A propos des ordres réactionnels en cinétique chimique

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A propos des ordres réactionnels en cinétique chimique
BULLETIN
DE
L’UNION
DES
PHYSICIENS
559
A propos des ordres réactionnels
en cinétique chimique
par Gérard SCACCHI
École Nationale Supérieure des Industries Chimiques
(Institut National Polytechnique de Lorraine)
1, rue Grandville - BP 451 - 54001 Nancy Cedex
[email protected]
RÉSUMÉ
Le but de cet article est de montrer que la notion d’ordre réactionnel est beaucoup
moins simple qu’on ne le pense généralement. En particulier, on explique pourquoi il ne
peut exister d’ordres courants différents des ordres initiaux et quelles sont les conséquences de ce fait sur les relations entre thermodynamique et cinétique chimiques, dans
le cas de deux réactions inverses l’une de l’autre.
L’ordre réactionnel est une notion de base en cinétique chimique. Cependant cette
notion, apparemment très simple, appelle un certain nombre de commentaires. C’est l’objet de cet article.
Rappelons, d’abord, qu’il existe deux catégories d’ordre : l’ordre dit « initial » et
l’ordre dit « courant » (ou « ordre au cours du temps »). Comme nous allons le voir ces deux
types d’ordre ne sont pas indépendants et leur comparaison a de multiples conséquences.
Dans cet exposé nous ne parlerons que de cinétique chimique homogène, en
excluant la catalyse hétérogène et la cinétique hétérogène non-catalytique.
1. ORDRES INITIAUX
Les ordres initiaux partiels par rapport à chacun des réactifs rendent compte de
l’effet des concentrations initiales sur la vitesse initiale de la réaction, c’est-à-dire la
vitesse de la réaction dans un milieu ne contenant, comme espèces chimiques, que les
réactifs de départ.
Ces ordres sont des grandeurs expérimentales, impossibles à prévoir au simple vu
de l’équation stœchiométrique car, a priori, différentes des nombres stœchiométriques.
Les réactions chimiques admettent assez souvent des ordres initiaux partiels par rapport aux réactifs mais on doit, cependant, distinguer les trois grands types de mécanismes
réactionnels qui permettent de regrouper toutes les réactions chimiques envisageables, à
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savoir : les réactions simples, les réactions en séquence ouverte et les réactions en
séquence fermée.
1.1. Réactions simples
Une réaction simple est un processus élémentaire et s’écrit donc telle qu’elle se produit à l’échelle moléculaire, sans intervention d’éventuels intermédiaires réactifs tels que
atomes ou radicaux libres ou ions instables.
Exemple typique : la réaction de Diels-Alder :
La vitesse initiale r0 s’écrit simplement :
r0 = k0 7 C4 H6 A 0 7 C2 H4 A 0
(1)
avec deux ordres initiaux partiels égaux aux nombres stœchiométriques.
1.2. Réactions en séquence ouverte : réactions par stades
Dans ce type de réaction il n’y a pas de régénération des intermédiaires réactifs I 1,
I 2, I 3, ... Chacun est formé dans un processus élémentaire et disparaît dans un autre :
I 1 + ... " I 2 + ... " I 3 + ... " ...
On ne revient jamais à I 1 dans cette séquence ouverte.
Alors, dans les cas les plus simples, la vitesse initiale globale de la séquence est
égale à la vitesse du premier processus, l’amorçage.
Exemple : la pyrolyse du peroxyde de ditertiobutyle, en phase gazeuse, représentée, à
l’instant initial par le mécanisme radicalaire par stades suivant :
:
amorçage
(CH3 ) 3 C - O - O - C (CH3 ) 3
k1
2 (CH3 ) 3 C - O :
terminaison
Bilan :
(CH3 ) 3 C - O :
2CH3 :
(CH3 ) 3 C - O - O - C (CH3 ) 3
k2
k3
CH3 COCH3 + CH3 :
C2 H6
2CH3 COCH3 + C2 H6
:
=
L’approximation de l’état quasi-stationnaire (AEQS) sur les radicaux libres conduit
à : 2 r1 = r2 = 2 r3 et la vitesse initiale de pyrolyse s’écrit simplement :
r0 = k 1 7 peroxydeA 0
(2)
où l’ordre initial par rapport au peroxyde existe et est égal au nombre stœchiométrique
du réactif dans le processus élémentaire d’amorçage.
En revanche, si le premier processus est renversable, c’est-à-dire si le processus
inverse est pris en compte (sans que les deux processus inverses soient à l’équilibre thermodynamique), l’expression de la vitesse initiale se complique et, souvent, il n’existe
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plus d’ordre initial.
Dans l’exemple précédent l’introduction du processus (-1) de recombinaison (1) des
deux radicaux (CH3 ) 3 C - O : conduit, pour l’AEQS sur ce radical, à l’égalité :
2 k 1 7 peroxydeA 0 = 2 k - 1 7 (CH3 ) 3 C - O : A + k 2 7 (CH3 ) 3 C - O : A
2
La valeur de 7 (CH3 ) 3 C - O : A tirée de cette équation du second degré conduit, pour
la vitesse initiale de la réaction (vitesse de consommation du peroxyde) à :
2 k 2 7 (CH3 ) 3 C - O : A
r0 = k 1 7 peroxydeA 0 - k - 1 7 (CH3 ) 3 C - O : A =
2
soit :
r0 =
- k 22 + k 2 k 22 + 16 k 1 k - 1 7 peroxydeA 0
8 k- 1
(3)
La simple intervention, à l’instant initial, du processus (-1) fait que la vitesse initiale de la réaction par stades n’admet plus d’ordre initial par rapport au peroxyde.
1.3. Réactions en séquence fermée : réactions en chaîne
et réactions de catalyse homogène
Contrairement aux réactions par stades, dans une réaction en séquence fermée, les
espèces intermédiaires réactives sont régénérées dans une « boucle » du type :
Z
] I 1 + ... " I 2 + ...
]
[ I 2 + ... " I 3 + ...
]]
I 3 + ... " I 1 + ...
\
C’est le cas des réactions en chaîne (où la boucle s’appelle propagation) et des
réactions de catalyse homogène.
Nous prendrons l’exemple des réactions en chaîne. Ces réactions, même très
simples, ne présentent généralement pas d’ordres initiaux.
Considérons le cas de la pyrolyse du néopentane (2,2-diméthylpropane) en phase
gazeuse. Le mécanisme radicalaire en chaîne permettant de rendre compte de la réaction,
à très faible avancement, est le suivant :
(1)
Le mécanisme composé de (1) (2) et (3) est un mécanisme primaire en ce sens que les seuls réactifs moléculaires sont les réactifs de départ (ici le peroxyde). Ce mécanisme correspond à l’instant dit « initial » :
il est valable dès que les différents radicaux libres ont atteint leur état quasi-stationnaire. L’introduction de
(-1) conserve au mécanisme ainsi complété son caractère primaire et la vitesse calculée en tenant compte
de (-1) reste une vitesse initiale.
En revanche les processus (-2) ou (-3) qui font intervenir des produits moléculaires primaires seraient
des processus secondaires et les vitesses qui leur correspondraient seraient des vitesses courantes et pas initiales.
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k1
kx
ky
néo C5 H12
(CH3 ) 3 C :
H : + néo C5 H12
néo C5 H11 :
CH3 : + néo C5 H12
2 CH3 :
amorçage
transfert
propagation *
terminaison
k2
k3
k4
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(CH3 ) 3 C : + CH3 :
i - C4 H8 + H :
H2 + néo C5 H11 :
i - C4 H8 + CH3 :
CH4 + néo C5 H11 :
C2 H6
L’AEQS sur les atomes et radicaux libres conduit, sans difficulté, aux expressions
0
de la vitesse initiale rneo
C H de consommation du néopentane et des vitesses initiales
5
12
de formation des différents produits primaires principaux (i - C4 H8 et CH4) et mineurs
(H 2 et C2 H6), i - C4 H8 étant, à la fois principal (par (2)) et mineur (par (x)) :
r0neo C
= 2 k 1 7 neo C5 H12 A 0 + k 3 e
k 1 1/2
3/2
neo C5 H12 A 0
k4 o 7
ri0- C
= 2 k 1 7 neo C5 H12 A 0 + k 3 e
k 1 1/2
3/2
neo C5 H12 A 0
k4 o 7
0
rCH
=k3 e
5 H12
4 H8
4
r0H
2
rC0
2 H6
1
1
k 1 1/2
3/2
neo C5 H12 A 0
k4 o 7
(4)
1
= k 1 7 neo C5 H12 A 0
1
= k 1 7 neo C5 H12 A 0
On observe que les trois dernières vitesses initiales admettent des ordres initiaux par
rapport au néopentane. Il n’en est pas de même pour la formation de i - C4 H8 ou la
consommation de néo C5 H12.
Dans une telle réaction la « vraie » vitesse initiale est la vitesse initiale de consommation du réactif. Or, généralement, celui-ci disparaît également par d’autres processus
que ceux de propagation : l’amorçage (en l’absence d’amorceur spécifique, bien sûr) et,
souvent, un ou plusieurs processus de transfert [ces processus, situés entre l’amorçage et
la propagation, transforment les radicaux non-porteurs de chaîne apparus dans l’amorçage (ici (CH3 ) 3 C :) en radicaux porteurs de chaîne (ici : néo C5 H11 :)].
La conséquence en est que des termes autres que ceux de propagation apparaissent
dans l’expression de la vitesse initiale de consommation du réactif. Ces termes font intervenir la concentration initiale du réactif à des puissances différentes de celle de la vitesse
de propagation (ici 1 au lieu de 3/2) et, ainsi, la vitesse initiale de consommation du réactif n’admet pas d’ordre initial (2).
(2)
Une des très rares exceptions est la synthèse thermique de HBr à partir de H2 et Br2, où il n’existe pas de
processus de transfert et où la terminaison 2 Br : (+ M)
Br2 (+ M)
1
-1
Br2 (+ M) est l'inverse de l’amorçage :
2 Br : (+ M) cf. § 2.2.
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Ce qui précède est vrai quelle que soit la longueur de la chaîne cinétique. Dans
le cas particulier où la chaîne est longue, les vitesses des processus de propagation (r2
et r3) sont nettement supérieures aux vitesses des autres processus (amorçage, transfert,
terminaison) de sorte que dans les expressions précédentes :
2 k 1 7 neo C5 H12 A 0 << k 3 e
1
k 1 1/2
3/2
neo C5 H12 A 0
k4 o 7
et on obtient alors, très simplement :
r0neo C
5 H12
= ri0- C
4 H8
0
, rCH
= k3 e
4
k 1 1/2
3/2
neo C5 H12 A 0
k4 o 7
(5)
On a bien, dans ce cas, un ordre initial de la réaction. Celle-ci se réduit alors à l’équation stœchiométrique primaire principale : néo C5 H12 = CH4 + i - C4 H8 (somme des processus (2) et (3) de propagation). La stœchiométrie primaire mineure :
2 néo C5 H12 = 2 i - C4 H8 + H2 + C2 H6
est négligeable [1].
Ainsi il existe toujours des ordres initiaux pour les réactions simples, plus rarement pour les réactions par stades et pratiquement jamais pour les réactions en
chaîne, sauf lorsque la chaîne est longue et que le mécanisme en chaîne est très simple :
un seul amorçage, une seule propagation, une seule terminaison et pas de processus
inverse dans la propagation !
2. ORDRES COURANTS
Les ordres courants partiels sont censés rendre compte de l’influence, sur la vitesse
courante r d’une réaction, des concentrations courantes des réactifs.
Exemple :
A+B
k
produits
(6)
Il faut, dès à présent, souligner le fait que les ordres initiaux partiels ne sont, en
aucune façon, la limite des ordres courants partiels lorsque l’avancement tend vers
zéro. Les deux types d’ordre n’ont absolument pas la même signification physique. Les
ordres initiaux (quand ils existent) correspondent à un milieu où les produits de la réaction sont absents, alors que les ordres courants sont justement censés modéliser l’influence cinétique des produits à avancement quelconque. La figure 1 éclairera ce propos
(cf. § 2.2).
2.1. Réactions simples
Il est clair que, dans ce type de réaction, la vitesse n’est pas influencée par les proVol. 95 - Mars 2001
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duits (sinon ce n’est plus une réaction simple (3)). Les ordres courants partiels sont les
mêmes que les ordres initiaux partiels.
Exemple : dans la réaction de Diels-Alder citée précédemment, la vitesse courante
s’écrit :
(7)
2.2. Autres réactions
Pour les réactions non-élémentaires, peut-il exister des ordres courants partiels
différents des ordres initiaux partiels ?
Considérons le cas simple d’une réaction faisant intervenir un réactif unique et
admettant un ordre initial n 0 :
n
r0 = k 0 c 0 0
(8)
Supposons qu’à avancement non nul, la loi de vitesse courante soit de la forme :
r= k cn
(9)
Sur la figure 1, on a représenté, à la fois :
– la droite D 0 : ln r0 = f ( ln c 0 ) de pente n 0 (détermination de l’ordre initial) ;
– les droites D1 et D 2 : ln r = f ( ln c) de pente n (détermination de l’ordre courant).
Figure 1 : Ordre initial et ordre courant.
(3)
Le cas de deux processus élémentaires inverses l’un de l’autre sera évoqué plus loin.
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Le point A correspond au couple (c 0, 1 , r0, 1 ). Supposons qu’à partir de ces conditions initiales, on étudie la réaction à avancement non nul et que l’on obtienne la droite
D1 de pente n ≠ n 0.
Au point A on a, simultanément :
n
– sur la droite D 0 : r0, 1 = k 0 c 00, 1 ;
n
– sur la droite D1 : r0, 1 = k c 00, 1 (application de r = k c n à avancement nul) ;
k0
n-n
= c 0, 1 0
k
d’où l’on tire :
(10)
De la même façon, si D 2 a la même pente que D1, on a, au point B :
n
– sur D 0 : r0, 2 = k 0 c 00, 2 ;
– sur D 2 : r0, 2 = k cn0, 2 ;
d’où :
k0
n-n
= c 0, 2 0
k
(11)
Les deux relations (10) et (11) sont incompatibles sauf si :
♦ n ≡ n 0 ce qui conduit à k ≡ k 0
La loi de vitesse courante s’écrit alors :
r = k 0 cn 0
(12)
C’est la vitesse qu’aurait la réaction, au cours du temps, si aucun produit n’avait
d’influence cinétique. La réaction continue comme elle a commencé et la loi de vitesse
courante est calquée sur la loi de vitesse initiale, en remplaçant r0 par r et c 0 par c, k 0 et
n 0 restant les mêmes.
Dans ce cas les droites D1 et D 2 sont confondues avec la droite D 0 de pente n 0.
♦ n dépend de c 0 : cette hypothèse n’est pas raisonnable. En effet, ou bien la réaction
admet un ordre courant n, différent de n 0, mais cet ordre doit, évidemment, être le même
quelle que soit la concentration initiale du réactif (ce qui est impossible comme on vient
de le voir), ou bien la réaction n’admet pas d’ordre courant du tout :
rY
= k cn
si: n Y
= n0
Ce qui précède paraît raisonnable :
– ou bien les produits formés n’ont pas d’action cinétique et n existe si n 0 existe :
n ≡ n0 ;
– ou bien les produits formés interviennent dans le mécanisme cinétique et on conçoit
aisément que cet effet, souvent complexe, ne se traduise pas simplement par le remplacement d’un ordre initial n 0 par un ordre courant n différent de n 0.
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Quelques exemples vont illustrer le propos très général précédent.
1 - La décomposition thermique par stades du peroxyde de ditertiobutyle vue plus haut
est très peu influencée par les produits (acétone et éthane), tout au moins à avancement raisonnable, et ceci se traduit, expérimentalement, par le fait que : n ≡ n 0 = 1,
la loi de vitesse courante s’écrivant, selon la relation (12) :
r=
k0
7 peroxydeA
1 444444 2 444444 3
egale,ici, a k1 (relation (2))
1
2 - La très classique synthèse thermique de HBr en phase gazeuse, à partir de H2 et Br2,
peut être représentée, à l’instant initial, par le mécanisme radicalaire en chaîne suivant :
k1
Br2 (+ M)
amorçage
2 Br : (+ M)
k2
HBr + H :
Br : + H2
propagation *
k
HBr + Br :
3
H : + Br2
k
1
Br
terminaison
2 Br : (+ M)
2 (+ M)
L’expression de la vitesse initiale (par exemple la vitesse de consommation de H2),
tirée de l’AEQS sur les atomes libres est :
r0 = k 2 e
k 1 1/2
1/2
1/2
1
1
H
Br
= k 0 7 H2 A 0 7 Br2 A 0
k - 1 o 7 2A0 7 2A0
(13)
L’expérience montre qu’à avancement non nul, la loi de vitesse courante empirique
1/2
1
1
r = k 0 7 H2 A 7 Br2 A
(14)
est de la forme :
7 HBr A
1 + k"
7 Br2 A
montrant ainsi le rôle autoinhibiteur du produit HBr formé.
Le terme : k 0 7 H2 A 7 Br2 A correspond à la vitesse qu’aurait la réaction, à
même avancement, si elle n’était pas autoinhibée par HBr. Elle a donc la même
forme que la vitesse initiale (13) en remplaçant r0 par r et les concentrations initiales
par les concentrations courantes [cf. relation (12)]. On l’appelle vitesse courante fictive r fict..
1
1
Le terme
1 + k"
7 HBr A
1/2
correspond à l’influence cinétique de HBr et rend
7 Br2 A
compte de l’écart entre la vitesse courante réelle r et la vitesse courante fictive r fict..
Ce terme, noté {, est le facteur d’autoinhibition ({ G 1).
Dans ce cas l’effet autoinhibiteur de HBr peut s’expliquer simplement par l’introduction du processus inverse (-2), processus secondaire car mettant en jeu un
radical primaire H : avec un produit primaire moléculaire HBr.
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Le mécanisme ainsi complété conduit à la vitesse courante :
r = k2 e
k 1 1/2
1/2
H Br
k- 1 o 7 2A7 2A
1
k - 2 7 HBr A
1+
k 3 7 Br2 A
(15)
On retrouve bien la loi empirique (14). On notera qu’il existe un ordre courant partiel par rapport à H2 égal à 1, identique à l’ordre initial partiel de la relation (13). En
revanche il n’existe plus d’ordre par rapport à Br2, ni, d’ailleurs, par rapport au produit HBr. On retrouve les considérations développées plus haut.
Il est important de remarquer que l’intervention d’un processus inverse dans l’étape
de propagation est la modification la plus minime que l’on puisse imaginer pour
rendre compte de l’effet cinétique d’un produit. Pourtant, elle conduit à une
expression de la vitesse courante qui n’est déjà plus du type monôme, alors qu’à
l’instant initial la vitesse possédait deux ordres initiaux partiels.
Bien entendu l’intervention cinétique des produits de réaction se traduit généralement par une modification bien plus considérable du mécanisme réactionnel
« initial » et la probabilitié de trouver des ordres courants est encore plus faible...
C’est le cas des deux exemples ci-dessous.
3 - La pyrolyse du néopentane, évoquée précédemment, et de vitesse initiale (si la
chaîne est longue) :
R
V
k 1 1/2 W
S
3/2
0
r = k 0 7 neo C5 H12 A 0
(5)
S avec k 0 = k 3 e k 4 o W
S
W
T
X
est, elle, fortement autoinhibée par l’isobutène i - C4 H8 formé.
La vitesse courante r peut être représentée par l’expression empirique :
7 i - C4 H8 A
1 + k’
7 neo C5 H12 A
3/2
r = k 0 7 neo C5 H12 A
7 i - C4 H8 A
1 + k"
7 neo C5 H12 A
(16)
Le terme : k 0 7 neo C5 H12 A correspond à la vitesse courante fictive rfict.. et le
second terme, de type homographique, est le facteur d’autoinhibition { (en effet,
ici : k’<< k" donc { < 1).
3/2
En Annexe, on trouvera, à titre d’exemple de mécanisme d’autoinhibition, le mécanisme de pyrolyse de neo C5 H12 modifié par l’intervention de i - C4 H8.
4 - L’oxydation thermique, lente, de l’éthanal en phase gazeuse, qui admet des ordres
initiaux partiels :
r0 = k 0 7 O2 A 0 7 CH3 CHO A 0
1/2
3/2
(17)
est une réaction autoaccélérée par l’acide peracétique CH3 COO2 H formé. La loi
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de vitesse courante empirique s’écrit :
R
V1/2
7 CH3 COO2 H A W
1
+
k
’
(18)
SS
WW
7 O2 A
T
X
3/2
1/2
On reconnaît la vitesse courante fictive : r fict. = k 0 7 O2 A 7 CH3 CHO A corrigée par
R
V1/2
7 CH3 COO2 H A W
S
le terme : { = S1 +
WW qui est, ici, le facteur d’autoaccélération dû
7 O2 A
S
T
X
à la présence du peracide. Ce composé joue le rôle d’agent de branchement dégénéré et autoaccélère la réaction en donnant naissance à un amorçage secondaire :
CH3 COO2 H " CH3 COO : + : OH
r = k 0 7 O2 A
1/2
7 CH3 CHOA
3/2 S
Les trois derniers exemples montrent que la loi de vitesse courante expérimentale
r = rfict. # {
r peut se mettre sous la forme :
(19)
rfict. peut être calculée, a priori, à chaque avancement, puisqu’elle est calquée sur la loi
de vitesse initiale : k 0 et les ordres initiaux partiels (et donc les ordres courants ici) sont
connus. Le facteur {, qui rend compte de l’écart entre la vitesse courante fictive et la
vitesse courante réelle se met, généralement, sous la forme :
{=
(1 + F ’)x’
(1 + F ") x"
(20)
C’était le cas pour les trois exemples développés plus haut. C’est également le cas
pour la très grande majorité des réactions complexes, en cinétique homogène.
Dans cette forme, de type homographique, F ’ et F " sont des fonctions d’au moins
un des produits de la réaction, ce qui permet de rendre compte des phénomènes d’autoaccélération ou d’autoinhibition.
Les puissances x’ et x" sont généralement des nombres simples : 0, 1/2, 1, 3/2, 2. A
avancement nul, r est identique à rfict. : { = 1 et F ’ = F " = 0.
Ainsi, si l’on désire représenter simplement une loi de vitesse courante empirique,
il est préférable d’utiliser les relations (19) et (20) plutôt qu’un simple monôme :
r = kcn qui n’a aucune chance d’exister... sauf si n / n 0.
3. CAS DE DEUX RÉACTIONS INVERSES L’UNE DE L’AUTRE
3.1. Réactions globales dont les lois de vitesse sont du type monôme
Considérons le cas de deux réactions globales, inverses l’une de l’autre :
A + 2B
k1
E
k
3C
-1
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et supposons que ces deux réactions admettent des ordres courants :
r1 = k 1 7 A A nA 7 B A nB
r- 1 = k - 1 7 C A nC
(21)
Les réactions n’étant pas supposées être des processus élémentaires, ces ordres n’ont, a
priori, évidemment, aucun rapport avec les nombres stœchiométriques.
A l’équilibre thermodynamique les deux vitesses sont égales :
k 1 7 A A nA 7 B A nB = k - 1 7 C A nC
eq
eq
eq
7C A
nC
eq
k1
=
k - 1 7 A A nA 7 B A nB
soit :
eq
(22)
eq
La constante d’équilibre K1 (dans l’échelle des molarités) s’écrit :
7 C A eq
3
K1 =
2
K1 Y
=
Il est clair que, dans le cas général,
(23)
7 A A eq 7 B A eq
k1
k- 1
(24)
Numériquement, il existe un nombre d tel que :
k
K1d = 1
k- 1
7C A
7 C A eq
3d
soit :
7 A A eq 7 B A eq
d
2d
=
7 AA
nC
eq
nA
n
7 BA B
eq
eq
nC nA nB
=
=
=d
(25)
3
1
2
Il semblerait donc qu’il y ait proportionnalité entre les ordres courants partiels et
les nombres stœchiométriques.
On doit ainsi avoir :
En réalité cette approche, purement formelle, n’a aucune signification physique.
Elle suppose, en effet, que les deux réactions possèdent des ordres courants partiels et
que les lois de vitesse courantes r1 et r- 1 conservent la même forme jusqu’à l’équilibre...
deux hypothèses physiquement invraisemblables.
Mais il y a pire !... En effet nous avons vu, plus haut, qu’une réaction ne pouvait
posséder un ordre courant n que si n était égal à l’ordre initial n 0.
Ainsi, dans le cas présent, on ne peut écrire les relations (21) que si :
nA / nA, O et k 1 / k 1, O
nB / nB, O
k - 1 / k - 1, O
nC / nC, O
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La relation (25) deviendrait alors :
nC, 0 nA, 0 nB, 0
=
=
=d
(26)
3
1
2
Les deux réactions inverses (1) et (-1) admettraient ainsi des ordres initiaux proportionnels aux nombres stœchiométriques, ce qui n’a, bien entendu, aucun sens
dans le cas de réactions globales (non élémentaires) !
3.2. Cas particulier de deux processus élémentaires inverses
l’un de l’autre (4)
Dans ce cas les ordres partiels (qu’ils soient initiaux ou courants) sont égaux aux
nombres stœchiométriques, donc :
r1 = k 1 7 A A 7 B A 2
r- 1 = k - 1 7 C A 3
et, à l’équilibre :
3
7 C A eq
k1
=
k - 1 7 AA 7 B A2
eq
eq
Le second membre est, justement, l’expression de la constante d’équilibre K1.
k
K1 = 1
Alors :
(27)
k- 1
Cette relation, d’une grande importance pratique, permet d’estimer la constante de
vitesse du processus inverse k - 1 à partir de la constante de vitesse du processus direct k 1
et de la thermodynamique.
Les deux relations qui en découlent et qui relient les paramètres d’Arrhenius et
les grandeurs thermodynamiques de réaction sont également très utilisées. Par
exemple, en phase gazeuse, on obtient [2] :
E 1 - E - 1 = Dr U10 = Dr H10 - Dn RT
(28)
R
V
0
Dr S
R Tc
A
ln 1 = R 1 - Dn SS1 + ln e 1p 0 o WW
(29)
A- 1
0
T
X
où E 1 et A1 sont les paramètres d’Arrhenius du processus direct, E - 1 et A - 1 ceux du processus inverse, Dr U10, Dr H10 et Dr S10 respectivement les énergie interne, enthalpie et
entropie standard de réaction (dans le sens 1), Dn la variation de la quantité de matière
dans l’équation stœchiométrique et R1 = 0, 08314 bar.l.mol- 1 .K- 1 (quand c 0 = 1 mol.l- 1 et
p 0 = 1 bar).
Il faut noter que les trois relations (27), (28) et (29) représentent le seul lien exis(4)
Ce qui suit est également valable pour les réactions globales qui suivent la loi de Van't Hoff, c'est-à-dire
qui admettent des ordres courants égaux aux nombres stœchiométriques. Ces réactions se comportent donc
comme des processus élémentaires.
A propos des ordres réactionnels en cinétique chimique
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DE
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PHYSICIENS
571
tant entre thermodynamique chimique et cinétique chimique (5)...
k1
,
k- 1
il n’existe pas de relations du type (28) ou (29) : on ne peut estimer les paramètres
cinétiques d’une réaction globale inverse à partir de ceux de la réaction directe et
des grandeurs thermodynamiques. C’est un résultat très important, souvent oublié (ou
ignoré ?), et qui conduit certains cinéticiens « amateurs » à des conclusions fâcheuses...
=
Pour deux réactions globales inverses l’une de l’autre, pour lesquelles : K1 Y
3.3. Recherche de la loi de vitesse nette d’une réaction
Reprenons l’exemple de la synthèse thermique de HBr. Cette réaction admet,
comme on l’a vu plus haut, une vitesse initiale de la forme : r0 = k 0 7 H2 A 0 7 Br2 A 0 . Dès
que l’avancement n’est plus nul le phénomène d’autoinhibition se manifeste et la loi de
vitesse courante prend la forme empirique donnée par la relation (14), réécrite de la
1/2
1
k d 7 H2 A 7 Br2 A
7 HBr A
1 + k"
7 Br2 A
1/2
façon suivante :
rd =
(30)
rd = vitesse de la réaction directe (6) ;
k d = constante de vitesse de la réaction directe (égale à k 0 dans (14)).
A l’équilibre thermodynamique la vitesse nette de la réaction est nulle :
rnette = rd - ri = 0
où ri est la vitesse de la réaction inverse.
La forme correcte de la vitesse nette doit donc être telle que cette vitesse s’annule
à l’équilibre.
A l’équilibre thermodynamique :
7 HBr A eq
2
K=
7 H2 A eq 7 Br2 A eq
(31)
L’égalité : rd = ri à l’équilibre peut encore s’écrire :
R
Vs
2
7 HBr A eq
S
W
1
W rd
ri = S K
7 H2 A eq 7 Br2 A eq WW
SS
T
X
(5)
La théorie du complexe activé, dans sa formulation dite « thermodynamique », ne fait pas intervenir d’autre
type de relations puisqu’elle suppose, justement, un équilibre « fictif » entre réactifs et complexe activé.
(6)
On notera que l’expression de r d prend déjà en compte l’autoinhibition par HBr.
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572
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ou encore, compte tenu de la relation (30) que l’on suppose valable à l’équilibre :
R
Vs
1/2
2
7 HBr A eq
S
W k d 7 H2 A eq 7 Br2 A eq
1
W
ri = S K
(32)
7 HBr A eq
7 H2 A eq 7 Br2 A eq WW
SS
1 + k"
1T 44444 2 44444X3
7 Br2 A eq
=1
Dans cette relation, l’exposant s est donc indéterminé.
Prenons, par exemple, s = 1.
On a, alors :
ri =
k d 7 HBr A 2eq
K 7 Br2 A eq
1
1/2
1 + k"
7 HBr A eq
à l’équilibre.
7 Br2 A eq
Admettons que, hors équilibre, la forme de ri reste la même :
ri =
k d 7 HBr A 2
K 7 Br2 A
1
1/2
1 + k"
7 HBr A
(33)
7 Br2 A
La vitesse nette de la réaction (dans le sens direct) s’écrit donc :
V
1/2 R
2
k d 7 H2 A 7 Br2 A S
7 HBr A
W
rnette = rd - ri =
W
S1 7 HBr A S
K 7 Br2 A 7 H2 A W
1 + k"
X
7 Br2 A T
(34)
Le crochet est nul à l’équilibre et donc rnette également.
Notons qu’il y a simplement une « forte probabilité », et non une certitude, pour
que l’expression de rnette soit donnée par la relation (34) ci-dessus. Elle suppose que la
loi de vitesse rd est la même à l’équilibre et hors équilibre... ce qui est indémontrable (7)
(même remarque pour ri bien sûr). Elle nécessite également un choix, arbitraire, pour
l’exposant s. La valeur s = 1 conduit à la forme la plus simple de rnette susceptible de
rendre compte des résultats expérimentaux.
La méthode précédente doit être considérée seulement comme une aide dans la
recherche d’une loi de vitesse complexe [3] lorsque le mécanisme détaillé est
inconnu.
(7)
On rappelle qu’on est obligé de faire la même hypothèse dans la présentation de la Théorie du Complexe
Activé (cf., par exemple, [2]).
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573
Remarques :
1 - Par analogie avec la forme (30) de la loi de vitesse rd, on peut écrire la relation (33)
k i 7 HBr A 2 7 Br2 A
7 HBr A
1 + k"
7 Br2 A
- 1/2
de la façon suivante :
avec :
ou encore :
ri =
k
k i = Kd
k
K= d
ki
Ce qui précède suppose s = 1. Dans le cas général, on aurait :
k
Ks = d
ki
(35)
(36)
(37)
On a l’impression de retrouver une relation simple entre constante d’équilibre
thermodynamique et constantes de vitesse directe et inverse. En réalité, à nouveau,
les expressions (35) à (37) sont très formelles comme on va le voir ci-dessous.
2 - Si la loi de vitesse (35) de la réaction inverse était une « bonne » loi, elle devrait
s’appliquer à la pyrolyse de HBr à l’instant initial et fournir ainsi l’expression de
la vitesse initiale ri, 0 de cette réaction inverse de la synthèse.
Or, si l’on part de HBr seul, donc 7 Br2 A 0 = 0, la limite de l’expression (35) est :
ri, 0 = 0...
La réalité expérimentale est toute autre puisque la vitesse initiale de pyrolyse
de HBr est de la forme : ri, 0 = k’0 7 HBr A 30/2 dont rend parfaitement compte le petit
mécanisme radicalaire en chaîne suivant (les numéros des processus font référence
à ceux du mécanisme de synthèse de HBr présenté plus haut) :
k 1’ H : + Br : (+ M)
HBr(+ M)
k
-2
H2 + Br :
H : + HBr
*
k
3
Br
Br : + HBr
2+ H:
k
-1
Br2 (+ M)
2Br : (+ M)
Ce mécanisme conduit, en effet, à :
ri, 0 = k - 3 e
k 1’ 1/2
3/2
7 HBr A 0
k- 1 o
(38)
Ainsi la forme des lois de vitesse rd et ri permet de représenter l’évolution de la
vitesse nette (34) entre l’instant initial de la réaction de synthèse ( 7 HBr A 0 = 0, 7 H2 A 0
et 7 Br2 A 0 donnés) et l’équilibre (rnette = 0) mais n’est pas capable de rendre compte de la
réaction inverse de pyrolyse de HBr pur.
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574
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L’exemple précédent, bien que simple, montre la difficulté qu’il y a à établir des
lois de vitesse courante empiriques lorsque le mécanisme détaillé est inconnu. On est
loin des ordres courants, pour les réactions directe ou inverse...
3.4. Rappel du principe de l’équilibre détaillé
Lorsqu’une réaction complexe est à l’équilibre thermodynamique global, bien évidemment l’équilibre (dynamique) est atteint pour chaque constituant i : la somme des
vitesses de formation de ce constituant est égale à la somme de ses vitesses de consommation.
Le principe de l’équilibre détaillé est plus contraignant encore : il affirme que
lorsqu’une réaction globale, composée de plusieurs processus élémentaires, est à l’équilibre thermodynamique, chaque processus est lui-même en équilibre avec le processus
inverse. Ceci suppose, évidemment, que l’on ait bien recensé tous les processus élémentaires pouvant intervenir dans la réaction à l’équilibre.
Si l’on revient, à nouveau, au cas du système H 2, Br2, HBr, H : et Br : on peut considérer les différents processus radicalaires impliquant ces espèces (8) : deux amorçages (1)
et (1’), quatre processus de propagation : (2) (-2) (3) et (-3) et une terminaison : (-1). Le
calcul de la vitesse nette de réaction (par exemple dans le sens de la synthèse de HBr)
en supposant la chaîne longue (donc : r2, r- 2, r3, r- 3 >> r1, r1’, r- 1) conduit à l’expression :
R
V1/2 R
V
k 2 7 H2 A + k - 3 7 HBr A W
S k 1 7 Br2 A + k 1’ 7 HBr A W S
rnette = S
k
H
k
HBr
(39)
A
7
A
7
2
2
2
WW SS
k- 1
k 3 7 Br2 A + k - 2 7 HBr A WW
(synthese) S
X
T
X T
On vérifiera facilement :
– qu’en partant de H2 + Br2 seuls, on retrouve la vitesse initiale r0 de synthèse de HBr
donnée par la relation (13) ;
– qu’en partant de HBr seul, on retrouve la vitesse initiale ri, 0 de pyrolyse de HBr donnée par l’équation (38) ;
– qu’à l’équilibre (rnette = 0) on aboutit à :
7 HBr A eq
2
K=
7 H 2 A eq 7 Br2 A eq
= K2 K3
(40)
k
k2
et K3 = 3 , montrant, par là-même, que les processus (2) et (-2) d’une
k- 2
k- 3
part et (3) et (-3) d’autre part, sont à l’équilibre thermodynamique. C’est une illustration du principe de l’équilibre détaillé ;
– qu’en partant de H2 et Br2 seuls, mais à avancement non nul, on retrouve l’expression
avec K2 =
(8)
L'amorçage : H2 (+ M) " 2H : (+ M) trop difficile, est négligé, ainsi que les deux processus de terminai- 1’
HBr (+ M) et 2H : (+ M) " H2 (+ M) car la concentration des atomes libres
son H : + Br : (+ M)
H :, très réactifs, est inférieure à celle des atomes libres Br :.
A propos des ordres réactionnels en cinétique chimique
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PHYSICIENS
575
(34) de la vitesse nette de synthèse de HBr. Il suffit, pour cela, de négliger l’amorçage
(1’) devant l’amorçage (1) dans (39) et d’utiliser la relation (40) ci-dessus ;
– qu’en partant de HBr seul, mais à avancement non nul, on aboutit, en négligeant
l’amorçage (1) devant l’amorçage (1’) à l’expression suivante de la vitesse nette de
pyrolyse de HBr (changement de signe dans la relation (39)).
V
R
k p 7 HBr A 3/2 S
K 7 H2 A 7 Br2 A W
rnette =
1
(41)
W
2
7 Br2 A SS
W
7 HBr A
(pyrolyse)
1
1+
X
k" 7 HBr A T
où K = K2 K3 (sens synthèse)
où k" est la même que dans (34)
où k p = k - 3 e
k 1’ 1/2
comme dans (38).
k- 1 o
La relation (41) a une forme voisine de celle de (34). rnette (pyrolyse) est bien nulle à
l’équilibre thermodynamique. On notera que la réaction de pyrolyse est autoinhibée,
cette fois, par Br2 formé, d’où le terme au dénominateur, inverse de celui figurant dans
(34).
La constante globale k p qui intervient ici n’est pas calculable à partir de k d et de K.
CONCLUSION
Que faut-il retenir de tout ce qui précède et que convient-il de dire - et de ne pas
dire ! - aux élèves ? L’auteur de cet article suggère les points suivants.
♦ Ordres initiaux
– existent toujours pour les réactions simples ;
– existent souvent pour les réactions par stades ;
– existent rarement pour les réactions en chaîne, sauf si le mécanisme est très simple
et la chaîne longue.
♦ Ordres courants
– n’existent que s’ils sont égaux aux ordres initiaux (non intervention des produits de
réaction) ;
– dans le cas contraire la loi de vitesse courante prend une forme plus compliquée
qu’un simple monôme.
♦ Réactions inverses l’une de l’autre (1) et (-1)
– à l’équilibre on a toujours : r1 = r- 1 (indépendamment de toute loi de vitesse) ;
k
– on n’a la relation : K 1 = 1 que pour deux processus élémentaires inverses l’un de
k- 1
l’autre ou deux réactions qui suivent la loi de Van’t Hoff ;
Vol. 95 - Mars 2001
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576
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– dans le cas de deux réactions globales, il n’existe aucune relation entre thermodynamique et cinétique chimique ;
1
– ne pas choisir l’exemple classique : A + B E C avec : r1 = k 1 7 A A 7 B A et
-1
r- 1 = k - 1 7 C A c’est-à-dire en considérant, sans le dire, que (1) et (-1) sont soit des
processus élémentaires, soit des réactions globales suivant la loi de Van’t Hoff. On
k
aboutit, bien sûr, à K1 = 1 , faux dans le cas général ;
k- 1
– enfin ne pas parler de la fameuse proportionnalité entre ordres courants et
nombres stœchiométriques, qui ne correspond à aucune réalité physique et qui
n’est qu’un développement formel inutile, voire dangereux.
BIBLIOGRAPHIE
[1] SCACCHI G. Le problème des équations stœchiométriques dans les réactions homogènes complexes. BUP, juin 1991, vol. 85, n° 735, p. 961-976.
[2] SCACCHI G., BOUCHY M., FOUCAUT J.-F. et ZAHRAA O. Cinétique et Catalyse. Tec et
Doc (Lavoisier), 1996.
[3] BENSON S.W. Thermochemical kinetics. Methods for the estimation of thermochemical data and rate parameters. John Wiley, New York, 1976.
[4] BARONNET F., CÔME G.M. et NICLAUSE M. Inhibition et auto-inhibition de la pyrolyse du néopentane par l’isobutène. J. Chim. Phys., 1974, vol. 71, p. 1214.
[5] SCACCHI G., FOUCAUT J.-F. and NICLAUSE M. Demonstrating self-acceleration or
self-inhibition phenomena in chemical reactions. An experiment in alkane pyrolysis. J. Chem. Education, 1980, vol. 57, p. 748.
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PHYSICIENS
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Annexe
Exemple d’influence d’un produit formé sur la cinétique d’une réaction
Prenons l’exemple de l’autoinhibition de la pyrolyse du néopentane par l’isobutène
i - C4 H8 formé (§ 2.2).
Cet effet a pu être expliqué [4] par le mécanisme radicalaire en chaîne suivant :
k1
neo C5 H12
(CH3 )3 C : + CH3 :
amorçage
k
i
-C4 H8 + H :
x
(CH3 )3 C :
k
y
H2 + neo C5 H11 :
H : + neo C H
transferts
5
propagation (I)I *
Z
]
]]
propagation (II) [
]
]
\
terminaisons
12
H : + i - C4 H8
neo C5 H11 :
CH3 : + neo C5 H12
neo C5 H11 :
k2
k3
k2
H2 + C4 H7 :
i -C4 H8 + CH3 :
CH4 + neo C5 H11 :
i -C4 H8 + CH3 :
CH3 : + i - C4 H8
k 4b
CH4 + C4 H7 :
C4 H7 : + neoC5 H12
2 CH3 :
CH3 : + C4 H7 :
2 C4 H7 :
kz
k5
k 4n
k4
k6
k7
i - C4 H8 + neoC5 H11 :
C2 H6
C5 H10
C8 H14
Les nouveaux processus dus à la présence de i -C4 H8 sont en gras.
Le produit primaire principal i -C4 H8 subit les attaques des radicaux présents : H : (processus z), CH3 : (processus 4b) et neo C5 H11 : (processus 4n), à l’exception de (CH3 )3 C : qui
se décompose plus facilement, par (x).
Ceci conduit à un transfert supplémentaire (z) et, surtout, à une nouvelle chaîne (II)
de décomposition de neo C5 H12 qui fait intervenir le nouveau radical C4 H7 : (réagissant
par (5)) et qui partage le processus (2) avec la chaîne (I).
On notera que l’équation stœchiométrique correspondant à la chaîne (II), obtenue
en faisant la somme : (2) + (4b) + (5) + (4n), est :
neo C5 H12 = i - C4 H8 + CH4
c’est-à-dire identique à l’équation stœchiométrique primaire principale due à la chaîne (I)
(cf. § 1.3). Au niveau de la propagation (II) l’isobutène n’est pas consommé et joue donc
le rôle de catalyseur homogène.
Vol. 95 - Mars 2001
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578
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DES
Le nouveau radical C4 H7 : a la structure suivante :
PHYSICIENS
.
Il est donc stabilisé par résonance et par là-même relativement peu réactif. Sa concentration (relative) est donc importante dans le milieu et conduit à l’apparition de nouvelles
terminaisons : (6) et (7) avec CH3 : ou avec lui-même.
L’amorçage étant resté le même qu’en l’absence de i - C4 H8, l’intervention de deux
nouveaux processus de terminaison va faire chuter la concentration des radicaux CH3 :
dans le milieu et va tendre à inhiber la décomposition du néopentane.
Le calcul de la vitesse en présence de i - C4 H8 est assez complexe. Il conduit,
moyennant certaines hypothèses que nous n’expliciterons pas ici, à l’expression suivante :
R
V
k 4b 7 i - C4 H8 A 0 W
S
S1 + k 3 neo C H
W
7
5 12 A 0 W
k 1 1/2
3/2 S
0
= k 3 e o 7 neo C5 H12 A 0 T
X (42)
; rneo C H E
k4
5 12 i - C H
k 6 k 4b 7 i - C4 H8 A 0
4 8
1 444444 2 444444 3 1 +
k 4 k 5 7 neo C5 H12 A
r0neo C H
0
5 12
En réalité l’expression ci-dessus concerne la vitesse initiale de pyrolyse de neo C5 H12 en
présence de i - C4 H8 ajouté au départ (d’où les concentrations initiales des deux hydrocarbures figurant dans (42)). Elle rend donc compte de l’effet inhibiteur de i - C4 H8
ajouté.
Par rapport à la vitesse initiale de pyrolyse du néopentane pur r0neo C5 H12, on voit
qu’il existe un terme accélérateur dû à la nouvelle chaîne (II) :
R
V
k 4b 7 i - C4 H8 A 0 W
S
S terme en k 3 neo C H
W
7
S
5 12 A 0 W
T
X
et un terme inhibiteur au dénominateur, dû aux terminaisons nouvelles, et représenté par
k 6 (9)
... .
k4
Dans le cas du mélange neo C5 H12 + i - C4 H8 le dénominateur l’emporte et l’effet
de i - C4 H8 ajouté est inhibiteur :
< r0neo C H
; r0neo C H E
5 12 i - C H
5 12
4 8
Lorsque i - C4 H8 est formé au cours du temps, le mécanisme précédent est toujours valable mais, dans l’expression de la vitesse courante, ce sont les concentrations
courantes des deux hydrocarbures qui figurent et on aboutit à la formule (16) donnée précédemment.
La courbe expérimentale : ln r = f ( ln c) présente donc une courbure très marquée
(9)
La forme du terme au dénominateur vient du fait que l’on a supposé l’égalité : k 6 , 2 ` k 4 k 7 j .
A propos des ordres réactionnels en cinétique chimique
1/2
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L’UNION
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indiquant clairement l’absence d’ordre [5]. Toutefois, dans un domaine d’avancement
très restreint, on peut assimiler, assez grossièrement, la courbe et une droite
moyenne de pente « n ». Bien entendu « n » n’est approximativement valable que dans
ce petit domaine d’avancement et est variable tout au long de la courbe. Les valeurs
de « n » ainsi obtenues sont surprenantes et s’éloignent généralement fortement des
« classiques » valeurs : 1/2, 1, 3/2, 2... Par exemple dans le cas du néopentane, à très
faible avancement (entre 0 et 0,5 %) la loi de vitesse courante est, approximativement de
la forme : r , k 7 neo C5 H12 A
60
! Autour de 10 % d’avancement l’« ordre n » n’est plus
que d’environ 5 : r , k 7 neo C5 H12 A mais reste nettement supérieur à l’ordre initial
n 0 = 3/2 vu précédemment. Cette inégalité : « n » (variable) > n 0 est une autre façon de
mettre en évidence un phénomène d’autoinhibition (cf. figure 1).
5
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