utilite et traitement de l`information comptable par les actionnaires
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utilite et traitement de l`information comptable par les actionnaires
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE UTILITE ET TRAITEMENT DE L’INFORMATION COMPTABLE PAR LES ACTIONNAIRES Thanh Huong DINH Université Paris 12 Val-de-Marne, IRG Jean-François GAJEWSKI 1 Université Paris 12 Val-de-Marne, IRG Bertrand QUERE Université de Grenoble, CERAG Décembre 2006 1 Pour toute correspondance, contactez Jean-François Gajewski à l’adresse email suivante [email protected] où à l’adresse physique suivante : IRG (Institut de Recherche en Gestion – Université Paris 12 Valde-Marne – 61 avenue du Général de Gaulle - 94010 Créteil cedex – France (Tél : 33 1 41 78 47 52 – Fax : 33 1 41 78 47 74). 1 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Remerciements Les recherches ont été conduites à l’IRG (Institut de Recherche en Gestion), au CERAG (Centre d’Etudes et de Recherches Appliquées à la Gestion) et au CIRANO (Center for Interuniversity Research and Analysis on Organizations). Nous sommes extrêmement reconnaissants envers Claude Montmarquette, Julie Héroux et Jean-Benoît Rousseau pour leur aide technique dans la conduite des expériences. Au cours d’un séjour à HEC Montréal en tant que chercheurs invités, nous avons pu extraire de Bloomberg les annonces de résultat. Nous sommes très redevables envers Louise Martel. Nous avons également bénéficié du soutien du CERAG et de l’IAE de Grenoble pour un accès aux données Datastream, Thomson Analytics, la base de données du NYSE (TAQ) et du soutien de l’IRG pour un accès aux bases Euronext, IBES et du soutien d’HEC pour les bases Factiva et Compustat. A ce titre, nous remercions Agnès Melot et Caroline Larsson pour leur grande disponibilité. Nous remercions les participants à la conférence ISINI (International Society for Intercommunication of New Ideas) à Lille en 2003, à la conférence NFA (Northern Finance Association meeting) à Newfoundland en 2004, aux Journées d’Economie Expérimentale à Rennes et au séminaire de recherche de l’Institut de Recherche en Gestion (Université de Paris 12 Val-de-Marne) en 2005, au symposium sur la Finance Comportementale à Durham (UK) et la conférence de l’EFMA (European Financial Management Association) à Madrid en 2006. Nos remerciements s’adressent particulièrement à Michel Albouy, Paul André, Franck Bergez, Patrick Bertin, Gwenaëlle Bogard, Pierre Chollet, Hervé Cotis, Jean-Marc Girard, Carole Gresse, Céline Julien, Isabelle Laudier, Marianne Laurent, Yvon-Michel Loreau, Pascal Louvet, Fabrice Martins Mano, Alain Minczeles, Olivier Pekmezian, Emmanuelle Roux, Richard Taffler et Emmanuel Tsiritakis pour leurs commentaires. Enfin, ce projet n’aurait pu aboutir sans le soutien et la patience de Isabelle Laudier. Nous lui en sommes très reconnaissants. Ce projet de recherche a bénéficié du soutien financier de l’Institut CDC pour la Recherche (Caisse des Dépôts et Consignations). 2 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Introduction Alors que le rôle des marchés financiers est de permettre, par la confrontation centralisée de l’offre et de la demande, une juste évaluation des actifs, certains termes accréditent au contraire l’idée d’une dichotomie entre le prix négocié et la valeur réelle des titres qui y sont échangés. Le concept de surévaluation ou de sous-évaluation, souvent utilisé en matière d’actions de sociétés, caractérise en effet un décalage entre leur cours boursier et ce qui serait une sorte de « vraie valeur » liée de manière intrinsèque à la quote-part de propriété qu’elles représentent. Cette dualité entre la rentabilité des titres financiers et la performance des entreprises correspondantes pourrait être imputée soit à la publication d’une information financière peu révélatrice de la santé financière des entreprises, soit à la spéculation des investisseurs qui aboutit parfois à une déconnexion artificielle entre le prix des valeurs mobilières et la valeur économique des entreprises dont elles sont pourtant l’émanation. Selon une première hypothèse émise par Lev en 1989, les comportements opportunistes des dirigeants en matière comptable conduisent naturellement à remettre en question la qualité de l’information publiée. La gestion opportuniste, voire la manipulation des informations comptables, reste un sujet d’une grande actualité. Lemaître affirmait ainsi en 2000 que les scandales boursiers des grandes entreprises américaines cotées telles que le courtier en énergie Enron, le conglomérat industriel Tyco, le géant américain des télécommunications Worldcom sont directement révélateurs de comportements frauduleux. Ces scandales ont atteint une telle ampleur qu’ils remettent en question la fiabilité des états financiers et de ce fait les fondements même du système comptable. De même en France, Il y a une dizaine d’années, certaines grandes entreprises comme Alcatel Alsthom, la Générale des Eaux, Elf ou la compagnie financière de Suez annonçaient de manière inattendue des déficits très préoccupants, alors qu’elles étaient pourtant largement bénéficiaires les années antérieures. Les analystes financiers ont imputé ces pertes soudaines à des nettoyages comptables tardifs tels que des provisions pour dépréciation non constatées sur des actifs immobiliers dans les sociétés ayant réalisé des acquisitions coûteuses dans ce domaine. Les normes comptables qui prévalaient alors semblaient montrer trop de flexibilité pour que les commissaires aux comptes puissent contraindre de manière vraiment efficace les entreprises à produire une image fidèle de leur situation financière. Les marchés ont ainsi logiquement sanctionné non seulement les pertes enregistrées mais aussi de manière indirecte le cadre très imprécis des normes en vigueur. L’absence d’une réglementation suffisamment stricte, permettait sans doute à certains groupes français de choisir de manière très opportuniste des règles de production de leurs comptes consolidés favorables à leurs intérêts. Certains utilisaient les normes françaises alors que d’autres adoptaient les normes américaines, internationales ou appliquaient même de manière hybride ces différents cadres comptables. Si cette disparité entravait les travaux des analystes financiers, elle privait également les petits actionnaires d’une information financière intelligible en vertu de la multiplicité des référentiels existants. L’investissement en temps nécessaire à la compréhension des normes et l’analyse des comptes publiés était de surcroît d’autant plus improductif que certaines firmes ont même changé le référentiel de production de leur information financière. La découverte tardive de certaines situations financières très préoccupantes montre d’ailleurs que de telles marges de manœuvre ont permis à certains dirigeants de travestir la réalité économique de leur entreprise. 3 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Si selon l’hypothèse d’efficience des marchés, ces atteintes à l’image fidèle doivent en théorie demeurer sans influence sur le comportement des investisseurs, elles peuvent néanmoins les induire en erreur et biaiser ainsi les cours boursiers dans un contexte d’asymétrie d’information. De telles altérations remettent en effet en cause la pertinence prédictive des valeurs comptables et du même coup l’appréhension correcte des perspectives de la firme. Un référentiel unique permettrait évidemment de réduire l’espace discrétionnaire des dirigeants en encadrant mieux les règles de production de l’information comptable. 2 Selon une deuxième hypothèse, les investisseurs seraient plus enclins à parier sur la psychologie du marché qu’à étudier selon une logique fondamentale la situation et les perspectives d’une entreprise dont la valeur monétaire définitive ne peut ressortir que d’une liquidation. L’absence, dans la majorité des cas, d’un tel butoir objectif dans un futur prévisible, réduirait ainsi la formation des cours à un affrontement aléatoire de conjectures plus ou moins rationnelles qui seraient la source même de l’instabilité et de la fragilité des marchés. En vertu de la confiance qu’elle implique par ses opérations de crédit sophistiquées, l’économie moderne est de manière inévitable tributaire de la psychologie des agents qui en sont les acteurs, comme en atteste la notion même de « moral des investisseurs » souvent évoquée sur les marchés boursiers. Ce constat n’emporte pas pour autant l’irrationalité de leurs comportements qui ferait des actions cotées, à l’instar de ce qui prévaut en matière de mode, de simples objets d’engouement ou de désaffection sans sous-bassement concret. Dans de telles circonstances, les états financiers et, de manière plus générale, l’information comptable délivrée par l’entreprise n’auraient évidemment aucune utilité pour les actionnaires. Or, les travaux menés à la fin des années 60 par Ball et Brown, suivis par de nombreux autres auteurs ont au contraire précisément démontré qu’il existait une très forte association entre l’évolution du prix des actions et les résultats comptables publiés par les entreprises. Le courant de recherche lancé dans la même période par Beaver (1968) et prolongé par d’abondants développements tels que ceux de Gajewski et Quéré, (2001) pour la France, 3 met également en évidence des réactions très significatives du marché lors de la diffusion des comptes annuels. De fait, même si les actionnaires ne suivent pas nécessairement une logique fondamentale qui les conduirait à négliger de manière systématique les climats spéculatifs affectant le prix des titres, ils tiennent bien compte de l’information financière dans leurs évaluations et leurs calculs stratégiques. Si, en cohérence avec la masse des textes qui la réglemente dans la plupart des pays, l’importance de l’information financière ne fait ainsi guère de doute, le processus de son traitement par les investisseurs demeure en revanche mal connu en dépit des développements actuels de l’économie expérimentale. Ce processus semble relever d’opérations mentales trop impalpables et disparates pour pouvoir être analysé simplement et le cours des actions ne peut de fait qu’en être l’insondable résultante. De manière très surprenante, c’est pourtant bien un concept directement lié à cette opération mentale qui est au cœur même du système juridique encadrant la production des comptes annuels français. Conformément au code du commerce, ceux-ci doivent en effet « donner une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice, de la situation financière et du patrimoine de l’entreprise à la fin de cet exercice ». La notionmême d’image est de fait directement liée à ce qui est projeté dans l’esprit de l’observateur et 2 L’instauration des normes IFRS devrait donc, conformément à ses objectifs améliorer globalement la pertinence, l’intelligibilité, la fiabilité et la comparabilité de l’information financière des entreprises de taille internationale. Les normes IFRS constituent de fait et conformément à leur objectif non seulement un langage commun mais elles ont aussi pour vocation de fournir aux investisseurs des états financiers plus complets et plus proches de la réalité économique. 3 Voir Dumontier et Labelle (2002) pour une revue de littérature sur le contenu informatif des chiffres comptables en Europe. 4 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE suppose de manière implicite une représentation. Si la firme est bien une réalité, l’appréciation de sa situation économique, par sa nature composite et abstraite, implique en effet une construction intellectuelle propre à chaque lecteur des états financiers. Or, en employant le terme au singulier, la formulation du droit comptable français est telle qu’elle suppose au contraire l’unicité et l’universalité des représentations correspondantes. Loin de la subjectivité qu’elle laissait supposer à l’origine, l’idée d’une image comptable partagée par tous traduit de fait la nature objective que voulait naturellement lui donner le législateur pour asseoir le pouvoir contraignant des textes dont elle est l’enjeu. De nombreuses analyses de nature plutôt philosophique ont précisément soutenu au regard de la subjectivité inhérente à la notion de représentation, qu’une définition objective de l’image produite par les états financiers était impossible. A l’instar de ce qui définit la qualité de résolution d’un écran, la densité des « pixels » comptables ne permet peut-être pas une restitution très nette de la situation de l’entreprise. Toutefois, en dépit de ses imperfections, l’existence même de ce médium et des dispositifs de normalisation et de contrôle auxquels il est assujetti, reposent sur sa capacité à produire une synthèse des équilibres et des performances de la firme communément et globalement signifiante pour les investisseurs. La notion d’information financière, implique en effet l’utilisation d’un langage intelligible par l’ensemble des utilisateurs et donc l’existence d’un même référentiel sémantique collectif qui leur permettrait d’en partager le sens sans ambiguïté majeure. A l’exception des manipulations susceptibles de les affecter, les états financiers devraient donc engendrer chez chacun d’entre eux une perception identique de la situation économique passée de l’entreprise. Dans cette logique et conformément à une théorie financière fondée sur l’actualisation des revenus futurs, la réaction de ces opérateurs procéderait fondamentalement du réajustement de leurs anticipations à partir de la nouvelle référence de calage que constitue, à l’instar du « top » de l’horloge parlante, le dernier jeu d’informations comptables publié. Une telle révision implique de fait une évaluation de l’impact de ces informations sur les résultats futurs de l’entreprise et, donc, une certaine forme de prévision assise sur ses états financiers. L’idée même de prévision suppose par définition une connaissance plus ou moins précise des lois et des régularités qui gouvernent le phénomène dont on souhaite précisément projeter les évolutions. L’idéal pour tous les investisseurs serait bien entendu d’anticiper l’évolution future des cours. De fait, et conformément à la logique « fondamentale », les informations comptables restent sans aucun doute et en dépit des inévitables conventions sur lesquelles elles reposent, la source la plus fiable concernant la situation réelle des entreprises. De manière indirecte et comme l’atteste le cadre conceptuel de l’IASC, les états financiers servent évidemment de référence à l’évaluation des titres des firmes qui les produisent dans la lignée directe des ratios tels que le PER ou le ratio valeur comptable sur valeur de marché. Or, sus de leur degré élevé de sécurité, les données comptables ont naturellement une cohérence dans le temps pour une même entreprise et celles du même secteur puisqu’elles ont notamment pour fonction de restituer fidèlement des flux d’exploitation naturellement soumis à certaines constantes naturellement liées à la nature de l’activité exercée. Dans cet esprit, le compte de résultat auquel s’ajoutent également des ratios de structure extraits du bilan est justement par sa fonction même le support d’anticipation des performances futures de la firme concernée. C’est d’ailleurs bien ce souci d’homogénéité et de cohérence prospective qui fonde de manière plus ou moins implicite l’exigence d’une information financière sectorielle indispensable à l’intelligibilité des performances de certains groupes aux activités multiples. Autrement dit, dans la droite ligne des démarches d’analyse financière, l’étude et le suivi de certains ratios fondamentaux d’exploitation de la firme permettrait peu ou prou d’induire ses 5 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE résultats futurs à partir de la simple connaissance de son volume d’affaires. S’ils ne disposent évidemment pas des informations fines issues de la comptabilité managériale, les analystes comme les contrôleurs de gestion cherchent ainsi à identifier les facteurs de causalité des coûts qui leur permettent également d’établir grossièrement des formes de « budgets » à partir de leurs anticipations de la conjoncture. Cette logique prévisionnelle est bien celle qui prévaut dans des consensus qui ont précisément pour fonction de fournir au marché la confrontation de leurs estimations respectives. Cette logique de prévision conduit naturellement à s’interroger sur les liens de causalité entre l'information comptable produite par les entreprises et son interprétation et son utilisation par les investisseurs sur les marchés d’actions. Dans cet objectif, cette étude comporte deux volets de recherches fondamentaux complémentaires. Le premier axe vise à caractériser de manière globale le comportement des investisseurs sur les marchés financiers lors de la diffusion de ces informations comptables. A un niveau plus détaillé, le deuxième axe consiste à analyser de manière micro-analytique l'attitude individuelle des opérateurs sur les marchés et le processus de formation et d'exécution des ordres qui y sont passés. Dans ces deux volets, les états financiers constituent évidemment un support fondamental de la décision des investisseurs. Ces deux études contribuent donc de manière convergente à explorer la rationalité des opérateurs d'abord par une étude de réaction des marchés financiers autour des publications d'information comptable ensuite, par une méthodologie d'économie expérimentale. 6 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE I. Annonces de résultats et convergence des anticipations des investisseurs en France et aux Etats-Unis 4 1. Introduction Malgré leur poids modeste dans l’ensemble des informations fournies sur les marchés financiers, les données comptables sont indiscutablement fondamentales pour les investisseurs. Elles leur permettent en effet d’apprécier la rentabilité de la firme ainsi que le risque de sa politique d’investissement et plus généralement ses perspectives d’évolution. De toutes les informations financières diffusées régulièrement par les entreprises durant leur exercice comptable, le résultat net est sans doute la publication qui a le plus d’importance pour les actionnaires. Si ce résultat est soumis à l’approbation de l’assemblée générale ordinaire annuelle, il est surtout par l’affectation qu’elle décide la source des dividendes qui rémunèrent leurs apports. Les comptes annuels sont, de surcroît, parmi l’ensemble des publications comptables, celles qui, par le degré maximal de certification dont ils font l’objet de la part des auditeurs, présentent la meilleure garantie de fiabilité pour les investisseurs. D’un point de vue théorique, une information financière de bonne qualité est utile au marché lorsqu’elle a une incidence sur les prix ou les volumes échangés. Conformément à l’hypothèse d’efficience des marchés, les prix devraient donc refléter de manière instantanée le contenu informatif des chiffres comptables au moment même où ils sont diffusés. On ne devrait ainsi observer aucun délai de latence dans l’incorporation de l’information dans les cours. Néanmoins, Plusieurs études (Bernard et Thomas, 1989 ; Jegadeesh et Titman ; 1993) ont mis en évidence une anomalie correspondant à un ajustement progressif des cours à l’annonce des résultats (« post-earnings announcement drift »). Cette anomalie remet de manière incontestable en question l’hypothèse d’efficience des marchés. L’ensemble des anomalies de marché tendrait à accréditer l’idée d’un faible contenu informatif des chiffres comptables et en définitive du peu d’utilité de l’information financière pour les investisseurs. En dehors des erreurs de mesures liées à des méthodologies inadaptées, et de la réduction de la signification informative des agrégats comptables qui pourrait être imputée au moins en partie à l’opportunisme des dirigeants, certaines études attribuent ces phénomènes soit à l’hétérogénéité des interprétations des investisseurs, soit à des situations asymétriques entre les investisseurs qui ont tendance à perdurer dans le temps. Ces situations auraient pour origine des différences dans la collecte de l’information brute préalablement aux annonces ou des différences dans la capacité de traitement de l’information, dues à l’hétérogénéité des compétences ou des spécialités professionnelles. De nombreux articles ont étudié la convergence et le degré de fiabilité des analystes en rapprochant leur prévision des performances effectivement atteintes par les firmes soumises à leur examen. Peu de travaux se sont cependant penchés au niveau plus général du marché sur la rapidité avec laquelle un certain consensus semblait s’établir sur la valeur des actions concernées. De manière purement intuitive et théorique, à une vue partagée des investisseurs sur les perspectives conjoncturelles de la politique et de la structure d’exploitation des entreprises étudiées, devrait être associée une convergence rapide de leurs estimations sur le 4 Cette première partie fait l’objet de travaux de recherche développés par Jean-François Gajewski et Bertrand Quéré. 7 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE marché. Toute forme d’instabilité dans les ratios comptables et financiers, un manque de visibilité dans l’action des dirigeants ou des aléas économiques du secteur devraient engendrer à l’inverse une grande dispersion de leurs anticipations. Les anticipations des opérateurs sont naturellement étroitement dépendantes des informations dont ils disposent. Si, par construction et en vertu des exigences légales qui interdisent l’utilisation d’informations privilégiées, ils ne peuvent opérer sur le marché qu’à partir de l’information publique disponible, ce substrat n’est évidemment pas le même pour l’investisseur institutionnel ou le simple épargnant. Si, de fait, les informations primaires publiées par les sociétés sont en principe accessibles à tous, leur collecte et leur traitement nécessitent du temps et un certain degré d’expertise ne serait-ce qu’en termes de lecture des comptes ou d’analyse financière. Ce traitement est naturellement coûteux par l’infrastructure en personnel qualifié qu’il suppose et n’est naturellement accessible qu’à de véritables professionnels de la finance. Il produit de fait une information secondaire et privée constituant un avantage économique et concurrentiel de valeur que les détenteurs concernés ne sauraient en effet céder à leur tour gratuitement au marché. A l’inverse, les petits épargnants ne peuvent que s’en remettre à des analyses largement diffusées dans la presse ou aux conseils plus communs de leur banquier. La notion de convergence des anticipations est donc naturellement et inversement liée au concept d’asymétrie d’information. La littérature théorique, que nous développerons dans une partie spécifique, dissocie deux approches implicites en matière d’asymétrie d’information au voisinage des annonces de bénéfices. La première approche à « horizon court » considère que l’avantage informationnel correspondant est entièrement neutralisé par la publication correspondante. L’hypothèse sousjacente tient au fait que l’information publiée est un substitut de l’information privée détenue avant sa survenance. Dans cette logique de dissipation de l’asymétrie postérieurement à cette échéance, les investisseurs ont intérêt à acquérir de l’information avant l’annonce pour pouvoir profiter d’un tel avantage. Si ces investisseurs informés souhaitent tirer le maximum de profit de leur information, ils ont intérêt à opérer de telle sorte que leurs transactions ne puissent être détectées par le marché. La stratégie idéale est alors peut-être d’attendre la publication des résultats pour noyer leurs ordres dans l’ensemble des ordres provenant d’agents échangeant pour des motifs de liquidité. La deuxième approche, plus conforme à la théorie financière qui fait de la valeur d’un actif l’actualisation de ses revenus futurs considère l’annonce de bénéfice comme la simple révélation d’un des termes du calcul de cette valeur actuelle et admet la persistance d’une asymétrie après cet événement. Dans cette théorie « prospective » ou à « horizon long », certains auteurs voient dans la publication des résultats un simple complément de l’information à celle détenue antérieurement par les investisseurs informés. Au lieu de résoudre l’asymétrie d’information existant antérieurement à sa survenance, l’information publiée aurait au contraire tendance à l’accentuer en raison du supplément d’incertitude qu’elle engendre pour certains opérateurs. Aucune des investigations empiriques menées jusqu’alors ne permet de trancher clairement entre ces différentes approches. Aucune étude n’a étudié l’effet des publications intermédiaires sur les situations d’asymétrie d’information et sur la vitesse de convergence des anticipations après les annonces de résultats annuels. En effet, une approche objective de cette asymétrie suppose que son existence soit conditionnée par un différentiel d’informations réelles produites par les firmes ou les analystes et non pas en vertu de conjectures construites dans le secret des consciences de chaque opérateur. En l’absence de diffusion d’information, ces conjectures ne sauraient être considérées comme des informations à l’exception de ce qu’elles révèlent indirectement dans les cours, les volumes, les fourchettes de prix ou les 8 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE rentabilités concernées. De ce point de vue, la littérature semble confondre ou à tout le moins négliger la frontière très ténue qui permettrait précisément de dissocier avec finesse la notion d’hétérogénéité des anticipations du concept d’asymétrie d’information lui-même. Si ces anticipations reposent naturellement sur un référentiel de données objectives qui n’est pas nécessairement identique pour tous les opérateurs suivant leur plus ou moins grande capacité de collecte ou de traitement, elles comportent des prévisions personnelles qu’on ne peut vraiment assimiler à de l’asymétrie. A substrat d’information identique, deux analystes aux moyens et compétences voisines pourraient ainsi produire des anticipations différentes. Enfin, appliqué à l’asymétrie d’information, le terme « substrat » est lui-même porteur de présupposés particulièrement ambigus. Il accrédite l’idée d’un « stock » d’information s’accumulant de manière différenciée chez les opérateurs. Cette différence serait régulièrement réduite voire annulée par la publication des données correspondantes ou par une sorte d’évaporation liée à un processus progressif de révélation indirecte au marché à travers les cours ou les volumes de transaction. Dans cet esprit, on peut se demander si l’asymétrie est un phénomène persistant et constamment renouvelé ou si elle n’apparaît que de manière fugace autour d’un évènement particulier affectant l’entreprise. L’objet de cette partie consiste précisément à résoudre ces contradictions en identifiant les déterminants de la convergence des anticipations et l’asymétrie d’information correspondante des investisseurs au voisinage des annonces de résultat. Dans cet objectif, une approche comparative des marchés français et américains qui offrent des environnements institutionnels très différents en termes de publication des comptes est appropriée. Elle porte naturellement sur les différents types de publication existant dans ces deux pays qu’il s’agisse des comptes semestriels prévalant dans l’hexagone ou des états financiers trimestriels légalement requis outre atlantique. En effet, la fréquence des publications de résultat, qu’il s’agisse du trimestre aux Etats-Unis ou du semestre en France peut certainement avoir une influence déterminante sur l’amplitude des phénomènes observés. Dans une logique fondamentale, ce sont naturellement les informations comptables primaires qui en fonction du degré de prévisibilité des différentes composantes du résultat sont susceptibles de jouer un rôle majeur dans le niveau d’asymétrie d’information existant entre les agents. On ne saurait négliger pour autant les estimations des analystes qui comme, sous-ensemble de la communauté financière et comme médium exercent une grande influence sur le marché. Cette influence est telle que de nombreux travaux ont précisément choisi la dispersion de leurs prévisions comme variable de substitution (proxy) permettant une mesure approchée de l’asymétrie de l’information ellemême. Dans ce contexte et au-delà de la prise en compte des consensus correspondants, différentes variables de contrôle usuelles telles que la taille des firmes concernées, leur risque et l’intensité de la surprise provoquée par la diffusion des résultats ont été intégrées dans cette étude. La durée d’un avantage informationnel est vraisemblablement limitée pour des firmes très surveillées par le marché alors qu’elle est sans doute plus longue pour celles qui ont une taille moindre. En l’absence de toute manipulation, ce que nous présupposerons par construction tout au long de cette étude, l’information comptable fait en effet l’objet de normes précises en termes d’établissement et de contrôle. Le respect de ces règles dont on peut évidemment critiquer les fondements théoriques et le caractère plus ou moins contraignant produit des items comptables qui peu ou prou sont à la disposition de tous sous un format standard dans la logique même de l’idée de normalisation. Autrement dit, en l’absence de toute information privilégiée, les imperfections de ces items altèrent leur nature pour l’ensemble des opérateurs du marché. On peut donc effectivement se demander si en la matière ne prévaut pas une 9 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE confusion entre la qualité de la donnée comptable elle-même et l’exploitation que peuvent en faire les investisseurs suivant leur plus ou moins grand degré d’expertise et le substrat d’information préalablement accumulé sur la firme concernée. Cette disparité entre les investisseurs liés à leurs moyens et leurs compétences aboutit à un différentiel dont on évalue mal les rapports avec l’asymétrie d’information elle-même. Après une première partie consacrée à une synthèse de littérature, la deuxième partie traite des intuitions et des hypothèses à tester. Dans une troisième partie, nous exposons la méthodologie pour discuter ensuite, dans une dernière section les résultats obtenus et le réalisme des concepts sur lesquels ils reposent et présenter enfin les conclusions correspondantes. 2. Synthèse de littérature Les annonces de bénéfice diffusées par les entreprises constituent précisément l’occasion pour les investisseurs d’actualiser et de parfaire le substrat d’information leur permettant d’anticiper au mieux les résultats futurs de la société. La suppression d’un élément d’anticipation lié à la diffusion des dernières performances réelles de l’entreprise devrait logiquement réduire une partie de l’avantage détenu par les agents informés avant l’annonce et donc l’asymétrie d’information elle-même. Verrecchia (1982) montre d’ailleurs, dans cette logique de « butoir » et conformément à cette intuition, que l’information privée perd de son utilité lorsqu’elle est révélée publiquement. Les modèles théoriques de Kim et Verrecchia (1991b), Demski et Feltham (1994) et de McNichols et Trueman (1994) montrent ainsi que certains agents ont intérêt à acquérir de l’information privée préalablement à l’annonce pour pouvoir profiter de cet avantage avant qu’il ne soit neutralisé par la publication correspondante. La mesure de cette asymétrie demeure toutefois particulièrement délicate à réaliser et les différentes méthodes utilisées dans la littérature sont loin d’être homogènes et convergentes. L’article de Van Ness, Van Ness et Warr (2001) est à ce titre révélateur de cette difficulté. Ces auteurs examinent plusieurs modèles d’estimation de l’asymétrie d’information et en évaluent leur performance. Ils comparent les modèles fondés sur les variables de marché (Glosten et Harris, 1988 ; George et al., 1991 ; Lin, Sanger et Booth, 1995 ; Madhavan, Richardson et Roomans, 1997 ; Huang et Stoll, 1997) aux modèles fondés sur les caractéristiques des titres et des entreprises correspondantes (volatilité, volume de transaction, endettement, erreurs de prévision des analystes, dispersion des prévisions des analystes, market-to-book, taux de recherche et développement, nombre d’analystes et pourcentage de titres détenu par les institutionnels). Ils remettent en question la capacité des modèles de décomposition de la fourchette de prix à mesurer avec précision l’asymétrie d’information au bénéfice des variables fondées sur les caractéristiques des entreprises et des prévisions. De manière générale, il existe néanmoins un consensus quant à la validité de la fourchette de prix comme indicateur de cette asymétrie même si d’autres facteurs, tels que les coûts de stockage et le coût de production des ordres viennent en parasiter l’évaluation. La méthodologie utilisée dans les présents travaux s’attache toutefois dans une logique différentielle à en neutraliser les effets par le biais d’une mesure d’un excédent de fourchette de prix lors de l’annonce et non pas d’une magnitude brute. Affleck-graves et al. (2002) étudient justement la relation entre la prévisibilité des résultats et l’évolution de la composante de sélection adverse à l’annonce de bénéfice. Sur la base d’un échantillon 10 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE d’entreprises du NASDAQ, ayant annoncé leurs résultats entre 1985 et 1990, ils caractérisent plusieurs faits. D’abord, sur les périodes sans annonce, les entreprises, pour lesquelles les résultats sont les moins prévisibles (plus grande dispersion des analystes et erreurs de prévision plus fortes), ont les fourchettes de prix les plus larges. Ensuite, ils montrent qu’il y a une augmentation de la composante de coût de sélection adverse le jour précédant l’annonce et le jour de sa survenance pour les firmes ayant annoncé les résultats les moins prévisibles. Yohn (1998) montre aussi de manière empirique que les accroissements de fourchettes de prix avant les annonces de résultats sont négativement liés à la taille de l’entreprise et au nombre d’analystes suivant l’entreprise, et positivement reliés à la variabilité des résultats préalable à l’annonce et à la réaction non anticipée du marché. Cependant, ces articles ne prennent pas en compte l’évolution de la profondeur du carnet d’ordres autour des annonces de résultat. En effet, d’autres études (Mann et Ramanlal, 1996 et Kavajecz, 1999) mettent en avant la profondeur comme un moyen pour les spécialistes et les donneurs d’ordres à cours limité pour se prémunir contre les ordres fondés sur de l’information privée. Dans une logique d’effet d’annonce, la profondeur du carnet d’ordres aux meilleures limites à l’achat et à la vente est aussi utilisée comme un indicateur supplémentaire de cette asymétrie. Si on considère le résultat net publié par les entreprises comme un substitut de l’information privée, les agents informés peuvent voir leur avantage se réduire du fait même de la publication du bénéfice. Intuitivement, la fourchette de prix prise comme estimateur du degré d’asymétrie d’information entre les investisseurs devrait donc logiquement s’élargir avant les annonces pour se réduire après. De même, la « profondeur » du carnet d’ordres déterminée en fonction des quantités demandées et offertes devrait quant à elle diminuer peu avant sa survenance pour s’accroître ensuite. Pourtant, les observations empiriques faites par Morse et Ushman (1983) ne constatent aucun changement significatif de la fourchette de prix antérieurement aux publications concernées. A leur tour, Venkatesh et Chiang (1986) examinent le cas des annonces de bénéfice suivies de celle des dividendes et montrent effectivement un accroissement des fourchettes de prix avant le deuxième type d’événement mais, ne décèlent en revanche pas de variation significative de cet indicateur préalablement aux annonces lorsqu’elles sont simultanées. Dans ce contexte, il existe de fait une contradiction entre les observations empiriques et les intuitions tirées de la théorie pour le degré d’asymétrie d’information existant antérieurement aux annonces. En réalité, une telle discordance est vraisemblablement imputable au fait que la notion de fourchette de prix estimée de manière quotidienne ne coïncide pas totalement avec le degré d’asymétrie d’information, car elle incorpore d’autres éléments tels que le coût de stockage ou le coût de passation des ordres. En corrigeant ces imperfections pour obtenir des mesures plus précises, Brooks (1996) et Krinsky et Lee (1996) constatent néanmoins une amplification de l’asymétrie d’information non seulement avant l’annonce mais également après. Yohn (1998) décèle lui-aussi une augmentation des fourchettes de prix quatre jours avant la publication et une persistance de cet effet un jour postérieurement à sa survenance. Cette contradiction peut provenir de trois raisons. D’abord, on pourrait penser que les situations d’asymétrie d’information se dissipent rapidement après l’annonce de telle sorte que des données quotidiennes ne sont pas suffisamment précises pour capter un quelconque effet. Afin de déterminer cet effet immédiatement après l’annonce, Lee et al. (1993) en étudiant des tranches horaires d’une demi-heure mettent en évidence un élargissement des fourchettes de prix et une diminution des profondeurs deux jours avant l’annonce. Dans leur travaux, l’effet le plus significatif est détecté dans la demi-heure contenant l’annonce tandis que l’augmentation des fourchettes de prix persiste un jour après sa survenance. Les 11 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE profondeurs retrouvent quant à elles leur niveau trois heures après l’annonce. Gajewski (1999) parvient également à isoler avec précision l’effet des annonces sur le degré d’asymétrie d’information en en prenant comme point de départ l’heure exacte de l’annonce. A partir du modèle de Hasbrouck (1991), il constate ainsi un élargissement des fourchettes de prix et un accroissement du degré d’asymétrie d’information consécutivement aux annonces de résultat. Bushman et al. (1997) parviennent à résoudre cette contradiction en démontrant que dans certaines situations, même si l’avantage informationnel peut être réduit lors de la survenance de la publication correspondante, les agents informés peuvent être incités à différer leurs transactions après l’annonce de manière à diminuer l’impact de leurs ordres. Le modèle repose sur l’hypothèse que les investisseurs ayant un besoin de liquidité peuvent choisir le moment de leurs transactions et précisément échanger après les annonces de bénéfice. Les agents informés peuvent ainsi profiter d’une sorte d’effet de « camouflage » de leurs ordres. Le bénéfice retiré de ce qui s’apparenterait à un « termaillage » peut dans certains cas s’avérer supérieur à la perte liée à la réduction de l’avantage informationnel. Il apparaît ainsi que des situations d’asymétrie d’information peuvent effectivement perdurer après l’annonce. Finalement, une telle persistance d’asymétrie d’information post-annonce a également conduit certains chercheurs à développer un courant théorique opposé à celui postulant une réduction de l’asymétrie d’information postérieurement à l’annonce. Selon l’hypothèse centrale, le bénéfice n’est plus considéré comme un substitut de l’information privée mais comme un signal imparfait de la valeur de l’entreprise. Dans ces conditions, certains agents, en position de supériorité informationnelle5 auraient plus de facilité à induire du bénéfice publié les perspectives futures de l’entreprise et donc sa valeur. Ils extrapoleraient ainsi d’autant plus facilement l’annonce correspondante qu’ils auraient acquis antérieurement de l’information permettant précisément d’affiner leur estimation. Dans ce contexte, postérieurement à la publication du résultat, des situations d’asymétrie se maintiendraient vis-à-vis des investisseurs ne disposant pas d’un tel substrat. Autrement dit, selon ces auteurs qui concluent de manière un peu ambiguë, les situations d’asymétrie d’information peuvent aussi provenir de l’hétérogénéité des interprétations du résultat annoncé (Indjejikian, 1991 ; Harris et Raviv, 1993 ; Kim et Verrecchia, 1994 ; Kandel et Pearson, 1995). Néanmoins, l’ensemble de ces études n’ont pas pensé à utiliser les publications intermédiaires pour apprécier les situations d’asymétrie d’information et la vitesse de convergence des anticipations après les annonces de résultat. En effet, afin de permettre aux investisseurs de réagir rapidement à une information fréquemment réactualisée leur donnant une vision plus « continue » de l’évolution de la firme, la loi prévoit, dans la plupart des cas, la publication d’états financiers intermédiaires, même s’ils ne sont pas soumis à une procédure aussi complète. En France, selon la loi du 24 juillet 66, le décret du 23 mars 67 et le règlement de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) 87-03, les entreprises doivent publier leurs chiffres d’affaires trimestriels et leur compte de résultat semestriel. Aux Etats-Unis, la réglementation S-X de la « Security and Exchange Commission » (S.E.C.) définit la forme et le contenu des états financiers de ce pays. Les firmes cotées en bourse doivent en effet remplir le formulaire 10-K pour les rapports annuels et le formulaire 10-Q pour les trois rapports trimestriels. Ces rapports intermédiaires doivent faire apparaître, comme le rapport final, le montant du résultat 5 Des investisseurs peuvent avoir une culture des états financiers, des analystes financiers peuvent être chargés par une institution (société de gestion, banque, etc.) de suivre et d’analyser en détail l’évolution des résultats d’une entreprise. Les actionnaires majoritaires et les membres du Conseil d’Administration, disposant d’informations supplémentaires au moment de la publication des résultats sont mieux à même de juger l’information contenue dans le bénéfice. 12 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE net de la période. L’information contenue dans les publications intermédiaires est cependant beaucoup moins détaillée que celle des comptes annuels. La loi française prévoit notamment la simple publication des chiffres d’affaires trimestriels, alors que les comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et l’annexe. Autrement dit, de telles publications paraissent a priori trop sommaires pour engendrer des réactions significatives. Il semble en fait qu’elles soient interprétées non pas de manière absolue et isolée mais comme support d’extrapolation du bénéfice annuel. Deux éléments semblent confirmer ce schéma mental. D’abord, les investisseurs sont en termes d’éducation et de pratique, habitués à analyser la situation financière de la firme sur la base d’un exercice entier. Deuxièmement, la performance des entreprises ayant une activité saisonnière ne peut être valablement appréciée que sur la totalité de cet exercice. Ce comportement est de manière indirecte confirmé par les consensus d’analystes eux-mêmes. IBES, Jacques Chahine ou Associés en Finance, dans leurs prévisions, estiment en effet des bénéfices nets finals et non des résultats intermédiaires. Les actionnaires auraient ainsi à l’esprit une sorte de hiérarchie implicite au sommet de laquelle se trouverait le résultat net annuel. C’est d’ailleurs dans le sens d’une fixation fonctionnelle sur le résultat annuel que Gajewski et Quéré (2001) interprètent les résultats de leurs travaux menés sur le marché français. De toute évidence, l’information diffusée par les publications intermédiaires est perçue comme une image imprécise du bénéfice net annuel. Cette image devient de plus en plus précise à l’approche de la clôture de l’exercice. En vertu de cette logique, l’effet des publications comptables successives sur le degré d’asymétrie d’information devrait être de nature différente, puisqu’elles n’ont pas en principe la même valeur pour les investisseurs. Autrement dit, il devrait être possible de dresser une typologie de comportement du marché lié à la nature et au « timing » des annonces diffusées par les entreprises. Le degré d’asymétrie d’information devrait de fait résulter pour une partie de la précision de l’information divulguée et, pour une autre, par son degré de proximité de la clôture de l’exercice. L’information contenue dans le bénéfice annuel étant plus précise, les situations d’asymétrie d’information devraient être moins marquées à l’annonce du résultat annuel qu’aux annonces intermédiaires. Il existerait ainsi une sorte d’effet temporel en vertu duquel plus on s’approche de la publication du résultat annuel, plus le degré d’asymétrie d’information diminue. Libby, Mathieu et Robb (2002), étudiant le marché canadien, sont les seuls à prouver, à partir d’un modèle à équations simultanées de la fourchette de prix et de la profondeur, que cette dernière est significativement plus élevée lors de l’annonce des résultats annuels que lors des annonces de résultats trimestriels. En revanche, la fourchette de prix ne paraît pas significativement plus faible. La vitesse de convergence des anticipations à l’annonce des résultats dépend également de la qualité de l’information financière diffusée. Kanagaretan et al. (2005) examinent également le lien à l’annonce de bénéfice entre la fourchette de prix, la profondeur et le niveau ex-ante d’asymétrie d’information, caractérisé par la dispersion des prévisions des analystes financiers, leur nombre pour la valeur concernée et la volatilité de leurs révisions. Leurs résultats montrent que le spécialiste élargit la fourchette de prix et diminue la profondeur consécutivement à l’annonce, s’il est confronté au risque d’échanger avec des agents mieux informés que lui. Ces effets sont d’autant plus marqués que le degré d’asymétrie d’information ex-ante est plus élevé. Cependant, peu d’études se sont intéressées à l’impact de la qualité de l’information comptable diffusée sur le risque de sélection adverse lors des annonces des résultats. L’objet de ce travail consiste donc à identifier les déterminants de la convergence des anticipations des investisseurs, en tenant compte à la fois de la politique de communication des entreprises, et de l’ensemble d’informations diffusées par les analystes financiers. Ces travaux s’appuient 13 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE sur les environnements institutionnels des marchés américains et marché français. Dans une logique de comparaison entre ces deux pays, l’hypothèse de convergence sera abordée dans une optique globale en termes de prix, de volume et de volatilité. L’étude des fourchettes de prix et des profondeurs a pour objet de trancher entre l’hypothèse d’asymétrie d’information prévalant au voisinage des annonces de l’hypothèse de divergence d’anticipations. Ces travaux corrigent les inconvénients relevés par la littérature dans l’utilisation de la dispersion des prévisions des analystes comme mesure de l’asymétrie d’information. La méthodologie, qui isole en effet la composante « anormale » de la fourchette de prix au voisinage de l’annonce, a pour objectif d’’estimer le degré auquel cette composante et la profondeur de carnet d’ordres correspondante sont induites par l‘asymétrie d’information ou la divergence d’anticipations. 3. Les éléments théoriques, les intuitions et le développement des hypothèses Afin d’analyser la vitesse de convergence des anticipations à l’annonce de résultat, nous étudions d’abord le comportement des investisseurs en termes de rentabilités et de volumes échangés pour examiner ensuite l’évolution des situations d’asymétrie d’information qui y sont associées, grâce à une analyse des fourchettes de prix et des profondeurs. Le comportement des investisseurs à l’annonce des résultats Le comportement du marché français à l’annonce des résultats ne saurait être spécifié qu’en vertu d’une comparaison avec d’autres marchés boursiers. Les publications intermédiaires américaines requises par la SEC constituent de ce fait un point de comparaison intéressant 6. La communication du résultat net suit en effet une cadence trimestrielle aux Etats-Unis alors qu’elle est semestrielle en France où seul le chiffre d’affaires est publié à intervalles trimestriels. Autrement dit, à un format de publication intermédiaire constant et homogène outre atlantique s’opposent des publications d’une double nature dans l’hexagone 7. Dans ce contexte, ces publications ne devraient pas avoir la même valeur pour les investisseurs. La différence des réactions observées devrait de fait résulter pour une partie de la nature de l’information divulguée et, pour une autre, du degré de proximité de la clôture de l’exercice. Ce degré de proximité devrait être, en raison du contenu invariable des publications trimestrielles aux Etats-Unis, le seul facteur explicatif de la variété des réactions observées sur les marchés américains. En d’autres termes, une telle comparaison devrait mettre en évidence un « effet temporel » sur le marché américain qui permettrait par différence d’identifier un « effet contenu » issu de la nature duale des annonces sur le marché français. Il serait ainsi possible d’évaluer le degré d’utilité des publications trimestrielles françaises limitées au chiffre d’affaires par comparaison avec celles qui prévalent aux Etats-Unis. Gajewski et Quéré (2001), montrent ainsi que les investisseurs sont effectivement peu sensibles aux annonces de chiffres d’affaires mais réagissent de manière significative aux annonces de bénéfice semestriel et annuel. Dans ces conditions, on peut se demander si la 6 Ce type de comparaison entre les marchés boursiers a déjà été réalisé par Grant (1980), mais elle concernait l’OTC et le NYSE qui sont tous deux des marchés américains. 7 Alors qu’aux Etats-Unis l’article 10.01 de la réglementation S-X n’impose pas l’audit des publications trimestrielles, les rapports intermédiaires français sont soumis à des niveaux variés de contrôle de la part des commissaires aux comptes. Ces niveaux sont, par ordre d’importance, la certification, l’attestation et la vérification. Les comptes annuels sont « certifiés », les rapports semestriels « attestés » alors que les chiffres d’affaires sont simplement « vérifiés ». 14 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE publication du chiffre d’affaires est vraiment utile aux investisseurs. La faiblesse du contenu informatif de cette publication explique vraisemblablement le peu d’intérêt que lui accordent les actionnaires. L’annonce des chiffres d’affaires trimestriels ne permet donc pas de diffuser de manière régulière sur le marché une information qui s’accumule comme un gaz sous pression jusqu’à sa libération soudaine par le biais d’une publication plus « pertinente ». Dans cette logique de vases communicants, le niveau de réaction français aux annonces du premier semestre et du second semestre devrait être rapproché de celui provoqué par les bénéfices trimestriels américains. Suivant cette hypothèse qui reste à vérifier, en raison de leur espacement semestriel, les réactions françaises aux bénéfices intermédiaires et finals devraient être bien plus importantes que celles détectées sur le marché américain. Nous formulons donc l’hypothèse 1.1. Hypothèse 1.1 : l’amplitude de la réaction des investisseurs à l’annonce des résultats semestriels et annuels sur le marché français est plus forte que celle constatée à l’annonce des résultats trimestriels sur le marché américain. Dans la littérature, plusieurs modèles théoriques ont été construits de manière à prévoir le volume d’échange autour de l’annonce de résultat (Karpoff, 1986 ; Ziebart, 1990 ; Atiase et Bamber, 1994 ; Kandel et Pearson, 1995). Le modèle de Karpoff (1986) prédit que le volume de transaction provient à la fois de la dispersion des anticipations formées avant l’annonce et de la manière divergente avec laquelle les agents interprètent l’information publiée. En outre, ce volume persiste après la période d’événement et diminue en fonction des coûts de transaction. Kim et Verrecchia (1991a) lient le volume échangé au prix des actifs tout en prenant en compte l’effet de surprise consécutif à la publication de l’annonce. Leur modèle retient les caractéristiques de l’annonce, les anticipations des intervenants ainsi que leurs connaissances antérieures. Selon eux, l’information publiée est d’autant plus importante qu’elle est riche en contenu et incrémente de manière significative le substrat d’information existant. Ils montrent ainsi que le volume de transaction anticipé est une fonction croissante de la « précision » de l’information contenue dans l’annonce mais à l’inverse, en relation décroissante avec la « précision » des connaissances antérieures. En outre, ce volume varie proportionnellement aux changements de prix en valeur absolue. Dans le modèle de Kim et Verrecchia (1994) fondé sur l’hypothèse d’asymétrie d’information, la plus grande partie du volume de transaction autour de l’annonce proviendrait des agents informés. En complément des études théoriques, de multiples travaux empiriques ont été effectués. Atiase et Bamber (1994) confirment en effet l’hypothèse de Kim et Verrechia (1994) en prouvant que la variation du volume de transaction lors de l’annonce est une fonction croissante du degré d’asymétrie d’information car le caractère éphémère de cet avantage incite les agents informés à effectuer rapidement leurs transactions afin d’en tirer profit. Dans leurs travaux, il s’agit, d’une part, d’analyser l’évolution du volume de transaction au voisinage de l’annonce de bénéfice et d’autre part à détecter les facteurs susceptibles d’affecter l’intensité d’échange sur la période correspondante. Les auteurs semblent s’accorder sur le fait que le volume d’échange s’ajuste fortement à l’information le jour même de l’annonce ou dans les quelques jours qui la suivent (Morse, 1981 ; Bamber, 1987). De fait, Patell et Wolfson (1984) montrent que le volume de transaction s’accroît notablement durant les deux heures qui suivent l’annonce et selon Morse (1981), cet effet se poursuit même pendant trois jours. Gajewski (1999) confirme cette hypothèse sur le marché français en prouvant que le volume du jour d’annonce est plus élevé que le volume des jours sans annonce. Beaver (1968) prouve que le volume d’activité augmente considérablement pendant la semaine contenant la date d’annonce ce que confirment Holthausen et Verrecchia (1990). 15 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE L’étude des déterminants du volume de transaction permet de confirmer certaines prédictions des modèles théoriques précités. Les auteurs justifient, de manière convergente, l’influence positive des variations de prix sur les échanges. Beaver (1968), et Atiase et Bamber (1994) prouvent en effet que les rentabilités anormales consécutives à une annonce sont accompagnées d’une augmentation du volume d’opération, ce qui est cohérent avec le modèle de Kim et Verrecchia (1991a). Cette conclusion est convaincante dans la mesure où les prix servent de base à la détermination des rentabilités des actifs et donc à la prise de décisions des investisseurs. Un changement de prix entraîne en effet des ajustements de la structure du portefeuille, et donc des opérations d’achat et de vente. Le deuxième déterminant du volume d’échange que révèlent certains travaux empiriques est le « désaccord » entre les investisseurs. De manière synthétique, Bamber et al. (1997) le caractérisent par trois grandeurs : la dispersion des anticipations (mesurée par la variance correspondante avant l’annonce), la variation de cette dispersion, encore appelée « divergence », entre les périodes situées respectivement après et avant l’annonce et enfin le « jumbling » (lié au changement relatif des anticipations d’un investisseur par rapport à un autre). En définitive, les auteurs montrent que ces trois grandeurs ont des impacts positifs sur le volume d’échange, et ce, même après le contrôle de l’effet des variations de prix. Ces éléments permettent de poser l’hypothèse 1.2. Hypothèse 1.2 : Le volume d’échange en excès est plus élevé aux annonces de résultat en France qu’aux aux annonces de résultat aux Etats-Unis. Précision, « timing » de l’information contenue dans les résultats et asymétrie d’information De nombreux articles mettent en évidence que le marché réagit différemment aux publications intermédiaires et finales (Gajewski et Quéré, 2001) car les résultats annuels font l’objet d’une certification et d’un audit qui n’ont pas la même acuité dans le cas des annonces trimestrielles aux Etats-Unis et semestrielles en France (Mendenhall et Nichols, 1988). Du fait de cette moindre intensité, on peut penser que les résultats intermédiaires peuvent contenir plus d’erreurs ou d’omissions et aussi conduire à des estimations moins précises de la valeur de l’entreprise (Givoly et Ronen, 1981, Mendenhall et Nichols, 1988, Jones et Bublitz, 1990). En vertu de leur fiabilité moindre que celles des publications annuelles, les agents sont donc prêts dans ce contexte à acquérir à titre onéreux de l’information supplémentaire préalablement à l’annonce ce qui se traduit par un accroissement relatif du degré d’asymétrie d’information. Les spécialistes ou les donneurs d’ordres à cours limité seraient donc susceptibles de faire face à une augmentation relative du risque de sélection adverse plus forte au moment des annonces de résultats intermédiaires qu’aux publications annuelles. Les fourchettes de prix devraient ainsi s’y élargir davantage et les profondeurs diminuer plus encore en vertu d’une asymétrie d’information plus importante qu’aux résultats de fin d’année. Dupont (2000) développe un modèle dans lequel la précision du signal d’information influe sur l’ajustement des quantités proposées par le spécialiste. Lorsque la précision du signal est faible, comme dans le cas des annonces de résultat intermédiaire, les situations d’asymétrie d’information sont plus fortes. Le spécialiste a alors tendance à diminuer ses quantités offertes à l’achat et à la vente. Il est par ailleurs probable que le résultat annuel soit en vertu de la certification et l’approbation auxquelles, de toutes les publications celle qui est considérée comme étant la plus importante par les investisseurs. Il suscite donc une attention 16 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE et une recherche concurrente d’information de la part des agents qui réduit précisément les avantages informationnels correspondants. Cela permet de spécifier l’hypothèse 1.3. Hypothèse 1.3 : les fourchettes de prix sont plus larges et les profondeurs plus faibles aux annonces de résultat intermédiaires qu’aux annonces de résultats annuels (résultat trimestriel dans le cas des Etats-Unis et semestriel dans le cas de la France). Le dispositif de publication des résultats est aux Etats-Unis fondé sur quatre publications trimestrielles et une publication annuelle de résultats. En France, les seuls résultats publiés sont les résultats semestriels et annuels. Sur les autres trimestres, nos entreprises n’ont que l’obligation de diffuser leur chiffre d’affaires. Ainsi, la comparaison des marchés français et américains devrait permettre par comparaison d’identifier un « effet contenu » lié à la nature différente de l’information publiée. On devrait ainsi déceler un degré d’asymétrie d’information plus élevé à l’annonce des publications semestrielles françaises, en raison de leur fréquence moindre et du caractère très minimaliste de nos publications trimestrielles. De fait, au regard de la fréquence inférieure des publications de résultat en France, les prévisions de résultat annuel devraient dans notre pays être moins précises que celles qui prévalent aux Etats-Unis. Ces éléments permettent ainsi de formuler l’hypothèse 1.4. Hypothèse 1.4 : les fourchettes de prix observées lors des annonces de résultat annuel sont plus larges et les profondeurs plus faibles en France qu’aux Etats-Unis. Richesse de l’information préalable à l’annonce et asymétrie d’information L’évolution des fourchettes de prix et des profondeurs à l’annonce de bénéfice dépendent du substrat d’information dont disposent les agents antérieurement à l’annonce. Yohn (1998) prouve que les fourchettes de prix sont négativement reliées à la richesse de ce substrat. La dispersion des résultats est évidemment un obstacle à leur prévisibilité. S’ils sont très volatils les investisseurs auront naturellement des difficultés à anticiper le bénéfice futur et tenteront d’acquérir plus d’information privée pour apprécier la valeur de l’entreprise. Cette accumulation d’informations devrait se traduire par un accroissement corrélatif des fourchettes de prix. De surcroît, la publication d’un résultat volatile ne simplifie pas son interprétation et conduit à une plus forte hétérogénéité des anticipations, ce qui se traduit également par un élargissement des fourchettes de prix. La variabilité des résultats dépend essentiellement de la structure des coûts, et en particulier de l’évolution de cette structure en fonction du chiffre d’affaires. Si, à l’instar de ce qui prévaut dans l’établissement d’un budget, la causalité de ces coûts est bien connue des investisseurs, ils peuvent induire sans difficulté du chiffre d’affaires de la période, le résultat correspondant. Si cette structure n’est pas claire ou très inconstante le résultat est à l’inverse difficilement prévisible. Les éléments constitutifs des charges calculées peuvent également surprendre les investisseurs lors des publications correspondantes. Au regard de la nature discrétionnaire de certaines de leurs composantes, ces éléments sont en effet de nature à entraîner une plus grande hétérogénéité des interprétations. Les fourchettes de prix seraient ainsi d’autant plus larges que la part des charges calculées dans le résultat net serait plus élevée. Enfin, le résultat exceptionnel (éléments non récurrents d’une année sur l’autre) est également un élément de nature à entraîner des surprises à l’annonce du bénéfice et donc des divergences d’interprétation de la part des investisseurs. Ces éléments permettent de poser l’hypothèse 1.5. 17 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Hypothèse 1.5 : les fourchettes de prix sont plus larges et les profondeurs plus faibles à l’annonce des résultats annuels lorsque - la part des dépenses non prévisibles est plus élevée; - la part des charges calculées dans l’ensemble des dépenses est plus forte; - la part du résultat exceptionnel dans le bénéfice est plus importante. L’environnement informationnel influe naturellement sur la vitesse de convergence des anticipations des investisseurs. En effet, dans une situation d’environnement riche en information publique (voir la disponibilité de l’information ci-infra), les investisseurs peuvent anticiper les résultats futurs avec plus de précision. Les surprises sont moins alors moins fortes, et dans ces conditions, les agents sont moins incités à acquérir de l’information privée. Un environnement riche en informations peut être caractérisé par le nombre de prévisions d’analystes, leur écart-type et leurs erreurs. Si une entreprise suscite l’intérêt d’un plus grand nombre d’analystes, les investisseurs disposent non seulement d’un grand nombre de prévisions pour réviser leurs anticipations mais aussi d’un « consensus » assorti d’un risque d’erreur moins élevé. L’écart type des prévisions exerce de fait une influence sur l’asymétrie d’information ellemême. Plus ces prévisions sont dispersées, plus les anticipations des investisseurs correspondantes ont une probabilité forte de divergence. Les investisseurs estiment alors les résultats futurs avec un degré de précision plus faible, ce qui entraîne une plus grande incertitude au moment de la publication du résultat et donc une asymétrie d’information plus forte. Pour réduire cette incertitude, les agents devraient naturellement acquérir plus d’information privée, ce qui augmente d’autant l’asymétrie d’information correspondante. De même, l’amplitude des erreurs de prévision elle-même (ou de manière similaire l’intensité de la surprise de résultat) est de nature à désorienter le marché et à entacher la prévisibilité des résultats des entreprises concernées. Cette surprise peut également provenir d’une manipulation de certaines composantes discrétionnaires du résultat. La précision des prévisions réduit le risque de sélection adverse survenant autour de l’annonce de résultat. Skinner (1994) prouve que les accroissements de fourchettes de prix après les annonces sont d’autant plus importants qu’elles révèlent des surprises plus fortes. Ces éléments permettent de poser l’hypothèse 1.6. Hypothèse 1.6 : les fourchettes de prix sont plus larges et les profondeurs plus faibles à l’annonce des résultats lorsque - le nombre de prévisions de bénéfice est plus faible ; - l’écart type des prévisions de bénéfice est plus élevé ; - l’erreur moyenne de prévision est plus élevée. 4. La description des données et la détermination des aspects méthodologiques 4.1. La détermination des échantillons d’annonces La communication financière des sociétés s’est intensifiée au cours des vingt dernières années, car les dirigeants doivent répondre à la fois aux nouvelles attentes des investisseurs et aux caractéristiques actuelles des marchés financiers. Cette communication a donc pris différentes formes, et les dirigeants n’hésitent pas à utiliser l’ensemble des canaux 18 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE d’information de manière soit simultanée soit consécutive. Aux voies traditionnelles de communication que sont la publication des comptes annuels et les publications périodiques obligatoires se sont ajoutés les lettres aux actionnaires, les communiqués de presse, les interviews, les réunions avec les analystes financiers, les créations de site internet, etc. C’est généralement par un communiqué de presse que les résultats d’une société sont d’abord diffusés aux marchés financiers. Aux Etats-Unis, selon la réglementation S-X, les publications trimestrielles contiennent le résultat net. Les entreprises cotées sur les marchés Américains ont l’obligation de diffuser les quatre résultats trimestriels QR1, QR2, QR3 et QR4. Alors que ces publications sont presque homogènes, le contenu informatif des publications intermédiaires françaises diffère de la publication finale. En particulier, les normes françaises n’imposent trimestriellement aux entreprises que la diffusion du chiffre d’affaires, alors que seule la publication finale contient le résultat net. Dans ces conditions, l’information contenue dans les publications intermédiaires est plus pauvre que celle incluse dans la publication finale du bénéfice. Les entreprises françaises ont l’obligation légale de publier trois types de rapports: - leurs chiffres d’affaires correspondant aux quatre trimestres de l’année (notés QT1, QT2, QT3, QT4); - leur résultat semestriel (noté HYE) correspondant au premier semestre de l’année; - leur résultat annuel (note AE). Le graphique 1.1 permet de visualiser le processus de diffusion de l’information financière légale et obligatoire en France et aux Etats-Unis. Graphique 1.1 – Le processus de diffusion des chiffres comptables en France et aux EtatsUnis QT1 QT2 QR1 QR2 HYE QT3 QT4 QR3 QR4 AE AE Note: Ce graphique retrace les étapes du processus de diffusion de l’information financière légale et obligatoire en France (1er tracé) et aux Etats-Unis (2ème tracé). Patell et Wolfson (1984) sur le marché américain et Gajewski (1999) sur le marché français montrent qu’un processus d’ajustement des cours commence à être perceptible dès la publication du bénéfice. Par conséquent, les investisseurs sont incités à surveiller la date et l’heure d’annonce de bénéfice et à acquérir de l’information privée préalablement à sa survenance. Dès lors, la connaissance très précise du jour et de l’heure d’annonce est un élément fondamental de cette étude. Même si le communiqué sur les résultats d’une entreprise se restreint souvent à la seule mention du résultat net, il constitue la référence de la date effective de publication des résultats. Le communiqué de la société est souvent repris soit par la presse écrite, soit par les réseaux informatiques. Ces derniers diffusent plus rapidement les informations que la presse écrite. Les réseaux Dow Jones, Reuters et Bloomberg, très utilisés par les opérateurs de marché, diffusent le bénéfice le jour même alors que la presse écrite reprend ces informations le lendemain de leur réception. 19 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Les dates et heures d’annonce ont donc été collectées à partir de deux bases de données. Bloomberg et Factiva sur la période allant de Janvier 1999 à Juin 2001. Cette dernière a permis d’extraire les communiqués effectués par Dow Jones et Reuters qui précèdent éventuellement ceux de Bloomberg. En effet, la base des deux échantillons d’annonce a été constituée en sélectionnant la première annonce dans le temps. Le tableau 1.1 recense les annonces de résultat par catégorie et par année. Tableau 1.1 –La répartition des événements par catégorie et année Partie A – La France Année 1999 2000 2001 Total HYE GN 38 35 AE BN 35 47 1 83 73 GN 1 87 107 195 Total BN 1 66 78 145 75 235 186 496 Partie B – Les Etats-Unis Année 1999 2000 2001 Total QR1 QR2 QR3 QR4 Total GN BN GN BN GN BN GN BN 124 86 210 38 50 88 108 11 119 42 6 48 95 5 100 52 3 55 105 73 178 48 49 97 612 283 895 Note: Cette distribution tient compte à la fois de la disponibilité des données boursières sur Datastream et des données de prévisions d’IBES. Si on observe les heures d’annonce, il semble que de nombreuses sociétés souhaitent publier leurs résultats en dehors des séances de bourse. L’échantillon de Patell et Wolfson (1984) comporte approximativement 1/3 d’annonces faites en dehors de la séance de cotation. En France, les entreprises ont également tendance à publier leurs résultats en dehors de la séance de bourse afin d’éviter le phénomène de surréaction associé à une utilisation trop précipitée d’une information aussi laconique. Les communications de résultat en dehors de la séance permettent également de limiter le risque de voir apparaître des situations d’initiés. De surcroît, l’interprétation du bénéfice nécessite une analyse approfondie menée à partir de paramètres plus nombreux. 8 Dans ce contexte, la diffusion du bénéfice en dehors des heures d’ouverture du marché permet une meilleure assimilation de ce résultat par les agents qui prennent alors du recul. Cependant, l’allongement des plages horaires de cotation rend la diffusion des communiqués pendant la séance de plus en plus difficile. De plus, la multicotation des entreprises sur des places situées dans des pays avec des fuseaux horaires différents permet aux investisseurs de réagir à tout moment à une information publique. La collecte des heures d’annonce de résultat permet de réaliser un meilleur centrage des dates d’annonce, particulièrement en cas d’annonce après la séance de bourse. 8 La mise à disposition des Comptes Annuels n’est pas immédiate mais permet une appréciation plus fine de la constitution du bénéfice. 20 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE 4.2. La description des données et des variables 4.2.1. La constitution des bases de données boursières Afin de déterminer le comportement des investisseurs à l’annonce de bénéfice, deux types de bases ont été nécessaires pour extraire les données boursières. La première base utilisée, DATASTREAM, a permis d’extraire des données de cours et d’indices quotidiens à la clôture. Ces données ont été extraites sur les marchés français et américains pour les entreprises de l’échantillon et pour les indices SBF250 et SP500 sur la période allant de janvier 1997 à juin 2001. Les autres bases consultées sont des bases de données horodatées, BDM (Bases de Données de Marché) pour la France, et TAQ (« Trades and Quotes ») pour les Etats-Unis sur la période allant de janvier 1999 à juin 2001. Ces bases contiennent des données de meilleures limites et de transaction (prix et volume). L’horodatage à la seconde près a permis à partir des échantillons des entreprises françaises et américaines la constitution de fichiers dans lesquels les meilleures limites sont croisées avec les transactions par ordre d’arrivée dans le temps. A partir de ces données, les variables suivantes ont été déterminées. 4.2.2. La mesure des variables explicatives - La fourchette de prix La fourchette de prix en valeur absolue est définie par la différence entre les meilleures limites à la vente p a et à l’achat p b . En raison des niveaux de prix différents, les fourchettes t t en valeur absolue sont difficilement comparables d’un titre à l’autre. Il est donc préférable de choisir la fourchette relative pour comparer les titres. La fourchette relative s’exprime selon la formule 1.1 : s = t p a − pb t pta + t ptb (1.1) . 2 On définit également la fourchette relative pendant un intervalle de temps T par la moyenne des fourchettes relatives observées pendant cette période. - La profondeur Dupont (2000) démontre que la profondeur est plus sensible aux variations d’asymétrie d’information que la fourchette de prix et que cette sensibilité varie avec la précision du signal transmis par l’information. De même, Kavajecz (1999) démontre que les experts réagissent aux changements de risque lié à l’information en ajustant surtout les profondeurs. Mann et Ramanlal (1996) prouvent empiriquement que la profondeur est un indicateur de liquidité plus pertinent que la fourchette de prix pour mesurer le risque de sélection adverse. La profondeur est définie par la somme des volumes associés aux meilleures limites à l’achat et à la vente, respectivement notés qta et qtb . 21 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE d = q a + qb . t t t (1.2) 4.2.3. La mesure des variables de contrôle L’évolution des fourchettes de prix et des profondeurs sont également déterminées par des variables caractéristiques qui peuvent être réparties en deux groupes de variables : les caractéristiques des entreprises (taille, volatilité, variables comptables) et les caractéristiques d’échange (volume de transaction et nombre de transactions). - La taille des entreprises Le délai de réaction devrait être plus court pour les entreprises de grande taille, étant donné qu’elles sont plus surveillées par le marché. Les fourchettes de prix sont inversement reliées à la taille des entreprises ; cette dernière est mesurée par la capitalisation boursière, exprimée en logarithme. - Le volume de transaction La fourchette de prix est inversement proportionnelle au volume de transaction (Glosten et Milgrom, 1985). Le degré d’activité du marché est mesuré à partir du nombre de titres échangés v à la date t. On définit ainsi le volume échangé pendant un intervalle de temps T t par la somme des quantités échangées pendant cette période et on considère cette grandeur en logarithme, comme il est défini dans l’expression 1.3. T ⎛ ⎞ at = Log ⎜ 1 + ∑ vt ⎟. ⎝ t =1 ⎠ - (1.3) La volatilité La fourchette de prix est une fonction croissante de la volatilité (Copeland et Galai, 1983). La volatilité est mesurée à partir de l’écart maximal des prix de transactions entre le plus haut et le plus bas rapporté au milieu des deux prix. Elle est mesurée d’après la formule 1.4. Volatt = - (Pr ix Max − Pr ix Min ) (Pr ix Max + Pr ix Min) 2 (1.4) Les charges calculées Les charges calculées, par les marges de manœuvre qu’elles autorisent, sont susceptibles d’introduire une incertitude dans l’estimation des résultats. L’écart-type des prévisions est logiquement relié positivement à cette variable. Elle est définie comme suit : 22 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Ch arg escal = - Dotations aux amortissements et provisions ⎛ Dépenses d ' exp loitation − ⎞ ⎜⎜ ⎟⎟ ⎝ Dotations aux amortissements et provisions ⎠ (1.5) La fraction des charges non prévisibles Il s’agit ici de déterminer en premier lieu la fraction « prévisible » des charges d’exploitation et du résultat correspondant. Dans cette logique, nous avons estimé la part des dépenses totales liées à l’évolution du chiffre d’affaires (charges variables) et celles qui constituent des charges fixes. Dans un deuxième temps, et d’après le résidu rapporté au résultat d’exploitation hors charges calculées, nous avons estimé la partie non prévisible de ces charges qui constitue la variable Ectcharges que nous examinons dans l’expression 1.6. L’écart type des prévisions devrait être relié positivement à cette variable puisqu’elle traduit une sorte d’incertitude. ⎧ Depenses totales = α × CA + b + ε ⎪ σ (εˆ ) ⎪ ⎨ Ectch arg es = Résultat d' exp loitation − ⎪ ⎪⎩ Dotations aux amortissements et provisions - (1.6) Le résultat exceptionnel Cette variable permet d’étudier si le résultat exceptionnel influe sur l’incertitude liée à l’estimation du résultat futur. Il est calculé comme suit : Re xcabs = - Résultat exceptionnel Résultat net (1.7) La fréquence de publication Ayant pour objectif de rendre comparables les comptes semestriels et annuels, la COB a émis en 1999 une recommandation (n° 99-01) relative au mode d’établissement et de présentation des comptes intermédiaires par les sociétés faisant appel public à l’épargne. L’objectif était de recommander aux entreprises qui établissent leurs comptes intermédiaires de préparer un jeu complet de comptes en appliquant des principes de comptabilisation, d’évaluation et de présentation comparables à ceux établis à la clôture de l’exercice. Cependant, la publication de résultats trimestriels en France semble s’accélérer depuis 1999, mais n’est pas encore systématique. En effet, la lecture des comptes de certaines entreprises soumises à un cycle annuel, n’est pas nécessairement rendue plus facile avec le passage aux comptes trimestriels. Nous avons identifié une variable dichotomique trimestre qui prend la valeur 1 si l’entreprise publie des comptes trimestriels et 0 sinon. 4.3. Les aspects méthodologiques Dans un premier temps, il s’agit d’étudier le comportement du marché dans son ensemble à l’annonce de résultat en France et aux Etats-Unis. Cette étude permet d’analyser l’amplitude 23 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE de la réaction et le délai d’ajustement du marché à l’annonce de résultat. Abordée d’un point de vue comparatif entre les pays et entre les types d’annonces, elle est complétée par une analyse des volumes de transaction à l’annonce. Cette analyse permet d’obtenir des indications à la fois sur la dispersion des anticipations et la divergence d’interprétations des investisseurs à l’annonce. Puis, une étude de la volatilité intra-quotidienne du marché permet d’apprécier la vitesse de convergence des anticipations. Enfin, une analyse conjointe de l’évolution des fourchettes de prix et des profondeurs à l’annonce est utilisée pour observer comment le risque lié à l’information et les situations d’asymétrie d’information évoluent aux annonces de résultat. Cette étude permet également de distinguer l’hypothèse d’asymétrie d’information de l’hypothèse d’hétérogénéité des interprétations. 4.3.1. L’étude d’événement sur les rentabilités quotidiennes à l’annonce de résultat La méthodologie des études d'événement est utilisée ici pour mesurer l'impact des annonces de résultat sur le cours des actions correspondantes. Selon l'hypothèse des marchés efficients, les cours reflètent l'information véhiculée par l'annonce au moment où cette information est transmise au marché. Dans cette logique, la détection d’une réaction lors de l’annonce est le signe d’un ajustement du marché à l’annonce. Dans l’étude qui suit, la date 0 désigne le jour de l’annonce de résultat. Il s’agit de tester dans cette étude le caractère significativement différent de zéro de la rentabilité excédentaire moyenne autour de la date d’annonce. Si Rit désigne la rentabilité du titre i et Rmt la rentabilité d'un indice à la date t 9, la rentabilité anormale peut être estimée par la différence entre Rit et une norme, notée Nit , qui correspond à la rentabilité en l’absence d’événement particulier. 10 La période d'estimation des paramètres 11 a été fixée entre 110 jours et 11 jours avant la date d'annonce de l'émission (t = 0) . La rentabilité anormale moyenne en coupe instantanée ( RAM t ) est ensuite calculée à chaque date de la fenêtre d'événement, définie sur 21 jours centrés sur la date d’annonce. 9 Les indices utilisés dans cette étude sont l'indice général SBF 250 des 250 plus grandes entreprises françaises et l’indice SP500 des 500 plus grandes entreprises américaines. Les indices sont des indices de rentabilité calculés par les Bourses (Euronext et Nyse) et tiennent compte du réinvestissement des dividendes. 10 Trois normes peuvent être définies : - la rentabilité d'un indice : Nit = Rmt ; - la rentabilité moyenne du titre mesurée sur une période d'estimation antérieure à la période 1 −11 d'événement : N = ∑ R ; it 100 it t = −110 - la rentabilité ajustée par les mouvements du marché et du risque : N it = α i + β i ⋅ Rmt . Dans le cadre du modèle de marché, les coefficients sont calculés par les moindres carrés ordinaires sur la période d'estimation. Cependant, en raison du phénomène d'asynchronisme des données dû au décalage des heures de cotation entre les titres, et plus particulièrement entre chaque titre et l'indice, Dimson (1979) a proposé une méthode qui corrige ce phénomène. Scholes et Williams (1977) et Fowler et Rorke (1983) proposent des estimateurs qui permettent de prendre en compte l'autocorrélation des rentabilités. 11 24 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Afin d’évaluer si le résidu moyen ainsi obtenu diffère significativement de zéro, l’hypothèse nulle ( H0: RAM t = 0) est testée. Les deux principaux tests utilisés sont paramétriques. 12 Le premier est construit à partir du rapport entre la rentabilité anormale moyenne et l'écart-type calculé en série temporelle. Ttps = RAM t où σ (RAM ) 1 −110 ⎛ 1 −110 ⎞ − σ (RAM ) = RAM RAM τ ⎟ ⎜ ∑ ∑ t 99 τ =−11 ⎝ 100 τ = −11 ⎠ (1.8) 2 Le deuxième test est construit à partir du rapport entre la rentabilité anormale moyenne et l'écart-type calculé en coupe instantanée. Ttrans = N RAM t σ ( RAM t ) σ ( RAM t ) = où (1.9) 1 N 2 ∑ ( RAit − RAM t ) N − 1 i =1 4.3.2. L’étude d’événement par les volumes de transaction et à l’annonce de résultat Si certains agents font une analyse plus détaillée du bénéfice annoncé, ils ont intérêt à profiter de leur avantage informationnel qui n’est pas durable. Ils sont donc incités à multiplier leurs transactions. L’objectif de ce paragraphe est donc de définir une méthode qui permet de déceler s’il y a effectivement un accroissement d’activité à l’annonce de bénéfice, qui pourrait être expliqué par la diversité des interprétations. Conformément aux simulations de Mai et Tchéméni (1996), nous considérons le nombre de titres échangés et appliquons la transformation logarithmique. Cette transformation permet d’améliorer la normalité des observations. Si ait désigne le volume du titre i à la date t comme dans la formule 1.3, le volume en excès à l’annonce de résultat peut être calculé par la différence entre le volume et le volume moyen du titre sur la période d’estimation, comme suit. Aait = ait − 1 −110 ∑ ait 100 t =−11 (1.10) Mai et Tchéméni (1996) prouvent empiriquement que le volume moyen sur la période d’estimation est le modèle le plus pertinent pour mettre en évidence un volume en excès à l’annonce d’une information. 12 Sous l'hypothèse de normalité de rentabilité, Ttps et Ttrans suivent respectivement une loi de Student à T − 1 et N − 1 degrés de liberté. 25 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE 4.3.3. L’évolution des fourchettes de prix, des profondeurs et de la volatilité à l’annonce de résultat La multiplication des transactions provenant d’agents supérieurement informés à l’annonce de bénéfice devrait entraîner l’apparition de situations d’asymétrie d’information. Par conséquent, les agents non informés devraient selon cette logique supporter un coût lié à cette asymétrie d’information. Si la fourchette de prix est expliquée en partie par le risque de sélection adverse, un accroissement du coût d’asymétrie d’information devrait être répercuté dans l’évolution de la fourchette de prix. Un élargissement de la fourchette de prix devrait être observé à l’annonce de résultat. De même, intuitivement, les agents informés devraient également diminuer leurs propositions de titres à l’achat et à la vente, entraînant ainsi une diminution de la profondeur. L’étude présente permet de réaliser une étude sur les fourchettes relatives quotidiennes. A partir des données horodatées de prix offerts et demandés, les fourchettes relatives ont été calculées en conservant les précision de la seconde, conformément à la formule 1.1. Ensuite, afin d’étudier son évolution, la fourchette de prix quotidienne a été définie comme la moyenne quotidienne de l’ensemble des fourchettes de prix d’un jour. Puis, pour chaque titre, une fourchette de prix en excès a été calculée par rapport à une moyenne de référence sur une période de 21 jours de bourse consécutifs. Ainsi, une fourchette relative moyenne a été estimée pour chaque titre sur une période allant de 60 jours avant l’annonce jusqu’à 10 jours avant l’annonce. En notant msi la fourchette moyenne du titre i, il est possible d’estimer une fourchette relative en excès à l’instant t, pour le titre i, par la formule définie en 1.11 : esit = sit − msi (1.11) En d’autres termes, les fourchettes relatives du titre i sont comparées à leurs moyennes de référence. Une fourchette moyenne en excès pour l’échantillon, notée es t , peut alors être calculée à chaque instant relatif à partir des fourchettes en excès. L’évolution de cet indice de fourchette au voisinage de l’annonce peut ainsi donner une indication sur le changement du degré d’asymétrie d’information. Afin de tester la significativité des résultats, un test du signe a été mis en place. L’hypothèse testée est définie en 1.12 : H 0 : FEt = 0 (1.12) Soit N t , le nombre de fourchettes relatives en excès à l’instant t. Soient N t+ et N t− les nombres de fourchettes strictement positives et strictement négatives au même instant. La statistique définie en (1.13), suivant une loi normale de paramètres 0 et 1, permet de tester si la fourchette relative en excès observée à l’instant t est significativement différente de 0. 26 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE N t+ T sig = ⎛ N+ + N− ⎞ t ⎟ − ⎜⎜ t ⎟⎟ 2 ⎜ ⎝ ⎠ N+ t + (1.13) N− t 4 où N + et N − représentent les rentabilités strictement positives et strictement négatives. suit une loi normale de paramètres 0 et 1. T sig La même méthodologie a été appliquée à la profondeur et à la volatilité comme elles ont été définies respectivement dans les formules (1.2) et (1.4). 4.3.4. L’analyse conjointe des fourchettes de prix et des profondeurs au voisinage des annonces de résultat La méthodologie du paragraphe précédent permet d’étudier les fourchettes de prix et les profondeurs au voisinage des annonces de résultat sans prendre en compte leur évolution concomitante, l’effet de certaines variables de contrôle et les problèmes d’endogénéité de certains facteurs. Il s’agit en effet dans cette étude, d’une part, d’identifier les facteurs de divergence d’anticipations et de distinguer ces facteurs, des situations d’asymétrie d’information prévalant au voisinage des annonces, et d’autre part, d’examiner dans quelle mesure les annonces de résultat permettent de faire converger plus rapidement les anticipations ou au contraire sont à l’origine d’une source de bruit supplémentaire. Le 1er biais de l’analyse descriptive simple tient aux apports théoriques de certains modèles (Kavajecz, 1999 ; Dupont, 2000) qui démontrent que les spécialistes ou teneurs de marché n’élargissent pas seulement leurs fourchettes de prix pour se prémunir d’ordres provenant d’agents informés, mais ajustent également les quantités offertes sur chacune des meilleures limites. La profondeur, mesurée par ces quantités, n’est donc pas seulement une variable implicite qui dépend des fourchettes de prix mais résulte de choix explicites opérés par les spécialistes. A fortiori, sur le marché français, on peut supposer que les quantités associées à ces meilleures limites sont déterminées conjointement avec les limites de prix correspondantes. Dans ces conditions, la variation des fourchettes de prix et des profondeurs au voisinage des annonces de résultat doit être réexaminée sous la forme d’une évolution conjointe tenant compte de variables communes et spécifiques. Le 2ème biais permet de dissocier les variations de fourchettes de prix et les fluctuations de profondeurs des impacts liés aux caractéristiques des entreprises et à l’organisation des marchés correspondants. Nous introduisons ainsi des variables de contrôle, comme la taille des entreprises, le volume de transaction, la volatilité … Le 3ème biais tient au problème de corrélation entre certaines variables. En effet, l’hypothèse 1.6 stipule que les fourchettes de prix sont plus larges et les profondeurs plus faibles à l’annonce des résultats lorsque le nombre de prévisions est plus faible, l’écart-type des prévisions plus élevé et l’erreur moyenne de prévision plus élevée. Comme ces 3 dernières variables sont corrélées entre elles, il convient de ne prendre en compte que l’une d’entre elles 27 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE comme variable explicative des fourchettes de prix et des profondeurs. Afin d’éviter tout problème de colinéarité, nous considérons l’écart type des prévisions comme variable dépendante du nombre de prévisions et de l’erreur de prévision. Le 4ème biais tient au problème d’endogénéité de certains effets. Les investisseurs sur les marchés financiers collectent en effet beaucoup d’informations au voisinage des annonces de résultat. Cet ensemble d’informations leur permet d’une part de mieux anticiper le résultat futur et d’autre part de mieux interpréter le bénéfice publié. Dans cet ensemble qui leur est utile pour déterminer leurs ordres figurent les prévisions des analystes. Comme exposé dans certains articles (Kanagaretnam et al., 2005), les fourchettes de prix et les profondeurs varient en fonction de l’hétérogénéité de ces prévisions. Cette dispersion est considérée à tort dans la littérature comme une variable de substitution (proxy ) de l’asymétrie d’information sur les marchés financiers. En effet, si les investisseurs et les spécialistes ajustent les prix et les quantités en partie en fonction de la dispersion des prévisions, ils révisent également leurs anticipations en fonction des caractéristiques des entreprises (taille, liquidité et variables comptables). La dispersion des prévisions des analystes est donc une variable endogène car elle dépend également des caractéristiques des entreprises qui sont scrutées aussi bien par les investisseurs que par les producteurs d’information. Ces éléments permettent de définir les modèles à équations simultanées 1.14 et 1.15 explicatifs de l’évolution de la fourchette de prix et de la profondeur au voisinage des annonces. Le modèle 1.14 porte sur les annonces de résultats intermédiaires (semestrielles en France et trimestrielles aux Etats-Unis) et le modèle 1.12 porte sur les annonces de résultats annuels. ⎧ Std = α + α Surpabs + α Taille + α Nbestim + ε 0 1 2 3 1 ⎪⎪ ⎨ Spar = a0 + a1 Depar + a2 Sizear + a3 Rangear + a4 εˆ 1 + a5 Jour + ε 2 ⎪ ⎪⎩ Depar = b0 + b1Spar + b2 Sizear + b3εˆ 1 + b4 Jour + ε 3 (1.14) ⎧ Std = α 0 + α 1Surpabs + α 2Taille + α 3 Nbestim + α 4 Ch arg escal + α 5 Re xcabs ⎪ + α Ectch arg es + α trimestre + ε ⎪⎪ 6 7 1 ⎨ ⎪ Spar = a0 + a1 Depar + a2 Sizear + a3 Rangear + a4εˆ 1 + a5 Jour + ε 2 ⎪ Depar = b + b Spar + b Sizear + b εˆ + b Jour + ε 0 1 2 3 1 4 3 ⎩⎪ (1.15) Où chaque variable est définie dans le tableau 1.2. 28 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 1.2 – Définition des variables explicatives et dépendantes Variable Std Surpabs Taille Nbestim Chargescal Rexcabs Ectcharges Trimestre Spar Depar Sizear Rangear Pstd( Stˆd ) Resid ( ε̂ 1 ) Jour Définition Ecart-type des prévisions des analystes Surprise de résultat en valeur absolue Logarithme de la capitalisation boursière Nombre de prévisions de résultat Montant des charges calculées en pourcentage des dépenses d’exploitation hors charges calculées Rapport entre le résultat exceptionnel et le résultat net Part des dépenses d’exploitation non liées au chiffre d’affaires en pourcentage du résultat d’exploitation Variable égale à 1 si l’entreprise diffuse des résultats trimestriels en France Fourchette de prix relative en excès Profondeur en excès Volume de transaction en excès Volatilité en excès Part de l’écart type des prévisions des analystes expliquée par les caractéristiques des entreprises et celles des analystes (Part naturelle de dispersion) Part de l’écart-type des prévisions des analystes non expliquée par les caractéristiques des entreprises et celles des analystes (Part idiosyncrasique de dispersion) Variable muette prenant la valeur 1 si on observe la fourchette de prix et la profondeur après l’annonce Les modèles 1.14 et 1.15 sont estimés en deux étapes. Dans un premier temps, on extrait de la régression de Std, Pstd, la part de l’écart type des prévisions expliquée par les facteurs communs et le résidu, c'est-à-dire la part de l’écart-type des prévisions non expliquée par les facteurs communs. Ensuite, on estime le modèle à équations simultanées de la fourchette de prix et de la profondeur, en incluant la prédiction et le résidu obtenus de la 1ère régression comme variables indépendantes. 5. RESULTATS ET INTERPRETATIONS 5.1. L’ajustement des marchés financiers aux annonces de résultat Les tableaux 1.3 et 1.4 présentent la réaction des marchés financiers aux annonces de résultats tant en France qu’aux Etats-Unis. Conformément à la littérature antérieure (Hew et 29 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE al., 1996 ; Chari et al., 1988 ; Gajewski et Quéré, 2001), les résultats annoncés par les entreprises véhiculent de l’information aux marchés financiers, puisque les investisseurs réagissent significativement lors de leur diffusion qu’il s’agisse de bonnes ou de mauvaises nouvelles. L’amplitude de la réaction n’est cependant pas identique en France et aux Etats-Unis. L’examen d’ensemble des rentabilités anormales cumulées sur les 5 premiers jours suivant l’annonce montre que les bonnes surprises de résultat, semblent être accompagnées d’une plus forte réaction aux Etats-Unis qu’en France. Les résultats américains constituent en effet le support du calcul du montant du dividende trimestriel et les investisseurs leur accordent sans doute à ce titre une attention très soutenue. En France, seul le résultat annuel est la source du dividende, ce qui explique un niveau de réaction sur les 3 jours entourant l’annonce de 1,55%, voisin de la réaction moyenne observée aux Etats-Unis sur les 4 trimestres. L’hypothèse 1.1 ne semble donc pas vérifiée dans le cadran des bonnes surprises, dans la mesure où le degré d’attention accordé par les investisseurs aux résultats trimestriels américains est bien plus fort que celui prévalant pour les publications semestrielles françaises. En revanche, les bonnes surprises américaines mettent en évidence une sorte d'effet temporel en vertu duquel la réaction des marchés semble s'atténuer au fur et à mesure que l'on s'approche de la publication annuelle. A l’opposé, le tableau 1.4 prouve que les mauvaises nouvelles sont plus durement sanctionnées en France qu’aux Etats-Unis. Les rentabilités anormales cumulées sur les 5 premiers jours après l’annonce de ces mauvaises surprises sont en effet beaucoup plus négatives dans l’hexagone qu’outre atlantique. Si la fréquence des publications intermédiaires est dans notre pays trimestrielle comme aux USA, le premier et le troisième trimestre ne mentionnent que le chiffre d'affaires et non pas le résultat net. Or, d'après les observations effectuées par Gajewski et Quéré (2001), les actionnaires accordent peu d'intérêt à cette donnée très laconique qui, prise isolément, semble impropre à rendre compte de manière régulière de la situation financière des entreprises. Dans de telles conditions, l'information s'accumule comme un gaz sous pression et provoque ainsi en France une réaction plus forte à sa libération soudaine lors de la publication plus pertinente des résultats semestriels et annuels. Dans ce contexte, la fréquence utile de publication dans notre pays est de six mois, justifiant ainsi des intensités de réaction plus importantes du fait d'une moindre réactualisation de l'information qu'outre atlantique. Cette hypothèse est surtout vérifiée lorsque les entreprises ont des mauvaises surprises à révéler. Dans ce contexte, l'AMF (Autorité des Marchés Financiers) incite les firmes à émettre des avertissements sur résultat lorsque ceux-ci sont trop inférieurs aux attentes des analystes et des investisseurs afin de prévenir une réaction trop brutale des marchés financiers. L'hypothèse 1.1 est donc validée pour le cadran des mauvaises surprises, en raison d'une fréquence de diffusion des résultats plus élevée aux Etats-Unis qu'en France. Aux Etats-Unis, la publication de résultats trimestriels permet aux marchés financiers de mieux intégrer les mauvaises surprises, et on observe effectivement une réaction négative à leur annonce, mais d’une amplitude beaucoup moins forte qu’en France. 30 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 1.3 – Impact sur les rentabilités anormales des annonces de résultat correspondant aux bonnes nouvelles Etats-Unis Date ou période relative France QR1 (210) QR2 (119) QR3 (100) QR4 (178) HYE (73) AE (195) [J-1; J1] 1,94%*** 1,6%*** 0,24% 0,81% 1,36%** 1,55%*** [J0; J1] 1,82%*** 1,36%*** 0,48% 0,44% 0,83%** 0,85%*** [J0; J5] 2,65%*** 1,55%*** 1,8%** 1,29%** 1,21%** -0,11% Note: La date d’annonce est celle du résultat. Les rentabilités sont calculées à partir du modèle de marché. Elles sont présentées sur la période englobant la date d’annonce et sont cumulées sur les périodes allant de 0 à 1 jour et de 0 à 5 jours. Les exposants *, ** et *** indiquent la significativité des rentabilités anormales aux seuils de 10, 5 et 1%. Pour les rentabilités anormales cumulées, le test tient compte de la période de cumul. Soit nbj le nombre de jours sur lesquels la rentabilité anormale est cumulée, RAMC la rentabilité anormale cumulée sur nbj jours, σ (RAM ) l’écart-type sur la période d’estimation. Le test est déterminé d’après la formule RAMC TCtps = . nbj σ ( RAM ) Tableau 1.4 – Impact sur les rentabilités anormales des annonces de résultat correspondant aux mauvaises nouvelles Etats-Unis Date ou période relative France QR1 (88) QR2 (48) QR3 (55) QR4 (97) HYE (83) AE (145) [J-1; J1] -0,41% -1,88%*** -1,91%** -1,62%* -1,25%*** -1,32%*** [J0; J1] -0,19% -1,32%*** -1,53%** -0,72%* -1,25%*** -1,32%*** [J0; J5] -0,13% -1,03% -1,08% -0,61% -1,57%** -2,71%*** Note: La date d’annonce est celle du résultat. Les rentabilités sont calculées à partir du modèle de marché. Elles sont présentées sur la période englobant la date d’annonce et sont cumulées sur les périodes allant de 0 à 1 jour et de 0 à 5 jours. Les exposants *, ** et *** indiquent la significativité des rentabilités anormales aux seuils de 10, 5 et 1%. Pour les rentabilités anormales cumulées, le test tient compte de la période de cumul. Soit nbj le nombre de jours sur lesquels la rentabilité anormale est cumulée, RAMC la rentabilité anormale cumulée sur nbj jours, σ (RAM ) l’écart-type sur la période d’estimation. Le test est déterminé d’après la formule RAMC TCtps = . nbj σ ( RAM ) 31 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE 5.2. L’évolution des transactions au voisinage des annonces de résultat Le tableau 1.5 met en évidence l'évolution du volume de transaction au voisinage des annonces de résultat en France et aux Etats-Unis. Ces annonces engendrent une hausse du volume de transaction lors de leur survenance et confirment bien la précision du centrage des dates correspondantes. Une analyse plus fine des différents profils montre que l'accroissement du volume est plus élevé en France qu'aux Etats-Unis, puisque les annonces de résultats américains entraînent une augmentation de 54% du volume de transaction au jour d'annonce alors que, dans l'hexagone, l'accroissement correspondant atteint 76%. Ce phénomène est vraisemblablement lié, ici encore, à la moins grande fréquence de publication qui prévaut dans notre pays alors que les investisseurs américains sont incités à réajuster leurs portefeuilles plus régulièrement compte tenu du rythme trimestriel existant outre Atlantique. D'un point de vue intuitif, ces publications trimestrielles devraient naturellement engendrer une hétérogénéité des anticipations moindre que celle des annonces semestrielles. Cette hypothèse est bien confirmée pour les volumes échangés un jour après la date d'annonce puisqu'il reste élevé en France alors qu'il décroît de manière significative aux Etats-Unis. L’hypothèse 1.2 semble ainsi confirmée. Le tableau 1.5 permet également noter que les résultats intermédiaires engendrent une hausse du volume plus forte qu'aux résultats annuels (55% contre 48% aux Etats-Unis et 87% contre 69% en France). La différence est d'ailleurs plus marquée dans l'hexagone qu'outre atlantique. Le degré de certification des résultats intermédiaires étant plus faible que celui des résultats annuels, on peut supposer que les résultats publiés engendrent des interprétations plus dispersées. Conformément à cette logique, le résultat semestriel français semble être celui qui en suscitant les plus grandes incertitudes entraîne une hétérogénéité des anticipations plus forte et de ce fait un volume de transaction plus élevé. 32 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 1.5 – Evolution du volume de transaction anormal au voisinage des annonces de résultat aux Etats-Unis et en France Etats-Unis Date Toutes annonces Résultats Résultats relative confondues trimestriels annuels -10 7,16% 7,16% 7,14% -9 7,49% 5,97% 12,82% -8 8,38% 8,14% 9,19% -7 7,51% 6,37% 11,49% -6 7,83% 7,11% 10,36% -5 8,20% 8,88% 5,82% -4 8,99% 9,21% 8,22% -3 11,01% 10,50% 12,80% -2 11,00% 9,68% 15,62% -1 16,50% 15,71% 19,25% 0 53,64% 55,16% 48,35% 1 39,14% 39,70% 37,19% 2 23,27% 24,28% 19,70% 3 15,82% 16,15% 14,68% 4 8,20% 9,97% 2,00% 5 7,17% 9,41% -0,67% 6 5,08% 7,97% -5,02% 7 1,61% 4,30% -7,83% 8 1,54% 4,50% -8,81% 9 -0,67% 2,66% -12,32% 10 -0,90% 3,42% -15,99% France Toutes annonces Résultats confondues semestriels 7,05% 17,81% -10,00% 4,74% -2,78% 6,08% 0,27% 3,79% 3,54% 5,97% 4,32% 10,29% 4,33% 19,49% 5,68% 9,31% 8,87% 15,32% 26,34% 41,98% 76,34% 87,36% 65,63% 77,61% 35,19% 32,74% 28,00% 33,86% 21,16% 24,17% 20,51% 21,63% 17,83% 20,50% 7,89% 13,32% 6,63% 10,36% 9,33% 10,22% 5,31% 15,77% Résultats annuels -0,03% -19,70% -8,62% -2,05% 1,93% 0,38% -5,65% 3,30% 4,62% 16,06% 69,08% 57,75% 36,81% 24,15% 19,18% 19,77% 16,07% 4,32% 4,17% 8,74% -1,58% Note: La date 0 correspond à la date d’annonce des résultats. 5.3. L’incidence des annonces de résultat sur les extrêmes quotidiens Le tableau 1.6 présente l'écart entre les extrêmes quotidiens en excès mesuré au moment des annonces de résultats sur les marchés français et américains. Comme le montre le tableau 1.5 pour les volumes anormaux, le tableau 1.6 met également en évidence un pic de ces écarts quotidiens lors des annonces prouvant là aussi la précision du centrage des dates correspondantes. L'intérêt de cette mesure est d’obtenir une sorte de vitesse d'ajustement du marché à l'information publiée. Il s'agit en effet d'évaluer la durée pendant lequel ces marchés sont « perturbés ». Une durée de perturbation longue serait le signe d'une difficulté d'interprétation de l'information publiée engendrant une grande hétérogénéité des anticipations alors qu'une perturbation courte serait le signe d'une sorte de consensus quant à la signification des données comptables diffusées. Si on observe les chiffres dans leur globalité, c'est à dire toutes annonces confondues, l'écart quotidien en excès devient négatif après le 6ème jour pour la France et après le 5ème jour pour les Etats-Unis. Autrement dit, les marchés correspondants sont « perturbés » entre 5 et 6 jours après l'annonce selon le pays considéré. Une analyse plus fine prouve par ailleurs qu'aux Etats-Unis, l'effet des annonces trimestrielles (Q1 à Q3) est surtout significatif 2 jours 33 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE après l'annonce pour retomber ensuite à un niveau normal. En revanche, en France, les résultats semestriels perturbent le marché jusqu'à 9 jours après les annonces, tandis que les « remous » des publications annuelles s'étendent sur 7 jours. Ces différences sont à rapprocher de ce qui est observé sur le volume de transaction. En effet, la fréquence trimestrielle de publication outre-atlantique permet sans doute d'aboutir rapidement à un consensus entre les investisseurs. Par opposition, les résultats semestriels en France provoquent des perturbations plus longues en vertu d'une fréquence moindre des publications et d'incertitudes plus grandes liées à la qualité d'arrêté de ces états financiers de mi-parcours. Tableau 1.6 – Evolution de la volatilité en excès au voisinage des annonces de résultat aux Etats-Unis et en France Etats-Unis Date Toutes annonces Résultats Résultats relative confondues trimestriels annuels -10 0,242% 0,223% 0,309% -9 0,155% 0,060% 0,485% -8 0,210% 0,144% 0,438% -7 0,120% -0,017% 0,599% -6 0,179% 0,132% 0,341% -5 0,070% 0,056% 0,120% -4 0,286% 0,238% 0,452% -3 0,305% 0,247% 0,505% -2 0,374% 0,210% 0,947% -1 0,631% 0,518% 1,025% 0 1,765% 1,713% 1,947% 1 0,641% 0,498% 1,140% 2 0,173% -0,020% 0,846% 3 0,109% -0,032% 0,604% 4 0,047% -0,085% 0,508% 5 0,024% -0,104% 0,470% 6 -0,007% -0,158% 0,521% 7 -0,114% -0,247% 0,351% 8 -0,070% -0,226% 0,476% 9 -0,159% -0,348% 0,503% 10 -0,155% -0,331% 0,461% France Toutes annonces Résultats confondues semestriels -0,051% -0,113% -0,126% -0,251% -0,003% -0,091% -0,037% -0,068% -0,023% -0,043% -0,039% -0,110% 0,075% 0,141% 0,227% 0,105% 0,255% 0,251% 0,696% 0,735% 1,894% 1,710% 1,165% 1,316% 0,507% 0,222% 0,328% 0,137% 0,125% 0,078% 0,330% 0,320% 0,402% 0,198% -0,024% 0,210% -0,028% 0,154% 0,001% -0,064% 0,204% 0,161% Résultats annuels -0,010% -0,044% 0,055% -0,016% -0,010% 0,008% 0,032% 0,308% 0,257% 0,670% 2,015% 1,066% 0,695% 0,453% 0,156% 0,336% 0,536% -0,178% -0,149% 0,045% 0,231% Note: La date 0 correspond à la date d’annonce des résultats. 5.4. L’ajustement des fourchettes de prix et des profondeurs aux annonces de résultat en France et aux Etats-Unis Le tableau 1.7 présente le profil d'évolution des fourchettes de prix en excès aux annonces de résultats intermédiaires et finaux en France et aux Etats-Unis. Examinée de manière globale, cette fourchette en excès est positive durant les jours précédant les annonces à 34 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE l'exception des résultats semestriels en France où elle est systématiquement négative avant la date 0. Ces résultats sont cohérents avec l'ensemble des études antérieures (Lee, Mucklow et Ready, 1993 ; Yohn, 1998 ; Gajewski, 1999 ; Libby, Mathieu et Robb, 2002 ; Kanagaretnam et al., 2005) et mettent en évidence un élargissement des fourchettes correspondantes avant l'annonce. De fait, Les investisseurs ont en général une connaissance précise du calendrier des annonces de résultats établi par les entreprises et peuvent se lancer dans une recherche active d'informations préalablement à leur survenance. Ils accumulent ainsi des informations privées qui leur confèrent un avantage informationnel par rapport aux autres acteurs du marché, ce qui se manifeste par un élargissement des fourchettes juste avant l'annonce. Un tel phénomène n'est cependant pas observable à l'annonce des résultats semestriels français puisque les fourchettes anormales sont négatives juste avant la publication des résultats. Elles s'élargissent soudainement en date 1 pour redevenir négatives 2 jours après l'annonce. Ce constat laisse penser que des agents acquièrent de l'information préalablement aux annonces de résultat et, dans une stratégie d'étalement et de discrétion, soumettent successivement des ordres à l'intérieur de la fourchette préalablement à leur survenance. Ils peuvent ainsi opérer sans révéler leurs intentions au marché tout en ayant l'assurance d'être exécutés. Le renouvellement constant de ces ordres probablement « cachés » provoque ainsi un resserrement des limites du « bid » et du « ask » avant l'échéance des publications correspondantes. Certains de ces agents informés effectuent selon toute vraisemblance des transactions de sens opposé visant, en profitant de la liquidité, à capter les meilleures limites juste après la diffusion des résultats semestriels, ce qui entraîne, par dégarnissage du carnet d'ordres, un élargissement mécanique des fourchettes correspondantes. Cet élargissement est de surcroît amplifié par un mouvement de protection contre ces ordres massifs renforçant encore l'éloignement des meilleures limites de la valeur centrale. Après ces transactions et ces réactions de défense, la fourchette retrouve une valeur plus proche de la moyenne. On observe en revanche aux Etats-Unis une évolution opposée des fourchettes de prix avant les résultats des trois premiers trimestres. En effet, ces fourchettes s'élargissent antérieurement aux annonces pour se réduire immédiatement après. Ce phénomène est vraisemblablement lié à l'utilité même des comptes trimestriels outre-atlantique. Ces comptes font non seulement l'objet de procédures d'arrêtés peut-être plus rigoureuses qu'en France mais constituent de surcroît un support de distribution d'un dividende qui dans notre pays est majoritairement annuel. Selon toute vraisemblance, ces états financiers suscitent de ce fait une attention de la part des investisseurs bien plus soutenue que dans l'hexagone. On peut ainsi supposer dans ce contexte que ceux-ci acquièrent de l'information préalablement aux annonces trimestrielles et échangent avec les spécialistes sur la base de cette information. Ces derniers ont donc dans la même logique que celle évoquée pour l'hexagone tendance à élargir leurs fourchettes de prix pour se prémunir contre ces agents informés. Le resserrement de la fourchette consécutif à l'annonce semble indiquer quant à lui une dissipation de l'asymétrie qui prévalait antérieurement montrant ainsi que l'information diffusée neutralise l'avantage correspondant. Cette observation semblerait également confirmer que les opérateurs ont un horizon de prévision trimestriel entièrement comblé par la survenance d'une publication qui se substituerait quasi parfaitement à l'information privée. Les fourchettes anormales sont donc dans ce contexte logiquement négatives après les annonces de résultat trimestriel. Les résultats annuels américains semblent quant à eux mieux anticipés par le marché que les résultats trimestriels. Cette situation semble assez logique puisque les premiers font en effet l'objet de prévisions de la part des analystes, ce qui est rarement le cas des seconds. Le caractère prédictible des résultats annuels doit en effet laisser peu de place à l'acquisition 35 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE d'information privée et l'évolution des fourchettes de prix fait apparaître en date 0 un pic qui se résorbe ensuite. Ce pic accompagné de fourchettes en excès positives après l'annonce semblerait ainsi traduire davantage une divergence des anticipations des investisseurs qu'une véritable situation d'asymétrie d'information. Le résultat annuel pourrait être ainsi considéré comme un complément d'information engendrant des interprétations dispersées. Ce constat est à rapprocher de celui fait pour le second semestre Français. En effet, si préalablement aux annonces de résultat annuel, on observe un élargissement des fourchettes de prix qui correspond vraisemblablement à l'acquisition d'informations privées, cet élargissement perdure jusqu'à deux 2 jours après l'annonce ce qui en sens inverse constituerait plutôt le signe d'un hétérogénéité des anticipations. L’existence d’un pic aux annonces de résultat annuel plus élevé qu’aux annonces de résultats intermédiaires valide l’hypothèse 1.3. En revanche, l’amplitude des fourchettes de prix en excès aux annonces annuelles françaises et américaines ne permet de trancher sur la validité de l’hypothèse 1.4. Tableau 1.7 – Evolution de la fourchette de prix au voisinage des annonces de résultat aux Etats Unis et en France Etats-Unis Date Toutes annonces Résultats Résultats relative confondues trimestriels annuels -10 0,0049% 0,0043% 0,0071% -9 0,0101% 0,0093% 0,0131% -8 0,0040% 0,0009% 0,0150% -7 0,0015% -0,0025% 0,0159% -6 0,0033% 0,0011% 0,0108% -5 -0,0015% -0,0051% 0,0108% -4 0,0008% -0,0035% 0,0158% -3 0,0041% 0,0015% 0,0131% -2 0,0053% 0,0015% 0,0188% -1 0,0097% 0,0060% 0,0225% 0 0,0209% 0,0165% 0,0364% 1 0,0028% -0,0023% 0,0205% 2 -0,0027% -0,0082% 0,0164% 3 0,0029% -0,0022% 0,0210% 4 -0,0008% -0,0076% 0,0227% 5 0,0022% -0,0031% 0,0208% 6 0,0043% -0,0006% 0,0214% 7 0,0013% -0,0044% 0,0212% 8 0,0002% -0,0053% 0,0196% 9 0,0010% -0,0044% 0,0200% 10 -0,0027% -0,0095% 0,0211% France Toutes annonces Résultats confondues semestriels 0,0139% -0,0286% 0,0096% -0,0241% 0,0179% -0,0370% 0,0306% -0,0014% 0,0062% -0,0012% 0,0366% -0,0289% 0,0281% -0,0090% -0,0078% -0,0371% 0,0139% -0,0504% 0,0188% -0,0374% 0,0054% -0,0020% 0,0352% 0,0385% -0,0131% -0,0393% -0,0262% -0,0460% -0,0255% -0,0347% 0,0048% 0,0072% -0,0198% -0,0266% -0,0246% -0,0279% 0,0053% 0,0070% 0,0095% -0,0135% 0,0301% -0,0015% Résultats annuels 0,0418% 0,0318% 0,0540% 0,0517% 0,0111% 0,0798% 0,0525% 0,0114% 0,0562% 0,0558% 0,0102% 0,0330% 0,0041% -0,0131% -0,0195% 0,0032% -0,0154% -0,0225% 0,0042% 0,0246% 0,0508% Note: La date 0 correspond à la date d’annonce des résultats. La profondeur est mesurée par la somme des quantités au ask et au bid rapportée au nombre de titres échangés dans la journée. Les résultats obtenus dans le tableau 1.8 sur la profondeur anormale prouvent qu’elle est négative préalablement aux annonces de résultat. Ce résultat confirme ceux obtenus par Lee, Mucklow et Ready (1993) et Libby, Mathieu et Robb (2002). Globalement, les annonces de résultat sont précédées d’une diminution de la profondeur, c’est à dire une moins grande capacité des marchés à absorber les ordres, que ce soit par le biais des 36 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE spécialistes aux Etats-Unis ou des donneurs d’ordres à cours limité en France. Cela signifie que les spécialistes ou les donneurs d’ordres à cours limité se protégent contre les ordres provenant des agents informés, non seulement en ajustant leurs fourchettes de prix, mais aussi en diminuant les quantités proposées à l’offre et à la demande. En observant de plus près l’évolution des profondeurs, trois points apparaissent. D’abord, l’effet de diminution perdure après l’annonce, ce qui semblerait être le signe d’une grande vigilance des opérateurs à la probabilité d’échanger avec des agents dotés d’information privée. Sur le marché français, la diminution de profondeur est quant à elle plus forte, laissant penser que les profondeurs sont ajustées par les donneurs d’ordres à cours limité de manière plus marquée que ne le font les spécialistes. Le 1er semestre français présente à ce titre un profil d’évolution des profondeurs particulier dans le sens où sa diminution intervient au strict voisinage de la date d’annonce. Tableau 1.8 – Evolution de la profondeur au voisinage des annonces de résultat aux EtatsUnis et en France Etats-Unis Date Toutes annonces Résultats relative confondues trimestriels -10 -0,0016% -0,0016% -9 -0,0014% -0,0013% -8 0,0019% 0,0029% -7 -0,0021% -0,0019% -6 -0,0015% -0,0014% -5 0,0004% 0,0009% -4 -0,0023% -0,0023% -3 -0,0009% -0,0006% -2 -0,0021% -0,0020% -1 -0,0034% -0,0039% 0 -0,0059% -0,0062% 1 -0,0040% -0,0042% 2 -0,0018% -0,0018% 3 -0,0017% -0,0018% 4 -0,0004% -0,0006% 5 -0,0016% -0,0021% 6 -0,0007% -0,0010% 7 -0,0008% -0,0012% 8 -0,0002% -0,0005% 9 0,0004% -0,0001% 10 0,0003% 0,0000% France Résultats annuels -0,0013% -0,0018% -0,0018% -0,0028% -0,0018% -0,0014% -0,0023% -0,0019% -0,0023% -0,0018% -0,0048% -0,0036% -0,0015% -0,0016% 0,0002% 0,0001% 0,0003% 0,0006% 0,0006% 0,0019% 0,0012% Toutes annonces confondues -0,2287% 0,4270% -0,3687% -0,3238% -0,4473% 0,2370% -0,1736% -0,8245% -0,7846% -1,4417% -2,1591% -1,9092% -1,4504% -1,0790% -0,6593% -0,5474% -0,6615% -0,1458% -0,3651% -0,5836% -0,1324% Résultats semestriels 0,0014% 1,3994% 0,4168% 0,3304% 0,1613% -0,0368% 0,0518% -0,4930% -0,6546% -1,2545% -1,7919% -1,8610% -1,0740% -0,9169% 0,1951% 0,1860% 0,4450% 0,9939% 0,3320% -0,4973% -0,4092% Résultats annuels -0,3802% -0,2130% -0,8857% -0,7544% -0,8478% 0,4172% -0,3219% -1,0426% -0,8703% -1,5649% -2,4007% -1,9409% -1,6981% -1,1857% -1,2216% -1,0301% -1,3897% -0,8958% -0,8240% -0,6403% 0,0497% Note: La date 0 correspond à la date d’annonce des résultats. 37 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE 5.5. L’effet simultané des annonces de résultat sur les fourchettes de prix et les profondeurs Les régressions du tableau 1.9 tiennent compte sur un plan économétrique de l'endogénéité de l'écart-type des prévisions d'analystes dans le modèle à équations simultanées. En effet, les analystes constituent un microcosme de la communauté des opérateurs des marchés financiers. Dans ce contexte, les investisseurs examinent directement les informations transmises par les marchés financiers mais sont également influencés par les estimations de ces spécialistes qui à leur tour observent également les firmes concernées. Il s'agit ensuite d'examiner le degré auquel les variations de fourchettes et de profondeurs sont générées par des situations d'asymétrie d'information ou d'hétérogénéité des anticipations. Le tableau 1.9 corrige donc l'écart-type des prévisions d'un nombre donné de facteurs communs (taille, nombre de prévisions, surprise de résultat et variables comptables) afin d'en isoler la partie résiduelle. Cette part résiduelle représente ainsi la part de l'écart-type des prévisions qui ne peut pas être expliquée par ces facteurs communs issus des caractéristiques des entreprises et celles des analystes financiers. Il s'agirait donc d'une dispersion « idiosyncrasique » correspondant à la part de l'écart-type des estimations qui ne dépend que du jugement des professionnels concernés, indépendamment de ce que le marché peut induire des autres variables qui sont quant à eux à l'origine d'une dispersion que l'on pourrait appeler systématique ou « naturelle ». La dispersion idiosyncrasique mesurée préalablement à l'annonce représenterait donc intuitivement une forme d'asymétrie d'information qui se manifesterait sur les marchés financiers préalablement aux annonces de résultat. L'inclusion de cette variable dans les modèles 1.13 et 1.14 permet de déterminer le degré auquel les variations de fourchette de prix et de la profondeur sont liées au degré d'asymétrie prévalant antérieurement aux annonces de résultat. Trois types de régression ont donc été menés tant sur le marché Français pour les annonces semestrielles (S1) et annuelles (S2) que pour les annonces trimestrielles (Q1,Q2 et Q3) et annuelles du marché américain (Q4). Les Etats financiers intermédiaires semestriels (S1) français et trimestriels américains (Q1,Q2,Q3) n'étant pas disponibles, les variables comptables telles que le résultat exceptionnel (Rexcabs), les charges calculées (Chargescal) et la part des charges non prévisibles (Ectcharges) n'apparaissent que dans les régressions des résultats annuels de ces deux pays (S2 et Q4). 38 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 1.9 – Les facteurs communs de la dispersion des prévisions et la dispersion idiosyncrasique Nombre d’observations Constante Taille Surpabs Nbestim S1 S2 Q123 Q4 580 905 2174 635 1,5305*** (0) -0,0609*** (2,53) 0,2021* (1,02) 0,0078** (2,55) 0,7003*** (0) -0,0226** (2,67) 0,0266* (1,51) 0,0037 (2,7) 0,0652*** (0) -0,0012 (1,17) 0,018*** (1,02) -0,0008*** (1,15) 3,83% 0,1765*** (1,01) 0,8386*** (1,01) 0,0083* (1,44) -0,0674* (1,12) 4,23% -0,0183 (0) 0,0014 (1,32) 0,0631*** (1,04) 0,00003 (1,28) 0,0219* (1,08) 0,0003* (1,03) 0,0004 (1,05) 4,89% 15,6% Chargescal Rexcabs Ectcharges Trimestre R² ajusté Note: Les valeurs des statistiques de test de colinéarité sont indiquées entre parenthèses. Les exposants *, ** et *** indiquent la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%. De manière générale, la surprise est positivement liée à l’écart type des prévisions pour les résultats publiés dans les deux pays. La surprise sanctionnant un différentiel entre les résultats publiés et les résultats prévus, il semble intuitivement assez logique qu’elle soit la manifestation d’une grande dispersion antérieure des estimations d’analystes. Cette dispersion est donc d’autant plus forte que cette surprise est importante. Ce constat est cohérent avec les observations effectuées sur le marché français par Gajewski et Quéré (2001) pour les rentabilités anormales consécutives aux publications semestrielles et annuelles. L’écart type des prévisions d’analystes est négativement lié à la taille des entreprises concernées pour l’ensemble des publications à l’exception des résultats trimestriels (Q1, Q2, Q3) et annuels américains (Q4) qui ne mettent pas en évidence de relation significative. La dispersion de ces prévisions sur le marché français (S1 et S2) est donc d’autant plus faible que la capitalisation boursière des firmes correspondantes est importante. L’absence d’une incidence de la taille sur le marché américain est en revanche surprenante. On peut cependant l’imputer au fait que les sociétés américaines du SP 500 atteignent une visibilité internationale telle qu’elles font l’objet d’une vigilance constante des analystes de nombreux pays. Il existerait donc une sorte d’effet de seuil au-delà duquel ces différentiels de taille n’auraient plus d’incidence sur le taux de surveillance du marché. Les résultats obtenus sur le marché français sont par ailleurs cohérents avec ceux de Gajewski et Quéré (2001) pour les rentabilités anormales consécutives à la diffusion des résultats annuels. En revanche, ces 39 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE auteurs ne constataient aucun effet de cette nature lors des publications semestrielles (S1) ce qui à l’inverse contredit les conclusions de la présente étude. En réalité, ce paradoxe n’est qu’apparent si l’on dissocie le comportement des analystes financiers de celui des investisseurs en général, dont il constitue un sous-ensemble. Les travaux de Gajewski et Quéré (2001) font en effet état d’une sorte de fixation fonctionnelle sur l’annualité du résultat. Cette fixation conduirait les investisseurs, dans la lignée d’une hiérarchie implicite, à accorder moins d’attention aux comptes intermédiaires qu’à des états financiers annuels soumis à des procédures bien plus solennelles et bien plus strictes. Une hiérarchie analogue n’existerait pas en revanche chez les analystes en raison d’une expertise qui les conduit à maintenir constante leur vigilance quelle que soit la période couverte par l’arrêté des comptes. Un tel contexte expliquerait en particulier l’existence d’un effet taille en S1 pour les prévisions d’analystes et son absence pour les mêmes périodes quant aux rentabilités anormales. Ces rentabilités proviennent par définition de la formation de cours d’équilibre déterminés par les opérations des investisseurs et non par ces spécialistes dont l’influence n’est qu’indirecte. On constate ainsi que les investisseurs peuvent non seulement avoir un degré de sensibilité variable à l’information produite par les entreprises mais aussi être plus ou moins réceptifs aux avis des professionnels concernés. En revanche, la situation américaine est loin d’être évidente puisqu’à l’inverse de ce qui prévaut en S1 pour la France, Freeman (1987) isole sur un échantillon de 133 firmes divisé en quartile un effet taille pour les rentabilités anormales alors que notre étude n’en décèle aucun pour les prévisions d’analyste. On peut simplement supposer que l’étude de Freeman datant de 1987, le flot d’information approvisionnant le marché est désormais tel qu’il n’induit pas de différences significatives pour les sociétés entrant dans notre échantillon. De surcroît, en supprimant les deux quartiles centraux, cet auteur ne prend en compte que le premier quartile des entreprises les plus petites pour l’opposer à celui des firmes les plus importantes dans le dernier quartile ce qui amplifie l’impact correspondant. L’écart type des prévisions d’analystes est lié au nombre d’estimations de manière positive pour les publications semestrielles françaises (S1) et négative pour les résultats trimestriels américains (Q1,Q2 ,Q3) alors qu’il n’est pas significatif pour les résultats annuels dans ces deux pays (S2 et Q4). Autrement dit pour les résultats intermédiaires français, plus le nombre d’estimation est élevé, plus l’écart type des prévisions est important alors que cette relation est inverse aux Etats-Unis. Ces résultats, a priori contradictoires, sont peut être tributaires de comportements d’analystes très différents de part et d’autre de l’Atlantique. Les comptes intermédiaires français font en effet l’objet d’un arrêté et de procédures de vérification beaucoup moins lourds que les comptes annuels. De surcroît, et à l’inverse de ces derniers, ils sont rarement le support de distributions de résultat, ce qui réduit d’autant pour les firmes concernées le caractère contraignant d’un principe de prudence destiné à prévenir le versement de dividendes fictifs. Ce cadre plus lâche, potentiellement propice à une certaine forme de gestion comptable, aboutirait ainsi à des incertitudes amplifiant la divergence des prévisions d’analystes pour confiner ainsi à une sorte de « cacophonie » que l’ajout d’estimations supplémentaires serait susceptible de renforcer. Les travaux de Gajewski et Quéré (2001) appliqués au marché français évoquaient en effet déjà certaines probabilités de lissage du résultat comptable du premier semestre. De telles marges de manœuvre, si elles sont effectives, ne faciliterait ni le travail des analystes ni la prise de décision des investisseurs. On peut également se demander si l’absence de prévision du résultat semestriel dans les grandes bases de données de consensus n’est pas en soi révélateur de la moindre importance qu’accorde la collectivité à ces états financiers. 40 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Si la situation française pour les résultats semestriels va dans le sens de l’intuition immédiate, le comportement du marché américain au voisinage des publications intermédiaires semble en revanche plus surprenant. En effet, plus le nombre d’estimations y augmente, plus la dispersion des prévisions correspondante diminue. Autrement dit, contrairement à la France l’abondance d’estimations, loin d’être une source de désordre serait en quelque sorte un facteur d’affinage de l’évaluation des perspectives des firmes concernées pour les résultats trimestriels (Q1,Q2, Q3). La fonction même des comptes intermédiaires qui prévaut OutreAtlantique est sans doute à l’origine de ce phénomène. Si, tout comme dans notre pays, ces états financiers ne font pas l’objet d’une certification, ils constituent cependant la source d’une distribution de dividendes qui les soumet à une rigueur limitant sans doute les transferts de résultats d’une période à l’autre. Leur fiabilité permettrait ainsi une meilleure précision des estimations des spécialistes. Un examen plus approfondi révèle en effet sur le marché américain une dispersion des prévisions d’analystes extrêmement faible. Celle-ci est en effet près elle est près de 12 fois inférieure à celle qui prévaut dans notre pays (0,023 aux EtatsUnis contre 0,289 dans l’hexagone pour les résultats annuels). D’abord, la compétition entre les analystes, induite par l’importance de leurs classements, les incite sans doute à affiner leurs prévisions, qui deviennent alors plus homogènes. On peut également se demander s’il n’y a pas un effet de mimétisme entre les analystes et, dans le souci de ménager les investisseurs, une sorte « d’alignement » des entreprises sur les consensus correspondants. De fait, les niveaux de surprise constatés aux Etats-Unis lors des résultats intermédiaires sont relativement faibles puisqu’ils atteignent seulement 0,4 %. Il n’est malheureusement pas possible de rapprocher cette valeur de celle qui prévaut en France pour S1 en l’absence de prévisions d’analystes disponibles pour les semestres correspondants dans les bases de données. L’examen de ces intensités de surprise lors des résultats annuels confirme cependant cette interprétation puisqu’elles atteignent 1,5 % pour Q4 aux USA contre 20,4 % en S2 dans notre pays. Cette conclusion conforte d’ailleurs les intuitions de Gajewski et Quéré (2001) puisque ce niveau est inversement et logiquement lié à la fréquence des publications correspondantes. Dans ce contexte, les comptes trimestriels américains suscitent évidemment moins de surprise que leurs homologues semestriels français. A l’inverse des résultats intermédiaires, aucun impact significatif du nombre d’estimations sur l’écart type des prévisions n’est recensé en France comme aux Etats-Unis pour les résultats annuels. La symétrie de ces résultats n’implique pas pour autant des explications communes de part et d’autre de l’Atlantique Du côté américain, on peut cependant supposer que la dispersion des prévisions est à ce point faible qu’il n’est plus possible en dessous d’un certain seuil de mettre en évidence un lien significatif avec le nombre de prévisions correspondantes. Le phénomène concerné serait en quelque sorte noyé dans le bruit de fond ambiant qui le rendrait indétectable. Côté français, où la dispersion est importante, l’absence de significativité est en revanche plus surprenante. En réalité, une logique mimétique et d’influence réciproque conduit peut être les analystes à maintenir leurs estimations dans une fourchette acceptable. Cependant, contrairement au cas américain, ce centrage n’a pas pour effet d’amoindrir le niveau de surprise consécutif à la diffusion des résultats annuels puisque celui-ci atteint, comme indiqué précédemment plus de 20%. En vertu d’une attitude plus contradictoire ou plus indépendante, il n’existerait pas en France de processus d’alignement sur les résultats analogue à celui qui prévaut aux Etats-Unis. L’écart type des prévisions d’analyste est ensuite positivement lié aux charges calculées tant pour les publications de résultats annuelles française qu’américaines. Autrement dit, plus la part ces charges dans le résultat d’exploitation est importante, plus la dispersion des prévisions est importante. Un tel constat est conforme à l’intuition, puisque ce poste 41 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE comprend notamment les dotations aux provisions sur lesquelles les dirigeants peuvent agir de manière plus ou moins discrétionnaire en fonction de leur politique comptable. On retrouve également un lien positif avec les charges exceptionnelles de part et d’autre de l’atlantique Ces charges non récurrentes étant par nature très difficilement prévisibles, elles induisent naturellement des incertitudes qui accentuent la dispersion des prévisions. La variable Ectcharges représentant la part non prévisible des charges d’exploitation tant fixes que variables est quant à elle positivement et significativement corrélée à l’écart type des prévisions en France. Autrement dit, et conformément à l’intuition, plus cette incertitude est importante, plus elle amplifie la dispersion des prévisions qui y sont associées. La situation américaine est en revanche bien plus ambiguë puisque le lien correspondant n’est pas significatif. De manière surprenante, pour l’ensemble des variables comptables prises en compte dans la régression de l’écart type des prévisions, ces degrés de significativité sont systématiquement inférieurs à ceux qui prévalent dans notre pays. Nous évoquions une sorte d’alignement des firmes sur les consensus d’analystes, mais on peut se demander si ce phénomène n’est pas lié à une sorte d’ajustement inverse de ces spécialistes sur les résultats projetés par les entreprises dans une logique de jonction. Dans ce contexte d’entente qui reste à confirmer, certaines variables comptables n’auraient effectivement plus beaucoup d’impact sur leurs estimations. Nous avons introduit enfin une variable « trimestre » pour les entreprises françaises qui publient volontairement des comptes intermédiaires à cette cadence inférieure au semestre légalement requis. Cette variable est négativement liée à l’écart type des prévisions d’analystes. Autrement dit, les entreprises qui établissent des arrêtés trimestriels induisent moins de dispersion que celles qui s’en tiennent au semestre. Ce résultat est conforme à l’intuition puisqu’une information fréquemment réactualisée permet précisément aux professionnels d’avoir une vision bien plus fine des perspectives de l’entreprise concernée. Ce qui prévaut chez les analystes existe d’ailleurs chez les investisseurs puisque les rentabilités anormales consécutives aux publications trimestrielles américaines sont bien moins importantes que celles constatées dans notre pays. Ce phénomène confirmé par la présente étude avait déjà été évoqué par Gajewski et Quéré (2001). 42 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 1.10 – Les facteurs déterminants de la fourchette de prix et de la profondeur aux annonces de résultat Partie A – Le cas de la France Nombre d’observations Constante Depar Spar 0,0002 (0,31) -0,0116*** (-3,15) Spar Sizear -0,0015*** (-7,6) Rangear 0,0974*** (15,56) -0,0023 (-1,21) 0,0013*** (3,29) 0,0006** (2,05) Pstd Resid Jour R² pondéré du système d’équations S1 S2 580 905 Depar 0,0334*** (4,79) Spar -0,00007 (-0,14) -0,0125*** (-3,26) Depar 0,0053 (1,1) -1,269*** (-3,23) -0,0165*** (-8,81) -0,0018*** (-9,28) -0,6429** (-2,56) -0,0253*** (-19,3) -0,1189*** (-5,81) 0,0017 (0,38) -0,0009 (-0,28) 0,079*** (17,15) 0,0005 (0,26) -0,0002 (-0,43) 0,00008 (0,28) -0,0201 (-1,31) -0,0069* (-1,95) 0,0016 (0,67) 26,72% 27,82% Note: Les valeurs des statistiques de test de student sont indiquées entre parenthèses. Les exposants *, indiquent la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%. ** et *** 43 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Partie B – Le cas des Etats-Unis Nombre d’observations Constante Depar Q123 Q4 2174 635 Spar 0,0001*** (3,67) -2,4014*** (-12,38) Spar Sizear -0,0001*** (-5,46) Rangear 0,0083*** (16,25) -0,0057*** (-4,86) 0,00004 (0,18) -0,00006*** (-3,03) Pstd Resid Jour R² pondéré du système d’équations Depar 0,00002*** (5,57) Spar 0,0003*** (6,34) -1,7604*** (-7,48) Depar 0,00002 (3,53) -0,0293*** (-13,61) -0,00004*** (-18,37) -0,0001*** (-2,82) -0,044*** (-7,51) -0,00006*** (-11,58) -0,0013*** (-10,08) 0,00002 (0,86) 0,0000005 (0,23) 0,0099*** (11,43) -0,0066*** (-4,6) -0,0007 (-1,03) -0,00003 (-1,03) -0,0008*** (-3,34) -0,0002** (-2,28) -0,000006 (-1,15) 24,05% 30,41% Note: Les valeurs des statistiques de test de student sont indiquées entre parenthèses. Les exposants *, indiquent la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%. ** et *** Le tableau 1.10 permet alors de rendre compte dans un modèle à équations simultanées des évolutions de fourchette de prix et de profondeur au voisinage des annonces de résultat à partir d'un nombre donné de variables de contrôle, de l'effet jour et de la dispersion « idiosyncrasique » des prévisions d'analyste définie plus haut. Le signe des variables de contrôle confirme les résultats obtenus par la littérature antérieure et prouve bien que la fourchette de prix et la profondeur sont reliées négativement. Ce résultat reste valide même lorsque l'on mesure ces deux variables en excès comme c'est le cas dans la présente étude. Dans le même esprit et conformément à la théorie existante (Glosten et Milgrom, 1985), la fourchette de prix est négativement liée au volume de transaction en excès à la fois sur les marchés français et les marchés américains, ce qui confirme les études empiriques sur le sujet (McInish et Wood, 1992 ; Yohn, 1998). En ce qui concerne la relation entre la profondeur et le volume, le lien significativement négatif, qui peut sembler contre-intuitif, provient vraisemblablement d'un effet mécanique. En effet, comme la profondeur a été rapportée au volume de transaction quotidien, elle est naturellement inversement liée au volume de transaction. Les résultats confirment également que la volatilité est un déterminant de la fourchette de prix, comme la théorie le prévoit (Stoll, 1978 ; Copeland et Galai, 1983). Plus le risque total du titre augmente, plus les spécialistes et les donneurs d'ordres à cours 44 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE limité seront enclins à fondamentale. positionner leurs ordres à des limites éloignées de la valeur La variable Pstd mesure la part de la dispersion des prévisions d’analystes liée à au nombre de prévisions, aux surprises correspondantes et à la taille des entreprises concernées. A ces facteurs pris en compte pour les résultats intermédiaires, ont été rajoutées certaines variables comptables pour les annonces annuelles (Ectcharges, Chargescal, Rexcabs). Les résultats du tableau 1.10 mettent en évidence un impact significativement négatif sur la profondeur à l’exception du deuxième semestre français. On peut en effet penser qu’en réaction de prudence à un plus grand aléa des prévisions d’analystes, les investisseurs se protègent par des ordres d’une taille moindre ce qui aboutit à une diminution de la profondeur. Un même lien significativement négatif est constaté pour les fourchettes de prix aux USA alors qu’il est revanche inexistant en France. Les investisseurs américains confrontés à un accroissement de l’aléa des prévisions des professionnels concernés tendraient à centrer leurs ordres sur la moyenne ce qui diminuerait la fourchette de prix. En revanche, l’absence de toute relation significative avec les prévisions d’analystes serait dans l’hexagone liée à la faible part explicative des variables intrinsèques prises en comptes dans Pstd (R2 ajusté pour les résultats annuels de 15,6 % aux Etats-Unis contre 4,23% en France). La variable Resid, mesurant la part de l'écart-type des prévisions des analystes non prévisible par les marchés financiers, serait un indicateur indirect de l'incertitude sur le marché qui se manifeste par la dispersion des anticipations des investisseurs. On peut noter que les excès de fourchettes de prix au voisinage des résultats semestriels en France sont liés positivement à cette dispersion idiosyncrasique, laissant ainsi entendre que les variations de fourchettes auraient pour origine une plus grande incertitude sur les résultats futurs. Au voisinage des résultats trimestriels américains, le lien entre la fourchette de prix et la dispersion idiosyncrasique est positif mais non significatif. La disparité entre le marché français et le marché américain peut être expliquée par le fait que les investisseurs sont très sensibles à une augmentation de la dispersion idiosyncrasique, mais en revanche peu sensibles à un accroissement de l'homogénéité des prévisions des analystes. Autrement dit, si les analystes ont des opinions sur le résultat futur très dispersées, les investisseurs craignent de subir des pertes, et par voie de conséquence, les fourchettes de prix s'élargissent. En revanche et de manière non symétrique, lorsque ceux-ci ont une idée plus précise du résultat futur, les investisseurs ou les spécialistes sur les marchés financiers n'améliorent pas pour autant leurs limites de prix. Ces deux relations sont à mettre en lien avec la variable jour. En effet, cette variable qui prend la valeur 1 si on se situe après l'annonce et 0 dans le cas inverse a un impact significativement positif sur la fourchette de prix au voisinage de l'annonce de résultat semestriel en France. Cela signifie que, toutes choses égales par ailleurs, la fourchette de prix augmente juste après l'annonce, confirmant ainsi les résultats du tableau 1.7. Comme les accroissements de fourchettes de prix sont liés positivement à la dispersion idiosyncrasique, on peut penser que l'augmentation constatée après l'annonce est liée à une plus grande asymétrie d'information. De manière opposée, les résultats trimestriels aux Etats-Unis mettent en évidence un effet jour significativement négatif après l'annonce. Cela signifierait que, toutes choses égales par ailleurs, la fourchette de prix diminue juste après l'annonce. Cet effet confirme la relation non significative entre la fourchette de prix et la dispersion idiosyncrasique. Il y aurait effectivement une diminution d'asymétrie d'information après l'annonce des résultats trimestriels américains, confirmant ainsi la logique de substitution de l'information privée. En effet, les résultats trimestriels américains semblent établis sur la base 45 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE d'un horizon temporel très court et ne servent pas de base pour des prévisions éventuelles dans une optique d'actualisation. Les tableaux des régressions effectuées au voisinage des annonces de résultat annuel ne mettent pas en évidence d'effet jour significatif, prouvant ainsi que ni les fourchettes de prix ni les profondeurs ne varient au voisinage de l'annonce, toutes choses égales par ailleurs. Ces résultats sont convergents entre les deux pays et confortent l'hypothèse selon laquelle l'information contenue dans les résultats annoncés est déjà bien intégrée dans les cours préalablement aux annonces. L'absence d'effet jour laisse penser qu'il y a très peu de chance d'observer des situations d'asymétrie d'information au voisinage de telles annonces. En revanche, sur le 2 marchés, la profondeur diminue lorsque la dispersion idiosyncrasique augmente. Cet effet de la dispersion idiosyncrasique sur la profondeur a certainement pour origine une plus grande hétérogénéité dans l'interprétation du bénéfice annoncé. 6. CONCLUSION Cette étude ne permet pas encore de statuer de manière ferme sur les déterminants de la convergence des anticipations des investisseurs. Nos travaux sont évidemment tributaires de la nature de l’échantillon sélectionné et des périodes boursières examinées, de la qualité des données et des méthodes statistiques employées. Cependant, certains éléments de conclusions apparaissent. D’abord, une diffusion plus fréquente des informations comptables par les entreprises américaines semble en limiter l’impact en cas de surprise négative et permet aux investisseurs de réajuster leurs portefeuilles plus régulièrement qu’en France compte tenu du rythme trimestriel de publication. En effet, tant pour les résultats semestriels que pour les résultats annuels français, les volumes de transaction en excès dépassent ceux des Etats-Unis. En revanche, comme les résultats trimestriels américains constituent le support du calcul du montant du dividende, l’annonce de bonne surprise provoque une réaction plus forte outreatlantique. Un degré de vigilance supérieur semble compenser l’effet de fréquence attendu. C’est justement le taux de surveillance du marché qui semble expliquer certaines situations d’asymétrie d’information au voisinage des annonces de résultat. Certaines périodes semblent en effet moins scrutées que d’autres, et, à ce titre, certains investisseurs pourraient tirer avantage de la moindre vigilance des autres acteurs du marché. C’est dans la lignée des travaux de Gajewski et Quéré (2001), qui pressentaient plus de latitude dans l’arrêté des comptes correspondants, ce qui semble prévaloir au premier semestre français. Dans la présente étude, toutes choses égales par ailleurs, il apparaît que les fourchettes de prix soient plus larges après la survenance des annonces de résultat semestriel en France. Ceci laisse penser qu’elles pourraient être le siège d’une asymétrie d’information exploitée par les bénéficiaires concernés en vertu du degré de surveillance moindre des autres agents. Aux Etats-Unis, le taux de surveillance semble en revanche plus élevé aux résultats intermédiaires que dans notre pays. Les agents semblent en effet avoir un horizon d’anticipations trimestrielles qui les incite à accumuler de l’information préalablement aux annonces et à surveiller de très près leur date et heure de survenance. Ceci entraînerait un accroissement des situations d’asymétrie d’information ex-ante et leur réduction soudaine consécutivement aux annonces de résultats intermédiaires. Il n’en demeure pas moins que ce sont les comptes annuels qui dans le prolongement de l’étude de Gajewski et Quéré (2001) et en vertu des usages et de leur haut degré de 46 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE certification semblent soumis à l’examen le plus attentif des investisseurs et, dans cette logique, ils semblent laisser peu de place à une asymétrie d’information éventuelle. En revanche, la part idiosyncrasique de la dispersion des prévisions a un effet négatif sur la profondeur, laissant penser que les agents diminuent, dans un souci de prudence, leurs quantités proposées à l’achat et à la vente au moment précis des annonces de résultat annuel. Toutefois, aucun effet sur la fourchette de prix ne semble avoir lieu. On peut donc penser que les investisseurs réactualisent leurs anticipations aux annonces de résultat annuel sans pour autant craindre de faire face à des agents informés. S’ils freinent ainsi leur volonté d’échanger en raison des changements d’anticipations qui les conduisent à attendre une «stabilisation » du marché pour opérer en toute sécurité, il semble qu’aucune situation d’asymétrie d’information n’apparaisse à ces moments précis. Par ailleurs, les agrégats comptables, sujets à estimations tels que les charges calculées, ont un impact sur les fourchettes de prix et les profondeurs à travers les prévisions des analystes. En effet, la part « naturelle » de dispersion a tendance à réduire la fourchette aux USA, car elle explique une partie significative de leurs estimations et aboutit à une diminution de la profondeur en raison des réactions de prudence que suscitent des aléas supplémentaires. Au-delà de ces conjectures et des travaux menés dans la présente étude sur les fourchettes de prix notamment, il semble de fait très difficile de dissocier les phénomènes d’asymétrie d’information de ceux qui tiendraient de la simple hétérogénéité d’anticipations. La dispersion des anticipations est un phénomène « naturel » qui peut fort bien exister, comme le montre les travaux d’économie expérimentale, à substrat d’informations identique. 47 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Annexe 1 : Statistique descriptive Tableau 1.11 – Les moments et extremums des variables Partie A.1 – Le cas des annonces intermédiaires (semestrielles) en France Variable spar depar sizear rangear nbestim taille std surpabs Nombre d’observations 645 645 645 645 640 645 635 585 Moyenne -0.000181 -0.01327 0.51 0.00847 14.19 21.78 0.30929 0.06863 Écart-type 0.00386 0.03841 0.82172 0.02561 6.59 1.56 0.34853 0.14292 Minimum -0.01053 -0.30769 -2.20302 -0.06286 1 18.29 0 0 Maximum 0.04061 0.21382 3.65475 0.12893 29 25.82 1.96 1 Partie A.2 – Le cas des annonces intermédiaires (3 premiers trimestres) aux Etats-Unis Variable spar depar sizear rangear nbestim taille std surpabs Nombre d’observations 3339 3339 3339 3339 2234 3294 2189 2199 Moyenne 0.000027 -0.000036 0.28921 0.00546 14.9 23.79 0.02545 0.13516 Écart-type 0.00103 0.000327 0.53003 0.02398 6.27 1.02 0.03835 0.5883 Minimum -0.00839 -0.00706 -1.55619 -0.05686 1 20.68 0 0 Maximum 0.03282 0.00994 2.93426 0.36387 37 27.08 0.36 9.91667 48 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Partie B.1 – Le cas des annonces annuelles en France Variable spar depar sizear rangear nbestim taille std surpabs chargescal ectcharges rexcabs Nombre d’observations 970 970 970 970 955 970 915 940 970 970 970 Moyenne 0.000337 -0.00956 0.36785 0.00921 11.84 21.37 0.28869 0.39485 0.08346 0.2701 0.0085 Écart-type 0.00468 0.04317 0.8931 0.03194 7.18 1.6 0.33823 1.05465 0.26555 2.78687 0.04741 Minimum -0.01470 -0.26871 -2.24818 -0.06936 1 18.37 0 0 0 -28.87877 0 Maximum 0.06226 0.33816 3.51296 0.23088 29 25.49 2.46 9.608 3.51073 22.70113 0.54464 Partie B.2 – Le cas des annonces annuelles aux Etats-Unis Variable spar depar sizear rangear nbestim taille std surpabs chargescal ectcharges rexcabs Nombre d’observations 955 955 955 955 650 935 645 645 955 955 955 Moyenne 0.000229 -0.000028 0.28023 0.01181 17.66 23.75 0.02302 0.07273 0.06105 0.19339 0.35342 Écart-type 0.000528 0.000111 0.53331 0.02166 6.45 1.01 0.0274 0.17252 0.08817 0.46212 4.46517 Minimum -0.00156 -0.00114 -1.50029 -0.03143 1 21.6 0 0 0 -0.01905 0 Maximum 0.00307 0.00112 2.33579 0.17148 38 26.92 0.17 1.8 0.7787 5.86926 61.84615 49 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 1.12 – Les matrices de corrélation Partie A.1 – Le cas des annonces intermédiaires (semestrielles) en France spar spar depar sizear rangear nbestim taille std surpabs 1 depar -0.07561* 1 sizear rangear -0.02786 0.48252*** -0.34653*** -0.19703*** 1 0.43323*** 1 nbestim -0.13493*** 0.20815*** 0.01767 -0.14068*** 1 taille -0.09765 0.30189*** -0.06115 -0.17143*** 0.77497*** 1 std 0.1491** -0.0516 -0.01597 0.03559 -0.07066* -0.15779*** 1 surpabs 0.0558 -0.00338 -0.05414 0.04235 -0.18913*** -0.14224*** 0.09371** 1 Partie A.2 – Le cas des annonces intermédiaires (3 premiers trimestres) aux Etats-Unis spar spar depar sizear rangear nbestim taille std surpabs 1 depar -0.49884*** 1 sizear rangear 0.14111*** 0.39342*** -0.17203*** -0.20625*** 1 0.48608*** 1 nbestim -0.07243*** 0.08569*** 0.01523 -0.03791* 1 taille 0.05674*** 0.05525*** 0.03218* 0.00353 0.32172*** 1 std -0.01682 -0.00114 -0.05920*** -0.01586 -0.14886*** -0.09140*** 1 surpabs 0.18949*** 0.06564*** 0.09498*** 0.23556*** -0.10153*** -0.06981*** 0.17559*** 1 50 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Partie B.1 – Le cas des annonces annuelles en France spar spar depar sizear rangear nbestim taille std surpabs chargescal ectcharges rexcabs 1 depar -0.02642 1 sizear rangear -0.06367** 0.44328*** -0.52718*** -0.19989*** 1 0.38765*** 1 nbestim -0.08138** 0.13179*** -0.00594 -0.13299*** 1 taille -0.10810*** 0.16353*** -0.00343 -0.11554*** 0.77440*** 1 std -0.02805 -0.04917 -0.01900 -0.05600* -0.04436 -0.08283** 1 surpabs 0.06325* 0.00502 -0.00852 0.12242*** -0.18192*** -0.16877 0.09371** 1 chargescal -0.00022 -0.04101 -0.05715* -0.04016 -0.07346* -0.08335*** 0.14682*** -0.00593 1 ectcharges 0.01706 0.02066 0.03396 0.03413 -0.02691 0.01956 0.03898 -0.47501*** 0.05386* 1 rexcabs -0.03285 0.13582*** -0.12149*** -0.08357*** 0.01720 0.03671 0.11951*** 0.04713 -0.01912 -0.06231 1 nbestim -0.08006** 0.09907** -0.06761* -0.03486 1 taille -0.06614** 0.22251*** -0.00159 0.01407 0.38624*** 1 std -0.09820** -0.09272** -0.00054 -0.05138 0.04548 -0.02030 1 surpabs -0.08679** -0.05679 0.02938 0.03312 0.01480 -0.15429*** 0.38981*** 1 chargescal -0.02609 -0.06070* 0.05354* 0.01482 0.15545*** -0.05041 0.09072*** 0.03388 1 ectcharges -0.01119 -0.04371 0.04207 0.03669 0.04499 0.08422*** -0.00929 -0.00396 0.09354*** 1 rexcabs -0.03252 -0.10710*** -0.01046 -0.03659 -0.11919*** -0.07578** 0.05611 -0.02745 0.07837** -0.01931 1 Partie B.2 – Le cas des annonces annuelles aux Etats-Unis spar spar depar sizear rangear nbestim taille std surpabs chargescal ectcharges rexcabs 1 depar -0.09727*** 1 sizear rangear 0.16041*** 0.40714*** -0.40846*** -0.19169*** 1 0.44388*** 1 51 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE II. Etude expérimentale du traitement de l'information comptable par les opérateurs 13 Si la 1ère partie consiste à étudier la réaction des marchés financiers à l’annonce d’information comptable, elle s'en tient essentiellement à l'observation de l'évolution des cours, des volumes et des meilleures limites autour des dates de diffusion de l'information. Le cours des actions résulte de la confrontation d'une multitude d'ordres et leur examen ne permet pas de mettre en évidence la logique individuelle des ordres qui ont concouru à sa formation. De même, les meilleures limites et les volumes de transaction ne révèlent que des situations d’hétérogénéité d’anticipations ou d’asymétrie d’information sans analyser le comportement des investisseurs dans le détail. Seule une analyse des ordres avec l’identification des investisseurs finaux 14 permettrait de détailler le cheminement qui conduit à l’achat et/ou à la vente d’une action. L’étude expérimentale de la seconde partie consiste à analyser à partir d'un échantillon d'opérateurs la séquence logique du traitement de l'information comptable conduisant à la décision d'achat, de conservation ou de vente des titres. Ces observations permettent de construire par induction un modèle de comportement des investisseurs qui devra être expérimenté dans un marché reconstitué en laboratoire. L'aspect le plus délicat de cette recherche très peu développée en gestion dans le contexte français est la réalisation d'un protocole d'expérience qui permet de garantir la fiabilité et l'interprétabilité des résultats obtenus. L'intérêt de telles expériences tient surtout à la possibilité de paramétrer à volonté le protocole d'expérience, ce qui permet d'isoler au plus juste les processus que l'on souhaite observer. Nous nous proposons dans cette partie de mettre en place des expériences de marché s'inspirant des plans d’expériences et des protocoles développés par Gillette et al. (1999). La construction d’une expérimentation nécessite de prendre en compte la structure des marchés étudiés, la nature des actifs négociés, les préférences, les choix possibles et l’information des opérateurs. Dans un premier temps, nous nous proposons d’analyser le comportement des investisseurs au voisinage d’annonces d’information de type obligatoire. De toutes les informations financières diffusées régulièrement par les entreprises durant leur exercice comptable, le résultat net est sans doute la publication qui a le plus d’importance pour les actionnaires. Si ce résultat est soumis à l’approbation de l’assemblée générale ordinaire annuelle, il est surtout par l’affectation qu’elle décide la source des dividendes qui rémunèrent leurs apports. Les comptes annuels sont, de surcroît, parmi l’ensemble des publications comptables, celles qui, par le degré maximal de certification dont ils font l’objet de la part des auditeurs, présentent la meilleure garantie de fiabilité pour les investisseurs. A l’instar de ce qui prévaut sur les marchés financiers, nous construisons donc une expérience, au cours de laquelle, quatre 13 Cette seconde partie fait l’objet de travaux de recherche développés par Thanh Huong Dinh et Jean-François Gajewski : - Dinh T.H. et J.F. Gajewski, 2005, « Une étude expérimentale des prévisions des analystes financiers et de l’efficience informationnelle des marchés », Revue Française de Gestion, 157, 189-202. - Dinh T.H. et J.F. Gajewski, 2005, « Trading volume and dispersion of opinions around earnings announcements: a direct measure by the experimental method ». - Dinh T.H. et J.F. Gajewski, 2006, « Do the individual investors follow the financial analysts’ forecasts? An experimental approach ». 14 Il existe des bases de données qui permettent d’obtenir de l’information sur la provenance des ordres, mais l’information la plus fine ne contient que l’identification de ceux qui passent les ordres effectivement sur le marché. Les clients finaux ne sont pas identifiés. 52 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE composantes d’un même résultat sont diffusées aux opérateurs. On peut ainsi assimiler chacune des composantes à un résultat trimestriel et la dernière au résultat annuel. Dans l’expérience, le résultat est annoncé à la fin de huit rondes d’échange. Toutes les deux périodes, une fraction du résultat est annoncée à l’ensemble des opérateurs. L’expérience prouve que, même en l’absence d’asymétrie d’information, les opérateurs ont des anticipations hétérogènes. De plus, cette hétérogénéité ne diminue pas lorsque les opérateurs accumulent de plus en plus d’information permettant d’anticiper le résultat futur. La dispersion des anticipations est d’ailleurs le principal facteur à l’origine des transactions au cours de l’expérience. Le volume de transaction s’accroît lorsque les anticipations deviennent plus dispersées, mais au-delà d’un certain seuil, trop de dispersion empêche les investisseurs d’échanger. Dans un second temps, nous étudions le comportement des investisseurs lorsqu’ils reçoivent une information de type facultatif. A l’instar du rôle joué par les analystes financiers sur les marchés, l’expérience est construite de sorte que des prévisions de résultat soient communiquées régulièrement aux opérateurs. Il s’agit d’examiner, dans le cadre d’un laboratoire, comment les opérateurs intègrent l’information contenue dans les prévisions de résultats faites par les analystes financiers. Le rôle principal des analystes financiers consiste à fournir aux investisseurs des prévisions et des recommandations d’achat ou de vente de titres. Ils collectent ainsi des informations auprès de différentes sources pour les interpréter, les retraiter et les restituer de manière synthétique et intelligible afin de permettre aux investisseurs de prendre les décisions optimales. La fonction des analystes est donc fondamentale pour la communauté financière, et leurs prévisions sont très utiles pour les investisseurs sur les marchés financiers. A ce titre, la recherche empirique les utilise souvent comme variable de substitution des anticipations des investisseurs. Néanmoins, les motivations et le comportement des investisseurs sont souvent bien différents des préoccupations des analystes financiers, et de nouvelles recherches montrent que les prévisions peuvent être biaisées et dispersées. En utilisant la structure des marchés de double enchère, nous mettons en place plusieurs expériences sur 12 périodes, qui varient en termes de dispersion et d’erreur de prévisions. L’expérience prouve que les investisseurs tiennent compte des prévisions dans leurs anticipations. Ils corrigent partiellement les erreurs faites par les analystes et sous-réagissent aux révisions de prévisions. La dispersion des prévisions des analystes accroît l’hétérogénéité des anticipations des investisseurs, mais n’a pas d’impact sur leurs erreurs. Cette dispersion influe négativement sur le volume d’échange, surtout quand les prévisions sont pessimistes. Comme les anticipations des investisseurs sont directement liées aux prévisions des analystes, nous subdivisons l’hétérogénéité des anticipations en deux parties. La première partie, que nous appelons dispersion « naturelle », corrélée avec la dispersion des prévisions des analystes empêche les investisseurs d’échanger. Cette relation est monotone. La seconde partie, la dispersion idiosyncrasique, non corrélée avec les prévisions des analystes financiers, influe sur le volume de transaction sous la forme d’une relation concave. L’analyse des prix d’échange prouve que les marchés ne sont pas complètement efficients. Ceci est lié à des imperfections contenues dans les prévisions des analystes. L’erreur moyenne est positivement reliée aux biais de prévisions des analystes. Le degré d’ajustement du prix à la valeur fondamentale dépend de la convergence des prévisions vers cette valeur. De surcroît, la volatilité peut devenir excessive lorsque les prévisions des analystes sont trop dispersées. Enfin, nous obtenons un résultat susceptible d’enrichir les études sur la prévisibilité des 53 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE rentabilités futures. En effet, les rentabilités peuvent être prévues à partir de la révision et de la dispersion des prévisions des analystes. Les résultats ainsi obtenus prouvent que la qualité de l’information prévisionnelle est une condition nécessaire mais non suffisante à l’efficience des marchés financiers. II.1. Volume de transaction et dispersion d’opinions à l’annonce de résultat 1. Introduction Sous l’hypothèse d’efficience des marchés, même si les investisseurs ne savent pas prédire le futur, ils connaissent parfaitement la relation qui lie la valeur de l’actif aux variables qui la déterminent. Dans ces conditions, ils peuvent anticiper correctement l’évolution de cette valeur et échangent uniquement lorsqu’ils pressentent une évolution de celle-ci. Ainsi, lors de l’annonce d’une information, par exemple les résultats d’une entreprise, les prix s’ajustent immédiatement à la nouvelle valeur anticipée de l’action et aucun échange ne peut avoir lieu. 15 Dans cette perspective, il n’y a des transactions que dans deux cas de figure : soit, les investisseurs anticipent un changement de la valeur de l’action (Verrecchia, 1982; Karpoff, 1987; Kim et Verrecchia, 1991b), soit ils n’ont pas tous accès à l’ensemble d’informations qui déterminent la valeur de l’actif. Dans ce cas, les investisseurs n’ont pas une connaissance commune de la réalité et les échanges peuvent s’expliquer par l’hétérogénéité des anticipations avant l’annonce, et par les interprétations idiosyncrasiques que font les investisseurs de l’information contenue dans l’annonce (Kim et Verrecchia, 1991b ; Kandel et Pearson, 1995 ; Bamber et al., 1999) ou alors par l’asymétrie d’information préalablement à l’annonce. Les études empiriques antérieures laissent à ce propos des questions importantes en suspens. La première concerne la dimension irrationnelle du comportement des investisseurs qui est très peu abordée au sein des études sur le volume d’échange. La deuxième question résulte des caractéristiques même de ces recherches. C’est l’incapacité de mesurer, de manière directe, l’hétérogénéité des croyances des investisseurs. Elle est en effet estimée par la dispersion des prévisions de résultat des analystes financiers. Cette approximation n’est pas pertinente dans la mesure où les analystes ne représentent qu’une petite proportion des opérateurs de marché (Atiase et Bamber, 1994). Ils ont des positions différentes des investisseurs et sont souvent mieux informés et plus compétents. Dans ce contexte, l’utilisation de la méthode expérimentale constitue une voie de recherche particulièrement intéressante. Notre objectif est ainsi d’étudier expérimentalement l’évolution du volume de transaction lors de la publication de résultat. Il y a essentiellement trois apports dans cette étude. Elle permet d’abord de prendre en compte les anticipations hétérogènes des investisseurs au lieu de les approcher par les prévisions de résultat des analystes financiers. En deuxième lieu, cette expérience permet d’isoler l’hétérogénéité des anticipations de l’asymétrie d’information dans la mesure où les investisseurs disposent du même substrat d’informations. La troisième contribution de cette étude consiste en l’étude approfondie de l’impact de la dispersion des anticipations des investisseurs sur le volume d’opérations. 15 Voir le théorème d’absence de transaction (Milgrom et Stockey, 1982). 54 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Nos principaux résultats révèlent qu’en dépit de la structure commune d’information, des échanges ont toujours lieu entre les participants. Les échanges sont principalement associés à l’hétérogénéité des anticipations portant sur le résultat annuel. Cette relation n’est pas monotone, mais présente une forme concave. La dispersion des anticipations provoque en effet des échanges lorsqu’elle n’est pas trop élevée et empêche les investisseurs d’échanger au-delà d’un certain seuil. De manière implicite, les résultats obtenus montrent que certains opérateurs pensent que le comportement des autres n’est pas nécessairement très rationnel et proposent donc d’échanger. Il en découle que l’incertitude ne dépend pas seulement du processus de détermination de la valeur fondamentale des titres, mais aussi des connaissances incertaines des investisseurs sur les motivations et la réaction des autres. Ceci est logique dans la mesure où le comportement des autres participants détermine le degré de liquidité des marchés. Un investisseur, anticipant une décroissance du prix des titres et désirant donc vendre ses titres, ne peut pas exécuter cette opération si la réaction d’autres participants ne vise pas à en acheter. Dans cette partie, le premier point consiste d’abord à formuler les hypothèses de recherche. La section suivante a pour objet de présenter les procédures expérimentales. Les résultats obtenus sont ensuite interprétés. 2. Les fondements théoriques et les hypothèses de recherche Même si les résultats intérimaires ne sont pas soumis à une procédure aussi complète que le résultat annuel, la loi prévoit cependant, dans la plupart des cas, la publication d’états financiers intermédiaires pour permettre aux investisseurs de réagir rapidement à une information fréquemment réactualisée leur donnant une vision plus « continue » de l’évolution de la firme. L’information contenue dans les publications intermédiaires est cependant beaucoup moins détaillée que celle des comptes annuels. Dans ce contexte, on peut se demander sur quelle base les investisseurs réagissent lors des annonces correspondantes. De toute évidence, l’information diffusée par les publications intermédiaires est perçue comme une image imprécise du résultat net annuel. Cette image devient de plus en plus précise à l’approche de la clôture de l’exercice. Suivant cette logique, au fur et à mesure que le nombre de périodes s’accroît dans l’expérience et que l’on se rapproche de l’annonce de résultat final, les anticipations de résultat doivent devenir davantage homogènes en convergeant progressivement vers la vraie valeur du résultat. Ceci permet de poser la première hypothèse. Hypothèse 2.1 : Les anticipations des participants sur le résultat final convergent vers le résultat annuel au fil des périodes d’échange. Cette convergence est d’autant plus rapide que l’on annonce un résultat intermédiaire. Même si la dispersion des anticipations est censée décroître au fil des rondes d’échange, elle devrait persister encore jusqu’à la fin de la séance et se renforcer lors de la publication du résultat. Dans la littérature, plusieurs modèles théoriques ont été construits de manière à prévoir le volume d’échange au voisinage de l’annonce de résultat (Karpoff, 1986 ; Ziebart, 1990 ; Atiase et Bamber, 1994 ; Kandel et Pearson, 1995). En accord avec ces modèles, le volume de transaction provient à la fois de la dispersion des anticipations formées avant l’annonce et de la divergence des interprétations de l’information entre les agents. 55 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Intuitivement, plus les anticipations des investisseurs sont hétérogènes, plus la probabilité que leurs ordres placés soient de sens opposé s’accroît. Ainsi, les investisseurs qui souhaitent acheter des titres (respectivement en vendre) trouvent plus facilement une contrepartie lorsque d’autres opérateurs se portent vendeurs (respectivement acheteurs). La dispersion des anticipations génère alors davantage de transactions. Néanmoins, si les anticipations des agents sur la valeur future dépassent un seuil d’hétérogénéité, la probabilité qu’un agent trouve une contrepartie diminue et le nombre de transactions cesse ainsi d’augmenter. Ces éléments permettent alors de supposer que la relation entre le volume de transaction et la dispersion des anticipations n’est pas linéaire mais plutôt concave. Hypothèse 2.2 : La relation entre le volume de transaction et la dispersion des anticipations des investisseurs présente une forme concave. Cette hypothèse postule que le volume de transaction s’accroît avec l’hétérogénéité des anticipations jusqu’à un seuil à déterminer, et décroît au-delà de ce point. Dans la construction de l’expérience, il s’agit de faire apparaître plusieurs degrés de dispersion de manière à en évaluer l’impact sur le volume d’échange. Pour ce faire, nous générons deux structures d’informations publiques différentes en termes d’incertitude et de complexité. La première série d’informations présente une variabilité des résultats peu élevée, ce qui devrait logiquement entraîner plus d’homogénéité entre les anticipations des participants. Ceux-ci doivent avoir tendance à réagir dans la même direction, ce qui ne favorise pas les échanges. Au contraire, la deuxième structure est fondée sur une information avec des annonces plus hétérogènes. Elle doit logiquement générer plus d’échanges. Conformément à la littérature (Harris et Raviv, 1993; Atiase et Bamber, 1994), l’amplitude de la réaction au voisinage des annonces de résultat affecte également le volume de transaction. Intuitivement, lorsque les prix augmentent ou diminuent, les individus ont tendance à échanger davantage dans un objectif de réallocation de portefeuille. Ces éléments permettent de poser l’hypothèse suivante. Hypothèse 2.3 : L’amplitude des variations de prix affecte positivement le volume d’échange. Les écarts entre les prix et la valeur fondamentale des titres peuvent entraîner des transactions. En effet, sur l’ensemble du marché, certains investisseurs, qu’on peut identifier comme étant « expérimentés », peuvent mettre à profit ces erreurs d’évaluation par le marché. Dans cette logique, l’amplitude des écarts de prix par rapport à la valeur intrinsèque peut être un facteur susceptible de favoriser les échanges. Hypothèse 2.4 : L’amplitude des erreurs de prix influence positivement le volume d’échange. 3. Le descriptif des protocoles expérimentaux Au total, l’expérience regroupe 91 étudiants en provenance des universités de Montréal qui sont répartis en 11 marchés de double enchère comprenant 7 à 10 sujets chacun. Les sept premiers marchés ne contiennent que des participants « inexpérimentés » tandis que les quatre derniers regroupent aussi des « expérimentés » qui ont assisté à une des sessions précédentes. Chaque marché comprend 8 périodes d’échange de 6 minutes dont 5 sont réservées aux échanges. Le résultat est révélé à la huitième période après la détermination et l’annonce des quatre éléments. Le graphique 2.1 permet de visualiser le déroulement d’une session. 56 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Graphique 2.1 – Le déroulement d’une expérience R1 R2 R3 Annonce de résultat Note: Ce graphique retrace les étapes du processus de diffusion de l’information dans chacune des expériences. 3.1. Les participants et leurs incitations Les participants reçoivent par écrit les instructions de l’expérience, dans lesquelles sont détaillées les règles du jeu. Ils sont ensuite dotés de 200 UME (Unité de Monnaie Expérimentale) 16 et de 20 actions d’un même titre. Ils réagissent en fonction de leurs anticipations et de l’information qui leur est communiquée (annonce de résultat et données historiques de prix et de volume d’échange). Ils perçoivent à la fin de chaque session une rémunération fixe et variable qui les incite à agir avec l’objectif de maximiser leur richesse finale. La rémunération fixe, qui permet de récompenser les opérateurs pour leur présence et leur participation sérieuse à l’expérience, est de 10 dollars canadiens. La rémunération variable est proportionnelle à l’exactitude des prévisions de résultat des opérateurs et dépend également de leur performance. Le calcul des gains est donc effectué de la manière suivante : 10$ CAD ⎧ ⎛ Gains de prévision ⎞ ⎫ ⎟⎪ ⎪ ⎜ + Max ⎨ 0; ⎜ + ⎟ ⎬ convertis en CAD ⎪ ⎜ Gains d' échange ⎟ ⎪ ⎠⎭ ⎩ ⎝ (2.1) Rétribution totale où les gains de prévision sont calculés comme suit : ⎧ ⎪ ⎪ ⎪Gains de prévision = ∑ Gains de prévision de chaque période ⎪⎪ ⎨Gains de prévision d'une période = Max[0 ; ( 5 − Erreur de prévision de la période )] (2.2) ⎪ Résultat annuel à la fin de la séance ⎧ ⎪ ⎪ Erreur de prévision de la période = ⎪⎨− ⎪ ⎪ Prévision au début de la période ⎪⎩ ⎩ Les erreurs de prévision de résultat sont calculées à chaque période et correspondent à l’écart entre les prévisions et le résultat publié à la fin de la session. Le gain issu des anticipations est ainsi d’autant plus élevé que les prévisions individuelles faites au début de chaque ronde sont proches du résultat annuel final. 16 Le taux de conversion de l’UME en dollar canadien est aussi déterminé de telle sorte que les participants reçoivent 20 $ CAD en moyenne pour une séance d’une heure et demie. 57 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Les gains d’échange sont calculés comme suit : ⎧ ∑ Valeur des ventes - ∑ Valeur des achats ⎪ + Nombre de titres restés × Valeur de l' action à la fin de la séance ⎪ Gains d ' échange = ⎨ ⎪ + Numéraire à la fin de la séance ⎪⎩ - 200 (2.3) Le prix de transaction et la valeur fondamentale des actions s’expriment en monnaie expérimentale. Les titres restant à la disposition des participants à la fin de la séance sont convertis en numéraire au prix équivalent à la valeur fondamentale de l’action. Ce choix a pour objet d’inciter les opérateurs à spéculer sur les écarts entre le prix d’échange et la valeur intrinsèque et donc à réagir plus activement. 3.2. La structure d’information Cette recherche présente la particularité de ne pas faire l’hypothèse d’existence d’asymétrie d’information entre les investisseurs. La structure d’information est commune à tous les investisseurs. Elle est constituée d’un flux continu d’informations publiques conduisant au résultat final. Un tel choix est conforme à la réalité dans la mesure où l’annonce officielle du résultat annuel d’une entreprise est en général précédée d’informations intermédiaires ou provisoires. Il s’agit par exemple de publications provisoires de résultat ou bien de bénéfice trimestriel ou encore de chiffre d’affaires. La structure d’information s’inspire de celle utilisée par Gillette et al. (1999) 17 mais diffère quant à la définition de l’incertitude et de la fréquence de diffusion de l’information. Il s’agit ici de rester proche du mécanisme de publication de l’information légale et obligatoire par les entreprises. Le résultat est diffusé après la publication de ses 4 composantes. Toutes les deux périodes, un élément est tiré au sort et annoncé à tous les opérateurs. Les investisseurs ont donc de plus en plus d’informations au fur et à mesure que la séance expérimentale se déroule. Comme l’incertitude liée au résultat est de moins en moins forte, les prévisions de résultat des investisseurs devraient ainsi devenir de plus en plus précises et homogènes. Dans cette logique, l’effet attendu est que le volume d’échange diminue lorsque l’on se rapproche de la fin de la session. L’expérience est construite sur la base de deux séries de quatre éléments, qui ont la même moyenne, mais un écart-type différent. Il s’agit ici de générer plusieurs degrés de dispersion des anticipations et d’examiner comment le volume de transaction évolue en fonction de cette dispersion. Selon l’hypothèse 2.2, on devrait voir apparaître une relation de type concave entre le volume et la dispersion des anticipations. Dans la première série, le résultat annuel est composé de 4 éléments prenant chacun une valeur parmi 0, 2, 4 ou 6 avec une équiprobabilité de 1/4. Ces éléments sont tirés au sort et annoncés à la fin des périodes 2, 4, 6 et 8. Le résultat annuel qui résulte de la somme des 4 composantes se situe donc dans l’intervalle [0 ; 24]. A partir de ce résultat, le dividende est calculé et distribué à la fin de l’expérience. Pour des besoins de simplification qui ne remettent pas en cause la portée des résultats, nous supposons que la valeur fondamentale des 17 Dans l’étude de Gillette et al. (1999), le dividende est égal au dernier élément annoncé, cinq composantes d’information sont diffusées et ces composantes ne peuvent pas prendre de valeur négative. 58 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE titres est égale au dividende. Au début de chaque période, avant que les participants ne commencent à échanger, il leur est demandé à chacun de prévoir le résultat. Compte tenu de la fréquence de publication (toutes les deux périodes), l’anticipation du résultat ne devrait pas changer entre les périodes 1 et 2, 3 et 4, 5 et 6, 7 et 8. Ces intervalles sont donc des périodes d’estimation à la fin desquelles un élément de la série d’informations est déterminé par tirage au sort. La valeur moyenne de chaque composante du résultat est égale à : 0× 1 + 2× 1 + 4× 1 + 6 × 1 = 3 4 4 4 4 (2.4) Avant la première période, la valeur anticipée objective du résultat est de (4×3=12) et la valeur fondamentale anticipée objective du titre est égale à 12. Après le tirage au sort d’une composante du résultat, nous ajoutons à cette valeur les estimations des autres éléments restants afin de déterminer la valeur anticipée objective du résultat. Les tirages au sort sont informatisés. Le même mécanisme de formation du résultat annuel s’applique à la deuxième série d’informations. Mais, nous introduisons la possibilité d’observer des valeurs négatives pour les composantes, ce qui change la valeur fondamentale. En effet, chacune des composantes peut prendre une valeur parmi -4, 0, 6 ou 10 avec une équiprobabilité. Ainsi, la valeur moyenne anticipée de chaque composante est égale à celle établie dans la 1ère série : − 4 × 1 + 0 × 1 + 6 × 1 + 10 × 1 = 3 4 4 4 4 (2.5) Sous cette hypothèse, la moyenne du résultat est également de 12 comme dans la 1ère série, mais le résultat annuel de cette série peut varier de −16 à 40. La valeur fondamentale et le dividende sont égaux au résultat annuel s’il est positif et sont nuls dans le cas contraire. 3.3. Le mécanisme d’échange Nous choisissons d’utiliser le mécanisme de double enchère. Il est le plus souvent utilisé dans la réalité pour réguler les marchés financiers et présente les meilleures qualités en termes d’efficience informationnelle (Theissen, 2000) et d’efficience allocationnelle (Gode et Sunder, 1993). L’expérience est complètement informatisée. Les titres et le numéraire initialement à la disposition des participants sont déposés sur un compte informatisé. A chaque période d’échange, les participants ont la possibilité de soumettre des ordres d’achat et/ou de vente à cours limité. Ces ordres, caractérisés par la quantité, le cours et l’heure d’entrée, sont diffusés en continu sur les écrans d’ordinateurs dans l’ordre croissant pour les propositions d’achat et décroissant pour celles de vente. Il y a échange dès qu’il y a des ordres de sens inverse compatibles. Un ordre d’achat (respectivement vente) de cours limite p signifie qu’il ne peut être exécuté qu’à un cours inférieur (respectivement supérieur) ou égal à p. Un participant, désirant échanger, a donc la possibilité, soit de proposer un ordre dont le cours est compatible avec les ordres en carnet, soit de rentrer un ordre dans le carnet en attendant un ordre compatible de sens inverse. Lorsque deux ordres sont assortis d’une même limite, la priorité est accordée en fonction de leur heure de placement. Sinon, une exécution proportionnelle va s’appliquer pour tous les ordres similaires en termes de prix, de quantité et 59 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE d’heure d’entrée. Les ventes à découvert ne sont pas autorisées. Les ordres qui ont été exécutés sont retirés de la liste des propositions pour entrer sur la liste d’échanges. Les ordres qui ne sont pas encore exécutés au cours d’une ronde peuvent être modifiés ou retirés jusqu’à la fin de la période. A l’issue de la période, ils sont retirés, afin que les périodes soient indépendantes. 3.4. Le déroulement de l’expérience Les périodes se déroulent toutes de manière quasi-identique. Ce qui diffère, c’est la publication d’une information toutes les 2 périodes. Elles débutent par une phase de 30 secondes au cours de laquelle tous les participants font des prévisions individuelles de résultat. Ils rentrent ensuite dans la phase d’échange qui dure 5 minutes. A la fin de la deuxième ronde, une composante du résultat final est tirée au sort et rendue publique. En moyenne, l’anticipation du résultat est alors égale à : première composante + 3 × 3 (2.6) La valeur fondamentale de l’actif est donc égale au résultat annuel si ce dernier est positif et à zéro sinon. Les autres périodes suivent le même processus de prévisions et d’échanges en 2 étapes. Lorsqu’une composante est annoncée, c’est à dire toutes les 2 périodes, le résultat annuel est égal en moyenne à la somme des éléments observés à laquelle s’ajoutent les estimations des composantes restantes. La valeur fondamentale anticipée est toujours déterminée à partir du résultat. Elle est égale au résultat, s’il est positif et zéro sinon Au cours des phases d’échange, les participants visualisent sur leurs écrans l’historique des prix ainsi que la totalité du carnet d’ordres. A la fin de la huitième période d’échange, le dernier élément est tiré au sort, le résultat annuel est déterminé et diffusé à tous les participants. Ceci permet de calculer le dividende et la valeur intrinsèque de l’actif. Les gains de prévision et d’échange de chacun des participants sont ensuite déterminés. 3.5. La détermination des paramètres de test Il s’agit de définir les variables qui permettent d’expliquer les changements de volume de transaction au cours de l’expérience. L’excès de volume de transaction Dans ce type de recherche, le volume de transaction anormal est traditionnellement défini par la différence entre le volume sur une période d’observation et le volume sur une période d’estimation, calculé grâce à un modèle de prévision. Dans cette expérience, il n’y a pas d’autre information annoncée que les résultats et il n’y pas de besoin de liquidité. Dans un tel contexte, le marché devrait être caractérisé par une absence de transaction et le volume de prévision devrait être égal à 0. Sur chacune des périodes au cours desquelles une information 60 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE est annoncée, la totalité des échanges peut donc être considérée comme étant le volume anormal, ce qui conduit à la définition suivante 18 : ⎛ n ⎞ ⎜ ∑ Vi ,t ⎟ / N ⎝ i =1 ⎠ (2.7) Où Vi,t est le nombre d’actions échangées de la transaction i à la période t et N est le nombre d’actions total du marché. La mesure de l’hétérogénéité, de l’homogénéité et de l’erreur des anticipations La dispersion des anticipations est définie par l’écart-type des anticipations individuelles. Par contre, l’homogénéité des anticipations se traduit par la révision moyenne des anticipations. Trois mesures sont proposées. La première équivaut à la variation en pourcentage de l’anticipation moyenne d’une période à l’autre. Les deux autres mesures ressemblent à la première, mais sont normées respectivement par la valeur anticipée objective du résultat et le résultat final au lieu de l’anticipation moyenne antérieure. L’erreur d’anticipation est par définition la différence entre l’anticipation et le résultat annuel. Toutefois, par souci d’échelle et d’homogénéisation des variables, l’erreur d’anticipation est exprimée en pourcentage dans les régressions. Elle est normée soit par la valeur anticipée objective du résultat annuel, soit par le résultat final. La mesure de la variation de prix moyenne et de l’erreur de prix moyenne La variation de prix est déterminée de trois manières différentes. C’est la différence entre le prix moyen de la période et le prix moyen de la période précédente divisée soit par le prix de la période précédente, soit par la valeur anticipée en moyenne ou soit par la valeur fondamentale de l’action. L’erreur de prix est représentée par deux « proxies » : la déviation du prix en pourcentage de l’anticipation objective par rapport à la valeur fondamentale faite à la fin de chaque période ou par rapport à la vraie valeur de l’action. 4. Les résultats et leurs interprétations Dans cette section, nous analysons tout d’abord comment évoluent les anticipations des individus et le volume de transaction au cours des séances expérimentales. Nous étudions ensuite les déterminants du volume de transaction, et analysons tout particulièrement la relation entre les échanges et l’hétérogénéité des anticipations. 4.1. L’évolution des anticipations de résultat et du volume d’échange 18 Nous avons également utilisé d’autres mesures du volume d’échange de manière à renforcer la validation de nos résultats. Nous avons rapporté la « somme des échanges en valeur » à la « valeur anticipée objective du marché mesurée à la fin de la période » ou à la « valeur observée de l’action multipliée par le nombre total d’actions du marché ». Cependant, ces mesures ne changent pas la nature des résultats obtenus. 61 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE L’évolution des prévisions de résultat Les graphiques 2.2 et 2.3 montrent la répartition des erreurs de prévision. Pour la première série d’informations, 18% des anticipations sont correctes, 47% optimistes et 35% des prévisions pessimistes. En revanche, pour la série 2, seulement 7% des prévisions sont justes, 9% optimistes et 84% pessimistes. Ils prouvent également que toutes périodes confondues, les erreurs de prévision sont nombreuses et très dispersées entre elles. Cette grande dispersion prouve que les investisseurs ne traitent pas l’information de manière homogène, même si l’expérience est réalisée dans le cadre d’une structure d’information commune, c'est-à-dire sans asymétrie d’information. Graphique 2.2 – La distribution des erreurs d’anticipations (série 1) 20% % d'erreur 16% 12% 8% 4% 0% -1 4 -8 -4 0 4 8 14 E r r e u r d e p r é v is io n Graphique 2.3 – La distribution des erreurs d’anticipations (série 2) 20% % d'erreur 16% 12% 8% 4% 0% -5 2 -2 4 -1 7 -6 4 E r r e u r d e p r é v is io n Note : Ces deux graphiques sont établis à partir de 728 anticipations dont 592 sont de la série d’information 1 et 136 de la série 2. En abscisse, figure l’erreur de prévision, qui représente la différence entre la prévision et le résultat annuel. L’ordonnée représente le pourcentage d’erreurs. 62 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Outre les niveaux de compétence et d’expérience hétérogènes influant directement sur le traitement de l’information, les préférences au risque peuvent également expliquer le degré d’hétérogénéité. En effet, des préférences au risque distinctes entre les agents jouent, sans aucun doute, un rôle majeur dans cette expérience caractérisée par une grande incertitude. Ces préférences participent à la construction de la fonction d’utilité des agents économiques et rendent les attentes en termes de rentabilités différentes d’un individu à l’autre. Ces attentes sont un déterminant majeur des anticipations dans la mesure où les individus ont souvent tendance à confondre leurs souhaits avec la réalité du marché. L’influence des préférences au risque des investisseurs sur leurs prévisions de résultat est mieux caractérisée en comparant les prévisions de la première série d’information avec celles de la deuxième. La série 2 contient un élément négatif, ce qui rend les marchés plus incertains que ceux de la série 1. Elle est par conséquent à l’origine d’une moyenne des erreurs supérieure (-11,15 pour la série 2 contre -0,03 pour la série 1) et d’une dispersion des prévisions plus forte (10,78 pour la série 2 contre 4,7 pour la série 1). A part le facteur de préférence pour le risque, d’autres variables psychologiques et cognitives, comme la confiance, peuvent également expliquer l’hétérogénéité des anticipations. Certains investisseurs sur-confiants pensent qu’ils disposent de compétences supérieures au marché et que les anticipations de leurs semblables ne sont pas correctes. Cette sur-confiance les conduit à formuler des anticipations éloignées de ce qu’anticipe le marché, ce qui accroît l’hétérogénéité des prévisions. Inversement, si les agents n’ont pas confiance en eux, ils peuvent être conduits à imiter le comportement des autres et à avoir des anticipations parfois erronées, si les autres individus se trompent. Ces éléments peuvent contribuer à accroître l’amplitude des erreurs de prévision et son écart-type. Une analyse plus approfondie des anticipations des investisseurs montre, d’après les graphiques 2.4 et 2.5, que l’anticipation moyenne des opérateurs n’est pas proche de l’anticipation objective. Cela signifie que les anticipations des investisseurs ne suivent pas le modèle d’anticipations rationnelles, neutre au risque en l’absence d’asymétrie d’information. En outre, les anticipations des opérateurs de la première série d’information sont plus proches du résultat annuel que celles de la série 2. On peut en conclure qu’une plus grande incertitude sur les marchés limite la convergence des anticipations des opérateurs vers le résultat annuel. 63 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Graphique 2.4 – L’analyse des anticipations des investisseurs (série 1) 1 6 ,0 Valeur 1 2 ,0 8 ,0 4 ,0 0 ,0 1 2 3 4 5 6 7 8 P é r io d e A n t i c ip a t i o n m o y e n n e d e s i n v e s t is s e u r s A n t ic i p a t io n o b je c t iv e R é s u la t a n n u e l Graphique 2.5 – L’analyse des anticipations des investisseurs (série 2) 16,0 Valeur 12,0 8,0 4,0 0,0 1 2 3 4 5 6 7 8 -4,0 Période Anticipation moyenne des investisseurs Anticipation objective Résultat annuel Note : Ces deux graphiques sont établis à partir des données moyennes calculées à chaque période, tous marchés confondus. Le résultat annuel est déterminé une fois à la fin de la huitième période et est utilisé pour normer les anticipations de toutes les périodes. L’anticipation objective du résultat est calculée à la fin de chaque période, après tirage au sort, le cas échéant. Elle correspond à la somme des composantes déjà tirées au sort et des estimations des composantes restantes. Les graphiques 2.6 et 2.7 représentent l’évolution de l’erreur moyenne de prévision en valeur absolue et de l’écart-type au fil des périodes. L’erreur moyenne a tendance à décroître au fur et à mesure que l’expérience se déroule, surtout dans le cadre de la deuxième série d’informations. Mais, elle ne converge pas vers zéro. En d’autres termes, les anticipations de résultat se rapprochent de la valeur finale du résultat annuel, mais sans l’égaler. La dispersion des prévisions ne diminue pas de manière significative au fur et à mesure des périodes de transaction. L’hypothèse 2.1 ne semble pas être vérifiée. Même si les individus ont 64 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE progressivement connaissance du résultat grâce à la diffusion intermédiaire de ses composantes, leurs prévisions ne semblent pas converger vers ce résultat. Selon une première explication, les opérateurs de marché n’adoptent pas un comportement rationnel. Même s’ils savent que les gains réalisés dépendent de la précision de leurs estimations, ils n’utilisent pas correctement l’information intermédiaire pour affiner leurs prévisions. Leur capacité à traiter l’information paraît limitée. Selon une deuxième explication plus plausible, certains investisseurs ne croient pas fermement à leurs compétences en matière de traitement de l’information. Leur comportement consiste alors à minimiser celui des autres qui leur apparaissent plus sophistiqués. Cette stratégie, qui consiste à déduire de l’information à partir des échanges sur le marché, est à l’origine d’erreurs systématiques et hétérogènes lorsque les individus soi-disant « sophistiqués » se trompent. Néanmoins, la deuxième explication est moins évidente dans cette recherche car la majorité des participants (plus de 80%) ne révisent leurs prévisions de résultat que lorsqu’une composante du résultat est tirée au sort. Sur les périodes sans annonce, la majorité des prévisions n’est pas modifiée malgré l’information révélée par les échanges. Ce phénomène permet de confirmer l’idée que seulement la publication des composantes du résultat affecte fortement la formation et la révision des prévisions des investisseurs. Graphique 2.6 – Les erreurs et la dispersion des anticipations (série 1) 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0,0 1 2 3 4 5 6 7 8 Période Erreur moyenne en valeur absolue Dispersion des anticipations 65 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Graphique 2.7 – Les erreurs et la dispersion des anticipations (série 2) 16,0 12,0 8,0 4,0 0,0 1 2 3 4 5 6 7 8 Période Erreur moyenne en valeur absolue Dispersion des anticipations Note: La dispersion est mesurée par l’écart-type des anticipations. L’erreur d’anticipation est la différence entre l’anticipation et le résultat annuel. Les données représentent les moyennes à chaque période, tous marchés confondus. Pour l’erreur moyenne en valeur absolue, nous déterminons d’abord la valeur absolue de chaque erreur individuelle et prenons par la suite la moyenne de ces valeurs absolues. L’évolution du volume d’échange Les participants échangent de 1% à 53% du total des titres disponibles avec une moyenne de 20% dans le cas de la série 1, et de 12% à 89% avec une moyenne de 35% pour la série 2. En considérant l’ensemble des marchés sans distinguer les deux séries d’information, nous constatons que le volume varie de 1% à 89% avec une moyenne de 23%. Le volume de transaction moyen des marchés de la série 1 représente une tendance légèrement descendante au fil des périodes d’échange. Les graphiques 2.8, 2.9 et 2.10 ci-dessous montrent l’évolution du volume d’échange moyen au fil des périodes. Graphique 2.8 – L’évolution du volume d’échange (série 1) 30% Volume 20% 10% 0% 1 2 3 4 5 6 7 8 Période 66 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Graphique 2.9 – L’évolution du volume d’échange (série 2) Volume 60% 40% 20% 0% 1 2 3 4 5 6 7 8 Période Graphique 2.10 – L’évolution du volume d’échange (les deux séries confondues) 30% Volume 20% 10% 0% 1 2 3 4 5 6 7 8 Période Note : Dans ces trois graphiques, le volume d’échange est mesuré par le nombre d’actions échangées divisé par la quantité d’actions totale du marché. 4.2. Les déterminants du volume d’échange Les prévisions des investisseurs sont hétérogènes et erronées. La question est maintenant de savoir si elles influencent significativement le comportement des opérateurs et s’il n’y a pas d’autres facteurs qui peuvent expliquer leur comportement. L’impact de la dispersion des anticipations sur le volume de transaction L’hétérogénéité des anticipations de résultat est mesurée par l’écart-type des prévisions de résultat. Le tableau 2.1 reporte les résultats de la relation entre ce facteur et le volume de transaction. Pour la série 1, l’écart-type des prévisions a un impact 67 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE significativement positif sur le volume de transaction. Donc, plus les prévisions des opérateurs sont dispersées, plus ils ont tendance à échanger. L’hypothèse 2.2 semble vérifiée en partie. Nous réalisons maintenant la même régression avec les données de la série 2. Les résultats révèlent que la relation monotone croissante entre la dispersion des anticipations et le volume d’échange n’est plus vérifiée. Nous obtenons une relation décroissante mais non significative. Ce constat laisse supposer qu’il existe un seuil au-delà duquel l’hétérogénéité des anticipations cesse de générer des échanges. Cette hypothèse s’avère d’autant mieux confirmée que les opérateurs échangent sur des marchés de double enchère en ayant accès à la totalité des ordres soumis. Sur de tels marchés, dès qu’un investisseur s’aperçoit que son anticipation s’écarte largement des limites de prix proposées par les autres (supposées être la meilleure information qu’un investisseur puisse avoir sur le comportement des autres), il doit avoir moins confiance en lui. Il cherche ainsi à réviser ses croyances en se reposant davantage sur le comportement des autres. Sa réaction se rapproche alors de la réaction moyenne du marché. Les ordres placés convergent alors en termes de direction. Ceci limite les échanges, dans la mesure où un échange ne peut avoir lieu que si les individus placent des ordres de sens inverse Dans le cas contraire, l’investisseur peut ne pas réviser ses croyances, mais il ne réalise pas de transactions par peur de réaliser de fortes pertes. Des prévisions très dispersées entre elles ont donc tendance à freiner les transactions entre les opérateurs. Tableau 2.1 – L’impact de l’écart-type des prévisions sur le volume d’échange Variables Série 1 Série 2 Toutes données confondues Constante 0,111*** 0,510** 0,136*** −0,026 *** Ecart-type des prévisions 0,037 *** 0,030 0,114*** −0,010*** Ecart-type des prévisions au carré R2 ajusté 0,014 13,3% −1,7% 13,7% 20,1% Note: Les régressions sont réalisées avec 72 observations pour la série 1, 16 pour la série 2 et 88 pour les 2 séries. Le volume est mesuré par le nombre d’actions échangées sur la quantité d’actions totale du marché. Les exposants *, ** et *** indiquent la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%. On peut donc faire l’hypothèse d’une forme concave entre le volume de transaction et la dispersion des anticipations. Cette relation est vérifiée grâce à une régression dans laquelle est introduit le deuxième moment de la dispersion des anticipations des investisseurs. La dernière colonne du tableau 2.1 fait apparaître une relation significativement croissante entre le volume d’échange et l’hétérogénéité des anticipations mais une relation significativement négative entre le volume d’échange et la dispersion au carré. Le degré d’ajustement est élevé, ce qui permet de valider l’hypothèse d’une relation concave entre le volume de transaction et la dispersion des prévisions. L’hypothèse 2.2 n’est pas rejetée. Autrement dit, les opérateurs multiplient les échanges lorsque leurs anticipations sont dispersées, mais au-delà d’un seuil de dispersion donné, ils cessent d’échanger. L’impact de la variation et des erreurs de prix sur le volume de transaction L’objet est de mettre en évidence le rôle déterminant, dans l’évolution des échanges, de la dispersion des anticipations des investisseurs par rapport à d’autres facteurs comme la variation de prix et l’erreur d’anticipation (écart entre les anticipations et le résultat). Nous 68 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE régressons tout d’abord le volume de transaction sur chacune des variables indiquées afin de vérifier leurs effets respectifs. Les résultats sont présentés dans le tableau 2.2. La littérature financière a mis en évidence une relation croissante entre la variation absolue du prix moyen et les échanges du marché (voir Karpoff, 1987; Kim et Verrecchia, 1991b). Les résultats du tableau 2.2 confirment également cette relation. L’hypothèse 2.3 est ainsi validée. Tableau 2.2 – Les déterminants du volume de transaction Modèle Modèle 1 Constante 0,195*** Variation absolue de prix 0,164 Modèle 3 0,112*** Dispersion des anticipations 0,166** *** Modèle 2 Erreur absolue de prix précédent 4,1% 0,231 0,042 R2 ajusté 0,096 *** 9,4% 0,028** 15,2% Note : Dans ces régressions, le volume est égal au nombre d’actions échangées divisé par la quantité d’actions totale du marché. La variable « variation de prix » est la variation en pourcentage du prix moyen d’une période à l’autre. Le facteur « erreur de prix » est la déviation en pourcentage du prix moyen de l’anticipation objective sur la valeur fondamentale calculée à la fin de chaque période d’estimation. Dans le cas de la série d’information 2, la valeur anticipée objective de la valeur fondamentale peut être égale à zéro. C’est pourquoi, toutes les erreurs de prix équivalant à ces valeurs nulles sont enlevées de la régression. La dispersion des anticipations est leur écart-type. Au total, 77 observations sont prises dans le modèle 1 ; 73 dans les modèles 2 et 3. Les exposants *, ** et *** indiquent la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%. Un test VIF sur les variables explicatives a permis de s’assurer qu’il n’y avait pas de multicolinéarité entre elles. Quant à l’amplitude de l’erreur moyenne de prix antérieure en valeur absolue, elle engendre aussi des transactions, ce qui aboutit à la validation de l’hypothèse 2.4. Ce résultat est logique dans la mesure où l’erreur de prix n’est autre que la déviation du prix par rapport à la valeur fondamentale - la norme des gains d’échange. Des déviations importantes incitent les investisseurs à réagir activement dans le but de tirer de meilleurs profits. Nous considérons maintenant la variation moyenne, l’erreur moyenne et l’hétérogénéité des anticipations dans un même modèle d’explication du volume. Le modèle 3 du tableau 2.2 consiste alors en une régression linéaire à trois variables, ayant pour objet d’examiner l’ordre d’importance des déterminants du volume. Alors que le coefficient de l’hétérogénéité des anticipations de résultat demeure significativement positif, ceux de la variation et de l’erreur de prix précédente ne le sont plus. La dispersion des anticipations des investisseurs est donc une condition plus importante que les autres facteurs pour que les agents puissent échanger. La raison en est que la variation et l’erreur de prix affectent uniquement la tendance globale du marché et donc le nombre d’ordres placés par les investisseurs. Elles n’influencent pas le nombre d’ordres opposés, qui est la condition nécessaire à la réalisation d’une transaction. Dans cette expérience, le nombre d’ordres placés s’accroît lorsque le prix augmente. Cependant, cet accroissement est plutôt homogène : les ordres sont quasiment des ordres d’achat (quand le prix monte) ou des ordres de vente (quand le prix diminue). Dans ces conditions, la dispersion des anticipations est le principal facteur à l’origine des échanges. Cet effet est d’autant plus vrai qu’au sein des marchés expérimentaux, aucun investisseur n’entre et ne sort. Par conséquent, sur ces marchés, il n’y a pas de besoin de liquidité et les transactions n’ont lieu qu’entre les opérateurs présents. Tel n’est pourtant pas le cas des marchés réels qui sont plus dynamiques grâce à l’entrée et à la sortie continues des investisseurs. Dans ce contexte, une hausse de la moyenne des anticipations du marché peut constituer un bon signal faisant entrer de nouveaux investisseurs. Ainsi émergent des besoins d’échange supplémentaires entre des opérateurs nouveaux et présents. En revanche, une 69 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE baisse de cette moyenne peut inciter certains investisseurs présents à sortir du marché en vendant leurs actions. Si ces situations surviennent, le volume d’échange sur les marchés réels peut croître sans qu’il n’y ait d’hétérogénéité des anticipations entre les investisseurs courants du marché. Si la dispersion des anticipations des investisseurs est le principal élément déterminant du volume de transaction, alors la théorie des marchés efficients peut présenter certaines limites. En accord avec cette théorie, des échanges ont lieu même si aucun changement de prix n’est enregistré. De tels échanges témoignent ainsi d’ajustements inutiles, surtout sur un marché comportant des coûts de transaction. En résumé, nous constatons que malgré une structure d’information commune entre les participants, le volume d’échange n’est pas nul. Le théorème d’absence de transactions (no trade theorem) est ainsi contredit. La non-nullité d’échanges est due à l’amplitude de la variation et de l’erreur de prix moyenne et plus particulièrement à l’hétérogénéité des anticipations des investisseurs portant sur le résultat annuel. Cette dernière relation « volume-hétérogénéité des anticipations » n’est pas monotone, mais présente une forme concave. 5. Conclusion Cette partie vise essentiellement à analyser le rôle de la dispersion des anticipations des investisseurs sur le résultat annuel dans l’explication des mouvements d’échange sur le marché. On constate dans un premier temps que les prévisions de résultat annuel ne découlent pas d’un modèle à anticipations rationnelles, mais sont biaisées. Elles sont en plus hétérogènes en dépit de la structure d’information commune. Cette hétérogénéité ne s’atténue pas au fil des rondes d’échange malgré les publications successives des composantes du résultat. Elle affecte le volume de transaction par une relation qui n’est pas strictement croissante comme constatent un bon nombre d’études précédentes, mais plutôt concave. Plus précisément, la dispersion des anticipations favorise les échanges lorsqu’elle n’est pas trop grande et dissuade les investisseurs d’échanger dans le cas contraire. L’amplitude de la variation et de l’erreur moyenne de prix explique également les fluctuations des échanges mais moins fortement que l’hétérogénéité des anticipations. Les prévisions hétérogènes des investisseurs constituent la condition principale pour que des ordres de sens opposé soient placés et puissent générer des transactions. De toute évidence, les résultats obtenus justifient l’importance du volume d’échange dans les études de réaction, et surtout dans la mesure où l’approche des rentabilités boursières semble insuffisante pour expliquer toutes les « anomalies » résultant de l’information diffusée. En effet, cet indicateur dispose d’un contenu informatif et met en évidence le caractère hétérogène de la réaction du marché, ce qui complète l’aspect homogène représenté par l’évolution des prix. 70 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE II.2. Le comportement des investisseurs et les prévisions des analystes financiers 1. Introduction De nombreux articles ont examiné le contenu des prévisions des analystes et ont confirmé leur utilité pour les investisseurs (Stickel, 1991). De fait, Park et Pincus (2000) prouvent qu’elles affectent directement les anticipations des investisseurs et leur comportement à l’annonce des résultats comptables. L’effet de surprise engendré par l’annonce de résultat provoque une réaction des investisseurs d’autant plus importante qu’elle est consécutive à une révision moyenne des prévisions de même sens. La moyenne de ces prévisions sert autrement dit, via le consensus, de référence aux investisseurs pour estimer la fraction non anticipée du résultat annuel. Les études empiriques prouvent en effet que l’intensité de la réaction du marché à la publication des bénéfices est liée au degré de surprise correspondant (Gajewski et Quéré, 2001). Cette fraction non anticipée estimée à partir des consensus explique bien mieux les mouvements de prix à l’annonce que celles calculées par référence à des modèles économétriques tels que celui basé sur une marche au hasard des prévisions de résultat (Bamber, 1987). De multiples recherches prouvent cependant que les prévisions des analystes sont affectées de biais systématiques. Abarbanell et Bernard (1992), en utilisant des modèles fondés sur les séries temporelles de résultat, prouvent que les analystes finissent par commettre des erreurs de même nature que celle des investisseurs bien que leur magnitude soit inférieure. Quelle que soit cette magnitude, ces biais ont tendance à persister dans le temps et sont d’origine comportementale. Sont notamment recensés dans la littérature le biais d’optimisme (O’Brien, 1988; Dreman et Berry, 1995), de pessimisme (Brown, 1996), de sur-réaction (Debondt et Thaler, 1990) et de sous-réaction (Abarbanell, 1991 ; Abarbanell et Bernard, 1992). Ces effets peuvent avoir des influences mutuelles et Easterwood et Nutt (1999) montrent notamment que le biais d’optimisme est susceptible de conduire les analystes à sous réagir à une mauvaise nouvelle et inversement à sur-réagir à une bonne nouvelle. Les biais de prévision des analystes peuvent naturellement, en vertu de leur rôle d’intermédiaire, influencer de manière considérable le comportement des investisseurs sur les marchés financiers. DeBondt et Thaler (1990) prouvent que ceux-ci peuvent expliquer jusqu’à 50% de la sur-réaction du marché. D’après Abarbanell et Bernard (1992), les tendances boursières à long terme seraient même engendrées par la correction de sous-réactions à court terme du marché au titre d’un ensemble d’informations antérieures dont font précisément partie les prévisions de ces analystes. Ces biais systématiques n’empêchent pas les investisseurs de continuer à accorder du crédit aux prévisions des analystes. L’enjeu de cette partie est ainsi d’analyser les effets des prévisions d’analystes sur le comportement des investisseurs et sur les prix de transaction qui en découlent à l’équilibre. Il s’agit, dans un premier temps, d’examiner dans quelle mesure les investisseurs se fondent sur ces prévisions afin de formuler leurs propres anticipations sur le résultat annuel et s’ils utilisent ces prévisions pour échanger. Dans un second temps, la question essentielle est de savoir si l’existence des prévisions de résultat permet d’améliorer l’efficience des marchés ou, au contraire, l’affecte négativement. On pourrait en effet penser que la publication de ces prévisions participe de l’efficience des marchés puisqu’elle contribue à accroître le substrat d’informations qui l’alimente. Notre étude remet en cause le caractère systématique d’un tel 71 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE présupposé pour précisément s’interroger sur l’influence positive ou négative de leurs caractéristiques sur les erreurs moyennes des prix et leur degré d’ajustement vers la valeur fondamentale. L’efficience informationnelle peut être également appréciée à partir du niveau de volatilité des taux de rentabilités qui, dans le contexte d’un marché efficient, devraient d’un point de vue théorique évoluer dans des marges raisonnables. L’impact des prévisions sur l’efficience des marchés est ainsi examiné par la méthode expérimentale sous trois angles distincts : les erreurs qui les affectent, leur processus de révision et enfin, leur dispersion. Contrairement à ce qui prévaut dans les marchés réels ou de multiples éléments interagissent, dans la méthode expérimentale, ces prévisions peuvent, bien entendu, être isolées d’autres sources d’information et d’autres facteurs de risque. Elles sont diffusées gratuitement et simultanément à tous les participants au début de chaque période d’échange. Il n’existe donc pas d’asymétrie d’information entre les investisseurs et la seule source d’incertitude provient de ce fait de la dispersion et des erreurs de prévision commises par les analystes. L’approche expérimentale permet en effet de mesurer l’incidence individuelle d’une variable tout en maintenant l’autre à un niveau déterminé. Dans cette logique, l’impact de la dispersion des prévisions d’analystes peut être estimé lorsque que les erreurs de prévision correspondantes sont « contrôlées » et réciproquement. Par construction, puisqu’il s’agit des seules variables prises en compte, les résultats de l’étude montrent que même si les prévisions des analystes sont biaisées, elles ont une incidence sur les équilibres de prix des marchés expérimentaux. Ce phénomène n’est pas propre aux expériences puisque la réalité montre que les investisseurs s’appuient de manière constante sur de telles prévisions, même si elles sont biaisées. Les investisseurs ne suivent donc ni naïvement, ni rationnellement les analystes et parviennent même à compenser partiellement leurs erreurs dans la plupart des cas. De fait, les opérateurs ont un avantage temporel dans la mesure où ils formulent leurs anticipations et prennent des décisions après la diffusion des prévisions des analystes. De manière implicite, la vitesse d’ajustement des prix à la valeur fondamentale est corrélée positivement à la vitesse d’ajustement des prévisions des analystes au résultat net. Cet ajustement n’est cependant pas linéaire et dépend de l’hétérogénéité des prévisions, car les expériences montrent l’existence d’une relation croissante entre la volatilité des taux de rentabilités et la dispersion des prévisions. L’article est organisé de la manière suivante. La deuxième partie permet de faire la synthèse des hypothèses et de décrire les protocoles expérimentaux alors que la troisième partie permet de présenter et d’analyser les résultats obtenus. 2. Les fondements théoriques et les hypothèses de recherche Sur le plan opérationnel, les analystes financiers, en vertu de leur rôle d’intermédiaires, influencent considérablement le comportement des investisseurs. Sur le plan empirique, les prévisions d’analystes sont souvent considérées comme un « proxy » des anticipations des investisseurs (Givoly et Lakonishok, 1984 ; Previts et al., 1994 ; Atiase et Bamber, 1994 ; Abarbanell et al., 1995). Même si ce « proxy » n’est pas entièrement pertinent, il existe une relation entre les anticipations des investisseurs et celles des analystes financiers. Une telle relation devrait apparaître dans l’étude expérimentale présente où, par construction, les prévisions des analystes constituent la source d’information la plus importante pour anticiper le résultat. L’intensité avec laquelle les opérateurs suivent les prévisions des analystes peut être étudiée grâce à deux modèles. Le modèle à anticipations naïves prédit que les investisseurs suivent 72 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE aveuglément les prévisions des analystes (voir par exemple Lakonishok et al., 1994 ; Dechow et Sloan, 1997). A l’inverse, le modèle à anticipations rationnelles stipule qu’ils y ajustent leurs anticipations (Kwag et Shrieves, 2003). Autrement dit, les investisseurs commettent les mêmes erreurs que les analystes dans le premier cas mais parviennent à les corriger dans le deuxième. La première hypothèse à tester stipule que les investisseurs suivent les prévisions des analystes. Hypothèse 3.1 : Les prévisions d’analystes constituent un indicateur pertinent des anticipations des investisseurs. La première hypothèse peut être testée à partir de trois aspects des prévisions d’analystes, la dispersion, les révisions et les erreurs des prévisions. Si elle est confirmée, à savoir que les investisseurs tiennent compte des prévisions d’analystes pour formuler leurs anticipations, la question fondamentale est de déterminer avec quelle intensité ils échangent. La recherche théorique suggère que le volume d’échange a tendance à augmenter avec la précision de l’information (Holthausen et Verrecchia, 1990 ; Kim et Verrecchia, 1991a). Si la dispersion des prévisions des analystes financiers est un signal permettant d’estimer le résultat avec un degré de précision plus ou moins fort, le volume d’échange devrait logiquement varier négativement avec cette dispersion. Inversement, les révisions de prévisions d’analystes devraient affecter positivement le volume d’opérations (Ziebart, 1990 ; Harris et Raviv, 1993 ; Atiase et Bamber, 1994). De même, l’amplitude de l’erreur moyenne de prévision (la surprise de résultat) est également un facteur susceptible de générer des transactions (Bamber, 1986, 1987). Hypothèse 3.2: Le volume d’échange diminue en fonction de la dispersion des prévisions des analystes financiers et s’accroît avec l’amplitude de la révision et de l’erreur moyennes de prévision. En considérant les prévisions des analystes comme la seule source d’information publique pour estimer le résultat, les opérateurs ont d’autant plus tendance à échanger que le degré de précision de cette information est élevé. Néanmoins, les individus ont de cette information des interprétations différentes, car ils utilisent des modèles d’estimation ou ont des représentations qui différent d’un individu à l’autre. Or, comme le prétendent certains articles théoriques (Indjejikian, 1991 ; Harris et Raviv, 1993 ; Kim et Verrecchia, 1994 ; Kandel et Pearson, 1995), le volume de transaction s’accroît avec l’hétérogénéité des interprétations de l’information publique. Si on se réfère à l’étude expérimentale précédente, le volume s’avère être une fonction concave de cette dispersion d’interprétations. Il y a là une contradiction dans la mesure où les prévisions d’analystes peuvent constituer un frein aux échanges par leur caractère d’imprécision ou leur dispersion plus élevée, mais peuvent aussi susciter des échanges par le fait même de l’hétérogénéité de l’interprétation de ces prévisions. Afin de réconcilier ces deux intuitions contradictoires, on fait l’hypothèse que la dispersion des anticipations des investisseurs a deux composantes. Si l’une est fermement associée à la dispersion des prévisions des analystes, l’autre est propre aux investisseurs. La séparation de ces composantes peut être effectuée par une régression linéaire de la dispersion des anticipations des investisseurs sur celle des prévisions des analystes. HANTt = α + β × HPREVt + ε t (3.1) où HANTt représente la dispersion des anticipations des investisseurs et HPREVt l’hétérogénéité des prévisions des analystes. 73 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE La première composante de la dispersion des anticipations des investisseurs, qui est égale à la partie prédictive du modèle (3.1). Elle désigne une tendance moyenne agrégée des anticipations des investisseurs résultant des éléments d’information communs dont ils disposent. Strictement liée à la dispersion des prévisions des analystes, cette partie (appelée dorénavant « dispersion commune ») devrait négativement affecter les échanges. La deuxième composante, (dénommée dorénavant « dispersion idiosyncrasique ») est le résidu de la régression (3.1). Elle correspond aux anticipations idiosyncrasiques des agents qui proviennent naturellement de leurs différences en termes de psychologie et de préférences au risque. La composante idiosyncrasique devrait affecter le volume d’échange d’une manière concave. En d’autres termes, elle devrait engendrer des transactions lorsqu’elle n’est pas très importante et les inhiber dans le cas contraire. Ces arguments nous conduisent à formuler la troisième hypothèse de la manière suivante. Hypothèse 3.3 : Le volume d’échange est lié à la partie commune de la dispersion des anticipations des investisseurs par une fonction décroissante et à la partie idiosyncrasique par une fonction concave. Les prévisions étant par nature à l’origine des anticipations et des opérations des investisseurs, il est logique de se demander si elles permettent d’améliorer l’efficience des marchés. Comme l’évoque l’introduction, le degré d’efficience est apprécié à travers les erreurs moyennes des prix, leur degré d’ajustement vers la valeur fondamentale ainsi que la volatilité des rentabilités des titres. A l’équilibre, les prix tiennent compte des corrections apportées par certains opérateurs et se rapprochent de la valeur fondamentale. Cet ajustement dépend de la précision des prévisions des analystes qui peut être mesurée par l’erreur de prévision, le biais de prévision ou encore le degré de concordance des prévisions entre elles. Ceci permet ainsi de poser la quatrième hypothèse. Hypothèse 3.4 : A l’équilibre, les prix reflètent d’autant mieux la valeur fondamentale que les prévisions des analystes sont précises (sans biais et concordantes). Si les erreurs de prévisions ne sont que partiellement compensées par les investisseurs, les prix d’équilibre se rapprochent de la valeur fondamentale sans toutefois l’égaler. Il est par conséquent logique de s’intéresser à la vitesse de convergence des prix d’équilibre vers la valeur fondamentale. Cette vitesse de convergence peut dépendre de plusieurs facteurs, et en particulier de la vitesse de convergence des prévisions vers le résultat net et de la concordance des prévisions. Ceci conduit à poser l’hypothèse suivante : Hypothèse 3.5 : L’ajustement des prix à la valeur fondamentale dépend du degré de concordance des prévisions et de leur convergence vers le résultat net. Dans un marché efficient, la volatilité des rentabilités boursières ne devrait pas être excessive malgré les mouvements de facteurs tant endogènes qu’exogènes. Dans le cadre des marchés expérimentaux, le seul facteur exogène susceptible d’affecter la volatilité est constitué des prévisions des analystes. Dans ce contexte, la volatilité est par hypothèse positivement liée à la dispersion des prévisions des analystes. Hypothèse 3.6 : La volatilité des taux de rentabilité est positivement corrélée à la dispersion des prévisions des analystes. 74 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE 3. Les protocoles expérimentaux 3.1. La description de l’expérience Dans l’expérience, les 81 participants sont regroupés en 10 marchés de 7 à 9 opérateurs. Chacun des participants commence l’expérience avec une dotation de 20 actions d’un même titre et de 2000 UME (Unité de Monnaie Expérimentale). Leur rétribution provient des gains expérimentaux convertis en dollars canadiens auxquels s’ajoutent 10 dollars de prime de participation. Les gains expérimentaux d’un participant proviennent de la précision de ses anticipations et de la performance de ses échanges. La rémunération s’élève à 25 dollars canadiens en moyenne pour 1h30 de participation. Le mécanisme de fonctionnement des marchés est celui des doubles enchères. Neuf d’entres eux contiennent 12 périodes d’échange et un marché 6 périodes seulement. Chaque période peut être considérée comme une année. A leur arrivée, les participants reçoivent les instructions écrites précisant les protocoles du jeu qui sont ensuite expliqués oralement. Les sujets ont la possibilité de poser des questions pour comprendre clairement les règles du jeu. Ils doivent ensuite répondre à toutes les questions qui apparaissent graduellement sur l’écran de leur ordinateur avant de commencer l’expérience. Le mécanisme de formulation des prévisions des analystes Sur chaque marché, il y a six analystes financiers informatisés qui donnent, au début de chaque ronde d’échange, des prévisions sur le résultat net. Ces dernières sont déterminées parmi les nombres naturels allant de 60 à 140 de manière à ce que leur moyenne soit toujours un nombre naturel. Le résultat annuel est la différence entre la moyenne des prévisions des analystes (partie anticipée du résultat) et un terme d’erreur (partie non-anticipée du résultat). Le terme d’erreur contient un aléa et une tendance. Le terme aléatoire est tiré au sort, à la fin de chaque période, parmi les nombres -3, -2, -1, 0, 1, 2 et 3. Sa moyenne est égale à 0 et son écart-type à 2,16. Ce terme a pour objet de générer un lien incertain entre la moyenne des prévisions des analystes et le résultat annuel. Contrairement au terme aléatoire qui est défini de la même manière pour tous les résultats annuels, le terme de tendance est déterminé de manière différenciée afin de pouvoir engendrer des prévisions optimistes, pessimistes ou sans biais. Le terme aléatoire introduit un bruit dans la prévision moyenne des analystes alors que le terme de tendance introduit un biais. Il s’agit d’analyser la dispersion des prévisions des analystes tout en contrôlant les erreurs de prévision. Nous construisons donc 3 groupes de marchés avec des erreurs de prévision de mêmes caractéristiques à l’intérieur de chaque groupe. Ces erreurs représentent respectivement les prévisions optimistes, pessimistes et sans biais. Pour les prévisions optimistes, le terme de tendance est défini de manière à ce que le terme d’erreur soit toujours positif quelle que soit la valeur finale du terme aléatoire. Il varie en effet de 6 à 9, ce qui entraîne que le terme d’erreur n’est jamais en dehors de l’intervalle [3 ;12]. De même, le terme de tendance des prévisions pessimistes est construit de manière à toujours générer un terme d’erreur négatif. Il se situe effectivement entre -6 et -9. Cela a pour conséquence que le terme d’erreur varie entre -3 et -12. 75 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Le déroulement de l’expérience Toutes les périodes se déroulent de la même manière. Au début de la période, les prévisions individuelles des six analystes sont diffusées à l’ensemble des participants. Ces derniers disposent alors de 30 secondes pour observer les prévisions. Ils doivent ensuite communiquer leur propre anticipation du résultat net correspondant à la période. La phase suivante est réservée aux échanges entre les participants. Les périodes sont indépendantes de manière à ce que les ordres non exécutés d’une période n’entrent pas dans le carnet d’ordres de la période suivante. De plus, les dotations initiales sont renouvelées au début de chaque ronde. L’expérience se déroule ainsi. Tout d’abord, les titres et l’argent initialement mis à la disposition des opérateurs sont virtuellement inscrits dans un compte informatique. A chaque période, les participants placent des ordres d’achat et/ou de vente à cours limité. Les ordres (caractérisés par la quantité, le prix et l’heure d’entrée) apparaissent en continu sur tous les écrans d’ordinateur, en précisant les meilleurs prix à l’achat et à la vente et le prix de transaction, le cas échéant. Les ordres sont centralisés dans un ordinateur qui permet de calculer immédiatement le prix d’exécution. Il y a transaction entre deux investisseurs dès qu’ils soumettent des ordres compatibles de sens opposé ou des ordres compatibles avec un ou plusieurs ordres déjà disponibles en carnet. Lorsque deux ordres sont assortis de la même limite, la priorité est déterminée en fonction de l’heure de placement des ordres. Sinon, une exécution proportionnelle va s’appliquer à tous les ordres identiques en terme de prix, de quantité et d’heure. Les ventes à découvert ne sont pas autorisées. Les ordres qui ne sont pas encore exécutés peuvent être, au cours d’une période, modifiés, éliminés ou gardés jusqu’à ce qu’il y ait des ordres de sens opposé susceptibles d’entraîner une exécution. A la fin de la période, un tirage au sort par ordinateur permet de déterminer le terme d’erreur et le terme de tendance et de calculer ensuite le résultat annuel de l’année équivalente. Ce résultat est par définition la différence entre la moyenne des prévisions des analystes diffusées au début de la période et le terme d’erreur déterminé (somme du terme aléatoire et du terme de tendance). La valeur fondamentale du titre est par hypothèse égale au résultat annuel 19. Il est donc possible de déterminer pour chaque opérateur ses erreurs d’anticipation du résultat ainsi que ses gains provenant de ses transactions effectuées au cours de la période. L’ensemble de ces chiffres est divulgué à chaque participant de manière individuelle immédiatement après l’annonce du résultat annuel. Au cours de l’expérience, les sujets ont le droit de noter toutes les prévisions des analystes diffusées au début de la période ainsi que le résultat annoncé à la fin de la période, à l’exclusion de toute autre information. 3.2. La détermination des paramètres de test Avant de procéder aux tests et à l’interprétation des résultats obtenus, il s’agit de préciser la manière dont les variables sont mesurées. Tout d’abord, l’erreur de prévision est calculée par la différence entre la prévision et le résultat annuel rapportée au résultat annuel. L’erreur de prix est la déviation en pourcentage du prix par rapport à la valeur fondamentale. La variation de prévision (resp. prix) est mesurée par la différence entre les prévisions (resp. 19 Cette hypothèse, non dévoilée aux opérateurs, est faite dans un objectif de simplification des calculs. Il serait possible de faire une hypothèse plus complexe, mais ceci n’aurait aucun effet sur les résultats. 76 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE les prix) de deux périodes consécutives, normée par la prévision moyenne précédente (resp. le prix moyen précédent) 20. La mesure de la dispersion des prévisions d’analystes et de l’hétérogénéité des anticipations des investisseurs La dispersion des prévisions est mesurée par l’écart-type des prévisions normé par la moyenne des prévisions. 21 ⎛ 1 n 2⎞ HPREVt = ⎜ ∑ ( PREV − PREV ) ⎟ / PREV i ,t t t ⎜ n i =1 ⎟ ⎝ ⎠ où PREVi,t est la prévision de l’analyste i à la période t. (3.2) L’hétérogénéité des anticipations des investisseurs est calculée par leur écart type rapporté à la moyenne des anticipations. ⎛ 1 n 2⎞ HANTt = ⎜ ∑ ( ANT − ANT ) ⎟ / ANT i ,t t t ⎜ n i =1 ⎟ ⎝ ⎠ (3.3) où ANTi,t est l’anticipation de l’opérateur i à la période t. La mesure de la révision des prévisions des analystes Il s’agit de la variation relative de la prévision moyenne d’une période à l’autre. ( PREV − PREV t t −1 ) / PREV t −1 (3.4) La mesure de l’erreur de prévision et de l’erreur d’anticipation L’erreur de prévision des analystes est égale à la différence entre la prévision moyenne et le résultat annuel. Cependant, dans les régressions qui suivent, l’erreur de prévision est mesurée en pourcentage afin d’obtenir une mesure homogène avec les autres mesures en termes d’unité. Elle est en effet égale à la différence divisée par la prévision moyenne. ( PREVi ,t − RES t ) / PREVi ,t (3.5) Dans le cas des anticipations des investisseurs, l’erreur moyenne est mesurée par l’écart entre l’anticipation et le résultat. ( ANTt − RES t ) / ANTt (3.6) 20 Chacune des variables a d’autres estimateurs en faisant varier la norme parmi les trois normes suivantes : la prévision moyenne, le prix moyen et le résultat annuel (ou la valeur fondamentale). Cependant, dans les tableaux de résultats qui suivent, seule la première mesure est considérée, et les résultats ne changent pas lorsque l’on change de norme. 21 Nous avons également utilisé l’écart entre la prévision la plus élevée et la plus faible, divisé respectivement par la moyenne de ces deux prévisions comme mesure de la dispersion des prévisions. 77 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE La mesure de l’erreur de prix L’erreur de prix est mesurée par la différence entre le prix et le résultat annuel. ( PRIX t − RES t ) / PRIX t (3.7) La mesure du volume de transaction Quant au volume de transaction, deux mesures sont proposées. L’une est la proportion d’actions échangées par rapport au nombre d’actions total du marché. L’autre est égale à la valeur totale de toutes les transactions déflatée par la capitalisation totale du marché. L’utilisation de cette 2ème mesure ne change pas fondamentalement les résultats. ⎛ n ⎞ ⎜ ∑ Vi ,t ⎟ / N ⎝ i =1 ⎠ (3.8) Où Vi,t est le nombre d’actions échangées de la transaction i à la période t et N est le nombre d’actions total du marché. 4. Les résultats et leurs interprétations La formulation de jugements et la prise de décisions sont deux étapes distinctes du comportement de l’investisseur face à l’information divulguée. A ce titre, nous analysons au premier abord les anticipations des opérateurs, observons ensuite leurs décisions d’échange pour étudier finalement les prix qui en découlent à l’équilibre. Les décisions dépendent, par hypothèse, de l’amplitude des prévision des analystes et en particulier de leur dispersion et de leurs erreurs. 4.1. L’influence des prévisions des analystes sur les anticipations des investisseurs L’objectif est de déterminer si les investisseurs suivent strictement les prévisions des analystes lorsqu’ils forment leurs propres anticipations du résultat annuel. Nous examinons également si la dispersion et les erreurs d’anticipation des investisseurs dépendent des prévisions des analystes. Par souci de simplification, nous utilisons ci-après l’expression « anticipations » pour désigner les anticipations des investisseurs et l’expression « prévisions » pour désigner les prévisions des analystes. La première régression porte ainsi sur les révisions d’anticipations. 78 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 3.1 – L’impact des prévisions d’analystes sur les révisions d’anticipations des investisseurs Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Variable Toutes données confondues Constante -0.001** Révision de prévisions 0.948*** Dispersion des prévisions 0.148*** 0.014 0.013 0.020 0.917*** 0.948*** 0.889*** 0.047 -0.030 0.094 0.076 -0.215* -0.044 -0.416* -1.2% 92.6% 93.8% 93% -0.281* Erreur de prévision antérieure R2 ajusté 0.009 92.2% 3.1% Cas optimiste Cas pessimiste Note: La variable dépendante représente la révision des anticipations des investisseurs. Elle est mesurée par la différence relative entre deux moyennes observées sur deux périodes consécutives. La dispersion des prévisions est mesurée par l’écart-type des prévisions d’analystes rapporté à la moyenne des prévisions. La révision de prévisions est mesurée par la différence relative entre deux moyennes observées sur deux périodes consécutives. L’erreur de prévision est mesurée par la différence entre le résultat et la prévision moyenne rapportée à la prévision moyenne. Sauf pour les modèles 1 et 3, la révision et l’erreur de prévision sont calculées en valeur absolue. Le modèle 4 est estimé à partir de l’ensemble des données (82 observations), des données de prévisions optimistes et puis pessimistes (33 observations dans chaque cas). Les exposants *, ** et ***indiquent la significativité des coefficients respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%. Les résultats du tableau 3.1 prouvent que les investisseurs révisent leurs anticipations en se fondant essentiellement sur les révisions de prévisions des analystes. Le R2 ajusté est très élevé lorsque l’on fait entrer dans la régression la révision moyenne des prévisions comme variable explicative. Ce résultat n’est pas surprenant dans la mesure où les prévisions constituent la seule source d’information sur ces marchés expérimentaux. Néanmoins, la révision moyenne des prévisions a un coefficient significativement plus petit que 1 dans les régressions du tableau 3.1 (au seuil de confiance de 95%), ce qui signifie que les investisseurs tiennent compte de l’information contenue dans les prévisions des analystes mais de manière partielle. Les autres variables, c'est-à-dire la dispersion et l’erreur moyenne de prévision antérieure, ne semblent pas améliorer la qualité d’ajustement de la régression, mais leurs coefficients respectifs restent significatifs à un seuil de 10% en fonction des modèles 1 à 4 du tableau 3.1. Lorsque les prévisions des analystes s’éloignent du résultat final ou deviennent plus dispersées, les opérateurs sont moins susceptibles de réviser leurs anticipations. Ils accordent un degré de confiance moins élevé aux prévisions et ont alors tendance à suivre la moyenne des prévisions. Ce sentiment de protection ne les incite pas à réviser leurs propres anticipations. Si les investisseurs révisent leurs anticipations à l’annonce de prévisions, la question est de savoir s’ils cherchent à en corriger les erreurs. 79 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 3.2 – L’impact des prévisions d’analystes sur les erreurs d’anticipation des investisseurs Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Variable Toutes données confondues Constante Dispersion des prévisions 0.034*** -0.014 0.559*** Erreur de prévision R2 ajusté 0.005*** -0.9% 36.4% Cas optimiste Cas pessimiste 0.002 -0.011 -0.007 0.027 -0.007 -0.001 0.571*** 37.4% 0.778*** 39.2% 0.794*** 43.8% Note: La variable dépendante représente l’erreur d’anticipation des investisseurs. Elle est mesurée par la différence entre le résultat et l’anticipation moyenne des investisseurs rapportée à l’anticipation moyenne. La dispersion des prévisions est mesurée par l’écart-type des prévisions d’analystes rapporté à la moyenne des prévisions. L’erreur de prévision est mesurée par la différence entre le résultat et la prévision moyenne rapportée à la prévision moyenne. Sauf pour le modèle 2, l’erreur de prévision est calculée en valeur absolue. Le modèle 3 a été estimé à partir de l’ensemble des données (90 observations), des données de prévisions optimistes et puis pessimistes (36 observations dans chaque cas). Les exposants *, ** et ***indiquent la significativité des coefficients respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%. Le tableau 3.2 indique que les anticipations des investisseurs sont erronées quel que soit le type de prévision. Ces erreurs ne sont pas liées à la dispersion des prévisions des analystes. A l’inverse, elles sont liées positivement aux biais de prévisions. Plus précisément, les anticipations se montrent optimistes (ou pessimistes) lorsque les prévisions le sont également. De surcroît, le coefficient correspondant dans la régression est significativement inférieur à 1. Cela signifie que les investisseurs sous-réagissent aux biais de prévision que commettent les analystes ou parviennent à corriger une partie de ces biais. Le même type de régression est maintenant effectué pour la dispersion des anticipations des investisseurs et les résultats concernés sont présentés dans le tableau 3.3. 80 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 3.3 – L’impact des prévisions d’analystes sur l’hétérogénéité des anticipations des investisseurs Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Variable Toutes données confondues Constante 0.017*** Dispersion des prévisions 0.188*** Erreur de prévision R2 ajusté 33.7% 0.038*** Cas optimiste Cas pessimiste 0.021*** 0.048*** 0.018** 0.184*** 0.316*** 0.126*** -0.023* -0.061 -0.655*** 0.047 2.5% 33.4% 59.3% 28.8% Note: La variable dépendante représente l’hétérogénéité des anticipations des investisseurs. Elle est mesurée par l’écart-type des anticipations rapporté à la moyenne des anticipations. La dispersion des prévisions est mesurée par l’écart-type des prévisions d’analystes rapporté à la moyenne des prévisions. L’erreur de prévision est mesurée par la différence entre le résultat et la prévision moyenne rapportée à la prévision moyenne. Elle est calculée en valeur absolue. Le modèle 3 a été estimé à partir de l’ensemble des données (90 observations), des données de prévisions optimistes et puis pessimistes (36 observations dans chaque cas). Les exposants *, ** et ***indiquent la significativité des coefficients respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%. Comme les graphiques 2.2 et 2.3 le montrent, les anticipations des sujets sont hétérogènes. Une telle hétérogénéité peut émaner tout d’abord de la non-synchronisation des informations qu’ils reçoivent des analystes financiers. Elle peut aussi résulter de leurs différences en termes de paramètres psychologiques et de préférences au risque. Il en ressort également que la dispersion des anticipations est d’une amplitude inférieure à celle des prévisions puisque le coefficient associé à la dispersion des prévisions est significativement plus petit que 1. Ce résultat, allié au fait que seule une fraction des erreurs de prévision est transmise aux anticipations, prouve que les investisseurs ne suivent que partiellement les prévisions des analystes pour établir leurs propres anticipations sur le résultat annuel. L’hypothèse 3.1 semble rejetée . Dans la plupart des cas, l’hétérogénéité des anticipations est également influencée par les erreurs contenues dans les prévisions d’analystes. Les résultats sont asymétriques en fonction de la nature des prévisions. En effet, l’erreur moyenne de prévision optimiste en valeur absolue affecte négativement l’hétérogénéité des anticipations, mais ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit des prévisions pessimistes. Il y a au moins deux raisons à cela. Premièrement, les investisseurs semblent détecter les biais d’optimisme plus facilement que ceux de pessimisme puisque l’optimisme leur serait plus habituel. L’étude théorique de Hong et Stein (2001) postule en effet que la réaction des marchés reflète mieux l’optimisme que le pessimisme des agents. Le comportement des investisseurs sur les marché est par nature optimiste. Selon une deuxième raison, les investisseurs semblent disposer naturellement de sentiments d’autoprotection. Leurs anticipations convergent vers un niveau moyen lorsque les prévisions optimistes contiennent un biais plus important, ce qui atténue la dispersion de leurs anticipations. 81 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE 4.2. L’influence des prévisions des analystes sur le volume de transaction Le paragraphe précédent permet d’examiner comment les investisseurs forment leurs anticipations à partir des prévisions d’analystes. Il s’agit désormais d’étudier comment ils intègrent ces prévisions dans leurs prises de décisions sur les marchés. Les prévisions des analystes et le volume d’échange D’après le modèle 1 du tableau 3.4, toutes données confondues, le volume de transaction est négativement expliqué par la dispersion des prévisions des analystes. Plus les prévisions des analystes sont dispersées, plus il est difficile pour les investisseurs de les interpréter correctement. Les opérateurs, qui ont de l’aversion au risque, diminuent l’intensité de leurs échanges. Ils craignent en effet de réaliser de fortes pertes et se réfèrent au consensus de prévision. Les ordres ont alors tendance à converger, ce qui fait baisser le volume de transaction. Tableau 3.4 – L’impact des prévisions d’analystes sur le volume de transaction Variable Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Toutes données confondues Cas optimiste Constante 0.350*** 0.037*** Dispersion des prévisions -0.648*** -0.26 Cas pessimiste 0.394*** -0.870*** R2 ajusté 15% -0.3% 42.3% Constante 0.225*** 0.226*** 0.252*** Révision de prévisions 0.420*** 0.518*** 0.303** R2 ajusté 11.6% 13.9% 6.8% Constante 0.228*** 0.248*** 0.313*** Erreur de prévision antérieure 0.939* 0.695 -0.393 R2 ajusté 2.3% -1.5% -1.9% Constante 0.195*** 0.202*** 0.282*** Révision de prévisions 0.395*** 0.511*** 0.313** Erreur de prévision antérieure 0.655 0.425 Modèle 4 R2 ajusté 12.3% 12.1% -0.560 5.6% Note: La variable dépendante représente le volume de transaction. Il est mesuré par le nombre d’actions échangées normé par le nombre total d’actions disponibles sur le marché. La révision de prévisions est mesurée par la différence relative entre deux moyennes observées sur deux périodes consécutives. L’erreur de prévision est mesurée par la différence entre le résultat et la prévision moyenne rapportée à la prévision moyenne. Les variables explicatives sont en valeur absolue. Les régressions reposent sur 114 observations pour le modèle 1 (48 dans les cas optimistes et pessimistes). Les régressions reposent sur 104 observations pour les modèles 2 et 3 (44 dans les cas optimistes et pessimistes). Les exposants *, ** et *** indiquent respectivement la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%. La révision des prévisions a un impact significativement positif sur le volume de transaction. Lorsque les analystes révisent leurs prévisions, les opérateurs anticipent des changements de 82 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE résultat et sont donc incités à passer des ordres sur le marché dans un objectif de réallocation de portefeuilles. La multiplication des ordres entraîne alors une augmentation du nombre de transactions et des quantités échangées. Une révision du consensus génère donc un accroissement du volume de transaction. L’erreur moyenne de prévision antérieure a un impact positif mais peu significatif, confirmant ainsi que les opérateurs ont tendance à corriger les erreurs de prévisions passées. Les investisseurs réagissent d’autant plus fortement que l’amplitude de ces erreurs est importante. Les résultats obtenus semblent conforter l’hypothèse 3.2. Les anticipations des investisseurs et le volume d’échange Dans ce paragraphe, nous étudions si l’hétérogénéité des anticipations des investisseurs a le même effet sur les échanges que celle des prévisions d’analystes. Comme les anticipations des investisseurs dépendent des prévisions des analystes, nous avons procédé en deux étapes. D’abord, l’hétérogénéité des anticipations est décomposée en deux parties : l’une est strictement liée aux prévisions des analystes tandis que l’autre est spécifique aux investisseurs. La division est réalisée à l’aide d’une 1ère régression de l’hétérogénéité des anticipations sur celle des prévisions. Les deux composantes de la dispersion des anticipations correspondent respectivement à la partie prédictive (la dispersion commune des anticipations) et au résidu (la dispersion idiosyncrasique des anticipations) de la régression. Nous considérons dans ce dernier cas le résidu standardisé. Ensuite, le volume d’échange est régressé sur la partie commune et la partie idiosyncrasique des anticipations. 83 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 3.5 – L’impact de l’hétérogénéité des anticipations sur le volume de transaction Partie A – L’effet des prévisions d’analystes sur les anticipations des investisseurs Variable Toutes données confondues Cas optimiste Cas pessimiste Constante 0.018*** 0.014*** 0.021*** Dispersion des prévisions 0.174*** 0.253 0.127*** R2 ajusté 34.4% 44.2% 31.2% Partie B – L’effet des anticipations des investisseurs sur le volume de transaction Variable Modèle 1 Modèle 2 Toutes données confondues Cas optimiste Cas pessimiste Constante 0.277*** 0.305*** 0.289*** Dispersion commune des anticipations -0.058*** 0.008 -0.106*** Dispersion idiosyncrasique des anticipations 0.030*** -0.003 0.020 R2 ajusté 20.1% -5.8% 62.6% Constante 0.295*** 0.307*** Dispersion idiosyncrasique des anticipations 0.057*** -0.00007 0.054** Dispersion idiosyncrasique des anticipations au carré -0.019*** -0.02 -0.049*** 10.9% -6% 27.7% R2 ajusté 0.336*** Note: La variable dépendante est représentée par le volume de transaction. Elle est mesurée par le nombre d’actions échangées normé par le nombre total d’actions disponibles sur le marché. La régression 2SLS est réalisée sur un total de 90 observations lorsque toutes les données sont prises en compte (36 dans les cas des prévisions optimistes et pessimistes). La 1ère étape consiste à régresser l’hétérogénéité des anticipations sur la dispersion des prévisions et à en extraire la valeur prédite (dispersion commune des anticipations) et le résidu standardisé (dispersion idiosyncrasique des anticipations). La deuxième étape consiste à conserver ces variables dans l’étude des déterminants du volume de transaction. Les exposants * ** , et *** indiquent respectivement la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%. Comme attendu, la part commune de l’hétérogénéité des anticipations affecte négativement le volume d’échange. En effet, cette partie commune est fortement corrélée à la dispersion des prévisions des analystes. Des prévisions d’analystes très dispersées empêchent 84 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE les opérateurs d’avoir une vision précise des résultats futurs. A l’observation des prévisions, les investisseurs reçoivent alors un signal imprécis sur les résultats futurs. Ils perçoivent alors un risque plus élevé, ce qui freine leur volonté d’échanger. Dans ces conditions, une part de dispersion des anticipations liées aux prévisions plus élevée entraîne une diminution du volume d’échange. A l’opposé, la dispersion idiosyncrasique des anticipations influe sur le volume de transaction sous la forme d’une relation concave. Dans les modèles 1 et 2, le coefficient de la dispersion idiosyncrasique est positif. Il reste toujours positif lorsque le volume est régressé à la fois sur la dispersion idiosyncrasique et la dispersion idiosyncrasique au carré. Par contre, le coefficient de la dispersion idiosyncrasique au carré est négatif dans le modèle 2 du tableau 3.5. Ceci suggère sur le plan économétrique une relation concave entre le volume de transaction et la dispersion idiosyncrasique des anticipations, confirmant ainsi l’hypothèse 3.2. L’intuition est que la part spécifique de la dispersion des anticipations des investisseurs favorise les transactions lorsqu’elle n’est pas trop élevée mais empêche les investisseurs d’échanger au-delà d’un certain seuil. Ce résultat permet de soutenir l’idée que les anticipations des investisseurs sont fortement liées aux prévisions des analystes financiers, mais contiennent une partie spécifique. Cette dernière présente des effets largement différents de ceux qu’impose la dispersion des prévisions des analystes sur les échanges. La partie spécifique de la dispersion des anticipations reflète des différences entre les investisseurs en termes de préférences au risque et de traits psychologiques. Lorsque ces différences se situent à un niveau raisonnable, les investisseurs peuvent trouver sur le marché des contreparties, condition indispensable à aux échanges. Afin de déterminer le poids respectif de chacune des variables déterminantes du volume d’échange, nous réalisons une régression multiple du volume sur toutes les variables citées précédemment (en nous étant assurés de l’absence de colinéarité). Il s’agit donc de la dispersion idiosyncrasique des anticipations des investisseurs, de l’hétérogénéité et de la révision des prévisions des analystes ainsi que des erreurs de prévisions antérieures. Selon les résultats du tableau 3.6, l’hétérogénéité et la révision des prévisions semblent être les deux éléments les plus déterminants des échanges. La partie spécifique des anticipations des investisseurs est à l’origine d’échanges mais avec une significativité moindre par rapport aux deux autres variables. L’erreur de prévision des analystes antérieure ne joue qu’un rôle mineur sur l’évolution du volume de transaction. Les résultats obtenus demeurent cependant asymétriques entre les prévisions optimistes et les prévisions pessimistes. Les transactions sont essentiellement provoquées par les révisions de prévisions, lorsque ces dernières sont optimistes alors qu’elles diminuent significativement en fonction de la dispersion des prévisions, lorsque ces dernières sont pessimistes. Cette asymétrie de résultats ne semble pas être propre à notre expérience. Elle apparaît également comme une pratique des marchés réels où des révisions de prévisions optimistes suscitent plus d’échanges et des prévisions pessimistes très dispersées diminuent les placements d’ordres et donc le volume de transaction. 85 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 3.6 – L’impact des prévisions d’analystes et des anticipations des investisseurs sur le volume Variable Toutes données confondues Constante 0.209*** 0.165* 0.300*** Dispersion commune des anticipations -0.048*** 0.014 -0.110*** Dispersion idiosyncrasique des anticipations 0.024* 0.004 0.016 Révision de prévisions 0.345*** 0.673*** 0.034 Erreur de prévision antérieure 0.682 1.147 -0.161 R2 ajusté 28.4% 12.8% 64.4% Cas optimiste Cas pessimiste Note: Le volume de transaction est le nombre d’actions échangées normé par le nombre total d’actions disponibles sur le marché. La régression 2SLS est réalisée sur un total de 82 observations lorsque toutes les données sont prises en compte (36 dans les cas des prévisions optimistes et pessimistes). La 1ère étape consiste à régresser l’hétérogénéité des anticipations sur la dispersion des prévisions et à en extraire la valeur prédite (dispersion commune des anticipations) et le résidu standardisé (dispersion idiosyncrasique des anticipations). La deuxième étape consiste à conserver ces variables dans l’étude des déterminants du volume de transaction. La révision de prévisions est mesurée par la différence relative entre deux moyennes observées sur deux périodes consécutives. L’erreur de prévision est mesurée par la différence entre le résultat et la prévision moyenne rapportée à la prévision moyenne. Les variables explicatives sont en valeur absolue. Les exposants *, ** et *** indiquent respectivement la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%. En résumé, il semble que les inefficiences de marché découlent non seulement de l’utilisation incorrecte des informations que reçoivent les investisseurs mais aussi de l’imperfection des informations elles-mêmes. En présence de prévisions biaisées, le comportement des investisseurs ne se montre ni naïf, ni parfaitement rationnel, mais plutôt semi-rationnel. Ceci est confirmé tant au niveau de la formulation des anticipations qu’en termes de prise de décisions. De surcroît, les prévisions des analystes sont loin d’être un « proxy » pertinent des anticipations du marché. Cela est vérifié lorsque l’on observe les différents effets qu’entraînent aussi bien la dispersion des prévisions et que celle des anticipations sur le volume de transaction. 4.3. L’influence des prévisions des analystes sur l’efficience des marchés L’impact des prévisions des analystes sur l’ajustement des prix à la valeur fondamentale Dans le contexte d’un marché efficient, le prix des titres reflète la valeur intrinsèque. Comme on connaît la « vraie valeur » des actifs sur les marchés expérimentaux, les mesures d’efficience informationnelle peuvent être fondées sur les distorsions entre les prix de transaction et la valeur fondamentale des titres. Nous reprenons ici une mesure d’efficience de marché, notée EDM, fondée sur la différence à chaque période entre le prix et la valeur fondamentale du titre constatée a posteriori (Theissen, 2000). Comme chaque marché expérimental contient 12 périodes, cette mesure d’efficience, est calculée à partir de la 86 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE moyenne des valeurs absolues des erreurs de prix de transaction rapportées à la valeur fondamentale comme suit : 1 12 pt − vt EDM = (3.9), ∑ 12 t =1 vt où pt désigne le prix moyen des transactions et vt la valeur fondamentale de la période t. Cependant, une telle mesure ne fait pas apparaître le sens de la réaction du marché. Selon Fama (1998), les sous et sur-réactions peuvent se compenser. Le marché peut sembler globalement efficient malgré la coexistence de ces deux phénomènes dits “anormaux”. Cependant, la construction des marchés expérimentaux de cette étude ne fait pas apparaître ce phénomène, dans la mesure où il y a un contrôle des prévisions en termes de biais et de dispersion. Alors, nous pouvons déterminer un autre indicateur qui est la moyenne des erreurs de prévision rapportées à la valeur fondamentale : 1 12 pt − vt EDMR = (3.10), ∑ 12 t =1 vt où pt est le prix moyen des transactions et vt la valeur fondamentale de la période t. Les deux mesures d’efficience ci-dessus résultent de la moyenne des erreurs de prix sur l’ensemble des périodes d’un marché. Deux autres indicateurs, révélant l’erreur moyenne des prix de transaction sur une seule période, peuvent également être utilisés : 1 n pit − vt EDM t = ∑ (3.11), n i =1 vt 1 n pit − vt (3.12), ∑ n i =1 vt où pit désigne le prix de la transaction i et n le nombre de transactions de la période t. EDMRt = Le tableau 3.7 montre que les prix de transaction dévient significativement de la valeur fondamentale. Ce résultat est établi que l’on considère les erreurs de prix de transaction avec ou sans valeur absolue. Ce résultat est aussi vérifié quel que soit le type de biais de prévision considéré. Même lorsque les prévisions des analystes sont sans biais, les prix d’équilibre ne reflètent pas la valeur intrinsèque. Les mesures d’efficience (EDM et EDMR) sont inférieures aux moyennes respectives des écarts de prévision par rapport au résultat annuel, sauf sur les marchés où les prévisions sont sans biais. Cela prouve que les opérateurs tiennent compte des erreurs de prévision et/ou des biais de prévisions. Ils compensent partiellement les erreurs contenues dans les prévisions des analystes et introduisent des biais où il n’y en a pas. Deux raisons peuvent expliquer cette capacité des opérateurs à corriger les biais de prévision. Premièrement, les investisseurs bénéficient d’un avantage temporel et ne prennent des décisions qu’après connaissance des prévisions. Deuxièmement, sur les marchés, la concurrence entre les investisseurs entraîne moins de distorsions du prix d’équilibre par rapport à la valeur fondamentale. Tableau 3.7 – L’ajustement des prix à la valeur fondamentale par type de biais de prévision 87 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Type de prévision Moyenne des erreurs Moyenne des erreurs Marché de prévision en valeur EDM de prévision en valeur EDMR relative absolue ** Marché 1 0,012 0,040 0,007 -0,025** ** 0,003 -0,012** Marché 2 0,010 0,016 Marché 3 0,059 0,026** 0,059 0,013** Prévisions ** Marché 4 0,059 0,029 0,059 0,029** ** optimistes Marché 5 0,064 0,063 0,064 0,044** ** 0,065 0,024** Marché 6 0,065 0,038 Marché 7 0,057 0,041** -0,057 -0,037** Prévisions ** Marché 8 0,051 0,036 -0,051 -0,026** ** pessimistes Marché 9 0,049 0,054 -0,049 -0,032** ** -0,054 -0,039** Marché 10 0,054 0,047 Note: Pour chaque marché, la moyenne des erreurs de prix et la moyenne des erreurs de prévision ont été calculées sur 12 périodes en valeur absolue et en valeur relative. *, ** et *** désignent le degré de significativité respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%. Prévisions sans biais Tableau 3.8 – L’ajustement des prix à la valeur fondamentale par période Période Toutes données confondues Cas optimiste Cas pessimiste Période 1 -0,080* -0,039** -0,105* ** * Période 2 -0,045 -0,043 -0,053** ** ** Période 3 -0,030 -0,023 -0,036** ** ** Période 4 -0,043 -0,050 -0,047* ** * Période 5 -0,035 -0,043 -0,035** ** ** Période 6 -0,034 -0,035 -0,043* ** ** Période 7 -0,026 -0,040 -0,017** ** ** Période 8 -0,046 -0,060 -0,039** ** ** Période 9 -0,030 -0,022 -0,036** ** * Période 10 -0,039 -0,044 -0,042 Période 11 -0,039** -0,060 -0,024** Période 12 -0,035** -0,011** -0,057** Note: A chaque période, la moyenne des erreurs de prix (sans valeur absolue) sur les 10 marchés a été déterminée en considérant les trois catégories de biais. *, ** et *** désignent le degré de significativité respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%. Le tableau 3.8 permet de retrouver les résultats du tableau 3.7. Que l’on raisonne par marché ou par période, les prix dévient significativement de la valeur intrinsèque. Le tableau 3.8 prouve également que les erreurs de prix n’évoluent pas de manière significative dans un sens particulier sur l’ensemble des périodes. Le processus d’apprentissage ne semble pas validé dans la mesure où les erreurs de prix ne semblent pas diminuer au fur et à mesure des périodes. L’influence des caractéristiques des prévisions des analystes sur les mesures d’efficience est analysée dans le tableau 3.9. 88 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 3.9 – L’influence des prévisions des analystes sur l’ajustement des prix à la valeur fondamentale Toutes données confondues Cas optimiste Cas pessimiste Variable EDM EDMR EDM EDMR EDM Constante 0,003 0,009** -0.023 0,05*** -0,012 -0,045*** Dispersion des prévisions 0,071 Erreur de prévision R2 ajusté *** 0,563 12,4% 0,151** 0,631 *** 39,9% 0,73 *** 28,3% EDMR 0,015 1,252 *** 32,7% 1,025*** 1,48*** 12,4% 39,9% Note: La variable dépendante désigne une mesure d’efficience (mesures 3.9 et 3.10). La dispersion des prévisions est mesurée par l’écart-type des prévisions des analystes, rapporté à la moyenne de toutes les prévisions. L’erreur de prévision est calculée par la différence entre la moyenne des prévisions et le résultat annuel. Le nombre d’observations est de 114 si on regroupe toutes les données, 48 (respectivement 48) si on ne tient compte que des prévisions optimistes (respectivement pessimistes). *, ** et *** désignent le degré de significativité respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%. Globalement, l’erreur de prévision moyenne des analystes financiers a un impact positif sur les deux mesures d’efficience des marchés. Donc, lorsque les prévisions des analystes comportent des erreurs (aléa ou biais), les individus ne parviennent pas à compenser entièrement ces erreurs. Ils prennent des décisions sur la base de prévisions erronées sans les corriger ou les compenser. Dans ces conditions, les prix qui s’établissent à l’équilibre incorporent une partie de ces erreurs et s’écartent de la valeur fondamentale. Néanmoins, toutes données confondues, les coefficients des erreurs de prévision dans les régressions du tableau 3.9 sont plus petits que 1. Les investisseurs parviennent donc à détecter et à compenser pour partie les erreurs de prévision. Ils commettent ainsi des erreurs d’anticipations dans la même direction que les analystes avec une moindre amplitude. En d’autres termes, les prix dévient positivement (respectivement négativement) de la valeur intrinsèque lorsque les prévisions sont optimistes (respectivement pessimistes). Ces écarts de prix sont inférieurs aux erreurs de prévision. On retrouve le résultat mis en évidence dans le tableau 3.1. Alors que les erreurs de prévision influent négativement sur l’ajustement des prix à la valeur fondamentale, la dispersion des prévisions n’a un impact significatif sur l’efficience que dans le cas des prévisions optimistes. En cas de biais d’optimisme des analystes, un accroissement de dispersion génère une plus grande déviation des prix de transaction, de la valeur intrinsèque. En effet, une plus grande dispersion ne permet pas aux investisseurs de former des anticipations précises quant au résultat net futur. La probabilité de se tromper dans ses anticipations est plus forte, et en ce sens, les prix d’équilibre qui découlent des ordres soumis par les investisseurs reflètent moins bien la valeur fondamentale. Il y a cependant une asymétrie de relation entre les prévisions optimistes et les prévisions pessimistes. Dans le second cas, leur dispersion n’influe pas significativement sur l’ajustement des prix à la valeur fondamentale. Ceci peut provenir d’une moins grande sensibilité des investisseurs aux prévisions pessimistes lorsque leur dispersion s’accroît. Soit la prévision moyenne des analystes joue alors un rôle plus important pour les investisseurs, soit les prévisions sont moins suivies par les investisseurs. 89 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE L’effet des prévisions des analystes sur la vitesse de convergence des prix vers la valeur fondamentale Globalement, sur les marchés expérimentaux, les prix de transaction ne reflètent pas parfaitement la valeur fondamentale. Le degré d’ajustement des prix à la valeur intrinsèque dépend de la précision des prévisions, appréciée au travers de leur biais, de leur erreur et de leur concordance. Des prévisions, entachées de biais ou d’erreur, ou très hétérogènes détériorent la convergence des prix de transaction vers la valeur intrinsèque. L’intérêt de cette partie est de mesurer à quelle vitesse les prix vont converger vers la valeur fondamentale. Cette vitesse, notée (βt), peut être mesurée par la différence entre les prix de 2 périodes consécutives (pt-pt-1), divisée par la différence entre la valeur fondamentale du titre à la période t (vt) et le prix de la période précédente (pt-1). La valeur fondamentale est par hypothèse égale au résultat annuel annoncé à la fin de chaque période. p − pt −1 βt = t (3.13), vt − pt −1 La vitesse de convergence de la prévision vers le résultat annuel est déterminée de la même manière en remplaçant le prix par la prévision et la valeur fondamentale par le résultat annuel. Tableau 3.10 – La vitesse d’ajustement du prix à la valeur intrinsèque sur les 11 périodes Période Toutes données confondues Cas optimiste Cas pessimiste Période 2 0.382 0.358 0.193 Période 3 1.533 0.992 2.405 Période 4 0.972 0.883 1.123 Période 5 0.365 -0.219 0.777 Période 6 0.789 0.965 0.331 Période 7 1.028 0.633 1.425 Période 8 1.245 0.905 1.623 Période 9 0.847 0.827 0.969 Période 10 1.193 0.401 1.977 Période 11 0.696 0.667 0.674 Période 12 0.460 0.922 -0.358 Note: La vitesse d’ajustement des prix à la valeur intrinsèque a été mesurée d’une période à l’autre à partir de la deuxième période. Pour chaque période, une moyenne a été calculée sur les 10 marchés. Les observations qui présentent un dénominateur égal à 0 ont été exclues de l’échantillon (soit 3 observations au total). Le tableau 3.10 met en évidence un coefficient systématiquement inférieur à 1 en cas de prévisions optimistes. Les prix ne convergent pas rapidement vers la valeur fondamentale. En revanche, si les prévisions sont systématiquement pessimistes, le coefficient dépasse l’unité sur certaines périodes. En d’autres termes, les prix convergent très rapidement vers la valeur fondamentale avec un effet de sur réaction. 90 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Tableau 3.11 – L’impact des prévisions des analystes sur la vitesse d’ajustement des prix à la valeur intrinsèque Variable Toutes données confondues Constante -0.284* 0.772*** 0.874*** -0.208 0.293 -0.414 1.111*** 1.056*** 1.375*** 0.477 4.343 -3.741 -0.991 -0.492 -2.355 1.182 -0.5% 65.4% 37.1% Ajustement des prévisions 1.124*** Erreur de prévision moyenne 3.029 Dispersion des prévisions R2 ajusté 39.5% 1.3% Cas optimiste Cas pessimiste 38.4% Note: La variable dépendante représente la vitesse d’ajustement du prix à la valeur intrinsèque. L’échantillon global comprend 104 observations. L’échantillon des prévisions optimistes (respectivement pessimistes) comprend 44 observations (respectivement 44). Les observations qui présentent un dénominateur égal à 0 ont été exclues de l’échantillon (soit 3 observations au total). *, ** et *** désignent le degré de significativité respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%. Selon le tableau 3.11, la vitesse de convergence des prix vers la valeur fondamentale dépend surtout de la vitesse d’ajustement des prévisions au résultat net. Lorsque les prévisions sont révisées avec une marge d’erreur encore plus grande, les prix d’équilibre s’éloignent de la valeur fondamentale. L’erreur de prévision moyenne éloigne également les prix de la valeur fondamentale, mais ce de manière non significative. La dispersion des prévisions a tendance à rapprocher le prix de la valeur fondamentale, mais non significativement. L’impact des prévisions d’analystes sur la volatilité des taux de rentabilités Parmi les études qui abordent la réaction des marchés à l’annonce d’une information, certaines examinent la volatilité des taux de rentabilité (Beaver, 1968). En effet, une augmentation de la volatilité peut traduire l’arrivée d’information sur les marchés. Cet accroissement de volatilité est peut être lié à l’imprécision de l’information contenue dans les prévisions des analystes dans le cas présent. Ceci nous conduit à tester la relation entre la dispersion des prévisions des analystes et la volatilité des taux de rentabilités. En régressant la volatilité sur la dispersion des prévisions, nous obtenons les résultats du tableau 3.12. Tableau 3.12 – L’impact de la dispersion des prévisions des analystes sur la volatilité des rentabilités Constante Toutes données confondues 0.018*** Dispersion des prévisions 0.174*** 0.253 0.127*** R2 ajusté 34.4% 44.2% 31.2% Variable Cas optimiste Cas pessimiste 0.014** 0.021*** Note: La variable dépendante représente la volatilité des taux de rentabilité. La dispersion des prévisions est mesurée par l’écart-type des prévisions des analystes rapporté à la moyenne de toutes les prévisions. L’échantillon global comprend 114 observations. L’échantillon des prévisions optimistes (respectivement pessimistes) comprend 48 observations (respectivement 48). *, ** et *** désignent le degré de significativité respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%. Le tableau 3.12 montre que la volatilité des taux de rentabilités est expliquée en partie par la dispersion des prévisions. Cette dispersion génère un type de risque lié au manque d’informations ou à l’imprécision de l’information contenue dans les prévisions des analystes. 91 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Les résultats obtenus permettent de conclure que les inefficiences de marché découlent non seulement de l’utilisation incorrecte des informations disponibles par les investisseurs mais aussi de l’imperfection des informations elles-mêmes. En présence des prévisions biaisées, le comportement des investisseurs ne se montre ni naïf, ni parfaitement rationnel, mais plutôt semi-rationnel. Une des conséquences est que les erreurs commises par les analystes expliquent une partie des « inefficiences » des prix. Ce constat est cohérent avec ceux des études empiriques antérieures comme celle de DeBondt et Thaler (1987) qui montrent que la sous-réaction des analystes peut expliquer jusqu'à 50% des tendances boursières. 5. Conclusion En construisant des marchés expérimentaux sur lesquels l’information est gratuite et diffusée à tous les individus simultanément, l’objectif de cette partie est d’examiner l’influence des prévisions des analystes sur le comportement des opérateurs et sur l’ajustement des prix de transaction à la valeur fondamentale. Les résultats de cette étude relèvent que les investisseurs ne tiennent compte que partiellement des prévisions d’analystes pour réviser leurs propres anticipations. Seule une partie des erreurs de prévision est transmise aux erreurs d’anticipation. De même pour la dispersion des anticipations, elle n’est pas complètement expliquée par l’hétérogénéité des prévisions des analystes. Les analyses permettent aussi de retrouver un résultat obtenu précédemment : les prévisions des analystes sont loin d’être un bon « proxy » des anticipations des investisseurs. Ces dernières sont scindées en deux parties - l’une strictement liée à l’hétérogénéité des prévisions des analystes et l’autre spécifique aux investisseurs. La première partie affecte négativement le volume d’échange. La deuxième l’influence de façon non-monotone - une fonction concave est constatée en l’occurrence. Les résultats montrent également qu’il y a des distorsions moyennes du prix de transaction par rapport à la valeur fondamentale significativement différentes de zéro. Le degré d’ajustement des prix à la valeur fondamentale est loin d’être parfait et dépend de la précision des prévisions des analystes. Des prévisions biaisées et hétérogènes influent négativement sur la convergence des prix vers la valeur fondamentale. La vitesse d’ajustement des prix à la valeur intrinsèque est corrélée positivement à la vitesse de convergence des prévisions vers le résultat annuel. De surcroît, la volatilité des taux de rentabilité devient plus forte lorsque la dispersion des prévisions des analystes s’accroît. 92 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Annexe 1 : Instructions de l’expérience sur le volume de transaction Dans le cadre de cette expérience, vous échangez certaines actions de la même valeur dans le but de maximiser vos gains en recevant des informations sur la valeur de cette action. Chaque participant prend ses décisions individuellement devant son ordinateur. Il est strictement interdit de communiquer entre les participants sous peine d’exclusion de l’expérience. L’expérience comporte 8 périodes. Les périodes sont indépendantes. Au début de l’expérience, vous recevez 20 actions et d’un montant de 200 UME (Unité de monnaie expérimentale). Vous pouvez acheter des actions des autres participants avec votre argent ou vendre vos actions détenues. Le gain d’une action achetée provient de la différence entre sa valeur et le prix d’acquisition. Le gain d’une action vendue provient de la différence entre le prix de vente et la valeur de l’action. Comment déterminer la vraie valeur de l’action ? La valeur de l’action est la somme de 4 composantes. Toutes les deux périodes, une composante est tirée au sort par ordinateur. Le tirage est réalisé avec remise, c’est-à-dire qu’un nombre déjà tiré est remis dans l’urne pour d’autres tirages. Après chaque tirage au sort, la valeur anticipée objective de l’action est recalculée. Elle est égale à la somme des composantes diffusées et des composantes qui restent à déterminer. A la fin de la huitième période, la dernière composante est tirée au sort. La valeur de l’action est alors calculée. Les valeurs possibles des éléments sont exposées dans le tableau suivant : Pour la 1ère série d’informations Pour cette série, les tirages au sort sont réalisés parmi les nombres naturels 0, 2, 4 et 6. Valeur Probabilité 0 2 4 6 ¼ ¼ ¼ ¼ La valeur d’un élément se situe toujours entre 0 et 6 avec une moyenne égale à : 0× 1 + 2× 1 + 4× 1 + 6× 1 =3 4 4 4 4 La valeur de l’action est égale à la somme des 4 composantes : 1er élément + 2 e élément + 3e élément + 4 e élément Pour la 2ème série 2 d’informations Pour cette série, les tirages au sort sont réalisés parmi les nombres naturels -4, 0, 6 et 10. 93 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Valeur Probabilité -4 0 6 10 ¼ ¼ ¼ ¼ La valeur d’un élément se situe toujours entre -4 et 10 avec une moyenne égale à : − 4 × 1 + 0 × 1 + 6 × 1 + 10 × 1 = 3 4 4 4 4 La valeur de l’action est la somme de 4 composantes si cette somme est positive. Par contre, elle est égale à 0 si cette somme est négative. Nous dévoilons une composante toutes les deux périodes et donc l’ensemble des 4 composantes à la fin de la huitième période. Somme de tous les éléments Valeur de l’action S= 1er élément + 2 e élément + 3e élément + 4 e élément ⎧S si S ≥ 0 V =⎨ ⎩0 si S < 0 Comment échanger ? L’expérience comprend 8 périodes dont chacune se compose de 3 phases. Première phase : vous devez prévoir la somme des 4 composantes, et non pas la valeur d’une seule composante. De bonnes prévisions sont récompensées par une prime de prévision. Elles vous permettront de plus de réaliser de meilleurs échanges Deuxième phase : vous pouvez faire ici des propositions d’achat et/ou de vente. Sur votre ordinateur, vous allez voir deux fenêtres servant à l’achat et à la vente. Si vous souhaitez vendre, vous devez entrer le prix p de la vente. Ce prix p désigne que vos actions ne se vendent que lorsque le prix est supérieur ou égal à p. Par contre, désirant acheter, vous indiquez le prix p de l’achat qui traduit que vos actions ne s’échangent qu’à un prix inférieur ou égal à p. Dans les deux cas, la quantité d’actions échangées est automatiquement assignée à 1. Par conséquent, si vous voulez échanger plus qu’une action vous devez faire plusieurs propositions. Vos propositions de vente (respectivement d’achat) sont constamment ajoutées à la liste des propositions de vente (respectivement d’achat) qui apparaît sur votre écran. Elles sont exécutées dès qu’il y a une proposition d’un autre participant qui satisfait votre condition de prix. En revanche, vous pouvez également répondre directement à une proposition de vente (d’achat) disponible en la choisissant et en cliquant sur le bouton « Acheter » (« Vendre »). Après son exécution, la proposition est retirée de la liste. Il vous est possible de donner des propositions à tout moment d’une période d’échange. Les propositions de la période courante ne seront pas gardées pour la période suivante. Troisième phase : cette phrase est la phase d’annonce de la composante tirée pour les périodes 2, 4, 6, 8. La composante est écrite dans la boite « composante tirée ». Pour les autres périodes sans le tirage au sort (périodes 1, 3, 5, 7), le message « aucune composante n’est tirée à cette période » apparaît. 94 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Comment déterminer les gains ? Vos gains sont calculés à la fin de l’expérience. Ils comportent deux parties. La partie 1 est une prime strictement liée à l’exactitude des prévisions faites sur la somme des 4 composantes. La partie 2 est constituée des gains liés à la performance de vos échanges. Votre prime de prévision est d’autant plus importante que votre prévision est proche de la valeur de l’action. Vos gains d’échange dépendent étroitement de votre capacité à vendre des actions, le plus possible, à des prix supérieurs à la valeur de l’action et/ou acheter le plus possible des actions à des prix inférieurs à la valeur de l’action. Votre rémunération réelle est la somme des gains totaux convertis en dollars canadiens plus une prime de participation de $10. La rémunération moyenne est de 20 $CA. 95 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Annexe 2 : Instructions de l’expérience sur les analystes Dans cette expérience, nous vous demandons de prendre des décisions au sein d’un marché, en vous fournissant certaines informations. Chaque participant prend ses décisions individuellement devant son ordinateur. La communication entre participants est strictement interdite sous peine d’exclusion des gains et de l’expérience. Dans cette expérience, il y a 12 périodes indépendantes d’une durée de 6 minutes chacune dont les règles générales sont invariables. Au début de chaque période, vous recevez 20 actions d’une même valeur et 2000 UME (Unité de Monnaie Expérimentale). Vous pouvez acheter les actions des autres participants avec votre argent ou vendre les actions que vous détenez. Ces opérations ne sont pas obligatoires. Cependant, grâce aux échanges que vous effectuez, vous pouvez réaliser des gains qui sont calculés à la fin de chaque période sur la base de la valeur fondamentale de l’action de la cette période. Les gains proviennent des ventes d’actions à des prix supérieurs à la valeur de l’action de la période et/ou des achats d’actions à des prix inférieurs à cette valeur. Informations concernant la valeur de l’action Quelle que soit la période, la valeur de l’action se situe toujours entre 60 et 120. Au début de chaque période, vous êtes informé(e) de 6 prévisions de la valeur de l’action, faites par des professionnels. Cette valeur est annoncée à la fin de la période. Comment échanger ? Chaque période comprend trois phases. Première phase : Au début de cette phase, nous vous fournissons les prévisions de la valeur de l’action. Vous avez 30 secondes pour observer ces prévisions, puis vous êtes tenu(e) de communiquer votre propre anticipation sur la valeur de l’action. Deuxième phase : vous pouvez faire ici des propositions d’achat et/ou de vente. Sur votre ordinateur, vous allez voir deux fenêtres servant à l’achat et à la vente. Si vous souhaitez vendre, vous devez entrer le prix p de la vente. Ce prix p désigne que vos actions ne se vendent que lorsque le prix est supérieur ou égal à p. Par contre, désirant acheter, vous indiquez le prix p de l’achat qui traduit que vos actions ne s’échangent qu’à un prix inférieur ou égal à p. Dans les deux cas, la quantité d’actions échangées est automatiquement assignée à 1. Par conséquent, si vous voulez échanger plus qu’une action vous devez faire plusieurs propositions. Vos propositions de vente (respectivement d’achat) sont constamment ajoutées à la liste des propositions de vente (respectivement d’achat) qui apparaît sur votre écran. Elles sont exécutées dès qu’il y a une proposition d’un autre participant qui satisfait votre condition de prix. En revanche, vous pouvez également répondre directement à une proposition de vente (d’achat) disponible en la choisissant et en cliquant sur le bouton « Acheter » (« Vendre »). Après son exécution, la proposition est retirée de la liste. Il vous est possible de donner des propositions à tout moment d’une période d’échange. Les propositions de la période courante ne seront pas gardées pour la période suivante. Troisième phase : Les informations sur les prix d’échange moyen, le plus élevé et le plus faible sont diffusées. En outre, la valeur de l’action de la période est diffusée. Comment déterminer les gains ? Vos gains sont indépendamment calculés à la fin de chaque période. Le gain d’une période comporte deux parties : l’une est liée à l’exactitude de votre prévision sur la valeur de 96 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE l’action et l’autre est liée à la performance de vos achats et ventes. Le gain de prévision est d’autant plus élevé que votre prévision est proche de la valeur de l’action. Le gain d’échange totalise celui de tous les achats et ventes. Les gains totaux sont la somme des gains de chaque période et sont convertis en dollars canadiens auxquels s’ajoutent 10 dollars de prime de participation. 97 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Conclusion Ces travaux de recherche ont pour fonction d’examiner le comportement des investisseurs au voisinage des publications comptables réalisées par les firmes. La première étude de nature empirique analyse le comportement agrégé du marché américain et français lors de la diffusion des annonces correspondantes à travers les rentabilités anormales, les volumes de transaction anormaux, les extrêmes journaliers, les estimations d’analystes, les fourchettes et les profondeurs. Ce volet met en évidence des comportements notablement différents en France et aux Etats-Unis pour les publications intermédiaires et annuelles. Nos travaux montrent par ailleurs qu’il est très difficile de dissocier la notion d’hétérogénéité des anticipations du concept d’asymétrie d’information. Si les publications annuelles semblent laisser peu de place à une telle asymétrie en vertu de leur suivi vigilant par le marché, les annonces semestrielles françaises semblent en revanche très affectées par un tel phénomène en vertu du comportement assez atypique des fourchettes de prix qui y prévaut. Toutefois l’état actuel d’avancement de nos recherches ne permet pas encore de caractériser sans ambiguïté ce qui constituerait une véritable signature de l’asymétrie d’information. Si ce premier volet constitue un moyen d’apprécier le comportement moyen des investisseurs sur le marché, il ne permet pas de comprendre le processus cognitif suivi par chacun d’eux dans leur décision. C’est précisément cette analyse individuelle qui est au centre des travaux d’économie expérimentale développée dans le deuxième volet de ce projet. En construisant des marchés expérimentaux sur lesquels l’information est gratuite et diffusée à tous les individus simultanément, l’objectif de ce second volet est d’examiner le comportement des opérateurs au voisinage des annonces d’information comptable et d’étudier l’influence des prévisions des analystes sur le comportement des opérateurs et sur l’ajustement des prix de transaction à la valeur fondamentale. L’analyse du volume d’échange prouve qu’il est associé à l’hétérogénéité des anticipations selon un mode concave. Les résultats de cette étude révèlent également que les investisseurs ne tiennent compte que partiellement des prévisions d’analystes pour réviser leurs propres anticipations. Cette étude montre en effet que les prévisions des analystes sont loin d’être un bon « proxy » des anticipations des investisseurs. Les résultats montrent également qu’il y a des distorsions moyennes du prix de transaction par rapport à la valeur fondamentale significativement différentes de zéro. Le degré d’ajustement des prix à la valeur fondamentale est loin d’être parfait et dépend de la précision des prévisions des analystes. Des prévisions biaisées et hétérogènes influencent négativement la convergence des prix vers la valeur fondamentale. Ces sources d’inefficience sont non seulement liées à l’utilisation incorrecte des informations diffusées, mais aussi à l’imperfection de l’information contenue dans les prévisions d’analystes. 98 INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE Bibliographie Abarbanell J., 1991, “Do analysts’ forecasts incorporate information in prior stock price changes?”, Journal of Accountings and Economics, 14, 147-165. Abarbanell J. et V. Bernard, 1992, “Tests of analysts’ overreaction/underreaction to earnings information as an explanation for anomalous stock price behavior”, Journal of finance, 47, 1181-1207. Abarbanell J.S., W.N. Lanen et R.E. Verrecchia, 1995, “Analysts’ forecasts as proxies for investor beliefs in empirical research”, Journal of Accounting and Economics, 20, 31-60. Affleck-Graves J., C.M. Callahan et N. Chipalkatti, 2002, “Earnings predictability, information asymmetry and market liquidity”, Journal of Accounting Research, 40(3), 561-583. Affleck-Graves J., L. Davis et R. 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