utilite et traitement de l`information comptable par les actionnaires

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utilite et traitement de l`information comptable par les actionnaires
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
UTILITE ET TRAITEMENT DE L’INFORMATION
COMPTABLE PAR LES ACTIONNAIRES
Thanh Huong DINH
Université Paris 12 Val-de-Marne, IRG
Jean-François GAJEWSKI 1
Université Paris 12 Val-de-Marne, IRG
Bertrand QUERE
Université de Grenoble, CERAG
Décembre 2006
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Pour toute correspondance, contactez Jean-François Gajewski à l’adresse email suivante [email protected] où à l’adresse physique suivante : IRG (Institut de Recherche en Gestion – Université Paris 12 Valde-Marne – 61 avenue du Général de Gaulle - 94010 Créteil cedex – France (Tél : 33 1 41 78 47 52 – Fax :
33 1 41 78 47 74).
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INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Remerciements
Les recherches ont été conduites à l’IRG (Institut de Recherche en Gestion), au CERAG
(Centre d’Etudes et de Recherches Appliquées à la Gestion) et au CIRANO (Center for
Interuniversity Research and Analysis on Organizations). Nous sommes extrêmement
reconnaissants envers Claude Montmarquette, Julie Héroux et Jean-Benoît Rousseau pour
leur aide technique dans la conduite des expériences.
Au cours d’un séjour à HEC Montréal en tant que chercheurs invités, nous avons pu
extraire de Bloomberg les annonces de résultat. Nous sommes très redevables envers
Louise Martel. Nous avons également bénéficié du soutien du CERAG et de l’IAE de
Grenoble pour un accès aux données Datastream, Thomson Analytics, la base de données
du NYSE (TAQ) et du soutien de l’IRG pour un accès aux bases Euronext, IBES et du
soutien d’HEC pour les bases Factiva et Compustat. A ce titre, nous remercions Agnès
Melot et Caroline Larsson pour leur grande disponibilité.
Nous remercions les participants à la conférence ISINI (International Society for
Intercommunication of New Ideas) à Lille en 2003, à la conférence NFA (Northern
Finance Association meeting) à Newfoundland en 2004, aux Journées d’Economie
Expérimentale à Rennes et au séminaire de recherche de l’Institut de Recherche en Gestion
(Université de Paris 12 Val-de-Marne) en 2005, au symposium sur la Finance
Comportementale à Durham (UK) et la conférence de l’EFMA (European Financial
Management Association) à Madrid en 2006.
Nos remerciements s’adressent particulièrement à Michel Albouy, Paul André, Franck
Bergez, Patrick Bertin, Gwenaëlle Bogard, Pierre Chollet, Hervé Cotis, Jean-Marc Girard,
Carole Gresse, Céline Julien, Isabelle Laudier, Marianne Laurent, Yvon-Michel Loreau,
Pascal Louvet, Fabrice Martins Mano, Alain Minczeles, Olivier Pekmezian, Emmanuelle
Roux, Richard Taffler et Emmanuel Tsiritakis pour leurs commentaires.
Enfin, ce projet n’aurait pu aboutir sans le soutien et la patience de Isabelle Laudier. Nous
lui en sommes très reconnaissants. Ce projet de recherche a bénéficié du soutien financier
de l’Institut CDC pour la Recherche (Caisse des Dépôts et Consignations).
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Introduction
Alors que le rôle des marchés financiers est de permettre, par la confrontation
centralisée de l’offre et de la demande, une juste évaluation des actifs, certains termes
accréditent au contraire l’idée d’une dichotomie entre le prix négocié et la valeur réelle des
titres qui y sont échangés. Le concept de surévaluation ou de sous-évaluation, souvent utilisé
en matière d’actions de sociétés, caractérise en effet un décalage entre leur cours boursier et
ce qui serait une sorte de « vraie valeur » liée de manière intrinsèque à la quote-part de
propriété qu’elles représentent. Cette dualité entre la rentabilité des titres financiers et la
performance des entreprises correspondantes pourrait être imputée soit à la publication d’une
information financière peu révélatrice de la santé financière des entreprises, soit à la
spéculation des investisseurs qui aboutit parfois à une déconnexion artificielle entre le prix
des valeurs mobilières et la valeur économique des entreprises dont elles sont pourtant
l’émanation.
Selon une première hypothèse émise par Lev en 1989, les comportements opportunistes des
dirigeants en matière comptable conduisent naturellement à remettre en question la qualité de
l’information publiée. La gestion opportuniste, voire la manipulation des informations
comptables, reste un sujet d’une grande actualité. Lemaître affirmait ainsi en 2000 que les
scandales boursiers des grandes entreprises américaines cotées telles que le courtier en
énergie Enron, le conglomérat industriel Tyco, le géant américain des télécommunications
Worldcom sont directement révélateurs de comportements frauduleux. Ces scandales ont
atteint une telle ampleur qu’ils remettent en question la fiabilité des états financiers et de ce
fait les fondements même du système comptable. De même en France, Il y a une dizaine
d’années, certaines grandes entreprises comme Alcatel Alsthom, la Générale des Eaux, Elf ou
la compagnie financière de Suez annonçaient de manière inattendue des déficits très
préoccupants, alors qu’elles étaient pourtant largement bénéficiaires les années antérieures.
Les analystes financiers ont imputé ces pertes soudaines à des nettoyages comptables tardifs
tels que des provisions pour dépréciation non constatées sur des actifs immobiliers dans les
sociétés ayant réalisé des acquisitions coûteuses dans ce domaine. Les normes comptables qui
prévalaient alors semblaient montrer trop de flexibilité pour que les commissaires aux
comptes puissent contraindre de manière vraiment efficace les entreprises à produire une
image fidèle de leur situation financière. Les marchés ont ainsi logiquement sanctionné non
seulement les pertes enregistrées mais aussi de manière indirecte le cadre très imprécis des
normes en vigueur.
L’absence d’une réglementation suffisamment stricte, permettait sans doute à certains groupes
français de choisir de manière très opportuniste des règles de production de leurs comptes
consolidés favorables à leurs intérêts. Certains utilisaient les normes françaises alors que
d’autres adoptaient les normes américaines, internationales ou appliquaient même de manière
hybride ces différents cadres comptables. Si cette disparité entravait les travaux des analystes
financiers, elle privait également les petits actionnaires d’une information financière
intelligible en vertu de la multiplicité des référentiels existants. L’investissement en temps
nécessaire à la compréhension des normes et l’analyse des comptes publiés était de surcroît
d’autant plus improductif que certaines firmes ont même changé le référentiel de production
de leur information financière. La découverte tardive de certaines situations financières très
préoccupantes montre d’ailleurs que de telles marges de manœuvre ont permis à certains
dirigeants de travestir la réalité économique de leur entreprise.
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INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Si selon l’hypothèse d’efficience des marchés, ces atteintes à l’image fidèle doivent en théorie
demeurer sans influence sur le comportement des investisseurs, elles peuvent néanmoins les
induire en erreur et biaiser ainsi les cours boursiers dans un contexte d’asymétrie
d’information. De telles altérations remettent en effet en cause la pertinence prédictive des
valeurs comptables et du même coup l’appréhension correcte des perspectives de la firme. Un
référentiel unique permettrait évidemment de réduire l’espace discrétionnaire des dirigeants
en encadrant mieux les règles de production de l’information comptable. 2
Selon une deuxième hypothèse, les investisseurs seraient plus enclins à parier sur la
psychologie du marché qu’à étudier selon une logique fondamentale la situation et les
perspectives d’une entreprise dont la valeur monétaire définitive ne peut ressortir que d’une
liquidation. L’absence, dans la majorité des cas, d’un tel butoir objectif dans un futur
prévisible, réduirait ainsi la formation des cours à un affrontement aléatoire de conjectures
plus ou moins rationnelles qui seraient la source même de l’instabilité et de la fragilité des
marchés. En vertu de la confiance qu’elle implique par ses opérations de crédit sophistiquées,
l’économie moderne est de manière inévitable tributaire de la psychologie des agents qui en
sont les acteurs, comme en atteste la notion même de « moral des investisseurs » souvent
évoquée sur les marchés boursiers. Ce constat n’emporte pas pour autant l’irrationalité de
leurs comportements qui ferait des actions cotées, à l’instar de ce qui prévaut en matière de
mode, de simples objets d’engouement ou de désaffection sans sous-bassement concret. Dans
de telles circonstances, les états financiers et, de manière plus générale, l’information
comptable délivrée par l’entreprise n’auraient évidemment aucune utilité pour les
actionnaires. Or, les travaux menés à la fin des années 60 par Ball et Brown, suivis par de
nombreux autres auteurs ont au contraire précisément démontré qu’il existait une très forte
association entre l’évolution du prix des actions et les résultats comptables publiés par les
entreprises. Le courant de recherche lancé dans la même période par Beaver (1968) et
prolongé par d’abondants développements tels que ceux de Gajewski et Quéré, (2001) pour la
France, 3 met également en évidence des réactions très significatives du marché lors de la
diffusion des comptes annuels. De fait, même si les actionnaires ne suivent pas
nécessairement une logique fondamentale qui les conduirait à négliger de manière
systématique les climats spéculatifs affectant le prix des titres, ils tiennent bien compte de
l’information financière dans leurs évaluations et leurs calculs stratégiques.
Si, en cohérence avec la masse des textes qui la réglemente dans la plupart des pays,
l’importance de l’information financière ne fait ainsi guère de doute, le processus de son
traitement par les investisseurs demeure en revanche mal connu en dépit des développements
actuels de l’économie expérimentale. Ce processus semble relever d’opérations mentales trop
impalpables et disparates pour pouvoir être analysé simplement et le cours des actions ne peut
de fait qu’en être l’insondable résultante. De manière très surprenante, c’est pourtant bien un
concept directement lié à cette opération mentale qui est au cœur même du système juridique
encadrant la production des comptes annuels français. Conformément au code du commerce,
ceux-ci doivent en effet « donner une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice, de
la situation financière et du patrimoine de l’entreprise à la fin de cet exercice ». La notionmême d’image est de fait directement liée à ce qui est projeté dans l’esprit de l’observateur et
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L’instauration des normes IFRS devrait donc, conformément à ses objectifs améliorer globalement la
pertinence, l’intelligibilité, la fiabilité et la comparabilité de l’information financière des entreprises de taille
internationale. Les normes IFRS constituent de fait et conformément à leur objectif non seulement un langage
commun mais elles ont aussi pour vocation de fournir aux investisseurs des états financiers plus complets et plus
proches de la réalité économique.
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Voir Dumontier et Labelle (2002) pour une revue de littérature sur le contenu informatif des chiffres
comptables en Europe.
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suppose de manière implicite une représentation. Si la firme est bien une réalité,
l’appréciation de sa situation économique, par sa nature composite et abstraite, implique en
effet une construction intellectuelle propre à chaque lecteur des états financiers. Or, en
employant le terme au singulier, la formulation du droit comptable français est telle qu’elle
suppose au contraire l’unicité et l’universalité des représentations correspondantes. Loin de la
subjectivité qu’elle laissait supposer à l’origine, l’idée d’une image comptable partagée par
tous traduit de fait la nature objective que voulait naturellement lui donner le législateur pour
asseoir le pouvoir contraignant des textes dont elle est l’enjeu.
De nombreuses analyses de nature plutôt philosophique ont précisément soutenu au regard de
la subjectivité inhérente à la notion de représentation, qu’une définition objective de l’image
produite par les états financiers était impossible. A l’instar de ce qui définit la qualité de
résolution d’un écran, la densité des « pixels » comptables ne permet peut-être pas une
restitution très nette de la situation de l’entreprise. Toutefois, en dépit de ses imperfections,
l’existence même de ce médium et des dispositifs de normalisation et de contrôle auxquels il
est assujetti, reposent sur sa capacité à produire une synthèse des équilibres et des
performances de la firme communément et globalement signifiante pour les investisseurs. La
notion d’information financière, implique en effet l’utilisation d’un langage intelligible par
l’ensemble des utilisateurs et donc l’existence d’un même référentiel sémantique collectif qui
leur permettrait d’en partager le sens sans ambiguïté majeure. A l’exception des
manipulations susceptibles de les affecter, les états financiers devraient donc engendrer chez
chacun d’entre eux une perception identique de la situation économique passée de
l’entreprise. Dans cette logique et conformément à une théorie financière fondée sur
l’actualisation des revenus futurs, la réaction de ces opérateurs procéderait fondamentalement
du réajustement de leurs anticipations à partir de la nouvelle référence de calage que
constitue, à l’instar du « top » de l’horloge parlante, le dernier jeu d’informations comptables
publié. Une telle révision implique de fait une évaluation de l’impact de ces informations sur
les résultats futurs de l’entreprise et, donc, une certaine forme de prévision assise sur ses états
financiers.
L’idée même de prévision suppose par définition une connaissance plus ou moins précise des
lois et des régularités qui gouvernent le phénomène dont on souhaite précisément projeter les
évolutions. L’idéal pour tous les investisseurs serait bien entendu d’anticiper l’évolution
future des cours. De fait, et conformément à la logique « fondamentale », les informations
comptables restent sans aucun doute et en dépit des inévitables conventions sur lesquelles
elles reposent, la source la plus fiable concernant la situation réelle des entreprises. De
manière indirecte et comme l’atteste le cadre conceptuel de l’IASC, les états financiers
servent évidemment de référence à l’évaluation des titres des firmes qui les produisent dans la
lignée directe des ratios tels que le PER ou le ratio valeur comptable sur valeur de marché. Or,
sus de leur degré élevé de sécurité, les données comptables ont naturellement une cohérence
dans le temps pour une même entreprise et celles du même secteur puisqu’elles ont
notamment pour fonction de restituer fidèlement des flux d’exploitation naturellement soumis
à certaines constantes naturellement liées à la nature de l’activité exercée. Dans cet esprit, le
compte de résultat auquel s’ajoutent également des ratios de structure extraits du bilan est
justement par sa fonction même le support d’anticipation des performances futures de la firme
concernée. C’est d’ailleurs bien ce souci d’homogénéité et de cohérence prospective qui fonde
de manière plus ou moins implicite l’exigence d’une information financière sectorielle
indispensable à l’intelligibilité des performances de certains groupes aux activités multiples.
Autrement dit, dans la droite ligne des démarches d’analyse financière, l’étude et le suivi de
certains ratios fondamentaux d’exploitation de la firme permettrait peu ou prou d’induire ses
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résultats futurs à partir de la simple connaissance de son volume d’affaires. S’ils ne disposent
évidemment pas des informations fines issues de la comptabilité managériale, les analystes
comme les contrôleurs de gestion cherchent ainsi à identifier les facteurs de causalité des
coûts qui leur permettent également d’établir grossièrement des formes de « budgets » à partir
de leurs anticipations de la conjoncture. Cette logique prévisionnelle est bien celle qui prévaut
dans des consensus qui ont précisément pour fonction de fournir au marché la confrontation
de leurs estimations respectives.
Cette logique de prévision conduit naturellement à s’interroger sur les liens de causalité entre
l'information comptable produite par les entreprises et son interprétation et son utilisation par
les investisseurs sur les marchés d’actions. Dans cet objectif, cette étude comporte deux volets
de recherches fondamentaux complémentaires. Le premier axe vise à caractériser de manière
globale le comportement des investisseurs sur les marchés financiers lors de la diffusion de
ces informations comptables. A un niveau plus détaillé, le deuxième axe consiste à analyser
de manière micro-analytique l'attitude individuelle des opérateurs sur les marchés et le
processus de formation et d'exécution des ordres qui y sont passés. Dans ces deux volets, les
états financiers constituent évidemment un support fondamental de la décision des
investisseurs. Ces deux études contribuent donc de manière convergente à explorer la
rationalité des opérateurs d'abord par une étude de réaction des marchés financiers autour des
publications d'information comptable ensuite, par une méthodologie d'économie
expérimentale.
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I. Annonces de résultats et convergence des anticipations
des investisseurs en France et aux Etats-Unis 4
1. Introduction
Malgré leur poids modeste dans l’ensemble des informations fournies sur les marchés
financiers, les données comptables sont indiscutablement fondamentales pour les
investisseurs. Elles leur permettent en effet d’apprécier la rentabilité de la firme ainsi que le
risque de sa politique d’investissement et plus généralement ses perspectives d’évolution. De
toutes les informations financières diffusées régulièrement par les entreprises durant leur
exercice comptable, le résultat net est sans doute la publication qui a le plus d’importance
pour les actionnaires. Si ce résultat est soumis à l’approbation de l’assemblée générale
ordinaire annuelle, il est surtout par l’affectation qu’elle décide la source des dividendes qui
rémunèrent leurs apports. Les comptes annuels sont, de surcroît, parmi l’ensemble des
publications comptables, celles qui, par le degré maximal de certification dont ils font l’objet
de la part des auditeurs, présentent la meilleure garantie de fiabilité pour les investisseurs.
D’un point de vue théorique, une information financière de bonne qualité est utile au marché
lorsqu’elle a une incidence sur les prix ou les volumes échangés. Conformément à l’hypothèse
d’efficience des marchés, les prix devraient donc refléter de manière instantanée le contenu
informatif des chiffres comptables au moment même où ils sont diffusés. On ne devrait ainsi
observer aucun délai de latence dans l’incorporation de l’information dans les cours.
Néanmoins, Plusieurs études (Bernard et Thomas, 1989 ; Jegadeesh et Titman ; 1993) ont mis
en évidence une anomalie correspondant à un ajustement progressif des cours à l’annonce des
résultats (« post-earnings announcement drift »). Cette anomalie remet de manière
incontestable en question l’hypothèse d’efficience des marchés. L’ensemble des anomalies de
marché tendrait à accréditer l’idée d’un faible contenu informatif des chiffres comptables et
en définitive du peu d’utilité de l’information financière pour les investisseurs. En dehors des
erreurs de mesures liées à des méthodologies inadaptées, et de la réduction de la signification
informative des agrégats comptables qui pourrait être imputée au moins en partie à
l’opportunisme des dirigeants, certaines études attribuent ces phénomènes soit à
l’hétérogénéité des interprétations des investisseurs, soit à des situations asymétriques entre
les investisseurs qui ont tendance à perdurer dans le temps. Ces situations auraient pour
origine des différences dans la collecte de l’information brute préalablement aux annonces ou
des différences dans la capacité de traitement de l’information, dues à l’hétérogénéité des
compétences ou des spécialités professionnelles.
De nombreux articles ont étudié la convergence et le degré de fiabilité des analystes en
rapprochant leur prévision des performances effectivement atteintes par les firmes soumises à
leur examen. Peu de travaux se sont cependant penchés au niveau plus général du marché sur
la rapidité avec laquelle un certain consensus semblait s’établir sur la valeur des actions
concernées. De manière purement intuitive et théorique, à une vue partagée des investisseurs
sur les perspectives conjoncturelles de la politique et de la structure d’exploitation des
entreprises étudiées, devrait être associée une convergence rapide de leurs estimations sur le
4
Cette première partie fait l’objet de travaux de recherche développés par Jean-François Gajewski et Bertrand
Quéré.
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marché. Toute forme d’instabilité dans les ratios comptables et financiers, un manque de
visibilité dans l’action des dirigeants ou des aléas économiques du secteur devraient
engendrer à l’inverse une grande dispersion de leurs anticipations.
Les anticipations des opérateurs sont naturellement étroitement dépendantes des informations
dont ils disposent. Si, par construction et en vertu des exigences légales qui interdisent
l’utilisation d’informations privilégiées, ils ne peuvent opérer sur le marché qu’à partir de
l’information publique disponible, ce substrat n’est évidemment pas le même pour
l’investisseur institutionnel ou le simple épargnant. Si, de fait, les informations primaires
publiées par les sociétés sont en principe accessibles à tous, leur collecte et leur traitement
nécessitent du temps et un certain degré d’expertise ne serait-ce qu’en termes de lecture des
comptes ou d’analyse financière. Ce traitement est naturellement coûteux par l’infrastructure
en personnel qualifié qu’il suppose et n’est naturellement accessible qu’à de véritables
professionnels de la finance. Il produit de fait une information secondaire et privée constituant
un avantage économique et concurrentiel de valeur que les détenteurs concernés ne sauraient
en effet céder à leur tour gratuitement au marché. A l’inverse, les petits épargnants ne peuvent
que s’en remettre à des analyses largement diffusées dans la presse ou aux conseils plus
communs de leur banquier. La notion de convergence des anticipations est donc naturellement
et inversement liée au concept d’asymétrie d’information.
La littérature théorique, que nous développerons dans une partie spécifique, dissocie deux
approches implicites en matière d’asymétrie d’information au voisinage des annonces de
bénéfices. La première approche à « horizon court » considère que l’avantage informationnel
correspondant est entièrement neutralisé par la publication correspondante. L’hypothèse sousjacente tient au fait que l’information publiée est un substitut de l’information privée détenue
avant sa survenance. Dans cette logique de dissipation de l’asymétrie postérieurement à cette
échéance, les investisseurs ont intérêt à acquérir de l’information avant l’annonce pour
pouvoir profiter d’un tel avantage. Si ces investisseurs informés souhaitent tirer le maximum
de profit de leur information, ils ont intérêt à opérer de telle sorte que leurs transactions ne
puissent être détectées par le marché. La stratégie idéale est alors peut-être d’attendre la
publication des résultats pour noyer leurs ordres dans l’ensemble des ordres provenant
d’agents échangeant pour des motifs de liquidité. La deuxième approche, plus conforme à la
théorie financière qui fait de la valeur d’un actif l’actualisation de ses revenus futurs considère
l’annonce de bénéfice comme la simple révélation d’un des termes du calcul de cette valeur
actuelle et admet la persistance d’une asymétrie après cet événement. Dans cette théorie
« prospective » ou à « horizon long », certains auteurs voient dans la publication des résultats
un simple complément de l’information à celle détenue antérieurement par les investisseurs
informés. Au lieu de résoudre l’asymétrie d’information existant antérieurement à sa
survenance, l’information publiée aurait au contraire tendance à l’accentuer en raison du
supplément d’incertitude qu’elle engendre pour certains opérateurs.
Aucune des investigations empiriques menées jusqu’alors ne permet de trancher clairement
entre ces différentes approches. Aucune étude n’a étudié l’effet des publications
intermédiaires sur les situations d’asymétrie d’information et sur la vitesse de convergence
des anticipations après les annonces de résultats annuels. En effet, une approche objective de
cette asymétrie suppose que son existence soit conditionnée par un différentiel d’informations
réelles produites par les firmes ou les analystes et non pas en vertu de conjectures construites
dans le secret des consciences de chaque opérateur. En l’absence de diffusion d’information,
ces conjectures ne sauraient être considérées comme des informations à l’exception de ce
qu’elles révèlent indirectement dans les cours, les volumes, les fourchettes de prix ou les
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rentabilités concernées. De ce point de vue, la littérature semble confondre ou à tout le moins
négliger la frontière très ténue qui permettrait précisément de dissocier avec finesse la notion
d’hétérogénéité des anticipations du concept d’asymétrie d’information lui-même. Si ces
anticipations reposent naturellement sur un référentiel de données objectives qui n’est pas
nécessairement identique pour tous les opérateurs suivant leur plus ou moins grande capacité
de collecte ou de traitement, elles comportent des prévisions personnelles qu’on ne peut
vraiment assimiler à de l’asymétrie. A substrat d’information identique, deux analystes aux
moyens et compétences voisines pourraient ainsi produire des anticipations différentes.
Enfin, appliqué à l’asymétrie d’information, le terme « substrat » est lui-même porteur de
présupposés particulièrement ambigus. Il accrédite l’idée d’un « stock » d’information
s’accumulant de manière différenciée chez les opérateurs. Cette différence serait
régulièrement réduite voire annulée par la publication des données correspondantes ou par
une sorte d’évaporation liée à un processus progressif de révélation indirecte au marché à
travers les cours ou les volumes de transaction. Dans cet esprit, on peut se demander si
l’asymétrie est un phénomène persistant et constamment renouvelé ou si elle n’apparaît que
de manière fugace autour d’un évènement particulier affectant l’entreprise.
L’objet de cette partie consiste précisément à résoudre ces contradictions en identifiant les
déterminants de la convergence des anticipations et l’asymétrie d’information correspondante
des investisseurs au voisinage des annonces de résultat. Dans cet objectif, une approche
comparative des marchés français et américains qui offrent des environnements institutionnels
très différents en termes de publication des comptes est appropriée. Elle porte naturellement
sur les différents types de publication existant dans ces deux pays qu’il s’agisse des comptes
semestriels prévalant dans l’hexagone ou des états financiers trimestriels légalement requis
outre atlantique. En effet, la fréquence des publications de résultat, qu’il s’agisse du trimestre
aux Etats-Unis ou du semestre en France peut certainement avoir une influence déterminante
sur l’amplitude des phénomènes observés. Dans une logique fondamentale, ce sont
naturellement les informations comptables primaires qui en fonction du degré de prévisibilité
des différentes composantes du résultat sont susceptibles de jouer un rôle majeur dans le
niveau d’asymétrie d’information existant entre les agents. On ne saurait négliger pour autant
les estimations des analystes qui comme, sous-ensemble de la communauté financière et
comme médium exercent une grande influence sur le marché. Cette influence est telle que de
nombreux travaux ont précisément choisi la dispersion de leurs prévisions comme variable de
substitution (proxy) permettant une mesure approchée de l’asymétrie de l’information ellemême. Dans ce contexte et au-delà de la prise en compte des consensus correspondants,
différentes variables de contrôle usuelles telles que la taille des firmes concernées, leur risque
et l’intensité de la surprise provoquée par la diffusion des résultats ont été intégrées dans cette
étude. La durée d’un avantage informationnel est vraisemblablement limitée pour des firmes
très surveillées par le marché alors qu’elle est sans doute plus longue pour celles qui ont une
taille moindre.
En l’absence de toute manipulation, ce que nous présupposerons par construction tout au long
de cette étude, l’information comptable fait en effet l’objet de normes précises en termes
d’établissement et de contrôle. Le respect de ces règles dont on peut évidemment critiquer les
fondements théoriques et le caractère plus ou moins contraignant produit des items
comptables qui peu ou prou sont à la disposition de tous sous un format standard dans la
logique même de l’idée de normalisation. Autrement dit, en l’absence de toute information
privilégiée, les imperfections de ces items altèrent leur nature pour l’ensemble des opérateurs
du marché. On peut donc effectivement se demander si en la matière ne prévaut pas une
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confusion entre la qualité de la donnée comptable elle-même et l’exploitation que peuvent en
faire les investisseurs suivant leur plus ou moins grand degré d’expertise et le substrat
d’information préalablement accumulé sur la firme concernée. Cette disparité entre les
investisseurs liés à leurs moyens et leurs compétences aboutit à un différentiel dont on évalue
mal les rapports avec l’asymétrie d’information elle-même.
Après une première partie consacrée à une synthèse de littérature, la deuxième partie traite des
intuitions et des hypothèses à tester. Dans une troisième partie, nous exposons la
méthodologie pour discuter ensuite, dans une dernière section les résultats obtenus et le
réalisme des concepts sur lesquels ils reposent et présenter enfin les conclusions
correspondantes.
2. Synthèse de littérature
Les annonces de bénéfice diffusées par les entreprises constituent précisément l’occasion
pour les investisseurs d’actualiser et de parfaire le substrat d’information leur permettant
d’anticiper au mieux les résultats futurs de la société. La suppression d’un élément
d’anticipation lié à la diffusion des dernières performances réelles de l’entreprise devrait
logiquement réduire une partie de l’avantage détenu par les agents informés avant l’annonce
et donc l’asymétrie d’information elle-même. Verrecchia (1982) montre d’ailleurs, dans cette
logique de « butoir » et conformément à cette intuition, que l’information privée perd de son
utilité lorsqu’elle est révélée publiquement. Les modèles théoriques de Kim et Verrecchia
(1991b), Demski et Feltham (1994) et de McNichols et Trueman (1994) montrent ainsi que
certains agents ont intérêt à acquérir de l’information privée préalablement à l’annonce pour
pouvoir profiter de cet avantage avant qu’il ne soit neutralisé par la publication
correspondante.
La mesure de cette asymétrie demeure toutefois particulièrement délicate à réaliser et les
différentes méthodes utilisées dans la littérature sont loin d’être homogènes et convergentes.
L’article de Van Ness, Van Ness et Warr (2001) est à ce titre révélateur de cette difficulté.
Ces auteurs examinent plusieurs modèles d’estimation de l’asymétrie d’information et en
évaluent leur performance. Ils comparent les modèles fondés sur les variables de marché
(Glosten et Harris, 1988 ; George et al., 1991 ; Lin, Sanger et Booth, 1995 ; Madhavan,
Richardson et Roomans, 1997 ; Huang et Stoll, 1997) aux modèles fondés sur les
caractéristiques des titres et des entreprises correspondantes (volatilité, volume de transaction,
endettement, erreurs de prévision des analystes, dispersion des prévisions des analystes,
market-to-book, taux de recherche et développement, nombre d’analystes et pourcentage de
titres détenu par les institutionnels). Ils remettent en question la capacité des modèles de
décomposition de la fourchette de prix à mesurer avec précision l’asymétrie d’information au
bénéfice des variables fondées sur les caractéristiques des entreprises et des prévisions.
De manière générale, il existe néanmoins un consensus quant à la validité de la fourchette de
prix comme indicateur de cette asymétrie même si d’autres facteurs, tels que les coûts de
stockage et le coût de production des ordres viennent en parasiter l’évaluation. La
méthodologie utilisée dans les présents travaux s’attache toutefois dans une logique
différentielle à en neutraliser les effets par le biais d’une mesure d’un excédent de fourchette
de prix lors de l’annonce et non pas d’une magnitude brute. Affleck-graves et al. (2002)
étudient justement la relation entre la prévisibilité des résultats et l’évolution de la
composante de sélection adverse à l’annonce de bénéfice. Sur la base d’un échantillon
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d’entreprises du NASDAQ, ayant annoncé leurs résultats entre 1985 et 1990, ils caractérisent
plusieurs faits. D’abord, sur les périodes sans annonce, les entreprises, pour lesquelles les
résultats sont les moins prévisibles (plus grande dispersion des analystes et erreurs de
prévision plus fortes), ont les fourchettes de prix les plus larges. Ensuite, ils montrent qu’il y a
une augmentation de la composante de coût de sélection adverse le jour précédant l’annonce
et le jour de sa survenance pour les firmes ayant annoncé les résultats les moins prévisibles.
Yohn (1998) montre aussi de manière empirique que les accroissements de fourchettes de prix
avant les annonces de résultats sont négativement liés à la taille de l’entreprise et au nombre
d’analystes suivant l’entreprise, et positivement reliés à la variabilité des résultats préalable à
l’annonce et à la réaction non anticipée du marché. Cependant, ces articles ne prennent pas en
compte l’évolution de la profondeur du carnet d’ordres autour des annonces de résultat.
En effet, d’autres études (Mann et Ramanlal, 1996 et Kavajecz, 1999) mettent en avant la
profondeur comme un moyen pour les spécialistes et les donneurs d’ordres à cours limité pour
se prémunir contre les ordres fondés sur de l’information privée. Dans une logique d’effet
d’annonce, la profondeur du carnet d’ordres aux meilleures limites à l’achat et à la vente est
aussi utilisée comme un indicateur supplémentaire de cette asymétrie. Si on considère le
résultat net publié par les entreprises comme un substitut de l’information privée, les agents
informés peuvent voir leur avantage se réduire du fait même de la publication du bénéfice.
Intuitivement, la fourchette de prix prise comme estimateur du degré d’asymétrie
d’information entre les investisseurs devrait donc logiquement s’élargir avant les annonces
pour se réduire après. De même, la « profondeur » du carnet d’ordres déterminée en fonction
des quantités demandées et offertes devrait quant à elle diminuer peu avant sa survenance
pour s’accroître ensuite. Pourtant, les observations empiriques faites par Morse et Ushman
(1983) ne constatent aucun changement significatif de la fourchette de prix antérieurement
aux publications concernées. A leur tour, Venkatesh et Chiang (1986) examinent le cas des
annonces de bénéfice suivies de celle des dividendes et montrent effectivement un
accroissement des fourchettes de prix avant le deuxième type d’événement mais, ne décèlent
en revanche pas de variation significative de cet indicateur préalablement aux annonces
lorsqu’elles sont simultanées.
Dans ce contexte, il existe de fait une contradiction entre les observations empiriques et les
intuitions tirées de la théorie pour le degré d’asymétrie d’information existant antérieurement
aux annonces. En réalité, une telle discordance est vraisemblablement imputable au fait que la
notion de fourchette de prix estimée de manière quotidienne ne coïncide pas totalement avec
le degré d’asymétrie d’information, car elle incorpore d’autres éléments tels que le coût de
stockage ou le coût de passation des ordres. En corrigeant ces imperfections pour obtenir des
mesures plus précises, Brooks (1996) et Krinsky et Lee (1996) constatent néanmoins une
amplification de l’asymétrie d’information non seulement avant l’annonce mais également
après. Yohn (1998) décèle lui-aussi une augmentation des fourchettes de prix quatre jours
avant la publication et une persistance de cet effet un jour postérieurement à sa survenance.
Cette contradiction peut provenir de trois raisons. D’abord, on pourrait penser que les
situations d’asymétrie d’information se dissipent rapidement après l’annonce de telle sorte
que des données quotidiennes ne sont pas suffisamment précises pour capter un quelconque
effet. Afin de déterminer cet effet immédiatement après l’annonce, Lee et al. (1993) en
étudiant des tranches horaires d’une demi-heure mettent en évidence un élargissement des
fourchettes de prix et une diminution des profondeurs deux jours avant l’annonce. Dans leur
travaux, l’effet le plus significatif est détecté dans la demi-heure contenant l’annonce tandis
que l’augmentation des fourchettes de prix persiste un jour après sa survenance. Les
11
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
profondeurs retrouvent quant à elles leur niveau trois heures après l’annonce. Gajewski (1999)
parvient également à isoler avec précision l’effet des annonces sur le degré d’asymétrie
d’information en en prenant comme point de départ l’heure exacte de l’annonce. A partir du
modèle de Hasbrouck (1991), il constate ainsi un élargissement des fourchettes de prix et un
accroissement du degré d’asymétrie d’information consécutivement aux annonces de résultat.
Bushman et al. (1997) parviennent à résoudre cette contradiction en démontrant que dans
certaines situations, même si l’avantage informationnel peut être réduit lors de la survenance
de la publication correspondante, les agents informés peuvent être incités à différer leurs
transactions après l’annonce de manière à diminuer l’impact de leurs ordres. Le modèle
repose sur l’hypothèse que les investisseurs ayant un besoin de liquidité peuvent choisir le
moment de leurs transactions et précisément échanger après les annonces de bénéfice. Les
agents informés peuvent ainsi profiter d’une sorte d’effet de « camouflage » de leurs ordres.
Le bénéfice retiré de ce qui s’apparenterait à un « termaillage » peut dans certains cas s’avérer
supérieur à la perte liée à la réduction de l’avantage informationnel. Il apparaît ainsi que des
situations d’asymétrie d’information peuvent effectivement perdurer après l’annonce.
Finalement, une telle persistance d’asymétrie d’information post-annonce a également conduit
certains chercheurs à développer un courant théorique opposé à celui postulant une réduction
de l’asymétrie d’information postérieurement à l’annonce. Selon l’hypothèse centrale, le
bénéfice n’est plus considéré comme un substitut de l’information privée mais comme un
signal imparfait de la valeur de l’entreprise. Dans ces conditions, certains agents, en position
de supériorité informationnelle5 auraient plus de facilité à induire du bénéfice publié les
perspectives futures de l’entreprise et donc sa valeur. Ils extrapoleraient ainsi d’autant plus
facilement l’annonce correspondante qu’ils auraient acquis antérieurement de l’information
permettant précisément d’affiner leur estimation. Dans ce contexte, postérieurement à la
publication du résultat, des situations d’asymétrie se maintiendraient vis-à-vis des
investisseurs ne disposant pas d’un tel substrat. Autrement dit, selon ces auteurs qui concluent
de manière un peu ambiguë, les situations d’asymétrie d’information peuvent aussi provenir
de l’hétérogénéité des interprétations du résultat annoncé (Indjejikian, 1991 ; Harris et Raviv,
1993 ; Kim et Verrecchia, 1994 ; Kandel et Pearson, 1995).
Néanmoins, l’ensemble de ces études n’ont pas pensé à utiliser les publications intermédiaires
pour apprécier les situations d’asymétrie d’information et la vitesse de convergence des
anticipations après les annonces de résultat. En effet, afin de permettre aux investisseurs de
réagir rapidement à une information fréquemment réactualisée leur donnant une vision plus
« continue » de l’évolution de la firme, la loi prévoit, dans la plupart des cas, la publication
d’états financiers intermédiaires, même s’ils ne sont pas soumis à une procédure aussi
complète. En France, selon la loi du 24 juillet 66, le décret du 23 mars 67 et le règlement de
l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) 87-03, les entreprises doivent publier leurs chiffres
d’affaires trimestriels et leur compte de résultat semestriel. Aux Etats-Unis, la réglementation
S-X de la « Security and Exchange Commission » (S.E.C.) définit la forme et le contenu des
états financiers de ce pays. Les firmes cotées en bourse doivent en effet remplir le formulaire
10-K pour les rapports annuels et le formulaire 10-Q pour les trois rapports trimestriels. Ces
rapports intermédiaires doivent faire apparaître, comme le rapport final, le montant du résultat
5
Des investisseurs peuvent avoir une culture des états financiers, des analystes financiers peuvent être chargés
par une institution (société de gestion, banque, etc.) de suivre et d’analyser en détail l’évolution des résultats
d’une entreprise. Les actionnaires majoritaires et les membres du Conseil d’Administration, disposant
d’informations supplémentaires au moment de la publication des résultats sont mieux à même de juger
l’information contenue dans le bénéfice.
12
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
net de la période. L’information contenue dans les publications intermédiaires est cependant
beaucoup moins détaillée que celle des comptes annuels. La loi française prévoit notamment
la simple publication des chiffres d’affaires trimestriels, alors que les comptes annuels
comprennent le bilan, le compte de résultat et l’annexe. Autrement dit, de telles publications
paraissent a priori trop sommaires pour engendrer des réactions significatives. Il semble en
fait qu’elles soient interprétées non pas de manière absolue et isolée mais comme support
d’extrapolation du bénéfice annuel. Deux éléments semblent confirmer ce schéma mental.
D’abord, les investisseurs sont en termes d’éducation et de pratique, habitués à analyser la
situation financière de la firme sur la base d’un exercice entier. Deuxièmement, la
performance des entreprises ayant une activité saisonnière ne peut être valablement appréciée
que sur la totalité de cet exercice. Ce comportement est de manière indirecte confirmé par les
consensus d’analystes eux-mêmes. IBES, Jacques Chahine ou Associés en Finance, dans leurs
prévisions, estiment en effet des bénéfices nets finals et non des résultats intermédiaires. Les
actionnaires auraient ainsi à l’esprit une sorte de hiérarchie implicite au sommet de laquelle se
trouverait le résultat net annuel. C’est d’ailleurs dans le sens d’une fixation fonctionnelle sur
le résultat annuel que Gajewski et Quéré (2001) interprètent les résultats de leurs travaux
menés sur le marché français. De toute évidence, l’information diffusée par les publications
intermédiaires est perçue comme une image imprécise du bénéfice net annuel. Cette image
devient de plus en plus précise à l’approche de la clôture de l’exercice. En vertu de cette
logique, l’effet des publications comptables successives sur le degré d’asymétrie
d’information devrait être de nature différente, puisqu’elles n’ont pas en principe la même
valeur pour les investisseurs. Autrement dit, il devrait être possible de dresser une typologie
de comportement du marché lié à la nature et au « timing » des annonces diffusées par les
entreprises. Le degré d’asymétrie d’information devrait de fait résulter pour une partie de la
précision de l’information divulguée et, pour une autre, par son degré de proximité de la
clôture de l’exercice. L’information contenue dans le bénéfice annuel étant plus précise, les
situations d’asymétrie d’information devraient être moins marquées à l’annonce du résultat
annuel qu’aux annonces intermédiaires. Il existerait ainsi une sorte d’effet temporel en vertu
duquel plus on s’approche de la publication du résultat annuel, plus le degré d’asymétrie
d’information diminue.
Libby, Mathieu et Robb (2002), étudiant le marché canadien, sont les seuls à prouver, à partir
d’un modèle à équations simultanées de la fourchette de prix et de la profondeur, que cette
dernière est significativement plus élevée lors de l’annonce des résultats annuels que lors des
annonces de résultats trimestriels. En revanche, la fourchette de prix ne paraît pas
significativement plus faible. La vitesse de convergence des anticipations à l’annonce des
résultats dépend également de la qualité de l’information financière diffusée. Kanagaretan et
al. (2005) examinent également le lien à l’annonce de bénéfice entre la fourchette de prix, la
profondeur et le niveau ex-ante d’asymétrie d’information, caractérisé par la dispersion des
prévisions des analystes financiers, leur nombre pour la valeur concernée et la volatilité de
leurs révisions. Leurs résultats montrent que le spécialiste élargit la fourchette de prix et
diminue la profondeur consécutivement à l’annonce, s’il est confronté au risque d’échanger
avec des agents mieux informés que lui. Ces effets sont d’autant plus marqués que le degré
d’asymétrie d’information ex-ante est plus élevé.
Cependant, peu d’études se sont intéressées à l’impact de la qualité de l’information
comptable diffusée sur le risque de sélection adverse lors des annonces des résultats. L’objet
de ce travail consiste donc à identifier les déterminants de la convergence des anticipations
des investisseurs, en tenant compte à la fois de la politique de communication des entreprises,
et de l’ensemble d’informations diffusées par les analystes financiers. Ces travaux s’appuient
13
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
sur les environnements institutionnels des marchés américains et marché français. Dans une
logique de comparaison entre ces deux pays, l’hypothèse de convergence sera abordée dans
une optique globale en termes de prix, de volume et de volatilité. L’étude des fourchettes de
prix et des profondeurs a pour objet de trancher entre l’hypothèse d’asymétrie d’information
prévalant au voisinage des annonces de l’hypothèse de divergence d’anticipations. Ces
travaux corrigent les inconvénients relevés par la littérature dans l’utilisation de la dispersion
des prévisions des analystes comme mesure de l’asymétrie d’information. La méthodologie,
qui isole en effet la composante « anormale » de la fourchette de prix au voisinage de
l’annonce, a pour objectif d’’estimer le degré auquel cette composante et la profondeur de
carnet d’ordres correspondante sont induites par l‘asymétrie d’information ou la divergence
d’anticipations.
3. Les éléments théoriques, les intuitions et le développement des hypothèses
Afin d’analyser la vitesse de convergence des anticipations à l’annonce de résultat, nous
étudions d’abord le comportement des investisseurs en termes de rentabilités et de volumes
échangés pour examiner ensuite l’évolution des situations d’asymétrie d’information qui y
sont associées, grâce à une analyse des fourchettes de prix et des profondeurs.
Le comportement des investisseurs à l’annonce des résultats
Le comportement du marché français à l’annonce des résultats ne saurait être spécifié qu’en
vertu d’une comparaison avec d’autres marchés boursiers. Les publications intermédiaires
américaines requises par la SEC constituent de ce fait un point de comparaison intéressant 6.
La communication du résultat net suit en effet une cadence trimestrielle aux Etats-Unis alors
qu’elle est semestrielle en France où seul le chiffre d’affaires est publié à intervalles
trimestriels. Autrement dit, à un format de publication intermédiaire constant et homogène
outre atlantique s’opposent des publications d’une double nature dans l’hexagone 7. Dans ce
contexte, ces publications ne devraient pas avoir la même valeur pour les investisseurs.
La différence des réactions observées devrait de fait résulter pour une partie de la nature de
l’information divulguée et, pour une autre, du degré de proximité de la clôture de l’exercice.
Ce degré de proximité devrait être, en raison du contenu invariable des publications
trimestrielles aux Etats-Unis, le seul facteur explicatif de la variété des réactions observées sur
les marchés américains. En d’autres termes, une telle comparaison devrait mettre en évidence
un « effet temporel » sur le marché américain qui permettrait par différence d’identifier un
« effet contenu » issu de la nature duale des annonces sur le marché français. Il serait ainsi
possible d’évaluer le degré d’utilité des publications trimestrielles françaises limitées au
chiffre d’affaires par comparaison avec celles qui prévalent aux Etats-Unis.
Gajewski et Quéré (2001), montrent ainsi que les investisseurs sont effectivement peu
sensibles aux annonces de chiffres d’affaires mais réagissent de manière significative aux
annonces de bénéfice semestriel et annuel. Dans ces conditions, on peut se demander si la
6
Ce type de comparaison entre les marchés boursiers a déjà été réalisé par Grant (1980), mais elle concernait
l’OTC et le NYSE qui sont tous deux des marchés américains.
7
Alors qu’aux Etats-Unis l’article 10.01 de la réglementation S-X n’impose pas l’audit des publications
trimestrielles, les rapports intermédiaires français sont soumis à des niveaux variés de contrôle de la part des
commissaires aux comptes. Ces niveaux sont, par ordre d’importance, la certification, l’attestation et la
vérification. Les comptes annuels sont « certifiés », les rapports semestriels « attestés » alors que les chiffres
d’affaires sont simplement « vérifiés ».
14
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publication du chiffre d’affaires est vraiment utile aux investisseurs. La faiblesse du contenu
informatif de cette publication explique vraisemblablement le peu d’intérêt que lui accordent
les actionnaires. L’annonce des chiffres d’affaires trimestriels ne permet donc pas de diffuser
de manière régulière sur le marché une information qui s’accumule comme un gaz sous
pression jusqu’à sa libération soudaine par le biais d’une publication plus « pertinente ». Dans
cette logique de vases communicants, le niveau de réaction français aux annonces du premier
semestre et du second semestre devrait être rapproché de celui provoqué par les bénéfices
trimestriels américains. Suivant cette hypothèse qui reste à vérifier, en raison de leur
espacement semestriel, les réactions françaises aux bénéfices intermédiaires et finals devraient
être bien plus importantes que celles détectées sur le marché américain. Nous formulons donc
l’hypothèse 1.1.
Hypothèse 1.1 : l’amplitude de la réaction des investisseurs à l’annonce des résultats
semestriels et annuels sur le marché français est plus forte que celle constatée à l’annonce
des résultats trimestriels sur le marché américain.
Dans la littérature, plusieurs modèles théoriques ont été construits de manière à prévoir le
volume d’échange autour de l’annonce de résultat (Karpoff, 1986 ; Ziebart, 1990 ; Atiase et
Bamber, 1994 ; Kandel et Pearson, 1995). Le modèle de Karpoff (1986) prédit que le volume
de transaction provient à la fois de la dispersion des anticipations formées avant l’annonce et
de la manière divergente avec laquelle les agents interprètent l’information publiée. En outre,
ce volume persiste après la période d’événement et diminue en fonction des coûts de
transaction. Kim et Verrecchia (1991a) lient le volume échangé au prix des actifs tout en
prenant en compte l’effet de surprise consécutif à la publication de l’annonce. Leur modèle
retient les caractéristiques de l’annonce, les anticipations des intervenants ainsi que leurs
connaissances antérieures. Selon eux, l’information publiée est d’autant plus importante
qu’elle est riche en contenu et incrémente de manière significative le substrat d’information
existant. Ils montrent ainsi que le volume de transaction anticipé est une fonction croissante
de la « précision » de l’information contenue dans l’annonce mais à l’inverse, en relation
décroissante avec la « précision » des connaissances antérieures. En outre, ce volume varie
proportionnellement aux changements de prix en valeur absolue. Dans le modèle de Kim et
Verrecchia (1994) fondé sur l’hypothèse d’asymétrie d’information, la plus grande partie du
volume de transaction autour de l’annonce proviendrait des agents informés. En complément
des études théoriques, de multiples travaux empiriques ont été effectués. Atiase et Bamber
(1994) confirment en effet l’hypothèse de Kim et Verrechia (1994) en prouvant que la
variation du volume de transaction lors de l’annonce est une fonction croissante du degré
d’asymétrie d’information car le caractère éphémère de cet avantage incite les agents
informés à effectuer rapidement leurs transactions afin d’en tirer profit. Dans leurs travaux, il
s’agit, d’une part, d’analyser l’évolution du volume de transaction au voisinage de l’annonce
de bénéfice et d’autre part à détecter les facteurs susceptibles d’affecter l’intensité d’échange
sur la période correspondante. Les auteurs semblent s’accorder sur le fait que le volume
d’échange s’ajuste fortement à l’information le jour même de l’annonce ou dans les quelques
jours qui la suivent (Morse, 1981 ; Bamber, 1987). De fait, Patell et Wolfson (1984) montrent
que le volume de transaction s’accroît notablement durant les deux heures qui suivent
l’annonce et selon Morse (1981), cet effet se poursuit même pendant trois jours. Gajewski
(1999) confirme cette hypothèse sur le marché français en prouvant que le volume du jour
d’annonce est plus élevé que le volume des jours sans annonce. Beaver (1968) prouve que le
volume d’activité augmente considérablement pendant la semaine contenant la date
d’annonce ce que confirment Holthausen et Verrecchia (1990).
15
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L’étude des déterminants du volume de transaction permet de confirmer certaines prédictions
des modèles théoriques précités. Les auteurs justifient, de manière convergente, l’influence
positive des variations de prix sur les échanges. Beaver (1968), et Atiase et Bamber (1994)
prouvent en effet que les rentabilités anormales consécutives à une annonce sont
accompagnées d’une augmentation du volume d’opération, ce qui est cohérent avec le modèle
de Kim et Verrecchia (1991a). Cette conclusion est convaincante dans la mesure où les prix
servent de base à la détermination des rentabilités des actifs et donc à la prise de décisions des
investisseurs. Un changement de prix entraîne en effet des ajustements de la structure du
portefeuille, et donc des opérations d’achat et de vente.
Le deuxième déterminant du volume d’échange que révèlent certains travaux empiriques est
le « désaccord » entre les investisseurs. De manière synthétique, Bamber et al. (1997) le
caractérisent par trois grandeurs : la dispersion des anticipations (mesurée par la variance
correspondante avant l’annonce), la variation de cette dispersion, encore appelée
« divergence », entre les périodes situées respectivement après et avant l’annonce et enfin le
« jumbling » (lié au changement relatif des anticipations d’un investisseur par rapport à un
autre). En définitive, les auteurs montrent que ces trois grandeurs ont des impacts positifs sur
le volume d’échange, et ce, même après le contrôle de l’effet des variations de prix. Ces
éléments permettent de poser l’hypothèse 1.2.
Hypothèse 1.2 : Le volume d’échange en excès est plus élevé aux annonces de résultat en
France qu’aux aux annonces de résultat aux Etats-Unis.
Précision, « timing » de l’information contenue dans les résultats et asymétrie
d’information
De nombreux articles mettent en évidence que le marché réagit différemment aux publications
intermédiaires et finales (Gajewski et Quéré, 2001) car les résultats annuels font l’objet d’une
certification et d’un audit qui n’ont pas la même acuité dans le cas des annonces trimestrielles
aux Etats-Unis et semestrielles en France (Mendenhall et Nichols, 1988).
Du fait de cette moindre intensité, on peut penser que les résultats intermédiaires peuvent
contenir plus d’erreurs ou d’omissions et aussi conduire à des estimations moins précises de la
valeur de l’entreprise (Givoly et Ronen, 1981, Mendenhall et Nichols, 1988, Jones et Bublitz,
1990). En vertu de leur fiabilité moindre que celles des publications annuelles, les agents sont
donc prêts dans ce contexte à acquérir à titre onéreux de l’information supplémentaire
préalablement à l’annonce ce qui se traduit par un accroissement relatif du degré d’asymétrie
d’information. Les spécialistes ou les donneurs d’ordres à cours limité seraient donc
susceptibles de faire face à une augmentation relative du risque de sélection adverse plus forte
au moment des annonces de résultats intermédiaires qu’aux publications annuelles. Les
fourchettes de prix devraient ainsi s’y élargir davantage et les profondeurs diminuer plus
encore en vertu d’une asymétrie d’information plus importante qu’aux résultats de fin
d’année. Dupont (2000) développe un modèle dans lequel la précision du signal d’information
influe sur l’ajustement des quantités proposées par le spécialiste. Lorsque la précision du
signal est faible, comme dans le cas des annonces de résultat intermédiaire, les situations
d’asymétrie d’information sont plus fortes. Le spécialiste a alors tendance à diminuer ses
quantités offertes à l’achat et à la vente. Il est par ailleurs probable que le résultat annuel soit
en vertu de la certification et l’approbation auxquelles, de toutes les publications celle qui est
considérée comme étant la plus importante par les investisseurs. Il suscite donc une attention
16
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
et une recherche concurrente d’information de la part des agents qui réduit précisément les
avantages informationnels correspondants. Cela permet de spécifier l’hypothèse 1.3.
Hypothèse 1.3 : les fourchettes de prix sont plus larges et les profondeurs plus faibles aux
annonces de résultat intermédiaires qu’aux annonces de résultats annuels (résultat trimestriel
dans le cas des Etats-Unis et semestriel dans le cas de la France).
Le dispositif de publication des résultats est aux Etats-Unis fondé sur quatre publications
trimestrielles et une publication annuelle de résultats. En France, les seuls résultats publiés
sont les résultats semestriels et annuels. Sur les autres trimestres, nos entreprises n’ont que
l’obligation de diffuser leur chiffre d’affaires. Ainsi, la comparaison des marchés français et
américains devrait permettre par comparaison d’identifier un « effet contenu » lié à la nature
différente de l’information publiée. On devrait ainsi déceler un degré d’asymétrie
d’information plus élevé à l’annonce des publications semestrielles françaises, en raison de
leur fréquence moindre et du caractère très minimaliste de nos publications trimestrielles. De
fait, au regard de la fréquence inférieure des publications de résultat en France, les prévisions
de résultat annuel devraient dans notre pays être moins précises que celles qui prévalent aux
Etats-Unis. Ces éléments permettent ainsi de formuler l’hypothèse 1.4.
Hypothèse 1.4 : les fourchettes de prix observées lors des annonces de résultat annuel sont
plus larges et les profondeurs plus faibles en France qu’aux Etats-Unis.
Richesse de l’information préalable à l’annonce et asymétrie d’information
L’évolution des fourchettes de prix et des profondeurs à l’annonce de bénéfice dépendent du
substrat d’information dont disposent les agents antérieurement à l’annonce. Yohn (1998)
prouve que les fourchettes de prix sont négativement reliées à la richesse de ce substrat.
La dispersion des résultats est évidemment un obstacle à leur prévisibilité. S’ils sont très
volatils les investisseurs auront naturellement des difficultés à anticiper le bénéfice futur et
tenteront d’acquérir plus d’information privée pour apprécier la valeur de l’entreprise. Cette
accumulation d’informations devrait se traduire par un accroissement corrélatif des
fourchettes de prix. De surcroît, la publication d’un résultat volatile ne simplifie pas son
interprétation et conduit à une plus forte hétérogénéité des anticipations, ce qui se traduit
également par un élargissement des fourchettes de prix. La variabilité des résultats dépend
essentiellement de la structure des coûts, et en particulier de l’évolution de cette structure en
fonction du chiffre d’affaires. Si, à l’instar de ce qui prévaut dans l’établissement d’un budget,
la causalité de ces coûts est bien connue des investisseurs, ils peuvent induire sans difficulté
du chiffre d’affaires de la période, le résultat correspondant. Si cette structure n’est pas claire
ou très inconstante le résultat est à l’inverse difficilement prévisible.
Les éléments constitutifs des charges calculées peuvent également surprendre les investisseurs
lors des publications correspondantes. Au regard de la nature discrétionnaire de certaines de
leurs composantes, ces éléments sont en effet de nature à entraîner une plus grande
hétérogénéité des interprétations. Les fourchettes de prix seraient ainsi d’autant plus larges
que la part des charges calculées dans le résultat net serait plus élevée. Enfin, le résultat
exceptionnel (éléments non récurrents d’une année sur l’autre) est également un élément de
nature à entraîner des surprises à l’annonce du bénéfice et donc des divergences
d’interprétation de la part des investisseurs. Ces éléments permettent de poser l’hypothèse 1.5.
17
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Hypothèse 1.5 : les fourchettes de prix sont plus larges et les profondeurs plus faibles à
l’annonce des résultats annuels lorsque
- la part des dépenses non prévisibles est plus élevée;
- la part des charges calculées dans l’ensemble des dépenses est plus forte;
- la part du résultat exceptionnel dans le bénéfice est plus importante.
L’environnement informationnel influe naturellement sur la vitesse de convergence des
anticipations des investisseurs. En effet, dans une situation d’environnement riche en
information publique (voir la disponibilité de l’information ci-infra), les investisseurs peuvent
anticiper les résultats futurs avec plus de précision. Les surprises sont moins alors moins
fortes, et dans ces conditions, les agents sont moins incités à acquérir de l’information privée.
Un environnement riche en informations peut être caractérisé par le nombre de prévisions
d’analystes, leur écart-type et leurs erreurs. Si une entreprise suscite l’intérêt d’un plus grand
nombre d’analystes, les investisseurs disposent non seulement d’un grand nombre de
prévisions pour réviser leurs anticipations mais aussi d’un « consensus » assorti d’un risque
d’erreur moins élevé.
L’écart type des prévisions exerce de fait une influence sur l’asymétrie d’information ellemême. Plus ces prévisions sont dispersées, plus les anticipations des investisseurs
correspondantes ont une probabilité forte de divergence. Les investisseurs estiment alors les
résultats futurs avec un degré de précision plus faible, ce qui entraîne une plus grande
incertitude au moment de la publication du résultat et donc une asymétrie d’information plus
forte. Pour réduire cette incertitude, les agents devraient naturellement acquérir plus
d’information privée, ce qui augmente d’autant l’asymétrie d’information correspondante.
De même, l’amplitude des erreurs de prévision elle-même (ou de manière similaire l’intensité
de la surprise de résultat) est de nature à désorienter le marché et à entacher la prévisibilité des
résultats des entreprises concernées. Cette surprise peut également provenir d’une
manipulation de certaines composantes discrétionnaires du résultat. La précision des
prévisions réduit le risque de sélection adverse survenant autour de l’annonce de résultat.
Skinner (1994) prouve que les accroissements de fourchettes de prix après les annonces sont
d’autant plus importants qu’elles révèlent des surprises plus fortes. Ces éléments permettent
de poser l’hypothèse 1.6.
Hypothèse 1.6 : les fourchettes de prix sont plus larges et les profondeurs plus faibles à
l’annonce des résultats lorsque
- le nombre de prévisions de bénéfice est plus faible ;
- l’écart type des prévisions de bénéfice est plus élevé ;
- l’erreur moyenne de prévision est plus élevée.
4. La description des données et la détermination des aspects
méthodologiques
4.1. La détermination des échantillons d’annonces
La communication financière des sociétés s’est intensifiée au cours des vingt dernières
années, car les dirigeants doivent répondre à la fois aux nouvelles attentes des investisseurs et
aux caractéristiques actuelles des marchés financiers. Cette communication a donc pris
différentes formes, et les dirigeants n’hésitent pas à utiliser l’ensemble des canaux
18
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d’information de manière soit simultanée soit consécutive. Aux voies traditionnelles de
communication que sont la publication des comptes annuels et les publications périodiques
obligatoires se sont ajoutés les lettres aux actionnaires, les communiqués de presse, les
interviews, les réunions avec les analystes financiers, les créations de site internet, etc. C’est
généralement par un communiqué de presse que les résultats d’une société sont d’abord
diffusés aux marchés financiers. Aux Etats-Unis, selon la réglementation S-X, les publications
trimestrielles contiennent le résultat net. Les entreprises cotées sur les marchés Américains
ont l’obligation de diffuser les quatre résultats trimestriels QR1, QR2, QR3 et QR4.
Alors que ces publications sont presque homogènes, le contenu informatif des publications
intermédiaires françaises diffère de la publication finale. En particulier, les normes françaises
n’imposent trimestriellement aux entreprises que la diffusion du chiffre d’affaires, alors que
seule la publication finale contient le résultat net. Dans ces conditions, l’information contenue
dans les publications intermédiaires est plus pauvre que celle incluse dans la publication finale
du bénéfice. Les entreprises françaises ont l’obligation légale de publier trois types de
rapports:
- leurs chiffres d’affaires correspondant aux quatre trimestres de l’année (notés QT1,
QT2, QT3, QT4);
- leur résultat semestriel (noté HYE) correspondant au premier semestre de l’année;
- leur résultat annuel (note AE).
Le graphique 1.1 permet de visualiser le processus de diffusion de l’information financière
légale et obligatoire en France et aux Etats-Unis.
Graphique 1.1 – Le processus de diffusion des chiffres comptables en France et aux EtatsUnis
QT1
QT2
QR1
QR2
HYE
QT3
QT4
QR3
QR4
AE
AE
Note: Ce graphique retrace les étapes du processus de diffusion de l’information financière légale et obligatoire en
France (1er tracé) et aux Etats-Unis (2ème tracé).
Patell et Wolfson (1984) sur le marché américain et Gajewski (1999) sur le marché français
montrent qu’un processus d’ajustement des cours commence à être perceptible dès la
publication du bénéfice. Par conséquent, les investisseurs sont incités à surveiller la date et
l’heure d’annonce de bénéfice et à acquérir de l’information privée préalablement à sa
survenance. Dès lors, la connaissance très précise du jour et de l’heure d’annonce est un
élément fondamental de cette étude. Même si le communiqué sur les résultats d’une entreprise
se restreint souvent à la seule mention du résultat net, il constitue la référence de la date
effective de publication des résultats. Le communiqué de la société est souvent repris soit par
la presse écrite, soit par les réseaux informatiques. Ces derniers diffusent plus rapidement les
informations que la presse écrite. Les réseaux Dow Jones, Reuters et Bloomberg, très utilisés
par les opérateurs de marché, diffusent le bénéfice le jour même alors que la presse écrite
reprend ces informations le lendemain de leur réception.
19
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Les dates et heures d’annonce ont donc été collectées à partir de deux bases de données.
Bloomberg et Factiva sur la période allant de Janvier 1999 à Juin 2001. Cette dernière a
permis d’extraire les communiqués effectués par Dow Jones et Reuters qui précèdent
éventuellement ceux de Bloomberg. En effet, la base des deux échantillons d’annonce a été
constituée en sélectionnant la première annonce dans le temps. Le tableau 1.1 recense les
annonces de résultat par catégorie et par année.
Tableau 1.1 –La répartition des événements par catégorie et année
Partie A – La France
Année
1999
2000
2001
Total
HYE
GN
38
35
AE
BN
35
47
1
83
73
GN
1
87
107
195
Total
BN
1
66
78
145
75
235
186
496
Partie B – Les Etats-Unis
Année
1999
2000
2001
Total
QR1
QR2
QR3
QR4
Total
GN
BN
GN
BN
GN
BN
GN
BN
124
86
210
38
50
88
108
11
119
42
6
48
95
5
100
52
3
55
105
73
178
48
49
97
612
283
895
Note: Cette distribution tient compte à la fois de la disponibilité des données boursières sur Datastream et des données
de prévisions d’IBES.
Si on observe les heures d’annonce, il semble que de nombreuses sociétés souhaitent
publier leurs résultats en dehors des séances de bourse. L’échantillon de Patell et Wolfson
(1984) comporte approximativement 1/3 d’annonces faites en dehors de la séance de cotation.
En France, les entreprises ont également tendance à publier leurs résultats en dehors de la
séance de bourse afin d’éviter le phénomène de surréaction associé à une utilisation trop
précipitée d’une information aussi laconique. Les communications de résultat en dehors de la
séance permettent également de limiter le risque de voir apparaître des situations d’initiés. De
surcroît, l’interprétation du bénéfice nécessite une analyse approfondie menée à partir de
paramètres plus nombreux. 8 Dans ce contexte, la diffusion du bénéfice en dehors des heures
d’ouverture du marché permet une meilleure assimilation de ce résultat par les agents qui
prennent alors du recul. Cependant, l’allongement des plages horaires de cotation rend la
diffusion des communiqués pendant la séance de plus en plus difficile. De plus, la multicotation des entreprises sur des places situées dans des pays avec des fuseaux horaires
différents permet aux investisseurs de réagir à tout moment à une information publique. La
collecte des heures d’annonce de résultat permet de réaliser un meilleur centrage des dates
d’annonce, particulièrement en cas d’annonce après la séance de bourse.
8
La mise à disposition des Comptes Annuels n’est pas immédiate mais permet une appréciation plus fine de la
constitution du bénéfice.
20
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4.2. La description des données et des variables
4.2.1. La constitution des bases de données boursières
Afin de déterminer le comportement des investisseurs à l’annonce de bénéfice, deux
types de bases ont été nécessaires pour extraire les données boursières. La première base
utilisée, DATASTREAM, a permis d’extraire des données de cours et d’indices quotidiens à la
clôture. Ces données ont été extraites sur les marchés français et américains pour les
entreprises de l’échantillon et pour les indices SBF250 et SP500 sur la période allant de
janvier 1997 à juin 2001. Les autres bases consultées sont des bases de données horodatées,
BDM (Bases de Données de Marché) pour la France, et TAQ (« Trades and Quotes ») pour les
Etats-Unis sur la période allant de janvier 1999 à juin 2001. Ces bases contiennent des
données de meilleures limites et de transaction (prix et volume). L’horodatage à la seconde
près a permis à partir des échantillons des entreprises françaises et américaines la constitution
de fichiers dans lesquels les meilleures limites sont croisées avec les transactions par ordre
d’arrivée dans le temps. A partir de ces données, les variables suivantes ont été déterminées.
4.2.2. La mesure des variables explicatives
-
La fourchette de prix
La fourchette de prix en valeur absolue est définie par la différence entre les meilleures
limites à la vente p a et à l’achat p b . En raison des niveaux de prix différents, les fourchettes
t
t
en valeur absolue sont difficilement comparables d’un titre à l’autre. Il est donc préférable de
choisir la fourchette relative pour comparer les titres. La fourchette relative s’exprime selon la
formule 1.1 :
s =
t
p a − pb
t
pta
+
t
ptb
(1.1)
.
2
On définit également la fourchette relative pendant un intervalle de temps T par la moyenne
des fourchettes relatives observées pendant cette période.
-
La profondeur
Dupont (2000) démontre que la profondeur est plus sensible aux variations d’asymétrie
d’information que la fourchette de prix et que cette sensibilité varie avec la précision du signal
transmis par l’information. De même, Kavajecz (1999) démontre que les experts réagissent
aux changements de risque lié à l’information en ajustant surtout les profondeurs. Mann et
Ramanlal (1996) prouvent empiriquement que la profondeur est un indicateur de liquidité plus
pertinent que la fourchette de prix pour mesurer le risque de sélection adverse. La profondeur
est définie par la somme des volumes associés aux meilleures limites à l’achat et à la vente,
respectivement notés qta et qtb .
21
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d = q a + qb .
t
t
t
(1.2)
4.2.3. La mesure des variables de contrôle
L’évolution des fourchettes de prix et des profondeurs sont également déterminées par
des variables caractéristiques qui peuvent être réparties en deux groupes de variables : les
caractéristiques des entreprises (taille, volatilité, variables comptables) et les caractéristiques
d’échange (volume de transaction et nombre de transactions).
-
La taille des entreprises
Le délai de réaction devrait être plus court pour les entreprises de grande taille, étant
donné qu’elles sont plus surveillées par le marché. Les fourchettes de prix sont inversement
reliées à la taille des entreprises ; cette dernière est mesurée par la capitalisation boursière,
exprimée en logarithme.
-
Le volume de transaction
La fourchette de prix est inversement proportionnelle au volume de transaction (Glosten et
Milgrom, 1985). Le degré d’activité du marché est mesuré à partir du nombre de titres
échangés v à la date t. On définit ainsi le volume échangé pendant un intervalle de temps T
t
par la somme des quantités échangées pendant cette période et on considère cette grandeur en
logarithme, comme il est défini dans l’expression 1.3.
T
⎛
⎞
at = Log ⎜ 1 + ∑ vt ⎟.
⎝ t =1 ⎠
-
(1.3)
La volatilité
La fourchette de prix est une fonction croissante de la volatilité (Copeland et Galai, 1983).
La volatilité est mesurée à partir de l’écart maximal des prix de transactions entre le plus haut
et le plus bas rapporté au milieu des deux prix. Elle est mesurée d’après la formule 1.4.
Volatt =
-
(Pr ix Max − Pr ix Min )
(Pr ix Max + Pr ix Min) 2
(1.4)
Les charges calculées
Les charges calculées, par les marges de manœuvre qu’elles autorisent, sont susceptibles
d’introduire une incertitude dans l’estimation des résultats. L’écart-type des prévisions est
logiquement relié positivement à cette variable. Elle est définie comme suit :
22
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Ch arg escal =
-
Dotations aux amortissements et provisions
⎛ Dépenses d ' exp loitation −
⎞
⎜⎜
⎟⎟
⎝ Dotations aux amortissements et provisions ⎠
(1.5)
La fraction des charges non prévisibles
Il s’agit ici de déterminer en premier lieu la fraction « prévisible » des charges
d’exploitation et du résultat correspondant. Dans cette logique, nous avons estimé la part des
dépenses totales liées à l’évolution du chiffre d’affaires (charges variables) et celles qui
constituent des charges fixes. Dans un deuxième temps, et d’après le résidu rapporté au
résultat d’exploitation hors charges calculées, nous avons estimé la partie non prévisible de
ces charges qui constitue la variable Ectcharges que nous examinons dans l’expression 1.6.
L’écart type des prévisions devrait être relié positivement à cette variable puisqu’elle traduit
une sorte d’incertitude.
⎧ Depenses totales = α × CA + b + ε
⎪
σ (εˆ )
⎪
⎨ Ectch arg es =
Résultat d' exp loitation −
⎪
⎪⎩
Dotations aux amortissements et provisions
-
(1.6)
Le résultat exceptionnel
Cette variable permet d’étudier si le résultat exceptionnel influe sur l’incertitude liée à
l’estimation du résultat futur. Il est calculé comme suit :
Re xcabs =
-
Résultat exceptionnel
Résultat net
(1.7)
La fréquence de publication
Ayant pour objectif de rendre comparables les comptes semestriels et annuels, la COB a
émis en 1999 une recommandation (n° 99-01) relative au mode d’établissement et de
présentation des comptes intermédiaires par les sociétés faisant appel public à l’épargne.
L’objectif était de recommander aux entreprises qui établissent leurs comptes intermédiaires
de préparer un jeu complet de comptes en appliquant des principes de comptabilisation,
d’évaluation et de présentation comparables à ceux établis à la clôture de l’exercice.
Cependant, la publication de résultats trimestriels en France semble s’accélérer depuis 1999,
mais n’est pas encore systématique. En effet, la lecture des comptes de certaines entreprises
soumises à un cycle annuel, n’est pas nécessairement rendue plus facile avec le passage aux
comptes trimestriels. Nous avons identifié une variable dichotomique trimestre qui prend la
valeur 1 si l’entreprise publie des comptes trimestriels et 0 sinon.
4.3. Les aspects méthodologiques
Dans un premier temps, il s’agit d’étudier le comportement du marché dans son ensemble
à l’annonce de résultat en France et aux Etats-Unis. Cette étude permet d’analyser l’amplitude
23
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de la réaction et le délai d’ajustement du marché à l’annonce de résultat. Abordée d’un point
de vue comparatif entre les pays et entre les types d’annonces, elle est complétée par une
analyse des volumes de transaction à l’annonce. Cette analyse permet d’obtenir des
indications à la fois sur la dispersion des anticipations et la divergence d’interprétations des
investisseurs à l’annonce. Puis, une étude de la volatilité intra-quotidienne du marché permet
d’apprécier la vitesse de convergence des anticipations.
Enfin, une analyse conjointe de l’évolution des fourchettes de prix et des profondeurs à
l’annonce est utilisée pour observer comment le risque lié à l’information et les situations
d’asymétrie d’information évoluent aux annonces de résultat. Cette étude permet également
de distinguer l’hypothèse d’asymétrie d’information de l’hypothèse d’hétérogénéité des
interprétations.
4.3.1. L’étude d’événement sur les rentabilités quotidiennes à l’annonce
de résultat
La méthodologie des études d'événement est utilisée ici pour mesurer l'impact des
annonces de résultat sur le cours des actions correspondantes. Selon l'hypothèse des marchés
efficients, les cours reflètent l'information véhiculée par l'annonce au moment où cette
information est transmise au marché. Dans cette logique, la détection d’une réaction lors de
l’annonce est le signe d’un ajustement du marché à l’annonce. Dans l’étude qui suit, la date 0
désigne le jour de l’annonce de résultat. Il s’agit de tester dans cette étude le caractère
significativement différent de zéro de la rentabilité excédentaire moyenne autour de la date
d’annonce.
Si Rit désigne la rentabilité du titre i et Rmt la rentabilité d'un indice à la date t 9, la
rentabilité anormale peut être estimée par la différence entre Rit et une norme, notée Nit , qui
correspond à la rentabilité en l’absence d’événement particulier. 10 La période d'estimation des
paramètres 11 a été fixée entre 110 jours et 11 jours avant la date d'annonce de l'émission
(t = 0) . La rentabilité anormale moyenne en coupe instantanée ( RAM t ) est ensuite calculée à
chaque date de la fenêtre d'événement, définie sur 21 jours centrés sur la date d’annonce.
9
Les indices utilisés dans cette étude sont l'indice général SBF 250 des 250 plus grandes entreprises françaises et
l’indice SP500 des 500 plus grandes entreprises américaines. Les indices sont des indices de rentabilité calculés
par les Bourses (Euronext et Nyse) et tiennent compte du réinvestissement des dividendes.
10
Trois normes peuvent être définies :
- la rentabilité d'un indice : Nit = Rmt ;
- la rentabilité moyenne du titre mesurée sur une période d'estimation antérieure à la période
1 −11
d'événement : N =
∑ R ;
it 100
it
t = −110
- la rentabilité ajustée par les mouvements du marché et du risque : N it = α i + β i ⋅ Rmt .
Dans le cadre du modèle de marché, les coefficients sont calculés par les moindres carrés ordinaires sur la
période d'estimation. Cependant, en raison du phénomène d'asynchronisme des données dû au décalage des
heures de cotation entre les titres, et plus particulièrement entre chaque titre et l'indice, Dimson (1979) a proposé
une méthode qui corrige ce phénomène. Scholes et Williams (1977) et Fowler et Rorke (1983) proposent des
estimateurs qui permettent de prendre en compte l'autocorrélation des rentabilités.
11
24
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Afin d’évaluer si le résidu moyen ainsi obtenu diffère significativement de zéro, l’hypothèse
nulle ( H0: RAM t = 0) est testée. Les deux principaux tests utilisés sont paramétriques. 12 Le
premier est construit à partir du rapport entre la rentabilité anormale moyenne et l'écart-type
calculé en série temporelle.
Ttps =
RAM t
où
σ (RAM )
1 −110 ⎛
1 −110
⎞
−
σ (RAM ) =
RAM
RAM τ ⎟
⎜
∑
∑
t
99 τ =−11 ⎝
100 τ = −11
⎠
(1.8)
2
Le deuxième test est construit à partir du rapport entre la rentabilité anormale moyenne et
l'écart-type calculé en coupe instantanée.
Ttrans =
N RAM t
σ ( RAM t )
σ ( RAM t ) =
où
(1.9)
1 N
2
∑ ( RAit − RAM t )
N − 1 i =1
4.3.2. L’étude d’événement par les volumes de transaction et à
l’annonce de résultat
Si certains agents font une analyse plus détaillée du bénéfice annoncé, ils ont intérêt à
profiter de leur avantage informationnel qui n’est pas durable. Ils sont donc incités à
multiplier leurs transactions. L’objectif de ce paragraphe est donc de définir une méthode qui
permet de déceler s’il y a effectivement un accroissement d’activité à l’annonce de bénéfice,
qui pourrait être expliqué par la diversité des interprétations. Conformément aux simulations
de Mai et Tchéméni (1996), nous considérons le nombre de titres échangés et appliquons la
transformation logarithmique. Cette transformation permet d’améliorer la normalité des
observations.
Si ait désigne le volume du titre i à la date t comme dans la formule 1.3, le volume en excès à
l’annonce de résultat peut être calculé par la différence entre le volume et le volume moyen
du titre sur la période d’estimation, comme suit.
Aait = ait −
1 −110
∑ ait
100 t =−11
(1.10)
Mai et Tchéméni (1996) prouvent empiriquement que le volume moyen sur la période
d’estimation est le modèle le plus pertinent pour mettre en évidence un volume en excès à
l’annonce d’une information.
12
Sous l'hypothèse de normalité de rentabilité, Ttps et Ttrans suivent respectivement une loi de Student à T − 1 et
N − 1 degrés de liberté.
25
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
4.3.3. L’évolution des fourchettes de prix, des profondeurs et de la
volatilité à l’annonce de résultat
La multiplication des transactions provenant d’agents supérieurement informés à
l’annonce de bénéfice devrait entraîner l’apparition de situations d’asymétrie d’information.
Par conséquent, les agents non informés devraient selon cette logique supporter un coût lié à
cette asymétrie d’information. Si la fourchette de prix est expliquée en partie par le risque de
sélection adverse, un accroissement du coût d’asymétrie d’information devrait être répercuté
dans l’évolution de la fourchette de prix. Un élargissement de la fourchette de prix devrait être
observé à l’annonce de résultat. De même, intuitivement, les agents informés devraient
également diminuer leurs propositions de titres à l’achat et à la vente, entraînant ainsi une
diminution de la profondeur.
L’étude présente permet de réaliser une étude sur les fourchettes relatives quotidiennes. A
partir des données horodatées de prix offerts et demandés, les fourchettes relatives ont été
calculées en conservant les précision de la seconde, conformément à la formule 1.1. Ensuite,
afin d’étudier son évolution, la fourchette de prix quotidienne a été définie comme la
moyenne quotidienne de l’ensemble des fourchettes de prix d’un jour. Puis, pour chaque titre,
une fourchette de prix en excès a été calculée par rapport à une moyenne de référence sur une
période de 21 jours de bourse consécutifs. Ainsi, une fourchette relative moyenne a été
estimée pour chaque titre sur une période allant de 60 jours avant l’annonce jusqu’à 10 jours
avant l’annonce. En notant msi la fourchette moyenne du titre i, il est possible d’estimer une
fourchette relative en excès à l’instant t, pour le titre i, par la formule définie en 1.11 :
esit = sit − msi
(1.11)
En d’autres termes, les fourchettes relatives du titre i sont comparées à leurs moyennes de
référence. Une fourchette moyenne en excès pour l’échantillon, notée es t , peut alors être
calculée à chaque instant relatif à partir des fourchettes en excès. L’évolution de cet indice de
fourchette au voisinage de l’annonce peut ainsi donner une indication sur le changement du
degré d’asymétrie d’information.
Afin de tester la significativité des résultats, un test du signe a été mis en place. L’hypothèse
testée est définie en 1.12 :
H 0 : FEt = 0
(1.12)
Soit N t , le nombre de fourchettes relatives en excès à l’instant t. Soient N t+ et N t− les
nombres de fourchettes strictement positives et strictement négatives au même instant. La
statistique définie en (1.13), suivant une loi normale de paramètres 0 et 1, permet de tester si
la fourchette relative en excès observée à l’instant t est significativement différente de 0.
26
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
N t+
T
sig
=
⎛ N+ + N− ⎞
t ⎟
− ⎜⎜ t
⎟⎟
2
⎜
⎝
⎠
N+
t
+
(1.13)
N−
t
4
où N + et N − représentent les rentabilités strictement positives et strictement négatives.
suit une loi normale de paramètres 0 et 1.
T sig
La même méthodologie a été appliquée à la profondeur et à la volatilité comme elles ont été
définies respectivement dans les formules (1.2) et (1.4).
4.3.4. L’analyse conjointe des fourchettes de prix et des profondeurs au
voisinage des annonces de résultat
La méthodologie du paragraphe précédent permet d’étudier les fourchettes de prix et
les profondeurs au voisinage des annonces de résultat sans prendre en compte leur évolution
concomitante, l’effet de certaines variables de contrôle et les problèmes d’endogénéité de
certains facteurs. Il s’agit en effet dans cette étude, d’une part, d’identifier les facteurs de
divergence d’anticipations et de distinguer ces facteurs, des situations d’asymétrie
d’information prévalant au voisinage des annonces, et d’autre part, d’examiner dans quelle
mesure les annonces de résultat permettent de faire converger plus rapidement les
anticipations ou au contraire sont à l’origine d’une source de bruit supplémentaire.
Le 1er biais de l’analyse descriptive simple tient aux apports théoriques de certains modèles
(Kavajecz, 1999 ; Dupont, 2000) qui démontrent que les spécialistes ou teneurs de marché
n’élargissent pas seulement leurs fourchettes de prix pour se prémunir d’ordres provenant
d’agents informés, mais ajustent également les quantités offertes sur chacune des meilleures
limites. La profondeur, mesurée par ces quantités, n’est donc pas seulement une variable
implicite qui dépend des fourchettes de prix mais résulte de choix explicites opérés par les
spécialistes. A fortiori, sur le marché français, on peut supposer que les quantités associées à
ces meilleures limites sont déterminées conjointement avec les limites de prix
correspondantes. Dans ces conditions, la variation des fourchettes de prix et des profondeurs
au voisinage des annonces de résultat doit être réexaminée sous la forme d’une évolution
conjointe tenant compte de variables communes et spécifiques.
Le 2ème biais permet de dissocier les variations de fourchettes de prix et les fluctuations de
profondeurs des impacts liés aux caractéristiques des entreprises et à l’organisation des
marchés correspondants. Nous introduisons ainsi des variables de contrôle, comme la taille
des entreprises, le volume de transaction, la volatilité …
Le 3ème biais tient au problème de corrélation entre certaines variables. En effet, l’hypothèse
1.6 stipule que les fourchettes de prix sont plus larges et les profondeurs plus faibles à
l’annonce des résultats lorsque le nombre de prévisions est plus faible, l’écart-type des
prévisions plus élevé et l’erreur moyenne de prévision plus élevée. Comme ces 3 dernières
variables sont corrélées entre elles, il convient de ne prendre en compte que l’une d’entre elles
27
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
comme variable explicative des fourchettes de prix et des profondeurs. Afin d’éviter tout
problème de colinéarité, nous considérons l’écart type des prévisions comme variable
dépendante du nombre de prévisions et de l’erreur de prévision.
Le 4ème biais tient au problème d’endogénéité de certains effets. Les investisseurs sur les
marchés financiers collectent en effet beaucoup d’informations au voisinage des annonces de
résultat. Cet ensemble d’informations leur permet d’une part de mieux anticiper le résultat
futur et d’autre part de mieux interpréter le bénéfice publié. Dans cet ensemble qui leur est
utile pour déterminer leurs ordres figurent les prévisions des analystes. Comme exposé dans
certains articles (Kanagaretnam et al., 2005), les fourchettes de prix et les profondeurs varient
en fonction de l’hétérogénéité de ces prévisions. Cette dispersion est considérée à tort dans la
littérature comme une variable de substitution (proxy ) de l’asymétrie d’information sur les
marchés financiers. En effet, si les investisseurs et les spécialistes ajustent les prix et les
quantités en partie en fonction de la dispersion des prévisions, ils révisent également leurs
anticipations en fonction des caractéristiques des entreprises (taille, liquidité et variables
comptables). La dispersion des prévisions des analystes est donc une variable endogène car
elle dépend également des caractéristiques des entreprises qui sont scrutées aussi bien par les
investisseurs que par les producteurs d’information. Ces éléments permettent de définir les
modèles à équations simultanées 1.14 et 1.15 explicatifs de l’évolution de la fourchette de
prix et de la profondeur au voisinage des annonces. Le modèle 1.14 porte sur les annonces de
résultats intermédiaires (semestrielles en France et trimestrielles aux Etats-Unis) et le modèle
1.12 porte sur les annonces de résultats annuels.
⎧ Std = α + α Surpabs + α Taille + α Nbestim + ε
0
1
2
3
1
⎪⎪
⎨ Spar = a0 + a1 Depar + a2 Sizear + a3 Rangear + a4 εˆ 1 + a5 Jour + ε 2
⎪
⎪⎩ Depar = b0 + b1Spar + b2 Sizear + b3εˆ 1 + b4 Jour + ε 3
(1.14)
⎧ Std = α 0 + α 1Surpabs + α 2Taille + α 3 Nbestim + α 4 Ch arg escal + α 5 Re xcabs
⎪
+ α Ectch arg es + α trimestre + ε
⎪⎪
6
7
1
⎨
⎪ Spar = a0 + a1 Depar + a2 Sizear + a3 Rangear + a4εˆ 1 + a5 Jour + ε 2
⎪ Depar = b + b Spar + b Sizear + b εˆ + b Jour + ε
0
1
2
3 1
4
3
⎩⎪
(1.15)
Où chaque variable est définie dans le tableau 1.2.
28
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 1.2 – Définition des variables explicatives et dépendantes
Variable
Std
Surpabs
Taille
Nbestim
Chargescal
Rexcabs
Ectcharges
Trimestre
Spar
Depar
Sizear
Rangear
Pstd( Stˆd )
Resid ( ε̂ 1 )
Jour
Définition
Ecart-type des prévisions des analystes
Surprise de résultat en valeur absolue
Logarithme de la capitalisation boursière
Nombre de prévisions de résultat
Montant des charges calculées en
pourcentage des dépenses d’exploitation hors
charges calculées
Rapport entre le résultat exceptionnel et le
résultat net
Part des dépenses d’exploitation non liées au
chiffre d’affaires en pourcentage du résultat
d’exploitation
Variable égale à 1 si l’entreprise diffuse des
résultats trimestriels en France
Fourchette de prix relative en excès
Profondeur en excès
Volume de transaction en excès
Volatilité en excès
Part de l’écart type des prévisions des
analystes expliquée par les caractéristiques
des entreprises et celles des analystes (Part
naturelle de dispersion)
Part de l’écart-type des prévisions des
analystes
non
expliquée
par
les
caractéristiques des entreprises et celles des
analystes (Part idiosyncrasique de dispersion)
Variable muette prenant la valeur 1 si on
observe la fourchette de prix et la profondeur
après l’annonce
Les modèles 1.14 et 1.15 sont estimés en deux étapes. Dans un premier temps, on extrait
de la régression de Std, Pstd, la part de l’écart type des prévisions expliquée par les facteurs
communs et le résidu, c'est-à-dire la part de l’écart-type des prévisions non expliquée par les
facteurs communs. Ensuite, on estime le modèle à équations simultanées de la fourchette de
prix et de la profondeur, en incluant la prédiction et le résidu obtenus de la 1ère régression
comme variables indépendantes.
5. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
5.1. L’ajustement des marchés financiers aux annonces de résultat
Les tableaux 1.3 et 1.4 présentent la réaction des marchés financiers aux annonces de
résultats tant en France qu’aux Etats-Unis. Conformément à la littérature antérieure (Hew et
29
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al., 1996 ; Chari et al., 1988 ; Gajewski et Quéré, 2001), les résultats annoncés par les
entreprises véhiculent de l’information aux marchés financiers, puisque les investisseurs
réagissent significativement lors de leur diffusion qu’il s’agisse de bonnes ou de mauvaises
nouvelles.
L’amplitude de la réaction n’est cependant pas identique en France et aux Etats-Unis.
L’examen d’ensemble des rentabilités anormales cumulées sur les 5 premiers jours suivant
l’annonce montre que les bonnes surprises de résultat, semblent être accompagnées d’une plus
forte réaction aux Etats-Unis qu’en France. Les résultats américains constituent en effet le
support du calcul du montant du dividende trimestriel et les investisseurs leur accordent sans
doute à ce titre une attention très soutenue. En France, seul le résultat annuel est la source du
dividende, ce qui explique un niveau de réaction sur les 3 jours entourant l’annonce de 1,55%,
voisin de la réaction moyenne observée aux Etats-Unis sur les 4 trimestres. L’hypothèse 1.1
ne semble donc pas vérifiée dans le cadran des bonnes surprises, dans la mesure où le degré
d’attention accordé par les investisseurs aux résultats trimestriels américains est bien plus fort
que celui prévalant pour les publications semestrielles françaises. En revanche, les bonnes
surprises américaines mettent en évidence une sorte d'effet temporel en vertu duquel la
réaction des marchés semble s'atténuer au fur et à mesure que l'on s'approche de la publication
annuelle.
A l’opposé, le tableau 1.4 prouve que les mauvaises nouvelles sont plus durement
sanctionnées en France qu’aux Etats-Unis. Les rentabilités anormales cumulées sur les 5
premiers jours après l’annonce de ces mauvaises surprises sont en effet beaucoup plus
négatives dans l’hexagone qu’outre atlantique. Si la fréquence des publications intermédiaires
est dans notre pays trimestrielle comme aux USA, le premier et le troisième trimestre ne
mentionnent que le chiffre d'affaires et non pas le résultat net. Or, d'après les observations
effectuées par Gajewski et Quéré (2001), les actionnaires accordent peu d'intérêt à cette
donnée très laconique qui, prise isolément, semble impropre à rendre compte de manière
régulière de la situation financière des entreprises. Dans de telles conditions, l'information
s'accumule comme un gaz sous pression et provoque ainsi en France une réaction plus forte à
sa libération soudaine lors de la publication plus pertinente des résultats semestriels et
annuels. Dans ce contexte, la fréquence utile de publication dans notre pays est de six mois,
justifiant ainsi des intensités de réaction plus importantes du fait d'une moindre réactualisation
de l'information qu'outre atlantique. Cette hypothèse est surtout vérifiée lorsque les
entreprises ont des mauvaises surprises à révéler. Dans ce contexte, l'AMF (Autorité des
Marchés Financiers) incite les firmes à émettre des avertissements sur résultat lorsque ceux-ci
sont trop inférieurs aux attentes des analystes et des investisseurs afin de prévenir une
réaction trop brutale des marchés financiers. L'hypothèse 1.1 est donc validée pour le cadran
des mauvaises surprises, en raison d'une fréquence de diffusion des résultats plus élevée aux
Etats-Unis qu'en France. Aux Etats-Unis, la publication de résultats trimestriels permet aux
marchés financiers de mieux intégrer les mauvaises surprises, et on observe effectivement une
réaction négative à leur annonce, mais d’une amplitude beaucoup moins forte qu’en France.
30
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 1.3 – Impact sur les rentabilités anormales des annonces de résultat
correspondant aux bonnes nouvelles
Etats-Unis
Date ou
période
relative
France
QR1
(210)
QR2
(119)
QR3
(100)
QR4
(178)
HYE
(73)
AE
(195)
[J-1; J1]
1,94%***
1,6%***
0,24%
0,81%
1,36%**
1,55%***
[J0; J1]
1,82%***
1,36%***
0,48%
0,44%
0,83%**
0,85%***
[J0; J5]
2,65%***
1,55%***
1,8%**
1,29%**
1,21%**
-0,11%
Note: La date d’annonce est celle du résultat. Les rentabilités sont calculées à partir du modèle de marché. Elles sont
présentées sur la période englobant la date d’annonce et sont cumulées sur les périodes allant de 0 à 1 jour et de
0 à 5 jours. Les exposants *, ** et *** indiquent la significativité des rentabilités anormales aux seuils de 10, 5
et 1%. Pour les rentabilités anormales cumulées, le test tient compte de la période de cumul. Soit nbj le nombre
de jours sur lesquels la rentabilité anormale est cumulée, RAMC la rentabilité anormale cumulée sur nbj
jours, σ (RAM ) l’écart-type sur la période d’estimation. Le test est déterminé d’après la formule
RAMC
TCtps =
.
nbj σ ( RAM )
Tableau 1.4 – Impact sur les rentabilités anormales des annonces de résultat
correspondant aux mauvaises nouvelles
Etats-Unis
Date ou
période
relative
France
QR1
(88)
QR2
(48)
QR3
(55)
QR4
(97)
HYE
(83)
AE
(145)
[J-1; J1]
-0,41%
-1,88%***
-1,91%**
-1,62%*
-1,25%***
-1,32%***
[J0; J1]
-0,19%
-1,32%***
-1,53%**
-0,72%*
-1,25%***
-1,32%***
[J0; J5]
-0,13%
-1,03%
-1,08%
-0,61%
-1,57%**
-2,71%***
Note: La date d’annonce est celle du résultat. Les rentabilités sont calculées à partir du modèle de marché. Elles sont
présentées sur la période englobant la date d’annonce et sont cumulées sur les périodes allant de 0 à 1 jour et de
0 à 5 jours. Les exposants *, ** et *** indiquent la significativité des rentabilités anormales aux seuils de 10, 5
et 1%. Pour les rentabilités anormales cumulées, le test tient compte de la période de cumul. Soit nbj le nombre
de jours sur lesquels la rentabilité anormale est cumulée, RAMC la rentabilité anormale cumulée sur nbj
jours, σ (RAM ) l’écart-type sur la période d’estimation. Le test est déterminé d’après la formule
RAMC
TCtps =
.
nbj σ ( RAM )
31
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
5.2. L’évolution des transactions au voisinage des annonces de résultat
Le tableau 1.5 met en évidence l'évolution du volume de transaction au voisinage des
annonces de résultat en France et aux Etats-Unis. Ces annonces engendrent une hausse du
volume de transaction lors de leur survenance et confirment bien la précision du centrage des
dates correspondantes. Une analyse plus fine des différents profils montre que l'accroissement
du volume est plus élevé en France qu'aux Etats-Unis, puisque les annonces de résultats
américains entraînent une augmentation de 54% du volume de transaction au jour d'annonce
alors que, dans l'hexagone, l'accroissement correspondant atteint 76%. Ce phénomène est
vraisemblablement lié, ici encore, à la moins grande fréquence de publication qui prévaut
dans notre pays alors que les investisseurs américains sont incités à réajuster leurs
portefeuilles plus régulièrement compte tenu du rythme trimestriel existant outre Atlantique.
D'un point de vue intuitif, ces publications trimestrielles devraient naturellement engendrer
une hétérogénéité des anticipations moindre que celle des annonces semestrielles. Cette
hypothèse est bien confirmée pour les volumes échangés un jour après la date d'annonce
puisqu'il reste élevé en France alors qu'il décroît de manière significative aux Etats-Unis.
L’hypothèse 1.2 semble ainsi confirmée.
Le tableau 1.5 permet également noter que les résultats intermédiaires engendrent une hausse
du volume plus forte qu'aux résultats annuels (55% contre 48% aux Etats-Unis et 87% contre
69% en France). La différence est d'ailleurs plus marquée dans l'hexagone qu'outre atlantique.
Le degré de certification des résultats intermédiaires étant plus faible que celui des résultats
annuels, on peut supposer que les résultats publiés engendrent des interprétations plus
dispersées. Conformément à cette logique, le résultat semestriel français semble être celui
qui en suscitant les plus grandes incertitudes entraîne une hétérogénéité des anticipations
plus forte et de ce fait un volume de transaction plus élevé.
32
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 1.5 – Evolution du volume de transaction anormal au voisinage des annonces de
résultat aux Etats-Unis et en France
Etats-Unis
Date Toutes annonces
Résultats Résultats
relative
confondues trimestriels annuels
-10
7,16%
7,16%
7,14%
-9
7,49%
5,97% 12,82%
-8
8,38%
8,14%
9,19%
-7
7,51%
6,37% 11,49%
-6
7,83%
7,11% 10,36%
-5
8,20%
8,88%
5,82%
-4
8,99%
9,21%
8,22%
-3
11,01%
10,50% 12,80%
-2
11,00%
9,68% 15,62%
-1
16,50%
15,71% 19,25%
0
53,64%
55,16% 48,35%
1
39,14%
39,70% 37,19%
2
23,27%
24,28% 19,70%
3
15,82%
16,15% 14,68%
4
8,20%
9,97%
2,00%
5
7,17%
9,41%
-0,67%
6
5,08%
7,97%
-5,02%
7
1,61%
4,30%
-7,83%
8
1,54%
4,50%
-8,81%
9
-0,67%
2,66% -12,32%
10
-0,90%
3,42% -15,99%
France
Toutes annonces Résultats
confondues semestriels
7,05%
17,81%
-10,00%
4,74%
-2,78%
6,08%
0,27%
3,79%
3,54%
5,97%
4,32%
10,29%
4,33%
19,49%
5,68%
9,31%
8,87%
15,32%
26,34%
41,98%
76,34%
87,36%
65,63%
77,61%
35,19%
32,74%
28,00%
33,86%
21,16%
24,17%
20,51%
21,63%
17,83%
20,50%
7,89%
13,32%
6,63%
10,36%
9,33%
10,22%
5,31%
15,77%
Résultats
annuels
-0,03%
-19,70%
-8,62%
-2,05%
1,93%
0,38%
-5,65%
3,30%
4,62%
16,06%
69,08%
57,75%
36,81%
24,15%
19,18%
19,77%
16,07%
4,32%
4,17%
8,74%
-1,58%
Note: La date 0 correspond à la date d’annonce des résultats.
5.3. L’incidence des annonces de résultat sur les extrêmes quotidiens
Le tableau 1.6 présente l'écart entre les extrêmes quotidiens en excès mesuré au moment
des annonces de résultats sur les marchés français et américains. Comme le montre le tableau
1.5 pour les volumes anormaux, le tableau 1.6 met également en évidence un pic de ces écarts
quotidiens lors des annonces prouvant là aussi la précision du centrage des dates
correspondantes. L'intérêt de cette mesure est d’obtenir une sorte de vitesse d'ajustement du
marché à l'information publiée. Il s'agit en effet d'évaluer la durée pendant lequel ces marchés
sont « perturbés ». Une durée de perturbation longue serait le signe d'une difficulté
d'interprétation de l'information publiée engendrant une grande hétérogénéité des
anticipations alors qu'une perturbation courte serait le signe d'une sorte de consensus quant à
la signification des données comptables diffusées.
Si on observe les chiffres dans leur globalité, c'est à dire toutes annonces confondues, l'écart
quotidien en excès devient négatif après le 6ème jour pour la France et après le 5ème jour pour
les Etats-Unis. Autrement dit, les marchés correspondants sont « perturbés » entre 5 et 6
jours après l'annonce selon le pays considéré. Une analyse plus fine prouve par ailleurs
qu'aux Etats-Unis, l'effet des annonces trimestrielles (Q1 à Q3) est surtout significatif 2 jours
33
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
après l'annonce pour retomber ensuite à un niveau normal. En revanche, en France, les
résultats semestriels perturbent le marché jusqu'à 9 jours après les annonces, tandis que les
« remous » des publications annuelles s'étendent sur 7 jours. Ces différences sont à rapprocher
de ce qui est observé sur le volume de transaction. En effet, la fréquence trimestrielle de
publication outre-atlantique permet sans doute d'aboutir rapidement à un consensus entre les
investisseurs. Par opposition, les résultats semestriels en France provoquent des perturbations
plus longues en vertu d'une fréquence moindre des publications et d'incertitudes plus
grandes liées à la qualité d'arrêté de ces états financiers de mi-parcours.
Tableau 1.6 – Evolution de la volatilité en excès au voisinage des annonces de résultat aux
Etats-Unis et en France
Etats-Unis
Date Toutes annonces
Résultats Résultats
relative
confondues trimestriels annuels
-10
0,242%
0,223% 0,309%
-9
0,155%
0,060% 0,485%
-8
0,210%
0,144% 0,438%
-7
0,120%
-0,017% 0,599%
-6
0,179%
0,132% 0,341%
-5
0,070%
0,056% 0,120%
-4
0,286%
0,238% 0,452%
-3
0,305%
0,247% 0,505%
-2
0,374%
0,210% 0,947%
-1
0,631%
0,518% 1,025%
0
1,765%
1,713% 1,947%
1
0,641%
0,498% 1,140%
2
0,173%
-0,020% 0,846%
3
0,109%
-0,032% 0,604%
4
0,047%
-0,085% 0,508%
5
0,024%
-0,104% 0,470%
6
-0,007%
-0,158% 0,521%
7
-0,114%
-0,247% 0,351%
8
-0,070%
-0,226% 0,476%
9
-0,159%
-0,348% 0,503%
10
-0,155%
-0,331% 0,461%
France
Toutes annonces Résultats
confondues semestriels
-0,051%
-0,113%
-0,126%
-0,251%
-0,003%
-0,091%
-0,037%
-0,068%
-0,023%
-0,043%
-0,039%
-0,110%
0,075%
0,141%
0,227%
0,105%
0,255%
0,251%
0,696%
0,735%
1,894%
1,710%
1,165%
1,316%
0,507%
0,222%
0,328%
0,137%
0,125%
0,078%
0,330%
0,320%
0,402%
0,198%
-0,024%
0,210%
-0,028%
0,154%
0,001%
-0,064%
0,204%
0,161%
Résultats
annuels
-0,010%
-0,044%
0,055%
-0,016%
-0,010%
0,008%
0,032%
0,308%
0,257%
0,670%
2,015%
1,066%
0,695%
0,453%
0,156%
0,336%
0,536%
-0,178%
-0,149%
0,045%
0,231%
Note: La date 0 correspond à la date d’annonce des résultats.
5.4. L’ajustement des fourchettes de prix et des profondeurs aux annonces
de résultat en France et aux Etats-Unis
Le tableau 1.7 présente le profil d'évolution des fourchettes de prix en excès aux annonces
de résultats intermédiaires et finaux en France et aux Etats-Unis. Examinée de manière
globale, cette fourchette en excès est positive durant les jours précédant les annonces à
34
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
l'exception des résultats semestriels en France où elle est systématiquement négative avant la
date 0. Ces résultats sont cohérents avec l'ensemble des études antérieures (Lee, Mucklow et
Ready, 1993 ; Yohn, 1998 ; Gajewski, 1999 ; Libby, Mathieu et Robb, 2002 ; Kanagaretnam
et al., 2005) et mettent en évidence un élargissement des fourchettes correspondantes avant
l'annonce. De fait, Les investisseurs ont en général une connaissance précise du calendrier
des annonces de résultats établi par les entreprises et peuvent se lancer dans une recherche
active d'informations préalablement à leur survenance. Ils accumulent ainsi des informations
privées qui leur confèrent un avantage informationnel par rapport aux autres acteurs du
marché, ce qui se manifeste par un élargissement des fourchettes juste avant l'annonce.
Un tel phénomène n'est cependant pas observable à l'annonce des résultats semestriels
français puisque les fourchettes anormales sont négatives juste avant la publication des
résultats. Elles s'élargissent soudainement en date 1 pour redevenir négatives 2 jours après
l'annonce. Ce constat laisse penser que des agents acquièrent de l'information préalablement
aux annonces de résultat et, dans une stratégie d'étalement et de discrétion, soumettent
successivement des ordres à l'intérieur de la fourchette préalablement à leur survenance. Ils
peuvent ainsi opérer sans révéler leurs intentions au marché tout en ayant l'assurance d'être
exécutés. Le renouvellement constant de ces ordres probablement « cachés » provoque ainsi
un resserrement des limites du « bid » et du « ask » avant l'échéance des publications
correspondantes. Certains de ces agents informés effectuent selon toute vraisemblance des
transactions de sens opposé visant, en profitant de la liquidité, à capter les meilleures limites
juste après la diffusion des résultats semestriels, ce qui entraîne, par dégarnissage du carnet
d'ordres, un élargissement mécanique des fourchettes correspondantes. Cet élargissement est
de surcroît amplifié par un mouvement de protection contre ces ordres massifs renforçant
encore l'éloignement des meilleures limites de la valeur centrale. Après ces transactions et ces
réactions de défense, la fourchette retrouve une valeur plus proche de la moyenne.
On observe en revanche aux Etats-Unis une évolution opposée des fourchettes de prix avant
les résultats des trois premiers trimestres. En effet, ces fourchettes s'élargissent antérieurement
aux annonces pour se réduire immédiatement après. Ce phénomène est vraisemblablement lié
à l'utilité même des comptes trimestriels outre-atlantique. Ces comptes font non seulement
l'objet de procédures d'arrêtés peut-être plus rigoureuses qu'en France mais constituent de
surcroît un support de distribution d'un dividende qui dans notre pays est majoritairement
annuel. Selon toute vraisemblance, ces états financiers suscitent de ce fait une attention de la
part des investisseurs bien plus soutenue que dans l'hexagone. On peut ainsi supposer dans ce
contexte que ceux-ci acquièrent de l'information préalablement aux annonces trimestrielles et
échangent avec les spécialistes sur la base de cette information. Ces derniers ont donc dans la
même logique que celle évoquée pour l'hexagone tendance à élargir leurs fourchettes de prix
pour se prémunir contre ces agents informés. Le resserrement de la fourchette consécutif à
l'annonce semble indiquer quant à lui une dissipation de l'asymétrie qui prévalait
antérieurement montrant ainsi que l'information diffusée neutralise l'avantage correspondant.
Cette observation semblerait également confirmer que les opérateurs ont un horizon de
prévision trimestriel entièrement comblé par la survenance d'une publication qui se
substituerait quasi parfaitement à l'information privée. Les fourchettes anormales sont donc
dans ce contexte logiquement négatives après les annonces de résultat trimestriel.
Les résultats annuels américains semblent quant à eux mieux anticipés par le marché que les
résultats trimestriels. Cette situation semble assez logique puisque les premiers font en effet
l'objet de prévisions de la part des analystes, ce qui est rarement le cas des seconds. Le
caractère prédictible des résultats annuels doit en effet laisser peu de place à l'acquisition
35
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
d'information privée et l'évolution des fourchettes de prix fait apparaître en date 0 un pic qui
se résorbe ensuite. Ce pic accompagné de fourchettes en excès positives après l'annonce
semblerait ainsi traduire davantage une divergence des anticipations des investisseurs qu'une
véritable situation d'asymétrie d'information. Le résultat annuel pourrait être ainsi considéré
comme un complément d'information engendrant des interprétations dispersées. Ce constat
est à rapprocher de celui fait pour le second semestre Français. En effet, si préalablement aux
annonces de résultat annuel, on observe un élargissement des fourchettes de prix qui
correspond vraisemblablement à l'acquisition d'informations privées, cet élargissement
perdure jusqu'à deux 2 jours après l'annonce ce qui en sens inverse constituerait plutôt le signe
d'un hétérogénéité des anticipations. L’existence d’un pic aux annonces de résultat annuel
plus élevé qu’aux annonces de résultats intermédiaires valide l’hypothèse 1.3. En revanche,
l’amplitude des fourchettes de prix en excès aux annonces annuelles françaises et américaines
ne permet de trancher sur la validité de l’hypothèse 1.4.
Tableau 1.7 – Evolution de la fourchette de prix au voisinage des annonces de résultat aux
Etats Unis et en France
Etats-Unis
Date Toutes annonces
Résultats Résultats
relative
confondues trimestriels annuels
-10
0,0049%
0,0043% 0,0071%
-9
0,0101%
0,0093% 0,0131%
-8
0,0040%
0,0009% 0,0150%
-7
0,0015%
-0,0025% 0,0159%
-6
0,0033%
0,0011% 0,0108%
-5
-0,0015%
-0,0051% 0,0108%
-4
0,0008%
-0,0035% 0,0158%
-3
0,0041%
0,0015% 0,0131%
-2
0,0053%
0,0015% 0,0188%
-1
0,0097%
0,0060% 0,0225%
0
0,0209%
0,0165% 0,0364%
1
0,0028%
-0,0023% 0,0205%
2
-0,0027%
-0,0082% 0,0164%
3
0,0029%
-0,0022% 0,0210%
4
-0,0008%
-0,0076% 0,0227%
5
0,0022%
-0,0031% 0,0208%
6
0,0043%
-0,0006% 0,0214%
7
0,0013%
-0,0044% 0,0212%
8
0,0002%
-0,0053% 0,0196%
9
0,0010%
-0,0044% 0,0200%
10
-0,0027%
-0,0095% 0,0211%
France
Toutes annonces Résultats
confondues semestriels
0,0139% -0,0286%
0,0096% -0,0241%
0,0179% -0,0370%
0,0306% -0,0014%
0,0062% -0,0012%
0,0366% -0,0289%
0,0281% -0,0090%
-0,0078% -0,0371%
0,0139% -0,0504%
0,0188% -0,0374%
0,0054% -0,0020%
0,0352%
0,0385%
-0,0131% -0,0393%
-0,0262% -0,0460%
-0,0255% -0,0347%
0,0048%
0,0072%
-0,0198% -0,0266%
-0,0246% -0,0279%
0,0053%
0,0070%
0,0095% -0,0135%
0,0301% -0,0015%
Résultats
annuels
0,0418%
0,0318%
0,0540%
0,0517%
0,0111%
0,0798%
0,0525%
0,0114%
0,0562%
0,0558%
0,0102%
0,0330%
0,0041%
-0,0131%
-0,0195%
0,0032%
-0,0154%
-0,0225%
0,0042%
0,0246%
0,0508%
Note: La date 0 correspond à la date d’annonce des résultats.
La profondeur est mesurée par la somme des quantités au ask et au bid rapportée au nombre
de titres échangés dans la journée. Les résultats obtenus dans le tableau 1.8 sur la profondeur
anormale prouvent qu’elle est négative préalablement aux annonces de résultat. Ce résultat
confirme ceux obtenus par Lee, Mucklow et Ready (1993) et Libby, Mathieu et Robb (2002).
Globalement, les annonces de résultat sont précédées d’une diminution de la profondeur, c’est
à dire une moins grande capacité des marchés à absorber les ordres, que ce soit par le biais des
36
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
spécialistes aux Etats-Unis ou des donneurs d’ordres à cours limité en France. Cela signifie
que les spécialistes ou les donneurs d’ordres à cours limité se protégent contre les ordres
provenant des agents informés, non seulement en ajustant leurs fourchettes de prix, mais aussi
en diminuant les quantités proposées à l’offre et à la demande.
En observant de plus près l’évolution des profondeurs, trois points apparaissent. D’abord,
l’effet de diminution perdure après l’annonce, ce qui semblerait être le signe d’une grande
vigilance des opérateurs à la probabilité d’échanger avec des agents dotés d’information
privée. Sur le marché français, la diminution de profondeur est quant à elle plus forte, laissant
penser que les profondeurs sont ajustées par les donneurs d’ordres à cours limité de manière
plus marquée que ne le font les spécialistes. Le 1er semestre français présente à ce titre un
profil d’évolution des profondeurs particulier dans le sens où sa diminution intervient au strict
voisinage de la date d’annonce.
Tableau 1.8 – Evolution de la profondeur au voisinage des annonces de résultat aux EtatsUnis et en France
Etats-Unis
Date Toutes annonces
Résultats
relative
confondues trimestriels
-10
-0,0016%
-0,0016%
-9
-0,0014%
-0,0013%
-8
0,0019%
0,0029%
-7
-0,0021%
-0,0019%
-6
-0,0015%
-0,0014%
-5
0,0004%
0,0009%
-4
-0,0023%
-0,0023%
-3
-0,0009%
-0,0006%
-2
-0,0021%
-0,0020%
-1
-0,0034%
-0,0039%
0
-0,0059% -0,0062%
1
-0,0040%
-0,0042%
2
-0,0018%
-0,0018%
3
-0,0017%
-0,0018%
4
-0,0004%
-0,0006%
5
-0,0016%
-0,0021%
6
-0,0007%
-0,0010%
7
-0,0008%
-0,0012%
8
-0,0002%
-0,0005%
9
0,0004%
-0,0001%
10
0,0003%
0,0000%
France
Résultats
annuels
-0,0013%
-0,0018%
-0,0018%
-0,0028%
-0,0018%
-0,0014%
-0,0023%
-0,0019%
-0,0023%
-0,0018%
-0,0048%
-0,0036%
-0,0015%
-0,0016%
0,0002%
0,0001%
0,0003%
0,0006%
0,0006%
0,0019%
0,0012%
Toutes annonces
confondues
-0,2287%
0,4270%
-0,3687%
-0,3238%
-0,4473%
0,2370%
-0,1736%
-0,8245%
-0,7846%
-1,4417%
-2,1591%
-1,9092%
-1,4504%
-1,0790%
-0,6593%
-0,5474%
-0,6615%
-0,1458%
-0,3651%
-0,5836%
-0,1324%
Résultats
semestriels
0,0014%
1,3994%
0,4168%
0,3304%
0,1613%
-0,0368%
0,0518%
-0,4930%
-0,6546%
-1,2545%
-1,7919%
-1,8610%
-1,0740%
-0,9169%
0,1951%
0,1860%
0,4450%
0,9939%
0,3320%
-0,4973%
-0,4092%
Résultats
annuels
-0,3802%
-0,2130%
-0,8857%
-0,7544%
-0,8478%
0,4172%
-0,3219%
-1,0426%
-0,8703%
-1,5649%
-2,4007%
-1,9409%
-1,6981%
-1,1857%
-1,2216%
-1,0301%
-1,3897%
-0,8958%
-0,8240%
-0,6403%
0,0497%
Note: La date 0 correspond à la date d’annonce des résultats.
37
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
5.5. L’effet simultané des annonces de résultat sur les fourchettes de prix et
les profondeurs
Les régressions du tableau 1.9 tiennent compte sur un plan économétrique de
l'endogénéité de l'écart-type des prévisions d'analystes dans le modèle à équations
simultanées. En effet, les analystes constituent un microcosme de la communauté des
opérateurs des marchés financiers. Dans ce contexte, les investisseurs examinent directement
les informations transmises par les marchés financiers mais sont également influencés par les
estimations de ces spécialistes qui à leur tour observent également les firmes concernées. Il
s'agit ensuite d'examiner le degré auquel les variations de fourchettes et de profondeurs sont
générées par des situations d'asymétrie d'information ou d'hétérogénéité des anticipations. Le
tableau 1.9 corrige donc l'écart-type des prévisions d'un nombre donné de facteurs communs
(taille, nombre de prévisions, surprise de résultat et variables comptables) afin d'en isoler la
partie résiduelle. Cette part résiduelle représente ainsi la part de l'écart-type des prévisions
qui ne peut pas être expliquée par ces facteurs communs issus des caractéristiques des
entreprises et celles des analystes financiers. Il s'agirait donc d'une dispersion
« idiosyncrasique » correspondant à la part de l'écart-type des estimations qui ne dépend que
du jugement des professionnels concernés, indépendamment de ce que le marché peut
induire des autres variables qui sont quant à eux à l'origine d'une dispersion que l'on pourrait
appeler systématique ou « naturelle ». La dispersion idiosyncrasique mesurée préalablement
à l'annonce représenterait donc intuitivement une forme d'asymétrie d'information qui se
manifesterait sur les marchés financiers préalablement aux annonces de résultat. L'inclusion
de cette variable dans les modèles 1.13 et 1.14 permet de déterminer le degré auquel les
variations de fourchette de prix et de la profondeur sont liées au degré d'asymétrie prévalant
antérieurement aux annonces de résultat. Trois types de régression ont donc été menés tant sur
le marché Français pour les annonces semestrielles (S1) et annuelles (S2) que pour les
annonces trimestrielles (Q1,Q2 et Q3) et annuelles du marché américain (Q4). Les Etats
financiers intermédiaires semestriels (S1) français et trimestriels américains (Q1,Q2,Q3)
n'étant pas disponibles, les variables comptables telles que le résultat exceptionnel (Rexcabs),
les charges calculées (Chargescal) et la part des charges non prévisibles (Ectcharges)
n'apparaissent que dans les régressions des résultats annuels de ces deux pays (S2 et Q4).
38
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 1.9 – Les facteurs communs de la dispersion des prévisions et la dispersion
idiosyncrasique
Nombre
d’observations
Constante
Taille
Surpabs
Nbestim
S1
S2
Q123
Q4
580
905
2174
635
1,5305***
(0)
-0,0609***
(2,53)
0,2021*
(1,02)
0,0078**
(2,55)
0,7003***
(0)
-0,0226**
(2,67)
0,0266*
(1,51)
0,0037
(2,7)
0,0652***
(0)
-0,0012
(1,17)
0,018***
(1,02)
-0,0008***
(1,15)
3,83%
0,1765***
(1,01)
0,8386***
(1,01)
0,0083*
(1,44)
-0,0674*
(1,12)
4,23%
-0,0183
(0)
0,0014
(1,32)
0,0631***
(1,04)
0,00003
(1,28)
0,0219*
(1,08)
0,0003*
(1,03)
0,0004
(1,05)
4,89%
15,6%
Chargescal
Rexcabs
Ectcharges
Trimestre
R² ajusté
Note: Les valeurs des statistiques de test de colinéarité sont indiquées entre parenthèses. Les exposants *, ** et ***
indiquent la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%.
De manière générale, la surprise est positivement liée à l’écart type des prévisions pour
les résultats publiés dans les deux pays. La surprise sanctionnant un différentiel entre les
résultats publiés et les résultats prévus, il semble intuitivement assez logique qu’elle soit la
manifestation d’une grande dispersion antérieure des estimations d’analystes. Cette dispersion
est donc d’autant plus forte que cette surprise est importante. Ce constat est cohérent avec les
observations effectuées sur le marché français par Gajewski et Quéré (2001) pour les
rentabilités anormales consécutives aux publications semestrielles et annuelles.
L’écart type des prévisions d’analystes est négativement lié à la taille des entreprises
concernées pour l’ensemble des publications à l’exception des résultats trimestriels (Q1, Q2,
Q3) et annuels américains (Q4) qui ne mettent pas en évidence de relation significative. La
dispersion de ces prévisions sur le marché français (S1 et S2) est donc d’autant plus faible que
la capitalisation boursière des firmes correspondantes est importante. L’absence d’une
incidence de la taille sur le marché américain est en revanche surprenante. On peut cependant
l’imputer au fait que les sociétés américaines du SP 500 atteignent une visibilité
internationale telle qu’elles font l’objet d’une vigilance constante des analystes de nombreux
pays. Il existerait donc une sorte d’effet de seuil au-delà duquel ces différentiels de taille
n’auraient plus d’incidence sur le taux de surveillance du marché. Les résultats obtenus sur le
marché français sont par ailleurs cohérents avec ceux de Gajewski et Quéré (2001) pour les
rentabilités anormales consécutives à la diffusion des résultats annuels. En revanche, ces
39
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
auteurs ne constataient aucun effet de cette nature lors des publications semestrielles (S1) ce
qui à l’inverse contredit les conclusions de la présente étude. En réalité, ce paradoxe n’est
qu’apparent si l’on dissocie le comportement des analystes financiers de celui des
investisseurs en général, dont il constitue un sous-ensemble. Les travaux de Gajewski et
Quéré (2001) font en effet état d’une sorte de fixation fonctionnelle sur l’annualité du résultat.
Cette fixation conduirait les investisseurs, dans la lignée d’une hiérarchie implicite, à accorder
moins d’attention aux comptes intermédiaires qu’à des états financiers annuels soumis à des
procédures bien plus solennelles et bien plus strictes. Une hiérarchie analogue n’existerait pas
en revanche chez les analystes en raison d’une expertise qui les conduit à maintenir constante
leur vigilance quelle que soit la période couverte par l’arrêté des comptes. Un tel contexte
expliquerait en particulier l’existence d’un effet taille en S1 pour les prévisions d’analystes et
son absence pour les mêmes périodes quant aux rentabilités anormales. Ces rentabilités
proviennent par définition de la formation de cours d’équilibre déterminés par les opérations
des investisseurs et non par ces spécialistes dont l’influence n’est qu’indirecte. On constate
ainsi que les investisseurs peuvent non seulement avoir un degré de sensibilité variable à
l’information produite par les entreprises mais aussi être plus ou moins réceptifs aux avis des
professionnels concernés.
En revanche, la situation américaine est loin d’être évidente puisqu’à l’inverse de ce qui
prévaut en S1 pour la France, Freeman (1987) isole sur un échantillon de 133 firmes divisé en
quartile un effet taille pour les rentabilités anormales alors que notre étude n’en décèle aucun
pour les prévisions d’analyste. On peut simplement supposer que l’étude de Freeman datant
de 1987, le flot d’information approvisionnant le marché est désormais tel qu’il n’induit pas
de différences significatives pour les sociétés entrant dans notre échantillon. De surcroît, en
supprimant les deux quartiles centraux, cet auteur ne prend en compte que le premier quartile
des entreprises les plus petites pour l’opposer à celui des firmes les plus importantes dans le
dernier quartile ce qui amplifie l’impact correspondant.
L’écart type des prévisions d’analystes est lié au nombre d’estimations de manière positive
pour les publications semestrielles françaises (S1) et négative pour les résultats trimestriels
américains (Q1,Q2 ,Q3) alors qu’il n’est pas significatif pour les résultats annuels dans ces
deux pays (S2 et Q4). Autrement dit pour les résultats intermédiaires français, plus le nombre
d’estimation est élevé, plus l’écart type des prévisions est important alors que cette relation est
inverse aux Etats-Unis. Ces résultats, a priori contradictoires, sont peut être tributaires de
comportements d’analystes très différents de part et d’autre de l’Atlantique. Les comptes
intermédiaires français font en effet l’objet d’un arrêté et de procédures de vérification
beaucoup moins lourds que les comptes annuels. De surcroît, et à l’inverse de ces derniers, ils
sont rarement le support de distributions de résultat, ce qui réduit d’autant pour les firmes
concernées le caractère contraignant d’un principe de prudence destiné à prévenir le
versement de dividendes fictifs. Ce cadre plus lâche, potentiellement propice à une certaine
forme de gestion comptable, aboutirait ainsi à des incertitudes amplifiant la divergence des
prévisions d’analystes pour confiner ainsi à une sorte de « cacophonie » que l’ajout
d’estimations supplémentaires serait susceptible de renforcer. Les travaux de Gajewski et
Quéré (2001) appliqués au marché français évoquaient en effet déjà certaines probabilités de
lissage du résultat comptable du premier semestre. De telles marges de manœuvre, si elles
sont effectives, ne faciliterait ni le travail des analystes ni la prise de décision des
investisseurs. On peut également se demander si l’absence de prévision du résultat semestriel
dans les grandes bases de données de consensus n’est pas en soi révélateur de la moindre
importance qu’accorde la collectivité à ces états financiers.
40
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Si la situation française pour les résultats semestriels va dans le sens de l’intuition immédiate,
le comportement du marché américain au voisinage des publications intermédiaires semble en
revanche plus surprenant. En effet, plus le nombre d’estimations y augmente, plus la
dispersion des prévisions correspondante diminue. Autrement dit, contrairement à la France
l’abondance d’estimations, loin d’être une source de désordre serait en quelque sorte un
facteur d’affinage de l’évaluation des perspectives des firmes concernées pour les résultats
trimestriels (Q1,Q2, Q3). La fonction même des comptes intermédiaires qui prévaut OutreAtlantique est sans doute à l’origine de ce phénomène. Si, tout comme dans notre pays, ces
états financiers ne font pas l’objet d’une certification, ils constituent cependant la source
d’une distribution de dividendes qui les soumet à une rigueur limitant sans doute les transferts
de résultats d’une période à l’autre. Leur fiabilité permettrait ainsi une meilleure précision des
estimations des spécialistes. Un examen plus approfondi révèle en effet sur le marché
américain une dispersion des prévisions d’analystes extrêmement faible. Celle-ci est en effet
près elle est près de 12 fois inférieure à celle qui prévaut dans notre pays (0,023 aux EtatsUnis contre 0,289 dans l’hexagone pour les résultats annuels). D’abord, la compétition entre
les analystes, induite par l’importance de leurs classements, les incite sans doute à affiner
leurs prévisions, qui deviennent alors plus homogènes. On peut également se demander s’il
n’y a pas un effet de mimétisme entre les analystes et, dans le souci de ménager les
investisseurs, une sorte « d’alignement » des entreprises sur les consensus correspondants. De
fait, les niveaux de surprise constatés aux Etats-Unis lors des résultats intermédiaires sont
relativement faibles puisqu’ils atteignent seulement 0,4 %. Il n’est malheureusement pas
possible de rapprocher cette valeur de celle qui prévaut en France pour S1 en l’absence de
prévisions d’analystes disponibles pour les semestres correspondants dans les bases de
données. L’examen de ces intensités de surprise lors des résultats annuels confirme cependant
cette interprétation puisqu’elles atteignent 1,5 % pour Q4 aux USA contre 20,4 % en S2 dans
notre pays. Cette conclusion conforte d’ailleurs les intuitions de Gajewski et Quéré (2001)
puisque ce niveau est inversement et logiquement lié à la fréquence des publications
correspondantes. Dans ce contexte, les comptes trimestriels américains suscitent évidemment
moins de surprise que leurs homologues semestriels français.
A l’inverse des résultats intermédiaires, aucun impact significatif du nombre d’estimations sur
l’écart type des prévisions n’est recensé en France comme aux Etats-Unis pour les résultats
annuels. La symétrie de ces résultats n’implique pas pour autant des explications communes
de part et d’autre de l’Atlantique Du côté américain, on peut cependant supposer que la
dispersion des prévisions est à ce point faible qu’il n’est plus possible en dessous d’un certain
seuil de mettre en évidence un lien significatif avec le nombre de prévisions correspondantes.
Le phénomène concerné serait en quelque sorte noyé dans le bruit de fond ambiant qui le
rendrait indétectable. Côté français, où la dispersion est importante, l’absence de
significativité est en revanche plus surprenante. En réalité, une logique mimétique et
d’influence réciproque conduit peut être les analystes à maintenir leurs estimations dans une
fourchette acceptable. Cependant, contrairement au cas américain, ce centrage n’a pas pour
effet d’amoindrir le niveau de surprise consécutif à la diffusion des résultats annuels puisque
celui-ci atteint, comme indiqué précédemment plus de 20%. En vertu d’une attitude plus
contradictoire ou plus indépendante, il n’existerait pas en France de processus d’alignement
sur les résultats analogue à celui qui prévaut aux Etats-Unis.
L’écart type des prévisions d’analyste est ensuite positivement lié aux charges calculées tant
pour les publications de résultats annuelles française qu’américaines. Autrement dit, plus la
part ces charges dans le résultat d’exploitation est importante, plus la dispersion des
prévisions est importante. Un tel constat est conforme à l’intuition, puisque ce poste
41
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
comprend notamment les dotations aux provisions sur lesquelles les dirigeants peuvent agir de
manière plus ou moins discrétionnaire en fonction de leur politique comptable.
On retrouve également un lien positif avec les charges exceptionnelles de part et d’autre de
l’atlantique Ces charges non récurrentes étant par nature très difficilement prévisibles, elles
induisent naturellement des incertitudes qui accentuent la dispersion des prévisions.
La variable Ectcharges représentant la part non prévisible des charges d’exploitation tant
fixes que variables est quant à elle positivement et significativement corrélée à l’écart type
des prévisions en France. Autrement dit, et conformément à l’intuition, plus cette incertitude
est importante, plus elle amplifie la dispersion des prévisions qui y sont associées. La
situation américaine est en revanche bien plus ambiguë puisque le lien correspondant n’est
pas significatif. De manière surprenante, pour l’ensemble des variables comptables prises en
compte dans la régression de l’écart type des prévisions, ces degrés de significativité sont
systématiquement inférieurs à ceux qui prévalent dans notre pays. Nous évoquions une sorte
d’alignement des firmes sur les consensus d’analystes, mais on peut se demander si ce
phénomène n’est pas lié à une sorte d’ajustement inverse de ces spécialistes sur les résultats
projetés par les entreprises dans une logique de jonction. Dans ce contexte d’entente qui reste
à confirmer, certaines variables comptables n’auraient effectivement plus beaucoup d’impact
sur leurs estimations.
Nous avons introduit enfin une variable « trimestre » pour les entreprises françaises qui
publient volontairement des comptes intermédiaires à cette cadence inférieure au semestre
légalement requis. Cette variable est négativement liée à l’écart type des prévisions
d’analystes. Autrement dit, les entreprises qui établissent des arrêtés trimestriels induisent
moins de dispersion que celles qui s’en tiennent au semestre. Ce résultat est conforme à
l’intuition puisqu’une information fréquemment réactualisée permet précisément aux
professionnels d’avoir une vision bien plus fine des perspectives de l’entreprise concernée. Ce
qui prévaut chez les analystes existe d’ailleurs chez les investisseurs puisque les rentabilités
anormales consécutives aux publications trimestrielles américaines sont bien moins
importantes que celles constatées dans notre pays. Ce phénomène confirmé par la présente
étude avait déjà été évoqué par Gajewski et Quéré (2001).
42
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 1.10 – Les facteurs déterminants de la fourchette de prix et de la profondeur aux
annonces de résultat
Partie A – Le cas de la France
Nombre
d’observations
Constante
Depar
Spar
0,0002
(0,31)
-0,0116***
(-3,15)
Spar
Sizear
-0,0015***
(-7,6)
Rangear
0,0974***
(15,56)
-0,0023
(-1,21)
0,0013***
(3,29)
0,0006**
(2,05)
Pstd
Resid
Jour
R² pondéré du
système d’équations
S1
S2
580
905
Depar
0,0334***
(4,79)
Spar
-0,00007
(-0,14)
-0,0125***
(-3,26)
Depar
0,0053
(1,1)
-1,269***
(-3,23)
-0,0165***
(-8,81)
-0,0018***
(-9,28)
-0,6429**
(-2,56)
-0,0253***
(-19,3)
-0,1189***
(-5,81)
0,0017
(0,38)
-0,0009
(-0,28)
0,079***
(17,15)
0,0005
(0,26)
-0,0002
(-0,43)
0,00008
(0,28)
-0,0201
(-1,31)
-0,0069*
(-1,95)
0,0016
(0,67)
26,72%
27,82%
Note: Les valeurs des statistiques de test de student sont indiquées entre parenthèses. Les exposants *,
indiquent la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%.
**
et
***
43
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Partie B – Le cas des Etats-Unis
Nombre
d’observations
Constante
Depar
Q123
Q4
2174
635
Spar
0,0001***
(3,67)
-2,4014***
(-12,38)
Spar
Sizear
-0,0001***
(-5,46)
Rangear
0,0083***
(16,25)
-0,0057***
(-4,86)
0,00004
(0,18)
-0,00006***
(-3,03)
Pstd
Resid
Jour
R² pondéré du
système d’équations
Depar
0,00002***
(5,57)
Spar
0,0003***
(6,34)
-1,7604***
(-7,48)
Depar
0,00002
(3,53)
-0,0293***
(-13,61)
-0,00004***
(-18,37)
-0,0001***
(-2,82)
-0,044***
(-7,51)
-0,00006***
(-11,58)
-0,0013***
(-10,08)
0,00002
(0,86)
0,0000005
(0,23)
0,0099***
(11,43)
-0,0066***
(-4,6)
-0,0007
(-1,03)
-0,00003
(-1,03)
-0,0008***
(-3,34)
-0,0002**
(-2,28)
-0,000006
(-1,15)
24,05%
30,41%
Note: Les valeurs des statistiques de test de student sont indiquées entre parenthèses. Les exposants *,
indiquent la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%.
**
et
***
Le tableau 1.10 permet alors de rendre compte dans un modèle à équations simultanées
des évolutions de fourchette de prix et de profondeur au voisinage des annonces de résultat à
partir d'un nombre donné de variables de contrôle, de l'effet jour et de la
dispersion « idiosyncrasique » des prévisions d'analyste définie plus haut. Le signe des
variables de contrôle confirme les résultats obtenus par la littérature antérieure et prouve bien
que la fourchette de prix et la profondeur sont reliées négativement. Ce résultat reste valide
même lorsque l'on mesure ces deux variables en excès comme c'est le cas dans la présente
étude. Dans le même esprit et conformément à la théorie existante (Glosten et Milgrom,
1985), la fourchette de prix est négativement liée au volume de transaction en excès à la fois
sur les marchés français et les marchés américains, ce qui confirme les études empiriques sur
le sujet (McInish et Wood, 1992 ; Yohn, 1998). En ce qui concerne la relation entre la
profondeur et le volume, le lien significativement négatif, qui peut sembler contre-intuitif,
provient vraisemblablement d'un effet mécanique. En effet, comme la profondeur a été
rapportée au volume de transaction quotidien, elle est naturellement inversement liée au
volume de transaction. Les résultats confirment également que la volatilité est un déterminant
de la fourchette de prix, comme la théorie le prévoit (Stoll, 1978 ; Copeland et Galai, 1983).
Plus le risque total du titre augmente, plus les spécialistes et les donneurs d'ordres à cours
44
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
limité seront enclins à
fondamentale.
positionner leurs ordres à
des limites éloignées de la valeur
La variable Pstd mesure la part de la dispersion des prévisions d’analystes liée à au nombre de
prévisions, aux surprises correspondantes et à la taille des entreprises concernées. A ces
facteurs pris en compte pour les résultats intermédiaires, ont été rajoutées certaines variables
comptables pour les annonces annuelles (Ectcharges, Chargescal, Rexcabs). Les résultats du
tableau 1.10 mettent en évidence un impact significativement négatif sur la profondeur à
l’exception du deuxième semestre français. On peut en effet penser qu’en réaction de
prudence à un plus grand aléa des prévisions d’analystes, les investisseurs se protègent par des
ordres d’une taille moindre ce qui aboutit à une diminution de la profondeur. Un même lien
significativement négatif est constaté pour les fourchettes de prix aux USA alors qu’il est
revanche inexistant en France. Les investisseurs américains confrontés à un accroissement de
l’aléa des prévisions des professionnels concernés tendraient à centrer leurs ordres sur la
moyenne ce qui diminuerait la fourchette de prix. En revanche, l’absence de toute relation
significative avec les prévisions d’analystes serait dans l’hexagone liée à la faible part
explicative des variables intrinsèques prises en comptes dans Pstd (R2 ajusté pour les résultats
annuels de 15,6 % aux Etats-Unis contre 4,23% en France).
La variable Resid, mesurant la part de l'écart-type des prévisions des analystes non prévisible
par les marchés financiers, serait un indicateur indirect de l'incertitude sur le marché qui se
manifeste par la dispersion des anticipations des investisseurs. On peut noter que les excès de
fourchettes de prix au voisinage des résultats semestriels en France sont liés positivement à
cette dispersion idiosyncrasique, laissant ainsi entendre que les variations de fourchettes
auraient pour origine une plus grande incertitude sur les résultats futurs. Au voisinage des
résultats trimestriels américains, le lien entre la fourchette de prix et la dispersion
idiosyncrasique est positif mais non significatif. La disparité entre le marché français et le
marché américain peut être expliquée par le fait que les investisseurs sont très sensibles à une
augmentation de la dispersion idiosyncrasique, mais en revanche peu sensibles à un
accroissement de l'homogénéité des prévisions des analystes. Autrement dit, si les analystes
ont des opinions sur le résultat futur très dispersées, les investisseurs craignent de subir des
pertes, et par voie de conséquence, les fourchettes de prix s'élargissent. En revanche et de
manière non symétrique, lorsque ceux-ci ont une idée plus précise du résultat futur, les
investisseurs ou les spécialistes sur les marchés financiers n'améliorent pas pour autant leurs
limites de prix.
Ces deux relations sont à mettre en lien avec la variable jour. En effet, cette variable qui prend
la valeur 1 si on se situe après l'annonce et 0 dans le cas inverse a un impact
significativement positif sur la fourchette de prix au voisinage de l'annonce de résultat
semestriel en France. Cela signifie que, toutes choses égales par ailleurs, la fourchette de prix
augmente juste après l'annonce, confirmant ainsi les résultats du tableau 1.7. Comme les
accroissements de fourchettes de prix sont liés positivement à la dispersion idiosyncrasique,
on peut penser que l'augmentation constatée après l'annonce est liée à une plus grande
asymétrie d'information. De manière opposée, les résultats trimestriels aux Etats-Unis mettent
en évidence un effet jour significativement négatif après l'annonce. Cela signifierait que,
toutes choses égales par ailleurs, la fourchette de prix diminue juste après l'annonce. Cet effet
confirme la relation non significative entre la fourchette de prix et la dispersion
idiosyncrasique. Il y aurait effectivement une diminution d'asymétrie d'information après
l'annonce des résultats trimestriels américains, confirmant ainsi la logique de substitution de
l'information privée. En effet, les résultats trimestriels américains semblent établis sur la base
45
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
d'un horizon temporel très court et ne servent pas de base pour des prévisions éventuelles dans
une optique d'actualisation. Les tableaux des régressions effectuées au voisinage des annonces
de résultat annuel ne mettent pas en évidence d'effet jour significatif, prouvant ainsi que ni les
fourchettes de prix ni les profondeurs ne varient au voisinage de l'annonce, toutes choses
égales par ailleurs. Ces résultats sont convergents entre les deux pays et confortent l'hypothèse
selon laquelle l'information contenue dans les résultats annoncés est déjà bien intégrée dans
les cours préalablement aux annonces. L'absence d'effet jour laisse penser qu'il y a très peu de
chance d'observer des situations d'asymétrie d'information au voisinage de telles annonces.
En revanche, sur le 2 marchés, la profondeur diminue lorsque la dispersion idiosyncrasique
augmente. Cet effet de la dispersion idiosyncrasique sur la profondeur a certainement pour
origine une plus grande hétérogénéité dans l'interprétation du bénéfice annoncé.
6. CONCLUSION
Cette étude ne permet pas encore de statuer de manière ferme sur les déterminants de la
convergence des anticipations des investisseurs. Nos travaux sont évidemment tributaires de
la nature de l’échantillon sélectionné et des périodes boursières examinées, de la qualité des
données et des méthodes statistiques employées. Cependant, certains éléments de conclusions
apparaissent.
D’abord, une diffusion plus fréquente des informations comptables par les entreprises
américaines semble en limiter l’impact en cas de surprise négative et permet aux investisseurs
de réajuster leurs portefeuilles plus régulièrement qu’en France compte tenu du rythme
trimestriel de publication. En effet, tant pour les résultats semestriels que pour les résultats
annuels français, les volumes de transaction en excès dépassent ceux des Etats-Unis. En
revanche, comme les résultats trimestriels américains constituent le support du calcul du
montant du dividende, l’annonce de bonne surprise provoque une réaction plus forte outreatlantique. Un degré de vigilance supérieur semble compenser l’effet de fréquence attendu.
C’est justement le taux de surveillance du marché qui semble expliquer certaines situations
d’asymétrie d’information au voisinage des annonces de résultat. Certaines périodes semblent
en effet moins scrutées que d’autres, et, à ce titre, certains investisseurs pourraient tirer
avantage de la moindre vigilance des autres acteurs du marché. C’est dans la lignée des
travaux de Gajewski et Quéré (2001), qui pressentaient plus de latitude dans l’arrêté des
comptes correspondants, ce qui semble prévaloir au premier semestre français. Dans la
présente étude, toutes choses égales par ailleurs, il apparaît que les fourchettes de prix soient
plus larges après la survenance des annonces de résultat semestriel en France. Ceci laisse
penser qu’elles pourraient être le siège d’une asymétrie d’information exploitée par les
bénéficiaires concernés en vertu du degré de surveillance moindre des autres agents.
Aux Etats-Unis, le taux de surveillance semble en revanche plus élevé aux résultats
intermédiaires que dans notre pays. Les agents semblent en effet avoir un horizon
d’anticipations trimestrielles qui les incite à accumuler de l’information préalablement aux
annonces et à surveiller de très près leur date et heure de survenance. Ceci entraînerait un
accroissement des situations d’asymétrie d’information ex-ante et leur réduction soudaine
consécutivement aux annonces de résultats intermédiaires.
Il n’en demeure pas moins que ce sont les comptes annuels qui dans le prolongement de
l’étude de Gajewski et Quéré (2001) et en vertu des usages et de leur haut degré de
46
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
certification semblent soumis à l’examen le plus attentif des investisseurs et, dans cette
logique, ils semblent laisser peu de place à une asymétrie d’information éventuelle. En
revanche, la part idiosyncrasique de la dispersion des prévisions a un effet négatif sur la
profondeur, laissant penser que les agents diminuent, dans un souci de prudence, leurs
quantités proposées à l’achat et à la vente au moment précis des annonces de résultat annuel.
Toutefois, aucun effet sur la fourchette de prix ne semble avoir lieu. On peut donc penser que
les investisseurs réactualisent leurs anticipations aux annonces de résultat annuel sans pour
autant craindre de faire face à des agents informés. S’ils freinent ainsi leur volonté d’échanger
en raison des changements d’anticipations qui les conduisent à attendre une «stabilisation » du
marché pour opérer en toute sécurité, il semble qu’aucune situation d’asymétrie d’information
n’apparaisse à ces moments précis.
Par ailleurs, les agrégats comptables, sujets à estimations tels que les charges calculées, ont un
impact sur les fourchettes de prix et les profondeurs à travers les prévisions des analystes. En
effet, la part « naturelle » de dispersion a tendance à réduire la fourchette aux USA, car elle
explique une partie significative de leurs estimations et aboutit à une diminution de la
profondeur en raison des réactions de prudence que suscitent des aléas supplémentaires.
Au-delà de ces conjectures et des travaux menés dans la présente étude sur les fourchettes de
prix notamment, il semble de fait très difficile de dissocier les phénomènes d’asymétrie
d’information de ceux qui tiendraient de la simple hétérogénéité d’anticipations. La dispersion
des anticipations est un phénomène « naturel » qui peut fort bien exister, comme le montre les
travaux d’économie expérimentale, à substrat d’informations identique.
47
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Annexe 1 : Statistique descriptive
Tableau 1.11 – Les moments et extremums des variables
Partie A.1 – Le cas des annonces intermédiaires (semestrielles) en France
Variable
spar
depar
sizear
rangear
nbestim
taille
std
surpabs
Nombre
d’observations
645
645
645
645
640
645
635
585
Moyenne
-0.000181
-0.01327
0.51
0.00847
14.19
21.78
0.30929
0.06863
Écart-type
0.00386
0.03841
0.82172
0.02561
6.59
1.56
0.34853
0.14292
Minimum
-0.01053
-0.30769
-2.20302
-0.06286
1
18.29
0
0
Maximum
0.04061
0.21382
3.65475
0.12893
29
25.82
1.96
1
Partie A.2 – Le cas des annonces intermédiaires (3 premiers trimestres) aux Etats-Unis
Variable
spar
depar
sizear
rangear
nbestim
taille
std
surpabs
Nombre
d’observations
3339
3339
3339
3339
2234
3294
2189
2199
Moyenne
0.000027
-0.000036
0.28921
0.00546
14.9
23.79
0.02545
0.13516
Écart-type
0.00103
0.000327
0.53003
0.02398
6.27
1.02
0.03835
0.5883
Minimum
-0.00839
-0.00706
-1.55619
-0.05686
1
20.68
0
0
Maximum
0.03282
0.00994
2.93426
0.36387
37
27.08
0.36
9.91667
48
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Partie B.1 – Le cas des annonces annuelles en France
Variable
spar
depar
sizear
rangear
nbestim
taille
std
surpabs
chargescal
ectcharges
rexcabs
Nombre
d’observations
970
970
970
970
955
970
915
940
970
970
970
Moyenne
0.000337
-0.00956
0.36785
0.00921
11.84
21.37
0.28869
0.39485
0.08346
0.2701
0.0085
Écart-type
0.00468
0.04317
0.8931
0.03194
7.18
1.6
0.33823
1.05465
0.26555
2.78687
0.04741
Minimum
-0.01470
-0.26871
-2.24818
-0.06936
1
18.37
0
0
0
-28.87877
0
Maximum
0.06226
0.33816
3.51296
0.23088
29
25.49
2.46
9.608
3.51073
22.70113
0.54464
Partie B.2 – Le cas des annonces annuelles aux Etats-Unis
Variable
spar
depar
sizear
rangear
nbestim
taille
std
surpabs
chargescal
ectcharges
rexcabs
Nombre
d’observations
955
955
955
955
650
935
645
645
955
955
955
Moyenne
0.000229
-0.000028
0.28023
0.01181
17.66
23.75
0.02302
0.07273
0.06105
0.19339
0.35342
Écart-type
0.000528
0.000111
0.53331
0.02166
6.45
1.01
0.0274
0.17252
0.08817
0.46212
4.46517
Minimum
-0.00156
-0.00114
-1.50029
-0.03143
1
21.6
0
0
0
-0.01905
0
Maximum
0.00307
0.00112
2.33579
0.17148
38
26.92
0.17
1.8
0.7787
5.86926
61.84615
49
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 1.12 – Les matrices de corrélation
Partie A.1 – Le cas des annonces intermédiaires (semestrielles) en France
spar
spar
depar
sizear
rangear
nbestim
taille
std
surpabs
1
depar
-0.07561*
1
sizear
rangear
-0.02786
0.48252***
-0.34653*** -0.19703***
1
0.43323***
1
nbestim
-0.13493***
0.20815***
0.01767
-0.14068***
1
taille
-0.09765
0.30189***
-0.06115
-0.17143***
0.77497***
1
std
0.1491**
-0.0516
-0.01597
0.03559
-0.07066*
-0.15779***
1
surpabs
0.0558
-0.00338
-0.05414
0.04235
-0.18913***
-0.14224***
0.09371**
1
Partie A.2 – Le cas des annonces intermédiaires (3 premiers trimestres) aux Etats-Unis
spar
spar
depar
sizear
rangear
nbestim
taille
std
surpabs
1
depar
-0.49884***
1
sizear
rangear
0.14111*** 0.39342***
-0.17203*** -0.20625***
1
0.48608***
1
nbestim
-0.07243***
0.08569***
0.01523
-0.03791*
1
taille
0.05674***
0.05525***
0.03218*
0.00353
0.32172***
1
std
-0.01682
-0.00114
-0.05920***
-0.01586
-0.14886***
-0.09140***
1
surpabs
0.18949***
0.06564***
0.09498***
0.23556***
-0.10153***
-0.06981***
0.17559***
1
50
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Partie B.1 – Le cas des annonces annuelles en France
spar
spar
depar
sizear
rangear
nbestim
taille
std
surpabs
chargescal
ectcharges
rexcabs
1
depar
-0.02642
1
sizear
rangear
-0.06367** 0.44328***
-0.52718*** -0.19989***
1
0.38765***
1
nbestim
-0.08138**
0.13179***
-0.00594
-0.13299***
1
taille
-0.10810***
0.16353***
-0.00343
-0.11554***
0.77440***
1
std
-0.02805
-0.04917
-0.01900
-0.05600*
-0.04436
-0.08283**
1
surpabs
0.06325*
0.00502
-0.00852
0.12242***
-0.18192***
-0.16877
0.09371**
1
chargescal
-0.00022
-0.04101
-0.05715*
-0.04016
-0.07346*
-0.08335***
0.14682***
-0.00593
1
ectcharges
0.01706
0.02066
0.03396
0.03413
-0.02691
0.01956
0.03898
-0.47501***
0.05386*
1
rexcabs
-0.03285
0.13582***
-0.12149***
-0.08357***
0.01720
0.03671
0.11951***
0.04713
-0.01912
-0.06231
1
nbestim
-0.08006**
0.09907**
-0.06761*
-0.03486
1
taille
-0.06614**
0.22251***
-0.00159
0.01407
0.38624***
1
std
-0.09820**
-0.09272**
-0.00054
-0.05138
0.04548
-0.02030
1
surpabs
-0.08679**
-0.05679
0.02938
0.03312
0.01480
-0.15429***
0.38981***
1
chargescal
-0.02609
-0.06070*
0.05354*
0.01482
0.15545***
-0.05041
0.09072***
0.03388
1
ectcharges
-0.01119
-0.04371
0.04207
0.03669
0.04499
0.08422***
-0.00929
-0.00396
0.09354***
1
rexcabs
-0.03252
-0.10710***
-0.01046
-0.03659
-0.11919***
-0.07578**
0.05611
-0.02745
0.07837**
-0.01931
1
Partie B.2 – Le cas des annonces annuelles aux Etats-Unis
spar
spar
depar
sizear
rangear
nbestim
taille
std
surpabs
chargescal
ectcharges
rexcabs
1
depar
-0.09727***
1
sizear
rangear
0.16041*** 0.40714***
-0.40846*** -0.19169***
1
0.44388***
1
51
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
II. Etude expérimentale du traitement de l'information
comptable par les opérateurs 13
Si la 1ère partie consiste à étudier la réaction des marchés financiers à l’annonce
d’information comptable, elle s'en tient essentiellement à l'observation de l'évolution des
cours, des volumes et des meilleures limites autour des dates de diffusion de l'information. Le
cours des actions résulte de la confrontation d'une multitude d'ordres et leur examen ne permet
pas de mettre en évidence la logique individuelle des ordres qui ont concouru à sa formation.
De même, les meilleures limites et les volumes de transaction ne révèlent que des situations
d’hétérogénéité d’anticipations ou d’asymétrie d’information sans analyser le comportement
des investisseurs dans le détail. Seule une analyse des ordres avec l’identification des
investisseurs finaux 14 permettrait de détailler le cheminement qui conduit à l’achat et/ou à la
vente d’une action.
L’étude expérimentale de la seconde partie consiste à analyser à partir d'un échantillon
d'opérateurs la séquence logique du traitement de l'information comptable conduisant à la
décision d'achat, de conservation ou de vente des titres. Ces observations permettent de
construire par induction un modèle de comportement des investisseurs qui devra être
expérimenté dans un marché reconstitué en laboratoire. L'aspect le plus délicat de cette
recherche très peu développée en gestion dans le contexte français est la réalisation d'un
protocole d'expérience qui permet de garantir la fiabilité et l'interprétabilité des résultats
obtenus. L'intérêt de telles expériences tient surtout à la possibilité de paramétrer à volonté le
protocole d'expérience, ce qui permet d'isoler au plus juste les processus que l'on souhaite
observer. Nous nous proposons dans cette partie de mettre en place des expériences de marché
s'inspirant des plans d’expériences et des protocoles développés par Gillette et al. (1999). La
construction d’une expérimentation nécessite de prendre en compte la structure des marchés
étudiés, la nature des actifs négociés, les préférences, les choix possibles et l’information des
opérateurs.
Dans un premier temps, nous nous proposons d’analyser le comportement des investisseurs au
voisinage d’annonces d’information de type obligatoire. De toutes les informations
financières diffusées régulièrement par les entreprises durant leur exercice comptable, le
résultat net est sans doute la publication qui a le plus d’importance pour les actionnaires. Si ce
résultat est soumis à l’approbation de l’assemblée générale ordinaire annuelle, il est surtout
par l’affectation qu’elle décide la source des dividendes qui rémunèrent leurs apports. Les
comptes annuels sont, de surcroît, parmi l’ensemble des publications comptables, celles qui,
par le degré maximal de certification dont ils font l’objet de la part des auditeurs, présentent la
meilleure garantie de fiabilité pour les investisseurs. A l’instar de ce qui prévaut sur les
marchés financiers, nous construisons donc une expérience, au cours de laquelle, quatre
13
Cette seconde partie fait l’objet de travaux de recherche développés par Thanh Huong Dinh et Jean-François
Gajewski :
- Dinh T.H. et J.F. Gajewski, 2005, « Une étude expérimentale des prévisions des analystes financiers et
de l’efficience informationnelle des marchés », Revue Française de Gestion, 157, 189-202.
- Dinh T.H. et J.F. Gajewski, 2005, « Trading volume and dispersion of opinions around earnings
announcements: a direct measure by the experimental method ».
- Dinh T.H. et J.F. Gajewski, 2006, « Do the individual investors follow the financial analysts’ forecasts?
An experimental approach ».
14
Il existe des bases de données qui permettent d’obtenir de l’information sur la provenance des ordres, mais
l’information la plus fine ne contient que l’identification de ceux qui passent les ordres effectivement sur le
marché. Les clients finaux ne sont pas identifiés.
52
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
composantes d’un même résultat sont diffusées aux opérateurs. On peut ainsi assimiler
chacune des composantes à un résultat trimestriel et la dernière au résultat annuel. Dans
l’expérience, le résultat est annoncé à la fin de huit rondes d’échange. Toutes les deux
périodes, une fraction du résultat est annoncée à l’ensemble des opérateurs.
L’expérience prouve que, même en l’absence d’asymétrie d’information, les opérateurs ont
des anticipations hétérogènes. De plus, cette hétérogénéité ne diminue pas lorsque les
opérateurs accumulent de plus en plus d’information permettant d’anticiper le résultat futur.
La dispersion des anticipations est d’ailleurs le principal facteur à l’origine des transactions au
cours de l’expérience. Le volume de transaction s’accroît lorsque les anticipations deviennent
plus dispersées, mais au-delà d’un certain seuil, trop de dispersion empêche les investisseurs
d’échanger.
Dans un second temps, nous étudions le comportement des investisseurs lorsqu’ils reçoivent
une information de type facultatif. A l’instar du rôle joué par les analystes financiers sur les
marchés, l’expérience est construite de sorte que des prévisions de résultat soient
communiquées régulièrement aux opérateurs. Il s’agit d’examiner, dans le cadre d’un
laboratoire, comment les opérateurs intègrent l’information contenue dans les prévisions de
résultats faites par les analystes financiers. Le rôle principal des analystes financiers consiste à
fournir aux investisseurs des prévisions et des recommandations d’achat ou de vente de titres.
Ils collectent ainsi des informations auprès de différentes sources pour les interpréter, les
retraiter et les restituer de manière synthétique et intelligible afin de permettre aux
investisseurs de prendre les décisions optimales. La fonction des analystes est donc
fondamentale pour la communauté financière, et leurs prévisions sont très utiles pour les
investisseurs sur les marchés financiers. A ce titre, la recherche empirique les utilise souvent
comme variable de substitution des anticipations des investisseurs. Néanmoins, les
motivations et le comportement des investisseurs sont souvent bien différents des
préoccupations des analystes financiers, et de nouvelles recherches montrent que les
prévisions peuvent être biaisées et dispersées. En utilisant la structure des marchés de double
enchère, nous mettons en place plusieurs expériences sur 12 périodes, qui varient en termes de
dispersion et d’erreur de prévisions.
L’expérience prouve que les investisseurs tiennent compte des prévisions dans leurs
anticipations. Ils corrigent partiellement les erreurs faites par les analystes et sous-réagissent
aux révisions de prévisions. La dispersion des prévisions des analystes accroît l’hétérogénéité
des anticipations des investisseurs, mais n’a pas d’impact sur leurs erreurs. Cette dispersion
influe négativement sur le volume d’échange, surtout quand les prévisions sont pessimistes.
Comme les anticipations des investisseurs sont directement liées aux prévisions des analystes,
nous subdivisons l’hétérogénéité des anticipations en deux parties. La première partie, que
nous appelons dispersion « naturelle », corrélée avec la dispersion des prévisions des
analystes empêche les investisseurs d’échanger. Cette relation est monotone. La seconde
partie, la dispersion idiosyncrasique, non corrélée avec les prévisions des analystes financiers,
influe sur le volume de transaction sous la forme d’une relation concave.
L’analyse des prix d’échange prouve que les marchés ne sont pas complètement efficients.
Ceci est lié à des imperfections contenues dans les prévisions des analystes. L’erreur moyenne
est positivement reliée aux biais de prévisions des analystes. Le degré d’ajustement du prix à
la valeur fondamentale dépend de la convergence des prévisions vers cette valeur. De surcroît,
la volatilité peut devenir excessive lorsque les prévisions des analystes sont trop dispersées.
Enfin, nous obtenons un résultat susceptible d’enrichir les études sur la prévisibilité des
53
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rentabilités futures. En effet, les rentabilités peuvent être prévues à partir de la révision et de
la dispersion des prévisions des analystes. Les résultats ainsi obtenus prouvent que la qualité
de l’information prévisionnelle est une condition nécessaire mais non suffisante à l’efficience
des marchés financiers.
II.1. Volume de transaction et dispersion d’opinions à
l’annonce de résultat
1. Introduction
Sous l’hypothèse d’efficience des marchés, même si les investisseurs ne savent pas prédire
le futur, ils connaissent parfaitement la relation qui lie la valeur de l’actif aux variables qui la
déterminent. Dans ces conditions, ils peuvent anticiper correctement l’évolution de cette
valeur et échangent uniquement lorsqu’ils pressentent une évolution de celle-ci. Ainsi, lors de
l’annonce d’une information, par exemple les résultats d’une entreprise, les prix s’ajustent
immédiatement à la nouvelle valeur anticipée de l’action et aucun échange ne peut avoir
lieu. 15 Dans cette perspective, il n’y a des transactions que dans deux cas de figure : soit, les
investisseurs anticipent un changement de la valeur de l’action (Verrecchia, 1982; Karpoff,
1987; Kim et Verrecchia, 1991b), soit ils n’ont pas tous accès à l’ensemble d’informations qui
déterminent la valeur de l’actif. Dans ce cas, les investisseurs n’ont pas une connaissance
commune de la réalité et les échanges peuvent s’expliquer par l’hétérogénéité des
anticipations avant l’annonce, et par les interprétations idiosyncrasiques que font les
investisseurs de l’information contenue dans l’annonce (Kim et Verrecchia, 1991b ; Kandel et
Pearson, 1995 ; Bamber et al., 1999) ou alors par l’asymétrie d’information préalablement à
l’annonce.
Les études empiriques antérieures laissent à ce propos des questions importantes en suspens.
La première concerne la dimension irrationnelle du comportement des investisseurs qui est
très peu abordée au sein des études sur le volume d’échange. La deuxième question résulte
des caractéristiques même de ces recherches. C’est l’incapacité de mesurer, de manière
directe, l’hétérogénéité des croyances des investisseurs. Elle est en effet estimée par la
dispersion des prévisions de résultat des analystes financiers. Cette approximation n’est pas
pertinente dans la mesure où les analystes ne représentent qu’une petite proportion des
opérateurs de marché (Atiase et Bamber, 1994). Ils ont des positions différentes des
investisseurs et sont souvent mieux informés et plus compétents.
Dans ce contexte, l’utilisation de la méthode expérimentale constitue une voie de recherche
particulièrement intéressante. Notre objectif est ainsi d’étudier expérimentalement l’évolution
du volume de transaction lors de la publication de résultat. Il y a essentiellement trois apports
dans cette étude. Elle permet d’abord de prendre en compte les anticipations hétérogènes des
investisseurs au lieu de les approcher par les prévisions de résultat des analystes financiers. En
deuxième lieu, cette expérience permet d’isoler l’hétérogénéité des anticipations de
l’asymétrie d’information dans la mesure où les investisseurs disposent du même substrat
d’informations. La troisième contribution de cette étude consiste en l’étude approfondie de
l’impact de la dispersion des anticipations des investisseurs sur le volume d’opérations.
15
Voir le théorème d’absence de transaction (Milgrom et Stockey, 1982).
54
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Nos principaux résultats révèlent qu’en dépit de la structure commune d’information, des
échanges ont toujours lieu entre les participants. Les échanges sont principalement associés à
l’hétérogénéité des anticipations portant sur le résultat annuel. Cette relation n’est pas
monotone, mais présente une forme concave. La dispersion des anticipations provoque en
effet des échanges lorsqu’elle n’est pas trop élevée et empêche les investisseurs d’échanger
au-delà d’un certain seuil. De manière implicite, les résultats obtenus montrent que certains
opérateurs pensent que le comportement des autres n’est pas nécessairement très rationnel et
proposent donc d’échanger. Il en découle que l’incertitude ne dépend pas seulement du
processus de détermination de la valeur fondamentale des titres, mais aussi des connaissances
incertaines des investisseurs sur les motivations et la réaction des autres. Ceci est logique dans
la mesure où le comportement des autres participants détermine le degré de liquidité des
marchés. Un investisseur, anticipant une décroissance du prix des titres et désirant donc
vendre ses titres, ne peut pas exécuter cette opération si la réaction d’autres participants ne
vise pas à en acheter.
Dans cette partie, le premier point consiste d’abord à formuler les hypothèses de recherche.
La section suivante a pour objet de présenter les procédures expérimentales. Les résultats
obtenus sont ensuite interprétés.
2. Les fondements théoriques et les hypothèses de recherche
Même si les résultats intérimaires ne sont pas soumis à une procédure aussi complète que
le résultat annuel, la loi prévoit cependant, dans la plupart des cas, la publication d’états
financiers intermédiaires pour permettre aux investisseurs de réagir rapidement à une
information fréquemment réactualisée leur donnant une vision plus « continue » de
l’évolution de la firme. L’information contenue dans les publications intermédiaires est
cependant beaucoup moins détaillée que celle des comptes annuels. Dans ce contexte, on peut
se demander sur quelle base les investisseurs réagissent lors des annonces correspondantes.
De toute évidence, l’information diffusée par les publications intermédiaires est perçue
comme une image imprécise du résultat net annuel. Cette image devient de plus en plus
précise à l’approche de la clôture de l’exercice. Suivant cette logique, au fur et à mesure que
le nombre de périodes s’accroît dans l’expérience et que l’on se rapproche de l’annonce de
résultat final, les anticipations de résultat doivent devenir davantage homogènes en
convergeant progressivement vers la vraie valeur du résultat. Ceci permet de poser la
première hypothèse.
Hypothèse 2.1 : Les anticipations des participants sur le résultat final convergent vers le
résultat annuel au fil des périodes d’échange. Cette convergence est d’autant plus rapide que
l’on annonce un résultat intermédiaire.
Même si la dispersion des anticipations est censée décroître au fil des rondes d’échange, elle
devrait persister encore jusqu’à la fin de la séance et se renforcer lors de la publication du
résultat. Dans la littérature, plusieurs modèles théoriques ont été construits de manière à
prévoir le volume d’échange au voisinage de l’annonce de résultat (Karpoff, 1986 ; Ziebart,
1990 ; Atiase et Bamber, 1994 ; Kandel et Pearson, 1995). En accord avec ces modèles, le
volume de transaction provient à la fois de la dispersion des anticipations formées avant
l’annonce et de la divergence des interprétations de l’information entre les agents.
55
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Intuitivement, plus les anticipations des investisseurs sont hétérogènes, plus la probabilité que
leurs ordres placés soient de sens opposé s’accroît. Ainsi, les investisseurs qui souhaitent
acheter des titres (respectivement en vendre) trouvent plus facilement une contrepartie lorsque
d’autres opérateurs se portent vendeurs (respectivement acheteurs). La dispersion des
anticipations génère alors davantage de transactions. Néanmoins, si les anticipations des
agents sur la valeur future dépassent un seuil d’hétérogénéité, la probabilité qu’un agent
trouve une contrepartie diminue et le nombre de transactions cesse ainsi d’augmenter. Ces
éléments permettent alors de supposer que la relation entre le volume de transaction et la
dispersion des anticipations n’est pas linéaire mais plutôt concave.
Hypothèse 2.2 : La relation entre le volume de transaction et la dispersion des anticipations
des investisseurs présente une forme concave.
Cette hypothèse postule que le volume de transaction s’accroît avec l’hétérogénéité des
anticipations jusqu’à un seuil à déterminer, et décroît au-delà de ce point. Dans la construction
de l’expérience, il s’agit de faire apparaître plusieurs degrés de dispersion de manière à en
évaluer l’impact sur le volume d’échange. Pour ce faire, nous générons deux structures
d’informations publiques différentes en termes d’incertitude et de complexité. La première
série d’informations présente une variabilité des résultats peu élevée, ce qui devrait
logiquement entraîner plus d’homogénéité entre les anticipations des participants. Ceux-ci
doivent avoir tendance à réagir dans la même direction, ce qui ne favorise pas les échanges.
Au contraire, la deuxième structure est fondée sur une information avec des annonces plus
hétérogènes. Elle doit logiquement générer plus d’échanges.
Conformément à la littérature (Harris et Raviv, 1993; Atiase et Bamber, 1994), l’amplitude de
la réaction au voisinage des annonces de résultat affecte également le volume de transaction.
Intuitivement, lorsque les prix augmentent ou diminuent, les individus ont tendance à
échanger davantage dans un objectif de réallocation de portefeuille. Ces éléments permettent
de poser l’hypothèse suivante.
Hypothèse 2.3 : L’amplitude des variations de prix affecte positivement le volume d’échange.
Les écarts entre les prix et la valeur fondamentale des titres peuvent entraîner des transactions.
En effet, sur l’ensemble du marché, certains investisseurs, qu’on peut identifier comme étant
« expérimentés », peuvent mettre à profit ces erreurs d’évaluation par le marché. Dans cette
logique, l’amplitude des écarts de prix par rapport à la valeur intrinsèque peut être un facteur
susceptible de favoriser les échanges.
Hypothèse 2.4 : L’amplitude des erreurs de prix influence positivement le volume d’échange.
3. Le descriptif des protocoles expérimentaux
Au total, l’expérience regroupe 91 étudiants en provenance des universités de
Montréal qui sont répartis en 11 marchés de double enchère comprenant 7 à 10 sujets chacun.
Les sept premiers marchés ne contiennent que des participants « inexpérimentés » tandis que
les quatre derniers regroupent aussi des « expérimentés » qui ont assisté à une des sessions
précédentes. Chaque marché comprend 8 périodes d’échange de 6 minutes dont 5 sont
réservées aux échanges. Le résultat est révélé à la huitième période après la détermination et
l’annonce des quatre éléments. Le graphique 2.1 permet de visualiser le déroulement d’une
session.
56
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Graphique 2.1 – Le déroulement d’une expérience
R1
R2
R3
Annonce de résultat
Note: Ce graphique retrace les étapes du processus de diffusion de l’information dans chacune des expériences.
3.1. Les participants et leurs incitations
Les participants reçoivent par écrit les instructions de l’expérience, dans lesquelles
sont détaillées les règles du jeu. Ils sont ensuite dotés de 200 UME (Unité de Monnaie
Expérimentale) 16 et de 20 actions d’un même titre. Ils réagissent en fonction de leurs
anticipations et de l’information qui leur est communiquée (annonce de résultat et données
historiques de prix et de volume d’échange). Ils perçoivent à la fin de chaque session une
rémunération fixe et variable qui les incite à agir avec l’objectif de maximiser leur richesse
finale.
La rémunération fixe, qui permet de récompenser les opérateurs pour leur présence et leur
participation sérieuse à l’expérience, est de 10 dollars canadiens. La rémunération variable est
proportionnelle à l’exactitude des prévisions de résultat des opérateurs et dépend également
de leur performance. Le calcul des gains est donc effectué de la manière suivante :
10$ CAD
⎧ ⎛ Gains de prévision ⎞ ⎫
⎟⎪
⎪ ⎜
+ Max ⎨ 0; ⎜ +
⎟ ⎬ convertis en CAD
⎪ ⎜ Gains d' échange ⎟ ⎪
⎠⎭
⎩ ⎝
(2.1)
Rétribution totale
où les gains de prévision sont calculés comme suit :
⎧
⎪
⎪
⎪Gains de prévision = ∑ Gains de prévision de chaque période
⎪⎪
⎨Gains de prévision d'une période = Max[0 ; ( 5 − Erreur de prévision de la période )]
(2.2)
⎪
Résultat
annuel
à
la
fin
de
la
séance
⎧
⎪
⎪ Erreur de prévision de la période = ⎪⎨−
⎪
⎪ Prévision au début de la période
⎪⎩
⎩
Les erreurs de prévision de résultat sont calculées à chaque période et correspondent à l’écart
entre les prévisions et le résultat publié à la fin de la session. Le gain issu des anticipations est
ainsi d’autant plus élevé que les prévisions individuelles faites au début de chaque ronde sont
proches du résultat annuel final.
16
Le taux de conversion de l’UME en dollar canadien est aussi déterminé de telle sorte que les participants
reçoivent 20 $ CAD en moyenne pour une séance d’une heure et demie.
57
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Les gains d’échange sont calculés comme suit :
⎧ ∑ Valeur des ventes - ∑ Valeur des achats
⎪ + Nombre de titres restés × Valeur de l' action à la fin de la séance
⎪
Gains d ' échange = ⎨
⎪ + Numéraire à la fin de la séance
⎪⎩ - 200
(2.3)
Le prix de transaction et la valeur fondamentale des actions s’expriment en monnaie
expérimentale. Les titres restant à la disposition des participants à la fin de la séance sont
convertis en numéraire au prix équivalent à la valeur fondamentale de l’action. Ce choix a
pour objet d’inciter les opérateurs à spéculer sur les écarts entre le prix d’échange et la valeur
intrinsèque et donc à réagir plus activement.
3.2. La structure d’information
Cette recherche présente la particularité de ne pas faire l’hypothèse d’existence
d’asymétrie d’information entre les investisseurs. La structure d’information est commune à
tous les investisseurs. Elle est constituée d’un flux continu d’informations publiques
conduisant au résultat final. Un tel choix est conforme à la réalité dans la mesure où l’annonce
officielle du résultat annuel d’une entreprise est en général précédée d’informations
intermédiaires ou provisoires. Il s’agit par exemple de publications provisoires de résultat ou
bien de bénéfice trimestriel ou encore de chiffre d’affaires. La structure d’information
s’inspire de celle utilisée par Gillette et al. (1999) 17 mais diffère quant à la définition de
l’incertitude et de la fréquence de diffusion de l’information. Il s’agit ici de rester proche du
mécanisme de publication de l’information légale et obligatoire par les entreprises.
Le résultat est diffusé après la publication de ses 4 composantes. Toutes les deux périodes, un
élément est tiré au sort et annoncé à tous les opérateurs. Les investisseurs ont donc de plus en
plus d’informations au fur et à mesure que la séance expérimentale se déroule. Comme
l’incertitude liée au résultat est de moins en moins forte, les prévisions de résultat des
investisseurs devraient ainsi devenir de plus en plus précises et homogènes. Dans cette
logique, l’effet attendu est que le volume d’échange diminue lorsque l’on se rapproche de la
fin de la session.
L’expérience est construite sur la base de deux séries de quatre éléments, qui ont la même
moyenne, mais un écart-type différent. Il s’agit ici de générer plusieurs degrés de dispersion
des anticipations et d’examiner comment le volume de transaction évolue en fonction de cette
dispersion. Selon l’hypothèse 2.2, on devrait voir apparaître une relation de type concave
entre le volume et la dispersion des anticipations.
Dans la première série, le résultat annuel est composé de 4 éléments prenant chacun une
valeur parmi 0, 2, 4 ou 6 avec une équiprobabilité de 1/4. Ces éléments sont tirés au sort et
annoncés à la fin des périodes 2, 4, 6 et 8. Le résultat annuel qui résulte de la somme des 4
composantes se situe donc dans l’intervalle [0 ; 24]. A partir de ce résultat, le dividende est
calculé et distribué à la fin de l’expérience. Pour des besoins de simplification qui ne
remettent pas en cause la portée des résultats, nous supposons que la valeur fondamentale des
17
Dans l’étude de Gillette et al. (1999), le dividende est égal au dernier élément annoncé, cinq composantes
d’information sont diffusées et ces composantes ne peuvent pas prendre de valeur négative.
58
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titres est égale au dividende. Au début de chaque période, avant que les participants ne
commencent à échanger, il leur est demandé à chacun de prévoir le résultat. Compte tenu de
la fréquence de publication (toutes les deux périodes), l’anticipation du résultat ne devrait pas
changer entre les périodes 1 et 2, 3 et 4, 5 et 6, 7 et 8. Ces intervalles sont donc des périodes
d’estimation à la fin desquelles un élément de la série d’informations est déterminé par tirage
au sort. La valeur moyenne de chaque composante du résultat est égale à :
0× 1 + 2× 1 + 4× 1 + 6 × 1 = 3
4
4
4
4
(2.4)
Avant la première période, la valeur anticipée objective du résultat est de (4×3=12) et la
valeur fondamentale anticipée objective du titre est égale à 12. Après le tirage au sort d’une
composante du résultat, nous ajoutons à cette valeur les estimations des autres éléments
restants afin de déterminer la valeur anticipée objective du résultat. Les tirages au sort sont
informatisés.
Le même mécanisme de formation du résultat annuel s’applique à la deuxième série
d’informations. Mais, nous introduisons la possibilité d’observer des valeurs négatives pour
les composantes, ce qui change la valeur fondamentale. En effet, chacune des composantes
peut prendre une valeur parmi -4, 0, 6 ou 10 avec une équiprobabilité. Ainsi, la valeur
moyenne anticipée de chaque composante est égale à celle établie dans la 1ère série :
− 4 × 1 + 0 × 1 + 6 × 1 + 10 × 1 = 3
4
4
4
4
(2.5)
Sous cette hypothèse, la moyenne du résultat est également de 12 comme dans la 1ère série,
mais le résultat annuel de cette série peut varier de −16 à 40. La valeur fondamentale et le
dividende sont égaux au résultat annuel s’il est positif et sont nuls dans le cas contraire.
3.3. Le mécanisme d’échange
Nous choisissons d’utiliser le mécanisme de double enchère. Il est le plus souvent
utilisé dans la réalité pour réguler les marchés financiers et présente les meilleures qualités en
termes d’efficience informationnelle (Theissen, 2000) et d’efficience allocationnelle (Gode et
Sunder, 1993). L’expérience est complètement informatisée. Les titres et le numéraire
initialement à la disposition des participants sont déposés sur un compte informatisé. A
chaque période d’échange, les participants ont la possibilité de soumettre des ordres d’achat
et/ou de vente à cours limité. Ces ordres, caractérisés par la quantité, le cours et l’heure
d’entrée, sont diffusés en continu sur les écrans d’ordinateurs dans l’ordre croissant pour les
propositions d’achat et décroissant pour celles de vente. Il y a échange dès qu’il y a des ordres
de sens inverse compatibles. Un ordre d’achat (respectivement vente) de cours limite p
signifie qu’il ne peut être exécuté qu’à un cours inférieur (respectivement supérieur) ou égal à
p.
Un participant, désirant échanger, a donc la possibilité, soit de proposer un ordre dont le cours
est compatible avec les ordres en carnet, soit de rentrer un ordre dans le carnet en attendant un
ordre compatible de sens inverse. Lorsque deux ordres sont assortis d’une même limite, la
priorité est accordée en fonction de leur heure de placement. Sinon, une exécution
proportionnelle va s’appliquer pour tous les ordres similaires en termes de prix, de quantité et
59
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
d’heure d’entrée. Les ventes à découvert ne sont pas autorisées. Les ordres qui ont été
exécutés sont retirés de la liste des propositions pour entrer sur la liste d’échanges. Les ordres
qui ne sont pas encore exécutés au cours d’une ronde peuvent être modifiés ou retirés jusqu’à
la fin de la période. A l’issue de la période, ils sont retirés, afin que les périodes soient
indépendantes.
3.4. Le déroulement de l’expérience
Les périodes se déroulent toutes de manière quasi-identique. Ce qui diffère, c’est la
publication d’une information toutes les 2 périodes. Elles débutent par une phase de 30
secondes au cours de laquelle tous les participants font des prévisions individuelles de
résultat. Ils rentrent ensuite dans la phase d’échange qui dure 5 minutes. A la fin de la
deuxième ronde, une composante du résultat final est tirée au sort et rendue publique. En
moyenne, l’anticipation du résultat est alors égale à :
première composante + 3 × 3
(2.6)
La valeur fondamentale de l’actif est donc égale au résultat annuel si ce dernier est positif et à
zéro sinon.
Les autres périodes suivent le même processus de prévisions et d’échanges en 2 étapes.
Lorsqu’une composante est annoncée, c’est à dire toutes les 2 périodes, le résultat annuel est
égal en moyenne à la somme des éléments observés à laquelle s’ajoutent les estimations des
composantes restantes. La valeur fondamentale anticipée est toujours déterminée à partir du
résultat. Elle est égale au résultat, s’il est positif et zéro sinon
Au cours des phases d’échange, les participants visualisent sur leurs écrans l’historique des
prix ainsi que la totalité du carnet d’ordres. A la fin de la huitième période d’échange, le
dernier élément est tiré au sort, le résultat annuel est déterminé et diffusé à tous les
participants. Ceci permet de calculer le dividende et la valeur intrinsèque de l’actif. Les gains
de prévision et d’échange de chacun des participants sont ensuite déterminés.
3.5. La détermination des paramètres de test
Il s’agit de définir les variables qui permettent d’expliquer les changements de volume de
transaction au cours de l’expérience.
L’excès de volume de transaction
Dans ce type de recherche, le volume de transaction anormal est traditionnellement défini par
la différence entre le volume sur une période d’observation et le volume sur une période
d’estimation, calculé grâce à un modèle de prévision. Dans cette expérience, il n’y a pas
d’autre information annoncée que les résultats et il n’y pas de besoin de liquidité. Dans un tel
contexte, le marché devrait être caractérisé par une absence de transaction et le volume de
prévision devrait être égal à 0. Sur chacune des périodes au cours desquelles une information
60
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
est annoncée, la totalité des échanges peut donc être considérée comme étant le volume
anormal, ce qui conduit à la définition suivante 18 :
⎛ n
⎞
⎜ ∑ Vi ,t ⎟ / N
⎝ i =1 ⎠
(2.7)
Où Vi,t est le nombre d’actions échangées de la transaction i à la période t et N est le nombre
d’actions total du marché.
La mesure de l’hétérogénéité, de l’homogénéité et de l’erreur des anticipations
La dispersion des anticipations est définie par l’écart-type des anticipations individuelles. Par
contre, l’homogénéité des anticipations se traduit par la révision moyenne des anticipations.
Trois mesures sont proposées. La première équivaut à la variation en pourcentage de
l’anticipation moyenne d’une période à l’autre. Les deux autres mesures ressemblent à la
première, mais sont normées respectivement par la valeur anticipée objective du résultat et le
résultat final au lieu de l’anticipation moyenne antérieure.
L’erreur d’anticipation est par définition la différence entre l’anticipation et le résultat annuel.
Toutefois, par souci d’échelle et d’homogénéisation des variables, l’erreur d’anticipation est
exprimée en pourcentage dans les régressions. Elle est normée soit par la valeur anticipée
objective du résultat annuel, soit par le résultat final.
La mesure de la variation de prix moyenne et de l’erreur de prix moyenne
La variation de prix est déterminée de trois manières différentes. C’est la différence entre le
prix moyen de la période et le prix moyen de la période précédente divisée soit par le prix de
la période précédente, soit par la valeur anticipée en moyenne ou soit par la valeur
fondamentale de l’action. L’erreur de prix est représentée par deux « proxies » : la déviation
du prix en pourcentage de l’anticipation objective par rapport à la valeur fondamentale faite à
la fin de chaque période ou par rapport à la vraie valeur de l’action.
4. Les résultats et leurs interprétations
Dans cette section, nous analysons tout d’abord comment évoluent les anticipations
des individus et le volume de transaction au cours des séances expérimentales. Nous étudions
ensuite les déterminants du volume de transaction, et analysons tout particulièrement la
relation entre les échanges et l’hétérogénéité des anticipations.
4.1. L’évolution des anticipations de résultat et du volume d’échange
18
Nous avons également utilisé d’autres mesures du volume d’échange de manière à renforcer la validation de
nos résultats. Nous avons rapporté la « somme des échanges en valeur » à la « valeur anticipée objective du
marché mesurée à la fin de la période » ou à la « valeur observée de l’action multipliée par le nombre total
d’actions du marché ». Cependant, ces mesures ne changent pas la nature des résultats obtenus.
61
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
L’évolution des prévisions de résultat
Les graphiques 2.2 et 2.3 montrent la répartition des erreurs de prévision. Pour la
première série d’informations, 18% des anticipations sont correctes, 47% optimistes et 35%
des prévisions pessimistes. En revanche, pour la série 2, seulement 7% des prévisions sont
justes, 9% optimistes et 84% pessimistes. Ils prouvent également que toutes périodes
confondues, les erreurs de prévision sont nombreuses et très dispersées entre elles. Cette
grande dispersion prouve que les investisseurs ne traitent pas l’information de manière
homogène, même si l’expérience est réalisée dans le cadre d’une structure d’information
commune, c'est-à-dire sans asymétrie d’information.
Graphique 2.2 – La distribution des erreurs d’anticipations (série 1)
20%
% d'erreur
16%
12%
8%
4%
0%
-1 4
-8
-4
0
4
8
14
E r r e u r d e p r é v is io n
Graphique 2.3 – La distribution des erreurs d’anticipations (série 2)
20%
% d'erreur
16%
12%
8%
4%
0%
-5 2
-2 4
-1 7
-6
4
E r r e u r d e p r é v is io n
Note : Ces deux graphiques sont établis à partir de 728 anticipations dont 592 sont de la série d’information 1 et 136 de
la série 2. En abscisse, figure l’erreur de prévision, qui représente la différence entre la prévision et le résultat
annuel. L’ordonnée représente le pourcentage d’erreurs.
62
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Outre les niveaux de compétence et d’expérience hétérogènes influant directement sur le
traitement de l’information, les préférences au risque peuvent également expliquer le degré
d’hétérogénéité. En effet, des préférences au risque distinctes entre les agents jouent, sans
aucun doute, un rôle majeur dans cette expérience caractérisée par une grande incertitude. Ces
préférences participent à la construction de la fonction d’utilité des agents économiques et
rendent les attentes en termes de rentabilités différentes d’un individu à l’autre. Ces attentes
sont un déterminant majeur des anticipations dans la mesure où les individus ont souvent
tendance à confondre leurs souhaits avec la réalité du marché. L’influence des préférences au
risque des investisseurs sur leurs prévisions de résultat est mieux caractérisée en comparant
les prévisions de la première série d’information avec celles de la deuxième. La série 2
contient un élément négatif, ce qui rend les marchés plus incertains que ceux de la série 1.
Elle est par conséquent à l’origine d’une moyenne des erreurs supérieure (-11,15 pour la série
2 contre -0,03 pour la série 1) et d’une dispersion des prévisions plus forte (10,78 pour la série
2 contre 4,7 pour la série 1).
A part le facteur de préférence pour le risque, d’autres variables psychologiques et cognitives,
comme la confiance, peuvent également expliquer l’hétérogénéité des anticipations. Certains
investisseurs sur-confiants pensent qu’ils disposent de compétences supérieures au marché et
que les anticipations de leurs semblables ne sont pas correctes. Cette sur-confiance les conduit
à formuler des anticipations éloignées de ce qu’anticipe le marché, ce qui accroît
l’hétérogénéité des prévisions. Inversement, si les agents n’ont pas confiance en eux, ils
peuvent être conduits à imiter le comportement des autres et à avoir des anticipations parfois
erronées, si les autres individus se trompent. Ces éléments peuvent contribuer à accroître
l’amplitude des erreurs de prévision et son écart-type.
Une analyse plus approfondie des anticipations des investisseurs montre, d’après les
graphiques 2.4 et 2.5, que l’anticipation moyenne des opérateurs n’est pas proche de
l’anticipation objective. Cela signifie que les anticipations des investisseurs ne suivent pas le
modèle d’anticipations rationnelles, neutre au risque en l’absence d’asymétrie d’information.
En outre, les anticipations des opérateurs de la première série d’information sont plus proches
du résultat annuel que celles de la série 2. On peut en conclure qu’une plus grande incertitude
sur les marchés limite la convergence des anticipations des opérateurs vers le résultat annuel.
63
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Graphique 2.4 – L’analyse des anticipations des investisseurs (série 1)
1 6 ,0
Valeur
1 2 ,0
8 ,0
4 ,0
0 ,0
1
2
3
4
5
6
7
8
P é r io d e
A n t i c ip a t i o n m o y e n n e d e s i n v e s t is s e u r s
A n t ic i p a t io n o b je c t iv e
R é s u la t a n n u e l
Graphique 2.5 – L’analyse des anticipations des investisseurs (série 2)
16,0
Valeur
12,0
8,0
4,0
0,0
1
2
3
4
5
6
7
8
-4,0
Période
Anticipation moyenne des investisseurs
Anticipation objective
Résultat annuel
Note : Ces deux graphiques sont établis à partir des données moyennes calculées à chaque période, tous
marchés confondus. Le résultat annuel est déterminé une fois à la fin de la huitième période et est utilisé
pour normer les anticipations de toutes les périodes. L’anticipation objective du résultat est calculée à la
fin de chaque période, après tirage au sort, le cas échéant. Elle correspond à la somme des composantes
déjà tirées au sort et des estimations des composantes restantes.
Les graphiques 2.6 et 2.7 représentent l’évolution de l’erreur moyenne de prévision en valeur
absolue et de l’écart-type au fil des périodes. L’erreur moyenne a tendance à décroître au fur
et à mesure que l’expérience se déroule, surtout dans le cadre de la deuxième série
d’informations. Mais, elle ne converge pas vers zéro. En d’autres termes, les anticipations de
résultat se rapprochent de la valeur finale du résultat annuel, mais sans l’égaler. La dispersion
des prévisions ne diminue pas de manière significative au fur et à mesure des périodes de
transaction. L’hypothèse 2.1 ne semble pas être vérifiée. Même si les individus ont
64
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
progressivement connaissance du résultat grâce à la diffusion intermédiaire de ses
composantes, leurs prévisions ne semblent pas converger vers ce résultat.
Selon une première explication, les opérateurs de marché n’adoptent pas un comportement
rationnel. Même s’ils savent que les gains réalisés dépendent de la précision de leurs
estimations, ils n’utilisent pas correctement l’information intermédiaire pour affiner leurs
prévisions. Leur capacité à traiter l’information paraît limitée. Selon une deuxième explication
plus plausible, certains investisseurs ne croient pas fermement à leurs compétences en matière
de traitement de l’information. Leur comportement consiste alors à minimiser celui des autres
qui leur apparaissent plus sophistiqués. Cette stratégie, qui consiste à déduire de l’information
à partir des échanges sur le marché, est à l’origine d’erreurs systématiques et hétérogènes
lorsque les individus soi-disant « sophistiqués » se trompent.
Néanmoins, la deuxième explication est moins évidente dans cette recherche car la majorité
des participants (plus de 80%) ne révisent leurs prévisions de résultat que lorsqu’une
composante du résultat est tirée au sort. Sur les périodes sans annonce, la majorité des
prévisions n’est pas modifiée malgré l’information révélée par les échanges. Ce phénomène
permet de confirmer l’idée que seulement la publication des composantes du résultat affecte
fortement la formation et la révision des prévisions des investisseurs.
Graphique 2.6 – Les erreurs et la dispersion des anticipations (série 1)
5,0
4,0
3,0
2,0
1,0
0,0
1
2
3
4
5
6
7
8
Période
Erreur moyenne en valeur absolue
Dispersion des anticipations
65
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Graphique 2.7 – Les erreurs et la dispersion des anticipations (série 2)
16,0
12,0
8,0
4,0
0,0
1
2
3
4
5
6
7
8
Période
Erreur moyenne en valeur absolue
Dispersion des anticipations
Note: La dispersion est mesurée par l’écart-type des anticipations. L’erreur d’anticipation est la différence entre
l’anticipation et le résultat annuel. Les données représentent les moyennes à chaque période, tous marchés
confondus. Pour l’erreur moyenne en valeur absolue, nous déterminons d’abord la valeur absolue de chaque
erreur individuelle et prenons par la suite la moyenne de ces valeurs absolues.
L’évolution du volume d’échange
Les participants échangent de 1% à 53% du total des titres disponibles avec une
moyenne de 20% dans le cas de la série 1, et de 12% à 89% avec une moyenne de 35% pour
la série 2. En considérant l’ensemble des marchés sans distinguer les deux séries
d’information, nous constatons que le volume varie de 1% à 89% avec une moyenne de 23%.
Le volume de transaction moyen des marchés de la série 1 représente une tendance légèrement
descendante au fil des périodes d’échange. Les graphiques 2.8, 2.9 et 2.10 ci-dessous
montrent l’évolution du volume d’échange moyen au fil des périodes.
Graphique 2.8 – L’évolution du volume d’échange (série 1)
30%
Volume
20%
10%
0%
1
2
3
4
5
6
7
8
Période
66
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Graphique 2.9 – L’évolution du volume d’échange (série 2)
Volume
60%
40%
20%
0%
1
2
3
4
5
6
7
8
Période
Graphique 2.10 – L’évolution du volume d’échange (les deux séries confondues)
30%
Volume
20%
10%
0%
1
2
3
4
5
6
7
8
Période
Note : Dans ces trois graphiques, le volume d’échange est mesuré par le nombre d’actions échangées divisé par
la quantité d’actions totale du marché.
4.2. Les déterminants du volume d’échange
Les prévisions des investisseurs sont hétérogènes et erronées. La question est
maintenant de savoir si elles influencent significativement le comportement des opérateurs et
s’il n’y a pas d’autres facteurs qui peuvent expliquer leur comportement.
L’impact de la dispersion des anticipations sur le volume de transaction
L’hétérogénéité des anticipations de résultat est mesurée par l’écart-type des
prévisions de résultat. Le tableau 2.1 reporte les résultats de la relation entre ce facteur et le
volume de transaction. Pour la série 1, l’écart-type des prévisions a un impact
67
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
significativement positif sur le volume de transaction. Donc, plus les prévisions des
opérateurs sont dispersées, plus ils ont tendance à échanger. L’hypothèse 2.2 semble vérifiée
en partie. Nous réalisons maintenant la même régression avec les données de la série 2. Les
résultats révèlent que la relation monotone croissante entre la dispersion des anticipations et le
volume d’échange n’est plus vérifiée. Nous obtenons une relation décroissante mais non
significative. Ce constat laisse supposer qu’il existe un seuil au-delà duquel l’hétérogénéité
des anticipations cesse de générer des échanges.
Cette hypothèse s’avère d’autant mieux confirmée que les opérateurs échangent sur des
marchés de double enchère en ayant accès à la totalité des ordres soumis. Sur de tels marchés,
dès qu’un investisseur s’aperçoit que son anticipation s’écarte largement des limites de prix
proposées par les autres (supposées être la meilleure information qu’un investisseur puisse
avoir sur le comportement des autres), il doit avoir moins confiance en lui. Il cherche ainsi à
réviser ses croyances en se reposant davantage sur le comportement des autres. Sa réaction se
rapproche alors de la réaction moyenne du marché. Les ordres placés convergent alors en
termes de direction. Ceci limite les échanges, dans la mesure où un échange ne peut avoir lieu
que si les individus placent des ordres de sens inverse Dans le cas contraire, l’investisseur
peut ne pas réviser ses croyances, mais il ne réalise pas de transactions par peur de réaliser de
fortes pertes. Des prévisions très dispersées entre elles ont donc tendance à freiner les
transactions entre les opérateurs.
Tableau 2.1 – L’impact de l’écart-type des prévisions sur le volume d’échange
Variables
Série 1
Série 2
Toutes données confondues
Constante
0,111***
0,510**
0,136***
−0,026
***
Ecart-type des prévisions
0,037
***
0,030
0,114***
−0,010***
Ecart-type des prévisions au carré
R2 ajusté
0,014
13,3%
−1,7%
13,7%
20,1%
Note: Les régressions sont réalisées avec 72 observations pour la série 1, 16 pour la série 2 et 88 pour les 2
séries. Le volume est mesuré par le nombre d’actions échangées sur la quantité d’actions totale du
marché. Les exposants *, ** et *** indiquent la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%.
On peut donc faire l’hypothèse d’une forme concave entre le volume de transaction et la
dispersion des anticipations. Cette relation est vérifiée grâce à une régression dans laquelle est
introduit le deuxième moment de la dispersion des anticipations des investisseurs. La dernière
colonne du tableau 2.1 fait apparaître une relation significativement croissante entre le volume
d’échange et l’hétérogénéité des anticipations mais une relation significativement négative
entre le volume d’échange et la dispersion au carré. Le degré d’ajustement est élevé, ce qui
permet de valider l’hypothèse d’une relation concave entre le volume de transaction et la
dispersion des prévisions. L’hypothèse 2.2 n’est pas rejetée. Autrement dit, les opérateurs
multiplient les échanges lorsque leurs anticipations sont dispersées, mais au-delà d’un seuil de
dispersion donné, ils cessent d’échanger.
L’impact de la variation et des erreurs de prix sur le volume de transaction
L’objet est de mettre en évidence le rôle déterminant, dans l’évolution des échanges,
de la dispersion des anticipations des investisseurs par rapport à d’autres facteurs comme la
variation de prix et l’erreur d’anticipation (écart entre les anticipations et le résultat). Nous
68
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
régressons tout d’abord le volume de transaction sur chacune des variables indiquées afin de
vérifier leurs effets respectifs. Les résultats sont présentés dans le tableau 2.2. La littérature
financière a mis en évidence une relation croissante entre la variation absolue du prix moyen
et les échanges du marché (voir Karpoff, 1987; Kim et Verrecchia, 1991b). Les résultats du
tableau 2.2 confirment également cette relation. L’hypothèse 2.3 est ainsi validée.
Tableau 2.2 – Les déterminants du volume de transaction
Modèle
Modèle 1
Constante
0,195***
Variation absolue de
prix
0,164
Modèle 3
0,112***
Dispersion des
anticipations
0,166**
***
Modèle 2
Erreur absolue de
prix précédent
4,1%
0,231
0,042
R2 ajusté
0,096
***
9,4%
0,028**
15,2%
Note : Dans ces régressions, le volume est égal au nombre d’actions échangées divisé par la quantité d’actions
totale du marché. La variable « variation de prix » est la variation en pourcentage du prix moyen d’une
période à l’autre. Le facteur « erreur de prix » est la déviation en pourcentage du prix moyen de
l’anticipation objective sur la valeur fondamentale calculée à la fin de chaque période d’estimation. Dans
le cas de la série d’information 2, la valeur anticipée objective de la valeur fondamentale peut être égale
à zéro. C’est pourquoi, toutes les erreurs de prix équivalant à ces valeurs nulles sont enlevées de la
régression. La dispersion des anticipations est leur écart-type. Au total, 77 observations sont prises dans
le modèle 1 ; 73 dans les modèles 2 et 3. Les exposants *, ** et *** indiquent la significativité des
coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%. Un test VIF sur les variables explicatives a permis de s’assurer
qu’il n’y avait pas de multicolinéarité entre elles.
Quant à l’amplitude de l’erreur moyenne de prix antérieure en valeur absolue, elle engendre
aussi des transactions, ce qui aboutit à la validation de l’hypothèse 2.4. Ce résultat est logique
dans la mesure où l’erreur de prix n’est autre que la déviation du prix par rapport à la valeur
fondamentale - la norme des gains d’échange. Des déviations importantes incitent les
investisseurs à réagir activement dans le but de tirer de meilleurs profits.
Nous considérons maintenant la variation moyenne, l’erreur moyenne et l’hétérogénéité des
anticipations dans un même modèle d’explication du volume. Le modèle 3 du tableau 2.2
consiste alors en une régression linéaire à trois variables, ayant pour objet d’examiner l’ordre
d’importance des déterminants du volume. Alors que le coefficient de l’hétérogénéité des
anticipations de résultat demeure significativement positif, ceux de la variation et de l’erreur
de prix précédente ne le sont plus. La dispersion des anticipations des investisseurs est donc
une condition plus importante que les autres facteurs pour que les agents puissent échanger.
La raison en est que la variation et l’erreur de prix affectent uniquement la tendance globale
du marché et donc le nombre d’ordres placés par les investisseurs. Elles n’influencent pas le
nombre d’ordres opposés, qui est la condition nécessaire à la réalisation d’une transaction.
Dans cette expérience, le nombre d’ordres placés s’accroît lorsque le prix augmente.
Cependant, cet accroissement est plutôt homogène : les ordres sont quasiment des ordres
d’achat (quand le prix monte) ou des ordres de vente (quand le prix diminue). Dans ces
conditions, la dispersion des anticipations est le principal facteur à l’origine des échanges. Cet
effet est d’autant plus vrai qu’au sein des marchés expérimentaux, aucun investisseur n’entre
et ne sort. Par conséquent, sur ces marchés, il n’y a pas de besoin de liquidité et les
transactions n’ont lieu qu’entre les opérateurs présents. Tel n’est pourtant pas le cas des
marchés réels qui sont plus dynamiques grâce à l’entrée et à la sortie continues des
investisseurs. Dans ce contexte, une hausse de la moyenne des anticipations du marché peut
constituer un bon signal faisant entrer de nouveaux investisseurs. Ainsi émergent des besoins
d’échange supplémentaires entre des opérateurs nouveaux et présents. En revanche, une
69
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
baisse de cette moyenne peut inciter certains investisseurs présents à sortir du marché en
vendant leurs actions. Si ces situations surviennent, le volume d’échange sur les marchés réels
peut croître sans qu’il n’y ait d’hétérogénéité des anticipations entre les investisseurs courants
du marché.
Si la dispersion des anticipations des investisseurs est le principal élément déterminant du
volume de transaction, alors la théorie des marchés efficients peut présenter certaines limites.
En accord avec cette théorie, des échanges ont lieu même si aucun changement de prix n’est
enregistré. De tels échanges témoignent ainsi d’ajustements inutiles, surtout sur un marché
comportant des coûts de transaction. En résumé, nous constatons que malgré une structure
d’information commune entre les participants, le volume d’échange n’est pas nul. Le
théorème d’absence de transactions (no trade theorem) est ainsi contredit. La non-nullité
d’échanges est due à l’amplitude de la variation et de l’erreur de prix moyenne et plus
particulièrement à l’hétérogénéité des anticipations des investisseurs portant sur le résultat
annuel. Cette dernière relation « volume-hétérogénéité des anticipations » n’est pas monotone,
mais présente une forme concave.
5. Conclusion
Cette partie vise essentiellement à analyser le rôle de la dispersion des anticipations des
investisseurs sur le résultat annuel dans l’explication des mouvements d’échange sur le
marché. On constate dans un premier temps que les prévisions de résultat annuel ne découlent
pas d’un modèle à anticipations rationnelles, mais sont biaisées. Elles sont en plus
hétérogènes en dépit de la structure d’information commune. Cette hétérogénéité ne s’atténue
pas au fil des rondes d’échange malgré les publications successives des composantes du
résultat. Elle affecte le volume de transaction par une relation qui n’est pas strictement
croissante comme constatent un bon nombre d’études précédentes, mais plutôt concave. Plus
précisément, la dispersion des anticipations favorise les échanges lorsqu’elle n’est pas trop
grande et dissuade les investisseurs d’échanger dans le cas contraire.
L’amplitude de la variation et de l’erreur moyenne de prix explique également les fluctuations
des échanges mais moins fortement que l’hétérogénéité des anticipations. Les prévisions
hétérogènes des investisseurs constituent la condition principale pour que des ordres de sens
opposé soient placés et puissent générer des transactions.
De toute évidence, les résultats obtenus justifient l’importance du volume d’échange dans les
études de réaction, et surtout dans la mesure où l’approche des rentabilités boursières semble
insuffisante pour expliquer toutes les « anomalies » résultant de l’information diffusée. En
effet, cet indicateur dispose d’un contenu informatif et met en évidence le caractère
hétérogène de la réaction du marché, ce qui complète l’aspect homogène représenté par
l’évolution des prix.
70
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
II.2. Le comportement des investisseurs et les prévisions
des analystes financiers
1. Introduction
De nombreux articles ont examiné le contenu des prévisions des analystes et ont
confirmé leur utilité pour les investisseurs (Stickel, 1991). De fait, Park et Pincus (2000)
prouvent qu’elles affectent directement les anticipations des investisseurs et leur
comportement à l’annonce des résultats comptables. L’effet de surprise engendré par
l’annonce de résultat provoque une réaction des investisseurs d’autant plus importante qu’elle
est consécutive à une révision moyenne des prévisions de même sens. La moyenne de ces
prévisions sert autrement dit, via le consensus, de référence aux investisseurs pour estimer la
fraction non anticipée du résultat annuel. Les études empiriques prouvent en effet que
l’intensité de la réaction du marché à la publication des bénéfices est liée au degré de surprise
correspondant (Gajewski et Quéré, 2001). Cette fraction non anticipée estimée à partir des
consensus explique bien mieux les mouvements de prix à l’annonce que celles calculées par
référence à des modèles économétriques tels que celui basé sur une marche au hasard des
prévisions de résultat (Bamber, 1987).
De multiples recherches prouvent cependant que les prévisions des analystes sont affectées de
biais systématiques. Abarbanell et Bernard (1992), en utilisant des modèles fondés sur les
séries temporelles de résultat, prouvent que les analystes finissent par commettre des erreurs
de même nature que celle des investisseurs bien que leur magnitude soit inférieure. Quelle
que soit cette magnitude, ces biais ont tendance à persister dans le temps et sont d’origine
comportementale. Sont notamment recensés dans la littérature le biais d’optimisme (O’Brien,
1988; Dreman et Berry, 1995), de pessimisme (Brown, 1996), de sur-réaction (Debondt et
Thaler, 1990) et de sous-réaction (Abarbanell, 1991 ; Abarbanell et Bernard, 1992). Ces effets
peuvent avoir des influences mutuelles et Easterwood et Nutt (1999) montrent notamment que
le biais d’optimisme est susceptible de conduire les analystes à sous réagir à une mauvaise
nouvelle et inversement à sur-réagir à une bonne nouvelle.
Les biais de prévision des analystes peuvent naturellement, en vertu de leur rôle
d’intermédiaire, influencer de manière considérable le comportement des investisseurs sur les
marchés financiers. DeBondt et Thaler (1990) prouvent que ceux-ci peuvent expliquer jusqu’à
50% de la sur-réaction du marché. D’après Abarbanell et Bernard (1992), les tendances
boursières à long terme seraient même engendrées par la correction de sous-réactions à court
terme du marché au titre d’un ensemble d’informations antérieures dont font précisément
partie les prévisions de ces analystes. Ces biais systématiques n’empêchent pas les
investisseurs de continuer à accorder du crédit aux prévisions des analystes.
L’enjeu de cette partie est ainsi d’analyser les effets des prévisions d’analystes sur le
comportement des investisseurs et sur les prix de transaction qui en découlent à l’équilibre. Il
s’agit, dans un premier temps, d’examiner dans quelle mesure les investisseurs se fondent sur
ces prévisions afin de formuler leurs propres anticipations sur le résultat annuel et s’ils
utilisent ces prévisions pour échanger. Dans un second temps, la question essentielle est de
savoir si l’existence des prévisions de résultat permet d’améliorer l’efficience des marchés ou,
au contraire, l’affecte négativement. On pourrait en effet penser que la publication de ces
prévisions participe de l’efficience des marchés puisqu’elle contribue à accroître le substrat
d’informations qui l’alimente. Notre étude remet en cause le caractère systématique d’un tel
71
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
présupposé pour précisément s’interroger sur l’influence positive ou négative de leurs
caractéristiques sur les erreurs moyennes des prix et leur degré d’ajustement vers la valeur
fondamentale. L’efficience informationnelle peut être également appréciée à partir du niveau
de volatilité des taux de rentabilités qui, dans le contexte d’un marché efficient, devraient
d’un point de vue théorique évoluer dans des marges raisonnables. L’impact des prévisions
sur l’efficience des marchés est ainsi examiné par la méthode expérimentale sous trois angles
distincts : les erreurs qui les affectent, leur processus de révision et enfin, leur dispersion.
Contrairement à ce qui prévaut dans les marchés réels ou de multiples éléments interagissent,
dans la méthode expérimentale, ces prévisions peuvent, bien entendu, être isolées d’autres
sources d’information et d’autres facteurs de risque. Elles sont diffusées gratuitement et
simultanément à tous les participants au début de chaque période d’échange. Il n’existe donc
pas d’asymétrie d’information entre les investisseurs et la seule source d’incertitude provient
de ce fait de la dispersion et des erreurs de prévision commises par les analystes. L’approche
expérimentale permet en effet de mesurer l’incidence individuelle d’une variable tout en
maintenant l’autre à un niveau déterminé. Dans cette logique, l’impact de la dispersion des
prévisions d’analystes peut être estimé lorsque que les erreurs de prévision correspondantes
sont « contrôlées » et réciproquement.
Par construction, puisqu’il s’agit des seules variables prises en compte, les résultats de l’étude
montrent que même si les prévisions des analystes sont biaisées, elles ont une incidence sur
les équilibres de prix des marchés expérimentaux. Ce phénomène n’est pas propre aux
expériences puisque la réalité montre que les investisseurs s’appuient de manière constante
sur de telles prévisions, même si elles sont biaisées. Les investisseurs ne suivent donc ni
naïvement, ni rationnellement les analystes et parviennent même à compenser partiellement
leurs erreurs dans la plupart des cas. De fait, les opérateurs ont un avantage temporel dans la
mesure où ils formulent leurs anticipations et prennent des décisions après la diffusion des
prévisions des analystes. De manière implicite, la vitesse d’ajustement des prix à la valeur
fondamentale est corrélée positivement à la vitesse d’ajustement des prévisions des analystes
au résultat net. Cet ajustement n’est cependant pas linéaire et dépend de l’hétérogénéité des
prévisions, car les expériences montrent l’existence d’une relation croissante entre la volatilité
des taux de rentabilités et la dispersion des prévisions.
L’article est organisé de la manière suivante. La deuxième partie permet de faire la synthèse
des hypothèses et de décrire les protocoles expérimentaux alors que la troisième partie permet
de présenter et d’analyser les résultats obtenus.
2. Les fondements théoriques et les hypothèses de recherche
Sur le plan opérationnel, les analystes financiers, en vertu de leur rôle
d’intermédiaires, influencent considérablement le comportement des investisseurs. Sur le plan
empirique, les prévisions d’analystes sont souvent considérées comme un « proxy » des
anticipations des investisseurs (Givoly et Lakonishok, 1984 ; Previts et al., 1994 ; Atiase et
Bamber, 1994 ; Abarbanell et al., 1995). Même si ce « proxy » n’est pas entièrement
pertinent, il existe une relation entre les anticipations des investisseurs et celles des analystes
financiers. Une telle relation devrait apparaître dans l’étude expérimentale présente où, par
construction, les prévisions des analystes constituent la source d’information la plus
importante pour anticiper le résultat.
L’intensité avec laquelle les opérateurs suivent les prévisions des analystes peut être étudiée
grâce à deux modèles. Le modèle à anticipations naïves prédit que les investisseurs suivent
72
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
aveuglément les prévisions des analystes (voir par exemple Lakonishok et al., 1994 ; Dechow
et Sloan, 1997). A l’inverse, le modèle à anticipations rationnelles stipule qu’ils y ajustent
leurs anticipations (Kwag et Shrieves, 2003). Autrement dit, les investisseurs commettent les
mêmes erreurs que les analystes dans le premier cas mais parviennent à les corriger dans le
deuxième. La première hypothèse à tester stipule que les investisseurs suivent les prévisions
des analystes.
Hypothèse 3.1 : Les prévisions d’analystes constituent un indicateur pertinent des
anticipations des investisseurs.
La première hypothèse peut être testée à partir de trois aspects des prévisions d’analystes, la
dispersion, les révisions et les erreurs des prévisions. Si elle est confirmée, à savoir que les
investisseurs tiennent compte des prévisions d’analystes pour formuler leurs anticipations, la
question fondamentale est de déterminer avec quelle intensité ils échangent. La recherche
théorique suggère que le volume d’échange a tendance à augmenter avec la précision de
l’information (Holthausen et Verrecchia, 1990 ; Kim et Verrecchia, 1991a). Si la dispersion
des prévisions des analystes financiers est un signal permettant d’estimer le résultat avec un
degré de précision plus ou moins fort, le volume d’échange devrait logiquement varier
négativement avec cette dispersion. Inversement, les révisions de prévisions d’analystes
devraient affecter positivement le volume d’opérations (Ziebart, 1990 ; Harris et Raviv,
1993 ; Atiase et Bamber, 1994). De même, l’amplitude de l’erreur moyenne de prévision (la
surprise de résultat) est également un facteur susceptible de générer des transactions (Bamber,
1986, 1987).
Hypothèse 3.2: Le volume d’échange diminue en fonction de la dispersion des prévisions des
analystes financiers et s’accroît avec l’amplitude de la révision et de l’erreur moyennes de
prévision.
En considérant les prévisions des analystes comme la seule source d’information publique
pour estimer le résultat, les opérateurs ont d’autant plus tendance à échanger que le degré de
précision de cette information est élevé. Néanmoins, les individus ont de cette information des
interprétations différentes, car ils utilisent des modèles d’estimation ou ont des représentations
qui différent d’un individu à l’autre. Or, comme le prétendent certains articles théoriques
(Indjejikian, 1991 ; Harris et Raviv, 1993 ; Kim et Verrecchia, 1994 ; Kandel et Pearson,
1995), le volume de transaction s’accroît avec l’hétérogénéité des interprétations de
l’information publique. Si on se réfère à l’étude expérimentale précédente, le volume s’avère
être une fonction concave de cette dispersion d’interprétations. Il y a là une contradiction dans
la mesure où les prévisions d’analystes peuvent constituer un frein aux échanges par leur
caractère d’imprécision ou leur dispersion plus élevée, mais peuvent aussi susciter des
échanges par le fait même de l’hétérogénéité de l’interprétation de ces prévisions.
Afin de réconcilier ces deux intuitions contradictoires, on fait l’hypothèse que la dispersion
des anticipations des investisseurs a deux composantes. Si l’une est fermement associée à la
dispersion des prévisions des analystes, l’autre est propre aux investisseurs. La séparation de
ces composantes peut être effectuée par une régression linéaire de la dispersion des
anticipations des investisseurs sur celle des prévisions des analystes.
HANTt = α + β × HPREVt + ε t
(3.1)
où HANTt représente la dispersion des anticipations des investisseurs et HPREVt
l’hétérogénéité des prévisions des analystes.
73
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
La première composante de la dispersion des anticipations des investisseurs, qui est égale à la
partie prédictive du modèle (3.1). Elle désigne une tendance moyenne agrégée des
anticipations des investisseurs résultant des éléments d’information communs dont ils
disposent. Strictement liée à la dispersion des prévisions des analystes, cette partie (appelée
dorénavant « dispersion commune ») devrait négativement affecter les échanges. La deuxième
composante, (dénommée dorénavant « dispersion idiosyncrasique ») est le résidu de la
régression (3.1). Elle correspond aux anticipations idiosyncrasiques des agents qui
proviennent naturellement de leurs différences en termes de psychologie et de préférences au
risque. La composante idiosyncrasique devrait affecter le volume d’échange d’une manière
concave. En d’autres termes, elle devrait engendrer des transactions lorsqu’elle n’est pas très
importante et les inhiber dans le cas contraire. Ces arguments nous conduisent à formuler la
troisième hypothèse de la manière suivante.
Hypothèse 3.3 : Le volume d’échange est lié à la partie commune de la dispersion des
anticipations des investisseurs par une fonction décroissante et à la partie idiosyncrasique
par une fonction concave.
Les prévisions étant par nature à l’origine des anticipations et des opérations des investisseurs,
il est logique de se demander si elles permettent d’améliorer l’efficience des marchés. Comme
l’évoque l’introduction, le degré d’efficience est apprécié à travers les erreurs moyennes des
prix, leur degré d’ajustement vers la valeur fondamentale ainsi que la volatilité des rentabilités
des titres. A l’équilibre, les prix tiennent compte des corrections apportées par certains
opérateurs et se rapprochent de la valeur fondamentale. Cet ajustement dépend de la précision
des prévisions des analystes qui peut être mesurée par l’erreur de prévision, le biais de
prévision ou encore le degré de concordance des prévisions entre elles. Ceci permet ainsi de
poser la quatrième hypothèse.
Hypothèse 3.4 : A l’équilibre, les prix reflètent d’autant mieux la valeur fondamentale que les
prévisions des analystes sont précises (sans biais et concordantes).
Si les erreurs de prévisions ne sont que partiellement compensées par les investisseurs, les
prix d’équilibre se rapprochent de la valeur fondamentale sans toutefois l’égaler. Il est par
conséquent logique de s’intéresser à la vitesse de convergence des prix d’équilibre vers la
valeur fondamentale. Cette vitesse de convergence peut dépendre de plusieurs facteurs, et en
particulier de la vitesse de convergence des prévisions vers le résultat net et de la concordance
des prévisions. Ceci conduit à poser l’hypothèse suivante :
Hypothèse 3.5 : L’ajustement des prix à la valeur fondamentale dépend du degré de
concordance des prévisions et de leur convergence vers le résultat net.
Dans un marché efficient, la volatilité des rentabilités boursières ne devrait pas être excessive
malgré les mouvements de facteurs tant endogènes qu’exogènes. Dans le cadre des marchés
expérimentaux, le seul facteur exogène susceptible d’affecter la volatilité est constitué des
prévisions des analystes. Dans ce contexte, la volatilité est par hypothèse positivement liée à
la dispersion des prévisions des analystes.
Hypothèse 3.6 : La volatilité des taux de rentabilité est positivement corrélée à la dispersion
des prévisions des analystes.
74
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
3. Les protocoles expérimentaux
3.1. La description de l’expérience
Dans l’expérience, les 81 participants sont regroupés en 10 marchés de 7 à 9
opérateurs. Chacun des participants commence l’expérience avec une dotation de 20 actions
d’un même titre et de 2000 UME (Unité de Monnaie Expérimentale). Leur rétribution
provient des gains expérimentaux convertis en dollars canadiens auxquels s’ajoutent 10
dollars de prime de participation. Les gains expérimentaux d’un participant proviennent de la
précision de ses anticipations et de la performance de ses échanges. La rémunération s’élève à
25 dollars canadiens en moyenne pour 1h30 de participation.
Le mécanisme de fonctionnement des marchés est celui des doubles enchères. Neuf d’entres
eux contiennent 12 périodes d’échange et un marché 6 périodes seulement. Chaque période
peut être considérée comme une année. A leur arrivée, les participants reçoivent les
instructions écrites précisant les protocoles du jeu qui sont ensuite expliqués oralement. Les
sujets ont la possibilité de poser des questions pour comprendre clairement les règles du jeu.
Ils doivent ensuite répondre à toutes les questions qui apparaissent graduellement sur l’écran
de leur ordinateur avant de commencer l’expérience.
Le mécanisme de formulation des prévisions des analystes
Sur chaque marché, il y a six analystes financiers informatisés qui donnent, au début
de chaque ronde d’échange, des prévisions sur le résultat net. Ces dernières sont déterminées
parmi les nombres naturels allant de 60 à 140 de manière à ce que leur moyenne soit toujours
un nombre naturel. Le résultat annuel est la différence entre la moyenne des prévisions des
analystes (partie anticipée du résultat) et un terme d’erreur (partie non-anticipée du résultat).
Le terme d’erreur contient un aléa et une tendance. Le terme aléatoire est tiré au sort, à la fin
de chaque période, parmi les nombres -3, -2, -1, 0, 1, 2 et 3. Sa moyenne est égale à 0 et son
écart-type à 2,16. Ce terme a pour objet de générer un lien incertain entre la moyenne des
prévisions des analystes et le résultat annuel. Contrairement au terme aléatoire qui est défini
de la même manière pour tous les résultats annuels, le terme de tendance est déterminé de
manière différenciée afin de pouvoir engendrer des prévisions optimistes, pessimistes ou sans
biais. Le terme aléatoire introduit un bruit dans la prévision moyenne des analystes alors que
le terme de tendance introduit un biais.
Il s’agit d’analyser la dispersion des prévisions des analystes tout en contrôlant les erreurs de
prévision. Nous construisons donc 3 groupes de marchés avec des erreurs de prévision de
mêmes caractéristiques à l’intérieur de chaque groupe. Ces erreurs représentent
respectivement les prévisions optimistes, pessimistes et sans biais. Pour les prévisions
optimistes, le terme de tendance est défini de manière à ce que le terme d’erreur soit toujours
positif quelle que soit la valeur finale du terme aléatoire. Il varie en effet de 6 à 9, ce qui
entraîne que le terme d’erreur n’est jamais en dehors de l’intervalle [3 ;12]. De même, le
terme de tendance des prévisions pessimistes est construit de manière à toujours générer un
terme d’erreur négatif. Il se situe effectivement entre -6 et -9. Cela a pour conséquence que le
terme d’erreur varie entre -3 et -12.
75
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Le déroulement de l’expérience
Toutes les périodes se déroulent de la même manière. Au début de la période, les
prévisions individuelles des six analystes sont diffusées à l’ensemble des participants. Ces
derniers disposent alors de 30 secondes pour observer les prévisions. Ils doivent ensuite
communiquer leur propre anticipation du résultat net correspondant à la période. La phase
suivante est réservée aux échanges entre les participants. Les périodes sont indépendantes de
manière à ce que les ordres non exécutés d’une période n’entrent pas dans le carnet d’ordres
de la période suivante. De plus, les dotations initiales sont renouvelées au début de chaque
ronde.
L’expérience se déroule ainsi. Tout d’abord, les titres et l’argent initialement mis à la
disposition des opérateurs sont virtuellement inscrits dans un compte informatique. A chaque
période, les participants placent des ordres d’achat et/ou de vente à cours limité. Les ordres
(caractérisés par la quantité, le prix et l’heure d’entrée) apparaissent en continu sur tous les
écrans d’ordinateur, en précisant les meilleurs prix à l’achat et à la vente et le prix de
transaction, le cas échéant. Les ordres sont centralisés dans un ordinateur qui permet de
calculer immédiatement le prix d’exécution. Il y a transaction entre deux investisseurs dès
qu’ils soumettent des ordres compatibles de sens opposé ou des ordres compatibles avec un
ou plusieurs ordres déjà disponibles en carnet. Lorsque deux ordres sont assortis de la même
limite, la priorité est déterminée en fonction de l’heure de placement des ordres. Sinon, une
exécution proportionnelle va s’appliquer à tous les ordres identiques en terme de prix, de
quantité et d’heure. Les ventes à découvert ne sont pas autorisées. Les ordres qui ne sont pas
encore exécutés peuvent être, au cours d’une période, modifiés, éliminés ou gardés jusqu’à ce
qu’il y ait des ordres de sens opposé susceptibles d’entraîner une exécution.
A la fin de la période, un tirage au sort par ordinateur permet de déterminer le terme d’erreur
et le terme de tendance et de calculer ensuite le résultat annuel de l’année équivalente. Ce
résultat est par définition la différence entre la moyenne des prévisions des analystes diffusées
au début de la période et le terme d’erreur déterminé (somme du terme aléatoire et du terme
de tendance). La valeur fondamentale du titre est par hypothèse égale au résultat annuel 19. Il
est donc possible de déterminer pour chaque opérateur ses erreurs d’anticipation du résultat
ainsi que ses gains provenant de ses transactions effectuées au cours de la période.
L’ensemble de ces chiffres est divulgué à chaque participant de manière individuelle
immédiatement après l’annonce du résultat annuel. Au cours de l’expérience, les sujets ont le
droit de noter toutes les prévisions des analystes diffusées au début de la période ainsi que le
résultat annoncé à la fin de la période, à l’exclusion de toute autre information.
3.2. La détermination des paramètres de test
Avant de procéder aux tests et à l’interprétation des résultats obtenus, il s’agit de
préciser la manière dont les variables sont mesurées. Tout d’abord, l’erreur de prévision est
calculée par la différence entre la prévision et le résultat annuel rapportée au résultat annuel.
L’erreur de prix est la déviation en pourcentage du prix par rapport à la valeur fondamentale.
La variation de prévision (resp. prix) est mesurée par la différence entre les prévisions (resp.
19
Cette hypothèse, non dévoilée aux opérateurs, est faite dans un objectif de simplification des calculs. Il serait
possible de faire une hypothèse plus complexe, mais ceci n’aurait aucun effet sur les résultats.
76
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
les prix) de deux périodes consécutives, normée par la prévision moyenne précédente (resp. le
prix moyen précédent) 20.
La mesure de la dispersion des prévisions d’analystes et de l’hétérogénéité des anticipations
des investisseurs
La dispersion des prévisions est mesurée par l’écart-type des prévisions normé par la
moyenne des prévisions. 21
⎛ 1 n
2⎞
HPREVt = ⎜
∑ ( PREV − PREV ) ⎟ / PREV
i ,t
t
t
⎜ n i =1
⎟
⎝
⎠
où PREVi,t est la prévision de l’analyste i à la période t.
(3.2)
L’hétérogénéité des anticipations des investisseurs est calculée par leur écart type rapporté à
la moyenne des anticipations.
⎛ 1 n
2⎞
HANTt = ⎜
∑ ( ANT − ANT ) ⎟ / ANT
i ,t
t
t
⎜ n i =1
⎟
⎝
⎠
(3.3)
où ANTi,t est l’anticipation de l’opérateur i à la période t.
La mesure de la révision des prévisions des analystes
Il s’agit de la variation relative de la prévision moyenne d’une période à l’autre.
( PREV − PREV
t
t −1
) / PREV
t −1
(3.4)
La mesure de l’erreur de prévision et de l’erreur d’anticipation
L’erreur de prévision des analystes est égale à la différence entre la prévision moyenne
et le résultat annuel. Cependant, dans les régressions qui suivent, l’erreur de prévision est
mesurée en pourcentage afin d’obtenir une mesure homogène avec les autres mesures en
termes d’unité. Elle est en effet égale à la différence divisée par la prévision moyenne.
( PREVi ,t − RES t ) / PREVi ,t
(3.5)
Dans le cas des anticipations des investisseurs, l’erreur moyenne est mesurée par l’écart entre
l’anticipation et le résultat.
( ANTt − RES t ) / ANTt
(3.6)
20
Chacune des variables a d’autres estimateurs en faisant varier la norme parmi les trois normes suivantes : la
prévision moyenne, le prix moyen et le résultat annuel (ou la valeur fondamentale). Cependant, dans les tableaux
de résultats qui suivent, seule la première mesure est considérée, et les résultats ne changent pas lorsque l’on
change de norme.
21
Nous avons également utilisé l’écart entre la prévision la plus élevée et la plus faible, divisé respectivement
par la moyenne de ces deux prévisions comme mesure de la dispersion des prévisions.
77
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
La mesure de l’erreur de prix
L’erreur de prix est mesurée par la différence entre le prix et le résultat annuel.
( PRIX t − RES t ) / PRIX t
(3.7)
La mesure du volume de transaction
Quant au volume de transaction, deux mesures sont proposées. L’une est la proportion
d’actions échangées par rapport au nombre d’actions total du marché. L’autre est égale à la
valeur totale de toutes les transactions déflatée par la capitalisation totale du marché.
L’utilisation de cette 2ème mesure ne change pas fondamentalement les résultats.
⎛ n
⎞
⎜ ∑ Vi ,t ⎟ / N
⎝ i =1 ⎠
(3.8)
Où Vi,t est le nombre d’actions échangées de la transaction i à la période t et N est le nombre
d’actions total du marché.
4. Les résultats et leurs interprétations
La formulation de jugements et la prise de décisions sont deux étapes distinctes du
comportement de l’investisseur face à l’information divulguée. A ce titre, nous analysons au
premier abord les anticipations des opérateurs, observons ensuite leurs décisions d’échange
pour étudier finalement les prix qui en découlent à l’équilibre. Les décisions dépendent, par
hypothèse, de l’amplitude des prévision des analystes et en particulier de leur dispersion et de
leurs erreurs.
4.1. L’influence des prévisions des analystes sur les anticipations des
investisseurs
L’objectif est de déterminer si les investisseurs suivent strictement les prévisions des
analystes lorsqu’ils forment leurs propres anticipations du résultat annuel. Nous examinons
également si la dispersion et les erreurs d’anticipation des investisseurs dépendent des
prévisions des analystes. Par souci de simplification, nous utilisons ci-après l’expression
« anticipations » pour désigner les anticipations des investisseurs et l’expression
« prévisions » pour désigner les prévisions des analystes. La première régression porte ainsi
sur les révisions d’anticipations.
78
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 3.1 – L’impact des prévisions d’analystes sur les révisions d’anticipations des
investisseurs
Modèle 1
Modèle 2
Modèle 3
Modèle 4
Variable
Toutes données confondues
Constante
-0.001**
Révision de prévisions
0.948***
Dispersion des
prévisions
0.148***
0.014
0.013
0.020
0.917***
0.948***
0.889***
0.047
-0.030
0.094
0.076
-0.215*
-0.044
-0.416*
-1.2%
92.6%
93.8%
93%
-0.281*
Erreur de prévision
antérieure
R2 ajusté
0.009
92.2%
3.1%
Cas optimiste Cas pessimiste
Note: La variable dépendante représente la révision des anticipations des investisseurs. Elle est mesurée par la
différence relative entre deux moyennes observées sur deux périodes consécutives. La dispersion des
prévisions est mesurée par l’écart-type des prévisions d’analystes rapporté à la moyenne des prévisions.
La révision de prévisions est mesurée par la différence relative entre deux moyennes observées sur deux
périodes consécutives. L’erreur de prévision est mesurée par la différence entre le résultat et la prévision
moyenne rapportée à la prévision moyenne. Sauf pour les modèles 1 et 3, la révision et l’erreur de
prévision sont calculées en valeur absolue. Le modèle 4 est estimé à partir de l’ensemble des données (82
observations), des données de prévisions optimistes et puis pessimistes (33 observations dans chaque
cas). Les exposants *, ** et ***indiquent la significativité des coefficients respectivement aux seuils de 10%,
5% et 1%.
Les résultats du tableau 3.1 prouvent que les investisseurs révisent leurs anticipations en se
fondant essentiellement sur les révisions de prévisions des analystes. Le R2 ajusté est très
élevé lorsque l’on fait entrer dans la régression la révision moyenne des prévisions comme
variable explicative. Ce résultat n’est pas surprenant dans la mesure où les prévisions
constituent la seule source d’information sur ces marchés expérimentaux. Néanmoins, la
révision moyenne des prévisions a un coefficient significativement plus petit que 1 dans les
régressions du tableau 3.1 (au seuil de confiance de 95%), ce qui signifie que les investisseurs
tiennent compte de l’information contenue dans les prévisions des analystes mais de manière
partielle. Les autres variables, c'est-à-dire la dispersion et l’erreur moyenne de prévision
antérieure, ne semblent pas améliorer la qualité d’ajustement de la régression, mais leurs
coefficients respectifs restent significatifs à un seuil de 10% en fonction des modèles 1 à 4 du
tableau 3.1. Lorsque les prévisions des analystes s’éloignent du résultat final ou deviennent
plus dispersées, les opérateurs sont moins susceptibles de réviser leurs anticipations. Ils
accordent un degré de confiance moins élevé aux prévisions et ont alors tendance à suivre la
moyenne des prévisions. Ce sentiment de protection ne les incite pas à réviser leurs propres
anticipations. Si les investisseurs révisent leurs anticipations à l’annonce de prévisions, la
question est de savoir s’ils cherchent à en corriger les erreurs.
79
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 3.2 – L’impact des prévisions d’analystes sur les erreurs d’anticipation des
investisseurs
Modèle 1
Modèle 2
Modèle 3
Variable
Toutes données confondues
Constante
Dispersion des prévisions
0.034***
-0.014
0.559***
Erreur de prévision
R2 ajusté
0.005***
-0.9%
36.4%
Cas optimiste
Cas pessimiste
0.002
-0.011
-0.007
0.027
-0.007
-0.001
0.571***
37.4%
0.778***
39.2%
0.794***
43.8%
Note: La variable dépendante représente l’erreur d’anticipation des investisseurs. Elle est mesurée par la
différence entre le résultat et l’anticipation moyenne des investisseurs rapportée à l’anticipation
moyenne. La dispersion des prévisions est mesurée par l’écart-type des prévisions d’analystes rapporté à
la moyenne des prévisions. L’erreur de prévision est mesurée par la différence entre le résultat et la
prévision moyenne rapportée à la prévision moyenne. Sauf pour le modèle 2, l’erreur de prévision est
calculée en valeur absolue. Le modèle 3 a été estimé à partir de l’ensemble des données (90
observations), des données de prévisions optimistes et puis pessimistes (36 observations dans chaque
cas). Les exposants *, ** et ***indiquent la significativité des coefficients respectivement aux seuils de 10%,
5% et 1%.
Le tableau 3.2 indique que les anticipations des investisseurs sont erronées quel que soit le
type de prévision. Ces erreurs ne sont pas liées à la dispersion des prévisions des analystes. A
l’inverse, elles sont liées positivement aux biais de prévisions. Plus précisément, les
anticipations se montrent optimistes (ou pessimistes) lorsque les prévisions le sont également.
De surcroît, le coefficient correspondant dans la régression est significativement inférieur à 1.
Cela signifie que les investisseurs sous-réagissent aux biais de prévision que commettent les
analystes ou parviennent à corriger une partie de ces biais. Le même type de régression est
maintenant effectué pour la dispersion des anticipations des investisseurs et les résultats
concernés sont présentés dans le tableau 3.3.
80
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 3.3 – L’impact des prévisions d’analystes sur l’hétérogénéité des anticipations des
investisseurs
Modèle 1
Modèle 2
Modèle 3
Variable
Toutes données confondues
Constante
0.017***
Dispersion des prévisions
0.188***
Erreur de prévision
R2 ajusté
33.7%
0.038***
Cas optimiste
Cas pessimiste
0.021***
0.048***
0.018**
0.184***
0.316***
0.126***
-0.023*
-0.061
-0.655***
0.047
2.5%
33.4%
59.3%
28.8%
Note: La variable dépendante représente l’hétérogénéité des anticipations des investisseurs. Elle est mesurée
par l’écart-type des anticipations rapporté à la moyenne des anticipations. La dispersion des prévisions
est mesurée par l’écart-type des prévisions d’analystes rapporté à la moyenne des prévisions. L’erreur de
prévision est mesurée par la différence entre le résultat et la prévision moyenne rapportée à la prévision
moyenne. Elle est calculée en valeur absolue. Le modèle 3 a été estimé à partir de l’ensemble des données
(90 observations), des données de prévisions optimistes et puis pessimistes (36 observations dans chaque
cas). Les exposants *, ** et ***indiquent la significativité des coefficients respectivement aux seuils de 10%,
5% et 1%.
Comme les graphiques 2.2 et 2.3 le montrent, les anticipations des sujets sont hétérogènes.
Une telle hétérogénéité peut émaner tout d’abord de la non-synchronisation des informations
qu’ils reçoivent des analystes financiers. Elle peut aussi résulter de leurs différences en termes
de paramètres psychologiques et de préférences au risque. Il en ressort également que la
dispersion des anticipations est d’une amplitude inférieure à celle des prévisions puisque le
coefficient associé à la dispersion des prévisions est significativement plus petit que 1. Ce
résultat, allié au fait que seule une fraction des erreurs de prévision est transmise aux
anticipations, prouve que les investisseurs ne suivent que partiellement les prévisions des
analystes pour établir leurs propres anticipations sur le résultat annuel. L’hypothèse 3.1
semble rejetée .
Dans la plupart des cas, l’hétérogénéité des anticipations est également influencée par les
erreurs contenues dans les prévisions d’analystes. Les résultats sont asymétriques en fonction
de la nature des prévisions. En effet, l’erreur moyenne de prévision optimiste en valeur
absolue affecte négativement l’hétérogénéité des anticipations, mais ce n’est pas le cas
lorsqu’il s’agit des prévisions pessimistes. Il y a au moins deux raisons à cela. Premièrement,
les investisseurs semblent détecter les biais d’optimisme plus facilement que ceux de
pessimisme puisque l’optimisme leur serait plus habituel. L’étude théorique de Hong et Stein
(2001) postule en effet que la réaction des marchés reflète mieux l’optimisme que le
pessimisme des agents. Le comportement des investisseurs sur les marché est par nature
optimiste. Selon une deuxième raison, les investisseurs semblent disposer naturellement de
sentiments d’autoprotection. Leurs anticipations convergent vers un niveau moyen lorsque les
prévisions optimistes contiennent un biais plus important, ce qui atténue la dispersion de leurs
anticipations.
81
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
4.2. L’influence des prévisions des analystes sur le volume de transaction
Le paragraphe précédent permet d’examiner comment les investisseurs forment leurs
anticipations à partir des prévisions d’analystes. Il s’agit désormais d’étudier comment ils
intègrent ces prévisions dans leurs prises de décisions sur les marchés.
Les prévisions des analystes et le volume d’échange
D’après le modèle 1 du tableau 3.4, toutes données confondues, le volume de
transaction est négativement expliqué par la dispersion des prévisions des analystes. Plus les
prévisions des analystes sont dispersées, plus il est difficile pour les investisseurs de les
interpréter correctement. Les opérateurs, qui ont de l’aversion au risque, diminuent l’intensité
de leurs échanges. Ils craignent en effet de réaliser de fortes pertes et se réfèrent au consensus
de prévision. Les ordres ont alors tendance à converger, ce qui fait baisser le volume de
transaction.
Tableau 3.4 – L’impact des prévisions d’analystes sur le volume de transaction
Variable
Modèle 1
Modèle 2
Modèle 3
Toutes données
confondues
Cas optimiste
Constante
0.350***
0.037***
Dispersion des prévisions
-0.648***
-0.26
Cas pessimiste
0.394***
-0.870***
R2 ajusté
15%
-0.3%
42.3%
Constante
0.225***
0.226***
0.252***
Révision de prévisions
0.420***
0.518***
0.303**
R2 ajusté
11.6%
13.9%
6.8%
Constante
0.228***
0.248***
0.313***
Erreur de prévision antérieure
0.939*
0.695
-0.393
R2 ajusté
2.3%
-1.5%
-1.9%
Constante
0.195***
0.202***
0.282***
Révision de prévisions
0.395***
0.511***
0.313**
Erreur de prévision antérieure
0.655
0.425
Modèle 4
R2 ajusté
12.3%
12.1%
-0.560
5.6%
Note: La variable dépendante représente le volume de transaction. Il est mesuré par le nombre d’actions
échangées normé par le nombre total d’actions disponibles sur le marché. La révision de prévisions est
mesurée par la différence relative entre deux moyennes observées sur deux périodes consécutives.
L’erreur de prévision est mesurée par la différence entre le résultat et la prévision moyenne rapportée à
la prévision moyenne. Les variables explicatives sont en valeur absolue. Les régressions reposent sur 114
observations pour le modèle 1 (48 dans les cas optimistes et pessimistes). Les régressions reposent sur
104 observations pour les modèles 2 et 3 (44 dans les cas optimistes et pessimistes). Les exposants *, ** et
***
indiquent respectivement la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%.
La révision des prévisions a un impact significativement positif sur le volume de transaction.
Lorsque les analystes révisent leurs prévisions, les opérateurs anticipent des changements de
82
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
résultat et sont donc incités à passer des ordres sur le marché dans un objectif de réallocation
de portefeuilles. La multiplication des ordres entraîne alors une augmentation du nombre de
transactions et des quantités échangées. Une révision du consensus génère donc un
accroissement du volume de transaction.
L’erreur moyenne de prévision antérieure a un impact positif mais peu significatif, confirmant
ainsi que les opérateurs ont tendance à corriger les erreurs de prévisions passées. Les
investisseurs réagissent d’autant plus fortement que l’amplitude de ces erreurs est importante.
Les résultats obtenus semblent conforter l’hypothèse 3.2.
Les anticipations des investisseurs et le volume d’échange
Dans ce paragraphe, nous étudions si l’hétérogénéité des anticipations des
investisseurs a le même effet sur les échanges que celle des prévisions d’analystes. Comme
les anticipations des investisseurs dépendent des prévisions des analystes, nous avons procédé
en deux étapes. D’abord, l’hétérogénéité des anticipations est décomposée en deux parties :
l’une est strictement liée aux prévisions des analystes tandis que l’autre est spécifique aux
investisseurs. La division est réalisée à l’aide d’une 1ère régression de l’hétérogénéité des
anticipations sur celle des prévisions. Les deux composantes de la dispersion des anticipations
correspondent respectivement à la partie prédictive (la dispersion commune des anticipations)
et au résidu (la dispersion idiosyncrasique des anticipations) de la régression. Nous
considérons dans ce dernier cas le résidu standardisé. Ensuite, le volume d’échange est
régressé sur la partie commune et la partie idiosyncrasique des anticipations.
83
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 3.5 – L’impact de l’hétérogénéité des anticipations sur le volume de transaction
Partie A – L’effet des prévisions d’analystes sur les anticipations des investisseurs
Variable
Toutes données
confondues
Cas optimiste
Cas pessimiste
Constante
0.018***
0.014***
0.021***
Dispersion des prévisions
0.174***
0.253
0.127***
R2 ajusté
34.4%
44.2%
31.2%
Partie B – L’effet des anticipations des investisseurs sur le volume de transaction
Variable
Modèle 1
Modèle 2
Toutes données
confondues
Cas optimiste
Cas pessimiste
Constante
0.277***
0.305***
0.289***
Dispersion commune des anticipations
-0.058***
0.008
-0.106***
Dispersion idiosyncrasique des
anticipations
0.030***
-0.003
0.020
R2 ajusté
20.1%
-5.8%
62.6%
Constante
0.295***
0.307***
Dispersion idiosyncrasique des
anticipations
0.057***
-0.00007
0.054**
Dispersion idiosyncrasique des
anticipations au carré
-0.019***
-0.02
-0.049***
10.9%
-6%
27.7%
R2 ajusté
0.336***
Note: La variable dépendante est représentée par le volume de transaction. Elle est mesurée par le nombre
d’actions échangées normé par le nombre total d’actions disponibles sur le marché. La régression 2SLS
est réalisée sur un total de 90 observations lorsque toutes les données sont prises en compte (36 dans les
cas des prévisions optimistes et pessimistes). La 1ère étape consiste à régresser l’hétérogénéité des
anticipations sur la dispersion des prévisions et à en extraire la valeur prédite (dispersion commune des
anticipations) et le résidu standardisé (dispersion idiosyncrasique des anticipations). La deuxième étape
consiste à conserver ces variables dans l’étude des déterminants du volume de transaction. Les exposants
* **
, et *** indiquent respectivement la significativité des coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%.
Comme attendu, la part commune de l’hétérogénéité des anticipations affecte
négativement le volume d’échange. En effet, cette partie commune est fortement corrélée à la
dispersion des prévisions des analystes. Des prévisions d’analystes très dispersées empêchent
84
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
les opérateurs d’avoir une vision précise des résultats futurs. A l’observation des prévisions,
les investisseurs reçoivent alors un signal imprécis sur les résultats futurs. Ils perçoivent alors
un risque plus élevé, ce qui freine leur volonté d’échanger. Dans ces conditions, une part de
dispersion des anticipations liées aux prévisions plus élevée entraîne une diminution du
volume d’échange.
A l’opposé, la dispersion idiosyncrasique des anticipations influe sur le volume de transaction
sous la forme d’une relation concave. Dans les modèles 1 et 2, le coefficient de la dispersion
idiosyncrasique est positif. Il reste toujours positif lorsque le volume est régressé à la fois sur
la dispersion idiosyncrasique et la dispersion idiosyncrasique au carré. Par contre, le
coefficient de la dispersion idiosyncrasique au carré est négatif dans le modèle 2 du tableau
3.5. Ceci suggère sur le plan économétrique une relation concave entre le volume de
transaction et la dispersion idiosyncrasique des anticipations, confirmant ainsi l’hypothèse
3.2. L’intuition est que la part spécifique de la dispersion des anticipations des investisseurs
favorise les transactions lorsqu’elle n’est pas trop élevée mais empêche les investisseurs
d’échanger au-delà d’un certain seuil. Ce résultat permet de soutenir l’idée que les
anticipations des investisseurs sont fortement liées aux prévisions des analystes financiers,
mais contiennent une partie spécifique. Cette dernière présente des effets largement différents
de ceux qu’impose la dispersion des prévisions des analystes sur les échanges. La partie
spécifique de la dispersion des anticipations reflète des différences entre les investisseurs en
termes de préférences au risque et de traits psychologiques. Lorsque ces différences se situent
à un niveau raisonnable, les investisseurs peuvent trouver sur le marché des contreparties,
condition indispensable à aux échanges.
Afin de déterminer le poids respectif de chacune des variables déterminantes du volume
d’échange, nous réalisons une régression multiple du volume sur toutes les variables citées
précédemment (en nous étant assurés de l’absence de colinéarité). Il s’agit donc de la
dispersion idiosyncrasique des anticipations des investisseurs, de l’hétérogénéité et de la
révision des prévisions des analystes ainsi que des erreurs de prévisions antérieures. Selon les
résultats du tableau 3.6, l’hétérogénéité et la révision des prévisions semblent être les deux
éléments les plus déterminants des échanges. La partie spécifique des anticipations des
investisseurs est à l’origine d’échanges mais avec une significativité moindre par rapport aux
deux autres variables. L’erreur de prévision des analystes antérieure ne joue qu’un rôle
mineur sur l’évolution du volume de transaction.
Les résultats obtenus demeurent cependant asymétriques entre les prévisions optimistes et les
prévisions pessimistes. Les transactions sont essentiellement provoquées par les révisions de
prévisions, lorsque ces dernières sont optimistes alors qu’elles diminuent significativement en
fonction de la dispersion des prévisions, lorsque ces dernières sont pessimistes. Cette
asymétrie de résultats ne semble pas être propre à notre expérience. Elle apparaît également
comme une pratique des marchés réels où des révisions de prévisions optimistes suscitent plus
d’échanges et des prévisions pessimistes très dispersées diminuent les placements d’ordres et
donc le volume de transaction.
85
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 3.6 – L’impact des prévisions d’analystes et des anticipations des investisseurs sur
le volume
Variable
Toutes données
confondues
Constante
0.209***
0.165*
0.300***
Dispersion commune des anticipations
-0.048***
0.014
-0.110***
Dispersion idiosyncrasique des anticipations
0.024*
0.004
0.016
Révision de prévisions
0.345***
0.673***
0.034
Erreur de prévision antérieure
0.682
1.147
-0.161
R2 ajusté
28.4%
12.8%
64.4%
Cas optimiste
Cas pessimiste
Note: Le volume de transaction est le nombre d’actions échangées normé par le nombre total d’actions
disponibles sur le marché. La régression 2SLS est réalisée sur un total de 82 observations lorsque toutes
les données sont prises en compte (36 dans les cas des prévisions optimistes et pessimistes). La 1ère étape
consiste à régresser l’hétérogénéité des anticipations sur la dispersion des prévisions et à en extraire la
valeur prédite (dispersion commune des anticipations) et le résidu standardisé (dispersion
idiosyncrasique des anticipations). La deuxième étape consiste à conserver ces variables dans l’étude des
déterminants du volume de transaction. La révision de prévisions est mesurée par la différence relative
entre deux moyennes observées sur deux périodes consécutives. L’erreur de prévision est mesurée par la
différence entre le résultat et la prévision moyenne rapportée à la prévision moyenne. Les variables
explicatives sont en valeur absolue. Les exposants *, ** et *** indiquent respectivement la significativité des
coefficients aux seuils de 10%, 5% et 1%.
En résumé, il semble que les inefficiences de marché découlent non seulement de l’utilisation
incorrecte des informations que reçoivent les investisseurs mais aussi de l’imperfection des
informations elles-mêmes. En présence de prévisions biaisées, le comportement des
investisseurs ne se montre ni naïf, ni parfaitement rationnel, mais plutôt semi-rationnel. Ceci
est confirmé tant au niveau de la formulation des anticipations qu’en termes de prise de
décisions. De surcroît, les prévisions des analystes sont loin d’être un « proxy » pertinent des
anticipations du marché. Cela est vérifié lorsque l’on observe les différents effets
qu’entraînent aussi bien la dispersion des prévisions et que celle des anticipations sur le
volume de transaction.
4.3. L’influence des prévisions des analystes sur l’efficience des marchés
L’impact des prévisions des analystes sur l’ajustement des prix à la valeur fondamentale
Dans le contexte d’un marché efficient, le prix des titres reflète la valeur intrinsèque.
Comme on connaît la « vraie valeur » des actifs sur les marchés expérimentaux, les mesures
d’efficience informationnelle peuvent être fondées sur les distorsions entre les prix de
transaction et la valeur fondamentale des titres. Nous reprenons ici une mesure d’efficience de
marché, notée EDM, fondée sur la différence à chaque période entre le prix et la valeur
fondamentale du titre constatée a posteriori (Theissen, 2000). Comme chaque marché
expérimental contient 12 périodes, cette mesure d’efficience, est calculée à partir de la
86
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moyenne des valeurs absolues des erreurs de prix de transaction rapportées à la valeur
fondamentale comme suit :
1 12 pt − vt
EDM =
(3.9),
∑
12 t =1 vt
où pt désigne le prix moyen des transactions et vt la valeur fondamentale de la période t.
Cependant, une telle mesure ne fait pas apparaître le sens de la réaction du marché. Selon
Fama (1998), les sous et sur-réactions peuvent se compenser. Le marché peut sembler
globalement efficient malgré la coexistence de ces deux phénomènes dits “anormaux”.
Cependant, la construction des marchés expérimentaux de cette étude ne fait pas apparaître ce
phénomène, dans la mesure où il y a un contrôle des prévisions en termes de biais et de
dispersion. Alors, nous pouvons déterminer un autre indicateur qui est la moyenne des erreurs
de prévision rapportées à la valeur fondamentale :
1 12 pt − vt
EDMR =
(3.10),
∑
12 t =1 vt
où pt est le prix moyen des transactions et vt la valeur fondamentale de la période t.
Les deux mesures d’efficience ci-dessus résultent de la moyenne des erreurs de prix sur
l’ensemble des périodes d’un marché. Deux autres indicateurs, révélant l’erreur moyenne des
prix de transaction sur une seule période, peuvent également être utilisés :
1 n pit − vt
EDM t = ∑
(3.11),
n i =1
vt
1 n pit − vt
(3.12),
∑
n i =1 vt
où pit désigne le prix de la transaction i et n le nombre de transactions de la période t.
EDMRt =
Le tableau 3.7 montre que les prix de transaction dévient significativement de la valeur
fondamentale. Ce résultat est établi que l’on considère les erreurs de prix de transaction avec
ou sans valeur absolue. Ce résultat est aussi vérifié quel que soit le type de biais de prévision
considéré. Même lorsque les prévisions des analystes sont sans biais, les prix d’équilibre ne
reflètent pas la valeur intrinsèque.
Les mesures d’efficience (EDM et EDMR) sont inférieures aux moyennes respectives des
écarts de prévision par rapport au résultat annuel, sauf sur les marchés où les prévisions sont
sans biais. Cela prouve que les opérateurs tiennent compte des erreurs de prévision et/ou des
biais de prévisions. Ils compensent partiellement les erreurs contenues dans les prévisions des
analystes et introduisent des biais où il n’y en a pas. Deux raisons peuvent expliquer cette
capacité des opérateurs à corriger les biais de prévision. Premièrement, les investisseurs
bénéficient d’un avantage temporel et ne prennent des décisions qu’après connaissance des
prévisions. Deuxièmement, sur les marchés, la concurrence entre les investisseurs entraîne
moins de distorsions du prix d’équilibre par rapport à la valeur fondamentale.
Tableau 3.7 – L’ajustement des prix à la valeur fondamentale par type de biais de prévision
87
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Type de
prévision
Moyenne des erreurs
Moyenne des erreurs
Marché
de prévision en valeur
EDM
de prévision en valeur
EDMR
relative
absolue
**
Marché 1
0,012
0,040
0,007
-0,025**
**
0,003
-0,012**
Marché 2
0,010
0,016
Marché 3
0,059
0,026**
0,059
0,013**
Prévisions
**
Marché 4
0,059
0,029
0,059
0,029**
**
optimistes
Marché 5
0,064
0,063
0,064
0,044**
**
0,065
0,024**
Marché 6
0,065
0,038
Marché 7
0,057
0,041**
-0,057
-0,037**
Prévisions
**
Marché 8
0,051
0,036
-0,051
-0,026**
**
pessimistes
Marché 9
0,049
0,054
-0,049
-0,032**
**
-0,054
-0,039**
Marché 10
0,054
0,047
Note: Pour chaque marché, la moyenne des erreurs de prix et la moyenne des erreurs de prévision ont été
calculées sur 12 périodes en valeur absolue et en valeur relative. *, ** et *** désignent le degré de
significativité respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%.
Prévisions
sans biais
Tableau 3.8 – L’ajustement des prix à la valeur fondamentale par période
Période
Toutes données confondues Cas optimiste Cas pessimiste
Période 1
-0,080*
-0,039**
-0,105*
**
*
Période 2
-0,045
-0,043
-0,053**
**
**
Période 3
-0,030
-0,023
-0,036**
**
**
Période 4
-0,043
-0,050
-0,047*
**
*
Période 5
-0,035
-0,043
-0,035**
**
**
Période 6
-0,034
-0,035
-0,043*
**
**
Période 7
-0,026
-0,040
-0,017**
**
**
Période 8
-0,046
-0,060
-0,039**
**
**
Période 9
-0,030
-0,022
-0,036**
**
*
Période 10
-0,039
-0,044
-0,042
Période 11
-0,039**
-0,060
-0,024**
Période 12
-0,035**
-0,011**
-0,057**
Note: A chaque période, la moyenne des erreurs de prix (sans valeur absolue) sur les 10 marchés a été
déterminée en considérant les trois catégories de biais. *, ** et *** désignent le degré de significativité
respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%.
Le tableau 3.8 permet de retrouver les résultats du tableau 3.7. Que l’on raisonne par marché
ou par période, les prix dévient significativement de la valeur intrinsèque. Le tableau 3.8
prouve également que les erreurs de prix n’évoluent pas de manière significative dans un sens
particulier sur l’ensemble des périodes. Le processus d’apprentissage ne semble pas validé
dans la mesure où les erreurs de prix ne semblent pas diminuer au fur et à mesure des
périodes. L’influence des caractéristiques des prévisions des analystes sur les mesures
d’efficience est analysée dans le tableau 3.9.
88
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Tableau 3.9 – L’influence des prévisions des analystes sur l’ajustement des prix à la valeur
fondamentale
Toutes données confondues
Cas optimiste
Cas pessimiste
Variable
EDM
EDMR
EDM
EDMR
EDM
Constante
0,003
0,009**
-0.023
0,05***
-0,012 -0,045***
Dispersion des prévisions
0,071
Erreur de prévision
R2 ajusté
***
0,563
12,4%
0,151**
0,631
***
39,9%
0,73
***
28,3%
EDMR
0,015
1,252
***
32,7%
1,025*** 1,48***
12,4%
39,9%
Note: La variable dépendante désigne une mesure d’efficience (mesures 3.9 et 3.10). La dispersion des
prévisions est mesurée par l’écart-type des prévisions des analystes, rapporté à la moyenne de toutes les
prévisions. L’erreur de prévision est calculée par la différence entre la moyenne des prévisions et le
résultat annuel. Le nombre d’observations est de 114 si on regroupe toutes les données, 48
(respectivement 48) si on ne tient compte que des prévisions optimistes (respectivement pessimistes). *, **
et *** désignent le degré de significativité respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%.
Globalement, l’erreur de prévision moyenne des analystes financiers a un impact positif sur
les deux mesures d’efficience des marchés. Donc, lorsque les prévisions des analystes
comportent des erreurs (aléa ou biais), les individus ne parviennent pas à compenser
entièrement ces erreurs. Ils prennent des décisions sur la base de prévisions erronées sans les
corriger ou les compenser. Dans ces conditions, les prix qui s’établissent à l’équilibre
incorporent une partie de ces erreurs et s’écartent de la valeur fondamentale. Néanmoins,
toutes données confondues, les coefficients des erreurs de prévision dans les régressions du
tableau 3.9 sont plus petits que 1. Les investisseurs parviennent donc à détecter et à
compenser pour partie les erreurs de prévision. Ils commettent ainsi des erreurs
d’anticipations dans la même direction que les analystes avec une moindre amplitude. En
d’autres termes, les prix dévient positivement (respectivement négativement) de la valeur
intrinsèque lorsque les prévisions sont optimistes (respectivement pessimistes). Ces écarts de
prix sont inférieurs aux erreurs de prévision. On retrouve le résultat mis en évidence dans le
tableau 3.1.
Alors que les erreurs de prévision influent négativement sur l’ajustement des prix à la valeur
fondamentale, la dispersion des prévisions n’a un impact significatif sur l’efficience que dans
le cas des prévisions optimistes. En cas de biais d’optimisme des analystes, un accroissement
de dispersion génère une plus grande déviation des prix de transaction, de la valeur
intrinsèque. En effet, une plus grande dispersion ne permet pas aux investisseurs de former
des anticipations précises quant au résultat net futur. La probabilité de se tromper dans ses
anticipations est plus forte, et en ce sens, les prix d’équilibre qui découlent des ordres soumis
par les investisseurs reflètent moins bien la valeur fondamentale. Il y a cependant une
asymétrie de relation entre les prévisions optimistes et les prévisions pessimistes. Dans le
second cas, leur dispersion n’influe pas significativement sur l’ajustement des prix à la valeur
fondamentale. Ceci peut provenir d’une moins grande sensibilité des investisseurs aux
prévisions pessimistes lorsque leur dispersion s’accroît. Soit la prévision moyenne des
analystes joue alors un rôle plus important pour les investisseurs, soit les prévisions sont
moins suivies par les investisseurs.
89
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
L’effet des prévisions des analystes sur la vitesse de convergence des prix vers la valeur
fondamentale
Globalement, sur les marchés expérimentaux, les prix de transaction ne reflètent pas
parfaitement la valeur fondamentale. Le degré d’ajustement des prix à la valeur intrinsèque
dépend de la précision des prévisions, appréciée au travers de leur biais, de leur erreur et de
leur concordance. Des prévisions, entachées de biais ou d’erreur, ou très hétérogènes
détériorent la convergence des prix de transaction vers la valeur intrinsèque.
L’intérêt de cette partie est de mesurer à quelle vitesse les prix vont converger vers la valeur
fondamentale. Cette vitesse, notée (βt), peut être mesurée par la différence entre les prix de 2
périodes consécutives (pt-pt-1), divisée par la différence entre la valeur fondamentale du titre à
la période t (vt) et le prix de la période précédente (pt-1). La valeur fondamentale est par
hypothèse égale au résultat annuel annoncé à la fin de chaque période.
p − pt −1
βt = t
(3.13),
vt − pt −1
La vitesse de convergence de la prévision vers le résultat annuel est déterminée de la même
manière en remplaçant le prix par la prévision et la valeur fondamentale par le résultat annuel.
Tableau 3.10 – La vitesse d’ajustement du prix à la valeur intrinsèque sur les 11 périodes
Période
Toutes données
confondues
Cas optimiste
Cas pessimiste
Période 2
0.382
0.358
0.193
Période 3
1.533
0.992
2.405
Période 4
0.972
0.883
1.123
Période 5
0.365
-0.219
0.777
Période 6
0.789
0.965
0.331
Période 7
1.028
0.633
1.425
Période 8
1.245
0.905
1.623
Période 9
0.847
0.827
0.969
Période 10
1.193
0.401
1.977
Période 11
0.696
0.667
0.674
Période 12
0.460
0.922
-0.358
Note: La vitesse d’ajustement des prix à la valeur intrinsèque a été mesurée d’une période à l’autre à partir de
la deuxième période. Pour chaque période, une moyenne a été calculée sur les 10 marchés. Les
observations qui présentent un dénominateur égal à 0 ont été exclues de l’échantillon (soit 3 observations
au total).
Le tableau 3.10 met en évidence un coefficient systématiquement inférieur à 1 en cas de
prévisions optimistes. Les prix ne convergent pas rapidement vers la valeur fondamentale. En
revanche, si les prévisions sont systématiquement pessimistes, le coefficient dépasse l’unité
sur certaines périodes. En d’autres termes, les prix convergent très rapidement vers la valeur
fondamentale avec un effet de sur réaction.
90
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Tableau 3.11 – L’impact des prévisions des analystes sur la vitesse d’ajustement des prix à la
valeur intrinsèque
Variable
Toutes données confondues
Constante
-0.284* 0.772*** 0.874*** -0.208
0.293
-0.414
1.111***
1.056***
1.375***
0.477
4.343
-3.741
-0.991 -0.492
-2.355
1.182
-0.5%
65.4%
37.1%
Ajustement des prévisions 1.124***
Erreur de prévision moyenne
3.029
Dispersion des prévisions
R2 ajusté
39.5%
1.3%
Cas optimiste Cas pessimiste
38.4%
Note: La variable dépendante représente la vitesse d’ajustement du prix à la valeur intrinsèque. L’échantillon
global comprend 104 observations. L’échantillon des prévisions optimistes (respectivement pessimistes)
comprend 44 observations (respectivement 44). Les observations qui présentent un dénominateur égal à 0
ont été exclues de l’échantillon (soit 3 observations au total). *, ** et *** désignent le degré de
significativité respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%.
Selon le tableau 3.11, la vitesse de convergence des prix vers la valeur fondamentale dépend
surtout de la vitesse d’ajustement des prévisions au résultat net. Lorsque les prévisions sont
révisées avec une marge d’erreur encore plus grande, les prix d’équilibre s’éloignent de la
valeur fondamentale. L’erreur de prévision moyenne éloigne également les prix de la valeur
fondamentale, mais ce de manière non significative. La dispersion des prévisions a tendance à
rapprocher le prix de la valeur fondamentale, mais non significativement.
L’impact des prévisions d’analystes sur la volatilité des taux de rentabilités
Parmi les études qui abordent la réaction des marchés à l’annonce d’une information,
certaines examinent la volatilité des taux de rentabilité (Beaver, 1968). En effet, une
augmentation de la volatilité peut traduire l’arrivée d’information sur les marchés. Cet
accroissement de volatilité est peut être lié à l’imprécision de l’information contenue dans les
prévisions des analystes dans le cas présent. Ceci nous conduit à tester la relation entre la
dispersion des prévisions des analystes et la volatilité des taux de rentabilités. En régressant la
volatilité sur la dispersion des prévisions, nous obtenons les résultats du tableau 3.12.
Tableau 3.12 – L’impact de la dispersion des prévisions des analystes sur la volatilité des
rentabilités
Constante
Toutes données
confondues
0.018***
Dispersion des prévisions
0.174***
0.253
0.127***
R2 ajusté
34.4%
44.2%
31.2%
Variable
Cas optimiste
Cas pessimiste
0.014**
0.021***
Note: La variable dépendante représente la volatilité des taux de rentabilité. La dispersion des prévisions est
mesurée par l’écart-type des prévisions des analystes rapporté à la moyenne de toutes les prévisions.
L’échantillon global comprend 114 observations. L’échantillon des prévisions optimistes (respectivement
pessimistes) comprend 48 observations (respectivement 48). *, ** et *** désignent le degré de
significativité respectivement aux seuils de 10%, 5% et 1%.
Le tableau 3.12 montre que la volatilité des taux de rentabilités est expliquée en partie par la
dispersion des prévisions. Cette dispersion génère un type de risque lié au manque
d’informations ou à l’imprécision de l’information contenue dans les prévisions des analystes.
91
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Les résultats obtenus permettent de conclure que les inefficiences de marché découlent non
seulement de l’utilisation incorrecte des informations disponibles par les investisseurs mais
aussi de l’imperfection des informations elles-mêmes. En présence des prévisions biaisées, le
comportement des investisseurs ne se montre ni naïf, ni parfaitement rationnel, mais plutôt
semi-rationnel. Une des conséquences est que les erreurs commises par les analystes
expliquent une partie des « inefficiences » des prix. Ce constat est cohérent avec ceux des
études empiriques antérieures comme celle de DeBondt et Thaler (1987) qui montrent que la
sous-réaction des analystes peut expliquer jusqu'à 50% des tendances boursières.
5. Conclusion
En construisant des marchés expérimentaux sur lesquels l’information est gratuite et
diffusée à tous les individus simultanément, l’objectif de cette partie est d’examiner
l’influence des prévisions des analystes sur le comportement des opérateurs et sur
l’ajustement des prix de transaction à la valeur fondamentale.
Les résultats de cette étude relèvent que les investisseurs ne tiennent compte que partiellement
des prévisions d’analystes pour réviser leurs propres anticipations. Seule une partie des
erreurs de prévision est transmise aux erreurs d’anticipation. De même pour la dispersion des
anticipations, elle n’est pas complètement expliquée par l’hétérogénéité des prévisions des
analystes. Les analyses permettent aussi de retrouver un résultat obtenu précédemment : les
prévisions des analystes sont loin d’être un bon « proxy » des anticipations des investisseurs.
Ces dernières sont scindées en deux parties - l’une strictement liée à l’hétérogénéité des
prévisions des analystes et l’autre spécifique aux investisseurs. La première partie affecte
négativement le volume d’échange. La deuxième l’influence de façon non-monotone - une
fonction concave est constatée en l’occurrence.
Les résultats montrent également qu’il y a des distorsions moyennes du prix de transaction par
rapport à la valeur fondamentale significativement différentes de zéro. Le degré d’ajustement
des prix à la valeur fondamentale est loin d’être parfait et dépend de la précision des
prévisions des analystes. Des prévisions biaisées et hétérogènes influent négativement sur la
convergence des prix vers la valeur fondamentale. La vitesse d’ajustement des prix à la valeur
intrinsèque est corrélée positivement à la vitesse de convergence des prévisions vers le
résultat annuel. De surcroît, la volatilité des taux de rentabilité devient plus forte lorsque la
dispersion des prévisions des analystes s’accroît.
92
INSTITUT CDC POUR LA RECHERCHE
Annexe 1 : Instructions de l’expérience sur le volume de
transaction
Dans le cadre de cette expérience, vous échangez certaines actions de la même valeur
dans le but de maximiser vos gains en recevant des informations sur la valeur de cette action.
Chaque participant prend ses décisions individuellement devant son ordinateur. Il est
strictement interdit de communiquer entre les participants sous peine d’exclusion de
l’expérience.
L’expérience comporte 8 périodes. Les périodes sont indépendantes. Au début de
l’expérience, vous recevez 20 actions et d’un montant de 200 UME (Unité de monnaie
expérimentale). Vous pouvez acheter des actions des autres participants avec votre argent ou
vendre vos actions détenues. Le gain d’une action achetée provient de la différence entre sa
valeur et le prix d’acquisition. Le gain d’une action vendue provient de la différence entre le
prix de vente et la valeur de l’action.
Comment déterminer la vraie valeur de l’action ?
La valeur de l’action est la somme de 4 composantes. Toutes les deux périodes, une
composante est tirée au sort par ordinateur. Le tirage est réalisé avec remise, c’est-à-dire
qu’un nombre déjà tiré est remis dans l’urne pour d’autres tirages. Après chaque tirage au
sort, la valeur anticipée objective de l’action est recalculée. Elle est égale à la somme des
composantes diffusées et des composantes qui restent à déterminer.
A la fin de la huitième période, la dernière composante est tirée au sort. La valeur de l’action
est alors calculée. Les valeurs possibles des éléments sont exposées dans le tableau suivant :
Pour la 1ère série d’informations
Pour cette série, les tirages au sort sont réalisés parmi les nombres naturels 0, 2, 4 et 6.
Valeur
Probabilité
0
2
4
6
¼
¼
¼
¼
La valeur d’un élément se situe toujours entre 0 et 6 avec une moyenne égale à :
0× 1 + 2× 1 + 4× 1 + 6× 1 =3
4
4
4
4
La valeur de l’action est égale à la somme des 4 composantes :
1er élément + 2 e élément
+ 3e élément + 4 e élément
Pour la 2ème série 2 d’informations
Pour cette série, les tirages au sort sont réalisés parmi les nombres naturels -4, 0, 6 et 10.
93
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Valeur
Probabilité
-4
0
6
10
¼
¼
¼
¼
La valeur d’un élément se situe toujours entre -4 et 10 avec une moyenne égale à :
− 4 × 1 + 0 × 1 + 6 × 1 + 10 × 1 = 3
4
4
4
4
La valeur de l’action est la somme de 4 composantes si cette somme est positive. Par contre,
elle est égale à 0 si cette somme est négative. Nous dévoilons une composante toutes les deux
périodes et donc l’ensemble des 4 composantes à la fin de la huitième période.
Somme de tous les éléments
Valeur de l’action
S=
1er élément + 2 e élément
+ 3e élément + 4 e élément
⎧S si S ≥ 0
V =⎨
⎩0 si S < 0
Comment échanger ?
L’expérience comprend 8 périodes dont chacune se compose de 3 phases.
Première phase : vous devez prévoir la somme des 4 composantes, et non pas la valeur d’une
seule composante. De bonnes prévisions sont récompensées par une prime de prévision. Elles
vous permettront de plus de réaliser de meilleurs échanges
Deuxième phase : vous pouvez faire ici des propositions d’achat et/ou de vente. Sur votre
ordinateur, vous allez voir deux fenêtres servant à l’achat et à la vente. Si vous souhaitez
vendre, vous devez entrer le prix p de la vente. Ce prix p désigne que vos actions ne se
vendent que lorsque le prix est supérieur ou égal à p. Par contre, désirant acheter, vous
indiquez le prix p de l’achat qui traduit que vos actions ne s’échangent qu’à un prix inférieur
ou égal à p. Dans les deux cas, la quantité d’actions échangées est automatiquement assignée
à 1. Par conséquent, si vous voulez échanger plus qu’une action vous devez faire plusieurs
propositions. Vos propositions de vente (respectivement d’achat) sont constamment ajoutées à
la liste des propositions de vente (respectivement d’achat) qui apparaît sur votre écran. Elles
sont exécutées dès qu’il y a une proposition d’un autre participant qui satisfait votre
condition de prix. En revanche, vous pouvez également répondre directement à une
proposition de vente (d’achat) disponible en la choisissant et en cliquant sur le bouton
« Acheter » (« Vendre »). Après son exécution, la proposition est retirée de la liste. Il vous est
possible de donner des propositions à tout moment d’une période d’échange. Les propositions
de la période courante ne seront pas gardées pour la période suivante.
Troisième phase : cette phrase est la phase d’annonce de la composante tirée pour les
périodes 2, 4, 6, 8. La composante est écrite dans la boite « composante tirée ». Pour les
autres périodes sans le tirage au sort (périodes 1, 3, 5, 7), le message « aucune composante
n’est tirée à cette période » apparaît.
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Comment déterminer les gains ?
Vos gains sont calculés à la fin de l’expérience. Ils comportent deux parties. La partie 1 est
une prime strictement liée à l’exactitude des prévisions faites sur la somme des 4
composantes. La partie 2 est constituée des gains liés à la performance de vos échanges. Votre
prime de prévision est d’autant plus importante que votre prévision est proche de la valeur de
l’action. Vos gains d’échange dépendent étroitement de votre capacité à vendre des actions, le
plus possible, à des prix supérieurs à la valeur de l’action et/ou acheter le plus possible des
actions à des prix inférieurs à la valeur de l’action. Votre rémunération réelle est la somme
des gains totaux convertis en dollars canadiens plus une prime de participation de $10. La
rémunération moyenne est de 20 $CA.
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Annexe 2 : Instructions de l’expérience sur les analystes
Dans cette expérience, nous vous demandons de prendre des décisions au sein d’un
marché, en vous fournissant certaines informations. Chaque participant prend ses décisions
individuellement devant son ordinateur. La communication entre participants est strictement
interdite sous peine d’exclusion des gains et de l’expérience.
Dans cette expérience, il y a 12 périodes indépendantes d’une durée de 6 minutes chacune
dont les règles générales sont invariables. Au début de chaque période, vous recevez 20
actions d’une même valeur et 2000 UME (Unité de Monnaie Expérimentale). Vous pouvez
acheter les actions des autres participants avec votre argent ou vendre les actions que vous
détenez. Ces opérations ne sont pas obligatoires. Cependant, grâce aux échanges que vous
effectuez, vous pouvez réaliser des gains qui sont calculés à la fin de chaque période sur la
base de la valeur fondamentale de l’action de la cette période. Les gains proviennent des
ventes d’actions à des prix supérieurs à la valeur de l’action de la période et/ou des achats
d’actions à des prix inférieurs à cette valeur.
Informations concernant la valeur de l’action
Quelle que soit la période, la valeur de l’action se situe toujours entre 60 et 120. Au
début de chaque période, vous êtes informé(e) de 6 prévisions de la valeur de l’action, faites
par des professionnels. Cette valeur est annoncée à la fin de la période.
Comment échanger ?
Chaque période comprend trois phases.
Première phase : Au début de cette phase, nous vous fournissons les prévisions de la valeur
de l’action. Vous avez 30 secondes pour observer ces prévisions, puis vous êtes tenu(e) de
communiquer votre propre anticipation sur la valeur de l’action.
Deuxième phase : vous pouvez faire ici des propositions d’achat et/ou de vente. Sur votre
ordinateur, vous allez voir deux fenêtres servant à l’achat et à la vente. Si vous souhaitez
vendre, vous devez entrer le prix p de la vente. Ce prix p désigne que vos actions ne se
vendent que lorsque le prix est supérieur ou égal à p. Par contre, désirant acheter, vous
indiquez le prix p de l’achat qui traduit que vos actions ne s’échangent qu’à un prix inférieur
ou égal à p. Dans les deux cas, la quantité d’actions échangées est automatiquement assignée
à 1. Par conséquent, si vous voulez échanger plus qu’une action vous devez faire plusieurs
propositions. Vos propositions de vente (respectivement d’achat) sont constamment ajoutées à
la liste des propositions de vente (respectivement d’achat) qui apparaît sur votre écran. Elles
sont exécutées dès qu’il y a une proposition d’un autre participant qui satisfait votre
condition de prix. En revanche, vous pouvez également répondre directement à une
proposition de vente (d’achat) disponible en la choisissant et en cliquant sur le bouton
« Acheter » (« Vendre »). Après son exécution, la proposition est retirée de la liste. Il vous est
possible de donner des propositions à tout moment d’une période d’échange. Les propositions
de la période courante ne seront pas gardées pour la période suivante.
Troisième phase : Les informations sur les prix d’échange moyen, le plus élevé et le plus
faible sont diffusées. En outre, la valeur de l’action de la période est diffusée.
Comment déterminer les gains ?
Vos gains sont indépendamment calculés à la fin de chaque période. Le gain d’une
période comporte deux parties : l’une est liée à l’exactitude de votre prévision sur la valeur de
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l’action et l’autre est liée à la performance de vos achats et ventes. Le gain de prévision est
d’autant plus élevé que votre prévision est proche de la valeur de l’action. Le gain d’échange
totalise celui de tous les achats et ventes. Les gains totaux sont la somme des gains de chaque
période et sont convertis en dollars canadiens auxquels s’ajoutent 10 dollars de prime de
participation.
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Conclusion
Ces travaux de recherche ont pour fonction d’examiner le comportement des
investisseurs au voisinage des publications comptables réalisées par les firmes. La première
étude de nature empirique analyse le comportement agrégé du marché américain et français
lors de la diffusion des annonces correspondantes à travers les rentabilités anormales, les
volumes de transaction anormaux, les extrêmes journaliers, les estimations d’analystes, les
fourchettes et les profondeurs. Ce volet met en évidence des comportements notablement
différents en France et aux Etats-Unis pour les publications intermédiaires et annuelles. Nos
travaux montrent par ailleurs qu’il est très difficile de dissocier la notion d’hétérogénéité des
anticipations du concept d’asymétrie d’information. Si les publications annuelles semblent
laisser peu de place à une telle asymétrie en vertu de leur suivi vigilant par le marché, les
annonces semestrielles françaises semblent en revanche très affectées par un tel phénomène
en vertu du comportement assez atypique des fourchettes de prix qui y prévaut. Toutefois
l’état actuel d’avancement de nos recherches ne permet pas encore de caractériser sans
ambiguïté ce qui constituerait une véritable signature de l’asymétrie d’information. Si ce
premier volet constitue un moyen d’apprécier le comportement moyen des investisseurs sur le
marché, il ne permet pas de comprendre le processus cognitif suivi par chacun d’eux dans leur
décision. C’est précisément cette analyse individuelle qui est au centre des travaux
d’économie expérimentale développée dans le deuxième volet de ce projet.
En construisant des marchés expérimentaux sur lesquels l’information est gratuite et diffusée
à tous les individus simultanément, l’objectif de ce second volet est d’examiner le
comportement des opérateurs au voisinage des annonces d’information comptable et d’étudier
l’influence des prévisions des analystes sur le comportement des opérateurs et sur
l’ajustement des prix de transaction à la valeur fondamentale. L’analyse du volume d’échange
prouve qu’il est associé à l’hétérogénéité des anticipations selon un mode concave. Les
résultats de cette étude révèlent également que les investisseurs ne tiennent compte que
partiellement des prévisions d’analystes pour réviser leurs propres anticipations. Cette étude
montre en effet que les prévisions des analystes sont loin d’être un bon « proxy » des
anticipations des investisseurs.
Les résultats montrent également qu’il y a des distorsions moyennes du prix de transaction par
rapport à la valeur fondamentale significativement différentes de zéro. Le degré d’ajustement
des prix à la valeur fondamentale est loin d’être parfait et dépend de la précision des
prévisions des analystes. Des prévisions biaisées et hétérogènes influencent négativement la
convergence des prix vers la valeur fondamentale. Ces sources d’inefficience sont non
seulement liées à l’utilisation incorrecte des informations diffusées, mais aussi à
l’imperfection de l’information contenue dans les prévisions d’analystes.
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