Syndrome prémenstruel, envie de sucre et sérotonine

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Syndrome prémenstruel, envie de sucre et sérotonine
abécédaire
Syndrome prémenstruel, envie
de sucre et sérotonine
Près de 80% des femmes ressentent avant les règles des troubles
physiques tels que rétention d’eau,
mastodynies, céphalées, ballonnement et des troubles psychiques
tels que envie de sucreries, irritabilité, humeur dépressive. Les
symptômes sont absents entre le
quatrième et le treizième jour du
cycle. Chez 30% des femmes,
ces symptômes sont plus sévères
et constituent le syndrome prémenstruel (SPM). Dans 5% des
cas, ce syndrome induit un véritable handicap se répercutant sur
la vie familiale et professionnelle.
On parle alors de dysphorie prémenstruelle (ou premenstrual dysphoric disorder = PMDD).1
Les fluctuations hormonales survenant au cours du cycle menstruel et notamment la chute de la
progestérone et des œstrogènes
qui précède la survenue des règles,
peuvent expliquer les symptômes
survenant juste avant les règles.
En effet, la progestérone a une action diurétique (en occupant les
récepteurs pour l’aldostérone), et
une action anxiolytique et sédative
(en agissant sur les récepteurs
GABA), via sa transformation en
allopregnanolone, un neurostéroïde.2 Cela peut expliquer que la
chute de la progestérone s’accom­
pagne d’une rétention d’eau et
d’une irritabilité. L’humeur dépressive précédant les règles pourrait
être liée à la chute des œstrogènes, qui ont une action sur la
synthèse cérébrale de sérotonine.
Cette dernière varie au cours du
cycle, en particulier en cas de
SPM,3 ce qui a pu être démontré
par des PET-scans.4 Le rôle des
stéroïdes sexuels dans le SPM est
indéniable vu la disparition des
symptômes en cas de cycle anovulatoire, après ovariectomie ou
induction d’une ménopause artificielle.1 De plus, l’administration en
phase lutéale d’œstrogènes
semble aggraver les symptômes et
celle de progestérone a un effet
controversé.1
En revanche, le rôle de la sérotonine dans le SPM est plus évident.
La plupart des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (SSRI)
sont en effet efficaces dans le traitement du PMDD et ils agissent
immédiatement, au point que l’on
peut se contenter de les prescrire
en deuxième phase du cycle.5 Ils
pourraient agir en augmentant la
synthèse intracérébrale d’allopregnanolone.6 Ils constituent le traitement de choix en cas de
PMDD.1,5
L’administration de la pilule en
continu ou de patchs d’œstrogènes pendant la phase d’arrêt de
la pilule, peut atténuer les migraines cataméniales 7,8 (qui ne
font cependant pas partie du
SPM). Ces migraines répondent
bien aux triptans (agonistes des
récepteurs sérotoninergiques 5
HT1).
La chute de la sérotonine pourrait
être à l’origine de l’envie de sucre
survenant avant les règles. La
prise d’aliments sucrés favorise la
synthèse intracérébrale de sérotonine en facilitant l’entrée dans le
cerveau du tryptophane. Cet
acide aminé, précurseur de la sérotonine, est en compétition avec
d’autres acides aminés (leucine,
isoleucine, valine) pour traverser la
barrière hémato-encéphalique.9
Or ces derniers diminuent davantage que le tryptophane sous l’effet de l’insuline, facilitant l’entrée
du tryptophane dans le cerveau et
la synthèse de sérotonine, abaissée lors de la chute prémenstruelle des œstrogènes.10
Parmi les autres médicaments
ayant démontré une supériorité
par rapport au placebo dans le
SPM, on peut mentionner le carbonate de calcium (1200 mg/j), le
tamoxifène et la bromocriptine
pour les mastalgies, la spironolactone pendant la phase lutéale pour
la rétention hydrique, et plus récemment la drospirénone, un progestatif ayant une action antagoniste de l’aldostérone, combinée
avec l’éthinyl estradiol (Yasmin).1,8
Les pilules contraceptives et les
anti-inflammatoires permettent
surtout de diminuer la dysménorrhée. Dans des cas de PMDD sévères, on peut supprimer les
symptômes en induisant une ménopause artificielle par des agonistes de la gonadolibérine. La vitamine B6, le magnésium, les
progestatifs, l’acide g linoléique
n’ont pas prouvé leur efficacité.1
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Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 11 août 2010
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