Mémoire - Maison des Réseaux de Santé de Savoie

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Mémoire - Maison des Réseaux de Santé de Savoie
DIU : CONSTRUCTION ET COORDINATION DES PARCOURS
DE SANTÉ
De la pluridisciplinarité à l’interdisciplinarité : le Référent de Proximité dans son
approche des situations complexes est-il un vecteur de décloisonnement
professionnel ?
Président du jury :
Membres du jury :
Pr P. ZAOUI
Pr M. LAVILLE, Madame S. FAVE, Monsieur M. DEBELLIS
Pr P. ZAOUI, Dr G. MICK, Madame V. VALLES-VIDAL
Tuteur pédagogique : Mme Sophie FAVE
Tuteur de stage :
Mme Delphine BANTEGNIE
Mémoire présenté par :
Nathalie RAVOUX - VUILLARD
N° étudiant : 21502416
Année : 2015-2016
J’adresse mes remerciements :
A Madame Delphine BANTEGNIE, mon tuteur de stage au sein de la MRSS, aux Référentes de
Proximité et tous les autres salariés de la MRSS pour leur accueil sympathique et le temps qu’ils
m’ont accordé.
A Madame Sophie FAVE, mon tuteur pédagogique, pour ses conseils et sa patience.
A mes collègues de promotion pour leur bienveillance et leur sympathie.
Aux miens pour leur soutien indéfectible.
2
RESUME :
Les professionnels de santé sont parfois mis en difficulté dans la prise en charge de patients en
situation complexe nécessitant l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire, dont les professionnels
sont issus des champs sanitaire, médico-social et social.
Ils peuvent faire appel à un professionnel de la coordination d’appui qu’est le Référent de Proximité
dont l’activité sectorisée permet l’émergence d’une réponse concertée avec le patient et coordonnée
entre l’ensemble des professionnels intervenant auprès du patient.
Par son action en subsidiarité des professionnels de soins, le Référent de Proximité participe à la
mise en place d’une bonne pratique pluriprofessionnelle engagée, condition nécessaire à
l’émergence d’une pratique ambulatoire interdisciplinaire.
Mots clés : parcours de santé, situation complexe, pluridisciplinarité, interdisciplinarité, référent de
proximité, décloisonnement professionnel.
3
SOMMAIRE
I INTRODUCTION ...........................................................................................................................5
II NOTIONS ET CONCEPTS ...........................................................................................................6
1 La notion de complexité : ..............................................................................................................6
1.1 Le patient en situation complexe dans les textes ...................................................................6
1.2 La notion de complexité dans les sciences ............................................................................7
2 De la discipline à la pluridisciplinarité .........................................................................................7
2.1 Discipline ...............................................................................................................................7
2.2 L’identité professionnelle ......................................................................................................8
2.3 Equipe et pluridisciplinarité ...................................................................................................9
3 De la pluridisciplinarité à l’interdisciplinarité ..............................................................................9
3.1 Coordination et pluridisciplinarité .........................................................................................9
3.2 Intégration et interdisciplinarité ...........................................................................................10
III LE REFERENT DE PROXIMITE AU SEIN DU DISPOSITIF D’APPUI A LA
COORDINATION DE SANTE .........................................................................................................11
1 Présentation de la MRSS et de ses missions................................................................................11
1.1 Historique et organisation de la MRSS .................................................................................11
1.2 Objectifs et missions du DAC de la MRSS ..........................................................................12
1.3 Le Référent de Proximité .....................................................................................................13
2 Problématique et hypothèses autour du RP ................................................................................14
2.1 Problématique .......................................................................................................................14
2.2 Hypothèses ............................................................................................................................14
IV ENQUETE : RESULTATS ET ANALYSE ................................................................................17
1 Objectif et méthodologie ............................................................................................................17
1.1 Les objectifs .........................................................................................................................17
1.2 La méthodologie ..................................................................................................................17
2 Les résultats ................................................................................................................................18
2.1 Le questionnaire semi-ouvert ...............................................................................................18
2.2 Le questionnaire d’auto-évaluation.......................................................................................19
3 Analyse .......................................................................................................................................19
3.1 Hypothèse 1 ..........................................................................................................................20
3.2 Hypothèse 2 ..........................................................................................................................20
3.3 Hypothèse 3 ..........................................................................................................................21
V CONCLUSION ..............................................................................................................................21
4
I INTRODUCTION
La Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) publiait en octobre 2012 un guide méthodologique
s’intitulant « Améliorer la coordination des soins : comment faire évoluer les réseaux de santé ?»1. Il
s’est traduit en 2015 en un appel d’offre émis par l’Agence Régionale de Santé Rhône Alpes (ARS)2
auquel devait répondre tous les réseaux de santé. Le Groupement de Coopération Sanitaire de la
Maison des Réseaux de Santé de l’Isère (GCS MRSI) a répondu à cet appel d’offre en reprenant les
préconisations de la DGOS. Il a mis en avant sa mission principale : l’appui aux Professionnels de
Santé de Premier Recours (PSPR) et en particulier l’appui à la coordination des parcours des patients
en situation complexe.
Autour de cette mission principale de coordination, doivent s’articuler des missions connexes dont
celles d’Education Thérapeutique du Patient (ETP) et de Formation Professionnelle (FP).
Si aujourd’hui la mission d’appui aux PSPR, à travers la coordination de parcours de santé complexes,
est structurée grâce à des Plateformes Territoriales de Coordination (PTC) couvrant une grande partie
du département de l’Isère et si cette mission est identifiée par de plus en plus d’acteurs des secteurs
médical, médico-social et social, les missions connexes doivent se développer et s’organiser en
s’articulant autour des PTC.
Mon travail d’assistante de coordination au sein du réseau Granted membre du GCS MRSI et porteur
de quatre programmes d’ETP, m’implique dans cette réflexion. J’ai initié et inscrit le GCS MRSI en
tant qu’Organisme Formateur (OF) et Organisme Gestionnaire De Formation Continue (OGDPC)
afin de rendre plus visible et attractive la formation à l’ETP, formation pluridisciplinaire proposée
aux personnels acteurs dans les parcours de santé.
Pour approfondir cette réflexion, j’ai besoin de mieux comprendre comment s’organise cette mission
d’appui aux PSPR. J’ai donc choisi d’étudier le « cœur de mission » des Plateformes de Coordination
Territoriale à travers le travail des Référents de Proximité (RP) sur les situations complexes, en
examinant leur démarche professionnelle sous l’angle de la pluri et interdisciplinarité.
1
2
http://social-sante.gouv.fr février 2016
http://www.rhonealpes.paps.sante.fr mars 2016
5
Je vais dans un premier temps m’attacher à développer la notion de complexité et les réponses
possibles à celle-ci que sont la pluri ou l’interdisciplinarité pour ensuite réinscrire ces deux notions
dans les pratiques professionnelles des RP intervenant sur les situations complexes.
Cette réflexion s’appuiera sur mon approche pratique du travail du RP grâce à mon stage réalisé au
sein de la Maison des Réseaux de Savoie (MRSS) qui a développé un Dispositif d’Appui de
Coordination (DAC). Cette réflexion s’appuiera aussi sur la diffusion et le traitement d’un
questionnaire administré auprès de RP dans l’objectif de mesurer leur intégration au sein d’équipes
de soins ambulatoires.
II NOTIONS ET CONCEPTS
1 La notion de complexité
1.1 Le patient en situation complexe dans les textes
Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), « une situation complexe peut être définie comme une
situation dans laquelle la présence simultanée d’une multitude de facteurs, médicaux, psychosociaux,
culturels, environnementaux et/ou économiques sont susceptibles de perturber ou de remettre en
cause la prise en charge d’un patient, voire d’aggraver son état de santé » [1]
D’autre part, la DGOS définit les situations complexes comme des « situations appelant une diversité
d’intervenants et auxquelles le médecin traitant ne peut répondre avec ses propres moyens. Il s’agit
essentiellement de patients atteints d’affections chroniques sévères, avec comorbidités, et problèmes
sociaux ou problèmes de dépendance surajoutés. » [2]
Enfin, récemment la loi de modernisation de notre système de santé du 26/01/2016 dans son article
74 article L. 6327-2 inscrit : « Le parcours de santé est dit complexe lorsque l'état de santé, le handicap
ou la situation sociale du patient rend nécessaire l'intervention de plusieurs catégories de
professionnels de santé, sociaux ou médicosociaux. ». Elle inscrit aussi la notion de coordination :
« Les équipes de soins primaires et les acteurs des communautés professionnelles territoriales de santé
peuvent bénéficier des fonctions des plates-formes territoriales d'appui à la coordination des parcours
de santé complexes prévues à l'article L. 6327-2. »3[3]
La loi définit ainsi la notion de parcours de santé, la notion de complexité et la notion d’intervention
pluri professionnelle des trois secteurs de santé. Elle induit que la réponse à la complexité des
parcours de santé doit être coordonnée et pluridisciplinaire.
Ce postulat peut être étayé par les travaux de philosophes ou sociologues sur la notion de complexité.
3
https://www.legifrance.gouv.fr avril 2016
6
1.2 La notion de complexité dans les sciences
La complexité est une notion utilisée dans différents domaines scientifiques (philosophie, sociologie,
physique, biologie, informatique, écologie, etc...) car elle est un défi que chacun d’entre nous, du
« penseur » des sciences au professionnel de santé dans son exercice quotidien, doit affronter.
En travaillant sur des situations complexes dans les parcours de santé, il s’agit de faire face au défi
de la globalité d’un patient inscrit lui-même dans une globalité sociétale plus vaste encore.
Edgar Morin4 avec une approche étymologique du terme « complexus » (qui signifie ce qui est tissé
ensemble dans un enchevêtrement d’entrelacements) donne cette définition : « la complexité est un
tissu de constituants hétérogènes inséparablement associés : elle pose le paradoxe de l'un et du
multiple » (Introduction à la pensée complexe, p. 21), [4]
Il prend l’exemple de la tapisserie contemporaine qui est une, elle a une qualité particulière, mais les
fils qui la composent sont multiples et ont des qualités qui leur sont propres. Selon E.Morin, saisir la
complexité d'un phénomène se fait en trois étapes paradoxales : la tapisserie est plus que la somme
des fils qui la constituent (elle a de nouvelles propriétés), mais la tapisserie est aussi moins que la
somme des fils qui la constituent (du mélange des fils, elle perd certaines de leur qualité), donc la
tapisserie est à la fois plus et moins que la somme des fils qui la constituent (l'étape ultime de la
complexité consiste à prendre conscience qu'il existe une contradiction interne à la tapisserie).
Cette notion de globalité construite sur la contradiction s’applique à nos patients qui sont des êtres
bio-psycho-sociaux. Comme l’écrit E. Morin « la notion d'homme se trouve morcelée entre
différentes disciplines biologiques et toutes les disciplines des sciences humaines : le psychisme est
étudié d'un côté, le cerveau d'un autre côté, l'organisme d'un troisième, les gènes, la culture etc. : il
s'agit effectivement d'aspects multiples d'une réalité complexe, mais qui ne prennent sens que s'ils
sont reliés à cette réalité au lieu de l'ignorer. On ne peut certes créer une science unitaire de l'homme,
qui elle-même dissoudrait la multiplicité complexe de ce qui est humain ». [5]
Ainsi les disciplines selon E. Morin restent justifiées si elles n'occultent pas les réalités globales.
2 De la discipline à la pluridisciplinarité
2.1 Discipline
En tant que spécialité, une discipline désigne une branche du savoir développée par
une communauté de spécialistes adhérant aux mêmes pratiques de recherche. 5
Cette discipline impose donc des règles auxquelles les disciples ne peuvent déroger.
4
5
Sociologue et philosophe français
https://fr.wikipedia.org - février 2016
7
Selon E. Morin, « la discipline est une catégorie organisationnelle au sein de la connaissance
scientifique ; elle y institue la division et la spécialisation du travail et elle répond à la diversité des
domaines que recouvrent les sciences. Bien qu'englobée dans un ensemble scientifique plus vaste,
une discipline tend naturellement à l'autonomie, par la délimitation de ses frontières, le langage
qu'elle se constitue, les techniques qu'elle est amenée à élaborer ou à utiliser, et éventuellement par
les théories qui lui sont propres ». Cette autonomisation permet comme l’écrit Maurice Payette6 « le
développement d’une culture commune à travers un processus de socialisation qui s’appuie sur un
ensemble d’éléments communs… Les personnes qui appartiennent à un groupe disciplinaire se
reconnaissent et désirent faire reconnaître leur identité spécifique. Cette culture particulière à chaque
discipline se manifeste dans l’univers professionnel à travers des façons de penser, de parler et d’agir
qui caractérisent une profession » [6], cette culture est le fondement de la construction de l’identité
professionnelle.
2.2 L’identité professionnelle
L’identité spécifique du groupe disciplinaire, et par extension l’équipe monodisciplinaire évoquée
par M. Payette, peut-être mise en regard de la définition que donne Renaud Sainsaulieu7, de l’identité
professionnelle : « façon dont les différents groupes au travail s’identifient aux pairs, aux chefs, aux
autres groupes, l’identité au travail est fondée sur des représentations collectives distinctes ».
Ces conditions d’identification facilitent l’émergence sur une équipe d’un leadership.
Enfin Claude Dubar8 souligne que « la construction identitaire dépend de la reconnaissance que
l’individu reçoit de ses savoirs, de ses compétences et de son image » (article d’Anne Marie Fray)
[7], cette reconnaissance est facilitée dans une équipe monodisciplinaire par le partage des mêmes
savoirs et compétences issus d’une formation et d’un construit professionnel en commun.
Si dans l’équipe monodisciplinaire la reconnaissance de l’autre à travers son identité professionnelle
et plus particulièrement de ses compétences est facilitée par l’identité spécifique du groupe
disciplinaire et permet l’émergence d’un leadership, qu’en est-il de cette reconnaissance dans l’équipe
pluridisciplinaire ?
C’est ici que se pose la notion de cloisonnement professionnelle et la difficulté de travail en équipe
pluridisciplinaire.
6
Professeur au Département de Psychologie de l’Université de Sherbrooke
Sociologue français (1935-2002)
8
Sociologue français (1945-2014)
7
8
2.3 Equipe et pluridisciplinarité
Selon l’HAS : « Une équipe est un groupe de professionnels qui s’engagent à travailler ensemble
autour d’un projet commun centré sur le patient. L’équipe se compose de professionnels avec des
compétences complémentaires dont le patient a besoin. » Toujours selon l’HAS : « le contour de
l’équipe varie selon différents critères, dont la complexité de la prise en charge et les objectifs à
atteindre ; l’équipe se constitue sur la base d’un projet partagé et d’un objectif clair ». 9
Les notions d’engagement, du travailler ensemble, de projet commun sont le préalable à la
constitution d’une équipe pluridisciplinaire. Elles doivent permettre de surmonter les cloisonnements
inhérents aux cultures professionnelles pour aller vers une conscience du groupe et donc une nouvelle
culture d’appartenance qui dépasse celle propre à chaque professionnel.
Paul-Henry Chombart de Lauwe10 appuie cette approche en définissant l’équipe comme « un
ensemble de personnes liées par des interrelations, ayant une certaine conscience d’appartenance et
une certaine forme de culture commune. Il n’y a pas seulement une adhésion, il y a des volontés et
une acceptation d’adhésion. »
Cette définition introduit la notion d’inter-relation, est-ce suffisant pour permettre de glisser vers
l’interdisciplinarité ? C’est ici que nous sommes confrontés à la difficulté de définition de la
pluridisciplinarité et de l’interdisciplinarité.
3 De la pluridisciplinarité à l’interdisciplinarité
Les termes d'interdisciplinarité, de multi ou pluridisciplinarité ne sont pas clairement définis parce
que reposant sur des concepts flous et parfois peu exigeants : il existe une confusion sémantique.
Les définitions de la pluridisciplinarité et de l’interdisciplinarité sont ainsi souvent à géométrie
variable en fonction des concepts qui leur servent de référence. Ainsi peut-on travailler sur les
concepts de coopération, ou de concertation, mais ceux qui me semblent plus pertinents sont ceux de
coordination et d’intégration.
3.1 Coordination et pluridisciplinarité
Le concept de coordination : du latin « cum », avec, et « ordinare », mettre en ordre, ranger, disposer,
ordonner, arranger, organiser11. La coordination est l'action de coordonner, d'ordonner, d'agencer les
parties d'un ensemble en vue d'un objectif particulier.
La coordination au sein d'un groupe cherche à diriger les initiatives ou les actions de ses membres
vers la réalisation d'un but commun avec la meilleure efficacité. Elle est assurée par un
9
http://www.has-sante.fr - avril 2016
Sociologue (1913-1998)
11
http://www.toupie.org - avril 2016
10
9
coordonnateur (ou coordinateur) dont le rôle est de favoriser au maximum les interactions entre les
membres du groupe.
Selon ce concept, le travail pluridisciplinaire, réunira plusieurs disciplines sans qu’il soit tenté
d’intégrer ou de synthétiser collectivement l’information. Chacun agit sur un ou plusieurs aspects de
la problématique. Il en résulte donc une simple juxtaposition des données produites dans chaque
discipline. Ces données peuvent être rassemblées par un responsable chargé de coordonner les actions
de chaque professionnel concerné. Cette méthode garantit l’identité professionnelle car elle
cloisonne, protège chacune d’elles.
Le professionnel prend seul les différentes décisions concernant son domaine d’intervention et en
assume l’entière responsabilité tout en se préoccupant de respecter les orientations et les priorités
établies par l’équipe dont il fait partie. Il garde la pleine et entière responsabilité de ses actes.
3.2 Intégration et interdisciplinarité
Selon M. Payet « une intervention est intégrée lorsque toutes les composantes se co-pénètrent pour
former un tout cohérent qui transcende ses composantes. Cela passe par l’élaboration d’un cadre de
référence qui transcende le cadre de référence de chaque intervenant. L’élaboration d’un cadre de
référence commun trouve sa raison d’être dans le caractère complexe des situations à gérer et la
diversité des évaluations requises pour planifier les interventions ».
Selon ce concept, les interactions entre les différents champs disciplinaires permettent l’élaboration
d’un cadre de référence spécifique qui ne peut appartenir en propre à aucune discipline. Ceci implique
qu’il n’y ait pas de suprématie disciplinaire où une profession impose ses concepts et méthodes, qu’il
y ait de la part des intervenants une volonté de sortir de son domaine pour que sa contribution s’agrège
dans un produit commun. Il ne s’agit pas pour autant de renoncer à son identité professionnelle ou
disciplinaire. Cette co-construction nécessite aussi d’accepter d’avoir besoin des autres.
On peut alors adopter la définition suivante : « l’interdisciplinarité est une modalité de l’organisation
du travail qui vise l’interaction entre différentes disciplines. Cette interaction a pour but de produire
l’intégration des connaissances, des expertises et des contributions propres à chaque discipline dans
un processus de résolution de problèmes complexes. »
C’est ici que réside le seul et unique objectif de l’interdisciplinarité.
L’historique des rapports entre les disciplines, montre que l’interdisciplinarité est apparue au moment
où les disciplines se sont de plus en plus diversifiées et spécifiées en même temps que les questions
à aborder ou les problèmes à résoudre présentaient un degré de complexité constamment plus élevé.
Je viens de poser dans cette première partie les principaux concepts et notions qui sont induits par
l’énoncé de ma problématique. Je vais présenter maintenant le Référent de Proximité (tel que je l’ai
10
découvert au cours de mon stage au sein de la MRSS) et plus particulièrement au sein du Dispositif
d’Appui à la Coordination.
III LE REFERENT DE PROXIMITE AU SEIN DU DISPOSITIF D’APPUI A LA
COORDINATION DE SANTE
1 Présentation de la MRSS et de ses missions
1.1 Historique et organisation de la MRSS
La MRSS est une association loi 1901 créée en 2005 dont l’objectif à l’époque était la mutualisation
d’une partie des moyens transverses des réseaux de santé savoyards, chaque réseau de santé gardant,
l’orientation et le pilotage de son activité.
La MRSS portait deux réseaux : SAVEDIAB (Savoie Education Diabète) et ResAdH (Addictions
VIH Hépatites) lui-même issu en 2008 de la fusion des réseaux Alcoologie Savoie et REVIH-STS.
En 2013, la MRSS engage une chargée de projet pour travailler sur la réorientation de la MRSS vers
une structure d’appui à la coordination.
Elle débute cette activité d’appui à la coordination en janvier 2014 à l’issue d’une réorganisation
interne qui se concrétise en septembre 2014 par le déploiement de cette activité sur l’ensemble du
département avec l’embauche ou la reconversion d’anciens personnels en Référentes de Proximité.
Le Conseil d’Administration de la MRSS est composé de professionnels de soins libéraux, de
professionnels de soins hospitaliers et de représentants d’associations du secteur médico-social.
La Direction Générale est assurée par Monsieur Grégory Gosselin, Directeur et Madame Delphine
Bantegnie, Directrice Adjointe (pour 1,8 équivalent temps plein). Le service administratif est
composé de trois assistantes (pour 2,2 etp), d’une coordinatrice Activité Physique Adaptée (APA) et
une éducatrice APA (pour 0,8 etp), d’une diététicienne (pour 0,5 etp), d’un médecin Psychiatre (pour
0,2 etp) et d’une équipe de sept Référentes de Proximités (pour 5,6 etp), intervenant sur des secteurs
géographiques identifiés.
Les activités de la MRSS se développent autour de trois axes :
- l’Education thérapeutiques des Patients (ETP) à travers le déploiement d’un programme déposé
auprès de l’ARS pour les patients diabétique de type 2 et l’offre de sessions de formation de Niveau
1 en ETP aux professionnels de santé. Les administrateurs ont programmé la cessation du programme
ETP sous sa forme actuelle dès 2017 et étudient de nouvelles modalités d’intervention auprès des
PSPR.
11
- l’Activité Physique Adaptée avec un travail de recherche de partenariat avec les structures ou
mouvements sportifs pouvant apporter aux patients une plus grande variété d’offres adaptées. Une
offre opérationnelle d’activités est aussi proposée aux patients.
- Le Dispositif d’Appui à la Coordination en Santé au sein duquel travaillent les Référentes de
Proximités (RP).
1.2 Objectifs et missions du DAC de la MRSS
Le DAC a pour finalité l’aide à la co-construction, la fluidification et la coordination des parcours de
santé plus particulièrement pour les patients en situation complexe afin de faciliter leur maintien ou
leur retour à domicile ou afin d’inscrire le patient ou de le réinscrire dans un parcours de soin (HAS,
fiche sur les fonction d’appui, 2014). Si l’action du DAC s’adresse en première intention aux PSPR,
le dialogue et le partenariat avec les centres hospitaliers et autres institutions médico-sociales est
indispensable pour prévenir ces ruptures de parcours.
La saisine du DAC se fait par le médecin traitant ou tout autre professionnel mais dans ce cas le RP
recherchera systématiquement la participation du médecin traitant. Il peut aussi avoir pour objet la
remise du patient dans un parcours de soins à travers la recherche d’un médecin traitant qui selon
l’HAS est le référent naturel du parcours de soin.
Il n’existe pas de prérequis d’âge ou de thématique, si ce n’est que la personne au centre du dispositif
doit présenter un problème de santé (quel que soit la pathologie ou le handicap) et que son
consentement à l’intervention et au partage d’informations puisse être recueilli (ou celui de ses
proches en cas d’impossibilité pour le patient de le donner).
L’action du DAC s’articule autour de trois grandes missions :
- mission de « Pole Ressource » : conseiller et orienter les professionnels exposant une difficulté ou
un questionnement sur une situation de patient.
- mission d’ « Animation Territoriale » : à travers toute action qui favorise le travail coopératif avec
les acteurs du territoire (non centré sur un parcours particulier de patient).
- mission d’ « Appui aux Professionnels » pour la coordination des situations complexes. Cette
mission est toujours en lien étroit avec le médecin traitant et en complémentarité des établissements
et services de santé, médico-sociaux et sociaux.
Cette mission d’appui est déclinable en trois niveaux d’intervention qui vont selon une logique
croissante d’intégration des actions des professionnels intervenant dans le parcours de santé :
- Le 1er niveau : le conseil et l’orientation, déjà évoqué dans la mission de Pole Ressource. La
demande faite par le professionnel extérieur se fait sur un parcours anonymisé lors d’un appel
12
téléphonique par exemple. La réponse peut être apportée par n’importe quel membre de l’équipe s’il
s’agit d’une demande d’information générale (par exemple la disponibilité d’une ressource sur un
territoire ou un avis tierce d’une des personnes ressource du DAC). La demande est tracée mais ne
donne pas lieu à l’ouverture d’un dossier patient.
- Le 2ème niveau : un dossier patient est ouvert et le RP intervient soit au domicile du patient soit sur
son lieu d’hospitalisation, le plus souvent lors d’une évaluation multicritères de sa situation. Ce
niveau d’intervention ne donne pas lieu à de Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) ou de
Plan Personnalisé de Santé (PPS).
- Le 3ème niveau : il complète le niveau précédent par l’organisation par le RP d’une RCP ou la mise
en place d’un PPS.
La DAC est saisi pour :
- 38 % par le secteur libéral dont 75 % par les médecins généralistes et 16 % par les IDE,
- 25 % par les hospitaliers dont 57 % par les Assistantes Sociale (AS) et 30 % par les médecins
spécialistes.
- 21 % par le secteur institutionnel dont 55 % par les AS et 21 % par les référents Personnes Agées /
Personnes Handicapées (PA/PH) du Conseil Départemental.
- 16 % par divers réseaux hors département.
1.3 Le Référent de Proximité
Le RP s’inscrit principalement dans la mission d’ « Appui aux Professionnels » pour la coordination
des situations complexes.
Il ne doit pas se substituer à l’action des professionnels intervenant dans le parcours de santé mais
intervient selon le principe de subsidiarité.
Il intervient dans un secteur géographique délimité12.
Il contribue à l’évaluation multidimensionnelle des besoins du patient lors de son inclusion en tenant
compte des évaluations des acteurs dont il a connaissance, et des attentes, projets de vie ou de fin de
vie de la personne et / ou de son représentant légal et de ses proches.
Il organise si nécessaire les RCP et mobilise les acteurs pour la mise en place du PPS et pour sa
réévaluation.
Il anticipe, dans la mesure du possible, les difficultés médicales, médico-sociales ou sociales des
patients en situation complexe.
12
Annexe 1
13
Son intervention n’est pas limitée dans le temps, elle doit contribuer à la stabilisation ou à
l’amélioration de la situation grâce à la mise en place de solutions pensées par la communauté des
acteurs autour et avec le patient.
2 Problématique et hypothèses autour du RP
2.1 Problématique
On peut s’interroger sur mes raisons à vouloir introduire les notions de pluri et d’interdisciplinarité
dans ma problématique initiale et ne pas en être restée à la simple question : le RP dans son approche
des situations complexes est-il un vecteur de décloisonnement professionnel ?
Outre l’intérêt que je porte à ces notions qui font référence au « travailler ensemble » et aux nouveaux
modes d’exercices professionnels qui en découlent (basés sur des savoirs partagés mais restant
autonomes), la notion de pluridisciplinarité est incontournable dans la prise en charge de la
complexité. Néanmoins la pluridisciplinarité n’entraîne pas toujours un décloisonnement complet, il
faut en passer par l’interdisciplinarité ou dans sa déclinaison pratique, par un travail en inter
professionnalité.
Pour réfléchir sur cette problématique je vais bâtir ma réflexion sur trois hypothèses.
2.2 Hypothèses
Je pose une première hypothèse : le RP dans son action de coordination favorise les pratiques
pluridisciplinaires.
La pratique professionnelle fait appelle à la notion de division du travail, qui est d’autant plus fine
qu’elle affronte la complexité et appelle à la spécialisation. Ainsi la pluridisciplinarité est inhérente à
la prise en charge des situations complexes pourtant elle ne garantit pas la production d’une réponse
la plus adaptée ou efficiente. Comme nous l’avons vu, l’autonomisation des disciplines, conduisant à
une construction des identités disciplinaires, et par extension, professionnelles, est un facteur de
cloisonnement qui peut parfois céder par un travail en équipe. En effet, le travail en équipe peut
favoriser l’engagement dans un projet partagé, l’émergence d’une culture commune, d’une meilleure
communication,
d’une
appartenance
commune,
et
d’interrelations
qui
contribuent
au
décloisonnement.
Le RP grâce à son travail de coordination va créer au sein de l’équipe intervenant autour du patient
les conditions nécessaires à l’intégration des expertises à travers l’émergence d’une réponse
concertée. Il relie les actions des professionnels issus des champs sanitaire, médico-social et social et
les rend plus lisibles par tous, y compris le patient. Il repère les contributions requises et les personnes
qui seront le plus à même de les remplir.
14
En travaillant selon le principe de la subsidiarité, il pose aussi le principe de non hiérarchie même s’il
exerce souvent le leadership. Comme l’écrit Roger Mucchielli13 : « Le chef est moins celui qui
commande ou impose que celui qui, incarnant le groupe et sa communauté d’objectifs, fait converger
et coordonne les « influences de tous les membres.» [8]
Le RP en favorisant une pluridisciplinarité étroite va créer les conditions d’un engagement vers une
pratique interdisciplinaire.
Je pose une deuxième hypothèse : Le RP crée les conditions nécessaires à l’émergence d’une pratique
ambulatoire interdisciplinaire.
Dans l’hypothèse précédente nous avons vu que l’appartenance à une équipe peut mettre en brèche
les écueils d’un exercice pluridisciplinaire basé sur une simple juxtaposition des interventions. Mais
les déterminants d’une équipe ambulatoire pluridisciplinaire sont différents de celle d’une équipe
constituée et stable au sein d’un établissement qui se retrouve dans une certaine promiscuité
d’exercice et bénéficie de temps formels ou informels d’échanges.
L’équipe ambulatoire est polymorphe car elle se constitue et évolue en fonction des besoins du patient
dans son parcours, ses membres entretiennent des liens sporadiques toujours selon les besoins du
patient et elle n’est pas caractérisée par un lieu d’exercice commun. Ceci peut être un frein à l’exercice
interdisciplinaire qui peut être accentué par les différents statuts des professionnels de cette équipe.
En effet l’exercice libéral, avec ses contraintes en termes de gestion de temps et de revenus, est
différent de l’exercice salarié qui a ses propres contraintes.
Néanmoins ces écueils peuvent être surmontés par des changements dans les comportements
individuels et peuvent aussi être analysés comme un point de force.
En effet l’adhésion des professionnels de santé à un travail interprofessionnel ne pourra être le fruit
que d’une volonté propre et reposer sur son acceptation de l’échange, de la confrontation, du partage
avec les autres professionnels, de son envie de traiter les questions en équipe.
Cette adhésion repose sur des principes d’autogestion et de non hiérarchie où doivent s’effacer les
luttes de pouvoir.
L’objet même de la sollicitation des RP, c’est-à-dire les situations complexes, sont un élément facteur
d’adhésion car cette situation, source de difficulté pour les professionnels, crée elle-même les
conditions favorables à l’émergence d’un nouveau cadre de pensée bâti par tous les intervenants. En
ne répondant pas directement à la difficulté du professionnel, mais en offrant une réponse à travers
la sollicitation d’autres professionnels, le RP intervient de façon, neutre et impartiale. Il est en ce sens
un vecteur de décloisonnement professionnel. En recueillant l’adhésion des professionnels à la
13
Psycho-sociologue français (1919-1981)
15
recherche d’une solution concertée entre patient et professionnel il est un « catalyseur » de leur
adhésion indispensable à une approche interdisciplinaire.
Je pose une troisième hypothèse : Les outils utilisés par le RP sont intégrateurs et renforcent l’inter
professionnalité.
Les trois outils principaux qu’utilise le RP sont :
- L’évaluation multicritère des situations : par ce travail d’évaluation multicritère, le RP va offrir à
chaque intervenant (si la situation nécessite sa communication) une présentation objective globale de
la situation du patient en intégrant ses souhaits et attentes. Il permet la base d’une discussion
commune à un niveau égal d’information et la prise de conscience commune de la nécessité et du rôle
où chaque professionnel devra intervenir. C’est une reconnaissance mutuelle du rôle de chacun et de
son interdépendance à l’accomplissement de sa propre mission.
- La Réunion de Concertation Pluridisciplinaire est le plus souvent initiée par le RP lorsque le DAC
a été sollicité. Ces réunions permettent la rencontre physique de tous les professionnels qui
interviennent autour d’une situation complexe. Elle permet un dialogue entre les acteurs issus des
différents champs d’intervention, et contribue ainsi à une meilleure connaissance des rôles de chacun
et des solutions qu’il peut apporter à l’amélioration de la situation du patient. Chaque intervenant doit
connaître son rôle et les limites de son champs d’intervention, et le RP favorise cette connaissance
par la mise en rencontre ou le dialogue qu’il va susciter autour d’une situation.
Il crée un nouvel espace d’échange commun aux intervenants, propice à la communication où chacun
abandonne un moment ses codes, ses langages propres, dans un souci de compréhension mutuelle
pour répondre à un objectif partagé.
Ici peut naître une conscience des liens d’inter-relation entre les professionnels permettant un
dialogue équilibré.
- Le Plan Personnalisé de Santé : il est adapté du PPS proposé par l’HAS dans le cadre du PAERPA
« Le PPS est un plan d’action concernant les personnes âgées en situation de fragilité et/ou atteintes
d’une ou plusieurs maladie(s) chronique(s), et nécessitant un travail formalisé entre acteurs de
proximité. Il s’agit de favoriser la prise en charge en équipe pluri professionnelle dans un cadre de
coopération non hiérarchique. Ce plan d’action fait suite à une évaluation globale de la situation
médicale, psychologique et sociale de la personne afin d’identifier les situations à problèmes. Il
débouche sur un suivi et une réévaluation. »14
« Il traduit les besoins du patient et établit le programme des interventions des professionnels de
santé et personnels médicosociaux nécessaires » Cours de M. Mario Debellis.
14
http://www.has-sante.fr mai 2016
16
Il formalise et priorise les actions et interventions des intervenants qui sont partie prenante de ce PPS
et met en avant leur engagement du respect du programme établit. Par cet engagement, l’équipe porte
de façon collégiale la responsabilité de sa mise en œuvre et de sa révision ; il est donc un outil
intégrateur.
Le coordinateur ou référent de ce PPS est naturellement le médecin traitant mais ce rôle est souvent
dévolue au RP qui est aussi parfois l’initiateur de ce PPS.
- J’ajouterais un dernier outil qui devrait être intégrateur s’il se généralise est devient opérationnel :
le système d’information partagé.
Ne connaissant pas de système d’information partagé entre les différents professionnels, je ne peux
pas m’exprimer sur ce sujet. Néanmoins, le travail de définition et de mise en place de ce système
d’information doit être la base d’une réflexion interdisciplinaire selon le principe du « faire pour
connaître et connaître pour faire ».
Les résultats de l’enquête que j’ai menée auprès des RP va-t-elle étayer mes hypothèses ?
IV ENQUETE : RESULTATS ET ANALYSE
1 Objectif et méthodologie :
1.1 Les objectifs
- connaître le profil des RP
- analyser leur niveau d’intégration au sein des équipes pluridisciplinaires
- connaître les freins et leviers à l’exercice du RP
1.2 La méthodologie
Pour bâtir mon questionnaire je me suis inspirée d’un questionnaire élaboré et validé par des membres
du CHU de Sherbrooke, de l’université de Montréal et du Centre de Recherche Clinique au Canada
et dont l’objet est de mesurer le degré d’intégration d’une équipe clinique interdisciplinaire. Il permet
de calculer différents scores du degré d’intégration des concepts retenus menant à une pratique
interdisciplinaire.
L’ensemble du questionnaire comprend 65 items permettant une analyse selon quatre concepts
d’intégration: l’intégration normative, fonctionnelle, clinique et des soins. Ces concepts sont euxmêmes découpés en rubriques.
J’ai adapté certaines de ces questions en fonction de ma recherche et du contexte du RP. C’est un
questionnaire d’auto évaluation, auquel j’ai ajouté des questions semi ouvertes.
17
Je l’ai testé sur deux professionnels de soins et une personne étrangère au système de santé. J’ai
éliminé les questions qui ont été signalées par les trois personnes comme faisant appels à des « notions
de jugement » ou leur posant problème.
Le questionnaire a été distribué à 6 RP de la MRSI lors d’une réunion de staff avec une explication
orale de ma part quant à son objet et le cadre dans lequel il était réalisé Il a été envoyé par mail avec
la même explication à 7 RP de la MRSS.15
J’ai obtenu un retour de 7 questionnaires soit 50 % de retour. Je n’ai pas réalisé de relance des RP.
2 Les résultats
Les résultats peuvent se répartir en deux catégories selon le type de question, les questions de types
semi-ouvertes et les questions d’auto-évaluation qui doivent déterminer le niveau d’intégration des
RP dans l’équipe ambulatoire.
2.1 Le questionnaire semi-ouvert
Les équipes RP sur la MRSS ou la MRSI sont 100 % féminines.
Sur les 7 RP qui ont rempli le questionnaire, la moyenne d’âge est de 36 ans, l’ancienneté moyenne
dans le poste de 20 mois.
Toute les RP exercent en temps partiel et 5 RP exercent en parallèle une autre activité professionnelle :
2 en tant qu’Infirmière Diplômée d’Etat (IDE) libérale, 1 en tant que monitrice sportive, 1 en tant que
directrice d’une structure de services à la personne et 1 en tant que coordinatrice d'un conseil local en
santé mentale.
Leur métier antérieur est : 4 IDE libérales, 1 Assistante Sociale (AS), 1 directrice générale structure
médico-sociale, 1 psychologue.
Elles ont cité 16 institutions et 10 métiers différents (dont 4 types d’IDE selon le type d’institution
qui les emploie, 2 types de médecin et 2 types d’AS). Les métiers cités appartiennent aux champs
médical ou médicosocial ou social, les actions des institutions s’inscrivent aussi dans ces trois
champs. Ces structures ont des caractéristiques propres puisqu’elles relèvent de différentes sphères
(publique ou privée, politique, associative avec dotations diverses, judiciaire, mutualiste, etc…)
(Q8) Le leadership des équipes ambulatoires se répartit entre les RP et les autres intervenants en
fonction de l’initiateur des actions. Le leader des rencontres est le plus souvent son instigateur, le
leadership peut évoluer au cours du déroulement du parcours.
15
Annexe 3
18
(Q12) Les principaux outils cités comme permettant le travail collaboratif sont : la communication et
la RCP (citée chacune 4 fois), puis des outils adaptés par le RP et l’équipe ambulatoire (cité 3 fois).
Le PPS n’est cité qu’à deux reprises, les autres outils cités une seule fois sont le DAC, les rencontres
et le partage d’objectif.
(Q13) Les principales entraves à la mission du RP citées sont : la non coopération des PSPR (4 fois
citées) et son corolaire la rétention d’information (3 fois citées), le manque de disponibilité des
professionnels et le refus des patients (2 fois) et le manque d’offre d’effecteurs, le cloisonnement
professionnel et la méconnaissance du rôle du RP (1 fois).
(Q14) Les points d’appuis à la mission du RP sont variés (une à deux citations maximum) : ils sont
propres aux RP (leur proximité, disponibilité et connaissance du terrain), à l’équipe (recherche de
décloisonnement, de communication, confiance et appui mutuel), à la situation elle-même qui
nécessite l’intervention d’un coordinateur.
2.2 Le questionnaire d’auto-évaluation
Le questionnaire d’autoévaluation regroupe dix questions permettant de mesurer quatre niveaux
d’intégrations (totalement, partiellement, un peu et pas du tout), la possibilité a été laissée de répondre
« ne peut pas répondre » mais elle n’a jamais été utilisée. J’ai synthétisé les réponses à travers le
tableau suivant :
Q1 le travail en synergie avec les autres intervenants
totalement
partiellement
4
3
Q2 la connaissance réciproque des champs d'action et limite des intervenants
4
3
Q4 la relation de confiance entre intervenants
5
2
Q5 la communication claire et satisfaisant entre les intervenants
2
3
7
7
7
1
7
1
7
3
3
Q7 travail collaboratif apporte une cohérence des actions
4
3
Q9 le travail en équipe permet de répondre aux besoins des patients
3
4
Q10 le travail en équipe permet de répondre aux besoins des professionnels
4
1
Q11 le travail en équipe permet une meilleure réponse aux situations complexes
6
1
33
28
47%
NPPR TOTAL
6
Q6 l'influence des logiques individuelles et professionnelles sur le travail en équipe
TOTAL
pas du tout
7
2
Q3 le travail en équipe permet le maintien du continuum du parcours de santé
un peu
7
7
2
7
7
6
40%
3
9%
0
4%
3 Analyse
Les résultats de cette enquête viennent-ils corroborer les hypothèses que j’ai émises dans le
paragraphe précédent ?
19
70
Les résultats globaux au questionnaire d’auto-évaluation montrent une bonne intégration du RP et de
son action au sein des équipes ambulatoires (cf les deux première colonnes, soit 87 % pour totale et
partiellement), mais si l’on affine l’analyse de ces résultats il en ressort des nuances.
3.1 Hypothèse 1
Le RP dans son action de coordination favorise les pratiques pluridisciplinaires.
Le nombre de professionnels et d’institutions citées par le RP démontre qu’il est au cœur d’un travail
pluridisciplinaire ; il a eu par ailleurs, avant d’exercer son métier de RP, une activité en tant que PSPR
et continue encore parfois à l’exercer en parallèle à celle de RP.
Les réponses aux questions Q13 et Q1416 montrent que son action de coordination est favorisée par
sa proximité avec les PSPR, sa disponibilité et sa connaissance du terrain qui peuvent aider à lever
certains freins comme le manque d’offre d’effecteurs et le manque de disponibilité des professionnels.
Les réponses aux questions Q1-4-7 se répartissent sur les deux premières colonnes du tableau et
démontrent la qualité du travail en équipe ; c’est un travail collaboratif, produisant un résultat global
sur les bases de la confiance.
La pratique pluridisciplinaire entre les RP et les autres professionnels intervenant avec lui sur un
parcours de santé est donc de bonne qualité et produit des résultats globaux positifs. On peut penser
que ceci est le résultat en partie du RP puisqu’il est saisi par les PSPR qui n’ont pas pu mettre en
place cette pratique pluridisciplinaire.
3.2 Hypothèse 2
Le RP crée les conditions nécessaires à l’émergence d’une pratique ambulatoire interdisciplinaire.
La question Q8 met en évidence le fait qu’il n’existe pas un leadership préétablit d’une profession sur
une autre et c’est la compétence majeure du professionnel qui détermine ce leadership. Ceci est une
notion favorable.
Aux questions concernant le résultat du travail d’équipe quant aux objectifs généraux concernant les
parcours des patients (Q3-11), les RP répondent quasi-unanimement sur la plus-value du travail en
équipe sur les situations complexes et de façon positive sur le continuum des parcours, ce qui est
corroboré par une atteinte des objectifs vis-à-vis des patients (Q9).
Les résultats quant aux objectifs vis-à-vis des professionnels sont plus mitigés voir pour certains RP
non atteints (Q10), ce résultat est à mettre aussi en relation avec les résultats des questions Q2-5-6
qui concernent la qualité des relations entre professionnels. Les réponses des RP montrent clairement
une méconnaissance réciproque des rôles et champs d’actions des professionnels, une communication
partiellement claire et satisfaisante et des logiques individuelles qui priment sur le collectif qui sont
16
Cf annexe 3
20
autant d’éléments bloquants dans la réalisation d’une pratique ambulatoire interdisciplinaire. Les
freins cités par les RP (Q13) comme la non coopération des PSPR (4 fois citées) et son corolaire, la
rétention d’information (3 fois citées), montrent que les logiques individuelles de cloisonnement sont
résistantes. Les idées confrontées aux réalités s’effritent parfois vite.
Néanmoins la mise en évidence et l’identification de ces écueils ne sont-ils pas déjà les débuts d’un
travail permettant de les remplacer par des points de force qui sont cités par certains RP (Q14) :
(recherche de décloisonnement, de communication, confiance et appui mutuel) et qui s’appuierait sur
un travail de mise en connaissance des acteurs ?
3.3 Hypothèse 3
Les outils utilisés par le RP sont intégrateurs et renforcent l’inter professionnalité.
Dans les outils cités par les RP (Q12) seule la RCP est en bonne position parmi les outils que j’ai
cités. Elle est considérée par les RP comme un outil important d’échange où chacun prend sa place et
peut s’exprimer.
Le PPS n’est cité que 2 fois. Ce chiffre peut s’expliquer par la mise en place récente de cet outil au
sein de la MRSS et de façon un peu plus ancienne pour la MRSI. Les outils de communication sont
cités comme étant importants.
L’évaluation multicritère n’est pas citée par les RP, peut-être parce qu’elle ne doit pas être considérée
comme un outil mais une étape du processus de facilitation du maintien ou rétablissement du parcours
de santé.
La mise en place d’un système d’information intégré devrait contribuer au décloisonnement et en tout
cas à l’amélioration de la circulation des informations. Néanmoins, cela n’est pas pour autant une
garantie de bonne communication qui reste le fait d’un échange équilibré entre professionnels sur la
base d’un code d’échange commun.
V CONCLUSION
Au terme de mes recherches, de mes lectures et à l’écoute des professionnels rencontrés, je constate
qu’il existe un quasi consensus sur la nécessité de travailler autrement pour répondre aux nouveaux
enjeux de santé publique.
Pourtant malgré ce consensus, les résistances à l’évolution des pratiques par les professionnels sont
nombreuses. J’ai évoqué certaines des causes de cette résistance : identités professionnelles fortes qui
freinent l’émergence de nouveaux cadres de références interdisciplinaires, spécialisation de plus en
plus fine démultipliant le nombre d’intervenants et son corollaire qu’est la méconnaissance des
champs et limites d’intervention des professionnels, système des responsabilités individuelles des
21
praticiens, analyse des situations par les professionnels en termes de concurrence et non en terme de
complémentarité, lacunes d’un système d’échange d’information sécurisé intégré. Les freins à cette
évolution du « travailler ensemble autrement » sont nombreux mais les prises de conscience et les
nombreuses attentes sont un « terreau » aux diverses initiatives qui fleurissent en provenance des
professionnels eux-mêmes ou des institutionnels.
L’émergence de nouvelles professions intermédiaires autour de la coordination des parcours, venant
se glisser dans les espaces libres entre les différents champs, crée de nouveaux liens entre les
professionnels et est annonciatrice de nouvelles pratiques collectives. Que l’on nomme ces nouveaux
professionnels Référents de Proximité, Coordonnateur d’Appui, Gestionnaires de Cas ou Référent de
Parcours, en travaillant à la coordination des parcours de santé, ils concourent aussi à celle des
professionnels et aident les acteurs de santé à avoir une vision globale du système de santé dans lequel
ils appréhendent mieux leur place. Comme l’écrivent Marie-Aline Bloch et Léonie Hénault : « La
coordination est moins un nouveau territoire professionnel à conquérir, qu’une force à l’origine de la
transformation des professions et des relations entre professions ». [9]
Cette transformation est en marche, elle est implicite dans la nouvelle loi de modernisation parue il y
a quelques semaines, dans sa partie concernant la structuration des parcours de santé. Elle est une
réalité déjà ancienne au sein des réseaux de santé qui travaillent à la coordination et à la mise en lien
depuis plus d’une décennie.
Cette transformation s’inscrit aussi dans une réflexion plus vaste puisqu’en insérant le parcours de
soins dans le parcours de santé, les paramètres sociaux-environnementaux devront se lier à ceux de
la santé. On rentre à nouveau dans la complexité où les cultures scientifiques doivent s’allier aux
cultures humanistes car l’être humain est à la fois sujet de la nature et sujet culturel.
22
LISTE DES ABREVIATIONS :
DGOS :
Direction Générale de l’Offre de Soins
ARS :
Agence Régionale de Santé
GCS MRSI : Groupement de Coopération Maison des Réseaux de Santé de l’Isère
PSPR :
Professionnel de Soin de Premier Recours
ETP :
Education Thérapeutique du Patient
etp :
équivalent temps plein
FP :
Formation Professionnelle
PTC :
Plateforme Territoriale de Coordination
OF :
Organisme Formateur
OGDPC :
Organisme Gestionnaire Développement Professionnel Continu
RP :
Référent de Proximité
MRSS :
Maison des Réseaux de Santé de Savoie
DAC :
Dispositif d’Appui à la Coordination
HAS :
Haute Autorité de Santé
APA :
Activité Physique Adaptée
RCP :
Réunion de Concertation Pluridisciplinaire
PPS :
Plan Personnalisé de Santé
IDE :
Infirmière Diplômée d’Etat
AS :
Assistante Sociale
23
BIBLIOGRAPHIE :
[1] HAS Note méthodologique et de synthèse documentaire « Coordination des parcours. Comment
organiser l’appui aux professionnels de soins primaires ? » septembre 2014
[2] DGOS « Améliorer la coordination des soins : comment faire évoluer les réseaux de santé »,
octobre 2012
[3] LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé
[4] Edgar Morin « Introduction à la pensée complexe » livre format poche chez Points collection
Point Essais – septembre 2014
[5] Edgar Morin « sur l’interdisciplinarité » article Centre International de Recherches et Études
Transdisciplinaires
http://ciret-transdisciplinarity.org - février 2016
[6] Maurice Payette « Interdisciplinarité : clarification des concepts » article
https://www.usherbrooke.ca - février 2016
[7] Anne Marie Frey Management & Avenir 2010/8 (n° 38) Article
« Le diagnostic de l’identité professionnelle : une dimension essentielle pour la qualité au travail »
article https://www.cairn.info - mars 2016
[8] MUCCHIELLI Roger, « Travail en équipe : clés pour une meilleure efficacité collective », livre
Ed . ESF, 16ème édition 2015
[9] BLOCH Marie-Aline et HENAULT Léonie : « Coordination et parcours. La dynamique du
monde sanitaire, social et médico-social » livre DUNOD édition juillet 2014
24
ANNEXES 1 : Sectorisation des RP de la MRSS
25
ANNEXE 2 : Plaquette MRSS – schéma organisationnel du DAC
26
ANNEXE 3 : Questionnaire d’enquête
NOM, Prénom :
Age :
Autre profession exercée :
Temps plein : ☐
Temps Partiel : ☐
Durée d’ancienneté dans votre poste actuel de référent de proximité :
Quel métier exerciez-vous avant d’être Référente de Proximité ?
Pouvez-vous lister les principales professions avec lesquelles vous collaborez sur votre secteur ?
-
-
-
-
-
-
-
-
Pouvez-vous lister les principales institutions avec lesquelles vous collaborez ?
-
-
-
-
-
-
-
-
Si l’on définit les intervenants comme tous les professionnels (du secteur sanitaire, médico-social et social)
œuvrant auprès du patient et avec lesquelles vous êtes amené à collaborer :
1- considérez-vous travailler en synergie avec les autres intervenants :
☐Totalement ☐Partiellement ☐Un peu ☐Pas du tout ☐Ne peut pas répondre
2- considérez-vous que tous les intervenants connaissent les champs et limites des interventions de
chacun :
☐Totalement ☐Partiellement ☐Un peu ☐Pas du tout ☐Ne peut pas répondre
3- considérez-vous qu’avec les autres intervenants vous apportez une plus-value à la continuité du
parcours de santé du patient :
☐Totalement ☐Partiellement ☐Un peu ☐Pas du tout ☐Ne peut pas répondre
4- considérez-vous qu’il existe entre vous et les autres intervenants une relation de confiance :
27
☐Totalement ☐Partiellement ☐Un peu ☐Pas du tout ☐Ne peut pas répondre
5- Considérez-vous que la communication avec les autres intervenants est claire et satisfaisante :
☐Totalement ☐Partiellement ☐Un peu ☐Pas du tout ☐Ne peut pas répondre
6- Considérez-vous que les logiques individuelles et professionnelles de certains intervenants
influent sur la recherche de solutions :
☐Totalement ☐Partiellement ☐Un peu ☐Pas du tout ☐Ne peut pas répondre
7- Considérez-vous que votre collaboration avec les autres intervenants permet une meilleure
cohérence des actions menées vers le patient :
☐Totalement ☐Partiellement ☐Un peu ☐Pas du tout ☐Ne peut pas répondre
Lors des RCP ou visite au domicile du patient :
8- qui exerce le plus souvent le leadership du groupe (si plusieurs possibilités, classer par ordre
d’importance) :
Pensez-vous :
9- que votre travail avec les autres intervenants permet de mieux répondre aux besoins du
patient ?
☐Totalement ☐Partiellement ☐Un peu ☐Pas du tout ☐Ne peut pas répondre
10- que votre travail avec les autres intervenants permet de mieux répondre aux besoins des
PSPR ?
☐Totalement ☐Partiellement ☐Un peu ☐Pas du tout ☐Ne peut pas répondre
11- que le travail collaboratif des intervenants permet une meilleure action auprès des patients en
situation complexe ?
☐Totalement ☐Partiellement ☐Un peu ☐Pas du tout ☐Ne peut pas répondre
12- Quels sont pour vous les outils les plus aptes à permettre le travail collaboratif entre les différents
intervenants :
13- Quelles sont les entraves principales qui ne vous permettent pas de remplir pleinement votre mission :
14- Quelles sont les points d’appuis facilitants votre mission ?
28
DIU : CONSTRUCTION ET COORDINATION DES PARCOURS
DE SANTÉ
De la pluridisciplinarité à l’interdisciplinarité : le Référent de Proximité dans son
approche des situations complexes est-il un vecteur de décloisonnement
professionnel ?
RESUME :
Les professionnels de santé sont parfois mis en difficulté dans la prise en charge de patients en
situation complexe nécessitant l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire, dont les professionnels
sont issus des champs sanitaire, médico-social et social.
Ils peuvent faire appel à un professionnel de la coordination d’appui qu’est le Référent de Proximité
dont l’activité sectorisée permet l’émergence d’une réponse concertée avec le patient et coordonnée
entre l’ensemble des professionnels intervenant auprès du patient.
Par son action en subsidiarité des professionnels de soins, le Référent de Proximité participe à la mise
en place d’une bonne pratique pluriprofessionnelle engagée, condition nécessaire à l’émergence
d’une pratique ambulatoire interdisciplinaire.
Mots clés : parcours de santé, situation complexe, pluridisciplinarité, interdisciplinarité, référent de
proximité, décloisonnement professionnel.
Nathalie RAVOUX - VUILLARD
N° étudiant : 21502416
Année : 2015-2016

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