Cercle Jean Macé du Bas-Rhin - Le Cercle Jean Macé
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1 Cercle Jean Macé du Bas-Rhin Proposition de modification des dispositions du Code de l’éducation applicables dans les écoles élémentaires des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Version longue Note introductive Le bureau du Cercle Jean Macé du Bas-Rhin a souhaité qu’un groupe de travail étudie les possibilités de modification des dispositions du Code de l’éducation en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Cette modification relative aux dispositions particulières régissant l’enseignement applicables dans ces départements n’affecterait pas leur situation au regard de la loi de 1905 Cette étude a été rédigée par un groupe de travail composé de membres du Cercle Jean Macé sous la direction de Monsieur Guy ROBILLART, Inspecteur général honoraire de l’Education nationale, Président du Cercle Jean Macé du Bas-Rhin. Madame : Régine BALTZ, vice-présidente de la Ligue de l’enseignement 67, Secrétaire du Cercle Jean Macé du Bas-Rhin. Messieurs : Jean-Marie GILLIG, Inspecteur honoraire de l’Education nationale Jean-Pierre HIRSCH, enseignant retraité, docteur en Histoire Charles MORITZ, Inspecteur de l’Education nationale Léon STRAUSS, Maître de conférences honoraire (Université de Strasbourg, Institut d’Etudes politiques). Le document présenté est le résultat de ses travaux. Il a été soumis au Bureau du Cercle et à son Conseil d’Administration. 2 Par rapport aux autres départements, l’enseignement du premier degré déroge au système d’enseignement public par la présence à l’école élémentaire, d’un enseignement religieux obligatoire, organisé dans les locaux scolaires. Les textes qui régissent l’organisation de l’enseignement dans les écoles du premier degré comprennent cet article : « La durée hebdomadaire de la scolarité des élèves dans les écoles élémentaires des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle est fixée à vingt-quatre heures et comprend obligatoirement une heure d’enseignement religieux » Les parents qui le désirent peuvent faire dispenser leur enfant de l’enseignement religieux par une déclaration écrite ou verbale faite auprès du directeur d’école, selon les dispositions définies par deux articles du Code de l’éducation. Nous connaissons l’origine de ce statut. Pendant près d’un demi-siècle la France et l’Alsace-Moselle ont suivi des chemins différents. En France, la IIIème République avait consacré la séparation des églises et de l’Etat, instauré un enseignement gratuit, obligatoire et laïque. Pendant cette période, l’Alsace et la Moselle deviennent une terre d’Empire. Un droit local va se former, constitué de deux sources : des dispositions françaises antérieures à l’annexion maintenues en vigueur par les autorités allemandes, mais aussi des dispositions allemandes mises en place sous l’annexion. Le travail demandé, nous a amenés dans un premier temps, à rechercher quels étaient les fondements du caractère obligatoire de l’enseignement de la religion à l’école élémentaire. Nous avons été conduits ensuite à analyser les évolutions du système scolaire dans une société beaucoup plus diverse qu’en 1919. Quelle est la part notamment aujourd’hui des élèves dont les parents ont demandé qu’ils soient dispensés de l’enseignement de la religion ? Nous sommes par ailleurs, dans une période où les réflexions sur l’efficacité de l’Ecole sont très présentes dans la société. Les évaluations se succèdent et sont publiques. Comment alors organiser la semaine scolaire sans réduire le temps consacré au programme national? Enfin, faute d’une réponse claire et complète en droit français ou local, nous avons dû nous orienter vers un cadre juridique plus large. Le statut de la religion en Alsace et en Moselle respecte-t-il les droits de l’homme et les libertés fondamentales ? La liberté de religion certes, mais aussi la liberté de pensée et de conscience, premier principe fondateur de la 3 laïcité ; le second principe, l’expression est empruntée à M.PENA-RUIZ, étant l’égalité de droits des tenants des trois options spirituelles : religion, conviction athée ou agnostique. Ces principes se retrouvent dans les articles 9 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ratifiée par notre pays. Cette Convention a un juge spécialisé : la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La dernière interrogation concernait donc la conformité du statut de l’enseignement de la religion dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle avec les libertés fondamentales garanties par les articles 9 et 14 de la Convention, au sens de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Dans l’un de ses articles, Edouard BOEGLIN, à propos du statut de la religion à l’école, écrivait que la question de fond était la suivante. Le fait d’être obligé de demander une dispense, à l’école, à un cours de religion obligatoire respecte-t-il les droits de l’homme et du citoyen ? A cette interrogation, la jurisprudence récente de la Cour Européenne des Droits de l’Homme apporte des éléments de réponse. Selon la Cour, la liberté de manifester sa religion et sa conscience a aussi une dimension négative, à savoir pour l’individu le droit de ne pas être obligé de manifester sa conviction. 4 Cercle Jean Macé du Bas-Rhin Proposition de modification des dispositions du Code de l’éducation applicables dans les écoles élémentaires des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Sommaire Présentation du contexte administratif et des choix stratégiques du Cercle. 1. Etat actuel du Code de l’éducation 1.1. Articles dont nous proposons la modification 1.2. Articles que nous citerons en référence 2. Exposé des motifs 2.1. Les fondements juridiques incertains du caractère obligatoire de l’enseignement de la religion à l’école élémentaire. 2.2. Une pratique de l’enseignement religieux en fort recul 2.3. Une autre organisation de la semaine scolaire 2.4. Une gestion difficile des ressources humaines affectées à l’enseignement religieux 2.5. Le caractère discriminatoire des demandes de dispense 3. Conclusion 4. Proposition de décret modifiant l’article D.481-2 et abrogeant les articles D. 4815 et D. 481-6 du Code de l’éducation Annexes : Convention de sauvegarde des droits de I' homme et des libertés fondamentales (articles 9 et 14) *Code de l’éducation. Partie réglementaire Livre IV : Les établissements d’enseignement scolaire Titre VIII : Dispositions applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle Section1 : Aménagement du statut scolaire local en vigueur dans les établissements du premier degré. 5 Présentation du contexte administratif et des choix stratégiques du Cercle. La loi N° 2003-339 du 14 avril 2003 portant ratification de l’ordonnance n°200-5498 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du Code de l’éducation a donné à ce code sa pleine valeur législative. « Ses dispositions se substituent à celles des lois codifiées et abrogées. C’est pourquoi, ainsi que l’a rappelé la circulaire ministérielle n°2000-101 du 4 juillet 2000 publiée au B.O. spécial du 13 juillet 2000, les références des lois d’origine doivent être systématiquement remplacées par les références correspondantes du Code de l’éducation, conformément aux tables de concordance publiées dans ce même B.O. » Les dispositions de nature réglementaire sont renvoyées à la partie réglementaire du Code de l’éducation. Conformément aux dispositions de la circulaire du n°2000_101 du 4 juillet 2000, pour l’élaboration de documents à valeur juridique, c’est aux dispositions du Code de l’éducation qu’il faut se référer. Le projet présenté se réfère expressément aux articles du Code de l’éducation. Dans un souci d’efficacité, le Cercle Jean Macé du Bas-Rhin a choisi la procédure réglementaire pour sa proposition d’aménagement du statut de l’enseignement de la religion dans les écoles élémentaires du Bas-Rhin, du Haut Rhin et de la Moselle. Le décret proposé supprime la demande de dispense. Il maintient l’organisation d’une heure hebdomadaire complémentaire de cours de religion pour les écoles élémentaires dans les locaux scolaires. Ce cours de religion devient un cours optionnel pour les élèves dont les parents en feront la demande. La durée de la semaine scolaire est ainsi fixée à vingt-quatre heures pour tous les élèves, dans le cadre du programme de l’enseignement national. Cet alignement sur les autres départements permettra une meilleure organisation des apprentissages définis par le programme national. 6 1. Etat actuel du Code de l’éducation. 1.1. Articles dont nous proposons la modification. Article D.481-2 « La durée hebdomadaire de la scolarité des élèves dans les écoles élémentaires des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle est fixée à vingt-quatre heures et comprend obligatoirement une heure d’enseignement religieux. Pour les trois dernières années de l’école élémentaire, l’horaire peut être porté par décision du recteur de l’académie à vingt-cinq heures, comprenant deux heures d’enseignement religieux, lorsque sont remplies les conditions nécessaires en ce qui concerne les effectifs et les enseignants. » Article D.481-5 « Les parents qui le désirent peuvent faire dispenser leur enfant de l’enseignement religieux, dans les conditions prévues à l’article D.481-6. » Article D.481-6 « Les enfants dispensés de l’enseignement religieux réglementaire par la déclaration écrite ou verbale et contresignée, faite au directeur d’école, par leur représentant légal reçoivent, aux lieu et place de l’enseignement religieux, un complément d’enseignement moral. Le registre d’appel reçoit, par les soins du directeur d’école, la mention de l’origine et de la date des lettres ou déclarations par lesquelles les représentants légaux des enfants dispensent ceux-ci de l’enseignement religieux. » 1.2. Articles que nous citons en référence Article L.481-1 « Les dispositions particulières régissant l’enseignement applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle y demeurent en vigueur. » Article L.321-3 « La formation primaire dispensée dans les écoles élémentaires suit un programme unique réparti sur les cycles mentionnés à l’article L.321-1 ; la période initiale peut être organisée sur une durée variable. Cette formation assure l’acquisition des instruments fondamentaux de la connaissance : expression orale ou écrite, lecture, calcul ; elle suscite le développement de l’intelligence, de la sensibilité artistique, des aptitudes manuelles, physiques et sportives. Elle offre un premier apprentissage d’une langue vivante étrangère et une initiation aux arts plastiques et musicaux. Elle assure conjointement avec la famille l’éducation morale et offre un enseignement d’éducation civique qui comporte obligatoirement l’apprentissage de l’hymne national et de son histoire. » Article R.481-1 (de même teneur que l’article L.481-1.) « Les dispositions particulières régissant l’enseignement applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle y demeurent en vigueur. » 7 2. Exposé des motifs. 2.1. Les fondements juridiques incertains du l’enseignement de la religion à l’école élémentaire. caractère obligatoire de Les dispositions réglementaires actuelles régissant l’enseignement dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle dans les établissements du premier degré, sont fondées sur un seul article de la partie législative du Code de l’éducation. Il s’agit de l’article L.481-1 ainsi rédigé : « Les dispositions particulières régissant l’enseignement applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle y demeurent en vigueur ». Cet article qui manque particulièrement de lisibilité, ne fait référence à aucun texte législatif. Cette absence de lisibilité des bases juridiques du statut scolaire est relevée par le président de l’Institut du Droit Local « Ce régime est peu lisible parce qu’il est composé de textes anciens fortement amendés dans leur application par la coutume administrative et par un consensus non écrit entre administration scolaire et autorités religieuses » Revue Droit Local* : n°40 février 2004. La loi n° 2003-339 du 14 avril 2003 de ratification de l’ordonnance n°2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du Code de l’éducation précisait pourtant, dans le second alinéa de son préambule, que « les références des lois d’origine doivent être systématiquement remplacées par les références correspondantes du Code de l’éducation, conformément aux tables de concordance publiées dans le Bulletin officiel du 13 juillet 2000. » L’article L. 481-1 ne fait pas, notons-le, référence à l’article 23 de la loi Falloux du 15 mars 1850, parfois invoqué pour justifier l’enseignement de la religion dans les écoles du premier degré. Il faut donc se référer à d’autres textes à caractère législatif pour tenter de définir le statut de l’enseignement de la religion dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. La loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements visés ci-dessus ne fait pas mention de l’enseignement de la religion à l’école. Seules sont citées parmi les lois locales dans l’article 7-alinéa 13 : « La législation locale sur les cultes et les congrégations religieuses » Les arrêts du Conseil d’Etat relatifs à la législation en vigueur pour le statut scolaire local renvoient à la loi locale du 12 février 1873 modifiée par l’ordonnance du Chancelier d’Empire en date du 16 novembre 1887 et notamment à un article 10A dont la traduction admise est la suivante : « Dans toutes les écoles, l’enseignement et l’éducation doivent tendre à développer la religion, la moralité et le respect des pouvoirs publics et des lois » source : Trad.in MINISTERE DE LA GUERRE, Organisation politique et administrative et législation de l’Alsace-Lorraine Paris 1918, t2, 243-249 *La revue du Droit Local est éditée par « l’Institut du Droit Local Alsacien-Mosellan » association de droit local créée en 1985, reconnue d’utilité publique par le Préfet en 1995 8 Cette traduction est reprise dans les mêmes termes par un arrêt du Conseil d’Etat du 23 mai 1958. Dans un autre arrêt du 6 avril 2001 n°219379, le Conseil d’Etat citant la loi du 12 février 1873 et l’ordonnance du 16 novembre 1887, considère que l’obligation d’assurer un enseignement religieux dans toutes les écoles des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, constitue une règle de valeur législative s’imposant au pouvoir réglementaire. Il s’agit donc d’une obligation pour l’Etat d’organiser cet enseignement. Les conditions dans lesquelles l’organisation s’impose à l’état, relève alors du pouvoir réglementaire. 2.2. Une pratique de l’enseignement religieux en fort recul Dans un rapport public de l’Inspection générale de l’Education nationale d’octobre 2006 : « Evaluation de l’enseignement dans l’académie de Strasbourg», le groupe de sept inspecteurs généraux, à propos du «domaine religieux » souligne la diminution du nombre des élèves participant à l’enseignement de la religion dans les écoles élémentaires, dans les termes suivants : « Une pratique de l’enseignement religieux en fort recul. (plus de la moitié des élèves des établissements visités ont sollicité une dérogation pour ne plus suivre l’heure hebdomadaire ». La directrice adjointe chargée de l’information et de la communication au Service diocésain de l’enseignement et de la catéchèse, fait le même constat : « L’école élémentaire : Sur les cinq dernières années, on observe une nette érosion du taux de participation dans les écoles primaires, 71% en 2006-2007, 63,7% en 2010-2011. L’érosion dans le Haut-Rhin s’est accentuée de 9,5 points en quatre ans. » Revue : Carrefours d’Alsace n° 992 septembre 2011. En fait, les moyennes citées, d’une part, ne sont pas significatives : un tiers des écoles, la plupart urbaines, ne répondent pas à l’enquête menée par les Inspections académiques. Elles masquent, d’autre part, des disparités très fortes entre zones rurales et centres urbains. A Mulhouse le taux de participation est de 21% pour l’année 20112012 et à Colmar 48%. A Strasbourg, le taux moyen de participation à l’enseignement religieux est de 33% pour les écoles (37 sur 54) qui ont répondu à l’enquête de l’Inspection Académique. Les informations obtenues directement auprès de certaines écoles de la ville, montrent que les taux de participation sont là de l’ordre de 15 à 20%. C’est dire que dans ces écoles, plus de quatre élèves sur cinq ne suivent pas l’enseignement religieux. Ils reçoivent alors «un complément moral» dont on peut, depuis la circulaire du 25 août 2011 imposant à tous les élèves une instruction civique et morale, s’interroger sur les modalités d’application. 2.3. Une autre organisation de la semaine scolaire A l’école élémentaire, depuis 1968, l’horaire hebdomadaire obligatoire est passé de trente à vingt–quatre heures. En Alsace et en Moselle l’inclusion du cours de religion dans cet horaire réduit encore le temps consacré aux enseignements définis dans le programme national. Cette réduction n’est pas sans conséquences sur l’organisation des apprentissages. 9 Dans une enquête de janvier 2009 concernant les programmes de 2008 l’Inspection générale relève que leur application est plus difficile dans les académies dont les statuts sont dérogatoires. C'est-à-dire les académies dans lesquelles les élèves reçoivent, du fait de particularismes régionaux, d’autres enseignements que ceux définis dans les programmes de 2008. « Ces enseignements étaient jusqu’alors intégrés aux vingt-six heures d’enseignement dues aux élèves, ils devraient être dispensés dans le cadre des vingt-quatre heures hebdomadaires sans affecter les soixante heures dédiées à l’aide individualisée.» L’observation se poursuit en ces termes : «Sans dispositions nouvelles, certains élèves, que leurs parents soient volontaires pour ces enseignements, ou seulement parce qu’ils vivent dans certains territoires, connaîtront une baisse significative des horaires d’une partie des enseignements obligatoires, ce qui risque de compromettre leur parcours scolaire, et ce qui semble contestable sur le plan de l’égalité républicaine ». Le rapport se termine par cette interrogation : « Pour éviter que la richesse d’une culture régionale ne se traduise par l’impossibilité à tous les élèves de maîtriser les programmes, ne convient-il pas d’étendre de manière dérogatoire la durée de l’enseignement hebdomadaire ? » Cette prise de position de l’Inspection générale de l’Education nationale, rejoint notre proposition de consacrer intégralement les vingt-quatre heures hebdomadaires à la mise en œuvre du programme national défini par l’arrêté du 9 juin 2008 fixant les horaires des écoles maternelles et élémentaires. 2.4. Une gestion difficile des ressources humaines affectées à l’enseignement religieux Dans le rapport de l’Inspection générale de l’Education nationale de 2006, cité au paragraphe 2, le groupe des sept inspecteurs généraux évoquait l’organisation de l’enseignement de la religion en ces termes: « une gestion difficile des ressources humaines affectées à ces tâches (temps partiel, temps partagés, montée du nombre de contractuels…) rendues plus contraignantes, source de malaise chez les intéressés et compliquant les rapports avec les autorités religieuses. » Cette organisation est de la responsabilité des directrices et des directeurs des écoles élémentaires. Il leur appartient de fixer le nombre d’heures nécessaires pour toutes les classes et par confession, en fonction du nombre d’élèves qui recevront cet enseignement. Les accords négociés entre les autorités diocésaines et académiques pour l’organisation de l’instruction religieuse sont matériellement souvent difficiles à appliquer voire à accepter : organisation d’un enseignement à partir d’un effectif de six élèves ; dédoublement des classes au-delà de 28 à 29 élèves. Dans une circulaire du 10 mai 2011, l’Inspecteur d’académie du Bas-Rhin a dû préciser qu’il « n’est pas prévu de rétribution pour des heures dispensées à des groupes de moins de cinq élèves ». Une précision qui souligne, indépendamment des problèmes de rémunération, les difficultés d’organisation dans certaines écoles élémentaires. 10 2.5. Le caractère discriminatoire des demandes de dispense Les articles D. 481-5 et D. 481-6 du Code de l’éducation imposent aux parents qui désirent que leur enfant ne suive pas l’enseignement religieux, de demander une dispense. La Cour européenne des droits de l’homme a rappelé que la liberté de conscience protégée par l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, inclut un «aspect négatif», ne pas croire ou ne pas être obligé de manifester sa croyance ou sa «non croyance». L’importance de cette jurisprudence est signalée par plusieurs juristes. « Les affaires Sinan Isik c. Turquie, Grzelak c. Pologne et Dimitras et autres c. Grèce, soulignent la place croissante faite à la dimension négative de la liberté de religion, à savoir «le droit pour les individus de ne pas être obligés de révéler leur foi ou croyances religieuses». Il en résulte qu’il y aura ingérence dans la liberté négative de religion «lorsque l’Etat crée une situation dans la quelle les individus directement ou indirectement - sont obligés de révéler qu’ils ne sont pas croyants »* La demande de dispense que l’institution scolaire impose à tous les parents qui désirent que leur enfant ne suive pas l’enseignement de la religion, constitue bien une obligation de manifester sa « non croyance ». Pour la Cour européenne des droits de l’homme, le fait d’être contraint de manifester sa « non croyance » constitue une violation de l’article 9 – Liberté de pensée, de conscience et de religion- en conjonction avec l’article 14 – Interdiction de discrimination- de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. 3. Conclusion Pour conclure nous proposons, en nous appuyant essentiellement sur la jurisprudence visée ci-dessus, un décret qui supprime la demande de dispense. Le cours de religion devient ainsi un cours qui a le statut de complément optionnel organisé pour les élèves dont les parents en feront la demande. Sa durée demeure fixée à une heure hebdomadaire et ce cours est organisé dans les locaux scolaires. La durée de la semaine scolaire est fixée à vingt-quatre heures pour tous les élèves des écoles élémentaires, dans le cadre de l’enseignement national. Cet alignement sur les autres départements permettra une meilleure organisation de la semaine scolaire. Le deuxième alinéa de l’article 1 introduit les dispositions en faveur des élèves rencontrant des difficultés. Ces dispositions ne figurent pas actuellement dans le texte applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. * source : « La recevabilité des requêtes devant la Cour européenne des droits de l’homme : le cas de l’article 9 » Anne Fornerod, page 189 de l’ouvrage : Des requêtes devant la Cour européenne des droits de l’homme - sous la direction de Pascal Dourneau-Josette et Elisabeth Lambert Abdelgaward Editions du Conseil de l’Europe - Strasbourg juillet 2011 11 4. Proposition de décret modifiant l’article D.481-2 et abrogeant les articles D. 481-5 et D. 481-6 du Code de l’éducation Vu le Code de l’éducation, notamment les articles : L.481-1 ; L.321-3 ; R.481-1 Article-1 L’article D. 481-2 du Code de l’éducation est remplacé par les dispositions suivantes : - La durée de la semaine scolaire dans les écoles élémentaires des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est fixée à vingt-quatre heures pour tous les élèves, dans le cadre de l’enseignement du programme national. - Les élèves rencontrant des difficultés d’apprentissage peuvent bénéficier de deux heures d’aide personnalisée dans les conditions fixées par l’article D. 521-15. - Une heure complémentaire de cours optionnel de religion sera organisée pour les élèves, dont les parents en feront la demande. Article-2 Les articles D. 481-5 et D. 481-6 sont abrogés 12 ANNEXE 1. Convention de sauvegarde des droits de I' homme et des libertés fondamentales ARTICLE 9 Liberté de pensée, de conscience et de religion 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ARTICLE 14 Interdiction de discrimination La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.