Jean DEBRIE, Emmanuel ELIOT, Martin SOPPÉ

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Jean DEBRIE, Emmanuel ELIOT, Martin SOPPÉ
M@ppemonde
Un modèle transcalaire des nodalités et polarités
portuaires. Exemple d’application au port de Hambourg
Jean DEBRIE, INRETS,
Emmanuel ELIOT, Martin SOPPÉ, Université du Havre
Résumé.— Un modèle général d’articulation des différentes échelles du transport maritime, du terminal
portuaire à l’espace mondial, est proposé puis appliqué au cas du port de Hambourg. On voit que l’inscription
d’un port dans un processus de desserte maritime et terrestre se fait en fonction d’une double logique de
nodalité et de polarité.
Aire de marché • Échelle • Hambourg • Modélisation graphique • Nœud • Pôle • Port
Abstract.— A transcalar model of port nodalities and polarities. Application to the port of Hamburg.—
The scale of port terminals and that of the global space of maritime transport are linked via differentiated
reticular patterns. Between the two scales, the integration of a port into a servicing process combining
maritime and terrestrial activities thus reflects a pattern of both nodality and polarity generated by different
actors. A general transcalar model is proposed and then applied to the case of the port of Hamburg.
Graphic modelling • Hamburg port • Market area • Node • Pole • Scale
Resumen.— Un modelo transescalar de las nodalidades y polaridades portuarias. Ejemplo de
aplicación al puerto de Hamburgo.— Se propone, y se aplica al caso del puerto de Hamburgo, un modelo
general de articulación entre distintas escalas del transporte marítimo, desde el terminal portuario hasta el
espacio mundial. Aparece que la inscripción de un puerto en un proceso juntando actividades marítimas y
terrestres traduce una doble lógica de nodalidad y de polaridad.
Area de mercado • Escala • Hamburgo • Modelización gráfica • Nudo • Polo • Puerto
Fonctionnalité portuaire (remarques introductives)
La fonctionnalité portuaire d’interface semble actuellement réduite par le processus d’articulation des chaînes logistiques qui se développe à l’échelle du monde. Ce processus,
animé par quelques grands opérateurs mondiaux, ferait des ports de simples points dans
un réseau global, plutôt que des portes d’entrée d’arrière-pays stables et contrôlés. La
notion même d’arrière-pays portuaire tendrait à disparaître au profit d’une figure géographique caractérisée par un binôme réseau/espace concurrentiel global. Mais s’il est vrai
que les pratiques en cours des grands armateurs, manutentionnaires ou transitaires sont
totalement mondialisées, elles ne sont pas pour autant « déspatialisées ». Dans un champ
effectivement concurrentiel, elles correspondent toujours à des logiques d’articulation des
réseaux et des espaces localisés de production et de consommation. Au-delà des discours
stéréotypés inscrits dans le paradigme du « tout réseau », partant au contraire de
recherches scientifiques qui ont permis d’identifier précisément les modalités de la mise en
réseau des ports par les opérateurs mondiaux (Slack, 1994, 1996 ; Van Klinck, 1998 ;
Frémont, Soppé, 2005) et ses conséquences sur l’évolution des hinterlands (Charlier,
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1
1987, 1993 ; Notteboom, 1998 ; Dubreuil, 2005) on propose ici une tentative d’éclairage des
logiques d’articulation portuaire1.
Situation portuaire : nodalité et polarité
L’appréhension des dynamiques d’un arrière-pays portuaire peut être envisagée sous
l’angle de la situation, entendue ici comme inscription d’un ensemble (portuaire), dans un
environnement relationnel. Entre réseaux mondiaux et aires de marché, la situation portuaire est déterminée par l’intégration des différentes échelles dans un processus de
desserte articulant les activités maritimes, portuaires et terrestres. Cette articulation relève
d’une double logique de nodalité et de polarité. La nodalité se définit par rapport aux fonctionnements internes des réseaux. Un nœud est alors le point de croisement et d’articulation des lignes dans les réseaux fonctionnels des opérateurs. La polarité se réfère aux
surfaces desservies. Elle se définit en fonction des espaces « ressources » animés (par les
pôles) qui peuvent être appelés « arrière-pays ». La distinction nœud et pôle renvoie donc
au couple géographique réseau/surface (fig. 1).
Ce couple général nœud / pôle a déjà été travaillé notamment dans les recherches sur
les transports et en particulier maritimes. Les concepts de centralité et d’intermédiarité
(intermediacy) posés par Fleming et Hayut (1994) pour définir les évolutions engendrées
par la conteneurisation renvoient ainsi directement à la capacité de traiter et d’attirer les
trafics dits de connexion entre les lignes des réseaux (intermediacy) et à la capacité de
générer des trafics en fonction des arrière-pays desservis (centrality). Les travaux sur les
hubs ont été d’ailleurs largement développés dans la littérature sur les transpors, traduction
d’un intérêt plus général sur la nodalité et le fonctionnement des réseaux (O’Kelly, Miller,
1994). Dans l’appréhension des arrière-pays portuaires, l’analyse de la littérature existante
démontre ce passage progressif du triptyque portuaire (avant-pays – ports – arrière-pays),
identifié dans les années 1970 (Vigarié, 1979), dans lequel l’arrière-pays est défini de
manière surfacique (par addition des aires de marchés), au réseau portuaire voire aux
ports-réseaux, dans une perspective qui privilégie l’analyse des pratiques réticulaires des
grands opérateurs du transport et de la logistique. Dans une production récente, une
typologie transscalaire de la ville portuaire a ainsi été proposée (Frémont, Ducruet, 2004).
Elle met l’accent sur les modes d’inscription réticulaire des villes portuaires et sur la
gradation entre les fonctions de nœud et de lieu central, sans toutefois véritablement
identifier les conditions de l’articulation entre les échelles proposées (local, régional,
mondial) et de l’inscription des réseaux dans les surfaces desservies. L’analyse des
conditions d’articulation entre ces propriétés surfaciques et réticulaires est généralement
peu abordée, ce qui justifie la poursuite de travaux basés sur le couple général nodalitépolarité appliqué aux questions de situation portuaire.
FIGURES ÉLÉMENTAIRES
COMBINAISONS POSSIBLES
Réseau
Point
Nodalité
Ligne
Réseau et aires
Surface
2
Polarité
1. Les figures élémentaires et
combinaisons possibles
Le système portuaire peut être
appréhendé à l’aide des trois figures
élémentaires de l’espace géographique (point, ligne, surface). Cellesci se combinent pour produire les
logiques de nodalité (fonctionnement
interne du réseau) et de polarité
(articulation du réseau et des aires
de marché).
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Nodalité et polarité portuaire : un modèle
La nodalité décrit les modalités de l’intégration de la place portuaire dans les réseaux ainsi
que son « potentiel » de situation. Pour reprendre l’expression de Jean-Marc Offner, « les
réseaux déterminent les échelles » et offrent « des potentialités de nouvelles interdépendances que les structures de marché et les stratégies d’acteurs prendront ou non en
considération » (Offner, 2000). La proposition graphique générale (fig. 2) représente les
logiques spatiales d’inscription d’un port dans l’ensemble des échelles possibles, et ce
dans un environnement mondialisé.
MODÈLE GÉNÉRAL
ÉCHELLES
CARACTÉRISTIQUES
Monde
Centralité
dans le système de transport
globalisé, hiérarchisation,
axialisation
Range
Régionalisation
des réseaux maritimes
Arrière-pays
continental
Axialisation
(sélection de lignes directes
et renforcement des connexions
entre les pôles)
Arrière-pays
proche
Arbre hiérarchisé
(transport et relais locaux
de distribution avec leurs aires
respectives)
Treillage
urbano-portuaire permettant
la connexion avec les aires
de marché
Ville
Port
Faisceau
(transport continental)
ou transfert
(transbordement)
Terminal portuaire
Spécialisation :
un système productif logistique
fondé sur une logique
de contact
Type de point
maritime
continental
contact terre /mer
Debrie J., Eliot E., Soppé M., 2005, INRETS, FRE IDEES
2. Un modèle général : nodalités et polarités portuaires
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Échelles
L’échelle « locale » de cette intégration correspond à des logiques de contiguïté et de concentration. La plate-forme portuaire est un système productif s’appuyant sur les mécanismes d’économie d’échelle et de clusters qui permettent la rationalisation des activités.
Cette plate-forme est intégrée aux réseaux maritime et terrestre. C'est un lieu caractérisé
par des fonctions d'articulation et de friction. Ce sont les faisceaux (transport continental,
fig. 2) qui assurent l’articulation avec le niveau urbano-portuaire, niveau de proximité à
l’échelle de l’aire urbaine. Les niveaux supérieurs correspondent à la desserte terrestre
portuaire avec une gradation des distances entre arrière-pays proche et arrière-pays
continental. Situées aux distances maximales de desserte, les marges concurrentielles de
l’arrière-pays représentent la concurrence entre les ports de l’espace régional dans
l’exercice de la fonction d’articulation des deux niveaux réticulaires « région » et « monde ».
Enfin, l’inscription du port au sein des réseaux maritimes assure les articulations à l’échelle
la plus élevée, celle de l’espace global. Il s’opère à ce niveau une forte hiérarchisation
portuaire, l’insertion du port dans les réseaux maritimes fait intervenir à la fois les formes
d’articulation maritime/terrestre et celles qui sont propres aux réseaux maritimes (type
hub). L’évolution des premiers niveaux identifiés (plate-forme portuaire/niveau local)
dépend des contraintes imposées par les acteurs de l’espace global, contraintes qui
traversent l’ensemble des niveaux identifiés.
Nodalité et polarité : un système d’acteurs
La proposition graphique suivante représente le système d’acteurs animant la desserte
portuaire et leur participation aux logiques propres de nodalité et de polarité (fig. 3). La
fonctionnalité nodale, c’est-à-dire la logique interne au réseau, a été largement modifiée ces
vingt dernières années par les pratiques des armements maritimes et des grands manutentionnaires devenus acteurs dominants de l’évolution portuaire. Dans une double logique
d’économie d’échelle et d’envergure, ces deux secteurs d’activité maritimes (armateurs, manutentionnaires) ont été marqués par des processus d’internationalisation et de concentration
aboutissant à la formation de quelques oligopoles qui façonnent les réseaux mondiaux. La
mise en place par ces acteurs des réseaux hub & spokes à l’échelle du monde (réseau étoilé)
privilégie des logiques de concentration sur des ports pivots (hubs) d’où s’organise la
redistribution et l’éclatement des trafics par transbordement vers des ports secondaires. Elle
obéit à une logique nodale et donc à une articulation, réalisée au sein de la plate-forme portuaire, de réseaux maritimes mondiaux et régionaux sans relation avec l’arrière-pays.
La fonction de polarité, qui correspond au drainage de l’arrière-pays, est produite par le
jeu croisé des différents acteurs. Les armateurs et les manutentionnaires, acteurs de la mise
en réseau généralisée, sont bien sûr présents à tous les niveaux, de la plate-forme aux
marges concurrentielles. Sans tout à fait aboutir à une réelle intégration verticale de
l’ensemble des systèmes productifs nécessaires à l’acheminement de bout en bout (Debrie,
2004), ces deux catégories d’acteurs développent des montages coopératifs divers avec les
opérateurs de transport terrestre. Ils sont alors associés avec les entreprises et opérateurs
ferroviaires, fluviaux et routiers et les prestataires logistiques sur les différents segments
terrestres (catégorie « transporteurs terrestres » dans la présentation graphique). Les autorités portuaires, malgré des statuts divers et certaines actions dans le champ de la desserte
terrestre, participent surtout à l’animation des niveaux portuaire et urbano-portuaire et
cherchent à valoriser leur inscription dans la double logique de nodalité (attirer les trafics de
transbordement) et de polarité (renforcer la desserte des arrière-pays).
4
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DES COMPÉTENCES D'ACTEURS SELON LES ÉCHELLES
UN SYSTÈME D'ACTEURS
ARMATEURS
«TRANSPORTEURS
TERRESTRES»
MANUTENTIONNAIRES
AUTORITÉS
PORTUAIRES
NODALITÉ
POLARITÉ
Monde
Range
Arrière-pays continental
ARMATEURS
TRANSPORTEURS
TERRESTRES
MANUTENTIONNAIRES
Arrière-pays proche
Ville
AUTORITÉS PORTUAIRES
Terminal portuaire
Port
Terminal portuaire
LES ACTEURS DE LA CONNEXION ENTRE LES ÉCHELLES
NODALITÉ
POLARITÉ
Arrière-pays continental
Monde
Arrière-pays proche
Range
Ville
Terminal portuaire
Port
Terminal portuaire
Entre réseaux mondiaux et aires de marché, la situation portuaire est déterminée par l'intégration de différentes échelles
dans un processus de desserte articulant les activités maritime, terrestre et portuaire. Cette articulation relève d'une double
logique de nodalité et de polarité. Les modèles graphiques représentent la participation des différents acteurs du système
au niveau de chaque échelle et entre les échelles pour les deux logiques (nodalité, polarité).
Debrie J., Eliot E., Soppé M., 2005, INRETS, FRE IDEES
3. Les acteurs et leurs compétences
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La situation portuaire, et donc le potentiel, dépend alors de la place du port par rapport
à ces bornes identifiées (nodalité/polarité) et de l’articulation de ces deux fonctions.
L’application de ce modèle général au cas du port de Hambourg, en plein essor
actuellement, permet d’illustrer les différentes logiques portuaires et offre l’occasion de
mettre en évidence le rôle des fonctions d’articulation.
Ébauche d’une analyse transcalaire : l’exemple du port de Hambourg
Hambourg est exemplaire à triple titre. D’une part, l’augmentation des trafics traités depuis le
début des années 1980, et plus encore depuis 1990, la progression des parts de marché
dans le range nord2 témoignent d’une mise en situation extrêmement rapide du port de
Hambourg parmi les plus grands ports européens (9e port mondial, 2e port européen,
7 millions d’EVP3 en 2004.) La croissance du port de Hambourg explique largement l’érosion
notable des parts de marché du port de Rotterdam (Kuippers, 2002). D’autre part, cette
progression repose sur le secteur du conteneur, à partir duquel se sont renouvelées les
logiques de réseau et donc reconfigurées les pratiques de desserte portuaire. Ce secteur a
été développé en priorité par le port de Hambourg (fig. 4), d’une façon d'ailleurs plus radicale
que ses concurrents européens (64 % du tonnage conteneurisé en 2004, contre 23 % et 45 %
à Rotterdam et Anvers par exemple). Ceci témoigne de modalités particulières d’inscription
dans les différentes échelles identifiées précédemment. Enfin, alors que les autres grands
ports européens de Rotterdam et Anvers tirent la majorité de leurs trafics de leurs arrière-pays
proches (80 % du trafic d’Anvers est par exemple concentré dans un rayon de 200 km,
Cuypers, 2001), le trafic de Hambourg est caractérisé par des relations de plus grande
portée, en direction de l’Europe centrale et orientale notamment.
Évolution des parts de marché des principaux ports européens
Trafic conteneurisé (EVP), 1970 - 2004
50
45
% du marché
40
35
Rotterdam
30
Anvers
25
Le Havre
20
Hambourg
15
Bremerhaven
10
5
0
1970
1975
1980
1985
1990
1995
année
2000
2004
Source: statistiques portuaires
En 2004, Hambourg est le 9e port à conteneurs dans le classement mondial en nombre de conteneurs
(EVP). L'évolution des parts de marché montre une nette affirmation du port allemand par rapport à
ses concurents européens.
4. Les parts de marché des principaux ports européens
6
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Kö
Les différents niveaux du
modèle général sont applibe
El
qués au cas du port de
Autor
ou
te
E3
PORTE-CONTENEURS
TERRE-PLEIN
Hambourg, en prenant en
PORTIQUES
considération à la fois la
ENTREPÔTS /
dimension de l’organisation
ZONE LOGISTIQUE
nodale et celle de l’inscription
Terminal ferroviaire
dans les aires de marché.
L’articulation de ces deux
STOCKAGE DE CONTENEURS
dimensions permet de définir
le fonctionnement portuaire.
FEEDER /
Bassin Waltershof
BARGE
Les terminaux portuaires,
L'agencement optimisé des activités et fonctions
têtes de pont du système
d'un terminal à conteneurs sur une étendue limitée
(niveau terminal du modèle),
sont contrôlés à Hambourg 5. Schéma du terminal Buchardkai à Hambourg
par deux grands groupes :
HHLA (Hamburger Hafen- und Lagerhaus-AG), créé par la communauté portuaire locale,
et Eurogate, issu de la fusion entre deux opérateurs privés Eurokai et BLG. Les terminaux
sont la matérialisation des principes de rationalisation des coûts et d’un haut niveau
d’intégration logistique (fig. 5). Les quatre terminaux à conteneurs (Buchardkai, Hamburg,
Altenwerder et Tollerort de capacité annuelle de 6,82 M EVP qui sera doublée d’ici 2008)
sont connectés à des terminaux ferroviaires reliés aux lieux de destination par des trains
complets. Les terminaux les plus récents intègrent les dernières technologies puisque la
plupart des opérations de déchargement/chargement sont entièrement automatisées
(niveau port) (fig. 6). La ville-État de Hambourg participe, par l’intermédiaire de HHLA, à la
coordination des opérations de circulation des marchandises, connectant ainsi le réseau de
transport urbano-portuaire avec les niveaux supérieurs (fig. 7). Le réseau ferroviaire ancien
et dense issu de la révolution industrielle a ici servi de support.
La composition de l’arrière-pays (niveaux arrière-pays proche et continental) est révélatrice
du passage d’une situation périphérique en Europe occidentale (avant 1989) à une situation
centrale dans une Europe plus intégrée (après 1989). Contrairement aux deux autres grands
ports européens, Rotterdam
et Anvers, l'activité du port de
Interactions des acteurs publics/privés
dans le fonctionnement du port de Hambourg
Hambourg à l’échelle euroGouvernemental
Entreprise privée
péenne repose avant tout sur
le drainage d’un hinterland
Au service du navire
(pilotage, lamanage, gestion trafic etc.)
éloigné, composé de l’espace
Services généraux
continental national (fig. 8)
(aménagement, contrôle, police, douane etc.)
comprenant les grandes
Au service de la marchandise
régions industrielles émet(manutention, logistique, SI, etc.)
trices de trafic (Ruhr, Dresde,
Bavière, Bade-Wurtemberg,
Rôle mineur
D'après Port of Hamburg Handbook, 2003
etc.), auxquelles se sont
Rôle majeur
ajoutés les régions et États
Le schéma illustre les interactons et complémentarités entre les différents
d’Europe centrale à partir du
acteurs de l'espace urbano-portuaire
début des années 1990. Le
drainage de ces hinterlands 6. Interactions des acteurs publics et privés dans le
éloignés est assuré par un fonctionnement du port de Hambourg
hl
br
an
d
ADMINISTRATION
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7
système efficace de desserte
(fig. 9) notamment ferroviaire,
animé par sept opérateurs, dont
l'activité est assez étroitement
contrôlée par les manutentionnaires HHLA et Eurogate
(Polzug, Mestrans, BoxXpress,
par exemple.) Ceci est à mettre
en relation avec le fait que la voie
ferrée joue dans les ports allemands un rôle beaucoup plus
grand que dans les autres ports
européens. À titre d’exemple, le
transport sur les distances de
plus de 200 km à partir de
Hambourg est assuré à 70 % par
le fer (Dubreuil, 2002).
L’insertion dans les réseaux
maritimes à l’échelle mondiale est
l’expression d’un arbitrage entre
les logiques propres aux réseaux
maritimes et les contraintes ou
opportunités d’articulation entre
l’espace maritime et terrestre
(niveaux range nord et monde).
Elle implique essentiellement les
armements et les manutentionnaires. Les deux groupes
d’acteurs mènent aujourd’hui des
stratégies en réseau. Le manu7. Les possibilités d’articulations entre les différents modes tentionnaire Eurogate a, par
exemple, une politique de dévede transport
loppement multisite à l’échelle
européenne (le groupe est présent à Hambourg, Brême-Bremerhaven, La Spezia, Gioia
Tauro et Lisbonne). La confrontation entre ces deux logiques doit cependant être traitée avec
précaution : si l’insertion des ports dans les réseaux terrestres et les aspects organisationnels
affaiblissent la position de l’autorité portuaire, ils ne remettent pas « automatiquement » en
cause l’influence portuaire sur les arrière-pays traditionnels.
En somme, l’évolution récente du port de Hambourg met ainsi en évidence l’importance
des fonctions d’articulation et la pérennité de leur inscription dans l’espace. Hambourg a
été choisi, malgré sa position de fond d’estuaire, par les armements de lignes régulières
pour la desserte de l’espace européen. Les vingt premiers armements mondiaux (MaerskSealand, CMA-CGM, MSC…) y sont ainsi tous présents. Le basculement de la centralité
européenne, opéré à la suite de la chute du rideau de fer, et la continuité de l’espace
terrestre ainsi retrouvée ont permis au port de Hambourg de réactiver ses fonctions d’articulation entre l’espace terrestre et les réseaux maritimes : une position excentrée sur la
façade maritime devient alors un avantage. La bonne desserte ferroviaire de Hambourg lui
permet ainsi d’assurer une fonction d’articulation entre les échelles région et monde. Cette
8
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articulation est non seuleRéseau de distribution de la vente au détail: entreprise Tchibo
ment assurée par des liens
Distribution hiérarchisée en flux tendus depuis les ports de Hambourg et Bremerhaven
terrestres en direction des
pays d’Europe centrale et
occidentale (PECO) mais
Bremerhaven Hambourg
aussi par la fonction de
Brême
hub d’éclatement pour
Pologne
l’espace de la Baltique
Rangsdorf
Pays-Bas
(fig. 10) qui n’est pas desservi directement par les
Herne
Belgique
grands services maritimes
Lux.
Rép. Tchèque
(1,5 m TEU en 2004).
Heppenheim
Neumarkt
Il convient toutefois de
Slovaquie
Vienne
nuancer cette approche qui
France
Autriche
prend uniquement en conHongrie
Suisse
sidération la chaîne logisSlovénie
Italie
Croatie
tique et les opérateurs de
0
100
200
300
400 km
transport. Il semble en effet
Ports d'importation, 20 000 EVP/an
Importations
par
conteneurs
maritimes
depuis
l'Asie
important de rappeler ici le
Transfert du port vers l'entrepôt
rôle de relais/pôle commercial que cette ville s’est
Entrepôt : dépotage de conteneurs, stock 2 mois
Centre de distribution : préparation colis, stock 10 jours
forgé à travers le temps.
Distribution vers 26 000 points de vente : cycle hebdomadaire
Avant d’être un port, avant
Approvisionnement des centres de distribution (rail, route)
d’être une aire de producMarchés desservis
tion ou de grande consommation, Hambourg a été et
L'exemple du chargeur Tchibo illustre la structure hiérarchisée de la distribution qui est
alimentée par le transport maritime à partir d'une tête de pont (ports de Hambourg et
reste avant tout une place
Bremerhaven) et qui s'appuie sur des relais de distribution continentaux.
de commerce. Par son
appartenance au réseau 8. Le réseau de distribution de la vente au détail de l’entreprise
des places de la Hanse, Tchibo
Hambourg a depuis plusieurs siècles joué un grand rôle dans les relations commerciales, tant dans l’espace de la
Baltique que dans une bonne partie de l’Europe centrale. Les liens commerciaux tissés avec
l’Extrême-Orient font également partie des relations privilégiées de Hambourg. Cette fonction
de place de commerce, associée à la fonction maritime (articulation des fonctions portuaires
avec les fonctions urbaines), a perduré dans le temps et semble réaffirmée avec l’ouverture
des PECO et la centralité retrouvée de l’espace allemand. Dans le contexte de globalisation,
l’émergence des NPIA (nouveaux pays industrialisés asiatiques), relayée par la croissance de
la République populaire de Chine, a réactivé la fonction d’articulation région / monde. Première
destination du port de Hambourg, la Chine représente ainsi 27 % de son trafic total.
L’analyse du port de Hambourg révèle donc une convergence forte avec le modèle
théorique proposé. Les fonctions d’articulation portuaire à et entre différentes échelles sont
ainsi un des principaux facteurs de son attrait et de son dynamisme.
Repères bibliographiques
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9
Hambourg
Poznan
Berlin
Varsovie
Dresde
Francfort
Nurernberg
Cracovie
Prague
Bratislava
Munich
Vienne
Budapest
Bâle
Transport ferroviaire
0
100
200
300
400 km
Transport fluvial
L'un des atouts du port de Hambourg est la desserte ferroviaire massifiée du centre et de l'est
européens. Elle s'est fortement développée à partir du début des années 1990 (chute du «rideau de fer»
et libéralisation ferroviaire en Europe)
9. Relations de Hambourg avec l’Europe continentale. Services réguliers de transport conteneurisé
au départ de Hambourg
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FRÉMONT A., SOPPÉ M. (2004). « Les stratégies des armateurs de lignes régulières en
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10
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Fréquence hebdomadaire des services
0
175
350
525
700 km
11
18
32
Le port de Hambourg joue traditionnellement le rôle de hub régional dans l'espace
de la Baltique.
Les conteneurs sont transbordés des grands porte-conteneurs sur des feeders
(petits navires) qui les distribuent dans les ports régionaux.
10. Hambourg, hub régional de la Baltique
MARCHAND J.-P., RIQUET P. (1996). Europe du Nord, Europe Médiane, Géographie
Universelle. Paris : Belin-Reclus, 480 p.
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intermodal networks ». Papers for IAME Panama 2002 : Maritime economics : setting the
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synthesis ». Journal of Transport Geography, n° 2, p. 31-40.
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11
Notes
1. Cet article s’inscrit dans une recherche plus globale menée sur les arrière-pays portuaires dans le cadre
du projet Ports et recompositions territoriales (programme CNRS/SHS « Recompositions transnationales »),
mené par le CIRTAI (Université du Havre), l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité
(INRETS) et l’Université de Hong Kong (Département de géographie).
2. L’ensemble des ports maritimes du Havre à Hambourg constitue le range nord-européen.
3. EVP : Équivalent Vingt Pieds. Unité de mesure du transport par conteneurs, correspondant à un conteneur
standard de 28/8/8,5 pieds (6/2,40/2,60 mètres, soit environ 36 mètres cubes)
Adresse des auteurs
Jean Debrie, Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité (Unité « Systèmes Productifs,
Organisation Logistique et Transports »). Courriel : [email protected]
Emmanuel Eliot, Martin Soppé, Centre Interdisciplinaire de Recherches en Transports et Affaires
Internationales, CIRTAI, Université du Havre. Courriel: [email protected] ; [email protected]
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M@ppemonde 79 (2005.3) http://mappemonde.mgm.fr/num7/articles/art05304.html

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