L`AUDIT EST UN ART QUI EST « TOUT D`ExéCUTION »
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L`AUDIT EST UN ART QUI EST « TOUT D`ExéCUTION »
> Février 2008 L’AUDIT EST UN ART QUI EST « TOUT D’EXÉCUTION » Questions à M. Michel Cretin, Membre de la Cour (FRANCE) Par Rosmarie Carotti M. Michel Cretin, Membre de la Cour R. C.: Vous avez été proposé par votre gouvernement et votre nomination a été confirmée par la Parlement européen après une audition. Pouvez-vous nous décrire ces moments décisifs : les raisons qui ont amené à vous proposer, votre motivation personnelle à occuper ce poste et l’échange de vues avec les Membres de la commission du contrôle budgétaire ? M. Michel Cretin: Parmi les raisons qui ont amené le Premier président de la Cour et le gouvernement français à me proposer pour exercer les fonctions de membre de la Cour des comptes européenne, figure certainement le fait que j’ai exercé une grande partie de mon activité professionnelle comme commissaire aux comptes d’organisations internationales : l’ONU à New-York, d’abord, de 1986 à 1989, l’organisation des nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le programme alimentaire mondial (PAM), ensuite, à Rome de 1994 à 1998, puis l’OTAN, à Bruxelles, de 1998 à 2002. Par ailleurs, j’ai présidé de 2003 à 2005 l’organisme national de certification des dépenses effectuées en France par ce qui était alors le FEOGA, section Garantie. Ceci a constitué une excellente introduction à la connaissance du fonctionnement du budget de l’Union et des procédures de contrôle de l’exécution des dépenses communautaires. Sur le plan personnel, la proposition de devenir membre de la Cour des comptes européenne était extrêmement séduisante pour deux raisons : tout d’abord elle offrait une opportunité de participer de l’intérieur à l’affermissement et au développement de l’Union et de donner ainsi une traduction concrète à mes convictions profondes ; ensuite, elle me permettait de donner un prolongement et même un accomplissement à une carrière de près de quarante années au sein de la Cour des comptes française. S’agissant de l’échange de vues avec la commission du contrôle budgétaire du Parlement Européen, je voudrais d’abord dire que je trouve l’intervention du Parlement, représentant des citoyens européens, dans la nomination des responsables des grandes institutions de l’Union parfaitement justifiée car c’est à lui (et à eux) qu’en définitive nous devons rendre compte de notre action. Pour ce qui me concerne, j’ai trouvé cette audition éclairante par ce qu’elle me disait des préoccupations des parlementaires et riche par le nombre et la variété des questions. Je me suis évidemment efforcé d’y répondre de manière aussi directe que possible, même quand elles portaient sur des questions délicates comme celle de l’introduction de «déclarations nationales» dans la procédure de vérification des comptes. 9 L’AUDIT EST UN ART QUI EST « TOUT D’EXÉCUTION » Questions à M. Michel Cretin, Membre de la Cour (FRANCE) Par Rosmarie Carotti R. C.: Le nouveau Traité vient d’être adopté. Pensezvous qu’il impliquera un rééquilibrage des compétences entre la Cour européenne , la Commission et les institutions de contrôle nationales ? M. Michel Cretin: Je ne suis pas un parfait connaisseur du traité, d’autant que dans sa forme actuelle il est assez difficile à lire, mais il ne me semble pas qu’il implique de grands changements dans les compétences respectives de la Cour, de la Commission et des institutions de contrôle nationales. Je constate tout d’abord avec satisfaction que, contrairement à ce qui était le cas dans le projet de Constitution, la Cour figure bien parmi les institutions de l’Union européenne. Elle demeure seule compétente pour donner son opinion sur la bonne gestion financière ainsi que sur la fidélité des comptes et la légalité des opérations sous-jacentes qui constitue un élément clé de la procédure de décharge. Elle continue également à pratiquer avec les institutions de contrôle nationales « une coopération empreinte de confiance et respectueuse de leur indépendance ». De même, en ce qui concerne la Commission, j’ai bien noté que si le nouveau traité indiquait qu’elle exécutait le budget en coopération avec les Etats membres, il rappelait aussitôt qu’elle le faisait « sous sa seule responsabilité », et ceci est valable y compris dans les domaines dits de « gestion partagée ». La pratique jouera évidemment un grand rôle pour préciser la portée exacte de ces dispositions. Mais celles-ci ne me semblent pas comporter de bouleversements dans les compétences des institutions et il me paraît important de ne pas introduire de confusion dans l’exercice des responsabilités. R. C.: Quels sont vos intérêts professionnels et culturels ? Êtes-vous auteur de publications ? M. Michel Cretin: Mes intérêts professionnels sont très largement marqués par mon appartenance à la Cour des comptes française, c’est-à-dire qu’ils se sont surtout portés sur les finances publiques (nationales et internationales) et l’examen de l’efficacité des politiques publiques, mais aussi, comme je l’ai dit plus haut, sur les problèmes de la construction européenne. Ce sont ces questions qui ont requis mon attention pendant presque toute ma vie professionnelle. En ce qui concerne mes activités culturelles, elles sont essentiellement consacrées à la lecture et au cinéma. J’ai pu pendant quelques années réunir mon intérêt pour le cinéma et mon travail puisque j’ai été directeur adjoint du 10 < centre national de la cinématographie qui joue un si grand rôle dans la vitalité du cinéma français. C’est vous dire que j’ai tout de suite remarqué la présence de la cinémathèque de la ville de Luxembourg et que j’ai commencé à la fréquenter pour mon plus grand plaisir. Je m’intéresse aussi au théatre et à la musique (bien que je ne sois dans ce dernier domaine qu’un amateur de médiocre compétence) et je compte bien profiter des facilités qu’offre Luxembourg à cet égard ! R. C.: Avez-vous déjà travaillé dans le passé dans un milieu multicuturel ? Comment pensez-vous que cela affectera votre tavail ? M. Michel Cretin: Oui, comme je l’ai déjà indiqué, j’ai travaillé pendant une quinzaine d’années dans un environnement multiculturel et, de ce point de vue, je pourrais dire que la Cour des comptes européenne m’est familière. Cela affecte moins, me semble-t- il, le travail que le style de travail. Il est important d’être attentif aux sensibilités des uns et des autres, mais aussi aux expériences et aux intérêts professionnels et « historiques » que chacun apporte avec lui à la Cour et qu’il ne peut oublier du seul fait que nous travaillons dans une institution internationale. Mais un cadre de travail multiculturel peut aussi pousser à une neutralisation des opinions au profit d’une espèce de « bienséance » internationale sans relief qui me semble devoir être évitée. Entre ces deux écueils, il y a un juste équilibre à trouver qui conduit à un véritable enrichissement des discussions et des travaux. R. C.: Pour conclure, quels sont vos souhaits pour notre Cour des comptes ? M. Michel Cretin: Ils sont très simples et ils rejoignent probablement ceux de mes collègues. Je souhaite que la Cour gagne en efficacité, c’est-à-dire qu’elle produise de plus en plus de rapports contenant des observations précises et incontestables qui débouchent sur des recommandations susceptibles d’être prises en compte par le Parlement, le Conseil et la Commission. C’est évidemment un souhait plus facile à exprimer qu’à réaliser, mais c’est à quoi nous devons travailler. Comme le disait Napoléon de la guerre, l’audit est un art qui est « tout d’exécution ».