Cercle Jean Macé du Bas-Rhin - Le Cercle Jean Macé

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Cercle Jean Macé du Bas-Rhin - Le Cercle Jean Macé
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Cercle Jean Macé du Bas-Rhin
Proposition de modification des dispositions du Code de l’éducation applicables
dans les écoles élémentaires des départements du
Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
Version longue
Note introductive
Le bureau du Cercle Jean Macé du Bas-Rhin a souhaité qu’un groupe de travail étudie les
possibilités de modification des dispositions du Code de l’éducation en vigueur dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Cette modification relative aux
dispositions particulières régissant l’enseignement applicables dans ces départements
n’affecterait pas leur situation au regard de la loi de 1905
Cette étude a été rédigée par un groupe de travail composé de membres du Cercle Jean
Macé sous la direction de Monsieur Guy ROBILLART, Inspecteur général honoraire de
l’Education nationale, Président du Cercle Jean Macé du Bas-Rhin.
Madame :
Régine BALTZ, vice-présidente de la Ligue de l’enseignement 67, Secrétaire du Cercle Jean Macé
du Bas-Rhin.
Messieurs :
Jean-Marie GILLIG, Inspecteur honoraire de l’Education nationale
Jean-Pierre HIRSCH, enseignant retraité, docteur en Histoire
Charles MORITZ, Inspecteur de l’Education nationale
Léon STRAUSS, Maître de conférences honoraire (Université de Strasbourg, Institut d’Etudes
politiques).
Le document présenté est le résultat de ses travaux. Il a été soumis au Bureau du Cercle et
à son Conseil d’Administration.
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Par rapport aux autres départements, l’enseignement du premier degré déroge au système
d’enseignement public
par la présence à l’école élémentaire, d’un enseignement
religieux obligatoire, organisé dans les locaux scolaires. Les textes qui régissent
l’organisation de l’enseignement dans les écoles du premier degré comprennent cet article :
« La durée hebdomadaire de la scolarité des élèves dans les écoles élémentaires des
départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle est fixée à vingt-quatre
heures et comprend obligatoirement une heure d’enseignement religieux »
Les parents qui le désirent peuvent faire dispenser leur enfant de l’enseignement religieux
par une déclaration écrite ou verbale faite auprès du directeur d’école, selon les dispositions
définies par deux articles du Code de l’éducation.
Nous connaissons l’origine de ce statut.
Pendant près d’un demi-siècle la France et
l’Alsace-Moselle ont suivi des chemins différents. En France, la IIIème République avait
consacré la séparation des églises et de l’Etat, instauré un enseignement gratuit, obligatoire
et laïque. Pendant cette période, l’Alsace et la Moselle deviennent une terre d’Empire. Un
droit local va se former, constitué de deux sources : des dispositions françaises antérieures
à l’annexion maintenues en vigueur par les autorités allemandes,
mais aussi des
dispositions allemandes mises en place sous l’annexion.
Le travail demandé, nous a amenés dans un premier temps, à rechercher quels étaient les
fondements du caractère obligatoire de l’enseignement de la religion à l’école élémentaire.
Nous avons été conduits ensuite à analyser les évolutions du système scolaire dans une
société beaucoup plus diverse qu’en 1919. Quelle est la part notamment aujourd’hui des
élèves dont les parents ont demandé qu’ils soient dispensés de l’enseignement de la
religion ?
Nous sommes par ailleurs, dans une période où les réflexions sur l’efficacité de l’Ecole sont
très présentes dans la société. Les évaluations se succèdent et sont publiques. Comment
alors organiser la semaine scolaire sans réduire le temps consacré au programme national?
Enfin, faute d’une réponse claire et complète en droit français ou local, nous avons dû nous
orienter vers un cadre juridique plus large. Le statut de la religion en Alsace et en Moselle
respecte-t-il les droits de l’homme et les libertés fondamentales ? La liberté de religion
certes, mais aussi la liberté de pensée et de conscience, premier principe fondateur de la
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laïcité ; le second principe, l’expression est empruntée à M.PENA-RUIZ, étant l’égalité de
droits des tenants des trois options spirituelles : religion, conviction athée ou agnostique.
Ces principes se retrouvent dans les articles 9 et 14 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ratifiée par notre pays.
Cette Convention a un juge spécialisé : la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
La dernière interrogation concernait donc la conformité du statut de l’enseignement de la
religion dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle avec les libertés
fondamentales garanties par les articles 9 et 14 de la Convention, au sens de la Cour
Européenne des Droits de l’Homme.
Dans l’un de ses articles, Edouard BOEGLIN, à propos du statut de la religion à l’école,
écrivait que la question de fond était la suivante. Le fait d’être obligé de demander une
dispense, à l’école, à un cours de religion obligatoire respecte-t-il les droits de l’homme et
du citoyen ?
A cette interrogation, la jurisprudence récente de
la Cour Européenne des Droits de
l’Homme apporte des éléments de réponse. Selon la Cour, la liberté de manifester sa
religion et sa conscience a aussi une dimension négative, à savoir pour l’individu le droit de
ne pas être obligé de manifester sa conviction.
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Cercle Jean Macé du Bas-Rhin
Proposition de modification des dispositions du Code de l’éducation applicables
dans les écoles élémentaires des départements du
Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
Sommaire
Présentation du contexte administratif et des choix stratégiques du Cercle.
1. Etat actuel du Code de l’éducation
1.1. Articles dont nous proposons la modification
1.2. Articles que nous citerons en référence
2. Exposé des motifs
2.1. Les fondements juridiques incertains du caractère obligatoire de
l’enseignement de la religion à l’école élémentaire.
2.2. Une pratique de l’enseignement religieux en fort recul
2.3. Une autre organisation de la semaine scolaire
2.4. Une gestion difficile des ressources humaines affectées à l’enseignement
religieux
2.5. Le caractère discriminatoire des demandes de dispense
3. Conclusion
4. Proposition de décret modifiant l’article D.481-2 et abrogeant les articles D. 4815 et D. 481-6 du Code de l’éducation
Annexes :
Convention de sauvegarde des droits de I' homme et des libertés fondamentales
(articles 9 et 14)
*Code de l’éducation. Partie réglementaire
Livre IV : Les établissements d’enseignement scolaire
Titre VIII : Dispositions applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et
de la Moselle
Section1 : Aménagement du statut scolaire local en vigueur dans les établissements du
premier degré.
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Présentation du contexte administratif et des choix stratégiques du Cercle.
La loi N° 2003-339 du 14 avril 2003 portant ratification de l’ordonnance n°200-5498 du 15
juin 2000 relative à la partie législative du Code de l’éducation a donné à ce code sa
pleine valeur législative.
« Ses dispositions se substituent à celles des lois codifiées et abrogées. C’est pourquoi,
ainsi que l’a rappelé la circulaire ministérielle n°2000-101 du 4 juillet 2000 publiée au
B.O. spécial du 13 juillet 2000, les références des lois d’origine
doivent être
systématiquement remplacées par les références correspondantes du Code de
l’éducation, conformément aux tables de concordance publiées dans ce même B.O. »
Les dispositions de nature réglementaire sont renvoyées à la partie réglementaire du
Code de l’éducation.
Conformément aux dispositions de la circulaire du n°2000_101 du 4 juillet 2000, pour
l’élaboration de documents à valeur juridique, c’est aux dispositions du Code de
l’éducation qu’il faut se référer.
Le projet présenté se réfère expressément aux articles du Code de l’éducation.
Dans un souci d’efficacité, le Cercle Jean Macé du Bas-Rhin a choisi la procédure
réglementaire pour sa proposition d’aménagement du statut de l’enseignement de la
religion dans les écoles élémentaires du Bas-Rhin, du Haut Rhin et de la Moselle.
Le décret proposé supprime la demande de dispense. Il maintient l’organisation d’une
heure hebdomadaire complémentaire de cours de religion pour les écoles élémentaires
dans les locaux scolaires. Ce cours de religion devient un cours optionnel pour les élèves
dont les parents en feront la demande.
La durée de la semaine scolaire est ainsi fixée à vingt-quatre heures pour tous les
élèves, dans le cadre du programme de l’enseignement national. Cet alignement sur les
autres départements permettra une meilleure organisation des apprentissages définis
par le programme national.
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1. Etat actuel du Code de l’éducation.
1.1. Articles dont nous proposons la modification.
Article D.481-2
« La durée hebdomadaire de la scolarité des élèves dans les écoles élémentaires des
départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle est fixée à vingt-quatre heures
et comprend obligatoirement une heure d’enseignement religieux.
Pour les trois dernières années de l’école élémentaire, l’horaire peut être porté par
décision du recteur de l’académie à vingt-cinq heures, comprenant deux heures
d’enseignement religieux, lorsque sont remplies les conditions nécessaires en ce qui
concerne les effectifs et les enseignants. »
Article D.481-5
« Les parents qui le désirent peuvent faire dispenser leur enfant de l’enseignement
religieux, dans les conditions prévues à l’article D.481-6. »
Article D.481-6
« Les enfants dispensés de l’enseignement religieux réglementaire par la déclaration
écrite ou verbale et contresignée, faite au directeur d’école, par leur représentant légal
reçoivent, aux lieu et place de l’enseignement religieux, un complément d’enseignement
moral.
Le registre d’appel reçoit, par les soins du directeur d’école, la mention de l’origine et de
la date des lettres ou déclarations par lesquelles les représentants légaux des enfants
dispensent ceux-ci de l’enseignement religieux. »
1.2. Articles que nous citons en référence
Article L.481-1
« Les dispositions particulières régissant l’enseignement applicables dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle y demeurent en vigueur. »
Article L.321-3
« La formation primaire dispensée dans les écoles élémentaires suit un programme
unique réparti sur les cycles mentionnés à l’article L.321-1 ; la période initiale peut être
organisée sur une durée variable.
Cette formation assure l’acquisition des instruments fondamentaux de la connaissance :
expression orale ou écrite, lecture, calcul ; elle suscite le développement de l’intelligence,
de la sensibilité artistique, des aptitudes manuelles, physiques et sportives. Elle offre un
premier apprentissage d’une langue vivante étrangère et une initiation aux arts
plastiques et musicaux. Elle assure conjointement avec la famille l’éducation morale et
offre un enseignement d’éducation civique qui comporte obligatoirement l’apprentissage
de l’hymne national et de son histoire. »
Article R.481-1 (de même teneur que l’article L.481-1.)
« Les dispositions particulières régissant l’enseignement applicables dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle y demeurent en vigueur. »
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2.
Exposé des motifs.
2.1. Les fondements juridiques incertains du
l’enseignement de la religion à l’école élémentaire.
caractère
obligatoire
de
Les dispositions réglementaires actuelles régissant l’enseignement dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle dans les établissements du
premier degré, sont fondées sur un seul article de la partie législative du Code de
l’éducation. Il s’agit de l’article L.481-1 ainsi rédigé : « Les dispositions particulières
régissant l’enseignement applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin
et de la Moselle y demeurent en vigueur ». Cet article qui manque particulièrement de
lisibilité, ne fait référence à aucun texte législatif.
Cette absence de lisibilité des bases juridiques du statut scolaire est relevée par le
président de l’Institut du Droit Local « Ce régime est peu lisible parce qu’il est composé
de textes anciens fortement amendés dans leur application par la coutume administrative
et par un consensus non écrit entre administration scolaire et autorités religieuses »
Revue Droit Local* : n°40 février 2004.
La loi n° 2003-339 du 14 avril 2003 de ratification de l’ordonnance n°2000-549 du 15 juin
2000 relative à la partie législative du Code de l’éducation précisait pourtant, dans le
second alinéa de son préambule, que « les références des lois d’origine doivent être
systématiquement remplacées par les références correspondantes du Code de
l’éducation, conformément aux tables de concordance publiées dans le Bulletin officiel
du 13 juillet 2000. »
L’article L. 481-1 ne fait pas, notons-le, référence à l’article 23 de la loi Falloux du 15
mars 1850, parfois invoqué pour justifier l’enseignement de la religion dans les écoles du
premier degré. Il faut donc se référer à d’autres textes à caractère législatif pour tenter de
définir le statut de l’enseignement de la religion dans les départements du Bas-Rhin, du
Haut-Rhin et de la Moselle.
La loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les
départements visés ci-dessus ne fait pas mention de l’enseignement de la religion à
l’école. Seules sont citées parmi les lois locales dans l’article 7-alinéa 13 : « La
législation locale sur les cultes et les congrégations religieuses »
Les arrêts du Conseil d’Etat relatifs à la législation en vigueur pour le statut scolaire local
renvoient à la loi locale du 12 février 1873 modifiée par l’ordonnance du Chancelier
d’Empire en date du 16 novembre 1887 et notamment à un article 10A dont la traduction
admise est la suivante :
« Dans toutes les écoles, l’enseignement et l’éducation doivent tendre à développer la
religion, la moralité et le respect des pouvoirs publics et des lois »
source : Trad.in MINISTERE DE LA GUERRE, Organisation politique et administrative et
législation de l’Alsace-Lorraine Paris 1918, t2, 243-249
*La revue du Droit Local est éditée par « l’Institut du Droit Local Alsacien-Mosellan » association
de droit local créée en 1985, reconnue d’utilité publique par le Préfet en 1995
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Cette traduction est reprise dans les mêmes termes par un arrêt du Conseil d’Etat du 23
mai 1958. Dans un autre arrêt du 6 avril 2001 n°219379, le Conseil d’Etat citant la loi du
12 février 1873 et l’ordonnance du 16 novembre 1887, considère que l’obligation
d’assurer un enseignement religieux dans toutes les écoles des départements du
Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, constitue une règle de valeur législative
s’imposant au pouvoir réglementaire.
Il s’agit donc d’une obligation pour l’Etat d’organiser cet enseignement. Les conditions
dans lesquelles l’organisation s’impose à l’état, relève alors du pouvoir réglementaire.
2.2. Une pratique de l’enseignement religieux en fort recul
Dans un rapport public de l’Inspection générale de l’Education nationale d’octobre
2006 : « Evaluation de l’enseignement dans l’académie de Strasbourg», le groupe de
sept inspecteurs généraux, à propos du «domaine religieux » souligne la diminution du
nombre des élèves participant à l’enseignement de la religion dans les écoles
élémentaires, dans les termes suivants : « Une pratique de l’enseignement religieux en
fort recul. (plus de la moitié des élèves des établissements visités ont sollicité une
dérogation pour ne plus suivre l’heure hebdomadaire ».
La directrice adjointe chargée de l’information et de la communication au Service
diocésain de l’enseignement et de la catéchèse, fait le même constat : « L’école
élémentaire : Sur les cinq dernières années, on observe une nette érosion du taux de
participation dans les écoles primaires, 71% en 2006-2007, 63,7% en 2010-2011.
L’érosion dans le Haut-Rhin s’est accentuée de 9,5 points en quatre ans. » Revue :
Carrefours d’Alsace n° 992 septembre 2011.
En fait, les moyennes citées, d’une part, ne sont pas significatives : un tiers des écoles,
la plupart urbaines, ne répondent pas à l’enquête menée par les Inspections
académiques. Elles masquent, d’autre part, des disparités très fortes entre zones rurales
et centres urbains. A Mulhouse le taux de participation est de 21% pour l’année 20112012 et à Colmar 48%. A Strasbourg, le taux moyen de participation à l’enseignement
religieux est de 33% pour les écoles (37 sur 54) qui ont répondu à l’enquête de
l’Inspection Académique. Les informations obtenues directement auprès de certaines
écoles de la ville, montrent que les taux de participation sont là de l’ordre de 15 à 20%.
C’est dire que dans ces écoles, plus de quatre élèves sur cinq ne suivent pas
l’enseignement religieux. Ils reçoivent alors «un complément moral» dont on peut, depuis
la circulaire du 25 août 2011 imposant à tous les élèves une instruction civique et morale,
s’interroger sur les modalités d’application.
2.3. Une autre organisation de la semaine scolaire
A l’école élémentaire, depuis 1968, l’horaire hebdomadaire obligatoire est passé de
trente à vingt–quatre heures.
En Alsace et en Moselle l’inclusion du cours de religion dans cet horaire réduit encore le
temps consacré aux enseignements définis dans le programme national. Cette réduction
n’est pas sans conséquences sur l’organisation des apprentissages.
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Dans une enquête de janvier 2009 concernant les programmes de 2008 l’Inspection
générale relève que leur application est plus difficile dans les académies dont les statuts
sont dérogatoires.
C'est-à-dire les académies dans lesquelles les élèves reçoivent, du fait de
particularismes régionaux, d’autres enseignements que ceux définis dans les
programmes de 2008. « Ces enseignements étaient jusqu’alors intégrés aux vingt-six
heures d’enseignement dues aux élèves, ils devraient être dispensés dans le cadre des
vingt-quatre heures hebdomadaires sans affecter les soixante heures dédiées à l’aide
individualisée.» L’observation se poursuit en ces termes : «Sans dispositions nouvelles,
certains élèves, que leurs parents soient volontaires pour ces enseignements, ou
seulement parce qu’ils vivent dans certains territoires, connaîtront une baisse
significative des horaires d’une partie des enseignements obligatoires, ce qui risque de
compromettre leur parcours scolaire, et ce qui semble contestable sur le plan de l’égalité
républicaine ».
Le rapport se termine par cette interrogation : « Pour éviter que la richesse d’une culture
régionale ne se traduise par l’impossibilité à tous les élèves de maîtriser les
programmes, ne convient-il pas d’étendre de manière dérogatoire la durée de
l’enseignement hebdomadaire ? »
Cette prise de position de l’Inspection générale de l’Education nationale, rejoint notre
proposition de consacrer intégralement les vingt-quatre heures hebdomadaires à la mise
en œuvre du programme national défini par l’arrêté du 9 juin 2008 fixant les horaires des
écoles maternelles et élémentaires.
2.4. Une gestion difficile des ressources humaines affectées à l’enseignement
religieux
Dans le rapport de l’Inspection générale de l’Education nationale de 2006, cité au
paragraphe 2, le groupe des sept inspecteurs généraux
évoquait l’organisation de
l’enseignement de la religion en ces termes: « une gestion difficile des ressources
humaines affectées à ces tâches (temps partiel, temps partagés, montée du nombre de
contractuels…) rendues plus contraignantes, source de malaise chez les intéressés et
compliquant les rapports avec les autorités religieuses. »
Cette organisation est de la responsabilité des directrices et des directeurs des écoles
élémentaires. Il leur appartient de fixer le nombre d’heures nécessaires pour toutes les
classes et par confession, en fonction du nombre d’élèves qui recevront cet
enseignement.
Les accords négociés entre les autorités diocésaines et académiques pour l’organisation
de l’instruction religieuse sont matériellement souvent difficiles à appliquer voire à
accepter : organisation d’un enseignement à partir d’un effectif de six élèves ;
dédoublement des classes au-delà de 28 à 29 élèves. Dans une circulaire du 10 mai
2011, l’Inspecteur d’académie du Bas-Rhin a dû préciser qu’il « n’est pas prévu de
rétribution pour des heures dispensées à des groupes de moins de cinq élèves ». Une
précision qui souligne, indépendamment des problèmes de rémunération, les difficultés
d’organisation dans certaines écoles élémentaires.
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2.5. Le caractère discriminatoire des demandes de dispense
Les articles D. 481-5 et D. 481-6 du Code de l’éducation imposent aux parents qui
désirent
que leur enfant ne suive pas l’enseignement religieux, de demander une
dispense.
La Cour européenne des droits de l’homme a rappelé que la liberté de conscience
protégée par l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, inclut un «aspect négatif», ne pas croire ou ne pas être obligé de
manifester sa croyance ou sa «non croyance». L’importance de cette jurisprudence est
signalée par plusieurs juristes. « Les affaires Sinan Isik c. Turquie, Grzelak c. Pologne et
Dimitras et autres c. Grèce, soulignent la place croissante faite à la dimension négative
de la liberté de religion, à savoir «le droit pour les individus de ne pas être obligés de
révéler leur foi ou croyances religieuses». Il en résulte qu’il y aura ingérence dans la
liberté négative de religion «lorsque l’Etat crée une situation dans la quelle les individus directement ou indirectement - sont obligés de révéler qu’ils ne sont pas croyants »*
La demande de dispense que l’institution scolaire impose à tous les parents qui
désirent que leur enfant ne suive pas l’enseignement de la religion, constitue bien une
obligation de manifester sa « non croyance ».
Pour la Cour européenne des droits de l’homme, le fait d’être contraint de manifester sa
« non croyance » constitue une violation de l’article 9 – Liberté de pensée, de conscience
et de religion- en conjonction avec l’article 14 – Interdiction de discrimination- de la
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
3. Conclusion
Pour conclure nous proposons, en nous appuyant essentiellement sur la jurisprudence
visée ci-dessus, un décret qui supprime la demande de dispense. Le cours de religion
devient ainsi un cours qui a le statut de complément optionnel organisé pour les élèves
dont les parents en feront la demande. Sa durée demeure fixée à une heure
hebdomadaire et ce cours est organisé dans les locaux scolaires.
La durée de la semaine scolaire est fixée à vingt-quatre heures pour tous les élèves des
écoles élémentaires, dans le cadre de l’enseignement national. Cet alignement sur les
autres départements permettra une meilleure organisation de la semaine scolaire.
Le deuxième alinéa de l’article 1 introduit les dispositions en faveur des élèves
rencontrant des difficultés. Ces dispositions ne figurent pas actuellement dans le texte
applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
* source : « La recevabilité des requêtes devant la Cour européenne des droits de l’homme : le cas de
l’article 9 » Anne Fornerod, page 189 de l’ouvrage : Des requêtes devant la Cour européenne des
droits de l’homme - sous la direction de Pascal Dourneau-Josette et Elisabeth Lambert Abdelgaward Editions du Conseil de l’Europe - Strasbourg juillet 2011
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4. Proposition de décret modifiant l’article D.481-2 et abrogeant les articles
D. 481-5 et D. 481-6 du Code de l’éducation
Vu le Code de l’éducation, notamment les articles : L.481-1 ; L.321-3 ; R.481-1
Article-1
L’article D. 481-2 du Code de l’éducation est remplacé par les dispositions
suivantes :
- La durée de la semaine scolaire dans les écoles élémentaires des
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est fixée à vingt-quatre
heures pour tous les élèves, dans le cadre de l’enseignement du programme
national.
- Les élèves rencontrant des difficultés d’apprentissage peuvent bénéficier de
deux heures d’aide personnalisée dans les conditions fixées par l’article D. 521-15.
- Une heure complémentaire de cours optionnel de religion sera organisée pour
les élèves, dont les parents en feront la demande.
Article-2
Les articles D. 481-5 et D. 481-6 sont abrogés
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ANNEXE 1.
Convention de sauvegarde des droits de I' homme et
des libertés fondamentales
ARTICLE 9 Liberté de pensée, de conscience et de religion
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit
implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de
manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou
en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres
restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans
une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé
ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
ARTICLE 14 Interdiction de discrimination
La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être
assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la
langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou
sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre
situation.