La synthèse - Plans climat Energie Territoriaux | 3e colloque national

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La synthèse - Plans climat Energie Territoriaux | 3e colloque national
Atelier n°08 : Organisation de la
stratégie énergie-climat en milieu
rural
Contextualisation
Yannick REGNIER
Réseau pour la transition énergétique (CLER)
Il faut rappeler en préambule quelques définitions : les Territoires à énergie positive (TEPOS),
dans la définition actuelle, visent un approvisionnement du territoire en énergies 100 %
renouvelables. Envisager le développement des territoires sous l’angle de l’énergie est un
bon moyen d’impliquer les territoires dans la dynamique des TEPOS. La précarité énergétique
notamment reste l’une des préoccupations principales des territoires.
À côté de ces contraintes, les territoires ruraux connaissent aussi des opportunités, incarnées
par leurs ressources renouvelables. Le CLER encourage les collectivités et les acteurs locaux à
conserver sur le territoire les bénéfices issus de ces nouvelles ressources.
Il faut aussi préciser que, dans une partie des territoires inscrits dans la dynamique TEPOS, il
n’existe pas de PCET à proprement parler. Le PCET est un bon outil, mais seulement s’il est
investi par tous les acteurs, ceci spécialement en milieu rural. La démarche TEPOS vise à
susciter une large adhésion et peut consolider les PCET existants.
Bilan d’une démarche TEPOS
Julien FRAT
En charge du Plan climat énergie territorial (PCET), Pays de l’Albigeois et des Bastides
Le territoire du nord-est du Tarn est composé d’une centaine de communes, pour
58 000 habitants. Il est sensible aux questions de l’énergie et du climat depuis 2007. Il s’est
doté d’un PCET en 2009 et a un contrat d’objectif territorial avec l’ADEME depuis 2010.
La consommation énergétique du territoire provient pour moitié des habitations et pour un
quart des transports. Les activités agricoles sont, elles, les principales émettrices de gaz à
effet de serre (GES). La production énergétique est assurée par les ressources forestières, un
parc éolien, de l’hydroélectricité et du solaire.
Les objectifs fixés au PCET sont classiques : « 3 x 20 » en 2020, « facteur 4 » en 2050, etc. En
2014, le territoire a choisi de s’orienter vers un statut TEPOS. Le budget annuel du PCET est
de 160 000 euros, dont la moitié dédiée aux actions.
Six objectifs ont été définis dans le cadre de la démarche TEPOS pour 2011-2014, et leur
application analysée :
- rénovation des bâtiments, avec un résultat très positif
- valorisation des énergies renouvelables ; il est encore trop tôt pour que des projets aient
émergé
- travail sur l’impact des déplacements ; ceux-ci restant la bête noire de tout territoire rural,
leur diminution doit devenir prioritaire
- recherche de complémentarité avec les démarches existantes ; les résultats sont ici très
satisfaisants
Plans climat énergie territoriaux – 3e colloque national
- adaptation au changement climatique ; le territoire rural n’est peut-être pas l’échelon le
plus indiqué pour cela
- réduction des émissions agricoles de GES ; rien n’a été fait pour le moment, l’effort est à
renforcer.
Une action en particulier est très aboutie : les nuits de la thermographie, durant lesquelles
un camion équipé d’une caméra infrarouge sillonne les villages pour repérer les sources de
déperdition de chaleur. Après les tournées du camion, des visites-conseil sont organisées
dans les habitations à forte déperdition. La logique de cette action est d’aller à la rencontre
des habitants, de leur faire comprendre qu’ils peuvent être accompagnés dans la rénovation
de leur logement.
Un projet-phare : TIPER
Delphine MAISONNEUVE
Chargée de mission énergie, Communauté de communes du Thouarsais
Le Thouarsais est un petit territoire de 33 communes au nord-est des Deux-Sèvres.
Le premier équipement à énergie renouvelable construit sur le territoire, une piscine solaire,
date des années 1980. En 2001, les élus ont voulu reprendre et prolonger cette démarche et,
en 2007, le territoire s’est lancé dans un PCET volontaire. En plus des objectifs « classiques »
(« 3 x 20 », « facteur 4 »), les élus ont adopté des objectifs plus ambitieux (neutralité
énergétique puis TEPOS).
Pour sensibiliser les élus aux démarches climat énergie, il faut du temps. Aujourd’hui, cette
politique fait consensus.
Le secteur agricole est le plus émetteur de GES, mais des progrès sont faits grâce à une
démarche CLIMAGRI. Le transport vient en deuxième place ; les solutions, ici, sont encore à
trouver. Pour le troisième émetteur, l’habitat, l’enjeu est double, à la fois climatique et
sociologique : de nombreux habitants se trouvent en situation de précarité énergétique.
Une action-phare de la démarche TEPOS est le projet « Technologies innovantes de
production d’énergies renouvelables » (TIPER). Il prend place sur un ancien site de stockage
de munitions de 70 ha – le ministère de la Défense offrait de restituer ces terrains et de les
dépolluer, à condition qu’émerge un projet d’exploitation. Le site comporte aujourd’hui, en
construction ou opérationnels, un parc solaire, des parcs éoliens et une usine de
méthanisation. Cette dernière est la propriété d’une Société par actions simplifiées (SAS) de
92 agriculteurs. La chaleur produite est vendue à un industriel voisin, et le digestat est
réutilisé par les agriculteurs. Une autre construction est en projet : une unité de
gazéification. La chaleur serait valorisée, à la sortie, dans un séchoir de plaquettes
bocagères.
L’enjeu essentiel du territoire, désormais, est la maîtrise de l’énergie : sans réduction des
besoins, celui-ci n’atteindra jamais les objectifs d’un TEPOS.
De la salle (Virginie FORMOSA, PCET d’Alsace du Nord)
La création de la SAS est-elle une initiative des agriculteurs ?
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Plans climat énergie territoriaux – 3e colloque national
Delphine MAISONNEUVE
Une idée a été semée par la personne à l’origine du TIPER. Il a ensuite fallu informer et
convaincre les agriculteurs.
Une structuration de l’action autour de l’énergie
Laure CHARPENTIER
Chef de projet énergie climat, Communauté de communes du Val de Drôme, Biovallée
Le territoire de la Biovallée s’étend sur un tiers de la surface du département de la Drôme. Il
compte 50 000 habitants.
En 2009, la région Rhône-Alpes lance le Grand projet Rhône-alpin (GPRA). Les élus locaux s’y
engouffrent. C’est alors le début d’une pléthore d’actions sur l’énergie, l’aménagement,
l’agriculture, etc. L’énergie ressort comme l’enjeu majeur de cette dynamique. La facture
énergétique du territoire de la Biovallée s’élève à 170 millions d’euros. Pour la collectivité, il
fallait trouver une façon de ramener ces fonds dans le territoire.
L’ambition de la Biovallée est de devenir TEPOS à l’horizon 2040. À l’horizon 2020, cela
représente une baisse de 20 % des consommations, avec une part de 25 % d’énergies
renouvelables.
Le plan qui en a résulté est très ambitieux. Il réclame une réflexion sur les outils financiers et
techniques. Une Société d’économie mixte (SEM) a été créée, pour permettre aux
collectivités de prendre des parts dans les projets. Les élus étaient satisfaits de la
proposition, mais avaient besoin d’un récit politique pour la « vendre » aux citoyens. Ils ont
construit eux-mêmes ce récit, en mettant l’accent sur les retombées locales de la dynamique
plutôt que sur les menaces contre lesquelles elle a vocation à lutter.
La Biovallée n’a ni structure, ni PCET. Les trois communautés de communes fonctionnent par
conventionnements. Il est possible de mener beaucoup d’actions de cette manière.
L’action-phare de la dynamique TEPOS de la Biovallée est le Dispositif opérationnel de
rénovation de la maison individuelle (DORéMI). L’idée est de travailler avec les artisans du
territoire, afin de se structurer pour être en mesure de rénover 600 logements par an d’ici
2020.
Echange avec la salle
De la salle (Pierre FAURE, conseil régional de Lorraine en charge de l’accompagnement des
territoires sur les PCET, TEPOS, etc.)
Avez-vous envisagé de vous saisir de la question du PCET pour faire remonter la thématique
du développement économique, qui incombe aux intercommunalités, au niveau du Pôle
d'équilibre territorial et rural (PETR) ?
Julien FRAT
er
Le Pays de l’Albigeois évoluera au 1 janvier 2015 vers un syndicat mixte, pour devenir PETR.
Cela impliquera de réfléchir de nouveau aux projets du territoire. L’idée de centraliser le
PCET à l’échelle du Pays se pose. Les communautés de communes garderont sans doute leurs
compétences, et s’appuieront sur le syndicat mixte pour la mise en œuvre.
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Plans climat énergie territoriaux – 3e colloque national
Delphine MAISONNEUVE
Le syndicat mixte du pays thouarsais a été dissous au début de l’année 2014. La compétence
énergie a été transférée à la communauté de communes du Thouarsais. Le territoire sera
bientôt obligé (comme tous les territoires de plus de 20 000 habitants, dans le cadre de la loi
de transition énergétique) de déposer un PCET, et il réfléchit déjà à la poursuite du plan
climat engagé.
De la salle (Timothée COUCHOUD, porteur de projet, entreprise Herrenknecht)
A quelle échéance, pensez-vous que le stockage d’énergie ou d’autres méthodes de flexibilité
dans le Thouarsais permettra d’aller au-delà des 35 % d’énergies renouvelables de votre
objectif TEPOS ?
Delphine MAISONNEUVE
Du fait de la réorganisation du territoire, la communauté de communes n’a pas encore mené
une démarche prospective à son échelle pour le moment. Cela étant, il vise le même horizon
temporel que les autres territoires, soit 2040-2050.
Yannick REGNIER
La recherche d’un équilibre instantané entre la production et la consommation d’énergie est
un objectif que pourrait introduire la nouvelle loi sur la transition énergétique via la
définition du TEPOS. Aujourd’hui, cela n’est pas la priorité des territoires engagés dans la
démarche. Néanmoins, un groupe de travail vient d’être initié au sein du réseau TEPOS sur la
question plus large de la gouvernance territoriale de l’énergie, pour évaluer la possibilité
pour les territoires de peser davantage sur les décisions dans ce domaine.
De la salle (Daniel LENOIR, conseil général de la Mayenne)
Il a été dit que certains élus avaient des difficultés à appréhender les questions d’énergie et
de climat. Les élus ont pour but de faire comprendre les politiques à la population. Les
chargés de mission l’ignorent souvent, mais ils ont le soutien des élus.
De la salle (Nicolas NOYON, ADEME Angers)
La Biovallée s’est donnée pour objectif d’être en mesure de rénover 600 logements par an.
A-t-il été envisagé d’accompagner l’autoconstruction, une solution pour les familles
modestes ?
Laure CHARPENTIER
Le territoire parle lui d’« autorénovation accompagnée ». Désormais, les professionnels
acceptent d’introduire une part d’auto-rénovation dans les chantiers DORéMI.
De la salle (Michel AURAMBOUT, vice-président chargé du développement durable,
communauté d’agglomération de Vichy-Val d’Allier)
Le monde agricole contribue à l’augmentation des GES. Une réflexion pourrait-elle être
menée pour impliquer les agriculteurs dans la transition énergétique ?
De la salle (Alexandra FLINOIS, chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine)
Il ne faut pas toutefois occulter le fait que les animaux entretiennent les prairies, et que les
prairies stockent du carbone.
Julien FRAT
C’est vrai, mais cela n’exonère pas pour autant les agriculteurs des efforts à faire en matière
de réduction des émissions de GES.
De la salle (Marie-Véronique GAUDUCHON, France Finance Participative)
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Plans climat énergie territoriaux – 3e colloque national
Quelles actions des territoires pionniers comme les vôtres mettent en place aujourd’hui pour
inciter la population à participer au financement des projets ?
Delphine MAISONNEUVE
Le premier projet reposant sur un financement citoyen, un parc éolien, devrait démarrer à
l’automne.
Laure CHARPENTIER
La première réalisation de ce type a été une centrale villageoise photovoltaïque. Le territoire
s’est doté de moyens de collecte de l’épargne locale. Il faut toutefois présenter cette
possibilité en bonne intelligence, pour éviter les crispations.
Julien FRAT
Il n’y a encore aucun projet de ce type sur le Pays de l’Albigeois, mais la question de
l’initiative citoyenne est inscrite dans les nouveaux PCET.
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Synthèse – Plans climat énergie territoriaux – 3 colloque national
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30 septembre et 1 octobre 2014
© ADEME
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