans leur marais.
Les symptômes du saturnisme sont assez similaires à ceux du botulisme et, de toute façon, il
est assez rare de retrouver un cadavre d’oiseau sauvage qui serait mort de cette maladie.
Les raisons sont assez aisément explicables. Ces oiseaux sont des proies très facilement
vulnérables dans les derniers stades de la maladie, la mort par prédation précède donc bien
souvent la mort par saturnisme. Et dans le cas inverse, il faut savoir qu’un cadavre d’oiseau
disparaît toujours très vite dans les marais (moins d’une journée lorsqu’il est à découvert, 2 à
3 jours lorsqu’il est à couvert).
Il est donc difficile de fournir des statistiques précises à ce niveau compte tenu du peu de
cadavres retrouvés, mais en nier la réalité serait une erreur.
A noter qu’un canard atteint de saturnisme à 1,65 fois plus de « chance » de se faire prélever
par acte de chasse qu’un oiseau non atteint. Là aussi, l’élimination se fait en amont.
- La productivité des individus concernés fortement réduite
Vient s’ajouter à cette mortalité directe des oiseaux empoisonnés, une forte mortalité
indirecte, ici aussi assez difficile à estimer, qui se traduit par une réduction conséquente du
nombre d’œufs lors de la ponte, par des œufs plus petits et moins lourds (donc des oisillons
plus fragiles) et des coquilles beaucoup plus frêles.
Bien évidemment, il est difficile de chiffrer le nombre d’oiseaux « non nés » suite à des
problèmes de saturnisme, mais il apparaît cependant qu’après 2 à 3 années d’interdiction de
l’usage du plomb, le nombre des tirs et des prises est généralement plus élevé que par le passé
avec l’usage du plomb (d’autres raisons peuvent toutefois expliquer ce phénomène).
- Armes et munitions
« Au feu les vieux fusils ! »
Souvent on entend cela… de la part de personnes qui n’ont jamais tenté l’expérience et qui,
surtout, ne veulent pas la tenter.
Ainsi, en Angleterre, on tire de l’acier avec des fusils tout à fait comparables avec nos
juxtaposés de Grand Papa sans que trop de dommages soit à constater ou à déplorer et sans
que le marché ou le stock ait été révolutionné.
En ce qui concerne les munitions, deux types de cartouches à la grenaille de fer doux (acier)
sont actuellement sur le marché : la munition classique, type 32 g, et la munition « Haute
Performance », type 70 mm – 36 g ou magnum.
Les fusils récents éprouvés à 900 bars, en bon état, acceptent les premières.
Pour les secondes, le semi-automatique (1200 – 1400 bars) est l’arme la mieux adaptée.
Les armes à 2 canons acceptent moins bien ce genre de munitions, surtout les armes de
sauvaginier fort chokées. Il faudra alors penser à faire déchocker votre fusil par un armurier
(notamment pour éviter tout risque de gonflement du bout du ou des canons).
Hormis cela, pour les fusils magnum, le passage du plomb à l’acier doit bien se faire. Le
problème est encore plus simple pour les armes à chokes interchangeables.
Les armes spécifiquement éprouvées acier, peu nombreuses en France aujourd’hui, sont
marquées d’une fleur de lys.
Vous pouvez aussi faire passer votre arme à un banc d’essai. Le délai d’attente sera très, très
long surtout si tout le monde se rue en même temps pour le faire (il n’y en aurait qu’un en
France : le Banc Officiel d’Epreuve de St Etienne). Autre inconvénient, il faut payer pour
cela : le test et le transport. Et si votre arme ne passe pas l’épreuve, on vous le rend dans
l’état. Risqué pour certains vieux fusils de famille ou armes de collection.
A noter encore qu’aux USA et au Canada où on ne tire quasiment que le la grenaille d’acier
« Steel shot – High Velocity », le parc de fusils n’est plus constitué que de semiautomatiques, calibre 12 et chambrés 76 mm.
- Les munitions de substitution
Il en existe de différentes sortes sur le marché.
Celle qui semble avoir la préférence est le fer doux, la grenaille d’acier, parce que la moins
chère (Son prix de revient doit en outre être moins élevé que celui du plomb ce qui peut
s’avérer intéressant pour certains).
Tarif : de 0,2 à 0,5 € la cartouche. Pour l’instant bien sûr car on peut espérer une baisse des
coûts dans l’avenir pour atteindre celui actuel des cartouches au plomb.
Inconvénient : la dureté et la densité (7,88) moindre que celle du plomb (11,3) d’où une
distance de tir moins longue. Il faut savoir que la distance de tir est logiquement
proportionnelle à la densité du matériau utilisé. Ainsi, le fer doux étant 20 % moins lourd que
le plomb, la distance de tir doit être réduite d’autant.
Avantage : billes plus régulières et gerbe mieux concentrée.
A noter encore que la grenaille d’acier n’abîme pas les canons de fusil et ne les use pas.
Elle se déplace dans le canon enfermée dans une poche de plastique, c’est d’ailleurs cela qui
risque d’occasionner le gonflement du bout des canons en cas de choke trop serré.
D’autres types de grenaille existent dont la caractéristique principale est d’être toutes plus
chères les unes que les autres.
Au top du prix, les alliages à base de Tungstène type Hevi Shot qui flirtent avec les 4 € la
cartouche mais dont l’efficacité balistique est considérée supérieure à celle du plomb.
Autre avantage : la densité égale ou supérieure au plomb, ce qui résout tous les problèmes au
niveau des armes actuelles.
Des formules type Matrix, toujours à base de Tungstène aggloméré à d’autres métaux en
poudre, s’avèrent aussi assez intéressantes en terme d’efficacité (densité égale au plomb) avec
un tarif beaucoup plus abordable que la formule Hevi Shot : 0,80 à 0,85 € la cartouche. Cela
reste toutefois beaucoup plus cher que le plomb mais pourrait s’avérer une bonne formule de
substitution pour certaines munitions magnum utilisées pour le tir de nuit des canards au posé.
D’autres produits sont encore proposés sur le marché avec toutefois des densités moindres que
celles du plomb voire de l’acier, le bismuth (9,8) ou l’étain (7,3).
Dans les deux cas, les prix sont plus élevés que ceux de l’acier : entre 0,65 et 0,75 € pour le
bismuth ; entre 0,35 et 0,50 € pour l’étain.
L’avantage du bismuth est de permettre des billes régulières ce que ne permet pas l’étain.
- Le problème des normes CIP
Ces normes sont de nature communautaire et les chasseurs de gibier d’eau français savent
combien une directive communautaire est incontournable.
Pourtant toutes les cartouches à la grenaille d’acier disponibles actuellement sur le marché (en
provenance des USA ou de Grande Bretagne) ne respectent pas ces normes CIP en ce qui
concerne la dureté (les normes américaines SAMI sont plus élevées). Donc, les 8 pays de
l’Union Européenne qui ont aujourd’hui interdit le tir à la grenaille de plomb sur les zones
humides et préconisent le tir à la grenaille d’acier ne respectent pas les dispositions du droit
communautaire. La France s’apprête à faire de même en 2005 si, d’ici là, ces normes ne sont
pas changées !
Difficile à croire quand on sait toutes les difficultés rencontrées sur le même terrain pour
quelques jours de chasse en août ou en février. Intéressant à savoir toutefois.
L’enjeu n’est pas mince notamment en terme de responsabilité en cas d’accident. Qui paiera ?
Qui sera responsable ? Ministère ? Encartoucheurs ? Chasseurs ?
L’échéance 2005 risque fort d’être remise en cause pour cet aspect normatif fondamental,
mais nous n’en sommes pas encore là.
D’autant qu’il faut encore savoir que, pour l’instant, seules les munitions en calibre 12 ont été
testées et qu’aucun résultat n’est envisagé pour les calibres 16 et 20 avant 2005 ! Cette fois-
ci : « Au feu les petits fusils ! » Quant aux calibres encore plus petits, ce n’est même pas la
peine d’y songer.
- La taille des billes
Dernier point mais pas le moins intéressant qui nous renvoie aux données sur les densités des
différents matériaux proposés : le diamètre des grains proposés.
Evidemment, pour une densité équivalente à celle du plomb, le grain utilisé sera de la même
taille. Par contre, pour une densité moindre, le grain devra être plus gros pour (à vitesse
équivalente) retrouver la même énergie cinétique, en phase avec le poids (Rappel pour les
matheux : e = ½ mv2 , e = énergie, m = masse, v = vitesse).
Pour l’acier, il faut donc se situer à peu près 2 tailles au-dessus du grain de plomb (On
retrouve à peu près nos 20 % d’écart). Le tireur de grains de plomb n° 7 devra donc passer au
5 acier pour retrouver une quasi-équivalence arithmétique. Néanmoins, au niveau du nombre
de grains, ce n’est pas tout à fait la même chose : 350 grains de plombs n° 7 dans une charge
de 32 gr pour 250 grains d’acier n° 5 (Un peu plus de 280 grains avec une 36 g).
En matière de pénétration des grains, on retrouve aussi certaines différences : avec une
pénétration de référence pour le plomb de 100, on n’est qu’à 68 avec le fer doux.
Mais tout cela est peut être compensé par la meilleure qualité de la gerbe de l’acier dont les
billes sont très régulières par rapport à celle du plomb dont les grains sont plutôt cylindriques
que ronds.
Par ailleurs, cette qualité de la gerbe, avec notamment une forte densité au centre, compense
partiellement la perte des chokes des canons.
Tout cela n’est toutefois réellement valable que jusqu’à une distance de 30 m, 35 m
maximum.
- L’impact sur les prélèvements et sur les chasseurs
Généralement, il faut 2 à 3 ans pour que les chasseurs de gibier d’eau maîtrisent et absorbent
le passage du plomb à l’acier (Pas de problème pour les alliages de tungstène et le bismuth).
Au départ, beaucoup d’oiseaux blessés et perdus, peu ou moins de gibier dans le carnier.
Avec l’acier, il faut en effet apprendre à tirer moins loin, beaucoup moins loin.
Trente mètres est un maximum ; à 40 m, c’est le coup de longueur, très aléatoire avec
beaucoup de risques de blessures et d’oiseaux perdus.
Le temps d’adaptation est plus ou moins long selon les personnes et selon les conditions de
« concurrence cynégétique. »
Beaucoup risquent de raccrocher le fusil à cette occasion soit à cause du problème d’armes,
soit à cause du coût des munitions, soit à cause de la baisse des prélèvements. Aucune étude
n’a jamais été menée sur le sujet.
Il semble toutefois qu’au bout des 3 ans, ceux qui ont réussi à passer le cap et ont appris à tirer
plus près ne s’en porteront pas plus mal. A voir… en 2008 peut être.
A noter toutefois, pour conclure, que lors de tests à l’aveugle réalisés par l’ONCFS (le
chasseur ne sait pas s’il tire de l’acier ou du plomb), aucune différence notable n’a été révélée
au niveau des prélèvements.

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