La flibuste en Caraïbes (XVII-XIX) : une violence

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La flibuste en Caraïbes (XVII-XIX) : une violence
Victorien Lavou Zoungbo, Gélase Koumba et Marlène Marty, « La flibuste en Caraïbes (XVII-XIX) : une
violence inaugurale différée dans le champ des études hispaniques et hispano-américaines » dans
ZEVALLOS-AGUILAR Ulises Juan, GIMENEZ MICO, José Antonio [Coord.] Revista Canadiense de
Estudios Hispánicos n° 34.1 “Imaginarios de la violencia”, Montréal, Canadian Association of Hispanists, 2010,
pp. 45-60.
LA FLIBUSTE EN CARAÏBES (XVIIEME -XIXEME) : UNE VIOLENCE INAUGURALE DIFFEREE DANS
LE CHAMP DES ETUDES HISPANIQUES ET HISPANO-AMERICAINES
VICTORIEN LAVOU ZOUNGBO, GELASE KOUMBA ET MARLENE MARTY
RESUMEN: Los programas de estudios, investigación y docencia, tanto en Francia como en otros
mercados universitarios, han dado por mucho tiempo la preferencia a la “gramática colonial”
imperial que permeaba la “invención” de las Américas (siglos XV-XIX). Esto explica, por
ejemplo, que en los departamentos de estudios hispánicos e hispanoamericanos otras “gramáticas
coloniales”, por lo demás íntimamente ligadas a la primera, hayan quedado en zaga, cuando no
son pura y llanamente diferidas o silenciadas. Ello ha de lamentarse por cuanto que participa del
fortalecimiento de esa visión reductora y parcializada de la Modernidad/Colonial en las
Américas. Nuestra aportación a este numero monográfico pretende llamar la atención sobre los
“efectos hermenéuticos” innegables que entraña el investigar sobre la “filibusteria”, como evento
interdiscursivo, desde las letras caribeñas (a través del ejemplo de Canto de gemido de Eliseo
Altunaga) y desde los discursos paradojales de las historiografías centroamericanas tocante al
surgimiento anacrónico de la “filibusteria” en la región centroamericana durante el siglo XIX (a
través del ejemplo de las guerras centroamericanas contra William Walker). Por ubicarse en el
cruce de razones políticas, económicas e imaginarias, la “filibusteria”, histórica o
fantaseada/reescrita, permite leer apuestas actuales del mismo índole en Américas/Caribe.
Victorien Lavou Zoungbo, Gélase Koumba et Marlène Marty, « La flibuste en Caraïbes (XVII-XIX) : une
violence inaugurale différée dans le champ des études hispaniques et hispano-américaines » dans
ZEVALLOS-AGUILAR Ulises Juan, GIMENEZ MICO, José Antonio [Coord.] Revista Canadiense de
Estudios Hispánicos n° 34.1 “Imaginarios de la violencia”, Montréal, Canadian Association of Hispanists, 2010,
pp. 45-60.
PRESENTATION GENERALE ET PRESUPPOSES HERMENEUTIQUES
Au fondement de notre communication se trouve un constat indéniable : la participation
de la flibuste à l’« invention » violente des Amériques/Caraïbes n'est pas prise en compte par les
« agendas » des départements d'études hispaniques et hispano-américaines, en France, et
probablement, ailleurs dans le Tout-Monde (E. Glissant). Cette question reste actuellement le
privilège exclusif de la discipline histoire ou du cinéma hollywoodien et ses populaires figures de
pirates, hautes en couleur. Mais il y a aussi l’intérêt que lui portent les bandes dessinées, les livres
de jeunesse qui ont, à leur manière, contribué à asseoir dans l’imaginaire populaire le mythe du
pirate, successivement, fou furieux, va-t-en-guerre, violent, jouant de la ruse, fièrement
indépendant, etc. Le « différemment » dont il s’agit est regrettable pour au moins trois raisons.
D’une part, il est à peu près difficile d'aborder rigoureusement la pénétration européenne dans le
« Nouveau Monde » sans tenir compte de la « flibuste ». C'est, comme l'attestent certains
documents de l’époque mais aussi les travaux des historiens qui s'y consacrent, le « biais » par
lequel d'autres empires coloniaux (Angleterre, France, Pays-Bas principalement) vont contester (à
partir du XVIIème siècle) le monopole, supposément de droit divin, qu’avaient, jusque là,
l'Espagne et, dans une moindre mesure, le Portugal, sur les terres « découvertes » et à découvrir
des Amériques/Caraïbes.
Il y aurait donc deux « grammaires coloniales », liées et contradictoires, à prendre en
compte : celle de l’« Empire » et celle de la « Flibuste ». L’une était, par exemple, dans la logique
de la « territorialisation » et de la consolidation/déplacement des « frontières » coloniales tandis
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violence inaugurale différée dans le champ des études hispaniques et hispano-américaines » dans
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que l’autre était dans celle de la « déterritorialisation », fondamentalement. Les Caraïbes, de ce
point de vue, sont l’espace privilégié de la scène « flibuste ». On ne s’étonnera donc pas que les
textes littéraires de cette « Région du monde » (E. Glissant) soient, par exemple, beaucoup plus
réceptifs à la problématique de la flibuste que ceux du reste du continent; ces derniers étant plutôt
fascinés ou hantés par les logiques adossées à des Empires et les découvreurs/conquérants qui en
portaient le flambeau. Apporter une preuve comptable de ce que nous avançons serait malséant
tant les exemples sont nombreux et facilement indentifiables par tout un chacun impliqué dans les
champs de recherche et de production en littératures et en sciences humaines concernant les
Amériques/Caraïbes (revues, articles, cours de civilisation, films, centres de recherche, colloques,
congrès, thèses, etc.). Il est, par contre, fort intéressant de s’interroger sur les raisons,
imaginaires, politiques et herméneutiques, qui ont amené l’historiographie (au sens large)
hispanique et latino-américaine à privilégier le « chronotope » du bateau des découvreurs, à
différer celui du bateau de la flibuste et, dans une mesure encore plus large, celui du bateau
négrier.
Notre contribution à ce numéro monographique vise ainsi à (re)poser cette question.
D’autant plus que les logiques de conquêtes, de commerce et de pillages, au moyen de la force
brute et des déraisons juridiques les justifiant, lie intimement les deux « grammaires coloniales »
que nous évoquions précédemment : lettres de marque, délégation de course, partage des butins,
cession des terres et des titres, protections diverses, aides en-sous-main, etc. D’autre part, nous
avons remarqué, à l’instar d’autres chercheurs, qu’il prévalait encore, comme à l’époque de
l’émergence de la gloire et du déclin des « écumeurs de mer », une confusion terminologique,
autant dans la doxa populaire que dans la « Cité savante » (Linon-Chipon, Sophie 14-42), au sujet
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de la désignation des acteurs/dispositions réunis sous le terme générique de « flibusterie » ou par
celui de la « flibuste » que nous adopterons pour notre part. Ce terme recouvre en fait, à la fois,
un modus vivendi et un modus operandi qui permettent, relativement, de revenir sur cette
généricité (« flibusterie », des fois, « piraterie ») impropre à dire toute la complexité du
phénomène qu'il désigne globalement.
L’identification de William Walker et ses troupes, lors de l’épisode flibustier au XIXème
siècle en Amérique Centrale, en est une illustration saisissante. Bien que lui et ses troupes soient
désignés, prioritairement, comme des flibustiers, on retrouve, ça et là, des écrits dans lesquels ils
apparaissent comme des « boucaniers » ou comme des « pirates ». Vu que leur aventure partait
des États-Unis d’Amérique (USA) et bénéficiait, soit des complicités (dans les hautes instances
de l’État étasunien en construction), soit des ambivalences ou béances juridiques de l’époque,
sans compter l’idéologie du Destin manifeste qu’il professait, ne serait-il pas plutôt indiqué de les
assimiler aux corsaires ou alors aux pirates ? Quoi qu’il en soit, l’anachronisme historique
qu’incarnaient William Walker et sectateurs, permet cependant d’investiguer les multiples enjeux
nationaux, régionaux et transnationaux qu’induisait leur aventure. En outre, il y a aussi les enjeux
imaginaires liés à la représentation de la « flibuste » dans les littératures (caribéennes/latinoaméricaines) et dans les discours politiques fondateurs du XIXème sièclez en Amérique centrale.
Nous interrogeons, à titre indicatif, dans notre communication les exemples du roman d'Eliseo
Altunaga (écrivain cubain, noir), Canto de gemido (2005, 1ère 1984,) et la « Campaña Nacional »
(1856-1857) ou « Batalla de Rivas » ou encore « Guerra Nacional » contre les « flibustiers
esclavagistes de Walker » orchestrée par le Costa Rica, le Honduras, le Nicaragua, le Salvador, le
Guatemala.
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Dans le premier cas (le roman) on interroge le télescopage, une hypothèse provisoire de
travail, entre la situation des « pirates » et la dramatique situation des Cubains et, tout
particulièrement, celle des Noir-e-s, pendant la « période spéciale » que connut l’île (1990 - …).
Ces derniers devaient alors faire face à la crise économique mais aussi à une réactivation du
racisme à Cuba. Cela (re)pose la question de la citoyenneté mais aussi celle des fondements de
l’identité nationale imaginée de Cuba. Dans le second cas (les guerres), il s'agit de rendre compte
de la manière dont la victoire contre les « flibustiers » participe de l'idéologie national(ist)e
costaricienne et de la définition d'un Soi imaginé centraméricain. Cette campagne a été, depuis
longtemps, l’objet privilégié de représentations « imaginaires » (littérature, arts, hymnes, manuels
scolaires, chansons, etc.) avant de faire l’objet de recherches historiques à proprement parler. Sur
ces deux points il nous importe de poser la « flibuste » (sa représentation littéraire dans le roman
d’Eliseo Altunaga mais aussi les constructions discursives autour des guerres centraméricaines
contre les flibustiers de William Walker) comme un évènement interdiscursif. Cela implique
donc, à différents niveaux, des questions de l’identification, de la constitution et de
l’interprétation des « faits » qui y sont liés mais aussi celle de différents points de vue à partir
desquels la « flibuste » est saisie, appréhendée. Ces points de vue, nécessairement contradictoires
car socialement situés, réactivent des problématiques croisées d’invasion, de domination, de
libération politique mais aussi d’identité.
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REPRESENTATION
DE LA FLIBUSTE DANS
CANTO
DE GEMIDO D’ELISEO
ALTUNAGA :
ENJEUX
IDENTITAIRES ET POLITIQUES
Globalement, la flibuste désigne les activités de pillage terrestres et navales exercées par
différentes catégories d’aventuriers occidentaux en Caraïbes au XVIIème siècle. Parmi celles-ci,
on distingue les pirates, les flibustiers, les boucaniers et les corsaires. Mais quelle différence peuton ou doit-on faire entre ces aventuriers ? Une question importante dans la mesure où il y a dans
ce roman une interchangeabilité de ces aventuriers. On définit un pirate comme un écumeur des
mers qui court, sans commission d’un prince ou d’un État, pour voler ou piller les bateaux pour
son propre compte. C’est un ennemi du commerce maritime, il est intéressé exclusivement par le
goût du profit (Manuel Lucena Salmoral 141). En ce sens, les Ibériques considéraient comme
pirate tout marin étranger présent dans les mers nouvellement découvertes. Née en Europe avant
la découverte du Nouveau Monde, la figure du pirate se confond avec celle du flibustier apparue
en Caraïbes dans la première moitié du XVIIème siècle. Son nom dérive du néerlandais vrijbuiter
qui signifie littéralement « libre faiseur de butin ». Intimement lié à son origine géographique, le
flibustier est indissociable de l’invention violente des Amériques/Caraïbes. Autrement dit, tout
comme les pirates, les flibustiers sont aussi, en Caraïbes, des écumeurs de mer qui courent sans
commission aucune, pour voler ou pour piller les galions espagnols chargés d’or, pour leur propre
jouissance. Ainsi, en Caraïbes, pirate en est-il venu à signifier flibustier.
Ces deux figures d’aventuriers diffèrent toutefois de celle du corsaire qui, lui, bénéficie
des commissions et n’agit que pour le compte d’un souverain ou des empires coloniaux qui le
commanditaient (Pierre Moreau 20). Il jouit ainsi, contrairement, aux deux autres figures
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évoquées, d’une reconnaissance juridique officielle des États ou des empires coloniaux pour
lesquels il travaillait. Son rôle consiste à piller tout navire ennemi et à ramener de sa campagne
de butins utiles à son pays ou au gouverneur en Colonie qui le représentait. Par ailleurs, ces trois
catégories d’aventuriers se distinguaient des boucaniers qui, selon Olivier Exquemelin, étaient,
dans cette première moitié du XVIIème siècle, des chasseurs d’animaux sauvages (porcs ou bœufs)
à Saint Domingue dont ils vendaient le cuir et la viande après les avoir enfumés. Pour les
Français qui s’installent à Saint Domingue au cours de cette période, le verbe « boucaner » est
donc une manière de sécher, héritée d’une pratique culturelle des Indiens caraïbes. Ainsi, le terme
boucanier désigne-t-il celui qui fait boucaner de la viande ou celui qui vit de la viande apprêtée
de la sorte. On a appelé ainsi, selon Olivier Exquemelin, les Français de l’île de Saint Domingue
alors qu’ils étaient des vagabonds, sans maison et se livrant à cette pratique (Alexandre Oexmelin
15).
Aussi distincts fussent-ils, nous remarquons cependant que ces aventuriers partageaient
tous le même objectif qui est la contestation, en Caraïbes, du monopole commercial espagnol
(Traité de Tordesillas de 1493). Par ailleurs, si l’historiographie officielle semble établir une
distinction claire entre ces différentes figures d’aventuriers, dans Canto de gemido, roman
d’Eliseo Altunaga (un écrivain noir cubain (1941 - ), elles se confondent et se superposent au gré
des circonstances et des bénéfices qu’elles peuvent en tirer.
Publié en 1988, Canto de gemido (Eliseo Altunaga) renvoie au XVIIème siècle; une époque
marquée, à Cuba surtout, par le début du trafic négrier, la réduction des Noirs en esclavage dans
les plantations en Caraïbes et par l’émergence de la flibuste. Toute l’île de Cuba, et
singulièrement la Havane et Santiago de Cuba, devint une cible privilégiée de la flibuste. On peut
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se demander pourquoi l’auteur réactive dans son roman toutes ces mémoires, particulièrement
celle de la flibuste, dans les années 1980, une période marquant le début de l’effondrement de
l’Union Soviétique, par ailleurs, principal partenaire politique et économique de Cuba. Compte
tenu des contraintes éditoriales, il nous est difficile de nous intéresser à toutes ces mémoires.
Nous indiquerons seulement comment, dans Canto de gemido, la figuration de la flibuste en
Caraïbes au XVIIème siècle, recoupe des enjeux politiques officiels mais aussi ceux liés à la
revendication identitaire des Noir-e-s à Cuba. Il est à remarquer que dans le roman l’accent est
davantage mis sur les boucaniers que sur d’autres figures d’aventuriers (André de la Côte, Félix
de la Côte et d’autres « porteurs des tares sataniques » comme Michel Terreur de la Peur
(littéralement traduit). Ces boucaniers sont représentés, à la fois comme des pirates, des
flibustiers ou des corsaires au service (quelques fois) des empires coloniaux en expansion et dont
les intérêts respectifs s’opposaient.
Eliseo Altunaga insiste sur ce fait dans Canto de gemido; il souligne les dangers
permanents auxquels s’exposaient ces aventuriers qui, lorsqu’ils n’étaient pas commandités, se
retrouvaient fatalement confrontés à d’autres aventuriers de mer. Quoiqu’il en soit, dans leurs
aventures, ils s’en prenaient aussi avec violence aux symboles religieux, fondateurs du pouvoir
espagnol en Caraïbes. Le pillage et la destruction des églises dans les îles de Campêche et de
Providence constituent, dans le roman, une illustration de cette violence brute qui permet donc à
ces aventuriers de ponctionner, comme les Empires coloniaux, les richesses extraites des
Caraïbes. La perte ou la cession de certaines îles comme la Jamaïque, la Barbade, la Providence
au profit de l’Angleterre ou de celles de Curaçao et de Saint Domingue au bénéfice,
respectivement, de la Hollande et de la France eut lieu dans ce contexte de violence coloniale
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démultipliée. Le sème de la violence structure en effet profondément le roman: territoires
disputés par les différents Empires coloniaux, pillages et destruction par les flibustiers de certains
territoires espagnols, à l’instar du Panama par Henry Morgan et ses troupes.
L’érection, au XVIIème siècle, de nombreuses fortifications autour des grandes villes
côtières, telles que Santiago ou la Havane, capitale de l’île et clé du Nouveau Monde, car c’est
par cette colonie où transitaient les bateaux et les richesses en partance pour l’Espagne, témoigne
aussi de l’angoisse et de l’obsession liées aux attaques répétées et systématiques des flibustiers.
En dépit de la distinction que l’on doit faire entre les « deux grammaires coloniales » dont
il a été antérieurement question, on remarque néanmoins qu’elles sont reliées par les intérêts
économiques, par la domination et la soumission des populations locales, l’asservissement des
Indiens et la traite et l’esclavage des Noirs. Néanmoins, ces « deux grammaires coloniales » se
distinguent nettement par la forme d’économie qu’elles impliquaient. Alors que les Empires
coloniaux s’adonnaient à une économie d’accumulation, les flibustiers étaient, quant à eux,
adeptes d’une « économie de consumation » (Georges Bataille). Ainsi, contrairement aux
Empires qui pillaient et déterritorialisaient les richesses des Caraïbes vers l’Europe, les flibustiers
consumaient les leurs sur place. Rares sont des exemples qui contredisent ce constat historique.
Dans Canto de gemido, l’exemple de la taverne, « le soleil d’or », située dans l’île de la
Tortue, véritable repaire historique des flibustiers, est à cet effet significatif. Les flibustiers y
dépensent sans compter et gaspillent tout leur butin (alcool, filles de joie, paris fous et insensés,
etc.). Du fait de ce genre d’économie et de leur enfermement/implantation en Caraïbes, les
flibustiers apparaissent dans le roman comme les véritables habitants occidentaux des Caraïbes,
participant à la structuration violente de l’identité des territoires de ces « nouvelles Régions du
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monde » (E. Glissant). Un aspect sur lequel l’historiographie coloniale ne semble pas mettre
l’accent, privilégiant plutôt la perspective des « bâtisseurs » liés aux empires coloniaux.
Eu égard à ce qui précède, on peut dire qu’Eliseo Altunaga appréhende la flibuste non pas
comme un « fait historique » mais comme un événement interdiscursif. Cela permet de (re)poser
la question des fondements réels de la société cubaine et reposer, par là même, la question de la
place qu’y occupent les Noir-e-s. Un double questionnement certainement déterminé par les
effets/méfaits de la période dite spéciale.
La figure du pirate devient ainsi une médiation permettant de mettre l’accent sur la
persistance de la marginalisation des Noir-e-s à Cuba. Autant les pirates ont été
discriminés/méconnus par les empires coloniaux, malgré leur participation active à l’invention
des Caraïbes (souvent au profit de ces mêmes empires), autant les Noir-e-s connurent un sort
identique dans les années 1980/1990 et ce en dépit de leur soutien indéfectible à la Révolution
castriste de 1959. D’autant plus que, contrairement à ce que le discours officiel laissait entendre,
la période spéciale accentua les inégalités socio-économiques et renforça la discrimination raciale
dans l’île.
Les Noirs, en général, furent les principales victimes des effets de cette crise. Leurs
pratiques culturelles furent, soit dévaluées, soit galvaudées en folklore; ils furent mis en marge
des secteurs « dollarisés » de l’économie nationale cubaine. En dehors du « jineterismo »
généralisé de l’époque auquel ils/elles participaient, les Noir-e-s se sentirent exclu-e-s des
secteurs ou règne le dollar (activités liées au tourisme, installation des entreprises privées). Pour
prétendre à un emploi, il fallait, par exemple, montrer patte blanche, avoir une « buena
presencia », un euphémisme qui, d’après Alejandro de la Fuente, es una expresión racializada
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que está basada en la creencia de que la negritud es sinónimo de fealdad y de que los negros cualquier que sea su instrucción formal- carecen de modales apropiados, de nivel cultural y de
educación en sus relaciones sociales (Alejandro de la Fuente 439). La période spéciale réactiva
les préjugés raciaux à l’encontre des populations noires. D’où l’expression spontanée des tensions
le 5 août 1995 (Alejandro de le Fuente 451) dans le Malecón, un des quartiers de la Havane
largement peuplé de Noir-e-s. Malgré le discours officiel sur l’intégration raciale réussie de Cuba,
les Noir-e-s demeurent encore des citoyens différés (V. Lavou Zoungbo). La période spéciale, de
ce point de vue, mit en exergue les limites de la politique révolutionnaire, son impuissance à
juguler réellement le racisme et la discrimination sociale.
Outre cette première hypothèse au sujet de la projection de la situation des flibustiers
(bâtisseurs méconnus, méprisés) sur celle des Noir-e-s pendant la période spéciale, il est à se
demander si la figuration de la flibusterie dans le roman n’est pas aussi le signe de l’obsession
réelle ou fantasmée de la menace d’intervention des États-Unis à Cuba. Les USA seraient ainsi
dans la situation de la flibuste car ils profiteraient de la profonde crise économique et de ses
conséquences sociales (ras-le-bol et ressentiment global des populations cubaines, etc.) pour se
jeter sur le butin- Cuba, convoité depuis des lustres. En effet, depuis le triomphe de la
Révolution, les Cubains vivent dans la hantise d’une invasion militaire des États-Unis, une
crainte accentuée et justifiée par la présence, déjà ancienne, d’une base militaire usaméricaine à
Guantanamo. En outre, les USA, à plusieurs reprises, tentèrent de ruiner la Révolution, espérant
ainsi faire ainsi basculer Cuba dans leur sphère d’influence. La période spéciale, comme à
l’époque de la politique dite du « fruit mûr » qui justifia leur intervention en 1898 à Cuba, arrivait
donc à point nommé pour réaliser leur dessein politique visant à reprendre le contrôle
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économique et politique de Cuba. Et ce d’autant plus que l’Union Soviétique, jusque l’à
indéfectible allié de la Révolution, se retrouvait exsangue économiquement et affaiblie
politiquement.
Pendant cette période spéciale, les États-Unis ont multiplié, par différents biais des actes
terroristes contre Cuba et ses intérêts. Certains de ces actes se soldèrent par l’assassinat de
certains hauts gradés de la Police Nationale, par la violation systématique de l’espace aérien
cubain, les provocations orchestrées par l’Ambassade des USA à la Havane (appel au
soulèvement, par exemple), etc. Pour le régime castriste et une partie de la population cubaine,
les États-Unis représenteraient alors, telle celle de la flibusterie à l’époque, une menace capable
de rompre les équilibres internes, ouvrant ainsi la voie à une période postrévolutionnaire pleine
de dangers et d’incertitudes.
Qu’elle soit réelle ou fantasmée, cette obsession de l’invasion usaméricaine fait partie
intégrante de la politique officielle.de Cuba. Persuadés que les Américains voulaient s’approprier
l’île ou, du moins, imposer leurs intérêts à la Patrie, les sectateurs de la Révolution redoutaient la
fin du Castrisme qui serait alors synonyme de chaos, d’iniquités et de renoncement aux idéaux
patriotiques. De ce point de vue, dans l’imaginaire populaire des Cubains, les États-Unis seraient
comparables aux pirates.
Au terme de cette lecture provisoire de Canto de gemido, il nous semble qu’Eliseo
Altunaga jette un nouveau regard sur la mémoire de la flibusterie dans la mesure où cette
mémoire est projetée doublement sur des enjeux à la fois politiques (hantise de l’impérialisme
yanqui assimilé à la flibuste) et identitaires (questionnement des fondements de l’identité
nationale cubaine imaginée, persistante marginalisation des Noir-e-s, etc.) dans le Cuba
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contemporain. Une double projection qui justifie, d’après nous, l’intérêt d’inscrire la flibuste, en
tant qu’évènement interdiscursif, dans le champ des études et de recherche littéraires caribéennes,
latino-américaines et hispaniques.
LES
GUERRES
CENTRAMERICAINES
CONTRE
WILLIAM
WALKER :
DISCOURS
HISTORIOGRAPHIQUES, CONSTRUCTIONS DISCURSIVES ET POLITIQUES
Comme la flibuste, l’histoire de l’Amérique Centrale ne souffre pas moins d’une élision
dans les enseignements et dans le champ des études hispaniques et hispano-américaines en
France. La complexité de la formation culturelle et raciale de la « región centroamericana »y est
réduite, par exemple, à l’héritage maya très prisé et, pour ainsi dire, exclusivement privilégié. La
construction du Canal de Panama s’y inscrit, quelques fois, et permet, apparemment, de saisir les
enjeux stratégiques cruciaux qui lient l’Amérique dite latine, les États-Unis et le monde.
Amérique dite « latine » ou Amérique centrale ? Certains trouveront la distinction absurde quand
d’autres la jugeront fondamentale. Les historiens centraméricains ont réalisé de nombreux
travaux, d’une qualité remarquable, pour prétendre nier une spécificité centraméricaine au regard,
non pas d’une Amérique latine « une » et homogène, mais d’une Amérique territorialement et
imaginairement soudée. Sur les sept pays qui composent l’Amérique centrale, seul le Salvador ne
possède pas de façade maritime atlantique et seul le Belize n’en possède pas une sur le pacifique;
ce qui signifie que ce « cordon ombilical » (E. Glissant) terrestre, les Caraïbes continentales,
trempe dans les mêmes eaux que les Caraïbes insulaires.
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violence inaugurale différée dans le champ des études hispaniques et hispano-américaines » dans
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Fransisco Escobar disait « Nosotros los centroamericanos estamos marcado por un destino
canalero » (Patrick Boman 67). Intimement lié à l’histoire de la flibuste, le destin de l’Amérique
centrale fut, par ailleurs, cimenté par la recherche effrénée d’une percée transocéanique. Dès la
conquête, nombre de projets frustrés se multiplièrent et Charles Quint fut l’un des premiers
instigateurs de ce qui à l’époque ne constitua qu’une idée. Il fallut attendre le début du XIX ème
siècle et le naturaliste Humboldt qui présenta neuf tracés possibles (de l’isthme de Tehuantepec,
au nord, à celui de Darien, au sud) pour que ce projet apparaisse réalisable. Dès lors, ambitions,
convoitises et accords de toutes sortes virent le jour. Le commodore américain Cornelius
Vanderbilt (1794-1877) parvint à la signature d’un accord entre Granada (au Nicaragua) et
l’American and Pacific Ship Canal Company, qui venait d’être créée. Douze années furent ainsi
octroyées à la société pour le percement d’un canal au Nicaragua : la fameuse « ruta de tránsito
interoceánico » aux abords de l’isthme de Rivas reliant le « Río San Juan » au sud et le « Lago de
Nicaragua » au nord. Mais Américains et Britanniques n’étaient pas prêts à se faire de
concessions. En avril 1850, John Clayton, Secrétaire d’État des États-Unis et Henry Bulwer,
Ambassadeur britannique, signaient à Washington le Traité Clayton-Bulwer qui garantissait la
libre communication interocéanique sur l’isthme. Il convient d’ajouter que les autorités
costariciennes sollicitèrent la collaboration du Gouvernement de Sa majesté la Reine Victoria
pour poursuivre et garantir leurs exportations de café, alors principale ressource du pays. En avril
1852, les gouvernements anglais et nord américains signèrent le Traité Webster-Crampton qui
sommait le Costa et le Nicaragua de régler au plus vite leur dissension limitrophe qui déstabilisait
la zone, retardant le projet du canal interocéanique. Mais les discussions entre le Costa Rica (CR)
et le Nicaragua (N) s’interrompirent lorsqu’une guerre civile secoua violemment le N en 1854.
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Le pays était alors dirigé par deux présidents : le démocrate libéral (ville de Leon) Fransisco
Castellón et le légitimiste, conservateur, Frutos Chamorro (ville de Granada). En décembre 1854,
le gouvernement de Castellón signa un « Contrato de Colonización » avec l’aventurier nordaméricain Byron Cole (alors très attiré par les mines d’or du Honduras et du N en vue d’une
collaboration militaire visant à combattre l’ennemi conservateur. Cette « Falange democrática »,
comme Castellón la baptisa, ne se fit pas attendre. L’arrivée des flibustiers sur le territoire
nicaraguayen étant imminente, Cole céda son contrat à William Walker qui le 16 juin 1855
débarqua à Realejo avec ses « cinquante-huit immortels » (Ande 121). Les revendications de ce
dernier se firent rapidement très précises, dans le même temps la politique expansionniste nordaméricaine devenait ostensible. Pour Walker et ses hommes, il s’agissait clairement de contrôler
de la « route de transit », non loin de la ville de Rivas, proche de celle de Realejo. Cette dernière
permettrait de relier le N (de San Juan del Norte [actuel Greytown] jusqu’au Lac Nicaragua, puis
de San Juan del Sur jusqu’au port de San Francisco) à la Californie dont les mines d’or éveillaient
l’intérêt des aventuriers de tout acabit mais aussi des grandes puissances mondiales.
Lors de ce mois de juin 1855, se déroula la première, et peu connue, « Batalla de Rivas »
où les troupes de Walker furent vaincues, les conservateurs ayant été prévenus de l’assaut. Le
« contrat de colonisation » fut annulé et Walker obtint l’autorisation de recruter trois cents
volontaires. Une pandémie de choléra s’abattit sur le N et l’armé légitimiste, sur le point
d’attaquer la ville de Léon, fut contrainte de se retrancher à Granada. Il importe de souligner que
dès l’« arrivée » des troupes de Walker au N, moyennant salaire et autres avantages, nombre de
Salvadoriens, de Nicaraguayens, de Honduriens, de Guatémaltèques, d’Européens, de Nord-
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Américains et de Jamaïquains choisirent d’intégrer les rangs des flibustiers. En face, la faction
résistante s’organisa plus lentement et laborieusement.
Les présidents Chamorro et Castellón décédèrent respectivement en mars et septembre
1855, le dernier des suites du choléra. Le Sénateur José María Estrada succéda à Chamorro et le
commandement des troupes conservatrices revint à Ponciano Corral. Le 13 octobre 1855, les
troupes de Walker assiégèrent Granada et s’emparèrent de la ville. Cette prise constitua
indubitablement le plus grand fait d’armes de Walker. La municipalité de Granada proposa la
présidence provisoire de la ville au flibustier qui refusa (sous la pression du gouvernement nordaméricain de Franklin Pierce, et les réprobations des gouvernements européens et péruviens,
entre autres), préférant confier cette fonction à son opposant Corral. Walker s’autoproclama chef
d’état-major. John Hill Wheeler surnommé « l’Ambassadeur des Flibustiers », propriétaire
d’esclaves, ancien parlementaire de Caroline du Nord, devenait représentant de Grenade à
Washington. Le 23, un accord fut signé : Patricio Rivas (libéral-démocrate) serait président
provisoire, Corral ministre de la Guerre et Walker commandant en chef.
Le président légitimiste, José María Estrada, rejeta cet accord et en appela à l’intervention
étrangère. Le gouvernement provisoire hondurien (après la chute de Trinidad Cabañas [18521855]) de Santos Guardiola (légitimistes-conservateurs), dit « Le Tigre » ou « Le Boucher »,
perplexe, reconnut le tandem Rivas-Walker; les Salvadoriens en firent de même. Ponciano Corral
se rendit rapidement compte qu’il était victime d’une manœuvre des flibustiers; il s’adressa, par
l’intermédiaire de Tomas Martínez, chef de l’armée légitimiste, à Guardiola afin de lui exprimer
ses inquiétudes. Le dévoilement de sa correspondance valut à Corral d’être reconnu coupable de
trahison; il fut condamné à mort par une cour martiale nord-américaine et fusillé à Granada en
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novembre 1855. Walker revendiquait alors le slogan « Five or none »; cela ranima les fantômes
de la fédération centraméricaine défunte que tous les dirigeants centraméricains abhorraient alors.
Le guatémaltèque, Rafael Carrera (président à vie) et le Salvadorien Rafael Campos ne
prenaient encore pas officiellement part au conflit. Seul le Costaricien, Juan Rafael Mora Porras,
alias « Don Juanito », négocia avec les Britanniques et obtint un bâtiment de guerre et des armes.
A cette époque, le N et le CR se disputaient le Guanascate, une province rattaché au CR depuis
1824, mais que Walker revendiquait. Cette dispute marqua le début de la « Campaña Nacional »
ou « Campaña del Transito » (selon l’historiographie costaricienne). Nous reviendrons sur les
enjeux de ces appellations historiques. José Joaquin Mora (frère du président), apprenant que le
gouvernement de Patricio Rivas venait de déclarer la guerre au CR, se mit à la tête de trois mille
soldats (une armée improvisée et mal équipée) et déclara la guerre aux flibustiers. Le 20 mars,
ces derniers qui occupent, depuis la veille, l’hacienda de Santa Rosa, seront évincés lors de la
« Batalla de Santa Rosa » ou « Batalla de Catorce minutos ». Les Costariciens, pénétrèrent au N
afin de poursuivre ce qu’ils considéraient comme « la deuxième indépendance des nations
centraméricaines ». S’en suivirent nombre de batailles, les unes reconnues et/ou passées sous
silence par l’historiographie costaricienne, les autres par celle du N et celle des États-Unis.
Afin de ne pas nous étendre sur le détail des batailles, nous citerons chronologiquement
celles qui ont été instituées (même encore de nos jours) en revendications nationales voire
nationalistes. Après la « Batalla de Santa Rosa », eut lieu (le 11 avril 1856) la deuxième « Batalla
de Rivas », durant laquelle les Costariciens, Juan Santamaría et Fransisca Carrasco Jiménez,
auraient fait preuve d’un patriotisme sans égal; ils finirent par être érigés, quelques décennies
plus tard, au rang d’héros nationaux (Marty 129-139). Malgré la victoire des troupes de Mora (les
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historiens sont unanimes sur cette question), William Walker annonça que les Costariciens
s’étaient enfuis puis il déclara son triomphe à Granada. Après une élection présidentielle
frauduleuse qui eut lieu en juillet, Walker devint président du N; il prêta sermon, en anglais, sur
la Bible, le 12 juillet. Le 14, l’anglais fut décrété langue officielle, au même titre que l’espagnol.
Deux jours plus tard, les biens des « traîtres » furent spoliés. Le 18 juillet, un traité réunissant le
Honduras, le Salvador et le Guatemala, décida de combattre le régime de Walker; le CR, ne
ratifia pas ce traité.
Patricio Rivas, de plus en plus inquiet, déclara Walker « traidor y enemigo de Nicaragua »
et appela à lutter contre l’envahisseur; Estrada, qui restait sur ses positions, soutint cet appel. Le
12 septembre, les nicaraguayens, toutes tendances politiques confondues, signèrent le « Pacto
Providencial » qui mit un terme à la guerre civile et officialisa la « Guerra Nacional » (selon
l’historiographie nicaraguayenne) contre les flibustiers. Le 14 septembre 1856, lors le la « Batalla
de San Jacinto », les forces nicaraguayennes réunies et leurs alliés centraméricains, infligèrent
une cuisante défaite aux flibustiers. Pour Walker il n’en fut rien; au Texas, il célébra le San
Jacinto de Sam Huston tandis que le 14 septembre devint la fête nationale au N. Le 22 septembre,
afin de traduire en acte le « destin manifeste » qu’il défendait, Walker rétablit l’esclavage (que les
Provinces-Unies avaient aboli en 1823). Il s’en expliqua ainsi :
The introduction of negro-slavery into Nicaragua would furnish a supply of constant and
reliable labor requisite for the cultivation of tropical products. With the negro slave as his
companion, the white man would become fixed to the soil; and the together would destroy
the power of the mixed race which is the bane of the country. (Walker 99)
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Le décret de Walker révéla son intentionnalité criminelle car, même chez les Sudistes des
États-Unis, les incertitudes au sujet de la perpétuation de l’esclavage des Noir-e-s étaient
palpables; la Guerre de Sécession (1863-1865) l’illustrerait par la suite. D’octobre 1856 à avril
1857, ce fut un désordre général, alliés et flibustiers ne cessaient de s’attaquer sans qu’aucune
victoire, nette et définitive ne se dessinât. A San José (CR), l’anglais William R.C. Webster, au
nom de Vanderbilt, proposa au président costaricien de l’aider à défendre les vapeurs fluviaux du
San Juan et lui accorda un prêt en échange de droits futurs sur la navigation (ceci entraîna la perte
de Mora que l’on accusa de vouloir, même avant l’épisode des flibustiers, s’emparer de la voie
d’eau).
Les Costariciens dominaient alors le transit et José Joaquin Mora fut désigné général en
chef des troupes alliés. Le 15 avril, le major costaricien Juan Estrada rencontra Charles Henry
Davis qui le 30, en tant que médiateur, eut un entretien avec le général Mora : les Costariciens
étaient disposés à garantir la sécurité de Walker s’il capitulait et quittait le pays. Le 1er mai 1857,
Walker se livra à Rivas. Il entreprit cependant une deuxième expédition contre le Nicaragua en
novembre 1858 ; lâché et cerné, il se rendit, en décembre, au gouvernement des États-Unis.
Enfin, début août 1860, Walker et ses flibustiers s’emparèrent temporairement de la ville de
Trujillo (Honduras); défait par la résistance il se rendit aux autorités britanniques qui le livrèrent,
malgré lui, aux Honduriens qui le jugèrent. Il fut fusillé le 12 septembre 1860. La même année,
au CR, José Maria Montealegre, riche planteur de café, destituait Juan Rafael Mora qui venait
d’entamer un troisième mandat. Ce dernier connut, au Salvador où il était refugié, une fin
tragique.
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La reconstitution historique, un exercice malaisé, proposée ici visait avant tout à insister sur
les vicissitudes des guerres contre Walker et sur les enjeux qui y étaient liés; ces enjeux sont à
prendre au sérieux car ils expliquent les contradictions qu’on peut déceler dans les actes
commémoratifs et dans les oublis, plus ou moins programmés, voire dans certains « gestes
négationnistes ». Pour illustrer brièvement ces contradictions et/ou décalages, nous nous
arrêterons, sur les exemples du CR et du N Ces deux pays voisins centraméricains revendiquent
et se disputent (à travers leur historiographie nationale respective) la victoire contre l’envahisseur
flibustier. Dispute ou combat mémoriel ? Dans les deux cas, il ne s’agit pas de « violence brute »
(comme celle qui sévit durant les combats et les cadavres qui les ponctuèrent) mais davantage de
« violence symbolique » telle que la décrivait Pierre Bourdieu. Ce concept insistait
particulièrement sur les relations de domination qui s’exerçaient, de manière plus ou moins
consciente, à l’échelle des individus et des nations. Nous reproduisons une partie de la définition
que propose Bourdieu :
Les différentes classes sont engagées dans une lutte proprement symbolique pour imposer la
définition d’un monde social la plus conforme à leurs intérêts […] elles peuvent mener cette
lutte soit directement, soit par procuration, au travers de la lutte que se livrent les spécialistes
de la production symbolique et qui a pour enjeu la violence symbolique légitime, c'est-à-dire
du pouvoir d’imposer (voire d’inculquer) des instruments de connaissance et d’expression
(taxinomies) arbitraires (mais ignorés comme tels) de la réalité sociale (Bourdieu 206-207).
Au regard de cette définition on peut dire que dans la lutte symbolique d’identification et de
définition des guerres contre les flibustiers de Walker est inégale. Les instances de production du
savoir historiographique du CR sont en effet nettement plus développées et jouissent d’un
incontestable « capital symbolique » (P. Bourdieu). Que l’on revendique ou que l’on conteste ces
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« récits mémoriels », leur dimension d’inculcation n’en demeure pas moins opératoire.
Littératures (chroniques, poésies, romans) manuels scolaires (du primaire à l’université), arts
(peintures, sculptures), musiques, iconographies (armoiries, étendards), médias, sont autant de
relais qui contribuèrent à la construction « imaginée » et/ou « rêvée » des Nations. L’école,
comme Appareil Idéologique d’État (les célébrations des « éphémérides » nationaux, par
exemple, considérées comme des « démarches civiques » en Amérique Centrale), est un
instrument d’expression très puissant où la taxinomie joue, en outre, un rôle prépondérant. Pour
une même période, marquée par des « faits » historiquement « avérés », diverses désignations
sont convoquées et employées : « Primera y Segunda Campaña Nacional » au CR, et « Guerra
Nacional » pour le N Une même période, il convient de rappeler car nombre d’historiens le
taisent, ne présuppose pas une périodisation identique.
Pour le CR, les campagnes nationales renvoient, comme l’adjectif national l’indique, à
l’interventionnisme national (« Batalla de Santa Rosa » (CR) mais aussi « Batalla de Rivas » [N])
et le discours national(iste) revendique, haut et fort, un triomphe (quasi exclusif) sur les
flibustiers. Au N, le point de départ de la guerre nationale (par opposition à la guerre civile) en
est le « Pacto Providencial ». Au CR on célèbre (dans les manuels scolaires, dans les salles de
classe, dans les musées, etc.) les héros libérateurs Juan Santamaría et Pancha Carrasco et l’on
commémore les batailles de Santa Rosa et Rivas alors qu’au N on célèbre le héros José Dolores
Estrada Vado qui se distingua lors de la bataille de San Jacinto. Tels des martyrs, les « gestes » de
ces personnages furent magnifiés bien que leur matérialité fût pendant longtemps contestée.
L’historien costaricien Victor Hugo Acuña Ortega, aborde la question de la traduction par
l’historiographie des deux « vertientes del recuerdo » et rappelle que les livres et manuels
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d’histoire concernant cet épisode flibustier sont, pour la plupart, des œuvres de commande.
L’érection, au CR, du tambour Juan Santamaria en icône national, au détriment de la figure de
Mora, pour ne citer que cet exemple, traduit assez la « violence symbolique » dont parle
Bourdieu; cela repose aussi la question, toujours lancinante, de l’objectivité de l’historiographie
national(ist)e, tant les « mythes » qu’elle porte et diffuse croisent, de facto, des intérêts de
classes, des assignations à faire Nation. Avant de conclure partiellement, il est nécessaire
d’insister sur ce que signifia la « flibusterie » en Amérique centrale et son impact sur les
mémoires collectives de l’époque. Masse informe et anonyme qui terrorisa les habitants de cette
« Région du monde » (E. Glissant), les flibustiers (et/ou les troupes de Walker) furent à l’origine
d’un cataclysme qui, paradoxalement, s’avéra fédérateur : la défense de l’indépendance
centraméricaine au moyen de la force et de la résistance. La violence s’expliqua par l’effroi
qu’inspirait l’envahisseur sanguinaire et esclavagiste; pour les centraméricains, ces aventuriers et
mercenaires inspirés par la doctrine Monroe et par le « Manifest Destiny » avaient le visage de la
Barbarie.
Le CR et le N ne sortirent pas forcément de cette histoire avec les visages de la Civilisation
(pour réinvestir un antagonisme de triste mémoire mais toujours opératoire). L’héritage de cet
épisode fut justement violent en conséquences actuelles dans la perception et l’auto perception
des deux pays. L’« exceptionnalité costaricienne » (une nation dont l’attribut définitoire serait la
paix) jouxte, ou s’oppose à, la « violence originelle » du Nicaragua (une nation dont l’attribut
définitoire serait le conflit).
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CLOTURE PROVISOIRE ET « EFFETS HERMENEUTIQUES »
Les deux exemples que nous avons abordés ici, soulignent l’importance mais aussi
l’intérêt qu’il y aurait à engager et à pérenniser, à partir des productions littéraires mais aussi à
partir des constructions discursives de l’histoire hétérogène des régions du « Nouveau Monde »,
des recherches autour de la flibuste. Le travail que nous avons conduit ici indique des « effets
heuristiques » tout aussi incontestables: la double projection que nous mettons en lumière dans le
roman d’Eliseo Altunaga mais aussi la hantise ou l’obsession de la flibuste (XVII-XIXèmes
siècles) qui réactive l’importance des États-Unis (ses représentants internes ou externes, ses
symboles, etc.) dans la définition politique d’un soi national caribéen, centraméricain ou latinoaméricain contemporain. Les crises économiques, politiques et de représentation liées, pour
partie, à la globalisation mais aussi la résurgence de l’utopie latino-américaniste (qui vit
justement jour au XIXème siècle), à travers certains leaders politiques actuels, concourent à
renforcer cette assimilation de l’impérialisme usaméricain à la flibuste. C’est ce que nous croyons
avoir identifié dans le roman Canto de gemido. Mais, en même temps, nous ferons remarquer que
la flibuste, ainsi que le montrèrent les guerres contre les flibustiers dirigés par William Walker,
joue un rôle d’analyseur des apories des projections officielles nationalistes, régionales ou
transnationales. Hier comme aujourd’hui, la flibuste (historique et/ou reconstruite) se situe donc à
l’intersection des enjeux politiques, économiques, fantasmatiques et des enjeux de
représentations poétiques mais aussi identitaires. D’où l’intérêt que nous entendons lui porter
dorénavant dans le programme de réflexion et de recherche du Groupe de Recherche et d’Etudes
des Noir-e-s d’Amérique Latine (GRENAL-CRILAUP).
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violence inaugurale différée dans le champ des études hispaniques et hispano-américaines » dans
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Estudios Hispánicos n° 34.1 “Imaginarios de la violencia”, Montréal, Canadian Association of Hispanists, 2010,
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BIBLIOGRAPHIE :
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1990.
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Boman, Patrick. Boulevard de la flibuste, Nicaragua 1850-1860. Paris : Ginkgo éditeur, 2007.
De la Fuente, Alejandro. Una nación para todos. Raza, desigualdad y política en Cuba, 19002000. Madrid: Colibrí, 2000.
Lucena Salmoral, Manuel. Piratas, filibusteros y corsarios en América. Madrid : Alianza
Editorial, 1992.
Marty, Marlène. « La construction imaginaire du héros libérateur Juan Santamaría dans les pages
de manuels scolaires costariciens (1980-2000) célébrant la Bataille de Rivas » Epicidad y
heroísmo en la literatura hispanoamericana Ed. Maryse Renaud. Poitiers : Centre de Recherches
Latino-Américaines Archivos (CRLA-Archivos), 2009. 129-139.
Moreau, Pierre. Pirates. Flibuste et piraterie dans la Caraïbe et les mers du Sud (1522-1725),
Paris : Tallandier, 2006.
Oexmelin, Alexandre Olivier. Histoire des aventuriers, des flibustiers, des boucaniers
d’Amérique. Pyrémonde : Princi Negue, 2006.
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Walker, William. The War in Nicaragua. Mobile : S. H. Goetzel and Co., 1860.

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