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CHOIX PHOTOGRAPHIQUE La photographie que nous avons utilisée, en couverture, a été prise par Letizia Battaglia, née en 1938 à Pa-­‐
lerme. « ;͘͘Ϳ:ĞŶĞƐĂŝƐƉĂƐƐŝũ͛ĂŝƵŶĞƉŚŽƚŽƋƵĞũĞƉŽƵƌƌĂŝƐĚĠĨŝŶŝƌĐŽŵŵĞĨĠŵŝŶŝƐƚĞ͘:ĞƐĂŝƐƋƵ͛ŝůLJĂĐĞƌƚaines photos ƋƵĞũ͛ĂŝŵĞ͕ĐŽŵŵĞĐĞůůĞĚĞZŽƐĂƌŝĂ^ĐŚŝĨĂŶŝ͕ůĂǀĞƵǀĞĚ͛ƵŶĂŐĞŶƚĚĞů͛ĞƐĐŽƌƚĞĚĞ&ĂůĐŽŶĞ͕ƚƵĠĚĂŶƐů͛ĂƚƚĞŶƚĂƚ
ĐŽŶƚƌĞůĞũƵŐĞ͘sŝĐƚŝŵĞĚĞůĂŵĂĨŝĂ͕ĞůůĞĠƚĂŝƚĂƵdžĨƵŶĠƌĂŝůůĞƐĚ͛ƚĂƚĐĠůĠďƌĠĞƐĂƉƌğƐůĞŵĂƐƐĂĐƌĞ͘dŽƵƚăĐŽƵƉ͕
ƋƵĂŶĚũĞů͛ĂŝƉŚŽƚŽŐraphiée, je lui ai dit de fermer les yeux : je voulais que rien ne dérange le jeu de lumière ĞƚĚ͛ŽŵďƌĞƐƵƌƐŽŶǀŝƐĂŐĞĞƚůĂƉƵƌĞƚĠĚĞƐĂĨŽƌĐĞ͘ůůĞĂǀĂŝƚĠƚĠĐŽƵƌĂŐĞƵƐĞĞƚŝŶƚĞůůŝŐĞŶƚĞ͘WĞŶĚĂŶƚůĂĐĠƌĠͲ
monie funéraire, elle avait dit que les mafieux étaieŶƚĚĂŶƐů͛ĠŐůŝƐĞ͕ƉĂƌŵŝůĞƐŚĂƵƚƐƌĞƉƌĠƐĞŶƚĂŶƚƐĚĞů͛ƚĂƚ
aussi. « Je vous pardonne. Mais agenouillez-­‐vous ! » leur a-­‐t-­‐elle dit. Elle a été pour moi un grand exemple Ě͛ĞƐƉŽŝƌĞƚĚĞƌĠƐŝƐƚĂŶĐĞ͘ůůĞĠƚĂŝƚůăƉŽƵƌĚĠŶŽŶĐĞƌĐĞƋƵĞƉĞƌƐŽŶŶĞŶ͛ŽƐĂŝƚĚŝƌĞ͘ůůĞ était là comme une madone ʹ oui, elle était comme une petite madone des femmes ʹ un symbole de notre lutte contre la mafia ». džƚƌĂŝƚĚ͛ƵŶĞŝŶƚĞƌǀŝĞǁĚĞ>ĞƚŝnjŝĂĂƚƚĂŐůŝĂ͕ƌĠĂůŝƐĠăWĂůĞƌŵĞĞŶŵĂŝϮϬϬϮ͕ƉĂƌDĂƌŝĂZŽƐĂƌŝĂ^ƉĂŶŽ͘>͛ŝŶƚĞƌǀŝĞǁ͕ŝŶƚŝƚƵůĠĞ « Une photographe sicilienne contre la mafia », est disponible en intégralité dans la revue Nouvelles Questions Féministes, 3/2002 (Vol. 21), pages 104-­‐117, mais également en ligne et dans les annexes de cette étude. DĠŵŽŝƌĞĚĞĨŝŶĚ͛ĠƚƵĚĞƐ Théo Gamel-­‐Niepce Master 2 « Conseil, expertise et action publique », ăů͛/ŶƐƚŝƚƵƚĚ͛ƚƵĚĞƐWŽůŝƚŝƋƵĞƐĚĞdŽƵůŽƵƐĞ Lutter contre Cosa Nostra, Ğů͛ƵŶŝĨŝĐĂƚŝŽŶŝƚĂůŝĞŶŶĞăŶŽƐũŽƵƌƐ Le dialogue du droit et de la société dans la définition des phénomènes mafieux Sous l͛ĂŝŵĂďůĞ codirection de : Mme Daniela Piana, Professeur au département de Sciences Politiques et Sociales ĚĞů͛hŶŝǀĞƌƐŝƚĠĚĞŽůŽŐŶĞ͕ et, Mr Jean-­‐Michel Eymeri-­‐Douzans, WƌŽĨĞƐƐĞƵƌĚĞƐhŶŝǀĞƌƐŝƚĠƐĞŶ^ĐŝĞŶĐĞƐWŽůŝƚŝƋƵĞăů͛/WĚĞdŽƵůŽƵƐĞ͘ RÉSUMÉ >͛ÉTUDE Ce ŵĠŵŽŝƌĞƉƌŽƉŽƐĞĚ͛ĠƚƵĚŝĞƌů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞ͕ů͛ĂƌƚŝĐƵůĂƚŝŽŶĞƚůĞƌƀůĞĚƵĚŝĂůŽŐƵĞĞŶƚƌĞƚĞŶƵĞŶƚƌĞůĞĚƌŽŝƚĞƚůĂ
société dans la lutte ĐŽŶƚƌĞů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶŵĂĨŝĞƵƐĞŽƐĂEŽƐƚƌĂ͘Ğů͛ƵŶŝĨŝĐĂƚŝŽŶŝƚĂůŝĞŶŶĞũƵƐƋƵ͛ăŶŽƐũŽƵƌƐ͕
ĐĞƚƚĞƌĞĐŚĞƌĐŚĞƐ͛ĂƚƚĂĐŚĞăŵŽŶƚƌĞƌů͛ĠǀŽůƵƚŝŽŶĚĞůĂĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĚĞƐƉŚĠŶŽŵğŶĞƐŵĂĨŝĞƵdž, mais également le ƉƌĠƌĞƋƵŝƐăůĂůƵƚƚĞƋƵĞƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞĐĞƉƌŽĐĞƐƐƵƐ͘ĞůĂĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶĚ͛ƵŶƉƌŽďůğŵĞƉƵďůŝĐăů͛ĠǀĞŝůĚĞůĂ
ƐŽĐŝĠƚĠĐŝǀŝůĞ͕ĞŶƉĂƐƐĂŶƚƉĂƌůĂĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶƉƌŽŐƌĞƐƐŝǀĞĚ͛ƵŶĞůĠŐŝƐůĂƚŝŽŶƐŝngulière, la lutte antimafia sici-­‐
lienne a traversé plusieurs phases au cours desquelles la dialectique juridico-­‐sociale a occupé une place cen-­‐
trale. ĞƚƌĂǀĂŝůƚĞŶƚĞĚ͛ĂŶĂůLJƐĞƌĞƚĚ͛ĞdžƉůŝƋƵĞƌůĞƐĨĂŝƚƐ͕ůĞƐĚLJŶĂŵŝƋƵĞƐăů͛ƈƵǀƌĞĞƚůĞƐĂĐƚĞƵƌƐĚĞůĂͨ léga-­‐
lité » en présence : magistrats, procureurs, associations, etc. ĞƚƚĞĠƚƵĚĞƉƌŽƉŽƐĞĠŐĂůĞŵĞŶƚĚ͛ŽĨĨƌŝƌůĂƉĂͲ
ƌŽůĞăĚĞƐĠƚƵĚŝĂŶƚƐ͕ĞŶĚƌŽŝƚĞƚũŽƵƌŶĂůŝƐŵĞ͕ĞƚĂƵWƌĠƐŝĚĞŶƚĚ͛ƵŶĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ƉŽƵƌƌĂĐŽŶƚĞƌůĞƵƌ
terre et interroger les mémoires collectives. TABLE DES MATIÈRES PROPOS LIMINAIRES 1 INTRODUCTION 6 1. 1860 ʹ 1960 : APPARITION DU MOT « MAFIA » ET NAISSANCE PROGR^^/s͛hE
PROBLEME PUBLIC 13 1.1 NAISSANCE DE LA MAFIA 13 1.1.1 LA DISPARITION DU MODELE FEODAL 13 1.1.2 LA VIOLENCE AU SERVICE D͛INTERETS PRIVES 14 1.1.3 >͛AFFAIRE GALATI 16 1.1.4 >͛APPARITION D͛UN LIEN OPPORTUNISTE ENTRE POLITIQUE ET MAFIA 17 1.2 >͛ABSENCE DE CONSENSUS SUR LA DEFINITION DU PHENOMENE 17 1.2.1 ACCEPTION ORIGINELLE ET POSITIVE DU TERME ͞MAFIEUX͟ 18 1.2.2 I MAFIUSI DI LA VICARIA 19 1.2.3 >͛ENQUETE DE SONNINO ET FRANCHETTI 20 1.3 LE DEVELOPPEMENT DE LA MAFIA 21 1.3.1 LA MEFIANCE A L͛EGARD DES POUVOIRS PUBLICS 21 1.3.2 UN DEVELOPPEMENT ENCOURAGE PAR L͛ATTITUDE DES AUTORITES 23 2. 1960 ʹ 1992 : LE DEVELOPPEMENT D͛hE>'/^>d/KEEdIMAFIA, ENCOURAGE PAR LE DIALOGUE JURIDIQUE ET SOCIAL 27 2.1 LES ANNEES 60 : PREMICES D͛UNE LEGISLATION UNIQUE EN SON GENRE 29 2.2 LES ANNEES 70 ʹ 80 : LEGIFERER DANS LE SANG 32 2.2.1 ANNEES DE PLOMB 32 2.2.2 DEUXIEME GUERRE DES MAFIAS 33 2.2.3 LE GENERAL DALLA CHIESA 35 2.2.4 LA LOI ROGNONI-­‐LA TORRE 37 2.3 LA FIN DE L͛OMERTA 39 2.3.1 LE THEOREME BUSCETTA 40 2.3.2 LA METHODE FALCONE 41 2.4 LE MAXI-­‐PROCES 43 2.4.1 UN PROCES D͛EXCEPTION 44 2.4.2 CONSEQUENCES DE LA REUSSITE DU MAXI-­‐PROCES 46 2.4.3 LA REORGANISATION DE LA LUTTE ANTIMAFIA 48 3. 1990 A NOS JOURS : LA CULTURE DE LA LEGALITE FACE A LA SUBSISTANCE DES PHENOMENES MAFIEUX 51 3.1 LES ANNEES 90 : UNE PRISE DE CONSCIENCE COLLECTIVE 51 3.1.1 ͞dOUT EST FINI͗͟ STRAGI DI CAPACI ET DI VIA D͛MELIO 52 3.1.2 IMPACT SOCIETAL DES MORTS DE FALCONE ET BORSELLINO 53 3.1.3 >͛IMPACT LEGISLATIF DE LA MORT DE FALCONE ET BORSELLINO 58 3.2 ANNEES 2010 : CONSTATATIONS RECENTES 61 3.2.1 AUJOURD͛HUI : LA MAFIA TOUJOURS PRESENTE 61 3.2.2 >͛ECLOSION D͛UNE NOUVELLE MAFIA 64 3.3 LA SOCIETE CIVILE, PROMOTRICE DE LA LEGALITE 67 3.3.1 LA DIFFUSION D͛UNE CULTURE DE LA LEGALITE 67 3.3.2 LE ROLE DU SECTEUR ASSOCIATIF 70 3.3.3 LE ROLE DE L͛ECOLE DANS LA DIFFUSION DE LA CULTURE DE LA LEGALITE 74 3.3.4 LE VIRAGE PREVENTIF DE L͛ARSENAL LEGISLATIF 77 CONCLUSIONS 79 BIBLIOGRAPHIE 83 ANNEXE N° 1 : CARTES GEOGRAPHIQUES 85 CARTE DE L͛/TALIE 85 CARTE DE LA ZONE OUEST DE LA SICILE, DONT PALERME ET SA PROVINCE 86 ANNEXE N° 2 : ORGANIGRAMMES DE L͛ORGANISATION COSA NOSTRA 87 ANNEXE N°3 : INTERVENTION DE RORBERTO SCARPINATO, LE 19 JUILLET 2012, A LA CEREMONIE DE COMMEMORATION DES VINGT ANS DE L͛ASSASSINAT DE PAOLO BORSELLINO 88 ANNEXE N°4 : DISCOURS DU JUGE ANTONINO CAPONNETTO A LA CEREMONIE DE FUNERAILLES DE PAOLO BORSELLINO, LE 24 JUILLET 1992 95 ANNEXE N°5 : TRACT DISTRIBUE PAR LE « COMITE DES DRAPS » APRES L͛ASSASSINAT DES JUGES FALCONE ET BORSELLINO 98 ANNEXE N° 6 : AFFICHE « POUR LA DEMOCRATIE, LE TRAVAIL ET LE DEVELOPPEMENT ʹ LUTTE CONTRE LA CRIMINALITE MAFIEUSE ET LE TERRORISME » DES SYNDICATS CONFEDERES 101 ANNEXE N° 7 : LA UNE DU JOURNAL ITALIEN LA REPUBBLICA DU DIMANCHE 24 MAI 1992 102 ANNEXE N°8 : ARTICLE DE MARIA ROSARIA SPANO, DONT INTERVIEW DE LETIZIA BATTAGLIA 103 REMERCIEMENTS 113 | 1 Propos liminaires Mon intérêt pour les phénomènes mafieux est né, comme beaucoup de travaux de recherche sans doute, du constat de mon ignorance. Vivant depuis mon plus jeune âge en France͕ŝůŵ͛ĂĠƚĠĚŝĨĨŝĐŝůĞĚĞĐŽŵƉƌĞŶĚƌĞĐĞĚŽŶƚŝůƐ͛ĂŐŝƐƐĂŝƚ͘ EŽŶƉĂƌĐĞƋƵĞůĂŵĂĨŝĂŶ͛ĞdžŝƐƚĞ
ƉĂƐĞŶ&ƌĂŶĐĞ͕ŵĂŝƐƉĂƌĐĞƋƵ͛ĞůůĞŶĞĨĂŝƚƉĂƐƉĂƌƚŝĞĚĞů͛ĂŐĞŶĚĂƉŽůŝƚŝƋƵĞ͕ĚĞƐĚĠďĂƚƐ͕ĚĞƐ
préoccupations. :͛étais rempli, certes, d͛images construites par de ŶŽŵďƌĞƵƐĞƐƈƵǀƌĞƐĐƵůͲ
turelles traitant ĚĞůĂŵĂĨŝĂ͕ŵĂŝƐŝůƐ͛ĂŐŝƐƐĂŝƚĞŶƌĠĂůŝƚĠĚ͛ƵŶĞŵŝƐĞĞŶƐĐğŶĞƉůƵƐĨŽůŬůŽƌŝƋƵĞ
ƋƵĞƌĠĂůŝƐƚĞĚ͛ƵŶĨĂŝƚƐŽĐŝĂl dont je percevais cependant la gravité. Ayant vécu en Sicile pen-­‐
ĚĂŶƚƵŶĂŶ͕ĚĞŶŽŵďƌĞƵƐĞƐĚŝƐĐƵƐƐŝŽŶƐ͕ĞŶƚƌĞĂŵŝƐŽƵĞŶƐĞŝŶĚĞŵĂĨĂŵŝůůĞĚ͛ĂĐĐƵĞŝů͕ŵĞ
ůĂŝƐƐğƌĞŶƚƉĞƚŝƚăƉĞƚŝƚĐĞŐŽƸƚĂŵĞƌŝƐƐƵĚĞů͛ŝŶĐĂƉĂĐŝƚĠăƐĂŝƐŝƌĚĂŶƐƐŽŶĞŶƚŝğƌĞƚĠƵŶƉŚĠŶŽͲ
mène aƵƐƐŝŝŵƉŽƌƚĂŶƚƋƵĞĐŽŵƉůĞdžĞ͘WůƵƐƚĂƌĚ͕ăů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚ͛ƵŶƐƚĂŐĞ͕ũ͛ĞƵƐů͛ŽƉƉŽƌƚƵŶŝƚĠ
ĚĞƌĞŶĐŽŶƚƌĞƌĞƚĚĞŵ͛ĞŶƚƌĞƚĞŶŝƌďƌŝğǀĞŵĞŶƚĂǀĞĐůĞWƌŽĐƵƌĞƵƌEĂƚŝŽŶĂůŶƚŝŵĂĨŝĂ͕&ƌĂŶĐŽ
Roberti. Cet échange impromptu me laissa, au-­‐ĚĞůăĚĞƐŵŽƚƐ͕ůĞƐŽƵǀĞŶŝƌǀŝƐƵĞůĚ͛Ƶn homme entouré en permanence de son escorte, composée de six hommes alertes, ne disposant, pour seul îlot de paix, que de ů͛ĞŶĐĞŝŶƚĞĚĞƐŽŶďƵƌĞĂƵƵŶĞĨŽŝƐůĂƉŽƌƚĞĨĞƌŵĠĞ, mais toujours étroitement surveillée. ŝŶƐŝ ŶĂƋƵŠƚ ĞŶ ŵŽŝ ůĂ ǀŽůŽŶƚĠ ƉƌŽĨŽŶĚĞ Ě͛ĂƉprendre, volonté qui ĐŽŶƐƚŝƚƵĞĐĞƌƚĂŝŶĞŵĞŶƚůĞŵĞŝůůĞƵƌŵŽƚĞƵƌƉŽƵƌĞĨĨĞĐƚƵĞƌƵŶĞĠƚƵĚĞƚĞůůĞƋƵ͛ƵŶŵĠŵŽŝƌĞ͘ ĞƚĂƉƉƌĞŶƚŝƐƐĂŐĞĨƵƚƌĞůĂƚŝǀĞŵĞŶƚĨĂƐƚŝĚŝĞƵdž͕ĐĂƌŝůŵĞĨĂůůƵƚĚ͛ĂďŽƌĚƌĞǀĞŶŝƌĂƵdžŽƌŝͲ
ŐŝŶĞƐĚĞůĂŵĂĨŝĂ͕ĞƚďŝĞŶƐŽƵǀĞŶƚăů͛,ŝƐƚŽŝƌĞŝƚĂůŝĞŶŶĞĚĂns sa globalité. Progressivement, je commençais à saisir les circonstances favorables ayant permis leur naissance et leur épa-­‐
nouissement, les mécanismes propres, les enjeux inhérents aux organisations mafieuses. Pe-­‐
tit à petit, je réussis à entendre les raisons qui poussèrent certains hommes et certaines femmes à ĞŶŐĂŐĞƌ ůĞƵƌ ǀŝĞ Ğƚ ĐĞůůĞ ĚĞ ůĞƵƌƐ ƉƌŽĐŚĞƐ͕ ĚĂŶƐ ƵŶĞ ůƵƚƚĞƋƵŝ ĚƵƌĞ ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ
encore. Progressivement, des axes de recherche se distinguèrent de mes lectures, des pro-­‐
blématiques virent le jour et des réponses vinrent les satisfaire, en partie. | 2 La littérature traitant de la mafia est excessivement riche : tout a été écrit, ou quasi-­‐
ment. La compréhension du phénomène est désormais accessible à tout un chacun, de sur-­‐
ĐƌŽŠƚƐŝĐĞƚƚĞƉĞƌƐŽŶŶĞƉĂƌůĞů͛ŝƚĂlien. En France, toutefois, ces écrits sont plus rares, certai-­‐
ŶĞŵĞŶƚƉƌŽƉŽƌƚŝŽŶŶĞůƐăů͛ŝŶƚĠƌġƚƋƵŝĞƐƚƉŽƌƚĠĂƵƉŚĠŶŽŵğŶĞĠƚƵĚŝĠ͘ Ce mémoire a donc rempli plusieurs objectifs ͗Ě͛ĂďŽƌĚ͕ŵĞĚŽŶŶĞƌů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚ͛ĂƉƉƌĞŶĚƌĞƐƵƌƵŶĨĂŝƚĐƵůƚƵƌĞů
rattaché, par sĞƐŽƌŝŐŝŶĞƐĂƵŵŽŝŶƐ͕ăƵŶƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞƋƵŝŵ͛ĞƐƚĐŚĞƌ͘ĞƚƚĞĠƚƵĚĞĂĠŐĂůĞŵĞŶƚ
ĠƚĠů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚĞƉƌŽĚƵŝƌĞƵŶĐŽŶƚĞŶƵƋƵŝ͕ũĞů͛ĞƐƉğƌĞ͕ŵĞƉĞƌŵĞƚƚƌĂĚ͛ĂƉƉŽƌƚĞƌƵŶĞƌĠƉŽŶƐĞ
ĚŽĐƵŵĞŶƚĠĞĂƵdžƉĞƌƐŽŶŶĞƐƋƵŝ͕ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝĞŶĐŽƌĞ͕ĐŽŶƚŝŶƵĞŶƚĚĞƉĞŶƐĞƌƋƵĞůĂŵĂĨŝĂĂƉͲ
ƉĂƌƚŝĞŶƚĂƵ^ƵĚĚĞů͛/ƚĂůŝĞ͘ŶĨŝŶ͕ĂƵ-­‐ĚĞůăĚƵƐŝŵƉůĞĂƉƉƌĞŶƚŝƐƐĂŐĞ͕ĐĞƚƚĞĠƚƵĚĞŵ͛ĂƉĞƌŵŝƐĚĞ
mettre en lien des domaines pour lesquels je nourris un intérêt fort : les faits sociaux, les ƌĞƐƐĞŶƚŝƐ͕ůĞƐĐƵůƚƵƌĞƐ͕ůĞƐŵĠŵŽŝƌĞƐĐŽůůĞĐƚŝǀĞƐ͕ů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĞƚůĞdroit. Les termes « organisations criminelles ͕ͩĚĂŶƐů͛ŝŵĂŐŝŶĂŝƌĞĐŽůůĞĐƚŝĨŝƚĂůŝĞŶ͕ĂƉƉĞůůĞnt sans délai celui de mafia, qui symbolise le type de criminalité le plus ancien, le plus organisé et le plus puissant du pays. Parmi les organisations mafieuses, Cosa Nostra représente la plus ancienne, pour ne pas dire la « mafia originelle ͩ͘ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕Ě͛ĂƵƚƌĞƐŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐŵĂͲ
ĨŝĞƵƐĞƐƐŽŶƚĚĞǀĞŶƵĞƐƉƵŝƐƐĂŶƚĞƐ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶƚůĂ͚EĚƌĂŶŐŚĞƚĂĐĂůĂďƌĂŝƐĞ, qui a su profiter Ě͛ƵŶĞĠƉŽƋƵĞŽƶŽƐĂEŽƐƚƌĂĠƚĂŝƚĂĨĨĂŝďůŝĞpour se répandre. Toutefois, cette dernière pré-­‐
ƐĞŶƚĞĚĞƐĐĂƌĂĐƚĠƌŝƐƚŝƋƵĞƐƉƌŽƉƌĞƐƋƵŝƐƵĨĨŝƐĞŶƚăĨĂŝƌĞĚ͛ĞůůĞƵŶŽďũĞƚĚ͛ĠƚƵĚĞăƉĂƌƚĞŶƚŝğƌĞ͕
et dont les conclusions seraient sans grande difficulté ĂƉƉůŝĐĂďůĞƐăĚ͛ĂƵƚƌĞƐ͘ĞƉůƵƐ͕ůĂŵĂĨŝĂ
sicilienne est, comme dit plus haut, la plus ancienne, mais aussi et surtout la plus durable. Sa ƉůĂĐĞĚĂŶƐů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞŝƚĂůŝĞŶŶĞĞƐƚƌĞŵĂƌƋƵĂďůĞ͕ƐŽŶĞdžƉŽƌƚĂƚŝŽŶŐĠŽŐƌĂƉŚŝƋƵĞƚŽƵƚĂƵƚĂŶƚ͕
sa puissance humaine, politique et financière dramatique͘ŽƐĂEŽƐƚƌĂĞƐƚů͛ŽƌŐĂnisation cri-­‐
ŵŝŶĞůůĞ ƋƵŝ Ɛ͛ĂƉƉĂƌĞŶƚĞůĞ ƉůƵƐ ă ĐĞ ƋƵĞ ĐĞƌtains appellent un « anti-­‐État ͕ͩ ĞŶ ĐĞ ƋƵ͛ĞůůĞ
ƉƌŽƉŽƐĞƵŶƐLJƐƚğŵĞĚĞƌğŐůĞƐĐŽŵƉůĞdžĞĞƚƉƌĠĐŝƐ͕ĚĞƐƐĞƌǀŝĐĞƐƋƵŝƐ͛ĂƐƐŝŵŝůĞŶƚăĐĞƵdžŐĠŶĠͲ
ƌĂůĞŵĞŶƚĂƐƐƵƌĠƐƉĂƌů͛État et exerce sur un territoire, certes pas un contrôle total, mais un pouvoir non négligeable. Notre étude se limitera donc aux faits liés à Cosa Nostra, bien que ƋƵĞůƋƵĞƐƉĂƌĞŶƚŚğƐĞƐƐĞƌŽŶƚĞĨĨĞĐƚƵĠĞƐăƉƌŽƉŽƐĚ͛ĂƵƚƌĞƐŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͘ | 3 ĞůĂŵġŵĞĨĂĕŽŶƋƵĞŶŽƚƌĞƚĞƌƌĂŝŶĚ͛ĠƚƵĚĞĨĞƌĂů͛ŽďũĞƚĚĞůŝŵŝƚĞƐŐĠŽŐƌĂƉŚŝƋƵĞƐ͕ŶŽƵƐ
ŶĞƉŽƵƌƌŽŶƐƚƌĂŝƚĞƌĚĞů͛ĞŶƐĞŵďůĞĚĞƐƚŚĠŵĂƚŝƋƵĞƐůŝĠĞƐĂƵdžŵĂĨŝĂƐ͘ĞƚƚĞĠƚƵĚĞŶĞƚƌĂŝƚĞƌĂ
ƋƵĞĚƵůŝĞŶƋƵ͛ĞŶƚƌĞƚŝĞŶŶĞŶƚůĞƐĚŽŵĂŝŶĞƐũƵƌŝĚŝƋƵĞĞƚƐŽĐŝĂů dans la dynamique ayant porté à la définition des phénomènes mafieux. Ce travail recoupera nécessairement le récit de faits historiques et leur analyse. Toutefois, la nature du phénomène étudié rend vaine toute ten-­‐
ƚĂƚŝǀĞĂLJĂŶƚƉŽƵƌďƵƚĚĞůĞƐĂŝƐŝƌĞƚĚĞů͛ĞdžƉůŝƋƵĞƌĚĂŶƐƐŽŶĞŶƚŝğƌĞƚĠ͕ĞŶƐŝƉĞƵĚĞƉĂŐĞƐ͘
Certains aspects ne seront, par conséquent, pas traités. Ainsi, nous nous arrêterons aux liens ƋƵ͛ĞŶƚƌĞƚŝĞŶŶĞŶƚůĂŵĂĨŝĂĞƚůĞƐŝůĞŶĐĞ͕ĞŶĠƚƵĚŝĂŶƚůĂĨĂĕŽŶĚŽŶƚůĂĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĚƵƉŚĠŶŽŵğŶĞ
ĂĨĂŝƚĂǀĂŶĐĞƌůĂůƵƚƚĞ͛͘ĂƵƚƌĞƐĨĂĐƚĞƵƌƐĨĂǀŽƌĂďůĞƐ͕ƚĞůƐƋƵĞůĞƐůŝĞŶƐĞŶƚƌe organisations cri-­‐
ŵŝŶĞůůĞƐ Ğƚ ƐƉŚğƌĞƐ ƉŽůŝƚŝƋƵĞ ŽƵ ĠĐŽŶŽŵŝƋƵĞ͕ ŶĞ ƐĞƌŽŶƚ ƉĂƌ ĐŽŶƐĠƋƵĞŶƚ ĂďŽƌĚĠƐ ƋƵ͛ă ůĂ
marge. ŶĨŝŶ͕ŶŽƚƌĞĠƚƵĚĞƉŽƌƚĞƐƵƌůĂƉĠƌŝŽĚĞŚŝƐƚŽƌŝƋƵĞĚƵƌĂŶƚůĂƋƵĞůůĞůĂŵĂĨŝĂĂĨĂŝƚů͛ŽďũĞƚ
Ě͛ƵŶĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶũƵƌŝĚŝĐŽ-­‐sociale. Par conséquent, nŽƵƐŶ͛ĂƵƌŽŶƐďĞƐŽŝŶĚĞƌĞŵŽŶƚĞƌăĚĞƐ
temps plus anciens que ceux où le mot « mafia » est apparu, qui correspondent à la deuxième moitié du XIXe siècle. EŽƐƌĞĐŚĞƌĐŚĞƐƐ͛ĂƌƚŝĐƵůĞƌŽŶƚĠŐĂůĞŵĞŶƚĂƵƚŽƵƌĚ͛ƵŶĞĂŶŶĠĞͨ pivot », 1992, qui représente une période à partir de laquelle la conception de la mafia a changé de façon radicale. Cette période correspond en effet à une prise de conscience du phénomène ŵĂĨŝĞƵdžƐƵƌů͛ĞŶƐĞŵďůĞĚƵƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞŝƚĂůŝĞŶ;ďŝĞŶƋƵĞĐĞĐŽŶƐƚĂƚĨĞƌĂů͛ŽďũĞƚĚĞĐƌŝƚŝƋƵĞƐƉĂƌ
la suite). LĞƐĚLJŶĂŵŝƋƵĞƐĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠĐŝǀŝůĞ͕ƋƵ͛ĞůůĞƐƐŽŝĞŶƚĐŝƚŽLJĞŶŶĞƐŽƵĂƐƐŽͲ
ĐŝĂƚŝǀĞƐ͕ ŽŶƚ ƚƌŽƵǀĠ ă ĐĞƚƚĞ ĠƉŽƋƵĞ ƵŶ ƉŽŝŶƚ ĚĞ ĐŽŶǀĞƌŐĞŶĐĞ Ğƚ Ě͛ŝŶƚĞŶƐŝĨŝĐĂƚŝŽŶ ƌĞŵĂƌͲ
ƋƵĂďůĞ͕ƐƵĨĨŝƐĂŶƚƉŽƵƌů͛ĠƚƵĚĞĚƵƌƀůĞĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠĚĂŶƐůĂĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĚĞƐƉŚĠŶŽŵğŶĞƐŵĂͲ
fieux. ŝŶƐŝ͕ŶŽƚƌĞƚƌĂǀĂŝůƐ͛ĂƌƚŝĐƵůĞƌĂĂƵƚŽƵƌĚĞƚƌŽŝƐƉĠƌŝŽĚĞƐ͕ŶŽŶĐŚŽŝƐŝĞƐƉŽƵƌůĞƵƌĚƵƌĠĞ͕
ŵĂŝƐƉĂƌĐĞƋƵ͛ĞůůĞƐŶŽƵƐƐĞŵďůĞŶƚƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞƌƚƌŽŝƐƉŚĂƐĞƐƐŝŐŶŝĨŝĐĂƚŝǀĞƐĚĞĐĞƉƌŽĐĞƐƐƵƐĚĞ
définition des phénomènes mafieux. Ces trois périodes, ayant participé chacune à leur ma-­‐
ŶŝğƌĞăĐĞƚƚĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶ͕ƉĞƌŵĞƚƚĞŶƚĚĞƐĂŝƐŝƌůĂĨĂĕŽŶŐůŽďĂůĞĚŽŶƚů͛État, entendu à la fois ĐŽŵŵĞĚƌŽŝƚĞƚƐŽĐŝĠƚĠ͕Ɛ͛ĞƐƚĂƚƚĂƋƵĠĂƵƉƌŽďůğŵĞͨ mafia ». Notre étude de terrain nous donnera également ů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚĞƌĞǀĞŶŝƌƐƵƌůĞƐĚĞrnières mesures législatives antimafias, ŵĂŝƐƐƵƌƚŽƵƚƐƵƌůĂǀŝƐŝŽŶƋƵ͛ŽŶƚůĞƐũĞƵŶĞƐ͕ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ĚĞƐƉŚĠŶŽŵğŶĞƐŵĂĨŝĞƵdž͕ĚĞůĂůƵƚƚĞ
ĂŶƚŝŵĂĨŝĂĞƚĚĞů͛ŝĚĠĞĚĞͨ légalité ». | 4 /ůŶŽƵƐĂĂŝŶƐŝƐĞŵďůĠŝŶƚĠƌĞƐƐĂŶƚĚ͛ĂůůĞƌƋƵĞƐƚŝŽŶŶĞƌƋƵĞůƋƵĞƐŝŶƚĞƌůŽĐƵƚĞƵƌƐĐhoisis à la fois pour leurs origines, mais aussi pour leur fonction. Les personnes interrogées dans le cadre de cette étude (7 au total), sont pour la grande majorité des étudiants en droit ou en ũŽƵƌŶĂůŝƐŵĞ͘>͛ŝĚĠĞĚĞĚĠƉĂƌƚĠƚĂŝƚĚĞƐĞĐŽŶĐĞŶƚƌĞƌƐƵƌůĞƐ étudiants en droit pour la relation ƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞƋƵ͛ŝůƐĞŶƚƌĞƚŝĞŶŶĞŶƚĂǀĞĐůĂůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂĞƚů͛ŚĠƌŝƚĂŐĞ͕Ɛ͛ŝůĞdžŝƐƚĞ͕ĚĞƐŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐ
tués par celle-­‐Đŝ͘ĞƉĞŶĚĂŶƚ͕ů͛ƵŶĚ͛ĞŶƚƌĞĞƵdžĂLJĂŶƚƉƌŽƉŽƐĠĚ͛ŝŶƚĞƌƌŽŐĞƌĠŐĂůĞŵĞŶƚĚĞƐĐŽŶͲ
naissances étudiant le jourŶĂůŝƐŵĞ͕ŝůŶŽƵƐĂƐĞŵďůĠƚŽƵƚĂƵƐƐŝƉĞƌƚŝŶĞŶƚĚĞƐĂŝƐŝƌů͛ŽƉƉŽƌƚƵͲ
nité, ne serait-­‐ce que pour avoir le regard de ceux qui racontent les faits sociaux. Enfin, le septième répondant est ůĞWƌĠƐŝĚĞŶƚĚ͛ƵŶĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĂŐŝƐƐĂŶƚĚĂŶƐůĞƐĞĐƚĞƵƌĚĞů͛ĠĐŽŶŽͲ
mie, contre la mafia, notamment en vue de sensibiliser les entrepreneurs à refuser de payer le pizzo (tribut ĚŽŶƚ ĚŽŝǀĞŶƚ Ɛ͛ĂĐƋƵŝƚƚĞƌ ůĞƐ ĐŽŵŵĞƌĕĂŶƚƐ ƉŽƵƌ ŽďƚĞŶŝƌ ůĂ ƉƌŽƚĞĐƚŝŽŶ ĚĞ ůĂ
mafia), les extorsions et autres formes de racket. Il nous a semblé plus intéressant de se concentrer sur des entretiens de type qualitatif ƉůƵƚƀƚƋƵĞƋƵĂŶƚŝƚĂƚŝĨ͕ůĞŶŽŵďƌĞĚ͛ĠƚƵĚĞƐƐƵƌůĂŵĂĨŝĂĞƚƐĞƐƉĞƌĐĞƉƚŝŽŶƐƐŽĐŝĂůĞƐĠƚĂŶƚƉĂƌͲ
ticulièrement important dans les sciences sociales italiennes. Ainsi, ces entretiens ont été organisés ƐƵƌƵŶƚĞŵƉƐƌĞůĂƚŝǀĞŵĞŶƚůŽŶŐ;ƉĂƌĨŽŝƐƉůƵƐĚ͛ƵŶĞŚĞƵƌĞĞƚĚĞŵŝĞĚĞĚŝƐĐƵƐƐŝŽŶͿ͘
ĞƌƚĂŝŶƐ͕Ŷ͛ĂLJĂŶƚƉƵĨĂŝƌĞů͛ŽďũĞƚĚ͛ƵŶĞƌĞŶĐŽŶƚƌĞƉŚLJƐŝƋƵĞ͕ŽŶƚĠƚĠƌĠĂůŝƐĠƐƉĂƌůĞďŝĂŝƐĚĞ
questionnaires. Les questions posées étaient volontairement larges, et vagues, et atten-­‐
ĚĂŝĞŶƚ ƵŶĞ ƌĠƉŽŶƐĞ ƉůƵƚƀƚ ůŽŶŐƵĞ͕ ĚĞ ƐŽƌƚĞƋƵĞ ůĞ ƌĠƉŽŶĚĂŶƚ ƐĞ ƐĞŶƚĞ ĚŽƚĠ Ě͛ƵŶĞ ůŝďĞƌƚĠ
ƚŽƚĂůĞ͕ĞƚƋƵĞů͛ŝŶĨůƵĞŶĐĞĚĞƐƋƵĞƐƚŝŽŶƐƐŽŝƚůĂƉůƵƐƌĠĚƵŝƚĞƉŽƐƐŝďůĞ͘/ůĞŶĂĠƚĠĚĞŵġŵĞůŽƌƐ
des entretiens réalisés physiquement : les sujets étaient abordés de façon assez neutre, don-­‐
ŶĂŶƚ ĂƵdž ƉĞƌƐŽŶŶĞƐ ůĂ ƉŽƐƐŝďŝůŝƚĠ ĚĞ ƉƌĞŶĚƌĞ ůĂ ĚŝƌĞĐƚŝŽŶ ƋƵŝ ůĞƵƌ ĐŽŶǀĞŶĂŝƚ Ğƚ Ě͛ŝŶƚĞƌĂŐŝƌ
entre elles lorsque nécessaire (deux entretiens ont rassemblé deux personnes). Ces entre-­‐
tiens qualitatifs ont eu pour but principal de nourrir les réflexions ayant porté au résultat contenu dans ces pages. Ces dialogues sont intervenus relativement tôt dans le processus de ƌĞĐŚĞƌĐŚĞ͕ĞƚŽŶƚƉĞƌŵŝƐĚĞůĞƐĠĐůĂŝƌĞƌĚ͛ƵŶƌĞŐĂƌĚŚƵŵĂŝŶ͕ůŽĐĂůĞƚƐŽĐŝŽůŽŐŝƋƵĞ͘WůƵƐƉƌĠͲ
cisément, ces entretiens ŽŶƚƉĞƌŵŝƐĚ͛ĂƉƉƌŽĨŽŶĚŝƌĐĞƌƚĂŝŶƐĂƐƉĞĐƚƐĚƵƐƵũĞƚ͕ĚĞĚĠĐŽƵǀƌŝƌĚĞ
nouveaux points à creuser, questionnements auxquels trouver, ou tout du moins chercher une réponse, dégager des pistes de travail, ressources littéraires mobilisables, éléments de culture ĞƚĚĞĐŽŶƚĞdžƚĞ͕ĞƚĐ͛͘ĂƵƚƌĞƉĂƌƚ͕ĐĞƐĞŶƚƌĞƚŝĞŶƐƉĞƌŵĞƚƚĞŶƚĚ͛ĂƉƉŽƌƚĞƌăĐĞƚƌĂǀĂŝů
| 5 ƵŶĂƵƚƌĞƌĞŐĂƌĚ͕ƉĂƌů͛ŝŶƐĞƌƚŝŽŶĚĂŶƐůĞĐŽƌƉƐĚĞƚĞdžƚĞĚ͛ĠůĠŵĞŶƚƐĚĞverbatim ;ĞŶů͛ŽĐĐƵƌͲ
rence, composés de notes prises lors des entretiens avec un effort fait pour ne pas transfor-­‐
mer ni le sens ni, lorsque cela était possible, les mots employés). ĞƚƌĂǀĂŝů͕ƋƵŝƐ͛ĂƚƚĂĐŚĞƚŽƵƚ
ĂƵƚĂŶƚĂƵƉƌŽĐĞƐƐƵƐŚŝƐƚŽƌŝƋƵĞĂLJĂŶƚƉŽƌƚĠăůĂĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĚĞƐƉŚĠŶŽŵğŶĞƐŵĂĨŝĞƵdžƋƵ͛ĂƵdž
mémoires humaines, ne pouvait manquer de ces paroles rapportées. ͛ƵŶƉŽŝŶƚĚĞǀƵĞƉƵƌĞŵĞŶƚĨŽƌŵĞů͕ĐĞƚƚĞĠƚƵĚĞ͕ƌĠĚŝŐĠĞĞŶůĂŶŐƵĞĨƌĂŶĕĂŝƐĞ͕ĐŽŵͲ
ƉƌĞŶĚƌĂĚĞƐŵŽƚƐŝƚĂůŝĞŶƐƋƵŝŶĞƉĞƵǀĞŶƚġƚƌĞƚƌĂĚƵŝƚƐůŝƚƚĠƌĂůĞŵĞŶƚ͕ĐĂƌŶ͛ĞdžŝƐƚĂŶƚƉĂƐĞŶ
français. Souvent, les citations, verbatim et autres termes traduits trouveront leur version originale en note de bas de page. Les traductions, quant à elles, sont pour la plupart person-­‐
nelles : les traductions faites par autrui étant signalées du nom de leur auteur, lorsque celui-­‐
ci était disponible. Enfin, pour des raisons de coŶĨŽƌƚĚ͛ĠĐƌŝƚƵƌĞĐŽŵŵĞĚĞůĞĐƚƵƌĞ͕ĐĞƌƚĂŝŶƐ
mots étrangers ne seront pas écrits en italique ͗ŝůƐ͛ĂŐŝƌĂĚĞƐŵŽƚƐƵƐƵĞůƐ͕ƉĂƐƐĠƐĚĂŶƐůĞ
langage courant français, ou de mots ne trouvant pas de traduction et devant être, par la force des choses, écrits en italien. ƐƉĠƌĂŶƚƋƵĞůĞůĞĐƚĞƵƌĠƉƌŽƵǀĞĂƵƚĂŶƚĚ͛ŝŶƚĠƌġƚƉŽƵƌĐĞƚƌĂǀĂŝůƋƵĞũ͛ĞŶĂŝĞƵƉŽƵƌůĞƌĠĂůŝƐĞƌ͘ | 6 Introduction La mafia croît en silence : ne pas la dire, nier ouvertement son existence ou se con-­‐
tenter de la taire, sont les meilleurs moyens de la protéger. Ces attitudes consistent en réalité ăůĂůĂŝƐƐĞƌŽƉĠƌĞƌ͕ĚĂŶƐů͛ŽŵďƌĞ͕ăů͛ĂďƌŝĚĞƐůŽŝƐ, et par conséquent, participent à son déve-­‐
loppement, qui se nourrit Ě͛ŽŵĞƌƚă1. >͛ŚŝƐƚŽŝre italienne est marquée par un lent processus de reconnaissance, dĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĞƚĚĞůƵƚƚĞăů͛ĞŶĐŽŶƚƌĞĚĞůĂŵĂĨŝĂ͕ůĞŶƚĞƵƌqui servit son épanouissement. Quand les différentes autorités débattaient de son existence, quand les intellectuels en donnaient des définitions contradictoires, quand la société civile pensait qu͛ŝů
ŶĞƐ͛ĂŐŝƐƐĂŝƚƋƵĞĚ͛ƵŶĞĨŽƌŵĞůŝŵŝƚĠe de criminalité, la mafia, qui ne portait pas encore de nom, opérait dans le silence. « La langue est un instrument à penser »2. « Nous n'avons conscience de nos pensées, nous n'avons des pensées dé-­‐
terminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité, et que par suite nous les mar-­‐
quons de la forme externe ;͙Ϳ͘C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe et l'interne sont si intimement unis. Par con-­‐
séquent, vouloir penser sans les mots, c'est une tentative insensée »3. 1 >͛ŽŵĞƌƚă͕ĐŽŶƚƌĂĐƚŝŽŶĚĞͨ homme » et « Ě͛ŚƵŵŝůŝƚĠ ͕ͩĞƐƚƵŶŵŽƚĚ͛ŽƌŝŐŝŶĞƐŝĐŝůŝĞŶŶĞƉĂƐƐĠĞĚĂŶƐůĂůĂŶŐƵĞĨƌĂŶͲ
ĕĂŝƐĞ͘/ůƉŽƵƌƌĂŝƚƐĞƚƌĂĚƵŝƌĞƉĂƌů͛ŝĚĠĞĚĞůŽŝĚƵƐŝůĞŶĐĞ͘ĞƚƚĞůŽŝ͕ƉƌŽƉƌĞĂƵdžorganisations mafieuses, implique pour tout individu participant aux activités de ne jamais dénoncer leurs complices, leurs chefs ou encore les actions perpétrées par ů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ͘>ĞŶŽŶ-­‐ƌĞƐƉĞĐƚĚĞů͛ŽŵĞƌƚăĞƐƚƐLJŶŽŶLJŵĞĚĞĚĠƐŚŽŶŶĞƵƌ͕ƉƵŶŝƐƐĂďůĞƉĂƌůĂŵŽƌƚ͘ŝŶƐŝ͕ů͛ŽŵĞƌƚăĞƐƚƉƌŽƚĠŐĠĞ
ƉĂƌů͛ŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶ͕ĞƚƐ͛ĂƉƉůŝƋƵĞĂƵdžŵĂĨŝĞƵdžŵĂŝƐĠŐĂůĞŵĞŶƚăƚŽƵƚĞƉĞƌƐŽŶŶĞƐƵƐĐĞƉƚŝďůĞĚ͛ĂǀŽŝƌĐŽŶŶĂŝƐƐĂŶĐĞĚ͛ĂĐƚŝǀŝƚĠƐ
illégales. 2 Alain dans Les idées et les âges, 1927 (Cf. Bibliographie). 3 Hegel, dans PhénoménoůŽŐŝĞĚĞů͛ĞƐƉƌŝƚ, 1897 (Cf. Bibliographie). | 7 La question de la définition de la mafia ĞƐƚů͛ƵŶĚĞƐĞŶũĞƵdžĚĞĐĞƚƚĞ recherche, partant ĚƵƉŽƐƚƵůĂƚƋƵ͛ƵŶĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĞƐƚŶĠĐĞƐƐĂŝƌĞƉŽƵƌƐ͛ĂĐĐŽƌĚĞƌƐƵr un concept, sur une idée, et ƐƵƌůĞƐǀĂůĞƵƌƐƋƵŝůƵŝƐŽŶƚƌĂƚƚĂĐŚĠĞƐ͘ŝŶƐŝ͕ƐĂŶƐĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĐŽŵŵƵŶĞĚ͛ƵŶƉŚĠŶŽŵğŶĞ͕ŝů
ƐĞŵďůĞŝŵƉŽƐƐŝďůĞĚĞůĞƉĞŶƐĞƌ͕Ě͛ĞŶƉĂƌůĞƌ͕ĚĞůĞĐŽŶĚĂŵŶĞƌ͘Les mots revêtent plusieurs ŵŝƐƐŝŽŶƐ͛͘ĂďŽƌĚ͕ŝůƐƐŽŶƚůĞƐŝŶƐƚƌƵŵĞŶƚƐdans et avec lesquels une pensée se développe. Ils sont également les outils permettant de créer du lien social : faisant le pont entre un son et un concept, un signifiant et un signifié, ils permettent aux individus ĚĞƐ͛ĂĐĐŽƌĚĞƌƐƵƌƵŶĞ
définition communĞ͘ /ůƐ ĂĐĐŽƌĚĞŶƚ ůĞƐ ƐƵďũĞĐƚŝǀŝƚĠƐ ĂƵƚŽƵƌ Ě͛ƵŶ ĐŽŶĐĞƉƚƵŶŝƋƵĞ͘ >ĞƐ ŵŽƚƐ
sont, dans une culture, des éléments fondamentaux. >ĂĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶ͕ĂƵƐĞŶƐƐƚƌŝĐƚĚĞů͛ƵƐĂŐĞ
des mots et du sens qui leur est attaché, sera, par conséquent ů͛ƵŶĚĞƐĂdžĞƐde ces pages. Toutefois, il semble nécessaire de créer, le plus tôt possible, un lien de compréhen-­‐
ƐŝŽŶĞŶƚƌĞůĞƌĠĚĂĐƚĞƵƌĞƚůĞůĞĐƚĞƵƌ͘ĞƐƵƌĐƌŽŠƚ͕ůĞƐŵĂĨŝĂƐŽŶƚĨĂŝƚů͛ŽďũĞƚĚĞƚƌğƐŶŽŵďƌĞƵƐĞƐ
représentations dans le domaine des arts : au théâtre, dès le 19e siècle, au cinéma, réguliè-­‐
rement depuis le jour où les Frères Lumière « ů͛ŝŶǀĞŶƚğƌĞŶƚ », en littérature, en musique... ĞƌƚĂŝŶƐŵĂĨŝĞƵdžƐŽŶƚĂŝŶƐŝĚĞǀĞŶƵƐĚĞƐŝĐƀŶĞƐ͕ăů͛ŝŶƐƚĂƌĚĞdŽŵLJDŽŶƚĂŶĂ4. Ces représen-­‐
tations sont autant de visions subjectives et déformantĞƐĚ͛ƵŶƉŚĠŶŽŵğŶĞŵĠĐŽŶŶƵ ou mal connu. Bien souvent, ces représentations se limitent au folklore de la violence, du pouvoir ŽƵĚĞů͛ĂƌŐĞŶƚ, oubliant dans le même temps tout « ce qui ne se voit pas ». Ainsi, au sein de ces propos introductifs, il est apparu nécessaire de tenter Ě͛ŽĨĨƌŝƌƵŶĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĚĞ la mafia, au-­‐ĚĞůăĚĞƐŝŵĂŐĞƐƋƵŝƉƌĠǀĂůĞŶƚƐƵƌů͛ŝĚĠĞ͕ĂǀĂŶƚƋƵĞĚĞǀŽŝƌůĂĨĂĕŽŶĚŽŶƚĐĞƚƚĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶ
est née, a évolué et ĂĨŝŶŝƉĂƌƐ͛ŝŵƉŽƐĞƌ͘ La dénomination « mafia »5 est un terme devenu générique et qui qualifie un phéno-­‐
ŵğŶĞĚ͛ĂƐƐociation criminelle particulier, comme nous le verrons par la suite. Dans le langage 4 dŽŵLJDŽŶƚĂŶĂ͕ƉĞƌƐŽŶŶĂŐĞĚĞŐĂŶŐƐƚĞƌƋƵŝĂƌƌŝǀĞƉƌŽŐƌĞƐƐŝǀĞŵĞŶƚăůĂƚġƚĞĚ͛ƵŶƚƌĂĨŝĐĚĞĚƌŽŐƵĞŝŶƚĞƌŶĂƚŝŽŶĂů͕
dans le film Scarface, réalisé par Brian De Palma en 1983. 5 Du mot mafia dérivent deux autres ŵŽƚƐƋƵŝƐĞƌŽŶƚƵƚŝůŝƐĠƐĂƵĐŽƵƌƐĚĞĐĞƚƚĞĠƚƵĚĞĞƚƋƵ͛ŝůƐ͛ĂŐŝƚĚĞĚĠĨŝŶŝƌƌĂƉŝͲ
ĚĞŵĞŶƚ͛͘ƵŶĞƉĂƌƚ͕ůĞŵŽƚͨŵĂĨŝŽƐŝƚĠ͕ͩƋƵŝďŝĞŶƋƵĞŶ͛ĞdžŝƐƚĂŶƚƉĂƐĚĂŶƐůĂůĂŶŐƵĞĨƌĂŶĕĂŝƐĞ͕Ɛ͛ĞŶƚĞŶĚĐŽŵŵĞůĂƚƌĂĚƵĐƚŝŽŶ
| 8 courant, le terme « mafia » recoupe plusieurs acceptions hétérogènes, plus ou moins cor-­‐
ƌĞĐƚĞƐĞƚŵĂŶƋƵĂŶƚƉĂƌĨŽŝƐĚĞƉĞƌƚŝŶĞŶĐĞ͘ŽŵŵĞů͛Ğdžplique le chercheur Giovanni Tessi-­‐
tore6͕ůĞƐƐĞŶƐƋƵĞů͛ŽŶƉůĂĐĞĚĞƌƌŝğƌĞůĞŵŽƚŵĂĨŝĂƐŽŶƚŶŽŵďƌĞƵdž͕ĞƚĐĞƚƚĞĚŝǀĞƌƐŝƚĠŶ͛ĞƐƚ
ƉĂƐĂŶŽĚŝŶĞ͘ŶĞĨĨĞƚ͕ŝůƐ͛ĂŐŝƚƚĂŶƚƀƚĚ͛ƵŶĞĨĂĕŽŶĚĞĨĂŝƌĞ͕Ě͛ƵŶĞĨĂĕŽŶĚ͛ġƚƌĞ, ou encore une façon de ƉĞŶƐĞƌƚLJƉŝƋƵĞƐĚ͛ƵŶĞƉŽƉƵůĂƚŝŽŶĞƚĚ͛ƵŶƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞ͘WĂƌĨŽŝƐ͕ŝůƐ͛ĂŐŝƚĚ͛ƵŶƐLJƐƚğŵĞ
politique fondé ƐƵƌůĞĐůŝĞŶƚĠůŝƐŵĞ͕ů͛ŽƉĂĐŝƚĠ͕ů͛ĠĐŚĂŶŐĞĚĞƐĞƌǀŝĐĞƐĞƚů͛ĂƐƐŝƐƚĂŶĐĞ intéressée. La mafia peut encore ġƚƌĞ ĚĠĨŝŶŝĞ ĐŽŵŵĞ ƵŶ ĞŶƐĞŵďůĞ Ě͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƐ ĐƌŝŵŝŶĞůůĞƐ, de moindre mesure et, par conséquent, de dangerosité. Le mot mafia peut donc recouper cer-­‐
ƚĂŝŶĞƐĨĂĐĞƚƚĞƐĚ͛ƵŶĞĐƵůƚƵƌĞ͕ƵŶĞƐƚƌƵĐƚƵƌĞŚŝĠƌĂƌĐŚŝƐĠe tendant à constituer un anti-­‐État, ƵŶĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĞŶƚƌĞƉƌĞŶĞƵƌŝĂůĞĞƚĂŐŝƐƐĂŶƚĚĂŶƐůĞĐŚĂŵƉĠĐŽŶŽŵŝƋƵĞăů͛ĂŝĚĞĚĞŵŽLJĞŶƐ
violents, un phénomène, un épiphénomène, un mythe... Ces ŶŽŵďƌĞƵƐĞƐĂĐĐĞƉƚŝŽŶƐĚ͛ƵŶ
même mot empêchent de penser la chose, de la délimiter et de la critiquer. Or, sans consen-­‐
ƐƵƐƐƵƌƵŶĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶƵŶŝƋƵĞ͕ůĞĚƌŽŝƚĞƐƚĚĂŶƐů͛ŝŵƉŽƐƐŝďŝůŝƚĠĚĞĐŽŶĚĂŵŶĞƌ͘ Le mot mafia est très fréquemment employé, dès la moitié du 19e siècle et ũƵƐƋƵ͛ăŶŽƐũŽƵƌƐ͘/ůƐ͛ĂŐŝƚƚŽƵƚĞĨŽŝƐĚ͛ƵŶŵŽƚƉŽůLJƐĠŵŝƋƵĞ;͙Ϳ͘/ůĞƐƚĚŝĨĨŝĐŝůĞ
de distinguer un problème, une typologie ou une succession de phénomènes qui soient homogènes et qui puissent être rassemblés sous le mot de mafia. /ůĞƐƚƚŽƵƚĂƵƐƐŝĚŝĨĨŝĐŝůĞĚ͛ĠĐŚĂƉƉĞƌĂƵƐĞŶƚŝŵĞŶƚƋƵĞĐĞƐůĂƚŝƚƵĚĞs et indé-­‐
terminations ĚĞƐĐŚĂŵƉƐĚ͛ĂƉƉůŝĐĂƚŝŽŶŶĞƐŽŝĞŶƚďĠŶĠĨŝƋƵĞƐăĐĞůůĞ-­‐là.7 Les mafias sont des organisations criminelles profondément enracinées au niveau lo-­‐
cal, mais dotées Ě͛ƵŶŐƌĂŶĚƉŽƵǀŽŝƌĚ͛ĞdžƉĂŶƐŝŽŶƚĞƌƌŝƚŽƌŝĂůe, exercé depuis longtemps au-­‐
directe du terme italien « mafiosità ͩ͘/ůƐ͛ĂŐŝƚůăĚ͛ƵŶƚĞƌŵĞĚĠĨŝŶŝƐƐĂŶƚů͛ĂƚƚŝƚƵĚĞŵĂĨŝĞƵƐĞ͕ĂƵƚƌĞŵĞŶƚĚŝƚůĂƚĞŶĚĂŶĐĞă
adopter un comportement mafieux, défini par sa volonté de défendre un intérêt privé avec des moyens illicites, parfois ĐƌŝŵŝŶĞůƐ͘>ĂŵĂĨŝŽƐŝƚĠƐ͛ĞŶƚĞŶĚĐŽŵŵĞĐĞůƵŝƋƵŝƌĞƐƉĞĐƚĞůĞƐǀĂůĞƵƌƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͕ƉƌŝŶĐŝƉĂůĞŵĞŶƚů͛ŚŽŶŶĞƵƌ͕ĚĂŶƐůĂĚĠĨŝŶŝͲ
ƚŝŽŶƋƵĞůĂŵĂĨŝĂĚŽŶŶĞăĐĞŵŽƚ͕Ğƚů͛ŽŵĞƌƚă͕ĂƵƚƌĞŵĞŶƚĚŝƚůĞƌĞĨƵƐĐĂƚĠŐŽƌŝƋƵĞĚĞƌĞŶŽŶĐĞƌăƐŽŶĂƉƉĂƌƚĞŶĂŶĐĞ͕ĚĞ
divulguer quelque information que ce soit ou encore de dénoncer des faits, des objectifs ou des complices. Enfin, le mot « ŵĂĨŝĞƵdž͕ͩĚĞů͛ŝƚĂůŝĞŶͨ mafioso » définit celui qui adopte un comportement mafieux. 6 Giovanni Tessitore, dans Il nome e la cosa : quando la mafia non si chiamava mafia, (Cf. Bibiographie) page 117. 7 Salvatore Lupo, dans Histoire de la mafia : des origines à nos jours (Cf. Bibliographie). | 9 delà des frontières nationales. Les organisations criminelles de type mafieux sont caractéri-­‐
sées par une très forte capacité à interagir avec leur environnement et à intégrer tous les domaines de la vie économique. Pour fixer cet ancrage territorial, les mafias utilisent des ŵĠƚŚŽĚĞƐĚ͛ĞdžƚŽƌƐŝŽŶ-­‐protection8. ŝŶƐŝ͕ƉĂƌů͛ƵƐĂŐĞĚĞůĂǀŝŽůĞŶĐĞ͕ĚĞů͛ŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶĞƚĚĞůĂ
loi du silence, les mafias parviennent à tisser des relations étroites avec les acteurs principaux de la vie économique, ƉŽůŝƚŝƋƵĞĞƚĂĚŵŝŶŝƐƚƌĂƚŝǀĞĚ͛ƵŶterritoire. Comme nous le verrons dans cette étude, la mafia se définit par certains traits carac-­‐
ƚĠƌŝƐƚŝƋƵĞƐ͛͘ĂďŽƌĚ͕ůĞƐŵŽLJĞŶƐĚ͛ĂĐƚŝŽŶǀŝŽůĞŶƚƐ͕ƋƵŝŐĂƌĂŶƚŝƐƐĞŶƚů͛ĞĨĨŝĐĂĐŝƚĠĚĞů͛ŝŶƚŝŵŝĚĂͲ
tion, elle-­‐ŵġŵĞŐĂƌĂŶƚĞĚĞů͛ĂƐƐƵũĞƚƚŝƐƐĞŵĞŶƚĚĞƐŝŶĚŝǀŝĚƵƐăů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶĞƚĚƵƌĞƐƉĞĐƚĚĞ
la loi du silence. La loi considère que le simple lien associatif existant entre les personnes prenant pĂƌƚăů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶŵĂĨŝĞƵƐĞƐƵĨĨŝƚăĂƚƚĞƐƚĞƌĚĞƌĞůĂƚŝŽŶƐĚ͛ŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶ : plus que Ě͛ĂĐƚŝŽŶƐƌĠĞůůĞƐ͕ůĞůĠŐŝƐůĂƚĞƵƌƐĞďĂƐĞƐƵƌůĂĐĂƉĂĐŝƚĠĚĞůĂŵĂĨŝĂăĞdžĞƌĐĞƌĐĞƚƚĞŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶ͘
Cette conception permet notamment de prendre en considération les pressions que les in-­‐
ĚŝǀŝĚƵƐƐ͛ŝŶĨůŝŐĞŶƚăĞƵdž-­‐ŵġŵĞƐĚĂŶƐůĞƵƌƐƉĞŶƐĠĞƐ͕ĂƉƌğƐĂǀŽŝƌĞƵǀĞŶƚĚ͛ĂĐƚĞƐǀŝŽůĞŶƚƐĂƵdžͲ
ƋƵĞůƐŝůƐŶ͛ŽŶƚũĂŵĂŝƐĂƐƐŝƐƚĠ͕ŽƵƉĂƌůĞƐŝŵƉůĞũĞƵĚĞůĂƌĠƉƵƚĂƚŝŽŶ͘ĞůĂŵġŵĞĨĂĕŽŶ͕ůĞƐ
ŝŶĚŝǀŝĚƵƐƉůĂĐĠƐĞŶĚĞŚŽƌƐĚĞů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ͕ŵĂŝƐƋƵŝ ƉŽƵƌƌĂŝƚĂǀŽŝƌĐŽŶŶĂŝƐƐĂŶĐĞĚ͛ĂĐƚŝǀŝƚĠƐ
illégales, de même que les victimes, subissent cette intimidation indirecte, immatérielle, mais dont la puissance suffit au « respect » ĚĞů͛ŽŵĞƌƚă͘ La mafia se distingue également par ses finalités : la perpétratioŶĚ͛ŝŶĨƌĂĐƚŝŽŶ͕ůĂŐĞƐͲ
ƚŝŽŶŽƵůĞĐŽŶƚƌƀůĞĚ͛ĂĐƚŝǀŝƚĠƐĠĐŽŶŽŵŝƋƵĞƐ͕ůĂƌĠĂůŝƐĂƚŝŽŶĚĞƉƌŽĨŝƚƐŽƵĚ͛ĂǀĂŶƚĂŐĞƐŝŶũƵƐƚĞƐ
pour soi ou autrui, ŽƵĞŶĐŽƌĞů͛ŝŶĨůƵĞŶĐĞĚĞƐƉƌŽĐĞƐƐƵƐĠůĞĐƚŽƌĂƵdž͘ZŽďĞƌƚŽ^ĐĂƌƉŝŶĂƚŽ9 dé-­‐
finit la mafia comme une organisation qui ne se cŽŶƚĞŶƚĞƉĂƐ͕ĐŽŶƚƌĂŝƌĞŵĞŶƚăĐĞƋƵĞů͛ŽŶ
8 ͛ĂƉƌğƐZŽĐĐŽ^ĐŝĂƌƌŽŶĞ͕ĚĂŶƐMilieux Criminels et pouvoir politique (Cf. bibliographie), chapitre 7. ZŽďĞƌƚŽ^ĐĂƌƉŝŶĂƚŽ͕ŶĠĞŶϭϵϱϮ͕ĞƐƚƵŶŵĂŐŝƐƚƌĂƚŝƚĂůŝĞŶĚ͛ŽƌŝŐŝŶĞ ƐŝĐŝůŝĞŶŶĞ͘WƌŽĐƵƌĞƵƌŐĠŶĠƌĂůĚĞůĂŽƵƌĚ͛ƉƉĞů
de Caltanissetta, puis Procureur général auprès du parquet de Palerme, il a participé dès 1989 au pool antimafia dans lequel ĞdžĞƌĕĂŝĞŶƚĂůŽƌƐ'ŝŽǀĂŶŶŝ&ĂůĐŽŶĞĞƚWĂŽůŽŽƌƐĞůůŝŶŽ͘/ůĂĂŝŶƐŝƉĂƌƚŝĐŝƉĠăů͛ŝnstruction des procès les plus remarquables contre la mafia, dont le procès Andreotti qui commença en 1999. 9 | 10 observe la plupart du temps dans les médias, de commettre des crimes, aussi nombreux soient-­‐ils. La mafia se distingue des autres organisations criminelles par sa finalité singulière : ůĂ ĐŽŶƋƵġƚĞ ŝůůĠŐĂůĞ Ě͛ĞƐƉĂĐĞƐ de pouvoir, notamment les espaces économiques et poli-­‐
tiques10. Falcone et Turone11, quant à eux, définissent la mafia comme de véritables struc-­‐
tures économiques et de pouvoir, qui opèrent en lien avec les cercles officiels de pouvoir, ƋƵŝƐ͛ĂůŝŵĞŶƚĞŶƚƉĂƌĚes activités illicites desquelles elles tirent des rentes parasites, qui ins-­‐
taurent un système de contrôle social en dehors des institutions et qui se superposent (ou tendent ăƐĞƐƵƉĞƌƉŽƐĞƌͿăů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠůĠŐŝƚŝŵĞ12. La mafia, en synthèse, est une organisation ĐƌŝŵŝŶĞůůĞƋƵŝĐŽŶĐƵƌƌĞŶĐĞů͛ƚĂƚ͕ĂǀĞĐůĞƋƵĞůĞůůĞƉĂƌƚĂŐĞƵŶŵġŵĞƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞ͕ƵŶĞŵġŵĞ
population, et dont elle tend à accaparer les fonctions par des moyens violents. Dès lors, il convient de Ɛ͛ŝŶƚĞƌƌŽŐĞƌƐƵƌůĂĨĂĕŽŶĚŽŶƚĐĞƚ Etat, concurrencé dans ses pouvoirs les plus essentiels, lutte contre une pathologie ŵĠƚĂŵŽƌƉŚĞ͕ƋƵ͛ŝůĂƵŶƚĞŵƉƐƐŽƵƐ-­‐
ĞƐƚŝŵĠĞ͕ƉƵŝƐŶŝĠĞ͕ĞƚƉĂƌĨŽŝƐĂŝĚĠĞ͘>͛État, entendu comme pouvoir politique, a parfois eu des relations ambivalentes ĂǀĞĐůĞƐŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐĐƌŝŵŝŶĞůůĞƐ͘>͛ŽƉacité de ces rapports a en-­‐
couragé le développement de la mafia, mais également créé une méfiance certaine de la ƉŽƉƵůĂƚŝŽŶŝƚĂůŝĞŶŶĞăů͛ĠŐĂƌĚĚ͛ƵŶĞŐƌĂŶĚĞƉĂƌƚŝĞĚĞůĂĐůĂƐƐĞƉŽůŝƚŝƋƵĞ͘Nous verrons ainsi que cette méfiance a pu, dans les premiers temps de la Nation italienne, pousser une partie de la population dans la toile de la mafia. Pour ainsi dire, la méfiance traditionnelle de la Sicile ăů͛ĠŐĂƌĚĚĞƐĨŽƌŵĞƐĚ͛ĂƵƚŽƌŝƚĠ͕ĚƵĨĂŝƚĚĞƐŽŶŚŝƐƚŽŝƌĞŵĂƌƋƵĠĞĚĞŶŽŵďƌĞƵƐĞƐǀĂŐƵĞƐĚ͛ŽĐͲ
cupation, a permis la nĂŝƐƐĂŶĐĞĚĞůĂŵĂĨŝĂůŽƌƐƋƵĞů͛ƵŶŝƚĠŝƚĂůŝĞŶŶĞĂƚĞŶƚĠĚĞƐ͛ŝŵƉŽƐĞƌ͘
Mais nous verrons également que plus tard, dans la seconde moitié du XXè siècle, cette 10 Roberto Scarpinato et Saverio Lodato, dans Le Retour du Prince (Cf. Bibliographie). Giuliano Turone est un magistrat italien de la Cour SuprêmĞĚĞĂƐƐĂƚŝŽŶ͘/ůĂůŽŶŐƚĞŵƉƐĠƚĠũƵŐĞĚ͛ŝŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶ͕
ŶŽƚĂŵŵĞŶƚĞŶŵĂƚŝğƌĞĚĞĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠŽƌŐĂŶŝƐĠĞ͘ĂŶƐůĞƐĂŶŶĠĞƐϵϬ͕ŝůĂĠƚĠů͛ƵŶĚĞƐŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐĚĞůĂŝƌĞĐƚŝŽŶEĂƚŝŽŶĂůĞ
ŶƚŝŵĂĨŝĂ;ŝƌĞnjŝŽŶĞEĂnjŝŽŶĂůĞŶƚŝŵĂĨŝĂͿ͘/ůĞŶƐĞŝŐŶĞĚĞƉƵŝƐůĞƐƚĞĐŚŶŝƋƵĞƐĚ͛ĞŶƋƵġƚĞƐĂƵdžĠƚƵĚŝĂŶƚƐĚĞů͛hŶŝǀĞƌƐŝƚĠĂͲ
tholique de Milan. 12 Giovanni Falcone et Giuliano Turone dans Techniche di indagine in materia di mafia, texte publié après leur parti-­‐
cipation à une convention de juin 1982. 11 | 11 même méfiance a encouragé, progressivement, la société civile à entrer en lutte contre les organisatŝŽŶƐĐƌŝŵŝŶĞůůĞƐ͕ƐĂŶƐƉůƵƐƌŝĞŶĂƚƚĞŶĚƌĞĚĞů͛État. >ĞƐŝŶƐƚƌƵŵĞŶƚƐĚĞůĂůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂŝƚĂůŝĞŶŶĞŶĞƐŽŶƚƉĂƐŶĠƐĚ͛une législation issue Ě͛ŚŽŵŵĞƐĞƚĚĞĨĞŵŵĞƐƉŽůŝƚŝƋƵĞƐǀŽůŽŶƚĂƌŝƐƚĞƐ͘ >͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĚĞcette lutte, comme nous le ǀĞƌƌŽŶƐ͕Ɛ͛ŝŶƐĐƌŝƚĚĂŶƐƵŶĞĚŽƵďůĞĚLJŶĂŵŝƋƵĞ͛͘ƵŶĐƀƚĠ͕ůĞĚƌŽŝƚƉŽƌƚĠƉĂƌ les magistrats Ɛ͛ĞƐƚĚĠǀĞůŽƉƉĠ͕principalement à partir des années 60, encouragé notamment par plusieurs évènements tragiques et successifs, qui mirent le pouvoir politique « au pied du mur ͕ͩů͛ŽďůŝͲ
ŐĞĂŶƚăů͛Ăction pour la sauvegarde de sa propre légitimité. En effet, ces évènements ont, pour la plupart, concerné des hommes et femmes illustres pour leur combat contre la mafia. >͛État, pour dissimuler sa faiblesse à protéger ces âmes précieuses et, plus globalement, à lutter contre la mafia, a ponctuellement apporté des réponses aux attentes sociales en ma-­‐
tière législative. ͛ƵŶĂƵƚƌĞǀĞƌƐĂŶƚ͕ůĂůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂs'est opérée dans le corps social italien, et ce depuis que les phénomènes mafieux eurent recouvré une acception négative et devin-­‐
rent synonymes de criminalité. Petit à petit, les consciences se sont éveillées. Toutefois, ce Ŷ͛ĞƐƚƋƵ͛ĂƉƌğƐϭϵϵϮ͕ĂŶŶĠĞparticulièrement dramatique pour les mémoires͕ƋƵ͛ŝůĞƐƚƉŽƐͲ
sible de repérer une ĐƌŝƐƚĂůůŝƐĂƚŝŽŶĚĞů͛ŝŶĚŝgnation sociale, et le regroupement des volontés individuelles en forces collectives. ĞƐĚĞƵdžĨĂĐĞƚƚĞƐĚ͛ƵŶŵġŵĞĐŽŵďĂƚŶĞƐŽŶƚƉŽƵƌĂƵƚĂŶƚƉĂƐĚŝƐƐŽĐŝĂďůĞƐ͛͘ƵŶĞ
part car, sans reconnaissance des mafias comme des organisations criminelles de la part du ĚƌŽŝƚ͕ů͛État ne pourrait se revendiquer comme reflet de la société, et moins encore comme ƵŶĞĂƵƚŽƌŝƚĠůĠŐŝƚŝŵĞĞƚǀŽƵĠĞăůĂƉƌŽƚĞĐƚŝŽŶĚĞů͛ŝŶƚĠƌġƚŐĠŶĠƌĂů͘WĂƌĂůůğůĞŵĞŶƚ͕ůĞƚƌĂǀĂŝů
ĚĞƐŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐĂŶƚŝŵĂĨŝĂĂƉĞƌŵŝƐĚĞŵĞƚƚƌĞĞŶĂǀĂŶƚ͕ĂƵdžLJĞƵdžĚĞů͛ŽƉinion publique, des ŚŽŵŵĞƐĞƚĨĞŵŵĞƐĚĞůŽŝŝŶƚğŐƌĞƐĂŐŝƐƐĂŶƚƉŽƵƌů͛État, là où de nombreux personnages po-­‐
litiques publics ont été soupçonnés ou condamnés pour des faits de collusion avec la crimi-­‐
ŶĂůŝƚĠ͕ĚĠŐƌĂĚĂŶƚƉůƵƐŐůŽďĂůĞŵĞŶƚů͛ŝŵĂŐĞĚĞů͛État. Enfin, la société civile a eu et détient ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝĞŶĐŽƌĞƵŶƌƀůĞƌĠĞůĚĂŶƐůĂĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶĚĞů͛ĂĐƚŝŽŶƉƵďůŝƋƵĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͘ŶĞĨĨĞƚ͕
ses vagues successives de contestation, notamment suŝƚĞăĐĞƌƚĂŝŶƐĠǀğŶĞŵĞŶƚƐĚĞů͛,istoire italienne, ont eu un poids considérable sur les autorités détentrices du pouvoir. Reprenons les mots de Paola Severino, ancienne Ministre de la Justice italienne : | 12 WůƵƐůĂƐŽĐŝĠƚĠĐŝǀŝůĞƌĠĂŐŝƚ͕ƉůƵƐŐƌĂŶĚĞĞƐƚůĂĨŽƌĐĞĚĞů͛ĂĐƚŝŽŶĚĞůĂŵĂŐŝƐͲ
ƚƌĂƚƵƌĞĞƚĚĞƐĨŽƌĐĞƐĚĞů͛ŽƌĚƌĞ͘ĞůĂŵġŵĞŵĂŶŝğƌĞ͕ƉůƵƐů͛ŝŵƉĂĐƚĚĞƐĂĐͲ
ƚŝŽŶƐĚĞůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂĞƐƚŐƌĂŶĚ͕ƉůƵƐĨŽƌƚĞƐƚů͛engagement de la société civile13. >ĞĚŝĂůŽŐƵĞĞŶƚƌĞĚƌŽŝƚĞƚƐŽĐŝĠƚĠ͕ů͛ƵŶƌĠƉŽŶĚĂŶƚăů͛ĂƵƚƌĞĂƵŐƌĠĚĞƐĠǀğŶĞŵĞŶƚƐ͕Ă
Ě͛ĂďŽƌĚƉĞƌŵŝƐů͛ĂĨĨŝƌŵĂƚŝŽŶƉƌŽŐƌĞƐƐŝǀĞĚĞů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĚ͛ƵŶĞŵĂĨŝĂ͕ĞŶƚĞŶĚƵĞĐŽŵŵĞƉŚĠͲ
ŶŽŵğŶĞĐƌŝŵŝŶĞů͕ũƵƐƋƵ͛ăůĂƌĞĐŚĞƌĐŚĞĂĐƚƵĞůůĞĚ͛ƵŶĞƚƌĂŶƐƉĂƌĞŶĐĞƉƌĠǀĞŶƚŝǀĞ͘ĂŶƐĐĞůŽŶŐ
ƉƌŽĐĞƐƐƵƐ͕ŶŽƵƐĂƵƌŽŶƐů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚĞŶŽƵƐĂƌƌġƚĞƌƐƵƌƉůƵƐŝĞƵƌƐƉŚĂƐĞƐ͕ƋƵŝĐŽƌƌĞƐƉŽŶĚĞŶƚ
chacune à un regard différent porté sur le phénomène, à un pas en avant dans le processus ĚĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶ͕Ě͛ĠŶŽŶĐŝĂƚŝŽŶƉƵŝƐĚĞĚĠŶŽŶĐŝĂƚŝŽŶĚĞůĂŵĂĨŝĂƐŝĐŝůŝĞŶŶĞ͕ĞƚăƵŶĞƌĞůĂƚŝŽŶĚŝĨͲ
férente du droit et de la société. 13 DŝŶŝƐƚƌĞĚĞůĂ:ƵƐƚŝĐĞĚĞŶŽǀĞŵďƌĞϮϬϭϭăĂǀƌŝůϮϬϭϯ͕WĂŽůĂ^ĞǀĞƌŝŶŽĂƉƌŽŶŽŶĐĠĐĞƐŵŽƚƐăů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚ͛ƵŶĞ
intervention lors de la commémoration des magistrats Falcone et Borsellino, en juillet 2012 : ͟WŝƶůĂƐŽĐŝetà civile reagisce, ŵĂŐŐŝŽƌĞğůĂĨŽƌnjĂĚĞůů͛ĂnjŝŽŶĞĚĞůůĂŵĂŐŝƐƚƌĂƚƵƌĂĞĚĞůůĞ&ŽƌnjĞĚĞůů͛KƌĚŝŶĞ͘ĂůůŽƐƚĞƐƐŽŵŽĚŽ͕ŵĂŐŐŝŽƌĞğů͛ŝŵƉĂƚƚŽĚĞůůĞ
ĂnjŝŽŶŝĚŝĐŽŶƚƌĂƐƚŽ͕ƉŝƶĨŽƌƚĞğů͛ŝŵƉĞŐŶŽĚĞůůĂƐŽĐŝĞƚăĐŝǀŝůĞ͟;ƚĂĚƵĐƚŝŽŶƉĞƌƐŽŶŶĞůůĞͿ͘ | 13 1. 1860 ʹ 1960 : apparition du mot « mafia ͩĞƚŶĂŝƐƐĂŶĐĞƉƌŽŐƌĞƐƐŝǀĞĚ͛ƵŶ
problème public >ĞƚĞƌŵĞŵĂĨŝĂ͕ŶŽƵƐů͛ĂǀŽŶƐǀƵ͕ƌĞĐŽƵƉĞĚĞƚƌğƐŶŽŵďƌĞƵƐĞƐĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶƐƐĞůŽŶů͛ŝŶĚŝͲ
vidu en charge de la donner. ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ŝůĞƐƚĐĞƉĞŶĚĂŶƚƉŽƐƐŝďůĞĚ͛ĂĨĨŝƌŵĞƌů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĚ͛ƵŶ
consensus sur un aspect commun à ces définitions : le mot « mafia » recoupe un sens péjo-­‐
ratif. ĞƉĞŶĚĂŶƚ͕ĐĞůĂŶ͛ĂƉĂƐƚŽƵũŽƵƌƐĠƚĠůĞĐĂƐ͘Wour saisir la complexité du mot, il nous ĨĂƵƚĞĨĨĞĐƚƵĞƌƵŶƌĞƚŽƵƌĂƵdžƚĞŵƉƐĚĞů͛ƵŶŝĨŝĐĂƚŝŽŶŝƚĂůŝĞŶŶĞ͕ĠƉŽƋƵĞĚƵƌĂŶƚůĂƋƵĞůůĞůĞŵŽƚ
ĞƐƚĂƉƉĂƌƵ͕Ě͛ĂďŽƌĚĚĂŶƐƵŶĞĂĐĐĞƉƚŝŽŶƌĞůĂtivement positive, avant que son expression né-­‐
ŐĂƚŝǀĞŶĞƐ͛ŝŵƉŽƐĞ͘ 1.1 Naissance de la mafia 1.1.1 La disparition du modèle féodal Le système féodal qui organisait les sociétés jadis a disparu tardivement en Italie, par-­‐
ƚŝĐƵůŝğƌĞŵĞŶƚĞŶ^ŝĐŝůĞŽƶŝůŶ͛ĂĠƚĠĂďŽůŝƋƵ͛ĞŶϭϴϭϮ͕ƐĂŶƐƉŽƵƌĂƵƚĂŶƚĚŝƐƉĂƌĂŠƚƌĞĂǀĂŶƚůĂĨŝŶ
du XIXe siècle dans une agonie particulièrement fastidieuse. Ainsi, les rapports sociaux ont ĐŽŶƚŝŶƵĠăƐ͛ŽƌŐĂŶŝƐĞƌƐĞůŽŶĚĞƐŵŽĚğůĞƐĂŶĐŝĞŶƐ͕ĂƵƚŽƵƌĚĞƐĐŽŶĐĞŶƚƌĂƚŝŽŶƐĚƵƉŽƵǀŽŝƌĠĐŽͲ
nomique, politique et culturel. Les relations de droits, qui organisent les États modernes, étaient alors ouvertes par celles des avantages, des services et des faveurs14. 14 Réflexion développée par Roberto Scarpinato dans Le Retour du Prince (Cf. Bibliographie). | 14 >͛ĂƉƉĂƌŝƚŝŽŶĚ͛ƵŶĞŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶĐƌŝŵŝŶĞůůĞ͕ƋƵ͛ŝůƐĞƌĂŝƚĂŶĂĐŚƌŽŶŝƋƵĞĚĞƋƵĂůŝĨŝĞƌĂůŽƌƐ
de « mafia », ĞƐƚŝŶƚƌŝŶƐğƋƵĞŵĞŶƚůŝĠĞĂƵƉƌŽĐĞƐƐƵƐĚ͛ƵŶŝĨŝĐĂƚŝŽŶĚĞů͛/ƚĂůŝĞ͕ƋƵŝĞƵƚůŝĞƵĚĂŶƐ
la deuxième moitié du XIXe siècle. Menées par Giuseppe Garibaldi, les « camicie rosse15» envahirent le Royaume des Deux-­‐Siciles au cours du printemps 1860, luttant contre le pou-­‐
ǀŽŝƌ ŽƵƌďŽŶŶĂŝƐ ĂůŽƌƐ ĞŶ ƉůĂĐĞ͘ dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ ů͛ŝŶƚĠŐƌĂƚŝŽn de la Sicile à la très jeune Nation italienne ne se fit pas sans difficulté. En effet, cette période fut marquée par de profonds changements ou tentatives de faire évoluer les modèles sociaux et économiques présents en encore en vigueur͘>͛ƵŶŝĨŝĐĂƚŝŽŶĚĞů͛/ƚĂůŝĞĂĠƚĠƐLJŶŽŶLJŵĞ͕ƉŽƵƌůĂ^ŝĐŝůĞ͕Ě͛ƵŶďĂƐĐƵůĞŵĞŶƚ
profond dans une culture nouvelle, organisée différemment et renversant les relations entre les personnes. 1.1.2 LĂǀŝŽůĞŶĐĞĂƵƐĞƌǀŝĐĞĚ͛intérêts privés >ĞƐĂƵƚĞƵƌƐŶĞƐ͛ĂĐĐŽƌĚĞŶƚƉĂƐƐƵƌů͛ŽƌŝŐŝŶĞ précise de la mafia. Ainsi, certains pensent ƋƵ͛ĞůůĞĞƐƚŝƐƐƵĞĚĞƉƌŽƚĞƐƚĂƚŝŽŶƐƉĂLJƐĂŶŶĞƐ͕ĞƚĚ͛ĂƵƚƌĞƐăů͛ŝŶǀĞƌƐĞ͕ĚĞƐƚĞŶƚĂƚŝǀĞƐĚĞƐƉƌŽͲ
priétaires terriens de conserver leurs privilèges. Les premiers auraient trouvé dans la mafia un moyen de pression contre les micropouvoirs des propriétaires terriens. Les seconds, « la-­‐
tifondisti16 », auraient cherché des moyens pour réaffirmer leurs pouvoirs et leur autorité sur les travailleurs agricoles qui commenĕĂŝĞŶƚăƌĞǀĞŶĚŝƋƵĞƌůĞƵƌƐĚƌŽŝƚƐ͛͘ƵŶĐƀƚĠĐŽŵŵĞĚĞ
ů͛ĂƵƚƌĞ͕ŶŝůĞƐƌŝĐŚĞƐƉƌŽƉƌŝĠƚĂŝƌĞƐŶŝůĞƐƚƌĂǀĂŝůůĞƵƌƐĂŐƌŝĐŽůĞƐne furent ĐŽŶƚĞŶƚĠƐƉĂƌů͛unité du pays. 15 « Chemises rouges » est le terme employé pour désigner les troupes engagées dans les luttes du XIXè siècle : invasion du Royaume des Deux-­‐Siciles (1860), conquête des Etats PontifŝĐĂƵdž;ϭϴϲϳͿĞƚdƌŽŝƐŝğŵĞ'ƵĞƌƌĞĚ͛/ŶĚĠƉĞŶĚĂŶĐĞ
Italienne (1866). 16 Grands propriétaires terriens. | 15 Les micropouvoirs latifundistes ůŽĐĂƵdžƋƵŝ͕ƉĂƌĐĂƵƐĞĚ͛ƵŶÉtat lointain tant du point de vue ƉŽůŝƚŝƋƵĞƋƵĞŐĠŽŐƌĂƉŚŝƋƵĞ͕ĨŽŶƚĂƉƉĞůăĐĞƋƵ͛hŵďĞƌƚŽ^ĂŶƚŝŶŽĂƉƉĞůůĞĚĞƐͨ mé-­‐
diateurs violents »17 pour réguler tant bien que mal les rapports sociaux : lutte des classes, relations commerciales, autorité politique, ĞƚĐ͘WŽƵƌ^ĂŶƚŝŶŽ͕ůĂŵĂĨŝĂŶĂŠƚĚ͛ƵŶĞbrèche ou-­‐
verte par ů͛ĂďŽůŝƚŝŽŶĚƵƐLJƐƚğŵĞĨĠŽĚĂůƐŝĐŝůŝĞŶ͕ƐĂŶƐƋƵĞůĞŵŽĚğůĞĚĠŵŽĐƌĂƚŝƋƵĞĚƵŶŽƵǀĞů
État ƵŶŝĨŝĠŶĞƉĂƌǀŝĞŶŶĞăƐ͛ŝŵƉŽƐĞƌ͘hŶĞĐůĂƐƐĞĚ͛ŚŽŵŵĞƐĠŵĞƌŐĞĂůŽƌƐ͕ůŝĠƐ par le culte du ƐĞĐƌĞƚĞƚů͛ĂĐƚŝŽŶǀŝŽůĞŶƚĞ͘/ůƐ répondent aux « commandes » qui lui sont faites et accumulent de la richesse puis, progressivement, du pouvoir et des liens avec les autorités. Face à ces tentatives patronales de conserver leur micropouvoirs hérités du système féodal, des mou-­‐
vements de résistance locale émergent, danƐƵŶƐLJŶĚŝĐĂůŝƐŵĞƋƵŝƐ͛ĂƉƉĂƌĞŶƚĞĂƵdžƉƌĞŵŝĞƌƐ
mouvements antimafia. Ces luttes sont toutefois réprimées ͗Ě͛ƵŶĞƉĂƌƚ͕ƉĂƌůĞƐƉƌŽƉƌŝĠƚĂŝƌĞƐ
ƚĞƌƌŝĞŶƐŐƌąĐĞĂƵdžĐƌŝŵŝŶĞůƐƋƵ͛ŝůƐĞŵƉůŽŝĞŶƚ͕ŵĂŝƐĠŐĂůĞŵĞŶƚpar les autorités légitimes, ma-­‐
gistrats et forces de ů͛ŽƌĚƌĞ͕ƋƵŝƐ͛ĂĐĐŽŵŵŽĚĞŶƚƌĞůĂƚŝǀĞŵĞŶƚďŝĞŶĚĞů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶůŽĐĂůĞ
du pouvoir, ce qui permet in fine de conserver une certaiŶĞĐŽŶĐĞƉƚŝŽŶĚĞů͛ŽƌĚƌĞƉƵďůŝĐĞƚ
qui leur offre dans le même temps une certaine visibilité électorale. La mafia tire donc ses origŝŶĞƐĚĞŵŽĚĂůŝƚĠƐĚ͛ĂĐƚŝŽŶƐǀŝŽůĞŶƚĞƐĂƵƐĞƌǀŝĐĞĚ͛ŝŶƚĠƌġƚƐ
privés. >͛ƚĂƚ͕ƋƵŝĂƵƌĂŝƚĚƸĐŽŶĐĞŶƚƌĞƌůĞŵŽŶŽƉŽůĞĚĞůĂǀŝŽůĞŶĐĞůĠŐŝƚŝŵĞ18, est concurrencé ĚĂŶƐůĞƐĨĂŝƚƐƉĂƌůĂĚĠƚĞŶƚŝŽŶŽďũĞĐƚŝǀĞĚ͛ƵŶĞƉĂƌƚŝĞĚĞůĂǀŝŽůĞŶĐĞƉĂƌůĞƉƌŝǀĠ͕ĚĂŶƐĐĞĐĂƐ
des groupes criminels. >͛ŝĚĠĞĚĞũƵƐƚŝĐĞƉĞƌƐŽŶŶĞůůĞƐĞĚĠǀĞůŽƉƉĞ͕ƐĞĚŝĨĨƵƐĞ͕ĞƚĐŽŶĐƵƌƌĞŶĐĞ
ĚĞ ƉůƵƐ ĞŶ ƉůƵƐ ů͛ĂĨĨŝƌŵĂƚŝŽŶ ĚĞ ů͛État officiel dans une époque où celui-­‐ci est encore très ƌĠĐĞŶƚ͘>͛ĂĨĨĂŝƌĞ'ĂůĂƚŝ19 est un microphénomène qui, toutefois, illustre parfaitement les mé-­‐
thodes mafieuses͕ƚŽƵũŽƵƌƐĚ͛ĂĐƚƵĂůŝƚĠ : criminalité, intimidation, extorsion, racket, etc. 17 Umberto Santino, dans Storia del movimento antimafia ͗ĚĂůůĂůŽƚƚĂĚŝĐůĂƐƐĞĂůů͛ŝŵƉĞŐŶŽƐŽĐŝĂůĞ (Cf. Bibliographie). ^ĞůŽŶDĂdžtĞďĞƌ͕ů͛ƚĂƚĞƐƚ« ů͛entreprise politique à caractère institutionnel lorsque et tant que sa direction ad-­‐
ŵŝŶŝƐƚƌĂƚŝǀĞƌĞǀĞŶĚŝƋƵĞĂǀĞĐƐƵĐĐğƐ͕ĚĂŶƐů͛ĂƉƉůŝĐĂƚŝŽŶĚĞƐƌğŐůĞŵĞŶƚƐ͕ůĞŵŽŶŽƉŽůĞĚĞůĂĐŽŶƚƌĂŝŶƚĞƉŚLJƐŝƋƵĞůĠŐŝƚŝŵĞ » dans Le Savant et le Politique, 1919. 19 >͛ĂĨĨĂŝƌĞĚu Docteur Galati nous est relatée par John Dickie dans son ouvrage « La mafia sicilienne de 1860 à nos jours » (Cf. Bibliographie). 18 | 16 1.1.3 >͛ĂĨĨĂŝƌĞ'ĂůĂƚŝ20 >Ğƌ'ĂůĂƚŝĞƐƚƵŶĐŚŝƌƵƌŐŝĞŶƋƵŝ͕ĞŶϭϴϳϮ͕ŚĠƌŝƚĂĚ͛ƵŶƚĞƌƌĂŝŶĂŐƌŝĐŽůĞĚĞƉůƵƐŝĞƵƌƐ
hectares, planté de vergers. La culture ĚĞƐĂŐƌƵŵĞƐĠƚĂŝƚ͕ăů͛ĠƉŽƋƵĞ͕ŐĂŐĞĚ͛ƵŶŝŶǀĞƐƚŝƐƐĞͲ
ment financier particulièrement important, mais également très rentable. Le terrain du Dr 'ĂůĂƚŝĠƚĂŝƚĠƋƵŝƉĠĚĞĨĂĕŽŶŵŽĚĞƌŶĞ͕ĂǀĞĐƵŶƐLJƐƚğŵĞĚ͛ŝƌƌŝŐĂƚŝŽŶĂďŽƵƚŝ, mais qui nécessi-­‐
ƚĂŝƚů͛ŝŶƚĞƌǀĞŶƚŝŽŶĚ͛ƵŶ homme à plein temps. ͛ĠƚĂŝƚůĞƌƀůĞĚ͛ƵŶgardien, employé du doc-­‐
teur, qui comprit rapidement ů͛ŝŶƚĠƌġƚƋƵ͛ŝůƉŽƵǀĂŝƚavoir à influencer les affaires du verger. Ainsi, en volant des fruits dont le Dr Galati avait reçu la commande et déjà prévendus, mais pas encore ôtés des arbres du verger, le gardien pouvait espérer faire tomber la réputation ĚĞů͛ĞdžƉůŽŝƚĂƚŝŽŶ͘hŶĞĨŽŝƐůĞƚĞƌƌĂŝŶĚĠǀĂůŽƌŝƐĠ͕ŝůůƵŝƐĞƌĂŝƚĂůŽƌƐƉŽƐƐŝďůĞĚ͛ĞĨĨĞĐƚƵĞƌ des in-­‐
vestissements personnels avantageux. Plus tard, lorsque le Dr Galati décida de trouver un associé à qui confier le terrain, le gardien prit le soin Ě͛ĞĨĨĞĐƚƵĞƌůĞƐǀŝƐŝƚĞƐĂƵdžŝŶƚĠƌĞƐƐĠƐ͕de ƐŽƌƚĞƋƵ͛ŝůƉƵŝƐƐĞůĞƐĚĠĐŽƵƌĂŐĞƌ subtilement. Le terrain ne trouvant pas preneur, le Dr Galati décida de changer de gardien, mais son remplaçant fut rapidement tué. Le Dr Galati entreprit Ě͛ĂůůĞƌǀŽŝƌůĞƐĨŽƌĐĞƐĚĞƉŽůŝĐĞ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶƚĂĐĐŽŵƉĂŐŶĠĚĞƐŶŽŵďƌĞƵƐĞƐůĞƚƚƌĞƐĚĞŵĞŶĂĐĞƐ
reçues, mais sans succès. Dans ce court récit, le gardien expose parfaitement les caractéristiques de la « mafio-­‐
sité » ͗ƵƚŝůŝƐĂƚŝŽŶĚĞůĂǀŝŽůĞŶĐĞĞƚĚĞů͛ŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶƉŽƵƌƐĞƌǀŝƌĚĞƐŝŶƚĠƌġƚƐƉƌŝǀĠƐǀŝƐĂŶƚă
ů͛ĂĐĐƵŵƵůĂƚŝŽŶĚĞƌŝĐŚĞƐƐĞƐ͕ĞŶůŝĞŶĐĞƌƚĂŝŶĞŵĞŶƚĂǀĞĐƋƵĞůƋƵĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐŚĂƵƚ placées, lui assurant une protection vis-­‐à-­‐vis de la justice. Ces relations de violence, au service de pou-­‐
ǀŽŝƌƐůŽĐĂƵdž͕ƌĞƐƚĞŶƚĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝĞŶĐŽƌĞĚĞƐĠůĠŵĞŶƚƐĚĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĚĞƐŵŽĚĂůŝƚĠƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͘
À ů͛ĠƉŽƋƵĞĚƵƌ'ĂůĂƚŝ͕ůĞƐĂƵƚŽƌŝƚĠƐƉĞŶƐent ƋƵ͛ŝůŶĞƐ͛ĂŐŝƚtout au plus que de faits localisés, voués à disparaître naturellemenƚĂƵďĠŶĠĨŝĐĞĚĞů͛État de droit. 20 >͛ĠƉŝƐŽĚĞĚĞͨ ů͛ĂĨĨĂŝƌĞ'ĂůĂƚŝ » est relaté par John Dickie dans son ouvrage La mafia sicilienne de 1860 à nos jours (Cf. Bibliographie). | 17 1.1.4 >͛ĂƉƉĂƌŝƚŝŽŶĚ͛ƵŶ lien opportuniste entre politique et mafia >ŽƌƐƋƵĞů͛/ƚĂůŝĞƌĠƵƐƐŝƚăƐ͛ƵŶŝƌ, « par le haut », la fracture culturelle existant entre les ĚŝĨĨĠƌĞŶƚĞƐ ƌĠŐŝŽŶƐ ŶĞ Ɛ͛ĞƐƚŽŵƉĞ ƉĂƐ ĂƵƐƐŝ ƌĂƉŝĚĞŵĞŶƚ ƋƵ͛ĞƐƉĠƌĠ͘ Le pays nouvellement formé nécessite malgré tout ůĂŵŝƐĞĞŶƉůĂĐĞĚ͛ƵŶĞŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƉŽůŝƚŝƋƵĞƋƵŝƐ͛ĠƚĞŶĚĞĚƵ
Nord au Sud, et qui puisse exercer, de façon efficiente et légitime ƐƵƌů͛ĞŶƐĞŵďůĞĚƵƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞ͕ ůĞƉŽƵǀŽŝƌƋƵ͛ŝůdétient. Pour ce faire, les autorités politiques adoptent des moyens rapides ĞƚĂŝƐĠƐ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶƚůĂŵŝƐĞĞŶƉůĂĐĞĚ͛ĂĐĐŽƌĚƐĞƚĚ͛ĂůůŝĂŶĐĞĂǀĞĐůĞƐƉŽƵǀŽŝƌƐ illicites exis-­‐
tants au niveau local. ͛ƵŶĐƀƚĠĐŽŵŵĞĚĞů͛ĂƵƚƌĞ͕ůĞƐƉĂƌƚŝĞƐƐŽŶƚĂǀĂŶƚĂŐĠĞƐ : le politique trouve dans ces micropoƵǀŽŝƌƐĚĞƐƌĞůĂŝƐůŽĐĂƵdžĞĨĨŝĐĂĐĞ͕ĞƚĐĞƐĚĞƌŶŝĞƌƐƉĞƵǀĞŶƚƐ͛ŝŶƐĐƌŝƌĞ
dans des milieux de pouvoirs au niveau national. ͛ĞƐƚĂŝŶƐŝƋƵ͛ĂƉƉĂƌĂŠƚ͕ƚƌğƐƚƀƚ͕ůĞůŝĞŶĠƚƌŽŝƚĞŶƚƌĞůĂĐůĂƐƐĞĚŝƌŝŐĞĂŶƚĞ͕ĚĠƚĞŶƚƌŝĐĞĚĞ
ů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠƉŽůŝƚŝƋƵĞ͕Ğƚla criminalité mafieuse. CĞƌƚĂŝŶĞƐĨƌĂŶŐĞƐĚĞů͛ĞdžĞƌĐŝĐĞĚƵƉŽƵǀŽŝƌƉŽͲ
litique deviennent alors mafieuses, donnant naissance à une entente, une relation ambiva-­‐
ůĞŶƚĞ Ğƚ ŝŶƚĠƌĞƐƐĠĞ͕ ƋƵŝ ĚƵƌĞŶƚ ũƵƐƋƵ͛ă ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ. ğƐ ůŽƌƐ͕ ůĞƐ ƚĞŶƚĂƚŝǀĞƐ Ě͛ĂĨĨŝƌŵĂƚŝŽŶ
Ě͛ƵŶĞ EĂƚŝŽŶ ŽŶƚ ǀƵ͕ ĐŽŵŵĞ ůĞƐ ƌĞĨůĞƚƐ Ě͛ƵŶ ŵŝƌŽŝƌ ĚĠĨŽƌŵĂŶƚ͕ ůĞ ĚĠǀĞůŽƉƉĞŵĞŶƚ Ě͛ƵŶ
contre-­‐ƉŽƵǀŽŝƌĐƌŝŵŝŶĞůŽƌŐĂŶŝƐĠ͕ƋƵŝƚĞŶĚƉƌŽŐƌĞƐƐŝǀĞŵĞŶƚăƐ͛ĂƉƉĂƌĞŶƚĞƌăƵŶĂŶƚŝ-­‐État, en ĐĞƋƵ͛ŝůĞŶƉĂƌƚĂŐĞĐĞƌƚĂŝŶĞƐƉƌĠƌŽŐĂƚŝǀĞƐ͘ Ce phénomène criminel, qui apparaît conjointe-­‐
ment dans plusiĞƵƌƐƐƚƌĂƚĞƐƐŽĐŝĂůĞƐ͕Ŷ͛ĞƐƚƉĂƐĞŶĐŽƌĞŽďƐĞƌǀĠ͕ĚĠĨŝŶŝou analysé. En effet, ĐĞƌƚĂŝŶĞƐĐŽŶƐĠƋƵĞŶĐĞƐƐŽŶƚǀŝƐŝďůĞƐ͕ƚĞůůĞƐƋƵĞů͛ĂƐƐĂƐƐŝŶĂƚĚƵŶŽƵǀĞůĞŵƉůŽLJĠĚƵƌ'ĂůĂƚŝ͕
ŵĂŝƐƉĞƌƐŽŶŶĞŶ͛ŝŵĂŐŝŶĞĞŶĐŽƌĞƋƵĞĐĞƚƚĞĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠƉƵŝƐƐĞƐĞĚĠǀĞůŽƉƉĞƌũƵƐƋƵ͛ăĚĞvenir ůĂƉŝĞƵǀƌĞƋƵ͛ĞůůĞĞƐƚĚĞŶŽƐũŽƵƌƐ͘ 1.2 >͛ĂďƐĞŶĐĞĚĞĐŽŶƐĞŶƐƵƐƐƵƌůĂĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĚƵƉŚĠŶŽŵğŶĞ La mafia, si elle commence à porter un nom, recoupe à cette époque des significa-­‐
tions très différentes, pour ne pas dire contraire. Certains auteurs, intellectuels ou politiques ƐĂŝƐŝƐƐĞŶƚůĂĚĂŶŐĞƌŽƐŝƚĠĚƵƉŚĠŶŽŵğŶĞƋƵ͛ŝůƐĐŽŶƐŝĚğƌĞŶƚĚ͛ŽƌĞƐĞƚĚĠũăĐŽŵŵĞƵŶƚLJƉĞĚĞ
| 18 criminalité, certes violente, mais dont ils sous-­‐estiment encore la capacité à infiltrer les ŚĂƵƚĞƐƐƉŚğƌĞƐĚĞů͛ĠĐŽŶŽŵŝĞĞƚĚĞů͛ĂĚministration ƉƵďůŝƋƵĞ͛͘ĂƵƚƌĞƐ͕ďŝĞŶůŽŝŶĚ͛ĞƐƚŝŵĞƌ
la mafia à sa juste dimension, considèrent ƋƵ͛ĞůůĞ Ŷ͛ĞƐƚƋƵĞůĞƐŝŐŶĞĚ͛ƵŶƚƌĂŝƚĚĞĐĂƌĂĐƚğƌe propre au territoire sicilien. 1.2.1 ĐĐĞƉƚŝŽŶŽƌŝŐŝŶĞůůĞĞƚƉŽƐŝƚŝǀĞĚƵƚĞƌŵĞ͞ŵĂĨŝĞƵdž͟ :ĂĚŝƐ͕ů͛ĂĚũĞĐƚŝĨ« mafioso », qui dérive directement de mafia et qualifie celui qui en fait partie et/ou qui agit avec des méthodes de type mafieuses, recouvrait une acception positive. Dans le dialecte de la zone palermitaine, le terme précédemment cité signifiait « beau », « fort » ou encore « sûr de soi ». Certaines thèses anthropologiques, basées sur ce constat, ont ainsi défini la mafia comme un trait de caractère propre ăůĂƉŽƉƵůĂƚŝŽŶĚ͛ƵŶ
territoire. Selon ces thèses, le mafieux a cette particularité qui le rend différent, pour ne pas dire « supérieur » aux autres hommes. >ĂŵĂĨŝĂŶ͛ĞƐƚ͕ƉĂƌĐŽŶƐĠƋƵĞŶƚ͕ pas entendue comme ƵŶĞŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶĐƌŝŵŝŶĞůůĞ͕ŶŝŵġŵĞĐŽŵŵĞƵŶĞŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ͘/ůƐ͛ĂŐŝƐƐĂŝƚĂůŽƌƐĚ͛ƵŶĞƌĠĂůŝƚĠ
ŝŵƉĂůƉĂďůĞĞƚŝƌƌĂƚŝŽŶŶĞůůĞ͕Ě͛Ƶn sentiment identitaire profondément ancré dans la culture sicilienne. Certains auteurs résument ces traits de caractère au terme « sicilianisme », qui de-­‐
vient dès lors un synonyme de « mafiosité ». WŽƵƌ'ŝŽǀĂŶŶŝ&ĂůĐŽŶĞ͕ů͛ĠƚƵĚĞĚƵůŝĞŶĞŶƚƌĞůĞ
territoire et la mafiosité doit être renversée. >Ğ ůŝĞŶ ĞdžŝƐƚĞ͕ ŵĂŝƐ ůĞ ĨĂŝƚ Ě͛ġƚƌĞ ŵĂĨŝĞƵdž ŶĞ
ƉĂƌƚŝĐŝƉĞƉĂƐĚĞů͛ĞƐƐĞŶĐĞĚĞƐSiciliens. En réalité, les mafieux et les Siciliens partagent ce que Falcone appelle la « sicilianité »21͕ƋƵŝƐĞƌĂŝƚƵŶĞĐĞƌƚĂŝŶĞĨŽƌŵĞĚĞŵĠĨŝĂŶĐĞăů͛ĠŐĂƌĚĚĞƐ
pouvoirs extériĞƵƌƐ͕ĚĞƋƵĞůƋƵĞŶĂƚƵƌĞƋƵĞĐĞƐŽŝƚ͘ĞƚƚĞŵĠĨŝĂŶĐĞƐĞďĂƐĞƐƵƌů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĚĞ
21 Ce terme de « sicilianité » (« sicilianità »), ou encore « sicilitude » (« sicilitudine »), selon les auteurs, recoupe une ŐƌĂŶĚĞǀĂƌŝĠƚĠĚĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶƐ͘WŽƵƌ>ĞŽŶĂƌĚŽ^ĐŝĂƐĐŝĂ͕ŝůƐ͛ĂŐŝƚăůĂĨŽŝƐĚ͛ƵŶͨůŝĞƵĐŽŵŵƵŶ͕Ě͛ƵŶĞŝĚĠĞĐŽƵƌĂŶƚĞĞƚĚ͛ƵŶŵŽƚŝĨ
ƉƌŽĨŽŶĚĞƚƵŶŝǀŽƋƵĞĚ͛ŝŶƐƉŝƌĂƚŝŽŶĚĂŶƐůĂůŝƚƚĠƌĂƚƵƌĞĞƚĚĂŶƐů͛Ăƌƚ ». | 19 la Sicile, occupée͕ĐŽŵŵĞŶŽƵƐů͛ĞdžƉŽƐĞƌŽŶƐƉůƵƐƚĂƌĚ͕ par de nombreuses forces étrangères et ayant traversé, en reprenant les mots de Falcone, « cinq cents ans de féodalisme ». 1.2.2 I mafiusi di la Vicaria ͛ĂƉƌğƐĐĞƌƚĂŝŶƐŚŝƐƚŽƌŝĞŶƐ͕ůĞŵŽƚͨ mafieux » commença à prendre une connotation ŶĠŐĂƚŝǀĞăů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚ͛ƵŶĞƌĞƉƌĠƐĞŶƚĂƚŝŽŶƚŚĠąƚƌĂůĞĚĞůĂƉŝğĐĞͨ I mafiusi di la Vicaria », écrite en 1863 par Gaspare Mosca et Giuseppe Rizzotto͘ĞƚƚĞƈƵǀƌĞĚƵƐŝdžŝğŵĞĂƌƚĞdžƉŽƐĞ
ůĞƐ ƌĞůĂƚŝŽŶƐ ŝŶƚĞƌƉĞƌƐŽŶŶĞůůĞƐ ĞdžŝƐƚĂŶƚ ĞŶƚƌĞ ůĞƐ ƉĞƌƐŽŶŶĂŐĞƐ͕ ĚĂŶƐ ůĞ ĚĠĐŽƌ Ě͛ƵŶĞ ƉƌŝƐŽŶ
ƉĂůĞƌŵŝƚĂŝŶĞ͘>͛ƵŶĚ͛ĞŶƚƌĞĞƵdž͕'ŝŽĂĐĐŚŝŶŽ&ƵŶĐŝĂnjnjĂ͕ƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞƵŶŵĂĨŝĞƵdžqui impose au-­‐
tour de lui des formes de domination et ĚĞŚŝĠƌĂƌĐŚŝĞĨŽƌƚĞƐ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶƚƉĂƌů͛ŽďůŝŐĂƚŝŽŶĚĞ
payer « u pizzu » (le « pizzo »). Funciazza tient également à faire respecter sa conception de ů͛ŚŽŶŶĞƵƌĞƚůĂŵŽƌĂůĞ͕ĞŶĚĠĨĞŶĚĂŶƚůĞƐŽƉƉƌŝŵĠƐƋƵŝůƵŝĚĞŵĂŶĚĞŶƚƐŽŶĂŝĚĞĞƚĞŶƌĞƐƉĞĐͲ
tant les traditions. Les auteurs rassemblent sous le terme de « mafioso »22 une organisation délinquante ĞdžŝƐƚĂŶƚ ă ů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌ ĚĞ ůĂ ƉƌŝƐŽŶ͕ Ğƚ ƌĠŐŝĞ ƐĞůŽŶ ůĞƐ ƌğŐůĞƐ Ğƚ ůĞƐ ǀĂůĞƵƌƐ ƋƵŝ ƐĞŵďůĞŶƚ ĂƵͲ
ũŽƵƌĚ͛ŚƵŝĞŶĐŽƌĞġƚƌĞƉƌŽƉƌĞƐĂƵdžĨŽƌŵĂƚŝŽŶƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ ͗ƌĞƐƉĞĐƚĚĞů͛ŚŽŶŶĞƵƌ͕ de la morale, ĚĞƐƚƌĂĚŝƚŝŽŶƐ͕ĚĞů͛ŚƵŵŝůŝƚĠ͕ĚĠĨĞŶƐĞĚĞƐŽƉƉƌŝŵĠƐ͕ŚŝĠƌĂƌĐŚŝĞŝŶƚĞƌŶĞƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞŵĞŶƚĨŽƌƚĞ͕ ornée de rites initiatiques ĞƚĚŽƚĠĞƐĚ͛ƵŶĞƚġƚĞ autoproclamée͕ƉĂƌǀĞŶƵĞĂƵƉŽƵǀŽŝƌƉĂƌů͛ŝŶͲ
timidation et la violence physique23. 22 « Mafiusi », dans la pièce originelle, du fait de son écriture en dialecte. >͛ĞŶƐĞŵďůĞĚĞƐĠůĠŵĞŶƚƐĐŝƚĠƐĚĂŶƐĐĞƚƚĞůŝƐƚĞƐŽŶƚĂƵƚĂŶƚĚĞǀĂůĞƵƌƐƋƵĞƉƌƀŶĞŶƚůĞƐorganisations mafieuses, et ŶŽŶů͛ĠŶŽŶĐŝĂƚŝŽŶĚĞƌĠĂůŝƚĠƐŽďũĞĐƚŝǀĞƐ͘ŝŶƐŝ͕ůĞƐƚĞƌŵĞƐƵƚŝůŝƐĠƐƐŽŶƚƌĞƉƌŝƐĚƵǀŽĐĂďůĞŵĂĨŝĞƵdžůƵŝ-­‐même, mais il est évident que la signification entendue ici de la morale ne correspond pas à celle communément répandue. 23 | 20 La pièce connaît un succès retentissant. En effet, ŵĂƌƋƵĠĞĚ͛ƵŶĞĨŽƌƚĞĐƌĠĚŝďŝůŝƚĠĚƵĞ
à une véritable étude de la part des auteurs, la pièce relate avec précision les relations am-­‐
bivalentes entretenues par une partie de la population avec la criminalité locale. La mafia est alors un sentiment profondément ancré dans la Sicile, encore marquée par son féodalisme, ĨĂĐĞăƵŶĞEĂƚŝŽŶƵŶŝĞƋƵŝƚĞŶƚĞĚ͛ĠŵĞƌŐĞƌ͘ >ĂĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠƉƌĠƐĞŶƚĠĞŶ͛ĞƐƚƋƵĞů͛ĞdžƉƌĞƐƐŝŽŶ
Ě͛ƵŶŽƌŐƵĞŝůůŽĐĂů͘ Dès lors, le mafieux devient celui qui proclame ses valeurs et revendique ĚĞƉƌŽƚĠŐĞƌůĞƐƉůƵƐĨĂŝďůĞƐĨĂĐĞăů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠŽĨĨŝĐŝĞůůĞ͘>ĞƌĞĐŽƵƌƐĂƵƉŽƵǀŽŝƌůĠŐŝƚŝŵĞĚĞǀŝĞŶƚ͕
par conséquent, la marque des hommes faibles ou lâches. Nous retrouvons, là-­‐ĞŶĐŽƌĞ͕ů͛ƵŶ
des traits caractéristiques et subsistants au ƐĞŝŶ ĚĞƐ ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐ ŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͕ ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ
encore. 1.2.3 >͛ĞŶƋƵġƚĞĚĞ^ŽŶŶŝŶŽĞƚ&ƌĂŶĐŚĞƚƚŝ ğƐů͛ĂŶŶĠĞ 1876, deux intellectuels se rendirent en Sicile pour effectuer une enquête sur la mafia24͕ƉŚĠŶŽŵğŶĞƋƵŝĐŽŵŵĞŶĕĂŝƚăƉƌĞŶĚƌĞĚĞů͛ĂŵƉůĞƵƌƐĂŶƐƋƵĞƉĞƌƐŽŶne ne ƉƵŝƐƐĞůĞĚĠĨŝŶŝƌƉƌĠĐŝƐĠŵĞŶƚ͘ƵĐŽƵƌƐĚĞů͛ĞŶƋƵġƚĞ͕^ŽŶŶŝŶŽĞƚ&ƌĂŶĐŚĞƚƚŝƉƵƌĞŶƚƐĞƌĞŶĚƌĞ
compte de la confusion qui existait, en Sicile, sur la définition à donner au phénomène. Chaque entretien leur offrait une vision, une opinion et une acception différentes25. Au-­‐delà du phénomène criminel, les deux enquêteurs sont les premiers à saisir la mesure de la mafia dans sa dimension politique͕ĞŶƚĂŶƚƋƵĞŵŽĚĂůŝƚĠƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞĚ͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠ͘ Les deux auteurs se concentrent, plus globalement, sur une étude du territoire et de la façon dont ce dernier est administré. Leur ouvrage leur donne une occasion de réaliser une description très précise de la réalité locale, sociale, politique et économique. Toutefois, 24 Enquête menée par Leopoldo Franchetti et Sidney Sonnino, intitulée « Conditions politiques et administratives de la Sicile ». 25 Voir John Dickie, Cosa Nostra, la mafia sicilienne de 1860 à nos jours (Cf. Bibliographie), page 77. | 21 malgré la précision de leur enquête Ğƚů͛ĠĐŚŽĚŽŶƚĞůůĞĨƵƚăů͛ŽƌŝŐŝŶĞ, la mafia ne trouve pas encore de définition marquée par le sceau du consensus. Certains personnages politiques la nient, certains intellectuels font perdurer les thèses qui définissent la mafia comme un trait de caƌĂĐƚğƌĞĚƵƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞŝƚĂůŝĞŶ͕ĞƚůĂƉŽƉƵůĂƚŝŽŶŶĞƐĂŝƐŝƚƉĂƐĞŶĐŽƌĞů͛ĂŵƉůĞƵƌĚƵƉŚĠŶŽͲ
mène. 1.3 Le développement de la mafia 1.3.1 >ĂŵĠĨŝĂŶĐĞăů͛ĠŐĂƌĚĚĞƐƉŽƵǀŽŝƌƐƉƵďůŝĐƐ >ĂŵĂĨŝĂƐ͛ŝŶƐƚĂůůĞƉƌŽŐƌĞƐƐŝǀĞŵĞŶƚĚĂŶƐůĞƐnjŽŶĞƐƌƵƌĂůĞƐĚĞůĂ^ŝĐŝůĞ͕ĂƵƚŽƵƌĚĞĨĂͲ
milles26 ƋƵŝĂŐŝƐƐĞŶƚĚĞĨĂĕŽŶŝŶĚĠƉĞŶĚĂŶƚĞůĞƐƵŶĞƐĚĞƐĂƵƚƌĞƐ͕ŽƵƐ͛ƵŶŝƐƐĞŶƚƐĞůŽŶůĞƐŽƉͲ
portunités. La Sicile, plus grande île de la Méditerranée, est également située à un carrefour stratégique de cette dernière. Son histoire est, par conséquent, marquée de nombreuses et ƚƌğƐ ǀĂƌŝĠĞƐ ǀĂŐƵĞƐ Ě͛ŝŶǀĂƐŝŽŶƐ ĞdžƚĠƌŝĞƵƌĞƐ ƉĂƌŵŝ ůĞƐƋƵĞůůĞƐ il serait possible de citer les 'ƌĞĐƐ͕ƌĂďĞƐŽƵĞŶĐŽƌĞEŽƌŵĂŶĚƐ͘>ĂŵĠŵŽŝƌĞĐŽůůĞĐƚŝǀĞĚƵƉĞƵƉůĞƐŝĐŝůŝĞŶƐ͛ĞƐƚĚĠǀĞůŽƉͲ
ƉĠĞĂƵƚŽƵƌĚ͛ƵŶĞŵĠĨŝĂŶĐĞăů͛ĠŐĂƌĚĚĞƐĨŽƌŵĞƐĚĞĚŽŵŝŶĂƚŝŽŶŽƵĚĞƚĞŶƚĂƚŝǀĞƐĚ͛ŝŶƐƚĂůůĂƚŝŽŶ
Ě͛ƵŶ ƉŽƵǀŽŝƌ ƉĂƌ ƵŶĞ ĂƵƚŽƌŝƚĠ ĞdžƚĠƌŝĞƵƌĞ͘ La mafia, entendue comme sentiment, devient alors un moyen de résistance et comme seule force collective ĚŽƚĠĞĚ͛ƵŶĞďĂƐĞůĠŐŝƚŝŵŝƚĠ
sociale. 26 Familles est utilisé ici comme traduction du mot « cosca ͩ͘/ůŶĞƐ͛ĂŐŝƚƉĂƐĚ͛ƵŶĞĨĂŵŝůůĞĂƵƐĞŶƐĐŽƵƌĂŶƚĚƵƚĞƌŵĞ͕
ŵĂŝƐĚ͛ƵŶĞĂůůŝĂŶĐĞĞŶƚƌĞĐƌŝŵŝŶĞůƐĂƵƚŽƵƌĚ͛ŝŶƚĠƌġƚƐĐŽŵŵƵŶƐĞƚͬŽƵĚ͛ƵŶĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĚ͛ĂĨĨŝŶŝƚĠƐ͘>͛ĞŶƚƌĠĞĚĂŶƐůĂŵĂĨŝĂƐĞ
ĨĂŝƚăůĂƐƵŝƚĞĚ͛ƵŶƌŝƚĞŝŶŝƚŝĂƚŝƋƵĞƐƚƌŝĐƚĞ͕ůŽŶŐĞƚĨĂƐƚŝĚŝĞƵdž͘hŶĞĨŽŝƐƉĂƐƐĠĞĐĞƚƚĞĠƚĂƉĞ͕ůĞƐŚŽŵŵĞƐĚ͛ŚŽŶŶĞƵƌĞŶƚƌĞŶƚĚĂŶƐ
une seconde famille, organisée de façon très hiérarchique et dirigée par un chef. Cette entrée est également marquée par ů͛ŽďůŝŐĂƚŝŽŶĚ͛ƵŶĞŽďĠŝƐƐĂŶĐĞƚŽƚĂůĞăůa cause commune, dont le cap est fixé par le chef. Les liens ainsi créés prennent le pas sur les liens originels de chaque homme : liens du sang, liens du mariage et amitiés. Cf. Annexe : organigramme de la Cosa Nostra. | 22 >ĂŵĠĨŝĂŶĐĞăů͛ĠŐĂƌĚĚĞƐĂƵƚŽƌŝƚĠƐŽĨficielles ĞƐƚů͛ƵŶĚĞƐǀĞĐƚĞƵƌƐĚĞƐLJŵƉĂƚŚŝĞƋƵŝ
poussent une partie de la population à se rapprocher de ceux dont le comportement pourrait être qualifié de « mafioso ͩ͘ŶĞĨĨĞƚ͕ĐĞƐĚĞƌŶŝĞƌƐƐŽŶƚĞŶŵĞƐƵƌĞĚ͛ĂƐƐƵƌĞƌůĞƌƀůĞĚĞů͛État ůăŽƶŝůŶ͛ŝŶƚĞƌǀŝĞŶt pas, de combler les manquements et réparer les « injustices ». >͛ŽƌŐĂŶŝͲ
ƐĂƚŝŽŶĐƌŝŵŝŶĞůůĞŝŶǀĞƐƚŝƚĚĞƐĐŚĂŵƉƐĚĞƉŽůŝƚŝƋƵĞƉƵďůŝƋƵĞĚĂŶƐůĞƐƋƵĞůƐů͛ÉƚĂƚŶ͛ĞƐƚƉĂƐƌĞͲ
connu comme efficace : toute imperfection de la récente Nation italienne sert le discours de la mafia, accroît son attractivité et assoit son pouvoir. >͛ŝŵĂŐĞĚĞůĂ ŵĂĨŝĂŶ͛ĞƐƚĚŽŶĐƉĂƐ
négative, et lui permet de se répandre petit à petit sur un territoire croissant, au-­‐delà de la ^ŝĐŝůĞ͕ăůĂƌĞĐŚĞƌĐŚĞĚ͛ƵŶƉƌĞƐƚŝŐĞ͕Ě͛ƵŶĞƉƵŝƐƐĂŶĐĞĞƚĚ͛ƵŶĞƌichesse toujours plus impor-­‐
tants. En 1893, la mafia, dont le nom ne signifie encore rien, commet son premier crime Ě͛ŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞ͘ŵĂŶƵĞůĞEŽƚĂƌďĂƌƚŽůŽ͕ŵĂŝƌĞĚĞWĂůĞƌŵĞĚĞϭϴϳϯăϭϴϳϲ͕ŵĞƵƌƚůĞϭer février ϭϴϵϯ͕ ƉŽŝŐŶĂƌĚĠ ĂůŽƌƐ ƋƵ͛ŝů ǀŽLJĂŐĞ ĞŶ ƚƌĂŝŶ27. Les ŵĞƵƌƚƌŝĞƌƐ ƐŽŶƚ ĚĞƵdž ŚŽŵŵĞƐ Ě͛ĂƌŵĞs, ĚŽŶƚů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĂdémontré les liens avec Cosa Nostra. Six ans plus tard, Raffaele Palizzolo, ĐŽŶƐĞŝůůĞƌŵƵŶŝĐŝƉĂůĚĞůĂǀŝůůĞĚĞWĂůĞƌŵĞƉƵŝƐĚĠƉƵƚĠ͕ĞƐƚƐƵƐƉĞĐƚĠĚ͛ġƚƌĞůĞĐŽŵŵĂŶĚŝƚĂŝƌĞ
du crime. Ce dernier, membre du ĐŽŶƐĞŝůĚ͛ĚŵŝŶŝƐƚƌĂƚŝŽŶĚĞůĂďĂŶƋƵĞĚŽŶƚEŽƚĂƌďĂƌƚŽůŽĂ
été le gouverneur, entretenait avec lui des relations médiocres. Palizzolo est arrêté après la levée de son immunité parlementaire, et condamné en première instance à trente ans de prison pour avoiƌĐŽŵŵĂŶĚŝƚĠůĞŵĞƵƌƚƌĞ͘dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ƋƵ͛ŝůƐ͛ĂŐŝƐƐĞĚĞũĞƵdžĚĞƌĞůĂƚŝŽŶƐŽƵ
ŶŽŶ͕ůĞƐĚĞƵdžŝğŵĞƉƵŝƐƚƌŽŝƐŝğŵĞŝŶƐƚĂŶĐĞƐů͛ĂďƐŽůǀĞŶƚƉŽƵƌŵĂŶƋƵĞĚĞƉƌĞƵǀĞĞƚǀŝĐĞĚĞ
procédure. Ce premier meurtre notable, perpétré par ůĂŵĂĨŝĂ͕ŶĞů͛ĂŵğŶĞƉŽƵƌĂƵƚĂŶƚƉĂƐ
au grand jour. En effet, ů͛ĂĐĐƵƐĠĂLJĂŶƚĠƚĠĂĐƋƵŝƚƚĠ ĂƉƌğƐĂǀŽŝƌĠƚĠĚĠĨĞŶĚƵƉĂƌĚ͛ŝůůƵƐƚƌĞƐ
27 Voir le texte publié par Salvatore Lupo, Entre banque et politique : le meurtre Notarbartolo (« Tra banca e politica : il delitto Notarbartolo »), disponible en ligne. | 23 personnes28͕ƌŝĞŶŶĞƐĞŵďůĞĂůůĞƌĚĂŶƐůĞƐĞŶƐĚĞů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĚ͛ƵŶĞŵĂĨŝĂ͘ Les plus soupçon-­‐
ŶĞƵdžƉĞŶƐĞŶƚƋƵ͛ŝůƐ͛ĂŐŝƚĚ͛ƵŶĞĂůůŝĂŶĐĞĐƌŝŵŝŶĞůůĞůŽĐĂůĞ͕ŽƉƉŽƌƚƵŶĠŵĞŶƚĨŽƌŵĠĞĂƵƚŽƵƌĚ͛ŝŶͲ
térêts partagés. WŽƵƌƚĂŶƚ͕ĐĞŵĞƵƌƚƌĞƌĂƐƐĞŵďůĞĚĠũăĚĞŶŽŵďƌĞƵƐĞƐŵŽĚĂůŝƚĠƐĚ͛ĂĐƚŝŽŶŵĂͲ
fieuses qui perdurent de nos jours : intérêts économiques, relations au sein des cercles de pouvoirs et utilisations de la violence. 1.3.2 Un développement enĐŽƵƌĂŐĠƉĂƌů͛ĂƚƚŝƚƵĚĞĚĞƐĂƵƚŽƌŝƚĠƐ >͛ŝŶƐƚĂůůĂƚŝŽŶĚĞƐƐLJƐƚğŵĞƐŵĂĨŝĞƵdžĞƐƚĠŐĂůĞŵĞŶƚĨĂĐŝůŝƚĠĞƉĂƌůĂůĞŶƚĞƌĠĂĐƚŝŽŶĚĞƐ
autorités légales, qui ne prennent conscience du phénomène que particulièrement tard. Les ƉĞŶƐĞƵƌƐĚĞů͛ĠƉŽƋƵĞǀŽLJĂŝĞŶƚ͕ĚĂŶƐůĞƐǀĂleurs précédemment citées, le reflet de la culture sicilienne. Ainsi, pendant longtemps, la mafia a ĐŽŶƚŝŶƵĠĚ͛ġƚƌĞ considérée par les autorités ĐŽŵŵĞƵŶƚƌĂŝƚĚĞĐĂƌĂĐƚğƌĞĚĞů͛ŠůĞ͕ĐŽŵŵĞůĂŵĂƌƋƵĞĚ͛ƵŶƉĞƵƉůĞ« arriéré ». Cette vision ƉĞƌĚƵƌĞƌĂũƵƐƋƵ͛ĂƵdž années 50, époque à laquelle la mafia est toujours perçue comme élé-­‐
ment culturel du territoire sicilien ou, plus largement, méridional. ĞĐŽŶƐƚĂƚŶ͛ĞƐƚƚŽƵƚĞĨŽŝƐ
ƉĂƐƉƌŽƉƌĞăůĂ^ŝĐŝůĞ͘ZŽĐĐŽ^ĐŝĂƌƌŽŶĞĠŶŽŶĐĞůĞƐŵġŵĞƐĐŽŶĐůƵƐŝŽŶƐůŽƌƐƋƵ͛ŝůĠƚƵĚŝĞůĂŵĂĨia ĐĂůĂďƌĂŝƐĞ͕ůĂ͚Ndrangheta : selon lui, le développement de cette mafia a été permis par la sous-­‐estimation de son importance, de son potentiel et de sa dangerosité29. Comme nous le verrons par la suite, il a souvent fallu attendre certains évènements tragiques pour que les ĂƵƚŽƌŝƚĠƐ ƐĂŝƐŝƐƐĞŶƚ ů͛ĂŵƉůĞƵƌ ĚĞ ĐĞƐ ƉŚĠŶŽŵğŶĞƐ ŵĂĨŝĞƵdž͕ ĞŶĐŽƵƌĂŐĠĞƐ ƉĂƌ ůĞƐ ŵŽďŝůŝƐĂͲ
tions de la société civile. 28 Palizzolo profitera en effet de ĚĞƵdžĚĠĨĞŶƐĞƵƌƐĚ͛ŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞ͛͘ƵŶĞƉĂƌƚ͕ů͛ĂƌŵĂƚĞƵƌŝƚĂůŝĞŶ/ŐŶĂnjŝŽ&ůŽƌŝŽ͕ů͛ƵŶĞ
ĚĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐůĞƐƉůƵƐƌŝĐŚĞƐĚƵƉĂLJƐăů͛ĠƉŽƋƵĞ͕ĂǀĞĐƋƵŝŝůĞŶƚƌĞƚĞŶĂŝƚĚĞƐƌĞůĂƚŝŽŶƐƚƌğƐĠƚƌŽŝƚĞƐ͛͘ĂƵƚƌĞƉĂƌƚ͕ů͛ĠĐƌŝǀĂin, ethnologue et médecin Giuseppe Pitrè, qui témoigne en sa faveur. Il est intéressant de se rappeler la définition que ce ĚĞƌŶŝĞƌĨĂŝƚ͕ăů͛ĠƉŽƋƵĞ͕ĚĞůĂŵĂĨŝĂ͕ƋƵ͛ŝůǀŽŝƚĐŽŵŵĞƵŶĞŵĂƌƋƵĞĚĞŚĂƌĚŝĞƐƐĞĂƉƉĂƌĞŶƚĞĞƚƐĞĐƌğƚĞĚ͛ąŵĞ͕ƵŶƐĞŶƚŝŵĞŶƚ
Ě͛ŽƌŐƵĞŝůĞƚĚĞĨŝĞƌƚĠ͕ĂƵƚƌĞŵĞŶƚĚŝƚ͕ĐŽŵŵĞƵŶƐŝŵƉůĞƚƌĂit de caractère affirmant une supériorité. 29 Rocco Sciarrone, dans Milieux Criminels et pouvoir politique (Cf. bibliographie), chapitre 7, page 221. | 24 ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝĞŶĐŽƌĞ͕ĐĞƚƚĞǀŝƐŝŽŶƉĞƌƐŝƐƚĞ͘>ĂŵĂĨŝĂĂƉƉĂƌĂŠƚ͕ĚĂŶƐůĞƐĚŝƐĐƵƐƐŝŽŶƐƋƵŽͲ
tidiennes ou dans les éléments culturels qui utilisent la carte du folklore, comme un élément ĂƉƉĂƌƚĞŶĂŶƚăůĂŵŽŝƚŝĠ^ƵĚĚĞů͛/ƚĂůŝĞ͘/ůĞƐƚǀƌĂŝ͕ĞƚŶŽƵƐů͛ĂǀŽŶƐŵŽŶƚƌĠƉůƵƐƚƀƚ͕ƋƵĞůĂŵĂĨŝĂ
ƚŝƌĞƐĞƐŽƌŝŐŝŶĞƐĚĞƐĞŶǀŝƌŽŶƐĚĞWĂůĞƌŵĞ͕ĞŶ^ŝĐŝůĞ͘dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ƉĂƌůĞďŝĂŝƐĚĞů͛ĠŵŝŐƌĂƚŝŽŶ͕
mais également par le simple développement de phénomènes similaires au-­‐delà de la zone méridionale italienne, les organisations mafieuses sont nées ou se sont exportées bien au-­‐
delà, dépassant depuis longtemps les frontières nationales. De surcroît, la mafiosité, enten-­‐
due dans son acception large, a de tout temps impliqué des personnages politiques ou éco-­‐
nomiques de haut rang au niveau national͕ĞŶ/ƚĂůŝĞĐŽŵŵĞăů͛ĠƚƌĂŶŐĞƌ : députés, ministres, entrepreneurs, etc. Il serait donc erroné de limiter les phénomènes mafieux à la Sicile, au ^ƵĚĚĞů͛/ƚĂůŝĞŽƵla botte tout entière. De la même façon, on pense bien souvent que la mafia, comme toute organisation criminelle, est fille de misère et que les phénomènes mafieux se développent là où la pau-­‐
vreté ne trouve pas de réponse de la part des autorités légales. Ainsi, les manquements de ů͛ƚĂƚůĂŝƐƐĞŶƚůĂƉůĂĐĞĂƵdžŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐĐƌŝŵŝŶĞůůĞƐ͕ƋƵŝƐĞƐĞƌǀĞŶƚĚ͛ƵŶĚŝƐĐŽƵƌƐĚĞŵĠĨŝĂŶĐĞ
ĞƚĚĞĚĠĐĞƉƚŝŽŶƉŽƵƌƐ͛ĠƌŝŐĞƌĞŶĨŽƌĐĞůŽĐĂůĞůĠŐŝƚŝŵĞ͘dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ĐĞƚƚĞŝĚĠĞĞƐƚăƌelativiser. Dès 1877, Franchetti énŽŶĐĞů͛ĂĨĨŝƌŵĂƚŝŽŶƐƵŝǀĂŶƚĞ : >͛ŝŶĚƵƐƚƌŝĞĚĞůĂǀŝŽůĞŶĐĞĞƐƚ͕ăWĂůĞƌŵĞĞƚĚĂŶƐůĞƐĞŶǀŝƌŽŶƐ͕ĂƌƌŝǀĠĞĂƵdž
ŵĂŝŶƐĚĞƉĞƌƐŽŶŶĞƐĚĞ΀ůĂĐůĂƐƐĞŵŽLJĞŶŶĞ΁͛͘ĞƐƚăĞůůĞƐƋƵ͛ĞůůĞĚŽŝƚƐŽŶ
ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐƵƉĠƌŝĞƵƌĞ͕ů͛ƵŶŝƚĠĚĞƐĞƐconcepts, la constance de ses moda-­‐
ůŝƚĠƐĚ͛ĂĐƚŝŽŶ͕ů͛ŚĂďŝůĞƚĠƉƌŽĨŽŶĚĞĂǀĞĐůĂƋƵĞůůĞĞůůĞƌĠƵƐƐŝƚăƵƚŝůŝƐĞƌăƐŽŶ
ƉƌŽĨŝƚůĞƐůŽŝƐ;͙Ϳ͘dŽƵƐůĞƐĐŚĞĨƐŵĂĨŝĞƵdžƐŽŶƚĚĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐĚĞĐŽŶĚŝƚŝŽŶƐ
aisées »30. 30 Leopoldo Franchetti, dans « Conditions politiques et administratives de la Sicile » ͗͞WĞƌĐŝžů͛ŝŶĚƵƐƚƌia delle violenze ğ͕ŝŶWĂůĞƌŵŽĞĚŝŶƚŽƌŶŝ͕ǀĞŶƵƚĂŝŶŵĂŶŽĚŝƉĞƌƐŽŶĞĚŝƋƵĞƐƚĂĐůĂƐƐĞ͘ƋƵĞůůĞĚĞǀĞůĂƐƵĂŽƌŐĂŶŝnjnjĂnjŝŽŶĞƐƵƉĞƌŝŽƌĞ͖ů͛ƵŶŝƚă
dei suoi concetti, la costanza dei suoi modi di agire, la profonda abilità colla quale sa voltare a suo profitto perfino le leggi e ů͛ŽƌŐĂŶŝnjnjĂnjŝŽŶĞ ŐŽǀĞƌŶĂƚŝǀĂ ĚŝƌĞƚƚĞ ĐŽŶƚƌŽ ŝů ĚĞůŝƚƚŽ͖ ů͛ĂďŝůĞ ƐĐĞůƚĂ ĚĞůůĞ ƉĞƌƐŽŶĞ͕ ĚĂůůĞ ƋƵĂůŝ ĐŽŶǀŝĞŶĞ ĂĐĐĞƚƚĂƌĞ ůĂ
ĐŽŵŵŝƐƐŝŽŶĞĚ͛ŝŶƚŝŵŝĚĂnjŝŽŶŝŽĚŝĚĞůŝƚƚŝ͖ůĂĐŽƐƚĂŶnjĂĐŽůůĂƋƵĂůĞŽƐƐĞƌǀĂƋƵĞůůĞƌĞŐŽůĞĚŝĐŽŶĚŽƚƚĂ͕ĐŚĞƐŽŶŽŶĞĐĞƐƐĂrie alla | 25 Rocco Sciarrone utilise, plus récemment, une province calabraise, celle de Gioia dĂƵƌŽ͕ĐŽŵŵĞƚĞƌƌĂŝŶĚ͛ĠƚƵĚĞ31. Il montre que cette zone était, au tournant du vingtième ƐŝğĐůĞ͕ů͛ƵŶĞĚĞƐnjŽŶĞƐƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞŵĞŶƚĂĐƚŝǀĞƐĞŶŵĂƚŝğƌĞĚ͛ĂŐƌŝĐƵůƚƵƌĞ͕Ě͛ŝŶĚƵƐƚƌŝĞĚĞƚƌĂŶƐͲ
ĨŽƌŵĂƚŝŽŶĚĞƐƉƌŽĚƵŝƚƐĚĞů͛ĂŐƌŝĐƵůƚƵƌĞĞƚĚ͛exportation des produits transformés. Toutefois, il est certain que certaines relations et certains mécanismes se dévelop-­‐
ƉĞŶƚĨĂǀŽƌĂďůĞŵĞŶƚƐĞůŽŶů͛ĞŶǀŝƌŽŶŶĞŵĞŶƚ͘LoƌƐƋƵ͛ƵŶŵŝůŝĞƵĞƐƚŵĂƌƋƵĠƉĂƌƐĂƉƌĠĐĂƌŝƚĠĞƚ
ƉĂƌů͛ĂďƐĞŶĐĞĚĞƌĠƉŽŶƐĞĚĞůĂƉĂƌƚĚĞů͛ƚĂƚ, les individus peuvent êƚƌĞƚĞŶƚĠƐĚĞƐ͛ĞŶƌĞͲ
ŵĞƚƚƌĞăĚ͛autres types de pouvoirs. Ces pouvoirs peuvent être particulièrement organisés ĞƚĂŵƉůĞƐ͕ĐŽŵŵĞĐ͛ĞƐƚůĞĐĂƐĚĞƐŵĂĨŝĂƐ͘/ůƐƉĞƵǀĞŶƚĠŐĂůĞŵĞŶƚġƚƌĞƉůƵƐƌĠĚƵŝƚƐ͕ƉůƵƐůŽͲ
caux, et loin de se limiter aux zones géographiques dans lesquelles on les imagine tradition-­‐
nellement. Ainsi par exemple, les relations de clientélisme qui permettent, dans le monde du ƚƌĂǀĂŝů͕ĚĞƉƌŽŵĞƚƚƌĞƵŶƉŽƐƚĞĞŶĠĐŚĂŶŐĞĚ͛ƵŶƐĞƌǀŝĐĞ͕ĨŽŶƚƉĂƌƚŝĞĚĞƐŵĠĐĂŶŝƐŵĞƐĐůĂƐͲ
siques frappés du sceau de « ů͛ĞƐƉƌŝƚŵĂĨŝĞƵdž », entendu ici comme antonyme général de la légalité et de la transparence32. ĞƚƚĞƌĞŵĂƌƋƵĞĞƐƚĚ͛ĂŝůůĞƵƌƐŶĠĐĞƐƐĂŝƌĞƉŽƵƌƐĞĚĠƉĂƌƚŝƌĚĞů͛ŝĚĠĞƐĞůŽŶůĂƋƵĞůůĞůĞƐ
pouvoirs publics auraient eu une attitude passive par simple naïveté. Il convient en effet sua esistenza anche nelle lotte che non di rado insorgono fra coloro i quali la praticano. Tutti i cosiddetti capi mafia sono persone di condizione agiata͟;ƚƌĂĚƵĐƚŝŽŶƉĞƌƐŽŶŶĞůůĞͿ͘ 31 Rocco Sciarrone, dans le chapitre « Mafia et Société civile » ĚĞů͛ŽƵǀƌĂŐĞMilieux criminels et pouvoir politique, les ƌĞƐƐŽƌƚƐŝůůŝĐŝƚĞƐĚĞů͛ƚĂƚ (Cf. Bibliographie). 32 Voir à ce propos le travail de Cesare Mattina, Mutations des ressources clientélaires et construction des notabilités politiques à Marseille (1970-­‐1990), publié dans la revue Politix en 2004, volume 17, numéro 67, pages 129 à 155. Il y étudie la façon dont Jean Noël Guerini, actuel Président du Conseil Général des Bouches-­‐du-­‐Rhône et sénateur a acquis une véri-­‐
table position de notable dans la ville de Marseille, plus précisément dans le quartier dit du Panier, où beaucoup de familles partagent des origines corses et italiennes, dont Guerini. Son oncle, déjà installé à MarseiůůĞ͕ĂǀĂŝƚƉŽƵƌŵŝƐƐŝŽŶĚ͛ĂŝĚĞƌůĞƐ
populations corses et italiennes à trouver un emploi et un logement. Jean-­‐Noël Guerini hérite de tout cela : un nom, une inscription très localisée, une tradition communautaire de pratiques clientélistes. Il perpétue ainsi cette tradition, en inter-­‐
ǀĞŶĂŶƚ ƉĂƌ ĞdžĞŵƉůĞ ĚŝƌĞĐƚĞŵĞŶƚ ĚĂŶƐ ůĞƐ ƉƌŽĐĞƐƐƵƐ Ě͛ĂůůŽĐĂƚŝŽŶ ĚĞ ůŽŐĞŵĞŶƚƐ ,>D ĞŶ ĨĂǀĞƵƌ ĚĞ ĐĞƌƚĂŝŶĞƐ ƉĞƌƐŽŶŶĞƐ͕
ĐŽŵŵĞƐŝŝůĞŶĠƚĂŝƚůĞƉƌŽƉƌŝĠƚĂŝƌĞ͘ŝŶƐŝDĂƚƚŝŶĂĞdžƉůŝƋƵĞƋƵĞƉĂƌƐĞƐƉƌĂƚŝƋƵĞƐ͕'ƵĞƌŝŶŝƐ͛ĂƐƐƵƌĞƵŶƌĞƚŽƵƌĠůĞctoral favo-­‐
ƌĂďůĞ͘/ůǀĂũƵƐƋƵ͛ăƐĞƐƵďƐƚŝƚƵĞƌĂƵdžŵŝƐƐŝŽŶƐĠƚĂƚŝƋƵĞƐ;EW͕ŵŝƐƐŝŽŶůŽĐĂůĞͿ͕ĞŶĐƌĠĂŶƚƵŶĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĞŵƉůŽLJĂŶƚĚĞƐ
ƐĂůĂƌŝĠƐƉŽƵƌƌĠƉŽŶĚƌĞĂƵdžĚĞŵĂŶĚĞƐƋƵŝůƵŝƐŽŶƚĨĂŝƚĞƐ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶƚĞŶŵĂƚŝğƌĞĚ͛ĞŵƉůŽŝ͘>ĂƌĠƐƵůƚĂŶƚĞĚĞĐĞƐƉƌĂƚŝƋƵĞƐ
est ů͛ŝŶƚĠƌŝŽƌŝƐĂƚŝŽŶ͕ƉĂƌůĞƐŝŶĚŝǀŝĚƵƐ͕Ě͛ƵŶŵŽĚĞĚĞĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞŵĞŶƚďĂƐĠƐƵƌͨ le piston ͕ͩů͛ĠĐŚĂŶŐĞĚĞƉĞƚŝƚƐƐĞƌǀŝĐĞƐăůĂ
ĨƌŽŶƚŝğƌĞĚĞůĂůĠŐĂůŝƚĠĞƚůĞĐůŝĞŶƚĠůŝƐŵĞ͘^ĂŶƐƋƵĞĐĞĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞŵĞŶƚŶ͛ƵƚŝůŝƐĞĚ͛ĂĐƚŝŽŶƐƉŚLJƐŝƋƵĞƐǀŝŽůĞŶƚĞƐ͕ŝůƐĞƌĂƉƉƌŽche touƚĞĨŽŝƐĚ͛ƵŶĞĐĞƌƚĂŝŶĞͨ mafiosité ͕ͩĞŶƚĂŶƚƋƵ͛ĂŶƚŽŶLJŵĞĚĞͨ transparence ». | 26 Ě͛ĂũŽƵƚĞƌƋƵĞĐĞƐĚĞƌŶŝğƌĞƐƐŽŶƚĚ͛ŽƌĞƐĞƚĚĠũăůŝĠĞƐăůĂŵĂĨŝĂƉĂƌƐLJŵƉĂƚŚŝĞ͕ŝŶƚĠƌġƚĞƚĐŽŶͲ
ŶŝǀĞŶĐĞ͘ŶĞĨĨĞƚ͕ĚğƐůĞƐƉƌĞŵŝĞƌƐƚĞŵƉƐĚĞů͛/ƚĂůŝĞƵŶŝĞ͕ůĞƉŽƵǀŽŝƌƉŽůŝƚŝƋƵĞ͕ƋƵŝĠĐŚŽƵĂŝƚ
ĞŶĐŽƌĞĚĂŶƐůĂĐŽŵƉƌĠŚĞŶƐŝŽŶĚĞů͛île, trouva dans les micropouvoirs locaux des relais effi-­‐
caces, en mesure de leur assurer un avantage électoral certain. En échange, la mafia décou-­‐
ǀƌĂŝƚĂǀĞĐƉůĂŝƐŝƌůĞƐƉŽƐƐŝďŝůŝƚĠƐĚĞƐ͛ĂůůŝĞƌĂƵdžĚŝƌŝŐĞĂŶƚƐƉŽůŝƚŝƋƵĞƐŶĂƚŝŽŶĂƵdž͕ĐĂƉĂďůĞƐƋƵĂŶƚ
ăĞƵdžĚ͛ĂŐŝƌƐƵƌůĂůŽŝ͕ů͛ĠĐŽŶŽŵŝĞŽƵĞŶĐŽƌĞƐƵƌů͛ĂĐƚŝǀŝƚĠĚĞůĂƉŽůŝĐĞĞƚĚĞƐŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐ͕ĚĂŶƐ
ů͛ŝŶƚĠƌġƚĚĞƐŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐĐƌŝŵŝŶĞůůĞƐ͘ >ĂƉĠƌŝŽĚĞĂůůĂŶƚĚĞů͛ƵŶŝĨŝĐĂƚŝŽŶŝƚĂůŝĞŶŶĞĂƵdžĂŶŶĠĞƐƐŽŝdžĂŶƚĞĞƐƚƵŶƚĞŵƉƐůŽŶŐĚ͛ĂƉͲ
ƉĂƌŝƚŝŽŶ͕Ě͛ŽďƐĞƌǀĂƚŝŽŶĞƚĚĞĚĠĨŝŶŝƚŝon des phénomènes mafieux comme une forme de cri-­‐
minalité, sans que celle-­‐ci ne soit encore qualifiée « Ě͛ŽƌŐĂŶŝƐĠĞ ». Le questionnement qui naîtra plus tard dans la tête de certains magistrats, à propos notamment de la structuration ŚŝĠƌĂƌĐŚŝƋƵĞĚĞů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ͕ƐĞŵďůĞĞŶĐŽƌĞďŝĞŶůŽŝŶƚĂŝŶ͘WŽƵƌů͛ŚĞƵƌĞ͕ůĞƐŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐ͕ůĞƐ
chercheurs et autres intellectuels refusent de penser la mafia comme une organisation cen-­‐
tralisée et unitaire, régie par une chaîne de commandement structurée. Le mouvement an-­‐
timafia, ƋƵĂŶƚăůƵŝ͕ĞdžŝƐƚĞĚ͛ŽƌĞƐĞƚĚĠũă͕ŵĂŝƐŶĞƐĞƌĞĐŽŶŶĂŠƚƉĂƐĐŽŵŵĞƚĞů ͗ŝůƐ͛ĂŐŝƚĚĞ
formes de résistances aux micropouvoirs locaux, similaires parfois à des initiatives de type syndical. Les années soixante à quatre-­‐vingt-­‐dix sont, au contraire, la période qui voit poindre ůĞƐƉƌĞŵŝğƌĞƐůĠŐŝƐůĂƚŝŽŶƐĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐ͕ƐLJŶŽŶLJŵĞĚ͛ƵŶĞƌĞĐŽŶŶĂŝƐƐĂŶĐĞĞƚĚ͛ƵŶĞƉƌŝƐĞĚĞĐŽŶƐͲ
ĐŝĞŶĐĞĚĞůĂƉĂƌƚĚĞů͛État, du moins de certains de ses représentants honorables. | 27 2. 1960 ʹ 1992 ͗>ĞĚĠǀĞůŽƉƉĞŵĞŶƚĚ͛ƵŶĞůĠŐŝƐůĂƚŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂ, encouragé par le dialogue juridique et social La vision anthropologique, dont nous avons traité précédemment, perdure au tournant du XXe ƐŝğĐůĞ͕ĞƚƉĞƵĚ͛ŝŶƚĞůůĞĐƚƵĞůƐĚĠǀĞůŽƉƉĞŶƚƵŶĞǀŝƐŝŽŶréaliste sur le phénomène. En 1921, Benito Mussolini parvient au ƉŽƵǀŽŝƌ͕Ğƚů͛État ainsi transformé va adopter une attitude très particulière vis-­‐à-­‐ǀŝƐĚĞƐŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͕ƋƵŝŵĂŶƋƵĞŶƚĞŶĐŽƌĞĚ͛ƵŶĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶ
précise. Le ĨĂƐĐŝƐŵĞǀĂƐ͛ĂƚƚĂƋƵĞƌăůĂŵĂĨŝĂƉĂƌůĂĨŽƌĐĞ͕ŶŽŶƉĂƌĐĞƋƵ͛ĞůůĞĞŶĨƌĞŝŶƚůĂůĠŐĂůŝƚĠ͕
mĂŝƐƉĂƌĐĞƋƵ͛ĞůůĞĐŽŶĐƵƌƌĞŶĐĞů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠĚĞů͛État. La période fasciste est marquée par la nomination de Cesare Mori33 à la Préfecture sicilienne de Trapani, en 1924. Dès son arrivée͕ŝůĚĠĐƌğƚĞů͛ŝŶƚĞƌĚŝĐƚŝŽŶĚes ports Ě͛ĂƌŵĞĂŝŶƐŝ
que certaines activités traditionnellement opérées par la mafia. Le fascisme, en tant que pou-­‐
ǀŽŝƌƚŽƚĂůŽƌŐĂŶŝƐĠĂƵƚŽƵƌĚ͛ƵŶĞĐĞƌƚĂŝŶĞŝĚĠĞĚĞů͛ŽƌĚƌĞƉƵďůŝĐ͕ĂǀĂŝƚƉŽƵƌŽďũĞĐƚŝĨĚĞƌĠĚƵŝƌĞ
à néant toute sorte de pouvoir alternatif, opposition politique comme criminalité organisée. ^ƵƌƚŽƵƚ͕ůĂŵĂĨŝĂĞdžĞƌĕĂŝƚƐƵƌůĂnjŽŶĞ^ƵĚĚĞů͛/ƚĂůŝĞƵŶĞĚŽŵŝŶĂƚŝŽŶƐŽĐŝĂůĞĞƚĠĐŽŶŽŵŝƋƵĞ͕
ůŝŵŝƚĂŶƚ ůĂ ƉŽƐƐŝďŝůŝƚĠ ƉŽƵƌ ůĞ ƌĠŐŝŵĞ ĨĂƐĐŝƐƚĞ ĚĞ Ɛ͛LJ ŝŵƉůĂŶƚĞƌ͘ DƵƐƐŽůŝŶŝ ŽĨĨƌĞ donc à son Préfet une liberté totale dans son action, en énonçant comme unique objectif à imposer le ƌĞƐƉĞĐƚĚĞů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠĠƚĂƚŝƋƵĞƐƵƌů͛ĞŶƚŝğƌĞƚé du pays, y compris la Sicile. Pour ce faire, Mus-­‐
solini le nomme ensuite Préfet de Palerme. >ĂŵĂĨŝĂĞƐƚǀŝƐĠĞƉĂƌů͛ĂĐƚŝŽŶĚƵĨĂƐĐŝƐŵĞĞŶ^ŝĐŝůĞ͕ĞƚĐĞƌƚĂŝŶĞƐĚĞƐĞƐŵĞŵďƌĞƐĐŽŵͲ
paraissent en justice. Rapidement, la mafia est définie comme une forme de criminalité or-­‐
ŐĂŶŝƐĠĞ͕ Ğƚ ůĞƐ ĂĐƚŝŽŶƐ ĚƵ ƌĠŐŝŵĞ ĨĂƐĐŝƐƚĞ ƉĂƌǀŝĞŶŶĞŶƚ ă ů͛ĂĨĨĂŝďůŝƌ ĐŽŶƐŝĚĠƌĂďůĞŵĞŶƚ͕ ĚƵ
33 Surnommé le « Préfet de Fer », Cesare Mori provenait du Parti Fasciste, et fut nommé Préfet de Trapani (Sicile) ĂƉƌğƐĂǀŽŝƌƐĞƌǀŝĐŽŵŵĞƉŽůŝĐŝĞƌ͘/ůĐŽŶƐĞƌǀĞ͕ĚĂŶƐů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞ͕ ů͛ŝŵĂŐĞĚ͛ƵŶƉƌĠĨĞƚĂƵdžƵƐĂŐĞƐƚƌğƐƌƵĚĞƐ͕ƐƚƌŝĐƚĞƐ͕ĂƵdžĨƌŽŶͲ
ƚŝğƌĞƐĚĞů͛ĂďƵƐĚĞƉŽƵǀŽŝƌ͘ĞĨƵƚůĞĐĂƐŶŽƚĂŵŵĞŶƚůŽƌƐĚĞů͛ĂƐƐĂƵƚůĂŶĐĠĐŽŶƚƌĞů͛ƵŶĚĞƐďĂƐƚŝŽŶƐĚĞůĂŵĂĨŝĂůŽĐĂůĞ͕'ĂŶŐi, durant lequel Mori se servit de membres de la famille des mafieux comme otage pour les forcer à se rendre. | 28 moins au regard du nombre de délits et crimes commis sur le sol sicilien, en baisse constante ăĐĞƚƚĞĠƉŽƋƵĞ͘>ĂŵĂĨŝĂŶĞŵĞƵƌƚƉŽƵƌĂƵƚĂŶƚƉĂƐ͕Ğƚů͛ĂƌƌŝǀĠĞĚĞƐĨŽƌĐĞƐĂůůŝĠĞƐăůĂĨŝŶĚƵ
régime fasciste sera pour elle l͛ŽƉƉŽƌƚƵnité Ě͛ƵŶĞƌĞŶĂŝƐƐĂŶĐĞ͘ ^͛ŝůĠƚĂŝƚŝŵƉŽƌƚĂŶƚ͕ĚĂŶƐĐĞƚƚĞĠƚƵĚĞ͕ĚĞŶĞƉĂƐƉĂƐƐĞƌƐŽƵƐƐŝůĞŶĐĞůĂƉĠƌŝŽĚĞĨĂƐĐŝƐƚe, ƋƵŝƌĞƉƌĠƐĞŶƚĂƵŶĞĠƉŽƋƵĞƚƌğƐƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞĚĂŶƐůĂůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ŝůŶĞƐ͛ĂŐŝƚƉŽƵƌĂƵƚĂŶƚ
ƉĂƐĚ͛ƵŶĞƉĠƌŝŽĚĞăĂƉƉƌŽĨŽŶĚŝƌƉŽƵƌƌĠƉŽŶĚƌĞăŶŽƐƋƵĞƐƚŝŽŶŶĞŵĞŶƚƐ͘ŶĞĨĨĞƚ͕ĞŶƚĂŶƚƋƵĞ
ƉĠƌŝŽĚĞĚƵƌĂŶƚůĂƋƵĞůůĞůĞƉĞƵƉůĞŶ͛ĂƉĂƐůĞƐŵŽLJĞŶƐĚ͛ĞdžĞƌĐĞƌƐĞƐĐĂƉĂĐŝƚĠƐĚ͛ĞdžƉƌĞƐƐŝŽŶ͕Ŷŝ
ŵġŵĞĚĞƉĞŶƐĠĞ͕ůĞĨĂƐĐŝƐŵĞƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞƵŶĞĞdžĐĞƉƚŝŽŶŚŝƐƚŽƌŝƋƵĞ͘>͛ÉƚĂƚLJĨĂŝƚů͛ƵƐĂŐĞĚĞƐĂ
force la plus extrême, la plus brutale et la plus cynique. Si cette action réussit à apporter des ƌĠƐƵůƚĂƚƐ͕ŽŶŶĞƉĞƵƚƉĂƐƉĂƌůĞƌĚ͛ƵŶÉtat légitime, appuyé sur et par la société civile. Enfin, ůĞĐŽŵďĂƚĚƵĨĂƐĐŝƐŵĞĐŽŶƚƌĞůĂŵĂĨŝĂŶ͛ĂƉĂƐĠƚĠƵŶĐŽŵďĂƚĚƵĚƌŽŝƚĐŽŶƚƌĞů͛ŝůůŝĐŝƚĞ͕ĚĞůĂ
ůĠŐĂůŝƚĠĐŽŶƚƌĞůĂĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠŽƵĞŶĐŽƌĞĚĞƐŵŽƚƐĐŽŶƚƌĞů͛ŽŵĞƌƚă͘/ůƐ͛ĂŐŝƐƐĂŝƚĂůŽƌƐĚ͛ŝŵƉŽƐĞƌ
ů͛ƚĂƚƉĂƌůĂĨŽƌĐĞ͕ĚĂŶƐƵŶĞůƵƚƚĞĂƌŵĠĞƉŽƵƌů͛ĂĐƋƵŝƐŝƚŝŽŶĚƵŵŽŶŽƉŽůĞĚƵƉŽƵǀŽŝƌ͕ĚĞů͛ĂƵƚŽͲ
ƌŝƚĠĞƚĚĞůĂǀŝŽůĞŶĐĞ͘>ŽŝŶĚĞƐŝĚĠĞƐĚĞũƵƐƚŝĐĞ͕Ě͛ĠĚƵĐĂƚŝŽŶăůĂůĠŐĂůŝƚĠĞƚĚĞƚƌĂŶƐƉĂƌĞŶĐĞ͕
ůĞ ĨĂƐĐŝƐŵĞ ĨƵƚ ƵŶĞ ƉĠƌŝŽĚĞ ĚĞ ĐŽŶĨƵƐŝŽŶ ĚĞƐ ƉŽƵǀŽŝƌƐ͕ Ě͛ĂƵƚŽƌŝƚĂƌŝƐŵĞ Ğƚ Ě͛ŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶ͘
ŝŶƐŝ͕ĐĞƚƚĞƉĠƌŝŽĚĞ͕ďŝĞŶƋƵĞƉĂƐƐŝŽŶŶĂŶƚĞ͕ŶĞĐŽŶĐĞƌŶĞƉĂƐŶŽƚƌĞĠƚƵĚĞ͕ƋƵŝƐ͛ĂƚƚĂĐŚĞă
étudier les interactions entre droit et société dans la lutte contre la mafia. La dynamique est ŝĐŝĐĞůůĞĚ͛ƵŶĂŶĠĂŶƚŝƐƐĞŵĞŶƚĚĞůĂŵĂĨŝĂĚĂŶƐůĞƐƚġƚĞƐƉŽƵƌů͛ĂŶĠĂŶƚŝƌĚĂŶƐůĞƐĨĂŝƚƐ͕et non ů͛ŝŶǀĞƌƐĞ͘ ŽŶƚƌĂŝƌĞŵĞŶƚăů͛ŝĚĠĞĐŽŵŵƵŶĠŵĞŶƚĂĚŵŝƐĞ͕ůĂůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂŶ͛ĞƐƚƉĂƐŶĠĞăůĂ
suite de la mort des magistrats Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, dont nous reparlerons plus tard. En effet, dès les années 60 apparaissent de nouvelles réglementations destinées à lutter contre les phénomènes mafieux. Jusque-­‐ůă͕ ůĞƐ ůĠŐŝƐůĂƚĞƵƌƐ ƌĞƚĞŶĂŝĞŶƚ ů͛ŝĚĠĞ ƋƵĞ ůĞ
droit commun ĠƚĂŝƚƐƵĨĨŝƐĂŶƚ͕ůĂŵĂĨŝĂŶ͛ĠƚĂŶƚƋƵ͛ƵŶĞĨŽƌŵĞĚĞĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠ ou, pour utiliser | 29 le terme approprié, « Ě͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶĚĞŵĂůĨĂŝƚĞƵƌƐ »34, ƉĂƌŵŝĚ͛ĂƵƚƌĞƐ͘ŝŶƐŝ͕ůĞƐĂĐƚĞƐƋƵ͛ĞůůĞ
commettait pouvaient certes être reconnus de type « mafieux », mais uniquement a poste-­‐
riori ͗ĐĞƚƚĞƋƵĂůŝĨŝĐĂƚŝŽŶŶ͛ŝŶƚĞƌǀĞŶĂŝƚƋƵ͛ĂƵƌĞŐĂƌĚĚĞĐŝƌĐŽŶƐƚĂŶĐĞƐƉĂƌƚŝĐƵlières͕Ě͛ƵŶĞŶǀŝͲ
ƌŽŶŶĞŵĞŶƚƉƌĠĐŝƐŽƵĚĞŵŽĚĂůŝƚĠƐĚ͛ĞdžĠĐƵƚŝŽŶƐƌĞĐŽŶŶĂŝƐƐĂďůĞƐ͘/ůŶĞƐ͛ĂŐŝƐƐĂŝƚƉĂƐĚ͛ƵŶĞ
condamnation de la mafia en tant que telle. Au-­‐delà des crimes et délits commis, la mafia Ŷ͛ĞdžŝƐƚĂŝƚƉĂƐĐŽŵŵĞƵŶĞŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ͕ĚŽƚĠĞĚ͛ƵŶĞƐƚƌĂƚĠŐŝĞŐůŽďĂůĞ͕Ě͛ƵŶƐLJƐƚğŵĞĚĠĐŝƐŝŽŶͲ
naire organisé et de liens de subordinations hiérarchiques. La catégorisation juridique des faits est une notion primordiale dans un État de droit, ƋƵŝƐĞĚŽŝƚĚĞŵĂŝŶƚĞŶŝƌƵŶĞůĠŐŝƐůĂƚŝŽŶƉƌĠĐŝƐĞ͕ĂĚĂƉƚĠĞĂƵdžĨĂŝƚƐƋƵ͛ĞůůĞréglemente et de laquelle doivent découler des peines proportionnées. Les mots ont une importance cruciale ĞŶĚƌŽŝƚ͕ŵĂŝƐŶŽƵƐǀĞƌƌŽŶƐƋƵ͛ĂƵ-­‐delà du droit, ces mots ont également un rôle social cen-­‐
tral. Dans la seconde moitié du XXe siècle, pour répondre à un type de criminalité original, ů͛/ƚĂůŝĞƐ͛ĞƐƚĚŽƚĠĞĚ͛ƵŶĞůĠŐŝƐůĂƚŝŽŶƐĂŶƐĠƋƵŝǀĂůĞŶƚ͘ 2.1 Les années 60 : prémices Ě͛ƵŶĞůĠŐŝƐůĂƚŝŽŶƵŶŝƋƵĞ en son genre La législation antimafia italienne, unique au monde, doit être étudiée selon ů͛ĠǀŽůƵͲ
tion de son développement. Il est important, en effet, de revenir sur son élaboration pour ƐĂŝƐŝƌůĂĚLJŶĂŵŝƋƵĞĚ͛ƵŶĞůƵƚƚĞďŝĞŶƐŽƵǀĞŶƚƉŽƌƚĠĞƉĂƌĚĞƐpersonnalités intimement enga-­‐
gées dans la défense de la légalité, encouragées à leur tour par des élans de protestation en provenance de la société civile. Certains organes, médiatiques ou politiques, ont également été les porteurs de cette lutte dans les années soixante, tels que le Parti Communiste ou le journal >͛KƌĂ35. Les dispositifs juridiques se sont mis en place au fil du temps, à partir des 34 « Associazione per delinquere », régi par ů͛ĂƌƚŝĐůĞϰϭϲ du Code Pénal Italien. Le ũŽƵƌŶĂů>͛KƌĂ ĠƚĂŝƚƵŶƋƵŽƚŝĚŝĞŶĚ͛ŽƌŝŐŝŶĞƉĂůĞƌŵŝƚĂŝŶĞ͕ĚŽŶƚůĞƚŝƌĂŐĞĂƌƌŝǀĂŝƚăů͛ĠĐŚĞůůĞŶĂƚŝŽŶĂůĞ͘WƵďůŝĠĚĞƉƵŝƐ
ů͛ĂŶŶĠĞϭϵϬϬĞƚũƵƐƋƵ͛ĞŶϭϵϵϮ͕ƐĞƐƚĞŶĚĂŶĐĞƐůŝďĠƌĂůĞƐĞƚƉƌŽŐƌĞƐƐŝƐƚĞƐůĞĨŝƌĞŶƚŝŶƚĞƌĚŝƌĞĚƵƌĂŶƚůĂƉĠƌiode fasciste. Dans 35 | 30 années 60, au rythme des prises de conscience collectives et des convictions individuelles. La première vague de législation antimafia est apparue en 1962, par la loi du 20 décembre36. ĞƚƚĞůŽŝ͕ƉĂƌŵŝĚ͛ĂƵƚƌĞƐĚŝƐƉŽƐŝƚŝŽŶƐ͕ĞƵƚƉŽƵƌ but de mettre en place une commission par-­‐
ůĞŵĞŶƚĂŝƌĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝĞŶĐŽƌĞĞŶĂĐƚŝǀŝƚĠ͘Le rôle premier de cette commission parlementaire est de vérifier la congruence des dispositions antimafias en vigueur, des ac-­‐
tions menées par les pouvoirs publics et dĞƐŝŶŝƚŝĂƚŝǀĞƐĚĞů͛État, vis à vis des phénomènes mafieux eux-­‐mêmes. /ůƐ͛ĂŐŝƐƐĂŝƚĂůŽƌƐĚ͛ƵŶĞƉĠƌŝŽĚĞƉƌŽƉŝĐĞăĚĞƚĞůůĞƐŝŶŝƚŝĂƚŝǀĞƐ : en effet, la sanglante première Guerre des mafias37 ĂǀĂŝƚĞƵůŝĞƵăůĂĨŝŶĚĞů͛ĂŶŶĠĞ 1962 et prit fin avec l͛Ăttentat de Ciaculli38, qui causa la mort de sept carabiniers dans la province de Palerme. Parallèle-­‐
ŵĞŶƚ͕ůĞƐƉĂƌƚŝƐƉŽƌƚĞƵƌƐĚĞůĂůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂĚĂŶƐů͛ĂƉƌğƐ-­‐guerre parvinrent au pouvoir, per-­‐
mettant à la Commission de se mettre en place et d'entreprendre son travail. En 1963, cette dernière débuta ƵŶǀĂƐƚĞƚƌĂǀĂŝůĚ͛ŝŶǀĞƐƚŝŐĂƚŝŽŶ͘ dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ůĞƐƌĠƐƵůƚĂƚƐŶĞ furent pas à la hauteur des attentes, la Commission ne débouchant que sur un court rapport sans réelle ƵƚŝůŝƚĠ͕ƐŝĐĞŶ͛ĞƐƚĐĞůůĞ non négligeable Ě͛ĠŶoncer la première législation spécifiquement ap-­‐
plicable aux organisations mafieuses, autrement dit, de faire des mafias un objet du droit à part entière. ůĞƐĂŶŶĠĞƐϱϬ͕ů͛KƌĂĞƐƚů͛ƵŶĚĞƐƉƌĞŵŝĞƌƐŽƌŐĂŶĞƐĚĞƉƌĞƐƐĞăƉƵďůŝĞƌĚĞƐĞŶƋƵġƚĞƐĨŽƵŝůůĠĞƐƐƵƌůĞƉŚĠŶŽŵğŶĞŵĂĨŝĞƵdžĞŶ
Sicile, notamment sur ses liens avec le pouvoir politique local. En 1958, au cours de la première grande enquête sur la mafia ĞĨĨĞĐƚƵĠĞƉĂƌůĞƐũŽƵƌŶĂůŝƐƚĞƐĚĞů͛KƌĂ͕ůĂĚĞǀĂŶƚƵƌĞĚƵũŽƵƌŶĂůĞƐƚƚŽƵĐŚĠĞƉĂƌƵŶĂƚƚĞŶƚĂƚăůĂďŽŵďĞ͕ƋƵŝŶ͛ĂƌƌŝǀĞƉĂƐă
ces fins, puisque le journal publie dès le lendemain, en une « >ĂŵĂĨŝĂŶŽƵƐŵĞŶĂĐĞ͕ů͛ĞŶƋƵġƚĞĐŽŶƚŝŶƵĞ ». Voir le court ĚŽĐƵŵĞŶƚĂŝƌĞƐƵƌů͛KƌĂ, en italien, réalisée par la chaîne télévisée Rai Storia. 36 Loi du 20 décembre 1962, n°1720, instaurant une « ĐŽŵŵŝƐƐŝŽŶƉĂƌůĞŵĞŶƚĂŝƌĞĚ͛ĞŶƋƵġƚĞƐƵƌůĞƉŚĠŶŽŵğŶĞĚĞ
la mafia ». 37 La Première Guerre des Mafias est un nom donné à ůĂƉĠƌŝŽĚĞĚƵƌĂŶƚůĂƋƵĞůůĞƵŶĞůƵƚƚĞŝŶƚĞƌŶĞăů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ
Cosa Nostra eut lieu, en 1962, entre différentes cosche. Cette période commença le 26 décembre 1962 et prit fin le 30 juin ϭϵϲϯĂǀĞĐů͛ĂƚƚĞŶƚĂƚĚĞŝĂĐƵůůŝ͘ 38 >͛ĂƚƚĞŶƚĂƚĚĞŝĂĐƵůůŝĂĠƚĠƉĞƌƉĠƚƌĠƉĂƌů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶŽƐĂEŽƐƚƌĂůĞϯϬũƵŝŶϭϵϲϯ͕ĚĂŶƐůĂƉƌŽǀŝŶĐĞĚĞWĂůĞƌŵĞ͘
ĞƵdžǀŽŝƚƵƌĞƐƉŝĠŐĠĞƐƉƌŽǀŽƋƵğƌĞŶƚů͛ĠĐƌŽƵůĞŵĞŶƚĚ͛ƵŶŝŵŵĞƵďůĞƉƵŝƐůĂŵŽƌƚĚĞƐĞƉƚĐĂƌĂďŝŶŝĞƌƐ͘>͛ĞŶƋƵġƚĞĐŽŶĐůƵƚƋƵ͛ŝů
Ɛ͛ĂŐŝƐƐĂŝƚĚ͛ƵŶĞƚĞŶƚĂƚŝǀĞĚĞŵĞƵƌƚƌĞĚŝƌŝŐĠĞăů͛ĞŶĐŽŶƚƌĞĚĞů͛ƵŶĚĞƐĐŚĞĨƐĚĞůĂŵĂĨŝĂůŽĐĂů͕^ĂůǀĂƚŽƌĞ'ƌĞĐŽĞƚĚĞƐŽŶ
associé, Giovanni di Peri. | 31 Ŷϭϵϲϱ͕ů͛ÉƚĂƚŝƚĂůŝĞŶƉƌŽŵƵůŐƵĞƵŶĞŶŽƵǀĞůůĞůŽŝǀŝƐĂŶƚăĚŽƚĞƌůĞƐĂƵƚŽƌŝƚĠƐĚ͛ŝŶƐƚƌƵͲ
ments plus adéquats pour lutter contre les phénomènes mafieux39. ĞƚƚĞůŽŝƐ͛ĂƉƉƵŝĞƐƵƌůĞƐ
spécificités caractérisant les individus prenant part ăĚĞƐĂĐƚŝǀŝƚĠƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͕ĞƚĠƚĞŶĚů͛ĂƉͲ
plication des « mesures de prévention personnelles »40 ƋƵŝƐ͛ĂƉƉůŝƋƵĞŶƚĂƵdžƉĞƌƐŽŶŶĞƐcon-­‐
sidérées comme particulièrement dangereuses pour la sécurité ou pour la morale publique. Elle instaure notamment des « mesures de prévention patrimoniale » dans une volonté de ƉƌĠǀĞŶŝƌůĂĐŽŵŵŝƐƐŝŽŶĚ͛ŝŶĨƌĂĐƚŝŽŶƐƉĂƌů͛ƵƚŝůŝƐĂƚŝŽŶĚĞŵŽLJĞŶƐĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞůƐ. Partant du prin-­‐
ĐŝƉĞƋƵĞůĞƐŵĂĨŝĂƐǀŝƐĞŶƚăĂĐĐƵŵƵůĞƌĚĞƐƌŝĐŚĞƐƐĞƐ͕ůĞƐĂƵƚŽƌŝƚĠƐĚĠĐŝĚĞŶƚƋƵĞů͛ƵŶĚĞƐŵĞŝůͲ
ůĞƵƌƐŵŽLJĞŶƐĚĞƉƌĠǀĞŶƚŝŽŶĞƐƚĚ͛ĞŵƉġĐŚĞƌŽƵ de limiter cette accumulation. Ainsi, la loi de 1965 prévoit les mesures de saisie41 ou de confiscation42 des biens. Elle instaure également ĚĞƐĚŝƐƉŽƐŝƚŝŽŶƐǀŝƐĂŶƚăĂƉƉůŝƋƵĞƌĂƵdžŝŶĚŝǀŝĚƵƐƐƵƐƉĞĐƚĠƐĚ͛ĂƉƉĂƌƚĞŶŝƌăĚĞƐĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƐ
mafieuses des mesures de surveillance spéciale43 et de séjour forcé44. Ces dispositions per-­‐
ŵĞƚƚĞŶƚĠŐĂůĞŵĞŶƚĚĞĚĠƉĂƐƐĞƌů͛ƵŶĚes écueils principaux rencontrés jusque-­‐là par les auto-­‐
rités dans la lutte antimafia : la difficulté à inculper les personnes liées à la mafia, le plus ƐŽƵǀĞŶƚĨĂƵƚĞĚĞƉƌĞƵǀĞĚŝƐƉŽŶŝďůĞ͕ĚƵĨĂŝƚĚĞů͛ŽŵĞƌƚăĐĂƌĂĐƚĠƌŝƐĂŶƚĐĞƚLJƉĞĚ͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶs. 39 Loi du 31 mai 1965, n°575, mettant en place des « dispositions contre la mafia ». Les « misure di prevenzione ͩƐŽŶƚĚĞƐĚŝƐƉŽƐŝƚŝŽŶƐĂĚŵŝŶŝƐƚƌĂƚŝǀĞƐƐƉĠĐŝĂůĞƐ͕ǀŝƐĂŶƚăĠǀŝƚĞƌůĂĐŽŵŵŝƐƐŝŽŶĚ͛ŝŶͲ
ĨƌĂĐƚŝŽŶĚĞůĂƉĂƌƚĚĞĐĞƌƚĂŝŶĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐ͕ĐŽŶƐŝĚĠƌĠĞƐĐŽŵŵĞƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞŵĞŶƚĚĂŶŐĞƌĞƵƐĞƐăů͛ĞŶĐŽŶƚƌĞĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠ͘
Ces dispositions ont été instaurées par la Loi du 27 décembre 1956, n°1423. 41 « Sequestro ». 42 Prévue par ů͛ĂƌƚŝĐůĞϮϰϬĚƵŽĚĞWĠŶĂůŝƚĂůŝĞŶ, la confiscation (« confisca ») est la préemption définitive et sans ĨŽƌŵĞĚ͛ŝŶĚĞŵŶŝƐĂƚŝŽŶĚĞƐďŝĞŶƐƉƌŝǀĠƐƉĂƌů͛ĂĚŵŝŶŝƐƚƌĂƚŝŽŶƉƵďůŝƋƵĞ͘ůůĞƐ͛ĂƉƉůŝƋƵĞĂƵdžŝŶĚŝǀŝĚƵƐ qui présentent un risque Ě͛ƵƚŝůŝƐĞƌĐĞƐďŝĞŶƐƉŽƵƌĐŽŵŵĞƚƚƌĞƵŶĞŽƵƉůƵƐŝĞƵƌƐŝŶĨƌĂĐƚŝŽŶƐ͘ 43 Les mesures de surveillance spéciale (« sorveglianza speciale ͩͿ ƐŽŶƚ ƐƵƐĐĞƉƚŝďůĞƐ ĚĞ Ɛ͛ĂƉƉůŝƋƵĞƌ ĂƵdž ŝŶĚŝǀŝĚƵƐ
considérés comme dangereux pour la sécurité et/ou ůĂŵŽƌĂůĞƉƵďůŝƋƵĞ͕ƚĞůƐƋƵĞĐĞƵdžƐ͛ĂĚŽŶŶĂŶƚĚĞĨĂĕŽŶŚĂďŝƚƵĞůůĞăĚĞƐ
trafics illégaux, ou vivant de ceux-­‐là, ou encore les personnes suspectées de commettre des infractions qui puissent mettre en danger la salubrité, la sûreté ou encore la tranquillité ƉƵďůŝƋƵĞ͘ĞƐŵĞƐƵƌĞƐƉĞƵǀĞŶƚƐ͛ĂƉƉůŝƋƵĞƌăĚĞƐŝŶĚŝǀŝĚƵƐŶ͛ĂLJĂŶƚ
pas encore reçu de condamnation définitive. 44 La traduction littérale a été préférée ici pour retranscrire les dispositions de « soggiorno obbligato », car la cor-­‐
respondance entre ces dernŝğƌĞƐĞƚůĞƐŵĞƐƵƌĞƐĚ͛ĂƐƐŝŐŶĂƚŝŽŶăĚŽŵŝĐŝůĞĨƌĂŶĕĂŝƐĞƐŶĞƐĂƵƌĂŝƚġƚƌĞƉĂƌĨĂŝƚĞ͘ŶĞĨĨĞƚ͕ĐĞƚƚĞ
ŽďůŝŐĂƚŝŽŶƉĞƵƚƐ͛ĂƉƉůŝƋƵĞƌĚĂŶƐůĂĐŽŵŵƵŶĞĚĞƌĠƐŝĚĞŶĐĞĚĞůĂƉĞƌƐŽŶŶĞĐŽŵŵĞĂŝůůĞƵƌƐ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶƚĚĂŶƐůĞƐĐŽŵŵƵŶĞƐ
de taille réduite pour faciliter la surveŝůůĂŶĐĞ͘>͛ŝĚĠĞƐLJŶƚŚĠƚŝƋƵĞĚƵƐĠũŽƵƌĨŽƌĐĠĞƐƚů͛ŽďůŝŐĂƚŝŽŶĨĂŝƚĞăƵŶŝŶĚŝǀŝĚƵĚĞƌĞƐƚĞƌ
ĚĂŶƐƵŶĞŶĚƌŽŝƚĐŚŽŝƐŝƉĂƌůĞƐĂƵƚŽƌŝƚĠƐ͕ƉŽƵƌƉƌĠǀĞŶŝƌůĂĐŽŵŵŝƐƐŝŽŶĚ͛ƵŶĞŝŶĨƌĂĐƚŝŽŶ͘ 40 | 32 Ces mesƵƌĞƐ͕ ƋƵŝ Ɛ͛ĂƚƚĂƋƵĞŶƚ ĚŝƌĞĐƚĞŵĞŶƚ aux avoirs des organisations mafieuses, sont depuis longtemps considérées comme faisant partie des dispositions les plus efficaces ĚĂŶƐůĂůƵƚƚĞĐŽŶƚƌĞůĞƐŵĂĨŝĂƐ͕ƉƵŝƐƋƵ͛ĞůůĞƐƐ͛ĞŶƉƌĞŶŶĞŶƚăůĂĨŽŝƐĂƵdžŽďũĞĐƚŝĨƐĞƚĂƵdžmoyens de celles-­‐ci : le capital. Dans les années soixante-­‐dix, le développement de la législation anti-­‐
ŵĂĨŝĂǀĂƐĞƉŽƵƌƐƵŝǀƌĞ͕ďŝĞŶƐŽƵǀĞŶƚĞŶĐŽƵƌĂŐĠƉĂƌĚĞƚƌğƐĨŽƌƚĞƐƚĞŶƐŝŽŶƐĂŝŶƐŝƋƵ͛ƵŶĚĠͲ
chaînement de la violence criminelle. 2.2 Les années 70 ʹ 80 : légiférer dans le sang 2.2.1 Années de plomb Les années 70 italiennes sont restées comme « années de plomb45 ͩĚĂŶƐů͛,istoire et la mémoire collectives. Elles sont également la période durant laquelle est née une ré-­‐
flexion sur les modalités avec lesquelles les mafieux devaient être détenus en prison. >͛ĂŶͲ
née 1975 est marquée par une réforme46 qui prévoit notamment, ĚĂŶƐĚĞƐĐĂƐĚ͛ƵƌŐĞŶĐĞ
ŐƌĂǀĞĚĞƌŝƐƋƵĞăů͛ŽƌĚƌĞŽƵăůĂƐĠĐƵƌŝƚĠƉƵďůŝƋƵĞ͕ůĂƉŽƐƐŝďŝůŝƚĠƉŽƵƌůĞDŝŶŝƐtre de la Justice de suspendre ƚŽƵƚŽƵƉĂƌƚŝĞů͛Ăpplication des règles de traitement ordinaires de détention47, ƋƵŝƐĞƚƌĂĚƵŝƚĐŽŶĐƌğƚĞŵĞŶƚƉĂƌůĂĐƌĠĂƚŝŽŶĚ͛ƵŶĂƌƚŝĐůĞ 41-­‐bis, dit « carcere duro »48, dont 45 La dénomination « années de plomb ͩĞƐƚŝƐƐƵĞĚ͛ƵŶĨŝůŵƌĠĂůŝƐĠƉĂƌDĂƌŐĂƌeth von Trotta, sorti en 1981, dont le titre original est « Die Bleierne Zeit », lui-­‐ŵġŵĞŝŶƐƉŝƌĠĚ͛ƵŶƉŽğŵĞĚĞ,ƂůĚĞƌůŝŶ͘/ůƌĞƚƌĂĐĞů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĚĞĚĞƵdžƐƈƵƌƐĂůůĞͲ
mandes dans les années 60, puis 70. Engagées dans les mouvements de gauche en Allemagne, leurƐƚƌĂũĞĐƚŽŝƌĞƐƐ͛ĠůŽŝŐŶĞŶƚ
ĞŶƐƵŝƚĞ͘>͛ƵŶĞĞŶƚƌĞĚĂŶƐů͛ŝůůĠŐĂůŝƚĠĚĞůĂůƵƚƚĞĂƌŵĠĞ͕ĞŶƌĞũŽŝŐŶĂŶƚůĂ&ƌĂĐƚŝŽŶƌŵĠĞZŽƵŐĞ;ͨ Rote Armee Fraktion »), aussi connue sous le nom de Bande à Baader. Le nom « années de plomb » a ensuite été repris pour qualifier la période marquée par une extrême tension des rapports politiques, concrétisée par la violence de groupes terroristes et la lutte armée. 46 Loi du 26 juillet 1975, n°354 ƋƵŝŝŶƐƚĂƵƌĞƵŶŶŽƵǀĞĂƵĐŽƌƉƵƐĚĞƌğŐůĞƐƉŽƵƌů͛ĂĚŵŝŶŝƐƚƌĂƚŝŽŶƉĠŶŝƚĞŶƚŝĂŝƌĞƐĞƚƉŽƵƌ
les mesures privatives ou limitatives des libertés. 47 sŽŝƌů͛ĂƌƚŝĐůĞϵϬ;ĂďƌŽŐĠͿĚĞƐZğŐůĞƐĚĞů͛ĚŵŝŶŝƐƚƌĂƚŝŽŶWĠŶŝƚĞŶƚŝĂŝƌĞĞƚƐƵƌů͛džĠĐƵƚŝŽŶĚĞƐDĞƐƵƌĞƐWƌŝǀĂƚŝǀĞƐĞƚ
Limitatives des Libertés. 48 La traduction littérale de « cardere duro » serait « prison dure », autrement dit un régime particulièrement strict ĚĞĚĠƚĞŶƚŝŽŶ͘>͛ĂƌƚŝĐůĞ 41-­‐bis a été instauré par la loi du 26 juillet 1975 n°354. | 33 nous serons amenés à reparler par la suite. ĞƐŵĞƐƵƌĞƐĚ͛ƵƌŐĞŶĐĞǀŝƐĞŶƚ͕ăĐĞƚƚĞĠƉŽƋƵĞ͕
les personnes liées aux activités terroristes. Toutefois, ces dispositions en matière de déten-­‐
tion particulières seront plus tard reprises et élargies aux membres de la criminalité organi-­‐
sée. 2.2.2 Deuxième guerre des mafias Les années 80 furent, elles aussi, des années particulièrement dramatiques. En Sicile, Cosa Nostra est entrée dans sa deuxième guerre interne, provoquant la mort de nombreux mafieux, dont certaines chefs de famille49. >ĞĚƌŽŝƚƐ͛ĂƌŵĞĚ͛ƵŶƉŽŽůĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ŝŶŝƚŝĠƉĂƌůĞ
ũƵŐĞZŽĐĐŽŚŝŶŶŝĐŝ͘>͛ŽďũĞĐƚŝĨĚĞ ĐĞƚƚĞĠƋƵŝƉĞƌĞƐƚƌĞŝŶƚĞĞƐƚĚĞƉĂƌƚĂŐĞƌů͛ŝŶƚĠŐƌĂůŝƚĠĚĞƐŝŶͲ
vestigations antimafias, de sorte que celles-­‐ĐŝŶĞƌŝƐƋƵĞŶƚƉĂƐĚĞƐ͛ĠƚĞŝŶĚƌĞĞŶŵġŵĞƚĞŵƉƐ
ƋƵĞ ů͛ƵŶ ĚĞƐ ũƵŐĞƐ͘ ƵƐƐŝ͕ ůĞƐ ŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐ ąƉƌĞŵĞŶƚ ƐĠůĞĐƚŝŽŶŶĠƐ ŶĞ ƉĞƵǀĞŶƚ ĞŶƋƵġƚĞƌ ƐƵƌ
Ě͛ĂƵƚƌĞƐĚŽŵĂŝŶes que les organisations criminelles mafieuses. Face aux tentatives des autorités de surveiller et de contenir cette violence, la mafia, notamment portée par Salvatore Riina50, ŽƌĚŽŶŶĞůĞŵĞƵƌƚƌĞĚ͛ĂƵƚŽƌŝƚĠƐƉƵďůŝƋƵĞƐĚĞƉƌĞͲ
mier rang : procureurs, magistrats, policiers, hommes politiques51 ou encore journalistes. 49 Stefano Bontate, Giuseppe Panno, Giuseppe Calderone, Giuseppe Di Cristina, Pietro, Santo et Salvatore Inzerillo ou encore Giovanni di Peri. ͛ĂƵƚƌĞƐŵĂĨŝĞƵdžƐŽŶƚĐŚĂƐƐĠƐ͕ƚĞůƐƋƵĞ'ĂĞƚĂŶŽĂĚĂůĂŵĞŶƚŝŽƵĞŶĐŽƌĞdŽŵŵĂƐŽƵƐĐĞƚƚĂ͘Ğ
ĚĞƌŶŝĞƌ͕ƌĞƉĞŶƚŝ͕ĚĞǀŝĞŶĚƌĂƉůƵƐƚĂƌĚů͛ƵŶĚĞƐĐŽůůĂďŽƌĂƚĞƵƌƐĚĞũƵƐƚŝĐĞůĞƐƉůƵƐŝŵƉŽrtants dans la lutte antimafia. La Seconde Guerre de la Mafia a fait plus de 1000 morts ou disparus, et aboutira sur une période de suprématie pour la mafia corléo-­‐
naise au sein de Cosa Nostra, portée par Toto Riina. 50 Salvatore Riina, dit « Toto Riina », ĂĠƚĠů͛ƵŶĚĞƐĐŚĞĨƐůĞƐƉůƵƐŝŶĨůƵĞŶƚƐĚĞŽƐĂEŽƐƚƌĂ͕ĞŶƉĂƌƚŝĐƵůŝĞƌĚĂŶƐůĞƐ
années 80 et 90. 51 Notamment le meurtre de Piersanti Mattarella, Président de la région sicilienne et membre du parti de la Démo-­‐
cratie Chrétienne, le 6 janvier 1980. | 34 Ainsi, tombent sous les coups de la mafia les magistrats Gaetano Costa52, Cesare Terranova53 ou encore Pio La Torre54, le Président de la Région sicilienne Piersanti Mattarella55, le chef de la brigade mobile de Palerme, Boris Giuliano56, ů͛ĂǀŽĐĂƚ 'ŝŽƌŐŝŽ ŵďƌŽƐŽůŝ57, ou encore le capitaine des Carabiniers, Emanuele Basile58. Le 29 juillet 1983, le magistrat Rocco Chinnici, membre fondateur et initiateur du pool antimafia, fut lui aussi tué par la mafia dans les rues de Palerme. Antonino Caponnetto, natif de Sicile et âgé de plus de soixante ans cette année-­‐
là, était alors magistrat à la cour de Florence. Il eut connaissance de ce meurtre, demanda son transfert dans la capitale sicilienne, pour remplacer ChiŶŶŝĐŝ͕ĞƚŝŶƚĠŐƌĂů͛ĂŶŶĠĞƐƵŝǀĂnte le nouveau pool antimafia. dŽƵƐ ĐĞƐ ŵĞƵƌƚƌĞƐ͕ ĚŽŶƚ ůĂ ůŝƐƚĞ Ŷ͛ĞƐƚ ƉĂƐ ĞdžŚĂƵƐƚŝǀĞ͕ Ɛ͛ŝŶƐĐƌŝǀĞŶƚ dans une vague ŵĞƵƌƚƌŝğƌĞǀŝƐĂŶƚăŝŶƐƚĂƵƌĞƌůĂƚĞƌƌĞƵƌƉŽƵƌƉƌŽƚĠŐĞƌů͛ŽŵĞƌƚăĞƚŐĂƌĂŶƚŝƌůĂƉĠƌĞŶŶŝƚĠĚĞ
ů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ͘ Face à certains de ces évènements, plusieurs lois ou dispositions pour lutter 52 Tué le 6 août 1980, Gaetano Costa était un magistrat italien et procureur de la République à Palerme. Il fut tué ƉĂƌůĂŵĂĨŝĂƉŽƵƌĂǀŽŝƌƐŝŐŶĠĚĞƐĂŵĂŝŶƉůƵƐŝĞƵƌƐŵĂŶĚĂƚƐĚ͛ĂƌƌġƚƐăů͛ĞŶĐŽŶƚƌĞĚĞů͛ƵŶĚĞƐĐŚĞĨƐůŽĐĂƵdž͕ZŽƐĂƌŝŽ^ƉĂƚŽůĂ͘ 53 Tué le 25 septembre 1979, Cesare Terranova était un magistrat et membre du Parti Communiste italien, partici-­‐
ƉĂŶƚĠŐĂůĞŵĞŶƚăůĂŽŵŵŝƐƐŝŽŶƉĂƌůĞŵĞŶƚĂŝƌĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ĂƵƐĞŝŶĚĞůĂƋƵĞůůĞŝůĠƚĂŝƚƐƵƌůĞƉŽŝŶƚĚĞĚĞǀĞŶŝƌũƵŐĞĚ͛ŝŶƐƚƌƵĐͲ
tion. 54 Tué le 30 avril 1982, Pio La Torre était un homme politique et syndicaliste italien, membre du Parti Communiste. /ůĂĠŐĂůĞŵĞŶƚĠƚĠůĞƉƌĞŵŝĞƌăĂǀŽŝƌƉƌŽƉŽƐĠƵŶƉƌŽũĞƚĚĞůŽŝƉƌĠǀŽLJĂŶƚů͛ŝŶĨƌĂĐƚŝŽŶͨ Ě͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶŵĂĨŝĞƵƐĞ » sur le modèle de la législation américaine (Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act, du 15 octobre 1970), ainsi que la confis-­‐
cation des biens tirant leurs origines dans les activités illicites de la mafia (Proposition de loi du 31 mars 1980, n°1581). 55 Tué le 6 janvier 1980, Mattarella faisait partie de la Démocratie Chrétienne, et siégeait à la tête de la Région Sicile depuis deux ans. Peu de tempƐĂƵƉĂƌĂǀĂŶƚ͕ŝůĂǀĂŝƚĂĨĨŝƌŵĠƋƵĞů͛ĂĚŵŝŶŝƐƚƌĂƚŝŽŶĂǀĂŝƚďĞƐŽŝŶĚĞƉůƵƐĚĞůĠŐĂůŝƚĠ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶƚ
dans la gestion du secteur agricole local. 56 Tué le 21 juillet 1979, Giuliano était un policier reconnu à Palerme, pour ses méthodes, son abnégation et ses réƵƐƐŝƚĞƐĞŶŵĂƚŝğƌĞĚ͛ŝŶǀĞƐƚŝŐĂƚŝŽŶ͛͘ĂƉƌğƐů͛ŝŶƚĞƌǀŝĞǁƋƵĞŶŽƵƐĂĂĐĐŽƌĚĠůĞWƌĠƐŝĚĞŶƚĚĞů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ŽƌŝƐ
'ŝƵůŝĂŶŽĨƵƚůĞƉƌĞŵŝĞƌ͕ƋƵĂŶĚŽƌƐĞůůŝŶŽŶ͛ĠƚĂŝƚĞŶĐŽƌĞƋƵ͛ƵŶũĞƵŶĞŵĂŐŝƐƚƌĂƚ͕ăĂƚƚĂƋƵĞƌůĞƉŽƵǀŽŝƌŵĂĨŝĞƵdž͘Son action permis de donner naissance au maxi-­‐procès : « Giuliano, commissario della squadra mobile di Palermo, quand ancorra Borsellino era un giovane magistrato. Fu lui il primo ad attacare il potere mafioso. Fu dalla sua azione che poi naque il maxi ƉƌŽĐĞƐƐŽ;͘͘͘Ϳ͘͟ 57 Tué le 11 juillet 1979, Giorgio Ambrosoli était un avocat milanais, connu notamment pour avoir été chargé de la ůŝƋƵŝĚĂƚŝŽŶĚĞƐďŝĞŶƐĚĞDŝĐŚĞůĞ^ŝŶĚŽŶĂ͕ĚŽŶƚƵŶĞĞŶƋƵġƚĞŵĞŶĠĞƉĂƌůĞũƵŐĞ&ĞƌĚŝŶĂŶĚŽ/ŵƉŽƐŝŵĂƚŽĂƉƌŽƵǀĠƋƵ͛ŝůĠƚĂŝƚ
ůĞďĂŶƋƵŝĞƌĚĞů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶŽƐĂEŽƐƚƌĂ;ĂůŽƌƐƋƵ͛ŝůĠƚĂŝƚĐŽŶƐĞŝůůĞƌĨŝŶĂŶĐŝĞƌĚƵsĂƚŝĐĂŶͿ͘/ůĨƵƚĂƵƐƐŝĐĞůƵŝƋƵŝĠƚƵĚŝĂůĞƐ
ůŝĞŶƐĞŶƚƌĞůĂƐƉŚğƌĞƉŽůŝƚŝƋƵĞĚĞů͛ĠƉŽƋƵĞ͕ůĞŵŽŶĚĞĚĞůĂĨŝŶĂŶĐĞ͕ůĂŵĂĕŽŶŶĞƌŝĞĞƚůĞƐŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐĐƌŝŵŝŶĞůůĞƐƐŝĐŝůŝĞŶŶes. 58 Tué le 3 mai 1980, Basile était un carabinier reconnu, notamment pour ses enquêtes sur certains meurtres per-­‐
ƉĠƚƌĠƐƉĂƌůĂŵĂĨŝĂ͕ůƵŝĂLJĂŶƚƉĞƌŵŝƐĚĞĚĠĐŽƵǀƌŝƌĚĞƐůŝĞŶƐĞŶƚƌĞĐĞƐĐƌŝŵĞƐĞƚĚ͛ĂƵƚƌĞƐƚƌĂĨŝĐƐ͘dƌğƐůŝĠăWĂŽůŽŽƌƐĞůůŝŶo, et sur le point de changer de région, Basile avait pour but de transmettre au magistrat le résultat de ses enquêtes, avant ƋƵ͛ŝůŶĞƐŽŝƚƚƵĠ͘ | 35 contre la mafia, depuis longtemps en réflexion, furent alors publiées. ͛ĞƐƚŝĐŝƋƵ͛ĂƉƉĂƌĂŠƚ
ů͛ŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞĚƵƉŽŝĚƐĚĞů͛ŽƉŝŶŝŽŶƉƵďůŝƋƵĞŝƚĂůŝĞŶŶĞĚĂŶƐůĞƐƌĠĂĐƚŝŽŶƐůĠŐŝƐůĂƚŝǀĞƐĞt poli-­‐
tiques aux phénomènes mafieux. Face aux évènements sanglants, la population commença en effet à élever la voix périodiquement, et ses protestations furent les moteurs de la réac-­‐
tion des autorités. ^ƵŝƚĞăů͛ĂƐƐĂƐƐŝŶĂƚĚĞWŝŽ>ĂdŽƌƌĞ͕ĞŶϭϵϴϮ͕ϭϬϬ 000 personnes se ras-­‐
semblèrent pour ses funérailles, placĞWŽůŝƚĞĂŵĂ͕ăWĂůĞƌŵĞ͘dŽƵƐŶ͛ĠƚĂŝĞŶƚpas là pour pro-­‐
tester contre la mafia : en effet, certains manifestèreŶƚĠŐĂůĞŵĞŶƚĐŽŶƚƌĞů͛ŝŶƐƚĂůůĂƚŝŽŶĚĞ
missiles sur la base aérienne de Comiso, dans le Sud dĞůĂ^ŝĐŝůĞ͕WŝŽ>ĂdŽƌƌĞƐ͛ĠƚĂŶƚŝŶǀĞƐƚŝ
dans un mouvement pacifiste. Cependant, une partie de la foule se rassembla également pour représenter le mouvement antimafia naissant, qui partageait avec les dynamiques pa-­‐
cifistes des revendications contre la violence. 2.2.3 Le Général Dalla Chiesa Le meurtre de Pio La Torre poussa les autorités à nommer le Général des Carabiniers Carlo Alberto Dalla Chiesa au poste de Préfet de Palerme. Connaisseur du territoire insulaire, pour y avoir passé une période de sa vie daŶƐůĞƐĨŽƌĐĞƐĚĞů͛ŽƌĚƌĞ͕ŝůy est missionné en 1982 pour lutter contre la mafia. ĂůůĂŚŝĞƐĂŶ͛ĞƵƚĂƵĐƵŶĞƌĠƚŝĐĞŶĐĞăƉŽƌƚĞƌĚĞƐĂĐĐƵƐĂƚŝŽŶƐă
ů͛ĞŶĐŽŶƚƌĞĚĞŵĞŵďƌĞƐĠŵŝŶĞŶƚƐĚĞůĂƐƉŚğƌĞƉŽůŝƚŝƋƵĞĚĞů͛ĠƉŽƋƵĞ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶƚ'ŝƵůŝŽŶͲ
dreotti, dirigeant de la ĠŵŽĐƌĂƚŝĞ ŚƌĠƚŝĞŶŶĞ͕ ă ů͛ĠƉŽƋƵĞ WƌĠƐŝĚĞŶƚ ĚƵ ŽŶƐĞŝů ĚĞƐ DŝͲ
nistres59. Dalla Chiesa participa également à la rédaction et à la transmission du « Rapport des 162 ͕ͩĚŽƐƐŝĞƌĚ͛ĞŶǀĞƌŐƵƌĞƌĞƚƌĂĕĂŶƚůĞƐĐƌŝŵĞƐĚĞϭϲϮŵĂĨŝĞƵdžĚŽŶƚĐĞƌƚĂŝŶƐĠŵŝŶĞŶƚƐ͘
Ce rapport fut notamment utilisé pour la préparation du maxi-­‐procès, dont nous reparlerons 59 ŶĚƌĞŽƚƚŝĂĠƚĠŵŝƐĞŶĐĂƵƐĞĚĂŶƐů͛ĂƐƐĂƐƐŝŶĂƚ͕ăůĂĨŝŶĚĞƐĂŶŶĠĞƐϳϬ͕Ě͛ƵŶũŽƵƌŶĂůŝƐƚĞ͘dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ĂƉƌğƐƉůƵƐĚĞϮϱ
ĂŶƐ͕ůĂŽƵƌĚĞĂƐƐĂƚŝŽŶů͛ĂĂĐƋƵŝƚƚĠ͘^ĞůŽŶůĞũŽƵƌŶĂůŝƐƚĞŝƚĂůŝĞŶ^ĐĂůĨĂƌŝ͕ů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞƐĞŵďůĞŵŽŶƚƌĞƌƋƵ͛ŝůĂĞƵĚĞƐůŝĞŶƐĂǀĞĐ
ůĞƐŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͕ŵĂŝƐƐ͛ĂƉĞƌĐĞǀĂŶƚƋƵ͛ŝůŶĞƉŽƵǀĂŝƚƉůƵƐůĞƐĐŽŶƚƌƀůĞƌ͕ăůĂĨŝŶĚĞƐĂŶŶĠĞƐϴϬ͕ŝůĂƵƌĂŝƚĂŐŝĂǀĞc force pour lutter contre elle. | 36 ƉĂƌůĂƐƵŝƚĞ͘ĞƉĞŶĚĂŶƚ͕ů͛ĂĐƚŝŽŶĚĞĂůůĂŚŝĞƐĂŶĞĨƵƚƉĂƐăůĂŚĂƵƚĞƵƌĚĞƐĞƐ propres at-­‐
tentes, aucun pouvoir spécial lui permettant de lutter efficacement contre la mafia ne lui ayant été donné. Les écrits de Dalla Chiesa ƐŽŶƚůĂƉƌĞƵǀĞĚ͛ƵŶĞĐŽŶƐĐŝĞŶĐĞƚŽƚĂůĞĚĞƐƌŝƐƋƵĞƐ
encourus, mais acceptés. En effet, il écrit : Je me suis retrouvé entre ƵŶĞŽƉŝŶŝŽŶƉƵďůŝƋƵĞƋƵŝŵ͛ĂŽĨĨĞƌƚl͛ŽdžLJŐğŶĞĚĞ
son estime et un État qui a confié la sérénité de son existence, non pas à la volonté de combattre et de vaincre la mafia et la politique mafieuse, mais ăů͛ƵƐĂŐĞĞƚů͛ĞdžƉůŽŝƚĂƚŝŽŶĚĞŵŽŶŶŽŵƉŽƵƌĂƉĂŝƐĞƌů͛ĞdžĂƐƉĠƌĂƚŝŽŶĚĞƐƉĂƌͲ
tis ; si tant est que mon travail ƉƵŝƐƐĞƐ͛ĂǀĠƌĞƌ utile, tout reposera sur mon enthousiasme habituel, car ils sont prêts à me balayer dès que certains in-­‐
ƚĠƌġƚƐƐĞƌŽŶƚŽƵƌŝƐƋƵĞƌŽŶƚĚ͛ġƚƌĞtouchés ou compromis, prêts à me laisser ƐĞƵůĨĂĐĞĂƵdžƌĞƐƉŽŶƐĂďŝůŝƚĠƐƋƵŝŵ͛ŝŶĐŽŵďĞƌŽŶƚƐĂŶƐĂƵĐƵŶĚŽƵƚĞ͕ĞƚĨĂĐĞ͕
même, aux dangeƌƐ ƉŚLJƐŝƋƵĞƐ ƋƵ͛ŝů ŵĞ ĨĂƵĚƌĂ ĂĨĨƌŽŶƚĞƌ͘ ;͙Ϳ ĞƚƚĞĨŽŝƐ ŝů
Ɛ͛ĂŐŝƚďŝĞŶĚ͛ƵŶĞdžĂŵĞŶƌĠĂůŝƐƚĞĞƚŶŽŶĚĞů͛ĞĨĨĞƚĚĞĐƌĂŝŶƚĞƐĂďƐƵƌĚĞƐ60. Le 3 septembre 1982, ĂůŽƌƐƋƵ͛ŝůĠƚĂŝƚĞŶǀŽŝƚƵƌĞĂǀĞĐƐĂĨĞŵŵĞ͕Dalla Chiesa, fut la ǀŝĐƚŝŵĞĚ͛ƵŶĞƌĂĨĂůĞ de tirs perpétrée ƉĂƌůĞƐƉĂƐƐĂŐĞƌƐĚ͛ƵŶĞǀŽŝƚƵƌĞƋƵŝůĞƐƵŝǀĂŝƚ͘>ĞWƌĠĨĞƚ
ĂŝŶƐŝƋƵĞƐĂĨĞŵŵĞĨƵƌĞŶƚƚƵĠƐ͕ĚĞŵġŵĞƋƵĞůĞƵƌĞƐĐŽƌƚĞ͕ƉƌĠƐĞŶƚăďŽƌĚĚ͛ƵŶĞƐĞĐŽŶĚĞ
voiture. >͛ĂƐƐĂƐƐŝŶĂƚĚĞĂƌůŽůďĞƌƚŽĂůůĂŚŝĞƐĂŶĞůĂŝƐƐĞƉĂƐůĞƉĂLJƐŝŶƐĞŶƐŝďůĞ͘Le ressenti social fut fort, et entraina ƉůƵƐŝĞƵƌƐŝŶŝƚŝĂƚŝǀĞƐĐŝƚŽLJĞŶŶĞƐăWĂůĞƌŵĞ͛͘ĂďŽƌĚ͕ůĂƚĞŶƵĞĚ͛ƵŶĞ
ĂƐƐĞŵďůĠĞŶĂƚŝŽŶĂůĞĚĞƐĠƚƵĚŝĂŶƚƐ͕ůĞϵŽĐƚŽďƌĞϭϵϴϮ͕ƐƵŝǀŝĞƉĞƵĂƉƌğƐĚ͛ƵŶĞŵĂŶŝĨĞƐƚĂƚŝŽŶ
60 Extrait tiré des Carnets du Général Dalla Chiesa, daté du 30 avril 1982 : ͞DŝƐŽŶŽƚƌŽǀĂƚŽĐŝŽğĂůĐĞŶƚƌŽĚŝƵŶĂ
pubblica opinione che, ad ampio raggio, mi ha dato l'ossigeno della sua stima e di uno Stato che affida la tranquillità della sua esistenza non già alla volontà di combattere e debellare la mafia ed una politica mafiosa, ma all'uso ed allo sfruttamento del mio nome per tacitare l'irritazione dei partiti; che poi la mia opera possa divenire utile, tutto è lasciato al mio entusiasmo di sempre, pronti a buttarmi al vento non appena determinati interessi saranno o dovranno essere toccati o compressi, pronti a lasciarmi solo nelle responsabilità che, indubbiamente, deriveranno anche nei pericoli fisici che dovrò affrontare (...) Si, tesoro mio, questa vŽůƚĂğƵŶĂǀĂůƵƚĂnjŝŽŶĞƌĞĂůŝƐƚŝĐĂĞŶŽŶĚĞƌŝǀĂŶƚĞĚĂƚŝŵŽƌŝĂƐƐƵƌĚŝ͟. | 37 nationale organisée autour des syndicats, les 15 et 16 octobre61. Il est reproché aux autorités ĚĞŶĞƉĂƐĂǀŽŝƌĚŽƚĠůĞ'ĠŶĠƌĂůĚĞƐƉŽƵǀŽŝƌƐƐƉĠĐŝĂƵdžƋƵ͛ŝůĂƚƚĞŶĚĂŝƚ͘WůƵƐŽƵŵŽŝŶƐĚŝƌĞĐƚĞͲ
ŵĞŶƚ͕ŽŶĂĐĐƵƐĞůĞƉŽƵǀŽŝƌĚ͛ĂǀŽŝƌƉĂƌƚŝĐŝƉĠĂƵdžŝŶƚĠƌġƚƐĚĞůĂŵĂĨŝĂ͘>͛ĠǀğŶĞŵĞŶƚĞƐƚăů͛ŽƌŝͲ
ŐŝŶĞĚ͛ŝŶƚĞƌƌŽŐĂƚŝŽŶs quant à la légitimité de ces auƚŽƌŝƚĠƐ͕ŵĂŝƐů͛ĠŵŽŝŶĞĚƵƌĞƋƵ͛ƵŶƚĞŵƉƐ͘
Il permet toutefois à la loi Rognoni-­‐>ĂdŽƌƌĞĚ͛ĂǀĂŶĐĞƌĚĂŶƐů͛ĂŐĞŶĚĂƉŽůŝƚŝƋƵĞ : le pouvoir ĚŽŝƚŵŽŶƚƌĞƌƋƵ͛ŝůƐĂŝƚĞƚƋƵ͛ŝůĂŐŝƚ͘WŽƵƌ'ŝŽǀĂŶŶŝ&ĂůĐŽŶĞ͕ůĞƐĚĠĐŝĚĞƵƌƐƉŽůŝƚŝƋƵĞƐĂŐŝƐƐĞŶƚ
de façon extrêmement régulière, « ĚğƐůŽƌƐƋƵ͛ƵŶĐƌŝŵĞŐƌĂǀĞĞƐƚĐŽŵŵŝƐŽƵƋƵĞů͛ŽƌĚƌĞƉƵͲ
blic semble menacé »62͘dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ĐĞƐĚLJŶĂŵŝƋƵĞƐƐŽŶƚĂƵƐƐŝĨŽƌƚĞƐƋƵ͛ĠƉŚĠŵğƌĞƐ͕ĞƚůĂǀŽͲ
ůŽŶƚĠƉŽůŝƚŝƋƵĞŶĞƉĞƌĚƵƌĞƉĂƐƉůƵƐƋƵĞů͛ĂƵƌĂŵĠĚŝĂƚŝƋƵĞ͘ 2.2.4 La loi Rognoni-­‐La Torre Le 13 septembre de la même année fut publiée la loi dite « Rognoni-­‐La Torre »63. :ƵƐƋƵ͛ĂůŽƌƐ͕ůĂůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂŶ͛ĂǀĂŝƚƉŽƵƌƐĞƵůŝŶƐƚƌƵŵĞŶƚũƵƌŝĚŝƋƵĞĚŝƐƉŽŶŝďůĞƋƵĞůĞĚĠůŝƚ
Ě͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĚĞŵĂůĨĂŝƚĞƵƌƐ64, sans caractère propre aux organisations mafieuses. >͛ĠĐƵĞŝů
de cet iŶƐƚƌƵŵĞŶƚĠƚĂŝƚůĂŶĠĐĞƐƐŝƚĠĚĞƉƌŽƵǀĞƌů͛ĂƉƉĂƌƚĞŶĂŶĐĞĚĞĐŚĂƋƵĞƐƵƐƉĞĐƚăů͛ŽƌŐĂŶŝͲ
sation criminelle, là où la mafia devait être saisie dans son ensemble, comme organisation. La loi Rognoni-­‐La Torre offre plusieurs apports remarquables, dont le plus important est la ĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĚĞů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶŵĂĨŝĞƵƐĞ͕ǀŽƵĠƐăŽĨĨƌŝƌĂƵdžĂƵƚŽƌŝƚĠƐƵŶƌĞŐĂŝŶĚĞůĠŐŝƚŝŵŝƚĠĞƚĚĞ
forces à la suite de la période sanglante traversée par le pays. 61 sŽŝƌĞŶĂŶŶĞdžĞ͕ů͛ĂĨĨŝĐŚĞͨ Pour la démocratie, le travail et le développement, lutte contre la criminalité mafieuse et le terrorisme », invitant les citoyens à une manifestation organisée par les syndicats confédérés : CGIL, CISL et UIL. 62 'ŝŽǀĂŶŶŝ&ĂůĐŽŶĞ͕ĚĂŶƐů͛ĞŶƚƌĞƚŝĞŶĂĐĐŽƌĚĠăDĂƌĐĞůůĞWĂĚŽǀĂŶŝĞƚƉƵďůŝĠĚĂŶƐů͛ŽƵǀƌĂŐĞCosa Nostra (Cf. Biblio-­‐
graphie), pages 143 et 144. 63 Loi du 13 septembre 1982, n°646, prévoyant des dispositions en matière patrimoniale dite « Rognoni-­‐La Torre » (du nom de ses inspirateurs). 64 « Associazione per delinquere », délit prévu par le Code Pénal Italien dans son article 416. | 38 La loi Rognoni-­‐La Torre ĂũŽƵƚĞĂƵŽĚĞWĠŶĂůů͛ĂƌƚŝĐůĞ 416 bis qui, pour la première ĨŽŝƐ͕ƌĞĐŽŶŶĂŠƚů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĚ͛ƵŶĚĠůŝƚƉƌŽƉƌĞĂƵdžŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͘Ainsi, cette nouvelle ŝŶĨƌĂĐƚŝŽŶĞƐƚĚŽƚĠĞĚĞƐĂŶĐƚŝŽŶƐƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞƐĞƚ͕ƉůƵƐůĂƌŐĞŵĞŶƚ͕Ě͛ƵŶĞĐŽŶƐŝĚĠƌĂƚŝŽŶƉĠŶĂůĞ
spécifique. >͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĞƐƚĚĞƚLJƉĞŵĂĨŝĞƵdžƋƵĂŶĚĐĞƵdžƋƵi en font partie se servent ĚĞůĂĨŽƌĐĞĚ͛ŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶĚƵůŝĞŶĂƐƐŽĐŝĂƚŝĨĞƚĚĞůĂĐŽŶĚŝƚŝŽŶĚ͛ĂƐƐƵũĞƚƚŝƐƐĞͲ
ŵĞŶƚĞƚĚ͛ŽŵĞƌƚăƋƵŝĞŶĚĠƌŝǀĞƉŽƵƌĐŽŵŵĞƚƚƌĞĚĞƐĚĠůŝƚƐ͕ƉŽƵƌĂĐƋƵĠƌŝƌ
de façon directe ou indirecte la gestion ou du moins le contrôle sur des ac-­‐
tivités économiques, des concessions, des autorisations, adjudications et services publics ou pour réaliser des profits ou des avantages injustes pour ƐŽŝŽƵƉŽƵƌĂƵƚƌƵŝ͕ŽƵĞŶĐŽƌĞĚĂŶƐůĞďƵƚĚ͛ĞŵƉġĐŚĞƌŽƵĚĞŐġŶĞƌůĞůŝďƌĞ
exercice du vote65 ou de procurer ĚĞƐǀŽŝdžăƐŽŝŽƵăĚ͛ĂƵƚƌĞƐăů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶ de consultations électorales 66. ğƐůŽƌƐ͕ůĂŵĂĨŝĂŶĞŶĠĐĞƐƐŝƚĞƉůƵƐĚ͛ġƚƌĞĂƉƉƌĠŚĞŶĚĠĞĐŽŵŵĞƵŶĞŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶĚĠͲ
linquante ou criminelle classique, par la sanction des faits individuels ou des personnes : do-­‐
tée d͛ƵŶĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶũƵƌŝĚŝƋƵĞƉƌĠĐŝƐĞ͕ďĂƐĠĞƐƵƌƐĞƐŵĠĐĂŶŝƐŵĞƐ͕ƐŽŶŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶŽƵƐĞƐ
objectifs, la mafia peut être saisie comme telle : une organisation illégale au-­‐delà des per-­‐
sonnes qui la composent67. De plus, la loi Rognoni-­‐La Torre apporte aux autorités de nouveaux moyens de lutter, plus efficacement, contre les phénomènes mafieux. ͛ĂďŽƌĚ͕ůĂůŽŝƉƌĠǀŽŝƚƵŶĚƵƌĐŝƐƐĞŵĞŶƚ
ĚĞƐƉĞŝŶĞƐĚĂŶƐůĞĐĂƐŽƶůĞƐĂĐƚŝǀŝƚĠƐĠĐŽŶŽŵŝƋƵĞƐĚĞů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐĞƌĂŝĞŶƚtout ou partie 65 La thématique du vote a été rajoutée par la suite, par le biais de la loi du 7 août 1992, n°356. Considérant que les liens entre la sphère politique et la sphère mafieuse sont particulièrement graves, le législateur a par la suite mis en place une infraction spécifique, à travers ů͛ĂƌƚŝĐůĞϰϭϲƚĞƌĚƵode Pénal italien, qui punit toute promesse de vote en échange Ě͛ĂƌŐĞŶƚŽƵĚ͛ĂƵƚƌĞďŝĞŶŽƵŝŶƚĠƌġƚ͘ 66 Article 416 bis du Code Pénal Italien, « Associations de type mafieux, même étrangères ͩ͘>ĂƚƌĂĚƵĐƚŝŽŶĚĞů͛ĞdžƚƌĂŝƚ
ĚĞů͛ĂƌƚŝĐůĞ͕ƋƵĂůŝĨŝĂŶƚů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶŵĂĨŝĞƵƐĞ͕ĂĠƚĠƌĞƉƌŝƐĞĚĞů͛ŝŶƚƌŽĚƵĐƚŝŽŶĚĞů͛ŽƵǀƌĂŐĞQuand la mafia se légalise : pour une approche économique institutionnaliste, écrit par Clotilde Champeyrache et publié aux éditions du CNRS en 2016. 67 Voir à ce propos les travaux de Giuliano Turone, dans Il Delitto di Associazione Mafiosa, aux éditions Giuffrè Editore (Milan), 2008. | 39 financées ƉĂƌĚĞƐƌĞƐƐŽƵƌĐĞƐƚŝƌĠĞƐĚ͛ŝnfractions68. Ainsi, la loi vise les pratiques de blanchi-­‐
ŵĞŶƚĚ͛argent, intrinsèques aux organisations mafieuses, considérant la finalité centrale de ces dernières ͗ů͛ĂĐĐƵŵƵůĂƚŝŽŶĚĞƌŝĐŚĞƐƐĞƐ͘ >ĞƐŝŶĚŝǀŝĚƵƐƉƵŶŝƐƉĂƌů͛ĂƌƚŝĐůĞ 416-­‐bis69 et ayant participé ăĚĞƐĂĐƚŝǀŝƚĠƐĚĞďůĂŶĐŚŝŵĞŶƚĚ͛ĂƌŐĞŶƚƐŽŶƚƐƵƐĐĞƉƚŝďůĞƐĚĞǀŽŝƌůĂĚƵƌĠĞĚĞůĞƵƌ
ƉĞŝŶĞĂƵŐŵĞŶƚĞƌĚ͛ƵŶƚŝĞƌƐăůĂŵŽŝƚŝĠ͘ Parallèlement, la loi prévoit la confiscation obligatoire ĚĞƐďŝĞŶƐĂƉƉĂƌƚĞŶĂŶƚăů͛ŝŶĚŝǀŝĚƵĞƚĂLJĂŶƚƐĞƌǀŝŽƵĠƚĂŶƚĚĞƐƚŝŶĠĞƐăůĂƉĞƌƉĠƚƌĂƚŝŽŶĚ͛ŝŶͲ
fraction, ou qui en découlent. Ainsi, tous les produits, directs ou indirects, liés à des activités illégales de type mafieux sont voués à être saisis par la justice. ĞŵġŵĞ͕ů͛ŝŶĚŝǀŝĚƵƉƵŶŝƉĂƌ
ů͛ĂƌƚŝĐůĞ 416-­‐bis se voit déchu de certains de ses titres ou licences70. 2.3 >ĂĨŝŶĚĞů͛ŽŵĞƌƚă Les lois qui furent promulguées au cours des années 70 permirent aux autorités de réaliser des progrès importants dans leur lutte contre les organisations mafieuses. La possi-­‐
ďŝůŝƚĠ͕ƉŽƵƌůĂũƵƐƚŝĐĞ͕Ě͛ĂƚƚĂƋƵĞƌůĂŵĂĨŝĂƉĂƌů͛ĂŶŐůĞĚĞƐĞƐƉŽƐƐĞƐƐŝŽŶƐŵĂƚĠƌŝĞůůĞƐĂŝŶƐŝƋƵĞ
ůĂĐŽŶƐƚŝƚƵƚŝŽŶĚ͛ƵŶƉŽŽůĂŶƚŝŵĂĨŝĂ71 sur le modèle développé par Chinnici permirent de re-­‐
monter progressivement les ficelles des organisations mafieuses. Il faut ajouter à cela un évènement hŝƐƚŽƌŝƋƵĞ Ě͛ŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞ ͗ ů͛ĂƌƌĞƐƚĂƚŝŽŶ͕ ĞŶ ϭϵϴϯ͕ ĚĞ dŽŵŵĂƐŽ ƵƐĐĞƚƚĂ͘
ƵƐĐĞƚƚĂ͕ĂŶĐŝĞŶŚŽŵŵĞĚĞ^ĂůǀĂƚŽƌĞZŝŝŶĂ͕ĂǀĂŝƚĨƵŝů͛/ƚĂůŝĞĂƵĚĠďƵƚĚĞƐĂŶŶĠĞƐϴϬƉŽƵƌƐĞ
68 ůŝŶĠĂϲĚĞů͛ĂƌƚŝĐůĞϰϭϲ-­‐bis du Code Pénal italien. Les dispositions prévues par cet article seront complétées par le décret-­‐loi du 8 juin 1992, n°306, dit « Martelli-­‐Scotti », qui prévoit la confiscation obligatoire des biens à l͛ĞŶĐŽŶƚƌĞĚ͛ƵŶ
ŝŶĚŝǀŝĚƵĐŽŶĚĂŵŶĠƉŽƵƌĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶŵĂĨŝĞƵƐĞůŽƌƐƋƵ͛ŝůŶ͛ĞƐƚƉĂƐĞŶŵĞƐƵƌĞĚ͛ĞŶũƵƐƚŝĨŝĞƌůĂƉƌŽǀĞŶĂŶĐĞĞƚƋƵ͛ŝůƌĠƐƵůƚĞƋƵĞ
ces biens lui appartenant correspondraient à une valeur disproportionnée par rapport à son salaire ou à son activité écono-­‐
mique. 69 Article 416 bis du Code Pénal Italien, « Associations de type mafieux, même étrangères ». 70 Alinéa 7 de ů͛ĂƌƚŝĐůĞϰϭϲ-­‐bis du Code Pénal italien. 71 Le pool antimafia constitué à cette époque comprenait les magistrats suivants : Antonino Caponnetto, Giovanni Falcone, Paolo Borsellino, Giuseppe Di Lello, Leonardo Guarnotta, Alberto di Pisa ou encore Giacomo Conte. Le travail de ĐĞƉŽŽůĂŶƚŝŵĂĨŝĂƉĞƌŵŝƚů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶĞƚůĂƚĞŶƵĞĚĞƐŵĂdžŝ-­‐ƉƌŽĐğƐƋƵŝŵĂƌƋƵğƌĞŶƚů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĚĞůĂůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂŝƚĂůŝĞŶŶĞ
en 1986 et 1987. | 40 ƌĠĨƵŐŝĞƌĂƵƌĠƐŝů͕ƐĞŶƚĂŶƚƋƵĞůĞĐůŝŵĂƚĚĞƚĞƌƌĞƵƌƋƵŝĐŽŵŵĞŶĕĂŝƚăƐ͛ĂďĂƚƚƌĞĞŶƚƌĞůĞƐĨĂͲ
milles mafieuses ŶĞƉŽƵǀĂŝƚƋƵ͛ĞŵƉŝƌĞƌ͘ 2.3.1 Le théorème Buscetta En 1983, suite son arrestation, les juges Falcone et Geraci allèrent voir Buscetta en prison pour lui proposer de débuter une collaboration avec les services de justice. Cette pro-­‐
position fut déĐůŝŶĠĞĚĂŶƐƵŶƉƌĞŵŝĞƌƚĞŵƉƐ͕ũƵƐƋƵ͛ăůĂƉƌŽĐĠĚƵƌĞĚ͛ĞdžƚƌĂĚŝƚŝŽŶƋƵŝƐĞĐŽŶͲ
crétisa en 1984. Rentré en Italie, Buscetta accepta de parler avec Falcone, et permit aux ma-­‐
ŐŝƐƚƌĂƚƐĚĞĐŽŵƉƌĞŶĚƌĞů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶŽƐĂEŽƐƚƌĂĚĞů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌ͕ƐĂƐƚƌƵĐƚƵƌĞŚŝĠƌĂƌĐŚŝƋue, ƐĞƐĂĐƚŝǀŝƚĠƐĞƚƐĞƐŵŽLJĞŶƐĚ͛ĂĐƚŝŽŶ72. Les témoignages de Buscetta sont remarquables pour la qualité et la quantité des informations délivrées73͕ŵĂŝƐĠŐĂůĞŵĞŶƚƉŽƵƌů͛ĞdžĞŵƉůĞƋƵ͛ŝů
ĚĞǀŝŶƚ͕ƉĞƌŵĞƚƚĂŶƚăĚ͛ĂƵƚƌĞƐĚĞƐƵŝǀƌĞƐŽŶĞdžĞŵƉůĞĞƚĚĞĐŽůůĂďŽƌĞƌĂǀec la justice74. Le fait pour un ancien « ŚŽŵŵĞĚ͛ŚŽŶŶĞƵƌ » de devenir un collaborateur de justice est évidemment un point important permettant de faire avancer une enquête et de traduire en justice les responsables sur la base de témoignages. DĂŝƐŝůƐ͛ĂŐŝƚƐƵƌƚŽƵƚĚ͛ƵŶĞĨŝŶĚĞů͛ŽŵĞƌƚăĚŽŶƚŝů
72 La description faite par le repenti a radicalement changé la conception de la mafia, et fut appelé le « théorème Buscetta ». La ĐŚƌŽŶŝƋƵĞĚĞů͛E^ (Agenzia Nazionale Stampa Associata) retrace le déroulé des activités menées en 1984. A la page 6, on peut y lire « >ĞƐƌĠǀĠůĂƚŝŽŶƐĨŽƵƌŶŝĞƐƉĂƌƵƐĐĞƚƚĂƐƵƌů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶĚĞůĂŵĂĨŝĂƐŽŶƚƚƌğƐĚĠƚĂŝůůĠĞƐ͕ĞƚƉŽƵƌͲ
ƌĂŝĞŶƚƐĞƌĠǀĠůĞƌƌĠǀŽůƵƚŝŽŶŶĂŝƌĞƐ͘;͙Ϳ>ĂƉƌĠĨĞĐƚƵƌĞĚĞƉŽůŝĐĞŝŶƐŝƐƚĞĨŽƌƚĞŵĞŶƚƐƵƌůĂǀĂůĞƵƌĚĞůĂͨ brèche » ouverte par ƵƐĐĞƚƚĂĚĂŶƐůĞŵƵƌĚĞů͛ŽŵĞƌƚăƋƵŝ͕ĚĞƉƵŝƐƚŽƵũŽƵƌƐ͕ĞŶƚŽƵƌĞůĞƐĂĐƚŝǀŝƚĠƐĚĞůĂŵĂĨŝĂ ͗ŝůŶ͛ĞƐƚƉĂƐĞdžĐůƵƋƵĞĐĞƚĠǀğŶĞŵĞŶƚ
ƉƵŝƐƐĞƉŽƵƐƐĞƌĚ͛ĂƵƚƌĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐăĐŽůůĂďŽƌĞƌ΀ĂǀĞĐůĂũƵƐƚŝĐĞ΁ » (traduction personnelle). 73 Même si les déclarations de repentis sont toujours à considérer avec réalisme, pour ne pas dire méfiance. A ce ƐƵũĞƚ͕ǀŽŝƌů͛ŝŶƚƌŽĚƵĐƚŝŽŶĚĞů͛ŽƵǀƌĂŐĞĚĞ:ŽŚŶŝŬŝĞ, Cosa Nostra : La mafia sicilienne de 1860 à nos jours (Cf. Bibliographie), qui écrit notamment « Même aprğƐůĞƐƌĠǀĠůĂƚŝŽŶƐĚĞƐƉƌĞŵŝĞƌƐƌĞƉĞŶƚŝƐĚĞŵĞƵƌĂŝƚůĞĚĠůŝĐĂƚƉƌŽďůğŵĞĚĞů͛ŝŶƚĞƌƉƌĠƚĂƚŝŽŶ
de leurs paroles ͖ƉŽůŝĐŝĞƌƐĞƚŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐLJŽŶƚƚŽƵũŽƵƌƐĠƚĠĐŽŶĨƌŽŶƚĠƐ͕ĚĞƉƵŝƐůĞƐŽƌŝŐŝŶĞƐĚĞůĂDĂĨŝĂũƵƐƋƵ͛ĂƵŵĂdžŝ-­‐procès ;͙Ϳ͘>ĞƐƚĠŵŽŝŐŶĂŐĞƐĚ͛ŚŽŵŵĞƐĚ͛ŚŽŶŶĞƵƌ͕ŵġŵĞƌĞƉĞŶƚŝƐ͕ƐŽŶƚƚŽƵũŽƵƌƐĚŝĨĨŝĐŝůĞƐăůŝƌĞ͘;͙ͿĞƐŵĂĨŝŽƐŝŽŶƚĂĐĐĞƉƚĠĚĞ
ƉĂƌůĞƌ͕ŵĂŝƐƐĞƵůĞŵĞŶƚƉŽƵƌƉƌĞŶĚƌĞůĞƵƌƌĞǀĂŶĐŚĞƐƵƌĚ͛ĂƵƚƌĞƐŵĂĨŝŽƐŝƋƵŝůĞƐĂǀĂŝĞŶƚƚƌĂŚŝƐŽƵďĂƚƚƵƐĂƵĐŽƵƌƐĚ͛ƵŶĐŽŶĨůŝƚ. Les confessions apparaissent quand les perdants Ŷ͛ŽŶƚƉůƵƐĚ͛ĂƵƚƌĞƐĂƌŵĞƐƉŽƵƌƐĞďĂƚƚƌĞ͘ƵƐĐĞƚƚĂĂǀĂŝƚƉĞƌĚƵůĂƉĂƌƚŝĞ ; ĐŽŵŵĞĐĞůƵŝĚ͛ĂƵƚƌĞƐƌĞƉĞŶƚŝƐ͕ƐŽŶƚĠŵŽŝŐŶĂŐĞĞƐƚƉĂƌĐŽŶƐĠƋƵĞŶƚĞŶƉĂƌƚŝĞĨĂƵƐƐĠ ». 74 ĞƐĞƌĂƉĂƌĞdžĞŵƉůĞůĞĐĂƐĚĞ^ĂůǀĂƚŽƌĞŽŶƚŽƌŶŽƋƵŝĚĠĐŝĚĂ͕ăůĂĨŝŶĚĞů͛ĂŶŶĠĞϭϵϴϰ͕ĚĞĐŽllaborer à son tour ĂǀĞĐůĂũƵƐƚŝĐĞ͘^ĞƐĚĠĐůĂƌĂƚŝŽŶƐƉĞƌŵŝƌĞŶƚůĂƌĠĚĂĐƚŝŽŶĚĞƉƌğƐĚĞϭϯϬŵĂŶĚĂƚƐĚ͛ĂƌƌġƚƐ͕Ğƚů͛ĂƌƌĞƐƚĂƚŝŽŶĚĞϱϲƉĞƌƐŽŶŶĞƐ͘
ĞƐĞƌĂĠŐĂůĞŵĞŶƚůĞĐĂƐĚ͛ŶƚŽŶŝŽĂůĚĞƌŽŶĞ͕>ĞŽŶĂƌĚŽDĞƐƐŝŶĂŽƵĞŶĐŽƌĞ&ƌĂŶĐĞƐĐŽDĂƌŝŶŽDĂŶŶŽŝĂ͘ | 41 ĞƐƚŝŵƉŽƌƚĂŶƚĚĞƐĂŝƐŝƌůĞǀŝƌĂŐĞƋƵ͛ĞůůĞŽƉğƌĞ : ůŽƌƐƋƵ͛ƵŶŵĂĨŝĞƵdžĂĐĐĞƉƚĞĚĞƐĞĐŽŶĨĞƐƐĞƌ͕
Đ͛ĞƐƚĂǀĂŶƚƚŽƵƚparce qu'il voit dans ůĞũƵŐĞƋƵ͛ŝůĂĞŶĨĂĐĞĚĞůƵŝet, par métonymie, dans ů͛État, un gage de confiance Ğƚ ĚĞ ƌĞƐƉĞĐƚ ƉůƵƐ ĨŽƌƚ ƋƵĞ ĐĞ ƋƵĞ ůƵŝ ƉƌŽƉŽƐĞ ů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ
criminelle ƋƵ͛ŝů ƐĞƌǀĂŝƚ ũƵƐƋƵ͛ĂůŽƌƐ͘ Le dialogue ayant initié la collaboration de Tommaso Buscetta avec la justice est resté célèbre, rapporté par Giovanni Falcone ĚĂŶƐů͛ŽƵǀƌĂŐĞCose di Cosa Nostra. Ainsi, en juillet 1984, après son arrestation au Brésil, sa tentative de suicide ĞƚƐŽŶĞdžƚƌĂĚŝƚŝŽŶǀĞƌƐů͛/ƚĂůŝĞ͕ƵƐĐĞƚƚĂƐ͛ĂƉƉƌġƚĞăƉĂƌůĞƌ͘/ůƐ͛ĂĚƌĞƐƐĞainsi à Falcone : « :ĞǀŽƵƐĂǀĞƌƚŝƐ͕DŽŶƐŝĞƵƌůĞ:ƵŐĞ͕ƋƵ͛ĂƉƌğƐĐĞƚŝŶƚĞƌƌŽŐĂƚŽŝƌĞǀŽƵƐĚĞǀien-­‐
drez une célébrité. Mais ils essaieront de vous détruire, physiquement et ƉƌŽĨĞƐƐŝŽŶŶĞůůĞŵĞŶƚ͘ƚŝůƐĞŶĨĞƌŽŶƚĚĞŵġŵĞĂǀĞĐŵŽŝ͘E͛ŽƵďůŝĞnjƉĂƐƋƵĞ
ů͛ĂĨĨĂŝƌĞƋƵĞǀŽƵƐĂǀĞnjŽƵǀĞƌƚĞĂǀĞĐŽƐĂEŽƐƚƌĂŶĞƐĞĐŽŶĐůƵƌĂũĂŵĂŝƐ »75. 2.3.2 La méthode Falcone Le pool antimafia affirma petit à petit une nouvelle vision de la lutte antimafia, à tra-­‐
ǀĞƌƐĐĞƋƵĞů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĂĂƉƉĞůĠͨ la méthode Falcone ». Pour Salvatore Lupo76, la loi Rognoni-­‐
La Torre de 1982 avait déjà porté un grand pas en avant dans la conception de la mafia par ůĞƐĂƵƚŽƌŝƚĠƐ͘>ĞĨĂŝƚĚ͛ŝŶƚƌŽĚƵŝƌĞůĞĐŚĞĨĚ͛ĂĐĐƵƐĂƚŝŽŶĚ͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶŵĂĨŝĞƵƐĞƉĞƌŵŝƚ de ne plus considérer les mafias comme de simples bandes criminelles, mais comme de véritables organisations. En effet, certaines séries de meurtres ne correspondent plus à des repré-­‐
sailles, mais à deƐ ƉƵŶŝƚŝŽŶƐ ŵƸƌĞŵĞŶƚ ƌĠĨůĠĐŚŝĞƐ Ɛ͛ĂŶĐƌĂŶƚ ĚĂŶƐ une stratégie globale de terreur et de conquête du pouvoir. >ĂŵĠƚŚŽĚĞ&ĂůĐŽŶĞ͕ƋƵĂŶƚăĞůůĞ͕ĐŽŶƐŝƐƚĞĞŶů͛ĠƚƵĚĞĚĞ
ƚŽƵƐůĞƐĠůĠŵĞŶƚƐ͕ĨĂŝƚƐĞƚĚŽŶŶĠĞƐĚŝƐƉŽŶŝďůĞƐ͕ƋƵ͛ŝůs semblent ou non signifiants au premier 75 « >͛ĂǀǀĞƌƚo signor giudice, dopo questo interrogatorio lei diventerà una celebrità. Ma cercheremo di distruggerla fisicamente et professionalmente. E con me faranno lo stesso. Non dimentichi che il conto che ha aperto Cosa Nostra non si chiuderà mai. È sempre del parere di interrogarmi ? » (traduction personnelle), propos reportés par Giovanni Falcone, dans Cosa Nostra (Cf. Bibliographie). 76 Salvatore Lupo, Histoire de la mafia, des origines à nos jours (Cf. Bibliographie), pages 306 et 307. | 42 abord. Toutefois, au-­‐dessus ĚĞĐĞƐƉŝğĐĞƐĚĞƉƵnjnjůĞ͕&ĂůĐŽŶĞƐ͛ĞĨĨŽƌĐĞĚĞĐŽŶƐĞƌǀĞƌƚŽƵũŽƵƌƐ
ƵŶĞǀŝƐŝŽŶĚ͛ĞŶƐĞŵďůĞ͕ƵŶĞĐŽŶĐĞƉƚŝŽŶŐůŽďĂůĞ͕ƉŽƵƌƉĂƌǀĞŶŝƌăƐĂŝƐŝƌůĞƐůŝĞŶƐƋƵŝles organi-­‐
sent77. Il se distingue ainsi Ě͛ƵŶĞĂƉƉƌŽĐŚĞƋƵŝƚĞŶĚƌĂŝƚăǀŽƵůŽŝƌĚĠŵŽŶƚƌĞƌů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĚĞ
ů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶĚĂŶƐƐŽŶĞŶƐĞŵďůĞƐĂŶƐƉƌĞƵǀĞĨĂĐƚƵĞůůĞ͕ŵĂŝƐĠŐĂůĞŵĞŶƚĚ͛ƵŶĞĂƉƉƌŽĐŚĞŽƉͲ
posée qui se contenterait de punir les crimes et délits constatés, sans les replacer dans une stratégie plus globale. >ĂƐLJŶƚŚğƐĞĞƐƚů͛ŝĚĠĞƐĞůŽŶůĂƋƵĞůůĞ Cosa Nostra a toujours une stra-­‐
tégie : chaque crime, chaque délit, chaque service participent Ě͛ŽďũĞĐƚŝĨƐŐůŽďĂƵdž͕ǀŝƐĂŶƚă
ƌĞũŽŝŶĚƌĞůĞƐŝŶƚĠƌġƚƐƉƌŝǀĠƐĚĞů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ͘ Falcone développe également une classifica-­‐
tion des infractions selon leurs finalités. Ainsi, les infractions dites de « premier degré »78 ƐŽŶƚĚĞƐƚŝŶĠĞƐăĞŶƌŝĐŚŝƌů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ͕ƉĂƌůĞƚƌĂĨŝĐĚĞĚƌŽŐƵĞƐ͕ůĂĐŽŶƚƌĞďĂŶĚĞ͕ůĞƐĞdžƚŽƌͲ
sions, le racket, etc. Les infractions dites de « deuxième degré » visent quant à elles à proté-­‐
ŐĞƌůĞŵĂŝŶƚŝĞŶĚĞƐĂĐƚŝǀŝƚĠƐĠĐŽŶŽŵŝƋƵĞƐ͕ƉĂƌů͛ŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶĞƚůĂŐĂƌĂŶƚŝĞĚĞů͛ŽŵĞƌƚă : elles se concrétisent par des meurtres, des menaces physiques, etc. Enfin, les infractions « de troisième niveau » sont celles ƋƵŝĐŚĞƌĐŚĞŶƚăƉƌŽƚĠŐĞƌů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶŵĂĨŝĞƵƐĞĚĂŶƐƐŽŶĞŶͲ
semble : elles se manifestent par la perpétration des crimes de personnalités notables : ma-­‐
gistrats, procureurs ou encore hommes politiques79. La méthode Falcone apporta des avancées remarquables dans la façon dont la ma-­‐
ŐŝƐƚƌĂƚƵƌĞĚĞǀĂŝƚƐĞĐŚĂƌŐĞƌĚĞƐĞŶƋƵġƚĞƐĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͘ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝĞŶĐŽƌĞ͕ĞůůĞƌĞƐƚĞĐŽŵŵĞ
un ensemble de lignes directrices pour ceux qui, comme les magistrats des années 80, con-­‐
tinuent de lutter contre la criminalité organisée de type mafieux. Le Conseil Supérieur de la DĂŐŝƐƚƌĂƚƵƌĞŝƚĂůŝĞŶ͕ĞŶϮϬϭϮ͕ăů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚƵǀŝŶŐƚŝğŵĞĂŶŶŝǀĞƌƐĂŝƌĞĚĞĐĞƚĠƉŝƐŽĚĞ͕ƉƵďůŝĂ
77 WŽƵƌƉůƵƐĚ͛ŝŶĨŽƌŵĂƚŝons sur la « méthode Falcone », voir le « prologue de la première édition » de Marcelle WĂĚŽǀĂŶŝ͕ĚĂŶƐů͛ŽƵǀƌĂŐĞCosa Nostra, entretien avec Giovanni Falcone (Cf. Bibliographie). 78 « Reati di primo livello ». 79 Appelés « omicidi eccelenti » en Italie. | 43 ĞƚĚŝƐƚƌŝďƵĂăů͛ĞŶƐĞŵďůĞĚĞƐŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐƵŶƚĞdžƚĞĠĐƌŝƚƉĂƌ&ĂůĐŽŶĞĞŶϭϵϴϮ͕ŝŶƚŝƚƵůĠͨ Tech-­‐
ŶŝƋƵĞƐĚ͛ĞŶƋƵġƚĞƐĞŶŵĂƚŝğƌĞĚĞ mafia »80. 2.4 Le maxi-­‐procès >͛ĠůĂďŽƌĂƚŝŽŶƉƌŽŐƌĞƐƐŝǀĞĚĞůĂůĠŐŝƐůĂƚŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ƉŽƵƐƐĠĞŶŽƚĂŵŵĞŶƚƉĂƌůĞƐĠǀğͲ
nements tragiques qui se déroulèrent dans la deuxième moitié du XXe siècle, déboucha sur ƵŶĞƐŝƚƵĂƚŝŽŶĚĂŶƐůĂƋƵĞůůĞů͛État italien se retrouvaiƚŵŝĞƵdžĠƋƵŝƉĠƉŽƵƌƐ͛ĂƚƚĂƋƵĞƌĂƵdžŽƌͲ
ŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐ ĐƌŝŵŝŶĞůůĞƐ ŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͘ dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ ĂƵĐƵŶĞ ĠƉƌĞƵǀĞ ƉƌĂƚŝƋƵĞ Ŷ͛ĂǀĂŝƚ ĞŶĐŽƌĞ
ĠƉƌŽƵǀĠĐĞƐŝŶƐƚƌƵŵĞŶƚƐũƵƌŝĚŝƋƵĞƐƌĠĐĞŶƚƐ͘^ƵŝƚĞăů͛ĂƌƌĞƐƚĂƚŝŽŶĚĞƵƐĐĞƚƚĂ͕ůĞƉŽŽůĂŶƚŝŵĂͲ
fia réussit à accumuler un très grand nomďƌĞĚ͛ĠůĠŵĞŶƚƐƉĞƌŵĞƚƚĂŶƚĚĞƉƌĠƉĂƌĞƌĐĞƋƵŝĨƵƚ
qualifié de « maxi-­‐procès ». La préparation des arrestations fut extrêmement délicate. Le pool antimafia craignait ůĂĨƵŝƚĞĚ͛ŝŶĨŽƌŵĂƚŝŽŶƐƵƌůĂĚĂƚĞŽƵůĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐǀŝƐĠĞƐ͘ĂŶƐůĂŶƵŝƚĚƵϮϴĂƵϮϵƐĞƉƚĞŵďre 1984, quelques jours avant la date initialement prévue et dans des délais très contraints, les magistrats réussir à rédiger et imprimer ϯϲϲŵĂŶĚĂƚƐĚ͛ĂƌƌġƚŶĠĐĞƐƐĂŝƌĞƐăůĂĐĂƉƚƵƌĞĚĞƐ
personnes suspectes81͘>ĞůĞŶĚĞŵĂŝŶ͕ů͛ŽƉĠƌĂƚŝŽŶĚĞƉŽůŝĐĞ82 permit la capture de plus des deux tiers des personnes visées. 80 Techniche di indagine in materia di mafia, Giovanni Falcone et Giuliano Turone, texte publié après leur participation à une convention de juin 1982. Ce texte, très novateur, retranscrit la méthode Falcone, précédemment pré-­‐
ƐĞŶƚĠĞ͕ŵĂŝƐĠŐĂůĞŵĞŶƚĚ͛ĂƵƚƌĞƐĚĞƐĞƐŝŶƚƵŝƚŝŽŶƐƋƵŝƌĞƐƚĞŶƚĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝĚ͛ƵŶĞĂĐƚƵĂůŝƚĠĐƌŝĂŶƚĞ͕ĨĂƵƚĞĚ͛ĂǀŽŝƌĞŶĐŽƌĞƉƵ
ġƚƌĞƚƌĂŶƐĨŽƌŵĠĞƐĚĂŶƐůĞĐŽŶĐƌĞƚ͕ƚĞůůĞƐƋƵĞů͛ĂďƐŽůƵĞŶĠĐĞƐƐŝƚĠĚ͛ĂŐŝƌĞŶĐŽŽƉĠƌĂƚŝŽŶ au niveau international pour lutter efficacement contre les organisations mafieuses. 81 Article de La Repubblica, daté du 8 décembre 1984, suite au meurtre du beau-­‐frère de Tommaso Buscetta, Pietro Busetta, perpétré par la mafia en représailles de la collaboration du repenti avec la justice. 82 Opération « Blitz di San Michele ». | 44 2.4.1 hŶƉƌŽĐğƐĚ͛ĞdžĐĞƉƚŝŽŶ >ĞƉƌŽĐğƐĚĠďƵƚĂůĞϭϬĨĠǀƌŝĞƌϭϵϴϲ͕ĞƚĂůůĂŝƚĚƵƌĞƌũƵƐƋƵ͛ĂƵϭϲĚĠĐĞŵďƌĞϭϵϴϳ͘DĂůͲ
gré les tentatives des avocats de la défense de faire durer et échouer la tenue du procès, fautĞĚĞƉŽƵǀŽŝƌĚĠĨĞŶĚƌĞƐƵƌůĞĨŽŶĚůĞƵƌƐĐůŝĞŶƚƐ͕ůĂƐĞŶƚĞŶĐĞĨƵƚƌĞŶĚƵĞĂƵƐĞŝŶĚ͛ƵŶĞƐĂůůĞ
« bunker ͩĂŵĠŶĂŐĠĞƉŽƵƌů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶ au sein de la prison de Palerme. Après près de 350 audiences, le Tribunal condamna 360 personnes, dont 19 à la prison à perpétuité83, pour une somme totale de 2 665 années de prison et 11,5 milliards ĚĞůŝƌĞƐĚ͛ĂŵĞŶĚĞ84. Le maxi-­‐procès, au-­‐delà de son importance quantitative, reste historique également en ce qu'il permît la prise de conscience générale des phénomènes mafieux. Il fut la preuve, ĚŽŶŶĠĞĂǀĞĐĨŽƌĐĞƉĂƌů͛ƚĂƚ͕ĚĞů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĚ͛ƵŶĐŽŶƚƌĞ-­‐ƉŽƵǀŽŝƌƌĠĞůƋƵŝ͕ŵĂůŐƌĠů͛ĂƌƌŽŐĂŶĐĞ
déployée dans les années ϴϬ͕ĐŽŶƚŝŶƵĂŝƚĚ͛ġƚƌĞŶŝĠƉĂƌƵŶĞƉĂƌƚŝĞĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠ͕ĚĞůĂƉŽƉƵůĂͲ
tion, mais également des autorités. Toutefois, des critiƋƵĞƐƐ͛ĠůĞǀğƌĞŶƚăů͛ĞŶĐŽŶƚƌĞĚĞƐŵŽĚĂůŝƚĠƐĂǀĞĐůĞƐƋƵĞůůĞƐĞƵƚůŝĞƵ
le procès, ou vis-­‐à-­‐vis des magistrats eux-­‐mêmes. Dès le déroulé du procès, une vaste cam-­‐
pagne orchestrée par la mafia avait eu pour objectif de délégitimer le témoignage des an-­‐
ciens membƌĞƐĚĞů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƌĞƉĞŶƚŝƐĞƚůĞƐŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐĞŶĐŚĂƌŐĞĚƵĚŽƐƐŝĞƌ͘Aussi, des peurs au regard de la mesure du procès, sans doute légitimes, naquirent chez certains ob-­‐
servateurs qui redoutaient que la justice ne puisse évaluer dans le détail la participation pré-­‐
cise de chaque accusé aux faits reprochés. Une telle approche, semblable à une vengeance ĚĞů͛État suite aux exactions des années 80, aurait été désastreuse pour la lutte contre la 83 EŽŵďƌĞ ƋƵŝ ƌĞĚĞƐĐĞŶĚŝƚ ă ϭϮ ĞŶ ĂƉƉĞů͘ Ŷ ĞĨĨĞƚ͕ ůĂ ŽƵƌ Ě͛ƉƉĞů ĚĞ WĂůĞƌŵĞ ƌĞŵŝƚ ĞŶ ĐĂƵƐĞ ůĞ ͨ théorème Buscetta » qui exposait la structure verticale hiérarchisée de Cosa Nostra de même que son unicité. Ainsi, certains membres éminents furent déchargés de la responsabilité de plusieurs crimes. Le procès fut ensuite porté en Cassation auprès du juge Corrado Carnevale, connu pour sa tendance à casser les verdicts inculpant les mafieux. Finalement, la Cour Suprême de Cassation confirma, le 30 janvier 1992, les accusations originelles et les peines précédemment fixées, en aggravant celles ĚĞƐĐŚĞĨƐĚĞů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ͘ 84 Article de la Rai daté du 16 décembre 2015, soient 28 ans précisément après la conclusion du Maxi-­‐procès. | 45 mafia. Pour Franco Melati85, la population palermitaine se voyait alors divisée en deux, ũƵƐƋƵ͛ĂƵƐĞŝŶŵġŵĞĚĞƐĨĂŵŝůůĞƐ͕ĞŶƚƌĞůĞƐĚĠĨĞŶƐĞƵƌƐĚƵƉŽŽůĂŶƚŝŵĂĨŝĂĞƚĐĞƵdžƋƵŝƌĞŵĞƚͲ
taient en question le maxi-­‐procès lui-­‐même. Certains observateurs soulignèrent également que les geôles palermitaines ne ren-­‐
fermaient que les hoŵŵĞƐĐŽŵƉŽƐĂŶƚůĞďƌĂƐĂƌŵĠĚĞŽƐĂEŽƐƚƌĂ͕ĨĂƵƚĞĚ͛ĂǀŽŝƌƉƵƉƌŽƵǀĞƌ
la culpabilité des chefs. ͛ĂƵƚƌĞƐĚŽƵƚĞƐƐƵƌŐŝƌĞŶƚƐƵƌůĂĨŝĂďŝůŝƚĠĚĞƐƚĠŵŽŝŐŶĂŐĞƐ͕ en premier lieu celui de Buscetta, nourris notamment par une campagne diffamatoire organisée par la mafia elle-­‐même, ƐƵƌůĞƐƚĞŵƉƐŶĠĐĞƐƐĂŝƌĞƐĂƵĚĠƌŽƵůĞŵĞŶƚĚ͛ƵŶƚĞůƉƌŽĐğƐ͕ŽƵĞŶĐŽƌĞƐƵƌ
ůĞƐŵŽƚŝǀĂƚŝŽŶƐƉŽůŝƚŝƋƵĞƐĚĞƐƉƌŽĐĠĚƵƌĞƐƋƵŝƌŝƐƋƵĂŝĞŶƚ͕ƐĞůŽŶĐĞƌƚĂŝŶƐ͕Ě͛ĞŵƉġĐŚĞƌůĞƐĂĐͲ
ĐƵƐĠƐĚĞĚŝƐƉŽƐĞƌĚĞůĞƵƌĚƌŽŝƚăůĂĚĠĨĞŶƐĞ͛͘ĂƵƚƌĞƐƉĂƌƚĂŐğƌĞŶƚůĞƵƌƐƐoupĕŽŶƐĚ͛ĂŵďŝƚŝŽŶ
carriériste des magistrats au sein du pool antimafia. >͛ĂĐĐƵƐĂƚŝŽŶůĂƉůƵƐŵĂƌƋƵĂŶƚĞĨƵƚƉŽr-­‐
ƚĠĞƉĂƌů͛ĂƵƚĞƵƌ>ĞŽŶĂƌĚŽ^ĐŝĂƐĐŝĂ͕ƐŝĐŝůŝĞŶĚ͛ŽƌŝŐŝŶĞ͕ƋƵŝĂǀĂŝƚƉĂƐƐĠƵŶĞƉĂƌƚŝĞĚĞƐĂǀŝĞă
ĂƚƚŝƌĞƌů͛ĂƚƚĞŶƚŝŽŶƐƵƌůĂŵĂĨŝĂ86. Quelques mois après le début du maxi-­‐ƉƌŽĐğƐ͕ů͛ĂƵƚĞƵƌƉƌĞŶĚ
la plume et publie un article intitulé « >ĞƐƉƌŽĨĞƐƐŝŽŶŶĞůƐĚĞů͛ĂŶƚŝŵĂĨŝĂ »87. Son article se termine ainsi : « Les lecteurs, quoi ƋƵ͛ŝůĞŶƐŽŝƚ͕ƉƌĞŶŶĞŶƚĂĐƚĞƋƵĞƌŝĞŶŶĞǀĂƵƚŵŝĞƵdž͕ĞŶ^ŝĐŝůĞ͕
pour faire carrière dans la magistrature, que de prendre part à des procès contre la mafia ». Malgré ces critiques, les magistrats ayant participé et conduit le maxi-­‐procès sont ra-­‐
ƉŝĚĞŵĞŶƚĚĞǀĞŶƵƐůĞƐƐLJŵďŽůĞƐĚĞũƵƐƚŝĐĞ͕Ě͛ŝŶƚĠŐƌŝƚĠĞƚĚ͛ŚŽŶŶĞƵƌ͕ĨĂĐĞăĐĞƵdžƋƵŝƐĞĚĠĨŝͲ
nissent comme des « ŚŽŵŵĞƐĚ͛ŚŽŶŶĞƵƌ ». 85 86 Journaliste pour le journal italien La Repubblica, article publié dans le supplément du vendredi 18 juillet 2014. Jacques de Saint Victor, Un pouvoir invisible, les mafias et la société démocratique XIXè ʹ XXIè siècle, (Cf. Biblio-­‐
graphie). 87 « /ƉƌŽĨĞƐƐŝŽŶŝƐƚŝĚĞůů͛ĂŶƚŝŵĂĨŝĂ », publié le 10 janvier 1987 dans le Corriere della Sera. | 46 2.4.2 Conséquences de la réussite du maxi-­‐procès La réussite du maxi-­‐ƉƌŽĐğƐĂƐŝŐŶĠ͕ĚĂŶƐůĞƐŵĠŵŽŝƌĞƐ͕ůĂĨŝŶĚĞů͛ŝŵƉƵŶŝƚĠĚĞŽƐĂ
Nostra, sentiment qui avait atteint un paroxysme après la vague de violences perpétrée dans les années 80. De par sa démesure, le maxi-­‐ƉƌŽĐğƐƌĠƵƐƐŝƚůĂƉƌŽƵĞƐƐĞĚĞĚĠƉĂƐƐĞƌů͛ĠĐƵĞŝů
fréquent des procédures antimafias plus modestes ͗ů͛ŝŵƉŽƐƐŝďŝůŝƚĠĚĞƚŝƐƐĞƌůĂƚŽŝůĞĚĞƐƌĞůĂͲ
tions entre les centaines de faits quotidiennement répertoriés, la difficulté de replacer ces « épiphénomènes ͩĚĂŶƐů͛ĂĐƚŝǀŝƚĠŐůŽďĂůĞĚ͛ƵŶĞŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƚĞŶƚĂĐƵůĂŝƌĞ, mais couverte de ů͛ĠƉĂŝƐǀŽŝůĞĚĞů͛ŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶ͕ĚĞůĂĐŽƌƌƵƉƚŝŽŶĞƚĚĞů͛ŽŵĞƌƚă͘ ^ĞůŽŶůĞWƌĠƐŝĚĞŶƚĚĞů͛ĂƐƐŽĐŝĂͲ
tion antimafia sicilienne que nous avons iŶƚĞƌƌŽŐĠĚĂŶƐůĞĐĂĚƌĞĚĞĐĞƚƚĞĠƚƵĚĞ͕ů͛ŝŵƉĂĐƚůĞ
plus remarquable du maxi-­‐procès fut le suivant : À ĐŽƵƌƚƚĞƌŵĞ͕ů͛ĞĨĨĞƚƐŽĐŝĂůůĞƉůƵƐŶŽƚĂďůĞĚƵŵĂdžŝ-­‐procès a été celui de démontrer que la mafia était une véritable organisation criminelle. Autre-­‐
ment dit, que tous les actes de délinquance qui étaient commis sur le terri-­‐
ƚŽŝƌĞƐŝĐŝůŝĞŶŶ͛ĠƚĂŝĞŶƚƉĂƐĚĞƐĠƉŝƐŽĚĞƐŝƐŽůĠƐ͕ŵĂŝƐůĞĨƌƵŝƚĚ͛ƵŶĞĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠ
coordonnée par un pouvoir fort, organisée et en synergie totale avec une partie des sphères entrepreneuriales et politiques italiennes88. Plusieurs des étudiants en droit que nous eûmes ů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚ͛ŝŶƚĞƌƌŽŐĞƌƉŽƵƌĐĞƚƌĂͲ
vail nous ƌĠƉŽŶĚŝƌĞŶƚƋƵĞů͛ƵŶĚĞƐŝŵƉĂĐƚƐŝŵƉŽƌƚĂŶƚƐĚĞůĂƌĠƵƐƐŝƚĞĚƵŵĂdžŝ-­‐procès résidait ĠŐĂůĞŵĞŶƚĚĂŶƐůĞĨĂŝƚƋƵ͛ŝůĐƵŵƵůĂĚĞƵdžĂƐƉĞĐƚƐ ͗Ě͛ƵŶĞƉĂƌƚ͕ŝůƌĞƐƚĞů͛ƵŶĚĞƐƉůƵƐŐƌĂŶĚƐ
ƉƌŽĐğƐƉĠŶĂƵdžĚĞů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞƉĂƌůĞŶŽŵďƌĞĚĞƐĂĐĐƵƐĠƐ͕ĚĞƐĐŽŶĚĂŵŶĂƚŝŽŶƐĞƚĚ͛ĂĐƚĞƐĚŝǀĞƌƐ͘
͛ĂƵƚƌĞƉĂƌƚ͕ŝůĂŵĂƌƋƵĠƵŶǀŝƌĂŐĞŶŽƚĂďůĞĚĂŶƐůĂůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ĚƵĨĂŝƚĚĞƐŶŽŵďƌĞƵƐĞƐ
88 sĞƌďĂƚŝŵƚŝƌĠĚĞů͛ƵŶĚĞƐĞŶƚƌĞƚŝĞŶƐƌĠĂůŝƐĠ͕ŝĐŝĂǀĞĐůĞƉƌĠƐŝĚĞŶƚĚ͛ƵŶĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐŝĐŝůŝĞŶŶĞ : ͞EĞůďƌĞǀĞ
ƚĞŵƉŽů͛ĞĨĨetto più rilevante, a livello sociale, del mazi-­‐processo è stato innamzitutto quello di dimostrare che la Mafia era ƌĞĂůŵĞŶƚĞƵŶ͛ŽƌŐĂŶŝnjnjĂnjŝŽŶĞĐƌŝŵŝŶĂůĞ͘YƵŝŶĚŝĐŚĞƚƵƚƚŝŐůŝĂƚƚŝĚĞůŝŶƋƵĞŶnjŝĂůŝĐŚĞǀĞŶŝǀĂŶŽĞĨĨĞƚƚƵĂƚŝƐƵůƚĞƌƌŝƚŽƌŝŽƐŝĐŝůŝano non erano episodi isolati ma frutto di un disegno criminale coordinato da un potere forte, organizzato ed in piena sinergia ĐŽŶƉĂƌƚĞĚĞůů͛ŝŵƉƌĞŶĚŝƚŽƌŝĂĞƉĂƌƚĞĚĞůůĂƉŽůŝƚŝĐĂŝƚĂůŝĂŶĂ͟(traduction personnelle). | 47 peines revues à la baisse ou annulées en deuxième instance ou en cour de Cassation durant les procès précédant89. Il est vrai que certains magistrats90 ĠƚĂŝĞŶƚ͕ũƵƐƋƵ͛ĂůŽƌƐ͕ďŝĞŶĐŽŶŶƵƐ
ƉŽƵƌůĞƵƌƚĞŶĚĂŶĐĞůĂdžŝƐƚĞăů͛ĞŶĐŽŶƚƌĞĚĞƐƉĞŝŶĞƐƉƌŽŶŽŶĐĠĞƐĐŽŶƚƌĞůĞƐŵĂĨŝĞƵdž͘>ĂƐƵƌƉƌŝƐĞ
Ŷ͛ĞŶfut que plus grande pour les accusés du maxi-­‐procès, qui avaient été rassurés par la ƉĞƌƐƉĞĐƚŝǀĞĚ͛ƵŶĞƌĠǀŝƐŝŽŶĚƌĂƐƚŝƋƵĞĚĞƐĚĠĐŝƐŝŽŶƐƉƌŝƐĞƐĞŶƉƌĞŵŝğƌĞŝŶƐƚĂŶĐĞăů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶ
de la deuxième. La réussite du maxi-­‐ƉƌŽĐğƐ͕ĞŶĂĨĨĞĐƚĂŶƚů͛ŝŵƉƵŶŝƚĠĚŽŶƚĂǀĂŝƚ pu bénéficier Cosa Nos-­‐
tra, dont les membres semblaient intouchables, a permis à la population de prendre cons-­‐
cience de sa force collective potentielle. Plus globalement, la bonne tenue du maxi-­‐procès et ůĞƐƵĐĐğƐĚĞů͛État face à la mafia permirent de dépasser la conception de la lutte antimafia ĐŽŵŵĞƐŝŵƉůĞĐŽŵďĂƚĐŽŶƚƌĞůĂĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠ͕ƉŽƵƌĚĠǀĞůŽƉƉĞƌƉƌŽŐƌĞƐƐŝǀĞŵĞŶƚů͛ŝĚĠĞƐĞůŽŶ
laquelle cette lutte était une condition sine qua non de la liberté du peuple italien. 89 sĞƌďĂƚŝŵƚŝƌĠĚĞů͛ƵŶĚĞƐĞŶƚƌĞƚŝĞŶƐƌĠĂůŝƐĠ͕ŝĐŝĂǀec un étudiant en master de droit privé (giurisprudenzaͿăů͛ƵŶŝͲ
versité de Catane, en Italie : ͞>͛ŝƐƐƵĞƉŽƐŝƚŝǀĞĚƵŵĂdžŝ-­‐procès, avec les condamnations lourdes qui suivirent, a marqué un virage remarquable à la lutte antimafia, depuis trop longtemps infructueuse et peu incisive, à cause des peines transformées ou, pire encore, annulée, en deuxième instance ou en cour de cassation, durant les procès précédents. Un virage non seule-­‐
ŵĞŶƚƉĂƌĐĞƋƵ͛ŝůĂĐƌĠĠƵŶƉƌĠĐĠĚĞŶƚĠĐůĂƚĂŶƚ;Ɛ͛ĂŐŝƐƐĂŶƚĚ͛ĂŝůůĞƵƌƐĚĞů͛ƵŶĚĞs procès pénaux les plus importants, sinon le ƉůƵƐŐƌĂŶĚ͕ũĂŵĂŝƐƚƌĂŝƚĠƐĚĂŶƐůĞŵŽŶĚĞͿ͕ŵĂŝƐƐƵƌƚŽƵƚƉĂƌĐĞƋƵ͛ŝůĂƉƌŽĨŽŶĚĠŵĞŶƚƐĞĐŽƵĠů͛ŽƉŝŶŝŽŶƉƵďůŝƋƵĞĚĞŵĂŶŝğƌĞ
ĂŵƉůĞŵĞŶƚƵŶŝǀŽƋƵĞ;͙Ϳ » (notes, synthèse et traductions personnelles). 90 En effet, plusieurs procès avaient été « cassés » en deuxième ou troisième instance, pour des raisons formelles ŶŽƚĂŵŵĞŶƚ͘hŶDŝŶŝƐƚƌĞĚĞů͛ĠƉŽƋƵĞ͕^ĂůǀŽ>ŝŵĂ͕ĚŽŶƚůĞƐĂĐĐŽŝŶƚĂŶĐĞƐĂǀĞĐůĂŵĂĨŝĂƐŽŶƚĚĞƉƵŝƐůĂƌŐĞŵĞŶƚƌĞĐŽŶŶƵĞƐ͕
diffusé la rumeur selon laquelle le procès ĂůůĂŝƚġƚƌĞ͕ĞŶĞĨĨĞƚ͕ĐĂƐƐĠ͘ĞĨƵƚĚ͛ĂŝůůĞƵƌƐůĞĐĂƐ͕ĚĂŶƐƵŶƉƌĞŵŝĞƌƚĞŵƉƐ : le nombre de condamnations à la prison à perpétuité passa ainsi de 19 à 12. Toutefois, la troisième instance revint en grande partie aux dispositions prises en première instance. Le « théorème Buscetta ͕ͩďĂƐĞƐƵƌůĂƋƵĞůůĞƐ͛ĂƉƉƵŝĞŶƚŶŽŵďƌĞĚĞƐ
ĂĐĐƵƐĂƚŝŽŶƐ ƉŽƌƚĠĞƐ ĚƵƌĂŶƚ ůĞƉƌŽĐğƐ͕ Ă ĂŝŶƐŝ ĠƚĠ ƌĞĐŽŶŶƵ ĞŶ ƉƌĞŵŝĞƌ ŝŶƐƚĂŶĐĞ͕ ƉƵŝƐ ĚĠŵĞŶƚŝ ĞŶĚĞƵdžŝğŵĞ ĂǀĂŶƚ Ě͛ġƚƌĞ
réintégré en Cassation. | 48 2.4.3 La réorganisation de la lutte antimafia Suite au procès, Antonio Caponnetto se vîƚĚĂŶƐů͛ŽďůŝŐĂƚŝŽŶĚĞsortir du pool antima-­‐
fia pour des raisons de santé. Il le quitta sans préoccupation, car il est alors certain que Gio-­‐
ǀĂŶŶŝ&ĂůĐŽŶĞ͕ƐŽŶŚĠƌĠĚŝƚĂŝƌĞŶĂƚƵƌĞů͕ůĞƌĞŵƉůĂĐĞƌĂ͘dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕Đ͛Ğst un autre magistrat qui prend sa place et qui dissout le pool. &ĂůĐŽŶĞ͕ăů͛ŝƐƐƵĞĚƵŵĂdžŝ-­‐procès, fut nommé à la tête de la Direction des Affaires Pénales du Ministère de la Justice italien. Son ambition était celle de réorganiser les bras de la lutte antimafia, pour apporter à celle-­‐ci une coordination nationale. Ainsi, il mit en place deux corps ͗ ůĂ ŝƌĞĐƚŝŽŶ Ě͛ŶƋƵġƚĞ ŶƚŝŵĂĨŝĂ ;/Ϳ91, et la Direction Nationale Antimafia (DNA)92. La première est une direction judiciaire visant à faire le lien, au niveau national, entre les enquêtes dirigées contre les organisations criminelles mafieuses de tous les corps Ě͛ŝŶǀĞƐƚŝŐĂƚŝŽŶ͘>ĂƐĞĐŽŶĚĞfait le lien entre les enquêtes visant la criminalité organisée, et ƉĞƌŵĞƚůĞƉĂƌƚĂŐĞĚ͛ŝŶĨŽƌŵĂƚŝŽŶƐĞƚůĞĚĠǀĞůŽƉƉĞŵĞŶƚĚes connaissances en la matière. ƵƐĞŝŶĚĞůĂŵĂŐŝƐƚƌĂƚƵƌĞ͕ĐĞƌƚĂŝŶƐĐŽŵŵĞŶĐĞŶƚăƐŽƵƉĕŽŶŶĞƌ&ĂůĐŽŶĞĚ͛ġƚƌĞƵŶŵĂͲ
gistrat de scène, ou carriériste. Malgré la campagne de diffamation, « machine à salir »93 ou « saison des venins »94, Falcone continua son travail de lutte antimafia au sein du Ministère ĚĞůĂ:ƵƐƚŝĐĞ͕ĞŶƉƌĠƉĂƌĂŶƚĐĞƌƚĂŝŶĞƐůŽŝƐǀŝƐĂŶƚůĞďůĂŶĐŚŝŵĞŶƚĚ͛ĂƌŐĞŶƚ͕ů͛ĂƵƚŽƌŝƐĂƚŝŽŶĚĞƐ
91 Direzione Investigativa Antimafia ;/Ϳ͕ƉůĂĐĠĞƐŽƵƐů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠĚƵDŝŶŝƐƚğƌĞĚĞů͛/ŶƚĠƌŝĞƵƌ͕ĐŽŽƌĚŽŶŶĞůĞĚĠƌŽƵůĞͲ
ment des enquêtes préventives visant la criminalité ŽƌŐĂŶŝƐĠĞ͘>͛ŽďũĞĐƚŝĨĞƐƚĚĞƉŽƵǀŽŝƌĞŶĚĠŐĂŐĞƌů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐƚƌƵĐƚƵͲ
ƌĞůůĞ͕ůĞƐĂƌƚŝĐƵůĂƚŝŽŶƐĞƚůĞƐůŝĞŶƐ;ăů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌĐŽŵŵĞăů͛ĞdžƚĠƌŝĞƵƌĚƵƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞŶĂƚŝŽŶĂůͿ͕Ě͛ĞŶĐŽŵƉƌĞŶĚƌĞůĞƐŽďũĞĐƚŝfs et les modalités opérationnelles. 92 Direzione Nazionale Antimafia ;EͿ͕ƉůĂĐĠĞƐŽƵƐů͛ĂƵƚŽƌŝƚĠĚƵDŝŶŝƐƚğƌĞĚĞůĂ:ƵƐƚŝĐĞ͕ĐŽŽƌĚŽŶŶĞůĞƐĚŝƌĞĐƚŝŽŶƐ
territoriales antimafia (direzioni distrettuali antimafia), présentes dans chacun des 26 districtƐĚŝƐƉŽƐĂŶƚĚ͛ƵŶĞŽƵƌĚ͛ƉƉĞů
sur le territoire italien. 93 Roberto Saviano dans Le combat continue, Résister à la Mafia et à la corruption, (Cf. Bibliographie), page 47. 94 džƉƌĞƐƐŝŽŶƵƚŝůŝƐĠĞĨƌĠƋƵĞŵŵĞŶƚƉŽƵƌƋƵĂůŝĨŝĞƌĐĞƚƚĞĠƉŽƋƵĞ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶƚĚĂŶƐů͛Ăƌƚicle du journal La Repubblica, « La longue saison des venins, cinq lettre et un Corbeau » (« La lunga stagione dei veleni, cinque lettere e un Corvo »), du 2 novembre 1999, disponible en ligne. | 49 écoutes téléphoniques ou encore offrant la possibilité de dissoudre les conseils municipaux comprenant des membres liés aux activités criminelles. Dans les années 90, alors que des soupçons de collusions entre la mafia et le monde politique émergent et se confirment régulièrement, une législation unique est née. Les ma-­‐
ŐŝƐƚƌĂƚƐ͕ĐŽŵŵĞů͛ĠĐƌŝƚ>ƵĐŝĂŶŽsŝŽůĂŶƚĞ95, acquièrent un véritable pouvoir décisionnel, faute Ě͛ƵŶĞ ĂƵƚŽƌŝƚĠ ƉŽůŝƚŝƋƵĞ ĂƐƐĞnj ƉƵŝƐƐĂŶƚĞ ŽƵ ůégitime. >Ğ ĐŽŶƐƚĂƚ ĞƐƚ ďĞů Ğƚ ďŝĞŶ ĐĞůƵŝ Ě͛ƵŶ
corps de magistrats moteurs dans la lutte antimafia, mais dont le risque ƋƵ͛ŝůƐƐŽŝĞŶƚƚƵĠƐ Ɛ͛ĂĐĐƌŽŠƚƉƌŽƉŽƌƚŝŽŶŶĞůůĞment au travail effectué et à leur engagement. Ainsi, les juges de-­‐
viennent les représentants du concept de légalité, sur lequel nous reviendrons par la suite. La seconde moitié du XXe siècle, plus précisément des années 60 aux années 90, est ĚŽŶĐ ŵĂƌƋƵĠĞ ƉĂƌ ů͛Ğngagement de ces juges, mais aussi par plusieurs évènements tra-­‐
ŐŝƋƵĞƐ͕ăů͛ŽƌŝŐŝŶĞĚ͛ƵŶĞĐŽŶƚĞƐƚĂƚŝŽŶƐŽĐŝĂůĞ͕ƐƵŝǀŝĞĚĞƉĞƵƉĂƌƵŶĞƌĠĂĐƚŝŽŶĚƵƉŽůŝƚŝƋƵĞ͘>Ğ
mécanisme semble être devenu une routine : les meurtres, tous plus violents les uns des autres, sont suivis de manifestations, elles-­‐ŵġŵĞƐ ă ů͛ŽƌŝŐŝŶĞ Ě͛ƵŶ ƐŽƵďƌĞƐĂƵƚ ĚƵ ƉŽƵǀŽŝƌ
ĚĠĐŝƐŝŽŶŶĂŝƌĞƋƵŝ͕ƉŽƵƌŵŽŶƚƌĞƌƋƵ͛ŝůĞdžŝƐƚĞ͕ĂŐŝƚăůĂŵĂƌŐĞ͘>͛ĂĐƚŝŽŶƉŽůŝƚŝƋƵĞŶĞƉƌĞŶĚǀŝĞ
ƋƵĞĚĂŶƐů͛ĠŵŽƚŝŽŶ͕ĚĂŶƐůĂƌĠĂĐƚŝŽŶĞƚů͛ƵƌŐĞŶĐĞ͘ Selon les mots mêmes de Falcone, tous les évènements historiques que nous avons vus jusque-­‐là nous donnent La mesure de combien le problème de la mafia a systématiquement été sous-­‐estimé de la part des autorités, malgré le fait que ce phénomène, loin ĚĞƐĞƚĂƌŝƌ͕Ŷ͛ĂĐĞƐƐĠĚ͛ĂĐĐƌŽŠƚƌe sa puissance. Il ne me semble pas hasar-­‐
95 Dans un ouvrage intitulé « Les citoyens, la loi et le juge » (I cittadini, la legge e il giudice), dans Legge Diritto Giustizia (édition en collaboration avec Livia Minervini), Einaudi, 1998. | 50 ĚĞƵdžĚ͛ĂĨĨŝƌŵĞƌƋƵĞů͛ƵŶĞĚĞƐĐĂƵƐĞƐĚĞů͛ĂĐƚƵĞůůĞǀŝŽůĞŶĐĞĚĞůĂŵĂĨŝĂƌĠͲ
ƐŝĚĞ͕ũƵƐƚĞŵĞŶƚ͕ĚĂŶƐůĞĨĂŝďůĞŶŝǀĞĂƵĚ͛ĂƚƚĞŶƚŝŽŶƉŽƌƚĠĞƉĂƌů͛ÉƚĂƚăů͛ĞŶͲ
contre de cette réalité séculaire96. Dans les trente années que nous venons de parcourir, les véritables acteurs de la lutte antimafia furent les magistrats, soutenus par la société civile, qui réussirent en 1992 à donner à cette lutte une dimension toute nouvelle, en rendant visible, dicible et, par conséquent, condamnable la mafia. 96 Giovanni Falcone, dans La posta in gioco ʹ Interventi e proposte per la lotta alla mafia (Cf. Bibliographie), parlant Ě͛ĠǀğŶĞŵĞŶƚƐĚĂƚĠƐĚ͛ĂǀĂŶƚůĞŵĂdžŝ-­‐ƉƌŽĐğƐ͕ŵĂŝƐĚŽŶƚŶŽƵƐƉƌĞŶŽŶƐůĂůŝďĞƌƚĠĚ͛ĂƉƉůŝƋƵĞƌůĞƌĂŝƐŽŶŶĞŵĞŶƚĂƵdžĠǀğŶĞŵĞŶƚƐ
coŵƉƌŝƐ ĞŶƚƌĞ ϭϵϲϬ Ğƚ ϭϵϵϯ ͗ ͞Questi brevissimi richiami storici ci danno la misura di come il problema mafia sia stato ƐŝƐƚĞŵĂƚŝĐĂŵĞŶƚĞƐǀĂůƵƚĂƚŽĚĂƉĂƌƚĞĚĞŐůŝŽƌŐĂŶŝƐŵŝƌĞƐƉŽŶƐĂďŝůŝ͕ďĞŶĐŚĠŝůĨĞŶŽŵĞŶŽ͕ŶĞůƚĞŵƉŽ͕ůƵŶŐŝĚĂůů͛ĞƐĂƵƌŝƌƐŝ͕ĂďďŝĂ
accresciuto lĂƐƵĂƉĞƌŝĐŽůŽƐŝƚă͘ŶŽŶŵŝƐĞŵďƌĂĂnjnjĂƌĚĂƚŽĂĨĨĞƌŵĂƌĞĐŚĞƵŶĂĚĞůůĞĐĂƵƐĞĚĞůů͛ĂƚƚƵĂůĞǀŝƌƵůĞŶnjĂĚĞůůĂŵĂĨŝĂ
ƌŝƐŝĞĚĂ͕ ƉƌŽƉƌŝŽ͕ ŶĞůůĂ ƐĐĂƌƐĂ ĂƚƚĞŶnjŝŽŶĞ ĐŽŵƉůĞƐƐŝǀĂ ĚĞůůŽ ^ƚĂƚŽ ŶĞŝ ĐŽŶĨƌŽŶƚŝ Ěŝ ƋƵĞƐƚĂ ƐĞĐŽůĂƌĞ ƌĞĂůƚă͟ (traduction personnelle). | 51 3. 1990 à nos jours : la culture de la légalité face à la subsistance des phé-­‐
nomènes mafieux Les vingt-­‐cinq dernières années signent une nouvelle phase dans ůĂĨĂĕŽŶĚŽŶƚů͛État italien lutte contre la mafia. En effet, si la période précédente était marquée surtout par ů͛ĂĐƚŝŽŶĚĞƋƵĞůƋƵĞƐŝŶĚŝǀŝĚƵƐ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶƚĚĞƐƉŽůŝĐŝĞƌƐĞƚĚĞƐŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐ͕ů͛ĂŶŶĠĞϭϵϵϮre-­‐
présente un tournant dans cette lutte. La société civile, citoyens et associations, prend cons-­‐
cience du rôle qu'elle peut y jouer, poussée ĂƵƐƐŝƉĂƌƵŶĞĐĞƌƚĂŝŶĞŵĠĨŝĂŶĐĞăů͛ĠŐĂƌĚĚĞƐ
autorités, thématique dont la récurrence est significative͘ğƐůŽƌƐ͕ůĞĚƌŽŝƚĞƚůĂƐŽĐŝĠƚĠŶ͛ĞŶͲ
tretiennent plus le même dialogue : Ɛŝ͕ĂƵƉĂƌĂǀĂŶƚ͕ůĂůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐ͛ĞŶƚĞŶĚĂŝƚĐŽŵŵĞƵŶĞ
action répressive ĚĞů͛ŝůůĠŐĂůŝƚĠƉĂƌůĞĚrŽŝƚ͕ŝůƐ͛ĂŐŝƚĚĠƐŽƌŵĂŝƐĚ͛ƵŶĞĂĐƚŝŽŶƉƌĠǀĞŶƚŝǀĞ, la vo-­‐
lonté de diffuser la légalité. 3.1 Les années 90 : une prise de conscience collective >͛ĂŶŶĠĞϭϵϵϮŵĂƌƋƵĞů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞ italienne de façon particulièrement dramatique͘>͛/ƚĂͲ
lie, qui vivait alors dans la période ayant suivi le maxi-­‐procès, vit une page se tourner de façon violente, avec la mort des deux magistrats les plus emblématiques de la lutte contre la mafia. De nouveau, la société civile se réǀĞŝůůĂĞƚƐ͛ŝŶĚŝŐŶĂ͕Ğƚů͛État politique ne put se résoudre à ů͛ŝŶĂĐƚŝŽŶ͘ĞƉĞŶĚĂŶƚ͕ůĂŵŽƌƚĚĞ&ĂůĐŽŶĞĞƚŽƌƐĞůůŝŶŽƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞƵŶĠƉŝƐŽĚĞĚŝĨĨĠƌĞŶƚĚĞƐ
ĂƵƚƌĞƐ͕ĞŶĐĞƋƵ͛ŝůĂĨĨĞĐƚĞƉƌŽĨŽŶĚĠŵĞŶƚůĂĐŽŶĨŝĂŶĐĞĚĞƐĐŝƚŽLJĞŶƐĚĂŶƐůĂĐĂƉĂĐŝté de leur État à les protéger, encourageant rapidement le secteur associatif à se renforcer. | 52 3.1.1 ͞dŽƵƚĞƐƚĨŝŶŝ͟: stragi di Capaci ĞƚĚŝǀŝĂĚ͛ŵĞůŝŽ97 La réussite du maxi-­‐procès de Palerme représenta une humiliation profonde pour Cosa Nostra, ses membres et ses chefs. La confirmation, en janvier 1992, du jugement de première instance en Cassation98 ƐŝŐŶĂĚĠĨŝŶŝƚŝǀĞŵĞŶƚů͛ĂǀĂŶĐĠĞĚĞƐĂƵƚŽƌŝƚĠƐĚĂŶƐůĂůƵƚƚĞ
antimafia. /ůĨƵƚĂƵƐƐŝůĂĚĠŵŽŶƐƚƌĂƚŝŽŶƋƵĞůĂũƵƐƚŝĐĞƉŽƵǀĂŝƚġƚƌĞƉůƵƐĨŽƌƚĞƋƵĞů͛ŝŵƉƵŶŝƚĠ
certaine, par attentisme ou accointance, dont avait bénéficié CosĂEŽƐƚƌĂũƵƐƋƵ͛ĂůŽƌƐ͘ Cette victoire historique fit planer, sur le pays, une atmosphère victorieuse et quelque peu légère, ƋƵŝŶĞĚƵƌĂƋƵ͛ƵŶƚĞŵƉƐ͘Le 23 mai 1992, Falcone se ƚƌŽƵǀĂŝƚĞŶǀŽŝƚƵƌĞƐƵƌů͛ĂƵƚŽƌŽƵƚĞƌĞͲ
ůŝĂŶƚů͛ĂĠƌŽƉŽƌƚĚĞWĂůĞƌŵĞĂƵĐĞŶƚƌĞ-­‐ville, accompagné de sa femme et de son escorte. Au ŶŝǀĞĂƵĚĞůĂĐŽŵŵƵŶĞďĂůŶĠĂŝƌĞĚĞĂƉĂĐŝ͕ƵŶĞĞdžƉůŽƐŝŽŶǀŝŽůĞŶƚĞ͕ƉƌŽǀŽƋƵĠĞƉĂƌƉůƵƐĚ͛ƵŶĞ
demi-­‐ƚŽŶŶĞĚ͛ĞdžƉůŽƐŝĨ dissimulée sous la chaussée, arrêta le convoi provoquant la mort du magistrat99. Moins de deux mois plus tard, le 19 juillet 1992, le juge Paolo Borsellino est tué à son tour100͕ƉĂƌů͛ĞdžƉůŽƐŝŽŶĚ͛ƵŶĞǀŽŝƚƵƌĞƉŝĠŐĠĞĚĂŶƐƵŶĞƌƵĞĚƵĐĞŶƚƌĞĚĞWĂůĞƌŵĞ, à deux pas du domicile de sa mère. >ĂŵĂĨŝĂŶ͛ĂƉĞŶĚĂŶƚůŽŶŐƚĞŵƉƐƉĂƐĞdžŝƐƚĠĚĂŶƐůĞƐŵŽƚƐ͕ŵĂůŐƌĠƐŽŶĞxistence dans les faits. La loi Rognoni-­‐>ĂdŽƌƌĞĂƉĞƌŵŝƐĚ͛ĞŶĚŽŶŶĞƌƵŶĞĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶ͕ĐĞƋƵŝĐŽŶƐƚŝƚƵĂƵŶƉĂƐ
ĞŶĂǀĂŶƚĚĞƉƌĞŵŝĞƌƉůĂŶ͘dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ũƵƐƋƵ͛ĂƵdžĂŶŶĠĞƐ 90, il est encore trop tôt pour dire que ů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĚĞůĂŵĂĨŝĂĞƐƚƌĞĐŽŶŶƵĞĚĞƚŽƵƐ͘^ĞůŽŶ le magistrat Gian Carlo Caselli101, « une 97 Ce titre fait référence aux mots prononcés par Antonio Caponnetto en juillet 1992, quelques jours après la mort de Paolo Borsellino : « È finito tutto ͕ͩůŽƌƐƋƵ͛ŝůƐŽƌƚŝƚĚĞůĂŵŽƌŐƵĞ͕ŝŶƚĞƌƌŽŐĠƉĂƌƵŶũŽƵƌŶĂůŝƐƚĞ͘>ĞƐĞdžƉƌĞƐƐŝŽŶƐͨ Strage di Capaci » et « Strage dŝsŝĂĚ͛ŵĞůŝŽ », qui signifient « Tragédie de Capaci » et « dƌĂŐĠĚŝĞĚĞsŝĂĚ͛ŵĞůŝŽ » désignent quant à elles respectivement les morts de Falcone et Borsellino, en utilisant le lieu où celles-­‐ci ont été perpétrées. 98 Décision de la Cour Suprême de Cassation du 30 janvier 1992, « Abbate e altri ». 99 Sont également morts ce jour-­‐là : Francesca Morvillo (magistrate, épouse de Giovanni Falcone), Antonio Monti-­‐
ŶĂƌŽ͕ZŽĐĐŽŝĐŝůůŽĞƚsŝƚŽ^ĐŚŝĨĂŶŝ͕ŵĞŵďƌĞƐĚĞů͛ĞƐĐŽƌƚĞĚƵŵĂŐŝƐƚƌĂƚ͘sŽŝƌůĂĐŚƌŽŶŝƋƵĞĚƵjournal Panorama pour plus de ĚĠƚĂŝůƐƐƵƌů͛ĠǀğŶĞŵĞŶƚ͘ 100 Sont également morts ce jour-­‐là les cinq membres de son escorte : Walter Cosina, Vincenzo Li Muli, Emanuela Loi, Agostino Catalano et Claudio Traina. 101 'ŝĂŶĂƌůŽĂƐĞůůŝĞƐƚŽƌŝŐŝŶĂŝƌĞĚĞdƵƌŝŶ͘Ŷϭϵϵϯ͕ĂƉƌğƐĂǀŽŝƌƚƌĂŝƚĠĚ͛ĂĨĨĂŝƌĞƐƚĞƌƌŽƌŝƐƚĞƐ͕ŝůĞƐƚŶŽŵŵĠWƌŽĐƵƌĞƵƌ
ĚĞ ůĂ ZĠƉƵďůŝƋƵĞ ĂƵ dƌŝďƵŶĂů ĚĞWĂůĞƌŵĞ͘ /ů ƉĂƌƚŝĐŝƉĞ ĂůŽƌƐ ăů͛ĂƌƌĞƐƚĂƚŝŽŶ ĚĞ ƉůƵƐŝĞƵƌƐ ĐŚefs de la mafia, dont Giovanni | 53 époque a connu la non-­‐existence de la mafia, car les procureurs généraux, les cardinaux, les notables les plus divers accusaient publiquement et officiellement, tous ceux qui parlaient de ŵĂĨŝĂ͕Ě͛ġƚƌĞĚĞƐƉƌŽǀŽĐĂƚĞurs ». Au-­‐delà des personnalités (magistrats, procureurs, hommes politiques, notables, etc.) liéeƐĚŝƌĞĐƚĞŵĞŶƚăĚĞƐĂĐƚŝǀŝƚĠƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͕ďĞĂƵĐŽƵƉĚ͛ĂƵƚƌĞƐƐĞ
ƚĂŝƐĂŝĞŶƚĞƚŶŝĂŝĞŶƚů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĚĞůĂŵĂĨŝĂ͘ĞůĂƉĞƵƚƐ͛ĞdžƉůŝƋƵĞƌĞŶƉĂƌƚŝĞ par la peur, mais aƵƐƐŝƉĂƌĐŽŶǀŝĐƚŝŽŶƋƵ͛ŝůŶĞƐ͛ĂŐŝƐƐĂŝƚůăĚĞƌŝĞŶƋƵŝŶĞƐŽŝƚƚƌğƐŐƌĂǀĞ͕ƌĞũŽŝŐŶĂŶƚƉĞƵŽƵƉƌŽƵ
ůĂĐŽŶĐĞƉƚŝŽŶĚĠũăŝůůƵƐƚƌĠĞƉůƵƐƚƀƚĚ͛ƵŶĞŵĂĨŝĂĐŽŵŵĞƵŶĂƐƉĞĐƚĚƵĐĂƌĂĐƚğƌĞƐŝĐŝůŝĞŶ͘>Ğ
maxi-­‐procès, puis les attentats de 1992, ont eu le « mérite » de mĞƚƚƌĞĞŶůƵŵŝğƌĞů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞ
de la mafia à travers les mots, objectivant un phénomène qui se nourrit du silence. 3.1.2 Impact sociétal des morts de Falcone et Borsellino Les tueries perpétrées au début des années 90 apparaissent comme une volonté de la mafia Ě͛ĂĨĨŝĐŚĞƌůĂƉĞƌƐŝƐƚĂŶĐĞĚĞƐĂƉƵŝƐƐĂŶĐĞ͕ŵĂůŐƌĠůĞƌĞƚŽƵƌŶĞŵĞŶƚƉƌŽǀŽƋƵĠƉĂƌůĞ
maxi-­‐procès. Les premières personnes ciblées furent les « traîtres », ou tout du moins ceux ƋƵŝŵĂůŐƌĠůĞƵƌƌĂŶŐ͕Ŷ͛ĠƚĂŝĞŶƚƉĂƐƉĂƌǀĞŶƵƐăĨĂŝƌĞŽďƐƚĂĐůĞăůĂŵĂƌĐŚĞĚĞůĂũustice102. La stratégie adoptée par la mafia, dans une dynamique qui apparaît au premier abord comme une simple vengeance, consistait à lutter contre certaines innovations législatives récentes, ŶŽƚĂŵŵĞŶƚů͛ĂƌƚŝĐůĞ 41-­‐bis, imposant un régime de détention renforcé ĞƚĞŶǀŽŝĞĚ͛ĂĚŽƉƚŝŽŶ
peu avant les attentats. Plus globalement, son objectif était de créer, au sein de la population, ĂƉŽŶŶĞƚƚŽ͘>ĞƐƉƌŽƉŽƐƌĞƚƌĂŶƐĐƌŝƚƐŝĐŝƐŽŶƚƚŝƌĠƐĚ͛ƵŶĞŶƚƌĞƚŝĞŶƋƵ͛ŝůĞƵƚĂǀĞĐůĞũŽƵƌŶĂůŝƐƚĞ^ĂǀĞƌŝŽ>ĂƵĚĂƚŽ͕publiés dans le journal italien >͛hŶŝƚă du 7 décembre 2002. Les propos originaux sont les suivants : « ͛ĞƌĂƵŶĂǀŽůƚĂĐŚĞůĂŵĂĨŝĂŶŽŶ
esisteva.. Procuratori generali, cardinali, notabili della più diversa estrazione, pubblicamente ed ufficialmente accusavano ĐŚŝƉĂƌůĂǀĂĚŝŵĂĨŝĂĚŝĞƐƐĞƌĞƵŶƉƌŽǀŽĐĂƚŽƌĞ;͙Ϳ ». 102 Le 12 mars 1992, Salvatore Lima fut tué dans les rues de Palerme. De 1979 à 1992, il avait été député européen pour le parti de la Démocratie Chrétienne après avoir été maire de Palerme. Ses liens avec la mafia, prenant la forme Ě͛ĠĐŚĂŶŐĞƐĚĞƐĞƌǀŝĐĞƐĞŶƉƌŽĨŝƚĂŶƚĚĞƐŽŶƌƀůĞƉŽůŝƚŝƋƵĞ͕ĨƵƌĞŶƚŵŝƐĂƵũŽƵƌƉĂƌůĞƚĠŵŽŝŐŶĂŐĞĚĞdŽŵŵĂƐŽƵƐĐĞƚƚĂ͘/ůĂ
ĠƚĠĐŽŶƐŝĚĠƌĠƉĂƌŽƐĂEŽƐƚƌĂĐŽŵŵĞƵŶƚƌĂŠƚƌĞ͕Ŷ͛ĂLJĂŶƚƉĂƐƌĠƵƐƐŝăĨĂŝƌĞĐĂƐƐĞƌůĞũƵŐĞŵĞŶƚĚƵŵĂdži-­‐procès dans les instances successives. Ignazio Salvo, entrepreneur italien lié à la mafia, connut le même sort le 17 septembre. | 54 ƵŶƐĞŶƚŝŵĞŶƚĚ͛ĞĨĨƌŽŝ͕ŵĂŝƐĂƵƐƐŝĞƚƐƵƌƚŽƵƚĚĞŵĠĨŝĂŶĐĞăů͛ĠŐĂƌĚĚĞů͛ƚĂƚƋƵŝ͕ĂƉƌğƐƚŽƵƐ
ces progrès, ne parvenait toujours pas à assurer la sécurité publique103. Ce dernier objectif fonctionna : les journaux énoncèrĞŶƚůĂĚĠĨĂŝƚĞĚĞů͛État104, sifflé par la population lors des cérémonies de funérailles. Selon une étudiante, interrogée dans le cadre des entretiens menés pour cette étude, ů͛ŝŵƉĂĐƚĚĞůĂŵŽƌƚĚĞƐũƵŐĞƐ&ĂůĐŽŶĞĞƚŽƌƐĞůůŝŶŽƉĞƵƚġƚƌĞĐŽŶƐŝĚĠƌĠĐŽŵŵĞƉůƵƐŝŵƉŽƌͲ
tant que le virage opéré à la suite du maxi-­‐ƉƌŽĐğƐ͕ƚŽƵƚĚƵŵŽŝŶƐĚ͛ƵŶƉŽŝŶƚĚĞǀƵĞƐŽĐŝĂů͘Ŷ
effet, si le maxi-­‐ƉƌŽĐğƐ͕ĐŽŵŵĞŶŽƵƐů͛ĂǀŽŶƐǀƵƉůƵƐƚƀƚ͕ĂƉĞƌŵŝƐĚe mettre en lumière la nature de la mafia, provoquant au-­‐ĚĞůăĚ͛ƵŶĞĐŽŶĚĂŵŶĂƚŝŽŶũƵƌŝĚŝƋƵĞƵŶĞĐŽŶĚĂŵŶĂƚŝŽŶ
ƐŽĐŝĂůĞĚ͛ƵŶĨůĠĂƵƋƵŝƐ͛ĞŵƉĂƌĞĚĞů͛/ƚĂůŝĞũƵƐƋƵ͛ĂƵdžƐƉŚğƌĞƐůĞƐƉůƵƐŚĂƵƚĞƐĚĞů͛ĂĚŵŝŶŝƐƚƌĂͲ
ƚŝŽŶŶĂƚŝŽŶĂůĞ͕Đ͛ĞƐƚďŝĞŶůĂŵŽƌƚĚĞƐĚĞƵdžũƵŐĞƐƋƵŝĂ réussi à mobiliser les foules et à entrai-­‐
ner un nombre croissant de manifestations et de protestations105. Les juges Falcone et Borsellino devinrent très vite des héros, les symboles incarnés des idées de justice et de légalité. >͛ŝŵƉĂĐƚŵĠĚŝĂƚŝƋƵĞĞƐƚƚƌğƐĨŽƌƚ͕Ě͛ĂƵƚĂŶƚƉůƵƐƋƵĞůĞƐ
assassinats suivent de peu les succès retentissants du pool antimafia. Au lendemain de la 103 ƵĐŽƵƌƐĚĞů͛ĂŶŶĠĞϭϵϵϯ͕ůĂŵĂĨŝĂĨĞƌĂƉůƵƐŝĞƵƌƐĂƚƚĞŶƚĂƚƐ͕ƉƌŝŶĐŝƉĂůĞŵĞŶƚăůĂǀŽŝƚƵƌĞƉŝĠŐĠĞ : le 14 mai à Rome, le 27 mai à Florence, le 27 juillet à Milan, les 27 et 28 juillet devant des églises à Rome (après une allocution du Pape Jean Paul II dans laquelle il dénonce les agissements de la mafia) ou encore le 17 septembre, à Palerme. Des menaces sont également adressées ĂƵdžƉůƵƐŚĂƵƚĞƐƐƉŚğƌĞƐĚĞů͛ƚĂƚ͕ăů͛ĞŶĐŽŶƚƌĞĚĞŵĞŵďƌĞƐĚĞůĂĠŵŽĐƌĂƚŝĞŚƌĠƚŝĞŶŶĞ͕ĚƵWĂƌƚŝ
Démocratique de la Gauche (PDS) ou encore du Parti Socialiste Italien (PSI), mais également au Président de la République, au Président du Conseil et à plusieurs ministres. 104 sŽŝƌ͕ƉĂƌĞdžĞŵƉůĞ͕ƵŶĂƌƚŝĐůĞĚ͛ŶŐĞůŽĞDƵƌƚĂƐ͕ƉƵďůŝĠĚĂŶƐůĞũŽƵƌŶĂůLa Nuova Sardegna, qui énonce en une du 20 juillet 1992, « >͛tat est déjà largement vaincu ; son autorité, son prestige, sa capacité à opérer sont confiées, morceau ĂƉƌğƐŵŽƌĐĞĂƵ͕ĞŶƚŽƵƚĞĐŽŶŶĂŝƐƐĂŶĐĞĚĞĐĂƵƐĞ͕ăůĂŵĂĨŝĂ;ĞƚĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝăƐŽŶŝŶĐĂƌŶĂƚŝŽŶůĂƉůƵƐĨĠƌŽĐĞ͕ŽƐĂEŽƐƚƌĂͿ ». 105 sĞƌďĂƚŝŵƚŝƌĠĚĞů͛ƵŶĚĞƐ ĞŶƚƌĞƚŝĞŶƐŵĞŶĠƐĚĂŶƐůĞĐĂĚƌĞĚĞĐĞƚƚĞĠƚƵĚĞ͕ĂƵƉƌğƐĚ͛ĠƚƵĚŝĂŶƚƐĞŶĚƌŽŝƚ ͖ŝĐŝ͕Đ͛ĞƐƚ
ƵŶĞĠƚƵĚŝĂŶƚĞĚĞϮϮĂŶƐ͕ĞŶƉƌĞŵŝğƌĞĂŶŶĠĞĚĞŵĂƐƚĞƌăů͛ƵŶŝǀĞƌƐŝƚĠĚĞĚƌŽŝƚĚĞĂƚĂŶĞƋƵŝƌĠƉŽŶĚ : « >͛ŝŵƉĂĐƚƐŽĐŝĂůĚĞůĂ
ŵŽƌƚĚĞ&ĂůĐŽŶĞĞƚŽƌƐĞůůŝŶŽĂĠƚĠ͕Ɛŝů͛Žn veut, plus profond et important que celui du maxi-­‐procès : ce dernier a eu comme ĐŽŶƐĠƋƵĞŶĐĞƉƌĂƚŝƋƵĞĚĞƉŽƌƚĞƌƵŶĞĐŽŶĚĂŵŶĂƚŝŽŶĨůĂŐƌĂŶƚĞĚĞůĂŵĂĨŝĂĞƚăƐĂƌĞĐŽŶŶĂŝƐƐĂŶĐĞĐŽŵŵĞƵŶĨůĠĂƵƋƵŝƐ͛ĞŵͲ
ƉĂƌĞĚĞů͛/ƚĂůŝĞ;ĞƚƉĂƐƐĞƵůĞŵĞŶƚůĞ^ƵĚͿ͕ũƵƐƋƵ͛ă͕ƉĂƌĨŽŝƐ͕ĂƚƚĞŝŶĚƌĞůĞƐƌĂŵŝĨŝĐĂƚŝŽŶƐůĞƐƉůƵƐůŽŝŶƚĂŝŶĞƐĚĞů͛ĂĚŵŝŶŝƐƚƌĂƚŝŽŶ
nationale. Mais ce fut la monstrueuse réponse des familles mafias, les actes terribles de terrorisme qui ont causé la mort des ũƵŐĞƐĚ͛ŝŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶƐƉƌĠĐĠĚĞŵŵĞŶƚĐŝƚĠƐ͕ƋƵŝĂƉĞƌŵŝƐĚĞ mobiliser les masses vers toujours plus de protestation. Si, jadis, la mafia était peu connue de tous, parfois même considérée comme un « mythe », par ignorance ou par connivence, la mort ĚĞ&ĂůĐŽŶĞĞƚŽƌƐĞůůŝŶŽĂŵŝƐĞŶĠǀŝĚĞŶĐĞůĂŶĠĐĞƐƐŝƚĠĚ͛ƵŶĞŶŐĂŐĞŵĞŶƚƐŽĐŝĂů͕ƐŽƵƚĞŶƵƉĂƌů͛ƚĂƚ͕ĞŶƌĠƉŽŶƐĞăůĂƉƵŝƐƐĂŶĐĞ
écrasante de celle-­‐là » (notes, synthèse et traduction personnelles). | 55 mort de Borsellino, la population sort pour la première fois dans les rues de Palerme, pour manifester contre les atrocités de la mafia. Sur la place Castelnuovo, dans le centre-­‐ville de Palerme, des femmes se relaient pendant un mois, jeunent pour protester106 et rédigent le « Manifeste pour des femmes rebelles ». Parmi leurs revendications, ů͛ƵŶĞ demande, avec succès, le départ de certaineƐƉĞƌƐŽŶŶĂůŝƚĠƐƋƵ͛ĞůůĞƐũƵŐĞŶƚƉůƵƐŽƵŵŽŝŶƐĚŝƌĞĐƚĞŵĞŶƚůŝĠĞƐ
à la mort des magistrats. Ces manifestations trouvent un écho dans la population, sensibilisée par les évènements tragiques récents, et porté par les médias. La société civile prend alors conscience de son importance et de son rôle à jouer dans la lutte antimafia. Pour le Président ĚĞů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂŝŶƚĞƌƌŽŐĠĚĂŶƐůĞĐĂĚƌĞĚĞĐĞƚƚĞĠƚƵĚĞ͕ůĂƉƌŝƐĞĚĞĐŽŶƐĐŝĞŶĐĞĐŽůͲ
ůĞĐƚŝǀĞƐ͛ĞƐƚĂƉƉƵLJĠĞƐƵƌůĞĐŚŽĐƌĞƐƐĞŶƚŝĂƉƌğƐůĂŵŽƌƚĚĞĚĞƵdžĨŝŐƵƌĞƐ profondément « hu-­‐
maines » : Sur le long terme naquît la conscience, dans la partie saine de la population qui est de loin la plus importante, que la mafia pouvait être combattue, à ĐŽŶĚŝƚŝŽŶĚ͛ġƚƌĞƵŶŝe ĞƚĚ͛ĂǀŽŝƌăƐĞƐĐƀƚĠƐůĞƐŝŶƐƚŝƚƵƚŝŽŶƐ͘;͙ͿUne fois ter-­‐
miné le moment de la consternation, les deux tragédies donnèrent une ĨŽƌĐĞƐƵƉƉůĠŵĞŶƚĂŝƌĞăůĂůƵƚƚĞĐŽŶƚƌĞůĂŵĂĨŝĂ͕ƉŽƵƐƐĠĞƉĂƌů͛ĂĨĨĞĐƚĂƚŝŽŶ
ĚĞů͛ŝŵŵĞŶƐĞŵĂũŽƌŝƚĠĚĞůĂƉŽƉƵůĂƚŝŽŶĚĂŶƐƐĞƐƉƌŽƉƌĞƐǀĂůĞƵƌƐ͘107 La peine des familles endeuillées face à la disparition de leurs proches, devenus des symboles nationaux, est l'adjuvant Ě͛ƵŶĞŝŶĚŝŐŶĂƚŝŽŶŐĠŶĠƌĂůĞ͕ƋƵŝƐĞƚƌĂĚƵŝƚƉĂƌůĂĐŽŶƐƚŝƚƵͲ
tion, le renforcement et le rassemblement des forces associatives et citoyennes. Un véritable 106 /ůƐ͛ĂŐŝƚĚĞƐĨĞŵŵĞƐĂƉƉĞůĠĞƐƉůƵƐƚĂƌĚͨ donne del digiuno ». Leur souvenir a été ravivé par un travail photogra-­‐
phie réalisé par Francesco Francaviglia qui réalisa, en 2013, le portrait des femmes, enfants, mères des victimes, magistrates ou encore écrivaines qui participèrent à ces protestations. 107 sĞƌďĂƚŝŵ ƚŝƌĠ ĚĞ ů͛ĞŶƚƌĞƚŝĞŶ ĞĨĨĞĐƚƵĠ ĂǀĞĐ ůĞ WƌĠƐŝĚĞŶƚ Ě͛ƵŶĞ ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶ ĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ ƋƵŝ ƌĠƉŽŶĚŝƚă ƉƌŽƉŽƐ ĚĞƐ
impacts à long terme de la réussite du maxi-­‐procès et de la mort de Falcone et Borsellino : ͞ůůĂ ůƵŶŐĂ ŶĂĐƋƵĞ ůĂ
consapevolezza, nella parte sana della popolazione che è di gran lunga la maggiore, che la mafia si può combattere a condizione di essere uniti ed avere accanto le Istituzioni. A lungo termine, finito il momento di sgomento, le due stragi diedero maggior vigore alla lotta alla mafia in quanto la stragrande parte della popolazione si sentì colpita personalmente nei propri ǀĂůŽƌŝ͟(traduction personnelle). | 56 mouvement antimafia émerge à la moitié des années 90, catalysé autour des figures hé-­‐
roïques des magistrats. >͛ĠŵŽƚŝŽŶƉƌŽǀŽƋƵĠĞƉĂƌůĞƐĂƚƚĞŶƚĂƚƐĚĞϭϵϵϮĞƐƚĠŐĂůĞŵĞŶƚĐĂƚĂͲ
lysé dans certaines allocutions, certaines images transmises par les médias, comme celle de Rosaria Costa, ǀĞƵǀĞĚĞů͛ƵŶĚĞƐĂŐĞŶƚƐĚĞů͛ĞƐĐŽƌƚĞĚĞ&ĂůĐŽŶĞ͕sŝƚŽ^ĐŚŝĨĂŶŝ108, dont nous avons utilisé le portrait pour réaliser la couverture de cette étude. À Palerme, le « Comité du drap » diffuse des tracts appelant la population à sus-­‐
pendre, du 19 au 23 de chaque mois, un drap à la fenêtre, avec une inscription dénonçant la mafia109. Les associations palermitaines rédigent une sorte de programme politique ambi-­‐
tieux, appelé « Palerme, année zéro »110, développant notamment la nécessité de mettre en place des interventions de sensibilisation au-­‐delà des célébrations qui fleurissent à de nom-­‐
breux endroits. Le jour des funérailles de Borsellino, le public rassemblé pour célébrer sa ŵĠŵŽŝƌĞĐƀƚŽŝĞĐĞƌƚĂŝŶƐƌĞƉƌĠƐĞŶƚĂŶƚƐĚĞů͛État italien. Ces derniers sont hués par la foule, ĚĞŵġŵĞƋƵĞůĞƐƉŽůŝĐŝĞƌƐ͕ĐŽůůğŐƵĞƐĚĞƐŵĞŵďƌĞƐĚĞů͛ĞƐĐŽƌƚĞĚĞ&ĂůĐŽŶĞ͕ĂǀĂŝĞŶƚĞŵƉġĐŚĠ
ƉŚLJƐŝƋƵĞŵĞŶƚĂƵdžĚŝŐŶŝƚĂŝƌĞƐĚĞƐ͛ĂƉƉƌŽĐŚĞƌĚƵĐĞƌĐƵĞŝůĚĞůĞƵƌĂŵŝ111. Le reproche principal fait aux autorités, au-­‐delà des suspicions de connivences de certaines avec les organisations 108 Lors des funérailles organisées pour Falcone, sa femme et les membres de son escorte morts le 23 mai 1992, Rosaria Costa prononça ses mots, retransmis en direct à la télévision : « DŽŝ͕ZŽƐĂƌŝĂŽƐƚĂ;͙Ϳ͕ũĞĚĞŵĂŶĚĞĂǀĂŶƚƚŽƵƚƋƵĞ
ũƵƐƚŝĐĞƐŽŝƚĨĂŝƚĞ͕ƚŽƵƚĚĞƐƵŝƚĞ͘D͛ĂĚƌĞƐƐĂŶƚĂƵdžŚŽŵŵĞƐĚĞůĂŵĂĨŝĂ͕ƉĂƌĐĞƋƵ͛ŝůLJĞŶĂŝĐŝ-­‐même, mais certainement pas chrétiens, sachez que pour vous aussi, il y a une possibilité de pardon. Je vous pardonne, mais vous devez vous mettre à ŐĞŶŽƵdž͕ĞƚƐŝǀŽƵƐĞŶĂǀĞnjůĞĐŽƵƌĂŐĞ͕ǀŽƵƐĚĞǀĞnjĐŚĂŶŐĞƌ͙DĂŝƐĞƵdžŶĞĐŚĂŶŐĞŶƚƉĂƐ͙^ŝǀŽus avez le courage de changer, ĚĞ ĐŚĂŶŐĞƌ͕ ŵĂŝƐ ĞƵdž ŶĞ ǀĞƵůĞŶƚ ƉĂƐ ĐŚĂŶŐĞƌ͙ Ğ ĐŚĂŶŐĞƌ ƌĂĚŝĐĂůĞŵĞŶƚ ǀŽƐ ƉƌŽũĞƚƐ͕ ůĞƐ ƉƌŽũĞƚƐ ŵŽƌƚĞůƐ ƋƵĞ ǀŽƵƐ ĂǀĞnj͘
ZĞĚĞǀĞŶĞnjĐŚƌĠƚŝĞŶƐ͛͘ĞƐƚƉŽƵƌĕĂƋƵĞŶŽƵƐƉƌŝŽŶƐ͕ĂƵŶŽŵĚƵ^ĞŝŐŶĞƵƌƋƵŝĂĚŝƚƐƵƌůĂĐƌŽŝdž : « Père, pardonne leur parce ƋƵ͛ŝůƐŶĞƐĂǀĞŶƚƉĂƐĐĞƋƵ͛ŝůƐĨŽŶƚ ». Nous vous demandons, pour notre ville de Palerme, que vous avez faite ville de sang, ville de sang. Nous vous demandons pour la ville de Palerme, Seigneur, que vous avez faite ville de sang, trop de saŶŐ͕Ě͛ĂŐŝƌǀŽƵƐ
ĂƵƐƐŝƉŽƵƌůĂƉĂŝdž͕ůĂũƵƐƚŝĐĞ͕ů͛ĞƐƉŽŝƌĞƚů͛ĂŵŽƵƌĚĞƚŽƵƐ͘/ůŶ͛LJĂƉĂƐĚ͛ĂŵŽƵƌ͕ŝůŶ͛LJĞŶĂƉĂƐ͕ŝůŶ͛LJĞŶĂƉĂƐĚƵƚŽƵƚ » (traduction personnelle). 109 Extrait du texte original du tract distribué par le « Comité des draps » (Comitato dei lenzuoliͿ͕ĂƉƌğƐů͛ĂƐƐĂƐƐŝŶĂƚ
des juges Falcone et Borsellino : « Nous voulons faire savoir à tous que nous sommes contre la mafia. Donnons un signal. Chaque moi, du 19 au 23 (les dates des attentats contre Falcone et Borsellino), pendons un drap à la fenêtre, avec une ŝŶƐĐƌŝƉƚŝŽŶĚĞǀŽƚƌĞĐŚŽŝdžĐŽŶƚƌĞůĂŵĂĨŝĂ͕ŽƵŵġŵĞƐĞƵůĞŵĞŶƚ͚͛WŽƵƌŶĞƉĂƐŽƵďůŝĞƌ͛͛ ͩ;ƚƌĂĚƵĐƚŝŽŶƉĞƌƐŽŶŶĞůůĞͿ͘>͛ŝŶƚĠŐƌalité du texte issu du tract est disponible en annexe. 110 « Palermo, anno uno ». 111 John Dickie, Cosa Nostra, La mafia sicilienne de 1860 à nos jours (Cf. Bibliographie), page 437. | 57 mafieuses, porte sur leur échec dans la protection des hommes les plus « précieux » de ů͛État112. ĞƉƵŝƐů͛ĂŶŶĠĞ ϵϮ͕ĚĞƐĚŝnjĂŝŶĞƐĚ͛ĂƌƚŝĐůĞƐĚĞũŽƵƌŶĂƵdžŽŶƚĠƚĠƉƵďůŝĠƐƋƵĂůŝĨŝĂŶƚůĞƐ
deux hommes de héros de la justice ou martyrs de la liberté. Les adjectifs et périphrases pour ůĞƐƋƵĂůŝĨŝĞƌƐŽŶƚŶŽŵďƌĞƵdž͕ĞƚƉĂƌƚŝĐŝƉĞŶƚƚŽƵƐĚĞůĂĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶĚ͛ƵŶŵLJƚŚĞ͕ĚĞĨŝŐƵƌĞƐĚĞ
ů͛ĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ĂƵƚŽƵƌĚƵĐŚĂŵƉůĞdžŝĐĂůĚĞůĂŐƵĞƌƌĞ͕ĚĞůĂŵŽƌĂůĞ͕ĚƵĚƌŽŝƚ113. >͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĚĞĐĞƐ
ŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐĂƐĞƌǀŝĚ͛ĞdžĞŵƉůĞ͕Ě͛ŝĚĠĂůƚLJƉĞăƌĞũŽŝŶĚƌĞ͕ƉŽƌƚĞƵƌƐĚ͛ƵŶĞŵŽƌĂůĞƉĞƌŵĞƚƚĂŶƚă
ĐŚĂƋƵĞŝŶĚŝǀŝĚƵĚ͛ĠǀĂůƵĞƌƐĞƐƉƌŽƉƌĞƐĂŐŝƐƐĞŵĞŶƚƐ͘ Pour Umberto Santino, Falcone est pareil à un « Saint Patron ĚĞů͛/ƚĂůŝĞƋƵŝǀĞƵƚůĂũƵƐƚŝĐĞ »114. ĞƚƚĞŝŵĂŐĞƉĞƌĚƵƌĞĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ŶŽͲ
tamment au sein ĚĞƐĠƚƵĚŝĂŶƚƐĞŶĚƌŽŝƚƋƵĞũ͛ĂŝĞƵ ů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚ͛ŝŶƚĞƌƌŽŐĞƌĚĂŶƐůĞƚƌĂǀĂŝůƉƌĠͲ
paratoire à cette étude. Ainsi, voici ce que me répondirent ĚĞƵdž Ě͛ĞŶƚƌĞ ĞƵdž à la ques-­‐
tion « YƵĞůůĞĨŝŐƵƌĞƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞŶƚ͕ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ĚĂŶƐůĂŵĠŵŽŝƌĞĐŽůůĞĐƚŝǀĞ͕'ŝŽǀĂŶŶi Falcone et Paolo Borsellino ? » : ͨ,ĠƌŽƐͩ͛͘ĞƐƚůăůĂĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶ͕ĚĂŶƐů͛ĂĐĐĞƉƚŝŽŶůĂƉůƵƐůĂƌŐĞƋƵ͛ŝůĞƐƚƉŽƐͲ
sible de faire, qui identifie de la meilleure manière les figures de Falcone et ŽƌƐĞůůŝŶŽĚĂŶƐů͛ŝŵĂŐŝŶĂŝƌĞĐŽŵŵƵŶ͕ĞŶ^ŝĐŝůĞĐŽŵŵĞĞŶ/ƚĂůie. Immaculés, ŚŽƌƐ ĚƵ ƚĞŵƉƐ͕ ĐĞ ƋƵ͛ŝůƐ ŽŶƚ ĨĂŝƚ ĚĞ ďŝĞŶ ƐĞƌĂ ƚŽƵũŽƵƌƐ ƌĞĐŽŶŶƵ ĐŽŵŵĞ
ů͛ƈƵǀƌĞĚĞͨĐĞƵdžƋƵŝŶ͛ŽŶƚƉĂƐĞƵƉĞƵƌĚ͛ĂůůĞƌĚĞů͛ĂǀĂŶƚ͕ͩŵĂůŐƌĠůĞƐƉƌĞƐͲ
ƐŝŽŶƐĞƚůĞƐŵĞŶĂĐĞƐ͕ĂĨŝŶĚ͛ĂƚƚĞŝŶĚƌĞůĞƵƌŽďũĞĐƚŝĨ͕ƉŽƵƌĨĂŝƌĞĐĞƋƵ͛ŝůƐĐŽŶͲ
sidéraient comme juste. Si, de leur vivant, ils étaient parmi les autres, une fois morts ils sont devenus « uniques ». ;͙Ϳ>ĂůƵƚƚĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐ͛ŝĚĞŶƚŝĨŝĞƉĂƌ
Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. Les mémoriaux qui leur sont dédiés, les marches, les actions de protestation annuelles contre la mafia qui se 112 ĞůĂƌĞũŽŝŶƚĐĞƋƵ͛ĠĐƌŝǀĂŝƚ'ŝŽǀĂŶŶŝ&ĂůĐŽŶĞůƵŝ-­‐ŵġŵĞ͕ĚĂŶƐů͛ŽƵǀƌĂŐĞCosa Nostra (Cf. Bibliographie) : la dernière phrase du livre est la suivante (page 157) : « Ŷ^ŝĐŝůĞ͕ůĂŵĂĨŝĂĨƌĂƉƉĞůĞƐƐĞƌǀŝƚĞƵƌƐĚĞů͛ƚĂƚƋƵĞů͛ƚĂƚŶĞƉĂƌǀŝĞŶƚƉĂƐă
protéger ». 113 Les expressions telles que « résistant », « adversaire de la mafia », « ennemi n°1 des organisations criminelles », « symbole », « héros », « mythe », etc, furent utilisées dans les articles et sur les unes des journaux. 114 Umberto Santino est membre du Centre Sicilien de Documentation « Giuseppe Impastato ͩ͘>͛ĞdžƉƌĞƐƐŝŽŶͨ Santo-­‐
patrono » a été utilisée dans un article publiée le 24 mai 2014 dans la chronique palermitaine du journal italien La Reppu-­‐
blica, dans un article intitulé « Le risque de remplacer la mémoire par les icones » (« Il rischio di sostituire le icone alla memoria »). | 58 déroulent chaque année, notamment chez les jeunes, en témoignent. Les films, les séries télévisées, les jours de la mémoire, les évènements sociaux et culturels ͗ƚŽƵƚĐĞůĂĞƐƚŶĠƉĂƌůĂŵŽƌƚĚĞƐĚĞƵdžũƵŐĞƐĚ͛ŝŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶ͕et ce Ŷ͛ĞƐƚƉĂƐƉĞƵ͕ƉƵŝƐƋƵĞůĂƐĞŶƐŝďŝůŝƐĂƚŝŽŶŶ͛ĞƐƚƋƵĞůĞƉƌĞŵŝĞƌƉĂƐǀĞƌƐƵŶĞ
lutte commune contre la mafia dans toutes ses formes. 115 >ĂƉƌĞŵŝğƌĞĐŚŽƐĞƋƵŝŵĞǀŝĞŶƚăů͛ĞƐƉƌŝƚƋƵĂŶĚũĞƉĞŶƐĞă&ĂůĐŽŶĞĞƚŽƌͲ
sellino est la définition du mot « héros ». Ils ont été, sans aucun doute, des ŚĠƌŽƐ͘ /ůƐŽŶƚ ĠƚĠ͕ Ğƚ ƐŽŶƚ ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ ĞŶĐŽƌĞ͕ĚĞƐ ĞdžĞŵƉůĞƐ ăƐƵŝǀƌĞ Ğƚ ă
admirer, de très fortes personnalités. Héros parce que, tout en sachant que ĐĞƋƵ͛ŝůƐĨĂŝƐĂŝĞŶƚĠƚĂŝƚĚĂŶŐĞƌĞƵdž͕ŝůƐŽŶƚĐontinué à le faire parce ƋƵ͛ŝůĨĂŝͲ
sait ce qui leur semblait juste.116 3.1.3 >͛ŝŵƉĂĐƚůĠŐŝƐůĂƚŝĨĚĞůĂŵŽƌƚĚĞ&ĂůĐŽŶĞĞƚŽƌƐĞllino Le Parlement italien réagit à la mort de Falcone ĞŶĚŽƚĂŶƚů͛ĂƌƚŝĐůĞ 41-­‐bis, qui organise en Italie les régimes de détention particulièrement stricts, Ě͛Ƶn deuxième alinéa117, qui élar-­‐
git les capacités du Ministre de la Justice en matière de restriction des libertés au-­‐delà des 115 >ĂƌĠƉŽŶƐĞŽƌŝŐŝŶĞůůĞ͕ĚŽŶŶĠĞƉĂƌƵŶĠƚƵĚŝĂŶƚĞŶĚƌŽŝƚĚĞĂƚĂŶĞ͕ąŐĠĚĞϮϰĂŶƐ;ƌĞƚƌĂŶƐĐƌŝƉƚŝŽŶĠĐƌŝƚĞĚ͛ƵŶĞŶƌĞͲ
gistrement audio) est la suivante : « "Eroi". E' questa la definizione, nella più larga accezione che si può intendere, che meglio identifica le figure di Falcone e Borsellino nell'immaginario comune, in Sicilia come in Italia. Immacolati, senza tempo, ciò che di bene hanno fatto verrà sempre ricordato come l'opera di chi non ha avuto paura di andare avanti, nonostante pressioni e minacce, per raggiungere il proprio obiettivo, per fare ciò che ritenevano fosse "giusto" fare. Se da vivi erano tra i tanti, da morti sono diventati "unici". Il cinema ha Marilyn Monroe e Paul Newman; l'idea della nonviolenza come strumento di opposizione ha Gandhi e Martin Luther King; la lotta alla mafia si identifica con Giovanni Falcone e Paolo Borsellino. Testimonianza ne sono i memoriali, le marce, gli atti di protesta contro la mafia che ogni anno, soprattutto tra i giovani, si svolgono in loro nome. Film, fiction televisive, giorni della memoria, eventi sociali e culturali: a tutto questo ha dato vita la morte dei due giudici istruttori, e non è poco, poiché la sensibilizzazione è solo il primo passo verso la lotta comune alla mafia in tutte le sue forme ». 116 La réponse originelle, donnée par une étudiante en droit de San Giovanni la Punta, près de Catane, et âgée de 23 ĂŶƐ;ƌĞƚƌĂŶƐĐƌŝƉƚŝŽŶĠĐƌŝƚĞĚĞŶŽƚĞƐƉƌŝƐĞƐůŽƌƐĚ͛ƵŶĞŶƚƌĞƚŝĞŶͿĞƐƚůĂƐƵŝǀĂŶƚĞ ͗͞La prima cosa che mi viene in mente quando ƉĞŶƐŽĂ&ĂůĐŽŶĞĞŽƌƐĞůůŝŶŽğůĂĚĞĨŝŶŝnjŝŽŶĞΗĞƌŽŝ͘͟^ŝĐƵƌĂŵĞŶƚĞƐŽŶŽƐƚĂƚŝĚĞŐůŝĞƌŽŝ͘͘͘^ŽŶŽƐƚĂƚŝĞƐŽŶŽƚƵƚƚΖŽƌĂĚĞŐůŝĞsempi da seguire e da ammirare. Delle personalità fortissime... Eroi perchè sapevano che ciò che stavano facendo era pericoloso ma hanno continuato a farlo perchè era la cosa giusta͘͟ 117 Décret-­‐Loi du 8 juin 1992, n°306, dit « Martelli-­‐Scotti », article 4-­‐bis. | 59 ĐĂƐĚ͛ƵƌŐĞŶĐĞ͕ĞŶůĞƐĂƉƉůŝƋƵĂŶƚĠŐĂůĞŵĞŶƚĂƵdžĚĠƚĞŶƵƐŝŶĐƵůƉĠƐƉŽƵƌĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶŵĂĨŝĞƵƐĞ͘
>ĞƐŵĞƐƵƌĞƐĚĞĚĠƚĞŶƚŝŽŶƉƌĠǀƵĞƐƉĂƌů͛Ăƌƚicle 41-­‐bis sont particulièrement restrictives : iso-­‐
lement poussé à son maximum, visites limitées au strict nécessaire et sans aucune possibilité ĚĞĐŽŶƚĂĐƚƉŚLJƐŝƋƵĞ͕ĐŽŶƚĂĐƚƐĂǀĞĐů͛ĞdžƚĠƌŝĞƵƌƉĞƌŵŝƐƐĞƵůĞŵĞŶƚƵŶĞĨŽŝƐƉĂƌŵŽŝƐĂǀĞĐƵŶ
membre de la famille qui doit se rendre dans un lieu précis, et surveillance très étroite par un corps de police spécial, lui-­‐même isolé des autres surveillants de la prison. >ĂŵŝƐĞĞŶƉůĂĐĞĚ͛ƵŶƚĞůƌĠŐŝŵĞĚĞĚĠƚĞŶƚŝŽŶƌĠƉŽŶĚĂŝƚĚĞůĂŶĠĐĞƐƐŝƚĠĂďƐŽůƵĞĚĞ
limiter les contacts entre les milieux intérieur et extérieur de la prison. En effet, le constat était sans appel : même détenus, les membres des organisations mafieuses réussissaient à ƉĂƌƚŝĐŝƉĞƌ͕ĚĠĐŝĚĞƌĞƚĚŝƌŝŐĞƌůĞƵƌƐĐŽŵƉůŝĐĞƐĐŽŵŵĞƐ͛ŝůƐĠƚĂŝĞŶƚĞŶůŝďĞƌƚĠ͘ǀĞĐůĂŵise en place de cette disposition, le législateur prend conscience du rôle de la prison dans la mafia, comme lieu de transmission du savoir, de formation entre détenus, et comme lieu de déci-­‐
ƐŝŽŶ ƉŽƵƌ ů͛ĞdžƚĠƌŝĞƵƌ͘ >Ă ŵĞƐƵƌĞ ǀŝƐĞ ĠŐĂůĞŵĞŶƚ ă ĠǀŝƚĞƌ ĂƵdž ĚĠƚĞŶus appartenant à des cosche ĚŝĨĨĠƌĞŶƚĞƐĚĞƐĞƌĞŶĐŽŶƚƌĞƌ͕ĞƚĂŝŶƐŝăŵĂŝŶƚĞŶŝƌů͛ŽƌĚƌĞƉƵďůŝĐăů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌĚĞƐŵƵƌƐ
de la prison elle-­‐même. Le maxi-­‐ƉƌŽĐğƐ͕ĐŽŵŵĞŶŽƵƐů͛ĂǀŽŶƐǀƵƉůƵƐƚƀƚ͕Ɛ͛ĞƐƚĂƉƉƵLJĠƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞŵĞŶƚƐƵƌůĞ
témoignage du repenti BuscettĂ͕ĞƚƐŽŶƚŚĠŽƌğŵĞ͕ƉĞƌŵĞƚƚĂŶƚĚĞƐĂŝƐŝƌĚĞů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌůĂƐƚƌƵĐͲ
turation hiérarchique de Cosa Nostra. >͛ŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞ ĚĞ ů͛ĂƉƉŽƌƚ ĚĞƐ ƌĞƉĞŶƚŝƐ ĂƉƉĂƌƵƚ ĂƵ
grand jour à cette occasion. Témoins centraux de faits, crimes et délits, mais également en mesure de dévoiler les liens entre ces faits et la stratégie globale, et enfin apportant une ƉƌĞƵǀĞ ĚĠĨŝŶŝƚŝǀĞ ĚĞ ů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞ ĚĞ ůĂ ŵĂĨŝĂ ĐŽŵŵĞ ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶ ƵŶŝƚĂŝƌĞ͕ ŝů ĚĞǀŝŶƚ ƵƌŐĞŶƚ
Ě͛ĂƐƐƵƌĞƌăĐĞƐĐŽůůĂďŽƌĂƚĞƵƌƐƵŶĞƉƌŽƚĞĐƚŝŽŶƐƵĨĨŝƐĂŵŵĞŶƚĐŽŶǀĂŝŶĐĂŶƚĞƉŽƵƌƋƵĞůĞƵƌ con-­‐
fiance change de camp. | 60 En 1991, un décret-­‐loi fut promulgué118 pour assurer aux repentis des mesures spé-­‐
ciales de protection. ŝŶƐŝ͕ĚğƐůŽƌƐƋƵ͛ƵŶƚĠŵŽŝŐŶĂŐĞƌĞĐŽƵƉĞĚĞƐŝŶĨŽƌŵĂƚŝŽŶƐĚŽƚĠĞƐĚ͛ƵŶ
ĐĂƌĂĐƚğƌĞŶŽǀĂƚĞƵƌ͕ĐŽŵƉůĠŵĞŶƚĂŝƌĞŽƵƉƌĠĐŝĞƵdž͕ů͛ŝŶĚŝǀŝĚƵ peut prétendre à une protection prévoyant des aides économiques ou pratiques visant à assurer sa réinsertion sociale, des mesures de protection pour son transfert sur un autre territoire, ainsi que toutes autres me-­‐
sures extraordinaires qui se révèlent nécessaires. >͛ŝŵƉĂĐƚůĠŐŝƐůĂƚŝĨĂĚŽŶĐĠƚĠ͕ƵŶĞŶŽƵǀĞůůĞĨŽŝƐ͕ƌĂƉŝĚĞĞƚŝŶƚĞŶƐĞ͘>ĞƐĂƵƚŽƌŝƚĠƐŽŶƚ
ƐŽƵŚĂŝƚĠ ŵŽŶƚƌĞƌ ƋƵĞ ů͛État agissait ou, tout du moins, réagissait. Cependant, les évène-­‐
ments de 1992 représentèrent une véritable rupture entre cet Etat et sa population, une crise de confiance dans sa capacité à protéger ses hommes les plus illustres et, par consé-­‐
ƋƵĞŶƚ͕ů͛ĞŶƐĞŵďůĞĚĞƐĂƉŽƉƵůĂƚŝŽŶ͘&ĂƵƚĞĚĞƉŽƵǀŽŝƌĐŽŵƉƚĞƌƐƵƌů͛ÉƚĂƚ͕ůĂƐŽĐŝĠƚĠĐŝǀŝůĞƐ͛ĞƐƚ
unie, les citoyens se sont rassemblés, aidés par une indignation commune, et le secteur as-­‐
ƐŽĐŝĂƚŝĨƐ͛ĞƐƚůĂƌŐĞŵĞŶƚƌĞŶĨŽƌĐĠ͘ DĂůŐƌĠƚŽƵƐĐĞƐĞĨĨŽƌƚƐ͕ŝůĞƐƚăĐŽŶƐƚĂƚĞƌĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝƵŶĞƐƵďƐŝƐƚĂŶĐĞĐĞƌƚĂŝŶĞĚĞƐ
phénomènes mafieux, due à plusieurs facteurs. Certains partis politiques ont pu jouer un trouble jeu avec ceux-­‐Đŝ͕Ě͛ĂƵƚƌĞƐƉƌŝŽƌŝƚĠƐŽŶƚĠƚĠŵŝƐĞƐăů͛ŽƌĚƌĞĚƵũŽƵƌ͕ĞƚůĂŵĂĨŝĂƐ͛ĞƐƚ
ƐĂŶƐĚŽƵƚĞĨĂŝƚĞƉůƵƐĚŝƐĐƌğƚĞ͘>ĞƐŵĠĚŝĂƐĨŽŶƚƌĞŵŽŶƚĞƌ͕ĚĞĨĂĕŽŶƉŽŶĐƚƵĞůůĞ͕ů͛ĂƌƌĞƐƚĂƚŝŽŶ
ĚĞƚĞůŵĂĨŝĞƵdž͕ůĂŵŽƌƚĚĞƚĞůĐŚĞĨ͕ŽƵů͛ĂƌƌĞƐƚĂƚŝŽŶĚĞƚĞůle personnalitĠƐŽƵƉĕŽŶŶĠĞĚ͛ĂǀŽŝƌ͕
ăů͛ĠŐĂƌĚĚĞůĂĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠŽƌŐĂŶŝƐĠĞ͕ƵŶĞĂƚƚŝƚƵĚĞĂŵďŝŐƺĞ͘DĂŝƐƉĂƌŶĂƚƵƌĞ͕ĐĞƐĂĐƚƵĂůŝƚĠƐ
ŶĞĚƵƌĞŶƚƋƵ͛ƵŶũŽƵƌ͕ĞƚůĂŵĂĨŝĂƌĞƚƌŽƵǀĞƚƌğƐƌĂƉŝĚĞŵĞŶƚůĞƐŝůĞŶĐĞƋƵŝů͛ĞŶƚŽƵƌĞĞƚůĂƉƌŽͲ
tège. Les études économiques, recherches en sciences humaines ou investigations journalis-­‐
ƚŝƋƵĞƐƉƌŽƵǀĞŶƚƌĠŐƵůŝğƌĞŵĞŶƚƐĂƐƵƌǀŝǀĂŶĐĞĞƚů͛ĂŵƉůĞƵƌĚĞƐŽŶĞŵƉƌŝƐĞ͕ŵĂŝƐĐĞŶ͛ĞƐƚƋƵ͛ă
ů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚĞƐĐĂŶĚĂůĞƐĚĞŐƌĂŶĚĞĂŵƉůĞƵƌƋƵĞĚĞƐŵĞƐƵƌĞƐůĠŐŝƐůĂƚŝǀĞƐƐŽŶƚƉƌŝƐĞƐ͘ 118 Décret-­‐loi du 15 janvier 1991, n°8 converti avec modification par la loi du 15 mars 1991 n°82. | 61 3.2 Années 2010 : constatations récentes 3.2.1 ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ : la mafia toujours présente ͛ĂƉƌğƐů͛/ŶƐƚŝƚƵƚŝƚĂůŝĞŶĚĞƐĚŽŶŶĠĞƐĠĐŽŶŽŵŝƋƵĞƐ͕ůĞƐĚŝĨĨĠƌĞŶƚĞƐŵĂĨŝĂƐƉƌĠƐĞŶƚĞƐ
ƐƵƌ ůĞ ƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞ ƚƌĂŶƐĂůƉŝŶ ĂƵƌĂŝĞŶƚ ƌĠĂůŝƐĠ͕ ĞŶ ϮϬϭϬ͕ ƵŶ ĐŚŝĨĨƌĞ Ě͛ĂĨĨĂŝƌĞs de 130 milliards Ě͛ĞƵƌŽƐ͘>ĞƐƐŽŵŵĞƐĚĠŐĂŐĠĞƐĚĞƐĂctivités illégales réalisées par ces organisations repré-­‐
senteraient près de 10% du produit intérieur brut italien, autant de capital qui est blanchi, échappant à toute sorte de prélèvement obligatoire. Dès 2003, une étude publiée par le CENSIS119 montrait quĞů͛ĠĐŽŶŽŵŝĞĚƵ^ƵĚĚĞů͛/ƚĂůŝĞĂƵƌĂŝƚƉƵĐƌĠĞƌƉƌğƐĚĞϮϬϬ 000 postes ĚĞƚƌĂǀĂŝůƉĂƌĂŶĞŶƉůƵƐƐŝƚŽƵƚĞĨŽŝƐŝůŶ͛ĂǀĂŝƚƉĂƐĞƵăƐƵďŝƌůĞƐĚŝƐƚŽƌƐŝŽŶƐĚĞŵĂƌĐŚĠĐƌĠĠĞƐ
par les organisations mafieuses. Aussi difficile que soit le calcul du poids économique de la ŵĂĨŝĂ͕ŝůŶĞĨĂŝƚĂƵĐƵŶĚŽƵƚĞƋƵĞĐĞĚĞƌŶŝĞƌĞƐƚĐŽŶƐĠƋƵĞŶƚ͕ĞƚƋƵ͛ŝůƉĂƌƚŝĐŝƉĞĠŐĂůĞŵĞŶƚĚĞ
la situation financière perfectible du pays. Au-­‐ĚĞůăĚĞĐĞƐĐŚŝĨĨƌĞƐ͕ĞƚĚĞů͛ĂŶĂůLJƐĞĞŶƚĞƌŵĞƐ
ŵĂƚŚĠŵĂƚŝƋƵĞƐ͕ŝůƐ͛ĂŐŝƚĂƵƐƐŝĞƚƐƵƌƚŽƵƚĚ͛ĠƚƵĚŝĞƌĐĞƋƵ͛ŝů reste de la mafia du point de vue social. ZŽďĞƌƚŽ^ĐĂƌƉŝŶĂƚŽ͕ůĞϭϵũƵŝůůĞƚϮϬϭϮ͕ăů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚ͛ƵŶĞĐĠƌĠŵŽŶŝĞĚĞĐŽŵŵĠŵŽƌĂͲ
tion des vingt ans de la disparition de Paolo Borsellino, prit la parole devant une audience rassemblée pour célébrer la mémoire du magistrat120. La coutume, généralement de mise ůŽƌƐĚĞĐĞƐĠǀğŶĞŵĞŶƚƐ͕ĞƐƚĚĞŶ͛ĠǀĞŝůůĞƌŶŝƐŽƵƉĕŽŶŶŝĐŽŶĨůŝƚ͕ƋƵĞůƐƋƵĞƐŽŝĞŶƚůĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐ
en présence, de prononcer un discours ou de respecter un silence, parfois en serrant les dents. Toutefois, Scarpinato, dont le curriculum suffit à assoir la légitimité, décida en 2012 119 Le « Centro Studi Investimenti Sociali » est une fondation de recherche en sciences sociales et économiques. Voir la page présentant leur étude de 2003 sur les enƚƌĞƉƌŝƐĞƐĚƵ^ƵĚĚĞů͛/ƚĂůŝĞƐŽƵŵŝƐĞƐăĚĞƐĐŽŶƚƌĂŝŶƚĞƐĨŝŶĂŶĐŝğƌĞƐĚƵĞƐĂƵdž
activités mafieuses. 120 >͛ŝŶƚĠŐƌĂůŝƚĠ ĚƵ ĚŝƐĐŽƵƌƐ ƉƌŽŶŽŶĐĠ ůĞ ϭϵ ũƵŝůůĞƚ ϮϬϭϮ ƉĂƌ ^ĐĂƌƉŝŶĂƚŽ ĞƐƚ ĚŝƐƉŽŶŝďůĞ͕ ĂŝŶƐŝ ƋƵĞ ƐĂ ƚƌĂĚƵĐƚŝŽŶ͕ ĞŶ
annexe. Le discours filmé est également disponible en ligne avec un sous-­‐titrage en français. | 62 de rompre ces non-­‐dits dans un discours particulièrement acide, et qui lui fit courir le risque, ƉĂƌůĂƐƵŝƚĞ͕Ě͛ƵŶĞƉƌŽĐĠĚƵƌĞĚŝƐĐŝƉůŝŶĂŝƌĞ121. Ainsi, Ɛ͛ĂĚƌĞƐƐĂŶƚăŽƌƐĞůůŝŶŽ͕ŝůdéclare que ses participations à ce genre de commémoration sont de plus en plus « embarrassantes », du fait de la présence, en première file dans le public, de « personnages dont le mode de vie semble être la négation même des valeurs de justice et de légalité poƵƌůĞƐƋƵĞůůĞƐ΀ŝůƐ͛ĞƐƚ΁ĨĂŝƚ
tuer ». Personnages desquels émane « la puanteur du compromis moral » plutôt que le « par-­‐
fum frais de la liberté ». Pour Roberto Scarpinato122, il existe une dialectique entre deux Italie : une Italie pré-­‐
moderne, dont les rapports sociaux seraient organisés par la violence et dont la finalité serait la conquête du pouvoir, et une Italie civilisée, « qui tente de sublimer la violence concrète en ůĂƌŝƚƵĂůŝƐĂŶƚĞƚĞŶůĂƌĠƐŽƌďĂŶƚĚĂŶƐů͛ĂƌğŶĞƉŽůŝƚŝƋƵĞ ». Scarpinato pense une persistance de cette dualité, et la période actuelle serait même marquée par une certaine régression, dont certains faits seraient les démonstrations : les ĐŽŶĨůŝƚƐĞŶƚƌĞůĞƐĞƌǀŝĐĞĚĞů͛ŝŶƚĠƌġƚŐĠŶĠƌĂůĞƚ
ůĂƉƌĠĨĠƌĞŶĐĞĚĞů͛ŝŶƚĠƌġƚƉƌŝǀĠ123, la « mise en place pƌŽŐƌĞƐƐŝǀĞĚ͛ƵŶĞũƵƐƚŝĐĞĂǀĂŶƚĂŐĞƵƐĞ
ƉŽƵƌůĞƐƉƵŝƐƐĂŶƚƐĞƚĚ͛ƵŶĞũƵƐƚŝĐĞŽƌŝŐŝŶĂŝƌĞƉŽƵƌůĞƐĐŝƚŽLJĞŶƐƐĂŶƐƉŽƵǀŽŝƌ »124 ou encore la ƌĠƐƵƌŐĞŶĐĞ Ě͛ƵŶĞ ĐƵůƚƵƌĞ ĚĞ ů͛ŽďĠŝƐƐĂŶĐĞ͕ Žƶ ůĂ ƌĞƐƉŽŶƐĂďŝůŝƚĠ ĚĞƐ ŝŶĚŝǀŝĚƵƐ ƐĞ ĚŝůƵĞ ĚĂŶƐ
celle de leurs supérieurs hiérarchiques. 121 Voir ů͛ĂƌƚŝĐůĞĚƵCorriere del Mezzogiorno daté du 26 juillet 2012. Les risques de procédure disciplinaire ont en-­‐
gendré une polémique en Italie, notamment dans le monde de la magistrature, dont certains membres ont rédigé une pétition solidaire. 122 Dans Le Retour du Prince (Cf. Bibliographie). 123 ĐĞƉƌŽƉŽƐ͕ů͛ƵŶĚĞƐŵĞŝůůĞƵƌƐĞdžĞŵƉůĞƐĞƐƚĐĞƋƵĞů͛/ƚĂůŝĞĂƉƉĞůůĞůĞƐůŽŝƐͨ Ad Personam », ensemble de lois destinées à servir les intérêts de Silvio Berlusconi, notamment pendant ses mandats de Président du Conseil, plutôt que ů͛ŝŶƚĠƌġƚŐĠŶĠƌĂů͘WĂƌĞdžĞŵƉůĞ͕ůĂůŽŝƐƵƌů͛ĞŵƉġĐŚĞŵĞŶƚůĠŐŝƚŝŵĞ(legge sul legittimo impedimento, du 7 avril 2010 n°51), qui permet au Président du Conseil (mais également aux ministres) de voir son procès en cours suspendu pendant une ĚƵƌĠĞĚ͛ƵŶĂŶĞƚĚĞŵŝ͘ĞƐůŽŝƐŽŶƚĞŶƚƌĂŠŶĠĚ͛ŝŵƉŽƌƚĂŶƚƐŵŽƵǀĞŵĞŶƚƐƐŽĐŝĂƵdžĚĞĚĠŶŽŶĐŝĂƚŝŽn, les participants revendi-­‐
quant une « soif de légalité », slogan très fréquent dans les manifestations contre les mafias. 124 Scarpinato dans Le retour du Prince (Cf. Bibliographie), page 87. | 63 Récemment, uŶĞƌĞĐŚĞƌĐŚĞĂĠƚĠĨĂŝƚĞƐƵƌůĂƉĞƌĐĞƉƚŝŽŶƋƵ͛ŽŶƚůĞƐũĞƵŶĞƐItaliens, en 2016, de la légalité125͘ĞƚƚĞĠƚƵĚĞĂĠƚĠƌĠĂůŝƐĠĞƉĂƌůĞĞŶƚƌĞĚ͛ƚƵĚĞƐWŝŽ>ĂdŽƌƌĞĂƵƉƌğƐ
Ě͛ƵŶĠĐŚĂŶƚŝůůŽŶĚ͛ĠůğǀĞƐŝƚĂůŝĞŶƐĞƚĚ͛ĠƚƵĚŝĂŶƚƐĚ͛ƵŶŝǀĞƌƐŝƚĠƐƐŝĐŝůŝĞŶŶĞƐƐĠůĞĐƚŝŽŶŶĠƐĚ͛ƵŶĞ
ĨĂĕŽŶƋƵ͛ŝůƐĞƌĂŝƚĚŝĨĨŝĐŝůĞĚĞƋƵĂůŝĨŝĞƌĚĞͨ statistique », puisque les jeunes ayant répondu à ů͛ĞŶƋƵġƚĞ ĠƚĂŝĞŶƚ ǀŽůŽŶƚĂŝƌĞƐ͘ dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ ĞůůĞ ƉƌĠƐĞŶƚĞ ĚĞƐ ƌĠƐƵůƚĂƚƐ ŝŶƚĠƌĞƐƐĂŶƚƐ͘ ŝŶƐŝ͕ ŽŶ
peut y lire que les jeunes ont une perception du phénomène mafieux encore très forte, et ĐŽŶƐĞƌǀĞ ƉĂƌ ĐŽŶƐĠƋƵĞŶƚ ƵŶĞ ŵĠĨŝĂŶĐĞ ĂŝŐƺĞ ă ů͛ĞŶĐŽŶƚƌĞ ĚĞƐ ŝŶƐƚŝƚƵƚŝŽŶƐ Ğƚ ĚĞ ůĂ ĐůĂƐƐĞ
politique. Seulement 3,47% des répondants déclarent avoir une grande confiance dans la classe politique locale, et 3,57% dans celle agissant au niveau national. Pour plus de 93% des répondants, la mafia et la politique sont liées͕ĞƚƐĞƵůƐϯϭ͕ϱйĚ͛ĞŶƚƌĞĞƵdžƉĞŶƐĞŶƚƋƵ͛ŝůĞƐƚ
possible de vaincre définitivement la mafia. Au contraire, le niveau de confiance reste parti-­‐
culièƌĞŵĞŶƚĠůĞǀĠƉŽƵƌĐĞƋƵŝĐŽŶĐĞƌŶĞůĞƐŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐ͕ĨŽƌĐĞƐĚĞů͛ŽƌĚƌĞĞƚůĞƐĞŶƐĞŝŐŶĂŶƚƐ͘ sŽŝĐŝĐĞƋƵĞƌĠƉŽŶĚŝƚů͛ƵŶĞĚĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐŝŶƚĞƌǀŝĞǁĠĞƐĚĂŶƐůĞĐĂĚƌĞĚĞĐĞƚƚĞĠƚƵĚĞ͕ăƉƌŽͲ
pos de la façon dont devait encore avancer la lutte contre la mafia : Très bonne question. Comment vaincre la mafia ? La mafia fait peur parce ƋƵ͛ĞůůĞƚaĐŚĞĚĞƐĂĚĠůŝŶƋƵĂŶĐĞŶŽƚƌĞƚĞƌƌĞĚĞƉƵŝƐďĞĂƵĐŽƵƉƚƌŽƉĚ͛ĂŶŶĠĞƐ͘
Et malheureusement, je doute que cela puisse changer ;͙Ϳ͘YƵĞůƋƵĞĐŚŽƐĞ
est nécessaire pour commencer à la vaincre : ů͛ĠůŝŵŝŶĂƚŝŽŶ ĚĞ ů͛ŽŵĞƌƚă͘
DĂŝƐŝůƐ͛ĂŐŝƚůăĚƵƉĂƐůĞƉůƵƐĚŝĨĨŝĐŝůĞ͘ŽŶŶĂŝƐƐĂŶƚŵŽŶƉĞƵƉůĞ͕ĐĞůĂŶ͛ĂƌƌŝͲ
vera jamais. Il y a trop de peurs vis-­‐à-­‐vis de la mafia, ou des conséquences à subir en cas de « rébellion ͩ͘ŶŐĠŶĠƌĂů͕Đ͛ĞƐƚĐŽŵŵĞƐŝŶŽƵƐǀŝǀŝŽŶƐtous ĞŶ ĨĂŝƐĂŶƚ ƐĞŵďůĂŶƚ ƋƵĞƚŽƵƚĐĞůĂ Ŷ͛ĞdžŝƐƚĞ ƉĂƐ͕ ŽƵ ƚƌŽƉ ůŽŝŶƚĂŝŶ ĚĞ ŶŽƚƌĞ
monde, de notre vie, de nos cercles sociaux. Comme si nous réussissions à vivre mieux en pensant « oui͕ĠǀŝĚĞŵŵĞŶƚ͕ůĂŵĂĨŝĂĞdžŝƐƚĞ͕ŽŶƐĂŝƚĐĞƋƵ͛ĞůůĞ
fait, mais considérant sa diffusion et sa puissance, on ne peut rien y faire. Dès lors, mieux vaut essayer de vivre avec ! » 126. 125 Etude sur la perception du phénomène mafieux des étudiants italiens, effectuée au printemps 2016 par le Centre Ě͛ƚƵĚĞƐWŝŽ>ĂdŽƌƌĞ;Centro di Sutdi Pio La Torre). 126 La réponse originelle, donnée par une étudiante en droit de San Giovanni la Punta, près de Catane, et âgée de 23 ĂŶƐ;ƌĞƚƌĂŶƐĐƌŝƉƚŝŽŶĠĐƌŝƚĞĚĞŶŽƚĞƐƉƌŝƐĞƐůŽƌƐĚ͛ƵŶĞŶƚƌĞƚŝĞŶͿĞƐƚůĂƐƵŝǀĂŶƚĞ͗ « Questa è una bellissima e difficilissima | 64 Si ces réponses semblent pessimistes, elles sont le parfait reflet de la crise de con-­‐
fiance dont nous avons parlée précédemment. De plus, les faits qui se sont déroulés à Rome récemment prouvent que ces opinions ne sauraient être résumées à du pessimisme. 3.2.2 >͛ĠĐůŽƐŝŽŶĚ͛ƵŶĞŶŽƵǀĞůůĞŵĂĨŝĂ Récemment, Rome a connu le scandale appelé « Mafia Capitale ». En décembre 2014, ƵŶĞĐĞŶƚĂŝŶĞĚ͛ĂƌƌĞƐƚĂƚŝŽŶƐĞƚĚĞŵŝƐes en examens étaient intervenues à Rome et dans sa ƉƌŽǀŝŶĐĞ͕ƉĂƌŵŝůĞƐƋƵĞůůĞƐĐĞůůĞĚĞů͛ĂŶĐŝĞŶŵĂŝƌĞĚĞĚƌŽŝƚĞ'ŝĂŶŶŝůĞŵŵĂŶŽ͘>ĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐ
ĂƌƌġƚĠĞƐ ĠƚĂŝĞŶƚ ƐŽƵƉĕŽŶŶĠĞƐ Ě͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶ ĚĞ ŵĂůĨĂŝƚĞƵƌƐ ĚĞ ƚLJƉĞ ŵĂĨŝĞƵdž͕ ƐĞ ƚƌĂĚƵŝƐĂŶƚ
notamment par des faits ĚĞĐŽƌƌƵƉƚŝŽŶĚ͛ĂŐĞŶƚƐƉƵďůŝĐƐ͕ĚĞĚĠƚŽƵƌŶĞŵĞŶƚĚĞĨŽŶĚƐƉĂƌůĞ
ďŝĂŝƐĚĞĨĂƵƐƐĞƐĨĂĐƚƵƌĞƐ͕Ě͛ĂƚƚƌŝďƵƚŝŽŶŝůůŝĐŝƚĞĚĞŵĂƌĐŚĠƐƉƵďůŝĐƐ͕ĚĞƚƌƵĐĂŐĞĚ͛ĂƉƉĞůƐĚ͛ŽĨĨƌĞ
ou encore de fraude organisée. Le 9 juin 2015, la Cour de Cassation a confirmé la qualification « mafieuse ͩƉŽƵƌĚĠƐŝŐŶĞƌů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĚĞŵĂůĨĂŝƚĞƵƌƐĐŽŶĐĞƌŶĠĞ͕ĞŶƐŽƵůŝŐŶĂŶƚ127 : « >ĞƚƌğƐŚĂƵƚĚĞŐƌĠĚĞĚĂŶŐĞƌŽƐŝƚĠĚĞů͛association criminelle, en raison de son organisation, des hommes et des moyens utilisés avec une claire répar-­‐
tition des rôles ĞƚĚĞƐŵŝƐƐŝŽŶƐĚĞĐŚĂĐƵŶĂŝŶƐŝƋƵ͛ĂƵƌĞŐĂƌĚĚĞů͛ĂŵƉůĞƵƌ
domanda. Cosa sconfigge la mafia ? La mafia fa paura perchè macchia con la sua delinquenza la nostra terra da molti anni... E purtroppo penso che sarà sempre così (...).Un'altra cosa per poterla iniziare a sconfiggere sarebbe l'eliminazione dell'omertà, ma questo purtroppo é il passo più difficile... Conoscendo il mio popolo, non avverrà mai. C'è troppa paura della mafia...Troppa.paura delle conseguenze alle quali potremmo andare in contro se ci "ribellassimo". In generale è come se tutti vivessimo facendo finta che tutto ciò non esista o che comunque è lontano dal nostro mondo, dalla.nostra vita, dai.nostri ceti sociali. Come se riuscissimo a vivere meglio pensando che si, ovvio che la mafia c'è, ovvio che sappiamo ciò che fa la mafia, però siccome non possiamo farci nulla perchè è troppo diffusa e potente allora tanto vale cercare ĚŝĐŽŶǀŝǀĞƌĐŝ͊͟
(traduction personnelle). 127 Décision de la Cour de Cassation, section VI, du 9 juin 2015, n°24535 ͗ ͞;͘͘͘Ϳ ů͛ĞƐƚƌĞŵŽ ůŝǀĞůůŽ Ěŝ ƉĞƌŝĐŽůŽƐŝƚĂ͛
ƌĂŐŐŝƵŶƚŽĚĂůƐŽĚĂůŝnjŝŽ͕ŝŶƌĂŐŝŽŶĞĚĞůůĂƐƵĂĂƌƚŝĐŽůĂnjŝŽŶĞƐŽŐŐĞƚƚŝǀĂ͕ƵŶŝƚĂŵĞŶƚĞĂůůĂĚŝƐƉŽŶŝďŝůŝƚĂ͛Ěŝuomini e mezzi, alla ŶĞƚƚĂ ƌŝƉĂƌƚŝnjŝŽŶĞ Ěŝ ƌƵŽůŝ Ğ ĐŽŵƉŝƚŝ ĨƌĂ ĐŝĂƐĐƵŶŽ ĚĞŝ ƐƵŽŝ ĐŽŵƉŽŶĞŶƚŝ ĞĚ Ăůů͛ĂŵƉŝĞnjnjĂ Ěŝ ƵŶ ƉƌŽŐƌĂŵŵĂ ĐƌŝŵŝŶŽƐŽ ŝŶ
ƉƌŽŐƌĞƐƐŝǀĂĞƐƉĂŶƐŝŽŶĞŶĞůƐĞƚƚŽƌĞĚĞůů͛ĞĐŽŶŽŵŝĂĞĚĞŝůĂǀŽƌŝƉƵďďůŝĐŝ͟(traduction personnelle). | 65 des projets criminels en expansion progressive ĚĂŶƐůĞƐƐĞĐƚĞƵƌƐĚĞů͛ĠĐŽŶŽͲ
mie et des travaux publics ». >ĞƐLJƐƚğŵĞĠƚĂŝƚŽƌŐĂŶŝƐĠĞƚƉŝůŽƚĠƉĂƌƵŶĂŶĐŝĞŶŵŝůŝƚĂŶƚĚ͛ĞdžƚƌġŵĞĚƌŽŝƚĞ͕DĂƐƐŝŵŽ
Carminaƚŝ͕ĞƚĠƚĂŝƚĞŶŵĞƐƵƌĞĚ͛ĂƉƉƌĠŚĞŶĚĞƌůĞƐĨŝŶĂŶĐĞŵĞŶƚƐƉƵďůŝĐƐĚĂŶƐůĞƐƐĞĐƚĞƵƌƐĚ͛ĂĐͲ
ƚŝǀŝƚĠƐƚĞůƐƋƵĞůĂŐĞƐƚŝŽŶĚĞƐŽƌĚƵƌĞƐ͕ůĂŵĂŝŶƚĞŶĂŶĐĞĚĞƐĞƐƉĂĐĞƐǀĞƌƚƐ͕ůĞƐƉƌŽũĞƚƐĚ͛ŝŶĨƌĂƐͲ
ƚƌƵĐƚƵƌĞƐ;ŶŽƚĂŵŵĞŶƚĐŽŶĐĞƌŶĂŶƚů͛ĂĐĐƵĞŝůĚĞƐƌĠĨƵŐŝĠƐ͕ĞŶĂƵŐŵĞŶƚĂŶƚůĞŶŽŵďre de réfu-­‐
giés accueillis lors de la déclaration aux autorités), etc. ĞƚƚĞŵĂĨŝĂƉƌŽĨŝƚĂŝƚĠŐĂůĞŵĞŶƚĚ͛ŝŵͲ
portants relais dans la sphère politique romaine, principalement au sein de la mairie et de son conseil municipal. Malgré les nombreux évènements et initiatives que nous avons vus plus tôt, ce scan-­‐
dale Ă ĚĠŵŽŶƚƌĠ ƋƵĞ ůĂ ƉƌŝƐĞ ĚĞ ĐŽŶƐĐŝĞŶĐĞ ĚĞƐ ƉŚĠŶŽŵğŶĞƐ ŵĂĨŝĞƵdž Ŷ͛ĠƚĂŝƚ ƉĂƐ ĞŶĐŽƌĞ
effectuée au niveau national. La surprise créée par cette affaire démontre en effet la persis-­‐
ƚĂŶĐĞĚ͛ƵŶĞŽƉŝŶŝŽŶƐĞůŽŶůĂƋƵelle la mafia serait un phénomène méridional. « Mafia capi-­‐
tale ͩĞƐƚƵŶĞŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶŵĂĨŝĞƵƐĞƋƵŝŶĞĚĠƉĞŶĚĚ͛ĂƵĐƵŶĞŵĂĨŝĂƚƌĂĚŝƚŝŽŶŶĞůůĞĚƵ^ƵĚĚĞ
ů͛/ƚĂůŝĞ͕ĞƚĚĠŵŽŶƚƌĞĐŽŵďŝĞŶů͛/ƚĂůŝĞĐŽŶƚŝŶƵĞĚ͛ġƚƌĞƚŽƵĐŚĠĞƉĂƌƵŶĞͨ mafiosité » qui, bien que combattuĞĚĞƉƵŝƐĚĞƐĚĠĐĞŶŶŝĞƐ͕ĐŽŶƚŝŶƵĞĚ͛ĞdžŝƐƚĞƌĂƵƐĞŝŶĚĞƐƐƉŚğƌĞƐůĞƐƉůƵƐŚĂƵƚĞƐ
ĚĞů͛ĚŵŝŶŝƐƚƌĂƚŝŽŶ͘ Ğ ƐƵƌĐƌŽŝƚ͕ Ě͛ĂƉƌğƐ ůĞƐ ŵŽƚƐ ĚĞ ů͛ĂĐƚƵĞů DŝŶŝƐƚƌĞ ĚĞ ůĂ :ƵƐƚŝĐĞ ŝƚĂůŝĞŶ͕ ŶĚƌĞĂ KƌͲ
lando128, cette mafia montre une fois encore la capacité des organisations mafieuses à Ɛ͛ĂĚĂƉƚĞƌ͕ăĐŚĂŶŐĞƌĚĞĨŽƌŵĞĞƚĚĞŵŽĚĂůŝƚĠƐĚ͛ĂĐƚŝŽŶ͕ĐŽŶĨŝƌŵĂŶƚůĂĚŝĨĨŝĐƵůƚĠăůĞƐĚĠĨŝŶŝƌ͘
« Mafia Capitale », contrairement aux mafias dites « traditionnelles ͕ͩŶĞƐ͛ĠƚĂŝƚƉĂƐĚŽƚĠĞ
Ě͛ƵŶĞŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐƚƌŝĐƚĞ͕Ě͛ƵŶĞŚŝĠƌĂƌĐŚŝĞƌŝŐŝĚĞŽƵĞŶĐŽƌĞĚ͛ƵŶƚƌğƐĨŽƌƚƐĞŶƚŝŵĞŶƚĚ͛ĂƉͲ
128 Allocution du Ministre de la Justice Andrea Orlando, le 25 juin 2015, ͞ŝŶĨŽƌŵĂƚŝǀĂ ƵƌŐĞŶƚĞ ĚĞů 'ŽǀĞƌŶŽ ƐƵůůĞ
ǀŝĐĞŶĚĞŶŽƚĞĐŽŵĞ͞ŵĂĨŝĂĐĂƉŝƚĂůĞ͟. | 66 ƉĂƌƚĞŶĂŶĐĞ͘dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ůĞƐƌĞůĂƚŝŽŶƐĚĞĚŽŵŝŶĂƚŝŽŶ͕Ě͛ŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶĞƚĚ͛ŽŵĞƌƚăĠƚĂŝĞŶƚŵĂŝŶͲ
tenues par la présence de figures charismatiques au sein des dirigeants : anciens criminels ou terroristes politiques. De plus, « Mafia Capitale ͩĂƐƵƐ͛ĂĚĂƉƚĞƌƉĂƌĨĂŝƚĞŵĞŶƚĂƵĐŽŶƚĞdžƚĞ
ŚŝƐƚŽƌŝƋƵĞ͕ƉŽůŝƚŝƋƵĞĞƚŝŶƐƚŝƚƵƚŝŽŶŶĞůĚĞůĂnjŽŶĞŐĠŽŐƌĂƉŚŝƋƵĞĚĂŶƐůĂƋƵĞůůĞĞůůĞƐ͛ĞƐƚŝŵƉůĂŶͲ
ƚĠĞ͘WĞƵĚ͛ĂĐƚĞƐǀŝŽůĞŶƚs ont été commis, en comparaison aux périodes que nous avons eu ů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚĞƉarcourir, mais une structure réticulaire importante a été développée dans les milieux économiques, politiques et institutionnels du Lazio. Par conséquent, à la suite de ĐĞƚƚĞĂĨĨĂŝƌĞ͕ůĂŽƵƌĚĞĂƐƐĂƚŝŽŶĂ͕ƉĂƌƐĂũƵƌŝƐƉƌƵĚĞŶĐĞ͕ĠůĂƌŐŝůĂĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶĚ͛ƵŶĞ organisa-­‐
tion criminelle mafieuse aux organisations utilisant des modalités non violentes, une sorte de « corruption douce ͩ͘>ĞƐŵĂĨŝĂƐŶ͛ŽŶƚƉůƵƐďĞƐŽŝŶĚ͛ġƚƌĞĚ͛ƵŶĞƚĂŝůůĞĐŽŶƐĠƋƵĞŶƚĞ : de ƉĞƚŝƚƐŐƌŽƵƉĞƐĐƌŝŵŝŶĞůƐ͕Ɛ͛ŝůƐƵƚŝůŝƐĞŶƚĚĞƐŵŽĚĂůŝƚĠƐĚ͛ĂĐƚŝŽŶ typiques des mafias, peuvent également être qualifiés comme organisations mafieuses. Cela a été le cas pour « Mafia Ca-­‐
pitale ͕ͩƋƵŝĂƵƚŝůŝƐĠĚĞƐƌĞůĂƚŝŽŶƐĚ͛ŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶŶŽŶƉĂƌů͛ƵƚŝůŝƐĂƚŝŽŶĚ͛ƵŶĞǀŝŽůĞŶĐĞƉŚLJƐŝƋƵĞ
directe, mais grâce à la réputation criminelle de ses membres éminents. Face à ces données, il est difficile de ne pas sombrer dans un pessimisme profond. Pourtant, Borsellino lui-­‐même portait un regard optimiste sur la situation en Sicile, plus par-­‐
ticulièrement à propos des jeunes générations, peu de temps avant sa mort. Ainsi, dans une ůĞƚƚƌĞĠĐƌŝƚĞůĞϭϵũƵŝůůĞƚϭϵϵϮĂƵŵĂƚŝŶ͕ƐŽŝĞŶƚŵŽŝŶƐĚĞĚŽƵnjĞŚĞƵƌĞƐĂǀĂŶƚů͛ĂƚƚĞŶƚĂƚƋƵŝůƵŝ
ĐŽƸƚĂ ůĂ ǀŝĞ͕ ŝů ĠĐƌŝǀĂŝƚ ă ůĂ ĚŝƌĞĐƚƌŝĐĞ Ě͛ƵŶ ůLJĐĠĞ ĚĞ WĂĚŽƵĞ ĚĂŶƐ ůĞƋƵĞů ŝů ĚĞǀĂŝƚ ĨĂŝƌĞ ƵŶĞ
intervention. Dans cette lettre, on trouve ces mots : Je vois que les jeunes, siciliens ou pas, portent une attention bien différente ΀ăůĂĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠŵĂĨŝĞƵƐĞ΁ƋƵĞů͛ŝŶĚŝĨĨĠƌĞŶĐĞĐŽƵƉĂďůĞƋƵĞũ͛ĂŝŵĂŝŶƚĞŶƵe ũƵƐƋƵ͛ăŵĞƐƋƵĂƌĂŶƚĞĂŶƐ͘YƵĂŶĚŝůƐƐĞƌŽŶƚĂĚƵůƚĞƐ͕ĐĞƐũĞƵŶĞƐĂuront plus de force pour réagir que nous en avons eue, moi et ma génération »129. 129 Lettre de Paolo Borsellino ăůĂŝƌĞĐƚƌŝĐĞĚ͛ƵŶůLJĐĠĞĚĞWĂĚŽƵĞ͕ůĞϭϵũƵŝůůĞƚϭϵϵϮ : « E sono ottimista perchè vedo che verso di essa i giovani, siciliani e no, hanno oggi una attenzione ben diversa da quella colpevole indifferenza che io | 67 3.3 La société civile, promotrice de la légalité 3.3.1 >ĂĚŝĨĨƵƐŝŽŶĚ͛ƵŶĞĐƵůƚƵƌĞĚĞůĂůĠŐĂůŝƚĠ >ĂŵĂĨŝĂƌĞƐƚĞ͕ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝĞŶĐŽƌĞ͕ĚŽƚĠĞĚ͛ƵŶĞƉƵŝƐƐĂŶĐĞĐŽůŽƐƐĂůĞ͕Ě͛ƵŶĞĐĂƉĂĐŝƚĠ
Ě͛ĂĚĂƉƚĂƚŝŽŶƌĞŵĂƌƋƵĂďůĞ͕ĞƚĐŽŶƚŝŶƵĞĚĞƐĞƉƌŽƚĠŐĞƌăů͛ĂŝĚĞĚ͛ƵŶĞƐƚƌĂƚĠŐŝĞƋƵŝ͕ĂƵĨŝůĚĞƐ
décennies, a prouvé son efficacité : faire en sorte que « ůĂŵĂĨŝĂŶ͛ĞdžŝƐƚĞƉĂƐ ». La culture de ůĂůĠŐĂůŝƚĠƐ͛ĂƉƉƵŝĞĚŽŶĐĂǀĂŶƚƚŽƵƚƐƵƌů͛ĠŶŽŶĐŝĂƚŝŽŶĚĞů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐe du phénomène mafieux, contre le déni qui reste la meilleure barrière à la lutte antimafia. Certaines initiatives mon-­‐
ƚƌĞŶƚĐŽŵďŝĞŶů͛ŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞĚĞŶŽŵŵĞƌůĂŵĂĨŝĂĞƐƚŐƌĂŶĚĞ͕ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝĞŶĐŽƌĞ͘^ŽƵůŝŐŶŽŶƐ
ăĐĞƉƌŽƉŽƐů͛une des actions menées lors du Festival des Biens Confisqués130 à Milan, en 2012͘/ůƐ͛ĂŐŝƚĚ͛ƵŶĞĐĂŵƉĂŐŶĞĚ͛ĂĨĨŝĐŚĂŐĞƌĠĂůŝƐĠĞƉĂƌůĞƐĠƚƵĚŝĂŶƚƐĚĞůĂEŽƵǀĞůůĞĐĂĚĠŵŝĞ
des Beaux-­‐Arts de Milan et de la Faculté de Sciences Politiques de Milan, énonçant « La Mafia Ŷ͛ĞdžŝƐƚĞƉĂƐ », affirmation signée « La Mafia »131. >ĂůƵƚƚĞĐŽŶƚƌĞůĂŵĂĨŝĂ͕ŶŽƵƐů͛ĂǀŽŶƐǀƵ͕Ă
dû passer nécessairement par la mise en accord des définitions qui lui furent données. Au-­‐
ũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ĐĞƚƚĞůƵƚƚĞƐĞĨĂŝƚĂƵƐƐŝƉĂƌů͛ĠŶŽŶĐŝĂƚŝŽŶ͕« haut et fort »͕ĚĞů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĚĞůĂŵĂͲ
fia132. Un bon pas en avant serait sans doute de la faire connaître à tous, de faire ĐŽŵƉƌĞŶĚƌĞůĞƐĚŽŵŵĂŐĞƐƋƵ͛ĞůůĞƉƌŽǀŽƋƵĞƚŽƵƐůĞƐũŽƵƌƐ͗ƉĂƌĞdžĞŵƉůĞ͕
mantenni sino ai quarantanni. Quando questi giovani saranno adulti avranno più forza di reagire di quanto io e la mia generazione ne abbiamo avuta » (traduction personnelle). 130 Le Festival des Biens Confisqués (Festival dei beni confiscati alle mafie) est un évènement organisé depuis 2012, visant à sensibiliser la population et les autorités sur la nécessité de réutiliser les biens confisqués autour de conventions, Ě͛ŝŶŝƚŝĂƚŝǀĞƐĚŝǀĞƌƐĞƐĞƚĚ͛ĞdžƉŽƐŝƚŝŽŶƐ͘ 131 « La Mafia non esiste », firmato « La Mafia », campagne ayant remporté la sélection effectuée par la ville de Milan, et créée plus particulièrement par deux étudiants, Francesco Mollo et Tommaso Tino, en collaboration avec Silvana Qua-­‐
rone et Monica Caiafa. 132 A ce propos, reprenons icŝů͛ƵŶĞĚĞƐŶŽŵďƌĞƵƐĞƐĐŝƚĂƚŝŽŶƐĚĞWĂŽůŽŽƌƐĞůůŝŶŽ : « Parlez de la mafia. Parlez-­‐en à la radio, à la télévision, dans les journaux. Mais parlez-­‐en » (« Parlate della mafia. Parlatene alla radio, in televisione, sui giornali. Però parlatene͟;ƚƌĂĚƵĐƚŝŽŶpersonnelle). | 68 les travailleurs, contraints de payer le ͚pizzo͛, sans quoi ils reçoivent des menaces à leur encontre et à celle de leur famille͘;͙Ϳ La seule chose véri-­‐
ƚĂďůĞŵĞŶƚ ŝŵƉŽƌƚĂŶƚĞ ĞƐƚ ƋƵĞ ƚŽƵƚ ƵŶ ĐŚĂĐƵŶ ƐĂĐŚĞ ĐĞ ƋƵĞ ů͛ŽŶ ĞŶƚĞŶĚ
dans le mot [mafia]. La mafia est présente, existe, on ne peut pas avoir peur ĚĞƐŝŵƉůĞŵĞŶƚůƵŝĚŽŶŶĞƌƵŶŶŽŵ͕ŶŝŵġŵĞĚĞůĂĐŽŶŶĂŠƚƌĞ͘;͙Ϳ « La mafia pourrait ne pas exister », peu de changements qui toutefois transforment une phrase fausse en une phrase véridique. La mafia existe : tout le monde doit le savoir, car il est important de prendre consciences de sa propre « ma-­‐
ladie »133. La culture de la légalité Ɛ͛ĞŶƚĞŶĚĠŐĂůĞŵĞŶƚ ĐŽŵŵĞ antonyme de « mafiosité ». Il Ɛ͛ĂŐŝƚ ĚĞ ƌĞŵĞƚƚƌĞ ĂƵ ĐĞŶƚƌĞ ĚĞƐ ƉƌĠŽĐĐƵƉĂƚŝŽŶƐ ůĂ ĚĠĨĞŶƐĞ ĚĞ ů͛ŝŶƚĠƌġƚ ŐĠŶĠƌĂů ĐŽŶƚƌĞ ůĂ
ƉŽƵƌƐƵŝƚĞĚĞƐŝŶƚĠƌġƚƐƉƌŝǀĠƐ͕ůĂůĠŐŝƚŝŵŝƚĠĚ͛ƵŶÉtat démocratique contre les contrefaçons anƚŝĠƚĂƚŝƋƵĞƐƋƵĞƚĞŶƚĞŶƚĚ͛ŝŵƉŽƐĞƌůĞƐŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐĐƌŝŵŝŶĞůůĞƐ͕ůĞƌĞƐƉĞĐƚĚĞƐƌğŐůĞƐĚĞ
ĚƌŽŝƚĐŽŶƚƌĞů͛ŝŶƚŝŵŝĚĂƚŝŽŶ͕ůĂǀŝŽůĞŶĐĞĞƚů͛ŽŵĞƌƚăŽƵĞŶĐŽƌĞůĂƌĞǀĞŶĚŝĐĂƚŝŽŶĚĞůĂƚƌĂŶƐƉĂͲ
rence auprès des autorités détentrices du pouvoir. /ůƐ͛ĂŐŝƚ͕ƉĂƌĐŽŶƐĠƋƵent, de lutter contre la criminalité dans un sens large ͗ƋƵ͛ĞůůĞƐŽŝƚĐŽŵŵƵŶĞ͕ĐŽŵƉŽƐĠĞĚĞƉĞƚŝƚƐůĂƌĐŝŶƐ͕ƋƵ͛ĞůůĞ
ƉƌĞŶŶĞ ůĂ ĨŽƌŵĞ ĚĞ ůĂĐŽƌƌƵƉƚŝŽŶ͕ Ě͛ĠĐŚĂŶŐĞƐ ŝůůŝĐŝƚĞƐ ĚĞ ƐĞƌǀŝĐĞƐ͕ ĚĞĐŽŶĨůŝƚƐ Ě͛ŝŶƚĠƌġƚ͕ ĚĞ
ĐůŝĞŶƚĠůŝƐŵĞ͕ŽƵƋƵ͛ĞůůĞƐŽŝƚŽƌŐĂŶŝƐĠĞƐƵƌůĞ modèle des mafias. En synthèse, la culture de la légalité consiste en un regard sur le monde avec les yeux rigoureux du droit, de la règle fondée et du respect des lois. /ůƐĞŵďůĞŝĐŝŝŶƚĠƌĞƐƐĂŶƚĚ͛ŝŶƚĠͲ
grer la définition faite par un étudiant en droit, né et vivant toujours actuellement en Sicile, de la culture de la légalité. En effet, malgré tous nos efforts pour saisir dans son entièreté le 133 džƚƌĂŝƚĚ͛ƵŶĞŶƚƌĞƚŝĞŶ͘>ĂƌĠƉŽŶƐĞŽƌŝŐŝŶĞůůĞ͕ĚŽŶŶĠĞƉĂƌƵŶĞĠƚƵĚŝĂŶƚĞĞŶĚƌŽŝƚĚĞ^ĂŶ'ŝŽǀĂŶŶŝůĂWƵŶƚĂ͕ƉƌğƐĚĞ
ĂƚĂŶĞ͕ĞƚąŐĠĞĚĞϮϯĂŶƐ;ƌĞƚƌĂŶƐĐƌŝƉƚŝŽŶĠĐƌŝƚĞĚĞŶŽƚĞƐƉƌŝƐĞƐůŽƌƐĚ͛ƵŶĞŶƚƌĞƚŝĞŶͿĞƐƚůĂƐƵŝǀĂŶƚĞ͗ « Sicuramente un buon passo da fare per sconfiggere la mafia sarebbe farla conoscere per bene a tutti quanti...far capire i danni che provoca la mafia ogni giorno...a partire dai nostri lavoratori costretti a pagare il pizzo e se non lo fanno devono essere pronti ad avere minacce verso se stessi e verso le proprie famiglie (...). L'unica cosa davvero importante è che tutti sappiano cosa c'è sott'inteso in quel nome... Questo è importante. La mafia c'è, esiste, non si può avere paura anche solo di nominarla o di conoscerla e fondo (...). "La mafia potrebbe non esistere", poche modifiche che trasformano una frase da non vera a veritiera. >ĂŵĂĨŝĂĞƐŝƐƚĞ͘͘͘dƵƚƚŝĚĞǀŽŶŽƐĂƉĞƌůŽ͕ƉĞƌĐŚğğŝŵƉŽƌƚĂŶƚĞƉƌĞŶĚĞƌĞĐŽƐĐŝĞŶnjĂĚĞůůĂƉƌŽƉƌŝĂ͚ŵĂůĂƚƚŝĂ͛͘͟ | 69 phénomène mafieux, et par conséquent son antonyme, la légalité, il est difficile de choisir des mots aussi précis que ceux sélectionnés par ů͛une des personnes interrogées lors de cette étude 134 : >ĂĐƵůƚƵƌĞĚĞůĂůĠŐĂůŝƚĠ͕ăŵŽŶŚƵŵďůĞĂǀŝƐ͕ĞƐƚĐĞƚƚĞĨŽƌŵĞĚ͛ĠĚƵĐĂƚŝŽŶ
ƋƵŝĂƉŽƵƌŽďũĞƚů͛ĂƉƉƌĞŶƚŝƐƐĂŐĞĚĞƐǀĂůĞƵƌƐĐŝǀŝƋƵĞƐ͕ĚĞůĂĚĠŵŽĐƌĂƚŝĞ͕ĚĞ
ů͛ĞdžĞƌĐŝĐĞĚĞƐĚƌŽŝƚƐĚĞ ůĂĐŝƚŽLJĞŶŶĞƚĠ͕ĚĞƐƌğŐůĞƐĚĞůĂǀŝĞƐŽĐŝĂůĞ͛͘ĞƐƚƵŶ
ĨĂĐƚĞƵƌŝŶĚŝƐƉĞŶƐĂďůĞĚĂŶƐƵŶĞƐŽĐŝĠƚĠĐŝǀŝůĞ͕Ě͛ĂƵƚĂŶƚƉůƵƐĞĨĨŝĐĂĐĞůŽƌƐƋƵ͛ŝů
est enraciné dans la conscience des individus, et des jeunes en particulier, afin de lutter contre les faux modèles représentés par les phénomènes ma-­‐
ĨŝĞƵdž͕ƋƵ͛ŝůƐƐŽŝĞŶƚƉůƵƐŽƵŵŽŝŶƐŵĂƌƋƵĠƐ͛͘ĞƐƚůĂĐĂƉĂĐŝƚĠăƌĞƐƉĞĐƚĞƌůĞƐ
ƌğŐůĞƐăů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌĚ͛ƵŶĞƐŽĐŝĠƚĠĐŝǀŝůĞ͕ŶŽŶƐĞƵůĞŵĞŶƚƉĂƌĐĞƋƵ͛ĞůůĞƐƐŽŶƚ
ŝŵƉŽƐĠĞƐ͕ŵĂŝƐƉĂƌĐĞƋƵ͛ĞůůĞƐƐŽŶƚƉĞƌĕƵĞƐĐŽŵŵĞũƵƐƚĞƐ͕ƉĂƐƐĞƵůĞŵĞŶƚ
par les individus, mais par la collectivité elle-­‐même. Du fait de doubler dans ƵŶĞĨŝůĞăĐĞůƵŝĚĞƉĂLJĞƌƐĞƐŝŵƉƀƚƐ͕ũƵƐƋƵ͛ĂƵĨĂŝƚĚĞƌĞĐŽŶŶĂŠƚƌĞůĂŵĂĨŝĂ
ƉŽƵƌůĞŵĂůƋƵ͛ĞůůĞƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞ͕ŶŽŶƐĞƵůĞŵĞŶƚƉŽƵƌůĞƐĂĐƚŝǀŝƚĠƐĐƌŝŵŝŶĞůůĞƐ
ƋƵ͛ĞůůĞŽƉğƌĞ͕ŵĂŝƐĂƵƐƐŝ ƉŽƵƌůĞŵŽĚğůĞĚĞǀŝĞƋƵ͛ĞůůĞƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞ : respecter ƵŶĞƌğŐůĞŽƵĠůŽŝŐŶĞƌĚĞƐŽŝů͛ŝĚĠĞĚ͛ƵŶƐƚLJůĞĚĞǀŝĞŚŽƌƐĚĞůĂůĠŐĂůŝƚĠũƵƐƋƵ͛ă
cĞƋƵĞ͕ƵŶũŽƵƌ͕ŽŶƉƵŝƐƐĞĚŝƌĞ͚͛personne ne le fait plus, personne ne pense ƉůƵƐĚĞĐĞƚƚĞĨĂĕŽŶ͛͛. Un autre entretien nous a offert une réponse plus concise, mais qui donne encore une fois tout le sens du mot « légalité ͩ͘ĞƚƚĞƌĠƉŽŶƐĞƐ͛ŝŶƐƉŝƌĞĚ͛ƵŶĞĨŽƌŵƵůĞƉƌŽŶŽŶĐĠĞ
134 sĞƌďĂƚŝŵƚŝƌĠĚĞů͛ƵŶĚĞƐĞŶƚƌĞƚŝĞŶƐƌĠĂůŝƐĠƐĚĂŶƐůĞĐĂĚƌĞĚĞĐĞƚƚĞĠƚƵĚĞ͕ĂǀĞĐŝĐŝƵŶĠƚƵĚŝĂŶƚĚĞů͛ƵŶŝǀĞƌƐŝƚĠĚĞ
droit de Catane, en deuxième année de master : ͞>ĂĐƵůƚƵƌĂĚĞůůĂůĞŐĂůŝƚă͕ĂŵŝŽŵŽĚĞƐƚŽĂǀǀŝƐŽ͕ğƋƵĞůůĂĨŽƌŵĂĚŝŝƐƚƌƵnjŝŽŶĞ
che ha ad oggetto l'insegnamento dei valori civili, della democrazia, dell'esercizio dei diritti di cittadinanza, delle regole nella vita sociale. È un fattore indispensabile in una società civile, tanto più efficiente quanto più esso è radicato nella coscienza degli individui, e dei giovani in particolar modo, al fine di contrastare i falsi modelli rappresentati dai fenomeni criminali, più o meno pronunciati che essi siano. E' la capacità di rispettare le regole all'interno di una società civile non solo perché i mposte ma in quanto sentite come giuste, non solo dal singolo ma dalla collettività stessa. Dal saltare la fila al pagare le tasse, fino a riconoscere la mafia per il male che rappresenta non solo per le attività criminali svolte ma anche per il modello di vita che rappresenta: rispettare una regola o allontanare da sé l'idea di uno stile di vita al di fuori della legalità finché, un giorno, si ƉŽƚƌăĚŝƌĞΗŶĞƐƐƵŶŽůŽĨĂƉŝƶ͕ŶĞƐƐƵŶŽůĂƉĞŶƐĂƉŝƶŝŶƋƵĞƐƚŽŵŽĚŽ͟(traduction personnelle). | 70 ƉĂƌůĞ'ĠŶĠƌĂůĂůůĂŚŝĞƐĂůŽƌƐƋƵ͛ŝůĨƵƚ interrogé par un journaliste qui lui demanda comment combattre la mafia. ĂůůĂŚŝĞƐĂĂĠƚĠůĞƉƌĞŵŝĞƌăůĂŶĐĞƌůĞĐŽŶĐĞƉƚĚĞůĠŐĂůŝƚĠ͘>ĞƐŵŽƚƐƋƵ͛ŝů
ƉƌŽŶŽŶĕĂ͕ ůŽƌƐƋƵ͛ŝů ĨƵƚ ŶŽŵŵĠ WƌĠĨĞƚ ă WĂůĞƌŵĞ͕ ĨƵƌĞŶƚ ƋƵĞůƋƵĞ ĐŚŽƐĞ
ĐŽŵŵĞ͚EŽƵƐĚĞǀŽŶƐŝŶĐƵůƋƵĞƌůĂĐƵůƚƵƌĞĚĞůĂůĠŐĂůŝƚĠ͘ Celle-­‐ci se crée en commençant par ne plus acheter le pain, le dimanche, au vendeur à la sau-­‐
ǀĞƚƚĞĂƵŵŝůŝĞƵĚĞůĂƌŽƵƚĞ͛ »135. Ce consensus existant autour de la nécessité impérieuse de diffuser la culture de la légalité au sein de la population ne se limite cependant pas aux citoyens, aux individus. En ĞĨĨĞƚ͕ůĂƐŽĐŝĠƚĠĐŝǀŝůĞĂĠŐĂůĞŵĞŶƚƐƵƐĞƌĞŐƌŽƵƉĞƌĂƵƐĞŝŶĚ͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƐƉĂƌƚĂŐĞĂŶƚƵŶŽďͲ
jectif : celui de lutter contre les mafias. 3.3.2 Le rôle du secteur associatif >ĞŵŽƵǀĞŵĞŶƚĂŶƚŝŵĂĨŝĂĂƐƐŽĐŝĂƚŝĨ͕ĐŽŵŵĞŶŽƵƐů͛ĂǀŽŶƐǀƵ͕Ɛ͛ĞƐƚƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞŵĞŶt ĚĠǀĞůŽƉƉĠƐƵŝƚĞăů͛ĂŶŶĠĞϭϵϵϮ͕ƋƵŝĐŽŶŶƵƚůĂŵŽƌƚĚĞƐĚĞƵdžĨŝŐƵƌĞƐůĞƐƉůƵƐŝůůƵƐƚƌĞƐĚĞůĂ
lutte antimafia, Falcone et Borsellino. Plus globalement, les associations, groupements issus ĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠĐŝǀŝůĞ͕ƐĞƐŽŶƚĨŽƌŵĠĞƐăůĂƐƵŝƚĞĚ͛ĠǀğŶĞŵĞŶƚƐƚƌĂŐŝques perpétrés par les ma-­‐
fias, dans les zones géographiques où celle-­‐ci concentrait son action, avant de se répandre ƐƵƌ ů͛ĞŶƐĞŵďůĞ ĚƵ ƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞ͘ ŶƚŽŶŝŶŽ ĂƉŽŶĞƚƚŽ͕ ĚŽŶƚ ŶŽƵƐ ĂǀŽŶƐ ƌĞƉƌŝƐ ƉƌĠĐĠĚemment ů͛ĂĨĨŝƌŵĂƚŝŽŶ« tout est fini », fut le premier à refuser sa propre phrase. Suite à la mort de Falcone et Borsellino, il décida en effet de partir sur les routes italiennes à la rencontre 135 sĞƌďĂƚŝŵƚŝƌĠĚĞů͛ĞŶƚƌĞƚŝĞŶĞĨĨĞĐƚƵĠĞĂǀĞĐůĞWƌĠƐŝĚĞŶƚĚĞů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐŝĐŝůŝĞŶŶĞ ͞ĂůůĂŚŝĞƐĂĨƵŝů
primo a lanciare il concetto di legalità. Le parole che disse, quando fu nominato Prefetto a Palermo dopo aver sconfitto il ƚĞƌƌŽƌŝƐŵŽĚĞůůĞƌŝŐĂƚĞZŽƐƐĞ͕ĨƵƌŽŶŽĚĞůƚŝƉŽ͞EŽŝĚŽďďŝĂŵŽŝŶĐƵůĐĂƌĞůĂĐƵůƚƵƌĂĚĞůůĂůĞŐĂůŝƚă͛͘ƋƵĞƐƚĂƐŝĐƌĞĂĐŽŵŝŶĐŝĂŶĚŽ
a non comprare più il pane la domenica dal venditore abusivo in mezzo alla strada͟;ƚƌĂĚƵĐƚŝŽŶƉĞƌƐŽŶŶĞůůĞͿ͘ | 71 Ě͛ĠůğǀĞƐĚĞŶŽŵďƌĞƵƐĞƐĠĐŽůĞƐ͕ƉŽƵƌLJĚŝĨĨƵƐĞƌůĂĐƵůƚƵƌĞĚĞůĂůĠŐĂůŝƚĠ͕avant de se présenter et de remporter les élections du Conseil communal de Palerme, en 1993. De nombreuses associations apparurent à partir des années 90, pour créer progres-­‐
ƐŝǀĞŵĞŶƚƵŶǀĠƌŝƚĂďůĞŵŽƵǀĞŵĞŶƚĚ͛ŽƉƉŽƐŝƚŝŽŶĂƵdžŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͕ƵŶƚƌĂǀĂŝůĚĞ
lutte contre la culture mafieuse, non plus ponctuel, mais un travail de fond visant à modifier en profondeur les mentalités. La première initiative est celle, portée par Tano Grasso136, de ĨŽŶĚĞƌƵŶĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƉŽƵƌůƵƚƚĞƌĐŽŶƚƌĞůĞƐƉŚĠŶŽŵğŶĞƐĚ͛ĞdžƚŽƌƐŝŽŶ͕ĐŽŶƚƌĞůĞͨ pizzo » : ces associations soŶƚƌĞŐƌŽƵƉĠĞƐƐŽƵƐůĞŶŽŵĚ͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĂŶƚŝƌĂĐŬĞƚ͘ĞƉƵŝƐϭϵϵϬ͕ĚĂƚĞĚĞ
la première, de nombreuses autres initiatives similaires se sont répandues sur le territoire italien, desquelles fait partie ů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶďĂƐĠĞăĂƚĂŶĞƋƵĞƉƌĠƐŝĚĞů͛ƵŶĚĞŶŽƐƌĠƉŽŶdants, qui nous déclare à ce sujet : 'ƌĂƐƐŽĐŽŵƉƌŝƚƋƵĞ͕ƐŝƚŽƵƐůĞƐĞŶƚƌĞƉƌĞŶĞƵƌƐĚ͛ƵŶĞŵġŵĞnjŽŶĞƌĞĨƵƐĂŝĞŶƚ
ĚĞƉĂLJĞƌůĞ͚ƉŝnjnjŽ͕͛ĞƚƐ͛ŝůƐĚĠŶŽŶĕĂŝĞŶƚăůĂƉŽůŝĐĞůĞƐƚĞŶƚĂƚŝǀĞƐĚ͛ĞdžƚŽƌƐŝŽŶ͕
il aurait été difficile, pour la mafia, de réagir. Ainsi, en peu de temps, tous ůĞƐ ŵĂĨŝĞƵdž ƋƵŝ ŽƉĠƌĂŝĞŶƚ ĚĂŶƐ ůĂ njŽŶĞ ΀ĚĞ ĂƉŽ Ě͛KƌůĂŶĚŽ΁ ĨƵƌĞŶƚ ĂƌƌġͲ
tés137. En 2006, ces associations et structures furent regroupées dans la Fédération Ita-­‐
ůŝĞŶŶĞĚĞů͛ŶƚŝƌĂĐŬĞƚ138͘>ĂƐƉŚğƌĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝǀĞĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐ͛ĞƐƚĚĞƉƵŝƐĂŵƉůĞŵĞŶƚĞŶrichie139 136 Tano Grasso est un homme politique et entrepreneur italien, originaire de la province de Messine, en Sicile. En ϭϵϵϬ͕ŝůŵĞƚĞŶƉůĂĐĞůĂƉƌĞŵŝğƌĞĨŽŶĚĂƚŝŽŶĂŶƚŝƌĂĐŬĞƚăĂƉŽĚ͛KƌůĂŶĚŽ͕ƐŽŶůŝĞƵĚĞŶĂŝƐƐĂŶĐĞ͘ 137 sĞƌďĂƚŝŵƚŝƌĠĚĞů͛ĞŶƚƌĞƚŝĞŶƌĠĂůŝƐĠĂǀĞĐůĞƉƌĠƐŝĚĞŶƚĚ͛ƵŶĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐŝĐŝůŝĞŶŶĞ͗« Grasso comprese che se tutti gli imprenditori di una zona si fossero rifiutati di pagare il pizzo e se avessero denunciato alla polizia i tentativi di estorsione, per la mafia sarebbe stato difficile reagire. Così fu: nel giro di poco tempo vennero arrestati e condannati tutti i mafiosi che ŽƉĞƌĂǀĂŶŽŝŶƋƵĞůůĂnjŽŶĂ͟(traduction personnelle). 138 ͞&ĞĚĞƌĂnjŝŽŶĞĚĞůůĞƐƐŽĐŝĂnjŝŽŶŝŶƚŝƌĂĐŬĞƚ͕͟ voir leur site internet. 139 >ĞƐĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƐ͕ĨŽŶĚĂƚŝŽŶƐĞƚĂƵƚƌĞƐƐƚƌƵĐƚƵƌĞƐĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐƐŽŶƚĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝŶŽmbreuses : Addio Pizzo (qui lutte ĐŽŶƚƌĞů͛ĞdžƚŽƌƐŝŽŶĚĞƐĐŽŵŵĞƌĕĂŶƚƐͿ͕>ŝďĞƌŽ&ƵƚƵƌŽ;ƋƵŝƉŽƌƚĞůĞƉƌĠŶŽŵĚ͛ƵŶĞŶƚƌĞƉƌĞŶĞƵƌƚƵĠĞŶϭϵϵϭĞƚǀŝƐĞăƉƌŽƚĠŐĞƌ
ůĞƐĐŽŵŵĞƌĕĂŶƚƐĚƵƌĂĐŬĞƚͿ͕ŵŵĂnjnjĂƚĞĐŝdƵƚƚŝ;ƋƵŝƐŝŐŶŝĨŝĞ͚dƵĞnj-­‐ŶŽƵƐƚŽƵƐ͕͛ĞƚƋƵŝǀŝƐĞăĚŝĨĨƵƐĞƌla culture de la légalité dans les écoles et au-­‐delà, contre la mafia calabraise), Fondation Antonino Caponnetto (qui étudie la mafia, et organise ĐŚĂƋƵĞĂŶŶĠĞƵŶƐŽŵŵĞƚĂŶƚŝŵĂĨŝĂĞƚƐĞƌĞŶĚĚĂŶƐůĞƐĠĐŽůĞƐƉŽƵƌƉŽƵƌƐƵŝǀƌĞů͛ƈƵǀƌĞĚĞĐĞůƵŝĚŽŶƚĞůůĞƉŽƌƚĞle nom), | 72 Ğƚ͕ƐŝĞůůĞƐƐ͛ƵŶŝƐƐĞŶƚĂƵƚŽƵƌĚ͛ƵŶĞŶŶĞŵŝĐŽŵŵƵŶ͕ĞůůĞƐƉĂƌƚĂŐĞŶƚĠŐĂůĞŵĞŶƚů͛ĂŵďŝƚŝŽŶĚĞ
ĚŝĨĨƵƐĞƌ͕ĐŚĂĐƵŶĞăůĞƵƌŵĂŶŝğƌĞŽƵĂƵƉƌğƐĚ͛ƵŶƉƵďůŝĐƉĂƌƚŝĐƵůŝĞƌ͕ůĂĐƵůƚƵƌĞĚĞůĂůĠŐĂůŝƚĠ͘ >͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƋƵĞƉƌĠƐŝĚĞŶŽƚƌĞƌĠƉŽŶĚĂŶƚĂŐŝƚĂŝŶƐŝĚĞplusieurs manières différentes. Son objectif premier est de protéger les victimes, tout en leur apportant la preuve que la mafia Ŷ͛ĞƐƚƉĂƐͨ intouchable » : À ƚƌĂǀĞƌƐĚĞƐƌĞŶĐŽŶƚƌĞƐ͕ĞůůĞĞdžƉůŝƋƵĞĂƵdžĞŶƚƌĞƉƌĞŶĞƵƌƐƋƵ͛ĞŶĠƚĂŶƚƵŶŝƐ
ăů͛ŝŶƚĠƌŝĞƵƌĚ͛ƵŶĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽn, il est plus facile de résister, notamment par ů͛ĂŝĚĞĞƚůĞƐƵŝǀŝĚĂŶƐƚŽƵƚĞƐůĞƐƉŚĂƐĞƐ͘ĂŶƐůĞĐĂƐĚĞƚĞŶƚĂƚŝǀĞƐĚ͛ĞdžƚŽƌͲ
ƐŝŽŶ͕ů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĂƐƐŝƐƚĞůĂǀŝĐƚŝŵĞĚĂŶƐƚŽƵƚĞůĂƉƌŽĐĠĚƵƌĞ͕ĞŶů͛ĂĐĐŽŵƉĂͲ
ŐŶĂŶƚǀĞƌƐůĞƐĨŽƌĐĞƐĚĞů͛ŽƌĚƌĞƉŽƵƌůĂĚĠŶŽŶĐŝĂƚŝŽŶ͕en la soutenant psy-­‐
ĐŚŽůŽŐŝƋƵĞŵĞŶƚ ƉĞŶĚĂŶƚ ů͛ĞŶƋƵġƚĞ͕ ĂǀĂŶƚ Ğƚ ĂƉƌğƐ ů͛ĂƌƌĞƐƚĂƚŝŽŶ ĚĞƐ ŵĂͲ
ĨŝĞƵdž͕ǀŽŝƌĞĞŶů͛ĂŝĚĂŶƚăŽďƚĞŶŝƌĚĞƐĚĠĚŽŵŵĂŐĞŵĞŶƚƐ140. ŶϭϵϵϱŶĂƋƵŠƚů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶͨ Libera, Associations, noms et numéros contre les ma-­‐
fias »141͕ĂǀĞĐů͛ĂŵďŝƚŝŽŶĚĞƌĠƵŶŝƌĞŶƐŽŶƐĞŝŶĚĞŶŽŵďƌĞƵƐĞƐĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƐũƵƐƋƵ͛ĂůŽƌƐĚŝƐͲ
persées sur le territoire italien142͘dŽƵũŽƵƌƐĂĐƚŝǀĞĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĞƐƚdevenue ů͛ƵŶĞ
des plus importantes en Italie. Elle organise chaque année, le 21 mars et dans une ville diffé-­‐
rente, une « ũŽƵƌŶĠĞĚĞůĂŵĠŵŽŝƌĞĞƚĚĞů͛ĞŶŐĂŐĞŵĞŶƚƉŽƵƌůĞƐŽƵǀĞŶŝƌĚĞƐǀŝĐƚŝŵĞƐŝŶŶŽͲ
centes de toutes les mafias »143. Peu après sa création, sa première victoire fut législative : Moviemento delle Agende Rosse (Mouvement des agendas rouges, en mémoire de Borsellino dont le carnet rouge qui le caractérisait a mystérieusement disparu le jour de sa mort), etc. 140 sĞƌďĂƚŝŵƚŝƌĠĚĞů͛ĞŶƚƌĞƚŝĞŶƌĠĂůŝƐĠĂǀĞĐůĞƉƌĠƐŝĚĞŶƚĚ͛ƵŶĞĂƐƐociation antimafia sicilienne : « Attraverso degli ŝŶĐŽŶƚƌŝ͕ƐƉŝĞŐĂĂŐůŝŝŵƉƌĞŶĚŝƚŽƌŝĐŚĞƐƚĂŶĚŽƵŶŝƚŝĂůů͛ŝŶƚĞƌŶŽĚŝƵŶ͛ĂƐƐŽĐŝĂnjŝŽŶĞƐŝƉƵŽ͛ƌĞƐŝƐƚĞƌĞƉŝƵ͛ĨĂĐŝůŵĞŶƚĞ͕ŝŶƋƵĂŶto si ha qualcuno che ti segue passo passo in tutte le fasi. Nel caso di tentativi di estorsione, assiste la vittima in tutte le fasi, ĂĐĐŽŵƉĂŐŶĂŶĚŽůĂƉƌĞƐƐŽůĞĨŽƌnjĞĚĞůů͛ŽƌĚŝŶĞƉĞƌĚĞŶƵŶĐŝĂƌĞ͕ƐŽƐƚĞŶĞĚŽůĂƉƐŝĐŽůŽŐŝĐĂŵĞŶƚĞĚƵƌĂŶƚĞůĞĨĂƐŝĚŝŝŶĚĂŐŝŶŝ͕ƉƌŝŵĂ
ĞĚŽƉŽů͛ĂƌƌĞƐƚŽĚĞŝŵĂĨŝŽƐŝ͘ŶŽŶĐŚĞ͛ĂĚŽƚƚĞŶĞƌĞĞǀĞŶƚƵĂůŝƌŝƐĂƌĐŝŵĞŶƚŝ͟(traduction personnelle). 141 ͞Libera, Associazioni, nomi e numeri contro le mafie͕͟ǀŽŝƌůĞƵƌsite internet. Ses objectifs sont de promouvoir ů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞĞƚůĂƉƌĂƚŝƋƵĞĚĞƐĚƌŽŝts de chaque citoyen, de diffuser la culture de la légalité et de la démocratie, de défendre les idées de paix, de solidarité et de justice sociale, mais aussi des droits et devoirs environnementaux, de valoriser la mé-­‐
moire des victimes de la mafia et des autres formes de violences, de se rappeler également de ceux qui se sont engagés ƉŽƵƌĐŽŶƐƚƌƵŝƌĞƵŶĞǀĠƌŝƚĂďůĞũƵƐƚŝĐĞ͕ĞƚĚĞůƵƚƚĞƌĞŶƵƚŝůŝƐĂŶƚĚĞƐŵŽĚĞƐĚ͛ĂĐƚŝŽŶŶŽŶ-­‐violents. 142 Plus de 1 ϱϬϬƐĞůŽŶůĞƐŝƚĞŝŶƚĞƌŶĞƚĚĞů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶ͕ăůĂƉĂŐĞͨ Qui sommes-­‐nous ». 143 ͞'ŝŽƌŶĂƚĂ ĚĞůůĂ DĞŵŽƌŝĂ Ğ ĚĞůů͛/ŵƉĞŐŶŽ ƉĞƌ ƌŝĐŽƌĚĂƌĞ ůĞ ǀŝƚƚŝŵĞ ŝŶŶŽĐĞŶƚŝ Ěŝ ƚƵƚƚĞ ůĞ ŵĂĨŝĞ͕͟ ĚŽŶƚ ůĂ ĚĞƌŶŝğƌĞ
édition (2016) eut lieu à Messine, en Sicile. | 73 >ŝďĞƌĂƉƌŝƚůĞƉĂƌƚŝĚ͛ĂŐŝƌĚŝƌĞĐƚĞŵĞŶƚƐƵƌůĞĚƌŽŝƚ͕et réussit à recueillir un million de signa-­‐
ƚƵƌĞƐĞŶƐŽƵƚŝĞŶĚ͛ƵŶĞƉƌŽƉŽƐŝƚŝŽŶĚĞůŽŝǀŝƐĂŶƚůĂƌĠƵƚŝůŝƐĂƚŝŽŶƐŽĐŝĂůĞĚĞƐďŝĞŶƐĐŽŶĨŝƐƋƵĠƐ
aux mafias. Cette pétition nationale se transforma en loi le 7 mars 1996144. Elle met égale-­‐
ment en place des actions de communication, des campagnes, des projets divers sur les ƚŚğŵĞƐĚĞů͛ĞŶŐĂŐĞŵĞŶƚĐŽŶƚƌĞůĂŵĂĨŝĂ͕ƐƵƌůĂĐŽŶĨŝƐĐĂƚŝŽŶŽƵƐĠƋƵĞƐƚƌĂƚŝŽŶĚĞƐďŝĞŶƐĂƉͲ
ƉĂƌƚĞŶĂŶƚĂƵdžŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͕ƐƵƌů͛ĠĚƵĐĂƚŝŽŶăůĂůĠŐĂůŝƚĠ͕ĞƚĐ͘ ^ĞůŽŶů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶ͕
les projets éducatifs sont les plus importants : comme nous le verrons par la suite, les écoles et le corps professoral revêtent un caractère particulièrement central dans la diffusion d'une ĐƵůƚƵƌĞĚĞůĂůĠŐĂůŝƚĠ͘ŝŶƐŝ͕ů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶ>ŝďĞƌĂĠŶŽŶĐĞƋƵ͛ƵŶͨ savoir sans engagement est stérile, dĞŵġŵĞƋƵ͛ƵŶĞŶŐĂŐĞŵĞŶƚƐĂŶƐƐĂǀŽŝƌĞƐƚǀĞůůĠŝƚĂŝƌĞ »145. >ĞƐŝŶƐƚĂůůĂƚŝŽŶƐĚ͛ŝŶƐƚŝƚƵƚŝŽŶƐƉƵďůŝƋƵĞƐ dans les biens anciennement détenus par les mafias sont remarquables. Portant un fort poids symbolique, elles représentent en effet la concrétisation de la réappropriation des biens criminels par les autorités, autrement dit, au-­‐
ƚĂŶƚĚĞǀŝĐƚŽŝƌĞƐĚĞů͛ƚĂƚƐƵƌla criminalité͘>ĂƚƌĂŶƐĨŽƌŵĂƚŝŽŶĚ͛ƵŶĞĂŶĐŝĞŶŶĞǀŝůůĂĂƉƉĂƌƚĞͲ
nant à Salvatore Riina en une caserne de carabiniers146 est, à ce propos, particulièrement marquante. ĞůĂĨƵƚůĞĐĂƐƉŽƵƌů͛ŝŶƐƚĂůůĂƚŝŽŶĚĞů͛hŶŝǀĞƌƐŝƚĠƉŽƵƌůĂůĠŐĂůŝƚĠĞƚůĞĚĠǀĞůŽƉƉĞͲ
ment du territoire147͕ŝŶƐƚĂůůĠă^ĂŶŝƉƌŝĂŶŽĚ͛Aversa, au Nord-­‐Ouest de Naples, dans un bien confisqué à la Camorra en 1999, dans le cadre du projet européen de renforcement de la 144 Par le vote de la loi du 7 mars 1996, n°109, apportant des « dispositions en matière de gestion et destination des bien séquestrés ou confisqués », et qui prévoir notamment la réutilisation des biens séquestrés à des fins sociales, en les ĐŽŶĨŝĂŶƚƉĂƌĞdžĞŵƉůĞĂƵdžĂƵƚŽƌŝƚĠƐůŽĐĂůĞƐ͕ăĚĞƐĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƐŽƵĞŶĐŽƌĞăĚĞƐĐŽŽƉĠƌĂƚŝǀĞƐ͘WĂƌĞdžĞŵƉůĞ͕ƐƵŝƚĞăů͛ĂƌƌĞƐƚĂͲ
tion de Bernardo Provenzano en Sicile, au printemps 2006, ses terres siciliennes (dans la province de Trapani) lui furent ĐŽŶĨŝƐƋƵĠĞƐĞƚĐŽŶĨŝĠĞƐăƵŶĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶ͘ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ĚĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐĚĠƉĞŶĚĂŶƚĞƐăůĂĚƌŽŐƵĞLJĞdžĞƌĐĞŶƚƵŶĞĨŽŶĐƚŝŽŶ
agricole. 145 ͞ĐŽŵŝŶĐŝĂƌĞĚĂŝƉƌŽŐĞƚƚŝĞĚƵĐĂƚŝǀŝĞĚĂůů͛ŝŵƉĞŐŶŽŶĞůůĞƐĐƵŽůĞ͗ĚĂZĞŐĂůŝĂŵŽĐŝĞĚĂi campi di E!state Liberi, fresche sintesi di sapere e impagno. Perchè un sapere senza impegno è sterile. Un impegno senza apere è velleitario. Come è velleitario senza condivisione͕͟Ě͛ĂƉƌğƐůĞƐĚŽĐƵŵĞŶƚƐƚĠůĠĐŚĂƌŐĞĂďůĞƐăcette page. 146 sŽŝƌů͛ĂƌƚŝĐůĞͨ Mafia, la villa de Totò Riina à Palerme devient une caserne de carabiniers », publié dans Il Fatto Quotidiano le 10 mai 2015, disponible en ligne. 147 Università per la legalità e lo sviluppo del territorio, voir le site internet. | 74 ůĠŐĂůŝƚĠĚĂŶƐůĞƐĂŝƌĞƐăŚĂƵƚĞĚĞŶƐŝƚĠĚ͛ĂĐƚŝǀŝƚĠƐĐƌŝŵŝŶĞůůĞƐ͘ĞĐĞŶƚƌĞĞƐƚƵŶůŝĞƵĚĞƌĞŶͲ
contre, de recherches et de documentation sur les thématiques telles que la légalité et le développement économico-­‐social licite. Les biens confisƋƵĠƐăůĂŵĂĨŝĂ͕ůŽƌƐƋƵ͛ŝůƐƐŽŶƚƚƌĂŶƐͲ
formés en établissements scolaires, ou culturels, deviennent les symboles de la victoire de ů͛ĠĚƵĐĂƚŝŽŶ͕ĚĞů͛ĂƉƉƌĞŶƚŝƐƐĂŐĞĞƚĚĞůĂůĠŐĂůŝƚĠƐƵƌů͛ŝŐŶŽƌĂŶĐĞ͘>ĞƌƀůĞĚĞƐĠĐŽůĞƐĞƚĚƵĐŽƌƉƐ
professoral apparaissent en ĞĨĨĞƚĐŽŵŵĞƉƌŝǀŝůĠŐŝĠƐĚĂŶƐůĂĚŝĨĨƵƐŝŽŶĚ͛ƵŶĞĐƵůƚƵƌĞĚĞůĂůĠͲ
galité. 3.3.3 >ĞƌƀůĞĚĞů͛ĠĐŽůĞĚĂŶƐůĂĚŝĨĨƵƐŝŽŶĚĞůĂĐƵůƚƵƌĞĚĞůĂůĠŐĂůŝƚĠ Dès 1993, soit une année après le décès de Falcone et Borsellino, une circulaire148 du DŝŶŝƐƚğƌĞ ĚĞ ů͛Éducation italien149 ĠŶŽŶĐĞ ů͛ŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞ ĚĞ ŵĞƚƚƌĞ ĞŶ ƉůĂĐĞ͕ ĂƵ ƐĞŝŶ ĚĞƐ
écoles, des actions de sensibilisation des jeunes générations aux thématiques liées à la léga-­‐
lité ͗ ƉƌŽũĞƚƐ ĞdžƉĠƌŝŵĞŶƚĂƵdž ŶĂƚŝŽŶĂƵdž͕ ƉƌŽŐƌĂŵŵĞƐ ĚĞ ũƵŵĞůĂŐĞ ŽƵ Ě͛ĠĐŚĂŶŐĞƐ ƉŽƵƌ ůĞƐ
écoles des zones défavorisées, ĚĂŶƐůĞďƵƚĚĞƌĠŝŶƚĠŐƌĞƌůĞƐĞŶĨĂŶƚƐăů͛ĠĐŽůĞĞƚĚĞůĞƐĨĂŝƌĞ
appartenir à une « communauté nationale unique ». De même, la circulaire prévoit la forma-­‐
tion des enseignants à la culture de la légalité et aux façons dont cette dernière peut être diffusée aux enfants. À ů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚƵƋƵŝŶnjŝğŵĞĂŶŶŝǀĞƌƐĂŝƌĞĚƵŵĞƵƌƚƌĞĚĞ'ŝŽǀĂŶŶŝ&ĂůĐŽŶĞ͕ůĞϮϯŵĂŝ
2007, ůĞDŝŶŝƐƚƌĞĚĞů͛Éducation Nationale italien, Giuseppe Fioroni150 publie des lignes di-­‐
rectrices issues du Comité National « Ecole et Légalité »151. Ce texte vise entre autres à faire ĚĞů͛ĠĚƵĐĂƚŝŽŶăůĂůĠŐĂůŝƚĠƵŶĂƐƉĞĐƚŵƵůƚŝĚŝƐĐŝƉůŝŶĂŝƌĞĚƵƉĂƌĐŽƵƌƐƐĐŽůĂŝƌĞĚĞƚŽƵƚũĞƵŶĞ͕ĞŶ
148 Circulaire Ministérielle du 25 octobre 1993, n°302͕ĂLJĂŶƚƉŽƵƌŽďũĞƚů͛ĠĚƵĐĂƚŝŽŶăůĂůĠŐĂůŝƚĠ͘ « Ministero della Pubblica Istruzione ». 150 « Ministro della Pubblica Istruzione ͩ ĚƵ ϭϳ ŵĂŝ ϮϬϬϲ ĂƵ ϳ ŵĂŝ ϮϬϬϴ ƐŽƵƐ ů͛ĠƚŝƋƵĞƚƚĞ ĚƵ WĂƌƚŝƚŽ ĞŵŽĐƌĂƚŝĐŽ
(centre gauche) au sein du gouvernement Prodi. 151 Linee di indirizzio del Comitato Nationale « Scuola e Legalità », du 23 mai 2007. 149 | 75 leur faisant prendre conscience de la présence des organisations mafieuses sur le territoire italien dans son ensemble, mais également des différences que celles-­‐ci présentent selon les zones géographiques. Face à la corruption, au racket, aux recommandations et échanges de services illicites, les orientations du Ministre prônent la sensibilisation des élèves à la Consti-­‐
tution, à la citoyenneté et à la « démocratie active ». Ce programme prévoit également la nécessaire connaissance des phénomènes mafieux, de leur histoire et de leurs caractéris-­‐
ƚŝƋƵĞƐ͘ĞƚĞdžƚĞƐ͛ĂƉƉƵŝĞĚŽŶĐƐƵƌĐĞůƵŝĚĞϭϵϵϯƉƌĠĐĠĚĞŵŵĞŶƚĐŝƚĠ͕ĂŝŶƐŝƋƵĞƐƵƌĐĞƵdžƋƵŝ furent publiés successivement. Toutefois, les lignes directrices de 2007 présentent un carac-­‐
tère résolument opérationnel͕ƉĞƵĚĠǀĞůŽƉƉĠũƵƐƋƵ͛ĂůŽƌƐ͘ >͛ŝĚĠĞƐĞůŽŶůĂƋƵĞůůĞůĂŵĞŝůůĞƵƌĞďĂƐĞƉŽƵƌĚĠǀĞůŽƉƉĞƌƵŶĞůƵƚƚĞĐŽŶƚƌĞůĂŵĂĨŝĂĞƐƚ
celle constituée par des actions de sensibilisation, information et formation, notamment des ũĞƵŶĞƐ ŐĠŶĠƌĂƚŝŽŶƐ͕ Ɛ͛ĞƐƚ ŝŵƉŽƐĠĞ ĞŶ /ƚĂůŝĞ͘ >͛ĠƚƵĚĞ ĚƵ ĞŶƚƌĞ WŝŽ ůĂ dŽƌƌĞ152, dont nous avons parlé précédemment, montre ainsi que 62,65% des étudiants interrogés disent parler des phĠŶŽŵğŶĞƐŵĂĨŝĞƵdžăů͛ĠĐŽůĞ͕ĐŽŶƚƌĞϮϯ͕ϯϮйĞŶĨĂŵŝůůĞ͘ Pour illustrer cette idée, nous utiliserons ici encore deux verbatim tirés des entretiens réalisés dans le cadre de cette étude153͘dŽƵƐĚĞƵdžĠǀŽƋƵĞŶƚů͛ŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞĚ͛ĂůůŝĞƌůĞĚĠǀĞůŽƉƉĞŵĞŶƚĚĞůĂůĠŐŝƐůĂƚion anti-­‐
mafia à la sensibilisation des individus dès le plus jeune âge : ŶŐĂƌĚĂŶƚăů͛ĞƐƉƌŝƚƋƵ͛ŝůĞƐƚƚŽƵũŽƵƌƐĂďƐŽůƵŵĞŶƚŶĠĐĞƐƐĂŝƌĞĚ͛ĂǀŽŝƌƵŶĞ
législation complète et efficace, le meilleur moyen pour vaincre la mafia est ĚĞƐĞĨŝĞƌăů͛ŝŶĨŽƌŵĂƚŝŽŶ͘&Žrmer la conscience des citoyens et des jeunes 152 Etude sur la perception du phénomène mafieux des étudiants italiens, effectuée au printemps 2016 par le Centre Ě͛ƚƵĚĞƐWŝŽ>ĂdŽƌƌĞ;Centro di Sutdi Pio La Torre). 153 /ůƐ͛ĂŐŝƚůăĚĞƐƌĠƉŽŶƐĞƐĚĞĚĞƵdžĠƚƵĚŝĂŶƚƐĞŶĚƌŽŝƚ͕ů͛ƵŶąŐĠĚĞϮϯĂŶƐ͕ů͛ĂƵƚƌĞĚĞϮϰ͗͞/ŶĨŽƌŵĂnjŝŽŶĞ͕ĞĚƵĐĂnjŝŽŶĞ͕
istruzione: questo serve per formare una coscienza critica in grado di analizzare i fatti e gli errori commessi al fine di evitare di commetterli ancora in futuro; una coscienza che spinga il cittadino alla denuncia laddove un'altro, meno edotto e informato, ricorrerebbe al sotterfugio, all'accordo sottobanco ed alla corruzione. Quello della legalità è il modello di vita che paga, non il crimine né tantomeno la mafia, dove l'ordine del giorno oscilla tra la paura di essere arrestato e quella di venire ƵĐĐŝƐŽ͘͟ ͞dĞŶĞŶĚŽĐŽŶƚŽĐŚĞğƐĞŵƉƌĞĂƐƐŽůƵƚĂŵĞŶƚĞĂƚƚƵĂůĞůĂ necessità di una legislazione completa ed efficace, il modo migliore per sconfiggere la mafia è affidarsi all'informazione. Formare la coscienza dei cittadini, e dei giovani in particolar modo, è l'unico modo per sottrarre il consenso alla mafia e, conseguentemente, relegarla nel posto che le spetta nella storia: l'oblio, ĐŽŵĞƵŶďƌƵƚƚŽƐŽŐŶŽĚĂĚŝŵĞŶƚŝĐĂƌĞ͘͟ | 76 ĂǀĞĐƵŶĞĂƚƚĞŶƚŝŽŶƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞĞƐƚů͛ƵŶŝƋƵĞŵŽLJĞŶƉŽƵƌƐŽƵƐƚƌĂŝƌĞăůĂŵĂͲ
fia le consentement dont elle jouit et, par conséquent, de la reléguer à la seule place qui lui revient ͗ů͛ŽƵďůŝ͕Đomme un mauvais rêve à effacer. Information, éducation, instruction : voilà ce qui sert à former une cons-­‐
ĐŝĞŶĐĞĐƌŝƚŝƋƵĞ͕ĞŶŵĞƐƵƌĞĚ͛ĂŶĂůLJƐĞƌůĞƐĨĂŝƚƐĞƚůĞƐĞƌƌĞƵƌƐĐŽŵŵŝƐĂĨŝŶĚĞ
ne pas les commettre de nouveau. Une conscience qui pousse le citoyen à dénoncer ceux qui, moins éduqués et informés, auraient recours au subter-­‐
fuge, aux dessous-­‐de-­‐table ou à la corruption. Le modèle de la légalité est celui qui paie, pas celui du crime et encore moins celui de la mafia, où ů͛ŽƌĚƌĞĚƵũŽƵƌŽƐĐŝůůĞĞŶƚƌĞůĂƉĞƵƌĚ͛ġtre arrêté et ĐĞůůĞĚ͛ġƚƌĞƚƵĠ. >͛ŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞde la sensibilisation des enfants nous est également décrite par le Président de ů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐŝĐŝůŝĞŶŶĞ͕ qui effectue des actions de prévention au sein des écoles. ^ĞůŽŶůƵŝ͕ŝůƐ͛ĂŐŝƚƉĂƌĨŽŝƐĚĞĚĠĨĂŝƌĞůĂĨŝŐƵƌe fascinante du mafieux, potentiellement présente dans les esprits : [Notre association] organise des rencontres dans les écoles où elle illustre ů͛ŝŵƉĂĐƚŶĠŐĂƚŝĨƋƵĞůĂŵĂĨŝĂĂƐƵƌůĂƐŽĐŝĠƚĠĞƚƐƵƌů͛ĠĐŽŶŽŵŝĞ͕ĞŶĞƐƐĂLJĂŶƚ
de stimuler la culture de la légalité à travers des exemples vertueux Ě͛ŚŽŵŵĞƐƋƵŝů͛ŽŶƚĐŽŵďĂƚƚƵĞ͕ĞŶĚĠŵLJƐƚŝĨŝĂŶƚĂƵƐƐŝů͛ŝĚĠĞĨĂƵƐƐĞƐĞůŽŶůĂͲ
quelle la mafia est une organisation forte qui contrôle le territoire et gère ůĂƌĠŐƵůĂƚŝŽŶĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠ;͙Ϳ͘^ŽƵǀĞŶƚ͕ĚĂŶƐů͛ŝŵĂŐŝŶĂŝƌĞĐŽůůĞĐƚŝĨĚ͛ƵŶĞŶͲ
ĨĂŶƚ͕ăƉůƵƐĨŽƌƚĞƌĂŝƐŽŶƐ͛ŝůǀŝƚĚĂŶƐƵŶƋƵĂƌƚŝĞƌăŚĂƵƚĞŝŶƚĞŶƐŝƚĠŵĂĨŝĞƵƐĞ͕
ůĞŵĂĨŝĞƵdžĞƐƚǀƵĐŽŵŵĞƵŶŚŽŵŵĞƌŝĐŚĞĞƚƉƵŝƐƐĂŶƚ͘^ŝů͛ĞŶĨĂŶƚƉĞƵƚġƚƌĞ
ĨĂƐĐŝŶĠƉĂƌůĂǀŝŽůĞŶĐĞĚ͛ƵŶĐŽǁďŽLJ͕ŝůƉĞƵƚġƚƌĞĨĂƐĐŝŶĠƉĂƌůĞŵĂĨŝĞƵdž154. 154 sĞƌďĂƚŝŵƚŝƌĠĚĞů͛ĞŶƚƌĞƚŝĞŶƌĠĂůŝƐĠĂǀĞĐůĞƉƌĠƐŝĚĞŶƚĚ͛ƵŶĞĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐŝĐŝůŝĞŶŶĞ͗͞Organizza incontri nelle scuole dove illustra ů͛ŝŵƉĂƚƚŽŶĞŐĂƚŝǀŽĐŚĞůĂŵĂĨŝĂŚĂƐƵůůĂƐŽĐŝĞƚĂ͛ĞƐƵůů͛ĞĐŽŶŽŵŝĂ͕ĐĞƌĐĂŶĚŽĚŝƐƚŝŵŽůĂƌĞůĂĐƵůƚƵƌĂ
ĚĞůůĂůĞŐĂůŝƚĂ͛ĂƚƚƌĂǀĞƐŽĞƐĞŵƉŝǀŝƌƚƵŽƐŝĚŝƵŽŵŝŶŝĐŚĞůĂŚĂŶŶŽĐŽŵďĂƚƚƵƚĂ͕ĚĞŵŝƐƚŝĨŝĐĂŶĚŽŝůƌƵŽůŽŝŵŵĂŐŝŶĂƌŝŽĐŚĞůĂŵĂĨŝĂ Ğ͛ ƵŶ͛ŽƌŐĂŶŝnjnjĂnjŝŽŶĞ ĨŽƌƚĞ ĐŚĞ ĐŽŶƚƌŽůůĂŶĚŽ ŝů ƚĞƌƌŝƚŽƌŝŽ ƐǀŽůŐĞ ůĞ ĨƵŶnjŝŽŶŝ Ěŝ ƌĞŐŽůĂŵĞŶƚĂnjŝŽŶĞ ĚĞůůĂ ƐŽĐŝĞƚĂ͛ ;͘͘͘Ϳ͘ ^ƉĞƐƐŽ
ŶĞůů͛ŝŵŵĂŐŝŶĂƌŝŽĐŽůůĞƚƚŝǀŽĚŝƵŶďĂŵďŝŶŽ͕ĂŶĐŽƌĚŝƉŝƵ͛ƐĞǀŝǀĞŝŶƵŶƋƵĂƌƚŝĞƌĞĂĚĂůƚĂŝŶƚĞŶƐŝƚĂ͛ŵĂĨŝŽƐĂ͕ŝůŵĂĨŝŽƐŽĞ͛ǀŝsto | 77 La diffusion d͛ƵŶĞĐƵůƚƵƌĞĚĞůĂůĠŐĂůŝƚĠĚĂŶƐůĞƐĠĐŽůĞƐĨĂŝƚƉĂƌƚŝĞĚĞƐĂĐƚŝŽŶƐƉƌĠǀĞŶͲ
tives les plus efficaces dans la lutte antimafia. La sensibilisation des jeunes générations aux ƚŚĠŵĂƚŝƋƵĞƐůŝĠĞƐăů͛ƚĂƚĚĞĚƌŽŝƚƌĞƉƌĠƐĞŶƚĞƵŶĞƚĞŶƚĂƚŝǀĞĨŽƌƚĞĚĞĐŽŶǀĞƌƚŝƌ͕ĂƵ-­‐delà des ĞŶĨĂŶƚƐ͕ůĞƐĨĂŵŝůůĞƐĞƚůĞƵƌƐƉƌŽĐŚĞƐăůĂůĠŐĂůŝƚĠ͛͘ƵŶƉŽŝŶƚĚĞǀƵĞůĠŐŝƐůĂƚŝĨ͕ůĂƉĠƌŝŽĚĞƌĠͲ
cente est elle aussi marquée par un certain virage préventif. 3.3.4 >ĞǀŝƌĂŐĞƉƌĠǀĞŶƚŝĨĚĞů͛ĂƌƐĞŶĂůůĠgislatif >͛/ƚĂůŝĞĐŽŶƚŝŶƵĞĚĞĚĠǀĞůŽƉƉĞƌƐŽŶĂƌƐĞŶĂůlégislatif pour lutter contre la mafia. De surcroît, si pendant plus de trente ans, cet arsenal juridique visait surtout à réprimer les faits ŝůůĠŐĂƵdž͕ŽŶƌĞŵĂƌƋƵĞĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝƵŶĞǀŽůŽŶƚĠĐĞƌƚĂŝŶĞĚĞĚŽƚĞƌů͛/ƚĂůŝĞĚĞĚŝƐƉŽƐŝƚŝĨƐƉƌĠǀĞŶͲ
tifs pour lutter conƚƌĞůĞƐƚĞŶƚĂƚŝǀĞƐĚ͛ŽƉĂĐŝƚĠ͕ĚĞĐŽƌƌƵƉƚŝŽŶ͕ĚĞĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠ͘ Récemment, une Autorité Nationale Anticorruption (ANAC) est née155͕ĂǀĞĐů͛ŽďũĞĐƚŝĨ
de devenir une instance puissante et dotée de pouvoirs de vigilance et de régulation pous-­‐
sés156. Son action vise notamment à responsabiliser les administrations publiques, de garan-­‐
ƚŝƌů͛ŝŵƉĂƌƚŝĂůŝƚĠĚĞƐĠůƵƐĞƚĚĞƐĨŽŶĐƚŝŽŶŶĂŝƌĞƐ͕ăĚĠǀĞůŽƉƉĞƌƵŶĞƌĠĞůůĞƚƌĂŶƐƉĂƌĞŶĐĞĂƵƐĞŝŶ
des Administrations ou encore de garantir un haut niveau de vigilance et de prévention de la corruption dans les contrats publics. ĞƚƚĞĂƵƚŽƌŝƚĠĂĠŐĂůĞŵĞŶƚĐŽŶĐůƵ͕ĂǀĞĐů͛École Natio-­‐
ŶĂůĞĚ͛ĚŵŝŶŝƐƚƌĂƚŝŽŶ͕ů͛ÉĐŽůĞ^ƵƉĠƌŝĞƵƌĞĚĞůĂDĂŐŝƐƚƌĂƚƵƌĞĞƚůĞŵŝŶŝƐƚğƌĞĚĞů͛Éducation, come un uomo ricco e potente e ĐŽŵĞ ƵŶ ďĂŵďŝŶŽ ƌŝŵĂŶĞ ĂĨĨĂƐĐŝŶĂƚŽ ĚĂůůĂ ǀŝŽůĞŶnjĂ Ěŝ ƵŶ ĐŽǁďŽLJ ĐŽƐŝ͛ ƉƵŽ͛ ƌŝŵĂŶĞƌĞ
affascinato dal mafioso͟;ƚƌĂĚƵĐƚŝŽŶƉĞƌƐŽŶŶĞůůĞͿ͘ 155 >͛ƵƚŽƌŝƚăEĂnjŝŽŶĂůĞŶƚŝĐŽƌƌƵnjŝŽŶĞ est née par le biais de la loi du 6 novembre 2012 n°190, dite « Legge Seve-­‐
rino ͩ͘ĞƵdžĂŶƐƉůƵƐƚĂƌĚ͕ĞůůĞŚĠƌŝƚĞĚĞƐĐŽŵƉĠƚĞŶĐĞƐƉƌĠĐĠĚĞŵŵĞŶƚĚĠƚĞŶƵĞƐƉĂƌů͛ĞdžƵƚŽƌŝƚĠƉŽƵƌůĂǀŝŐŝůĂŶĐĞƐƵƌůes contrats publics de travaux, services et fournitures (« Autorità per la vigilanza sui contratti pubblici di lavori, servizi e forni-­‐
ture) avec le décret-­‐loi du 24 juin 2014, n°90, converti en Loi n°114 le 11 août 2014. 156 ͛ĂƉƌğƐůĂWƌĠƐĞŶƚĂƚŝŽŶŶŶƵĞůůĞĚĞů͛E͕ĨĂŝƚĞůĞϭϰũƵŝůůĞƚϮϬϭϱĚĞǀĂŶƚůĞ^ĠŶĂƚ/ƚĂůŝĞŶ͕ĞƚĚŝƐƉŽŶŝďůĞen ligne, en italien. | 78 des accords en vue de diffuser la « culture de la légalité », en partenariat également avec des ƌĞƉƌĠƐĞŶƚĂŶƚƐĚĞůĂƐŽĐŝĠƚĠĐŝǀŝůĞ͕ƚĞůƐƋƵĞů͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶ>ŝďĞƌĂ͕ĚŽŶƚŶŽƵƐĂǀŽŶƐĚĠũăƉĂƌůĠ͘
͛ĂƵƚƌĞƐ ŝŶƐƚƌƵŵĞŶƚƐ ƐŽŶƚ ŵŝƐ ĞŶ ƉůĂĐĞ͕ ĐŽŵŵĞ ůĞ WůĂŶ dƌŝĞŶŶĂů ƉŽƵƌ ůĂ WƌĠǀĞŶƚŝŽŶ ĚĞ ůĂ
Corruption157. De même, le gouvernement de Matteo Renzi a récemment émis un décret législatif158 ǀŝƐĂŶƚăƐŝŵƉůŝĨŝĞƌůĞƐƉƌŽĐĠĚƵƌĞƐĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐ͕Ě͛ĂĐĐĠůĠƌĞƌůĞƐĚĠůĂŝƐĚĞƐƚŝƉƵůĂƚŝŽŶĚĞƐĐŽŶƚƌĂƚƐ
publics159 ĞƚĚ͛ĂĐĐƌŽŠƚƌĞůĞƐĐŽŶƚƌƀůĞƐƐƵƌůĞƐƉƌŽĐĠĚƵƌĞƐĚ͛ĂƉƉĞůĚ͛ŽĨĨƌĞs. Toutefois, la néces-­‐
ƐŝƚĠĚ͛ƵŶĞƚƌĂŶƐƉĂƌĞŶce croissante, notamment au sein des administrations publiques, reste cruciale ͗ Ě͛ƵŶĞ ƉĂƌƚ͕ ƉŽƵƌ ƌĠĚƵŝƌĞ ĞĨĨĞĐƚŝǀĞŵĞŶƚ ů͛ĞŵƉƌŝƐĞ ĚĞƐ ƉŚĠŶŽŵğŶĞƐ ŵĂĨŝĞƵdž ƐƵƌ
celles-­‐ci, mais aussi pour restaurer la confiance des Italiens dans leur État. La transparence est ĞŶĞĨĨĞƚů͛ƵŶĚĞƐƌĞŵƉĂƌƚƐůĞƐƉůƵƐĞĨĨŝĐĂĐĞƐĐŽŶƚƌĞůĞƐƉŚĠŶŽŵğŶĞƐŵĂĨŝĞƵdž͕ƋƵŝŶĂŝƐƐĞŶƚ
ĞƚƐĞĚĠǀĞůŽƉƉĞŶƚĚĂŶƐů͛ŽŵďƌĞ͕ů͛ŽƉĂĐŝƚĠĞƚůĞƐĞĐƌĞƚ͘ La législation semble désormais prendre un virage préventif, après plusieurs décen-­‐
ŶŝĞƐĂƵĐŽƵƌƐĚĞƐƋƵĞůƐů͛ÉtaƚŶ͛ĂŐŝƐƐĂŝƚƋƵĞƉĂƌƌĠĂĐƚŝŽŶ͕ƐŽƵŵŝƐŶŽƚĂŵŵĞŶƚĂƵƉŽŝĚƐĚĞů͛ŽƉŝͲ
nion publique. 157 dŽƵƚĞƐůĞƐĞŶƚƌĞƉƌŝƐĞƐĚŽŝǀĞŶƚƐĞĚŽƚĞƌĚ͛ƵŶWůĂŶdƌŝĞŶŶĂůƉŽƵƌůĂƉƌĠǀĞŶƚŝŽŶĚĞůĂŽƌƌƵƉƚŝŽŶ͕ĐŽŶĨŽƌŵĠŵĞŶƚĂƵ
Plan National Anticorruption itaůŝĞŶ͘ĞƚŽƵƚŝůĞƐƚů͛ƵŶĞĚĞƐŵĞƐƵƌĞƐĚĞůĂloi dite « Severino », du 6 novembre 2012, n°190. 158 Décret législatif du 13 octobre 2014 n°153. 159 Ŷ/ƚĂůŝĞ͕ĐĞƌƚĂŝŶƐĐŽŶƚƌĂƚƐƉƵďůŝĐƐ͕ƉŽƵƌġƚƌĞƐƚŝƉƵůĠƐ͕ĚŽŝǀĞŶƚƉƌĠĂůĂďůĞŵĞŶƚĨĂŝƌĞů͛ŽďũĞƚĚĞǀĠƌŝĨŝĐĂƚŝŽŶƐĂŶƚŝŵĂĨŝĂ
auprès de la Banque de données de la Direction Nationale Antimafia dont nous avons parlé précédemment. La réforme de Renzi, qui vise à accélérer les temps de stipulation des contrats publics, implique par conséquent que cette certification soit ĞĨĨĞĐƚƵĠĞƉůƵƐƌĂƉŝĚĞŵĞŶƚ͘ĞƉĞŶĚĂŶƚ͕ŝůŶĞƐ͛ĂŐŝƚƉĂƐůăĚ͛ƵŶƌŝƐƋƵĞĚĞͨ mafiosité » accru, puisque les dispositifs de con-­‐
trôles à posteriori sont renforcés, et que les contrats peuvent à tout moment être dissouts si toutefois ils revêtaient un caractère mafieux. | 79 Conclusions WĞŶĚĂŶƚůŽŶŐƚĞŵƉƐ͕ůĂŵĂĨŝĂŶ͛ĂƉĂƐĠƚĠĐŽŶƐŝĚĠƌĠĞĂƵƚƌĞŵĞŶƚƋƵĞĐŽŵŵĞƵŶĞĐĂͲ
ƌĂĐƚĠƌŝƐƚŝƋƵĞ ĐƵůƚƵƌĞůůĞ͕ ǀŽŝƌĞ ĨŽůŬůŽƌŝƋƵĞ͕ ĚĞ ů͛/ƚĂůŝĞ ŵĠƌŝĚŝŽŶĂůĞ͘ ^LJŶŽŶLJŵĞ Ě͛Ăƌriération, ĐĞƚƚĞĨŽƌŵĞĚĞǀŝŽůĞŶĐĞĚĞǀĂŝƚĚŝƐƉĂƌĂŠƚƌĞůŽŐŝƋƵĞŵĞŶƚĂǀĞĐů͛ƵŶŝĨŝĐĂƚŝŽŶĚĞů͛/ƚĂůŝĞĚĂŶƐƵŶ
ƌĠŐŝŵĞƉŽůŝƚŝƋƵĞĚĠŵŽĐƌĂƚŝƋƵĞ͕ƐƚĂďůĞĞƚŵŽĚĞƌŶĞ͘dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ůĂƚƌĂŶƐŝƚŝŽŶŶĞƐ͛ĞƐƚƉĂƐĨĂŝƚĞ
si facilement : la persistance des formes de micropouvoirs issus du féodalisme a poussé les ĂƵƚŽƌŝƚĠƐăƐ͛ĞŶƐĞƌǀŝƌ͕ƉůƵƚƀƚƋƵ͛ăůĞs combattre, liant pour les décennies qui suivirent, et jusqu͛à nos jours, organisation mafieuse et sphère politique. De surcroît, la mafia bénéficiait ĂůŽƌƐĚ͛ƵŶĞĐĞƌƚĂŝŶĞŝŵƉƵŶŝƚĠ͕ due au manque de définition permettant de la saisir par les mots, et, en conséquence, par le droit. La conception des organisations criminelles mafieuses, de leurs actions et de leur ƉŽƵǀŽŝƌĐŽŵŵĞƵŶƉƌŽďůğŵĞƉƵďůŝĐĂĠƚĠ͕ĚĂŶƐů͛ŚŝƐƚŽŝƌĞŝƚĂůŝĞŶŶĞ͕ƵŶƉƌocessus marqué de lenteur et de violences, mais aussi de freins liés directement aux accointances entre les ma-­‐
fias et les autorités. WĂƐƐĠĞůĂƉĠƌŝŽĚĞĨĂƐĐŝƐƚĞ͕ĚƵƌĂŶƚůĂƋƵĞůůĞůĂƌĠƉƌĞƐƐŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂŶ͛ĂĠƚĠ
que démonstration de force pure, la violence croissante des organisations mafieuses a en-­‐
ĐŽƵƌĂŐĠů͛ƚĂƚăŝŶƚĞƌǀĞŶŝƌ͘>ĞƉŽůŝƚŝƋƵĞĂĂŐŝ͕ƉŽƌƚĠƉĂƌůĞƐŝŶũŽŶĐƚŝŽŶƐƐŽĐŝĂůĞƐ͕ŵĂŝƐůĂůƵƚƚĞ
ĂŶƚŝŵĂĨŝĂƐ͛ĞƐƚƐƵƌƚŽƵƚŽƌŐĂŶŝƐĠĞĂƵƚŽƵƌĚ͛ŝŶĚŝǀŝĚƵƐ : policiers, procureurs ou encore magis-­‐
trats, devenus illustres ƉŽƵƌůĞƌƀůĞƋƵ͛ŝůƐũŽƵğƌĞŶƚĂůŽƌƐ͘ĞƚƚĞůƵƚƚĞĚĞĨŽŶĚĂďĠŶĠĨŝĐŝĠĚ͛un ŶŽŵďƌĞĐƌŽŝƐƐĂŶƚĚ͛ŝŶƐƚƌƵŵĞŶƚƐ͕issus toutefois Ě͛ƵŶĞůĠŐŝƐůĂƚŝŽŶconstruite en réaction aux évènements. DĂůŐƌĠů͛ĞŶŐĂŐĞŵĞŶƚ total de certains͕ůĂŵĂĨŝĂŶ͛Ă͕ƉĞŶĚĂŶƚůŽŶŐƚĞŵƉƐ͕ƉĂƐ
été combattue comme un phénomène structurel. Les décennies 80 et 90, qui suivirent la période des années dites « de plomb », furent marquées par une recrudescence de la vio-­‐
lence des organisations criminelles mafieuses. Cette violence exacerbée conduisit les magis-­‐
ƚƌĂƚƐăƵƚŝůŝƐĞƌĚĞůĂĨĂĕŽŶůĂƉůƵƐĞĨĨŝĐŝĞŶƚĞƉŽƐƐŝďůĞůĞƐŽƵƚŝůƐăůĞƵƌĚŝƐƉŽƐŝƚŝŽŶ͕ũƵƐƋƵ͛ăůĂ
tenue du procès historique de Cosa Nostra, en 1986 et 1987. >͛ĂŶŶĠĞ 1992 marqua de manière particulière la mémoire collective italienne. Les at-­‐
tentats ĂLJĂŶƚĐŽƵƚĠůĂǀŝĞĂƵdžũƵŐĞƐ&ĂůĐŽŶĞĞƚŽƌƐĞůůŝŶŽ͕ƐƵŝƚĞĚ͛ƵŶĞůŽŶŐƵĞůŝƐƚĞĚĞǀŝĐƚŝŵĞƐ
| 80 de la mafia, illustres ou non, furent ůĞƐŽĐĐĂƐŝŽŶƐ͕ƉŽƵƌůĂƐŽĐŝĠƚĠĐŝǀŝůĞ͕Ě͛ƵŶĞƉƌŝƐĞĚĞĐŽŶƐͲ
cience collective importante ͗ĐĞůůĞĚĞůĂŶĠĐĞƐƐŝƚĠĚĞƐ͛ĞŶŐĂŐĞƌĐŽŶƚƌe les mafias. Symboles Ě͛ŝŶƚĠŐƌŝƚĠ͕ ĚĞ ƌŝŐƵĞƵƌ Ğƚ Ě͛ĂďŶĠŐĂƚŝŽŶ͕ ůĞƐ ŵĂŐŝƐƚƌĂƚƐ &ĂůĐŽŶĞ Ğƚ ŽƌƐĞůůŝŶŽ ĚĞǀŝŶƌĞŶƚ ĚĞƐ
ĞdžĞŵƉůĞƐăƐƵŝǀƌĞ͕ĚĞƐĂdžĞƐăƉĂƌƚŝƌĚĞƐƋƵĞůƐŵĞƐƵƌĞƌů͛ĠĐĂƌƚĚĞƐĐŽŵƉŽƌƚĞŵĞŶƚs vis-­‐à-­‐vis de la légalité. Les tragédies de 1992 peuvent être analysées comme un changement de para-­‐
digme important dans les modalités de lutte antimafia. Auparavant, cette lutte était portée essentiellement par les magistrats, procureurs et policiers, suivis de façon ponctuelle par le pouvoir législatif, lui-­‐même obligé à agir pour satisfaire ů͛ŝŶĚŝŐŶĂƚŝŽŶ ƐŽĐŝĂůĞ͘ ƉƌğƐ ϭϵϵϮ͕
ů͛État connaît une crise de confiance : sa population, ne lui reconnaissant plus la capacité de ůĂƉƌŽƚĠŐĞƌ͕Ɛ͛ĠǀĞŝůůĞĞƚƐ͛ŽƌŐĂŶŝƐĞĂƵƐĞŝŶĚ͛ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶs, de collectifs et autres mouvements soĐŝĂƵdž͘ĞĐŚĂŶŐĞŵĞŶƚĚĞƉĂƌĂĚŝŐŵĞƐ͛ĞĨĨĞĐƚƵĞĠŐĂůĞŵĞŶƚĚĂŶƐůĂĨĂĕŽŶĚŽŶƚůĂůƵƚƚĞĚŽŝƚ
être opérée ͗Ě͛ĂďŽƌĚƌĠƉƌĞƐƐŝǀĞ͕ůŽƌƐƋƵ͛ĞůůĞĠƚĂŝƚƉŽƌƚĠĞƉĂƌles représentants du droit, la lutte antimafia devient ensuite préventive͘>ĂƐŽĐŝĠƚĠĐŝǀŝůĞƐ͛ĞŶŐĂŐĞĂŝŶsi dans la diffusion ĚƵƉƌŝŶĐŝƉĞĚĞůĠŐĂůŝƚĠ͕ĐŽŵƉƌĞŶĂŶƚƚŽƵƚĞƐůĞƐǀĂůĞƵƌƐĚĞƌĞƐƉĞĐƚ͕ĚĞů͛État de droit et de la démocratie. Malgré le développement ĚĞ ů͛ĂƌƐĞŶĂů ũƵƌŝĚŝƋƵĞ ĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ ũƵƐƋƵ͛ă ůĂ ĐŽŶƐƚŝƚƵƚŝŽŶ
Ě͛ƵŶe législation unique au monde, le temps ne ƐĞŵďůĞƉĂƐĂǀŽŝƌĚ͛ĞŵƉƌŝƐĞƐƵƌůĞƐŽƌŐĂŶŝƐĂͲ
tions mafieuses, tant leur caƉĂĐŝƚĠĚ͛ĂĚĂƉƚĂƚŝŽŶĞƐƚŐƌĂŶĚĞ͘Yuels que soient les partis poli-­‐
ƚŝƋƵĞƐĚĠƚĞŶƚĞƵƌƐĚƵƉŽƵǀŽŝƌůĠŐŝƚŝŵĞ͕ƋƵĞůƐƋƵĞƐŽŝĞŶƚůĞƐƐĞĐƚĞƵƌƐĚĞů͛ĠĐŽŶŽŵŝĞůĞƐƉůƵƐ
porteurs, quels que soient les chefs, les mafias semblent survivre. Le scandale romain de DĂĨŝĂĂƉŝƚĂůĞŝůůƵƐƚƌĞƉĂƌĨĂŝƚĞŵĞŶƚůĂĐĂƉĂĐŝƚĠĚĞŵĠƚĂŵŽƌƉŚŽƐĞƉƌŽƉƌĞăĐĞƚLJƉĞĚ͛ŽƌŐĂŶŝͲ
sations criminelles. Leur structure change, les familles se substituent tour à tour, parfois dis-­‐
paraissent au profit de chefs autoproclamés, leurs objectifs opérationnels sont tout aussi mouvants, mais la mafia perdure, conserve sa puissance, certaines de ses caractéristiques les plus anciennes, ses rites, sa violence, sa richesse et sa capacité à recruter de nouveaux membres. ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ů͛/ƚĂůŝĞ continue de rencontrer des écueils dans sa lutte contre les orga-­‐
ŶŝƐĂƚŝŽŶƐĐƌŝŵŝŶĞůůĞƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐ͘>͛ƵŶĚ͛ĞƵdžƚŝĞŶƚăůĂůĠŐŝƐůĂƚŝŽŶĂŶƚŝŵĂĨŝĂĚŽŶƚƐ͛ĞƐƚĚŽƚĠůĞ
ƉĂLJƐĞƚƋƵŝ͕ĐŽŵŵĞŶŽƵƐů͛ĂǀŽŶƐǀƵƉƌĠĐĠĚĞŵŵĞŶƚ͕ĞƐƚabsolument unique en son genre. | 81 WĂƌĐŽŶƐĠƋƵĞŶƚ͕ĚƵĨĂŝƚĚĞů͛ĂďƐĞŶĐĞĚĞƌĞĐŽŶŶĂŝƐƐĂŶĐĞũƵƌŝĚŝƋƵĞĚĞƐĚĠůŝƚƐŽƵĐƌŝŵĞƐŵĂͲ
fieux dans les autres pays, y compris les ÉƚĂƚƐDĞŵďƌĞƐĚĞů͛hŶŝŽŶƵƌŽƉĠĞŶŶĞ͕ŝůĞƐƚƚƌğƐ
difficile de mettre en place une véritable coopération internationale. Pourtant, cette coopé-­‐
ƌĂƚŝŽŶ Ɛ͛ĂǀğƌĞ ŶĠĐĞƐƐĂŝƌĞ ƉŽƵƌ ůƵƚƚĞƌ ĞĨĨŝĐĂĐĞŵĞŶƚ ĐŽŶƚƌĞ ůĞƐ ŵĂĨŝĂƐ ƋƵŝ ŽŶƚ͕ ĚĞƉƵŝƐ ůŽŶŐͲ
temps, dépassé les frontières des États. De plus, si les phénomènes mafieux ne sont plus considérés, en Italie, comme stric-­‐
ƚĞŵĞŶƚ ůŝŵŝƚĠƐ ă ůĂ njŽŶĞ ŵĠƌŝĚŝŽŶĂůĞ ĚƵ ƉĂLJƐ͕ ŝůƐ ĐŽŶƚŝŶƵĞŶƚ ĐĞƉĞŶĚĂŶƚ Ě͛ġƚƌĞ ŽďƐĞƌǀĠƐ
comme proprement « italiens ͩăů͛ĠƚƌĂŶŐĞƌ͘ĞƚƚĞƉĞƌĐĞƉƚŝŽŶĐŽŶƚŝŶƵĞĚĞƉĞƌƉĠƚƌĞƌƵŶĐĞƌͲ
ƚĂŝŶĚĠŶŝĚĞĐĞƚƚĞĨŽƌŵĞĚĞĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠ͕ƋƵĞů͛ŽŶŶ͛ŽƐĞƌĂƌĞŵĞŶƚŶŽŵŵĞƌĚĞŵġŵĞƋƵĞů͛ŽŶ
ĐƌĂŝŶƚĚĞĚĞǀŽŝƌƵŶũŽƵƌů͛ĂĨĨƌŽŶƚĞƌ͕ĂůŽƌƐŵġŵĞƋƵĞĚĂŶƐůĞƐĨĂŝƚƐ͕ůĂŵĂĨŝĂŽƉğƌĞăů͛ĠƚƌĂŶͲ
ger160. Certes, les forces de police, de même que les magistrats, coopèrent : mais bien sou-­‐
ǀĞŶƚ͕ĐĞƚƚĞĐŽŽƉĠƌĂƚŝŽŶƐĞĨĂŝƚĂƵĐĂƐƉĂƌĐĂƐ͕Ŷ͛ĞƐƚƉĂƐĚŽƚĠ Ě͛ŽƵƚŝůƉĞƌŵĞƚƚĂŶƚƵŶĞƚƌĂŶƐͲ
ŵŝƐƐŝŽŶ Ě͛ŝŶĨŽƌŵĂƚŝŽŶs ĂƵƚŽŵĂƚŝƋƵĞ͕ ƐŽƵĨĨƌĂŶƚ ă ůĂ ĨŽŝƐ Ě͛ƵŶĞ ĐŽŵƉůĞdžŝƚĠ ƉƌŽĐĠĚƵƌĂůĞ Ğƚ
Ě͛ƵŶĞůĞŶƚĞƵƌƋƵŝŶĞĨĂǀŽƌŝƐĞƉĂƐůĂƌĠƵƐƐŝƚĞĚĞů͛ĂĐƚŝŽŶƉƵďůŝƋƵĞĞŶůĂŵĂƚŝğƌĞ͘ Certaines dispositions ou initiatives récentes semblent, très progressivement, inté-­‐
ŐƌĞƌ ů͛ŝŵƉŽƌƚĂŶĐĞ ĚĞ ĐŽŽƌĚŽŶŶĞƌ ůĂ ůƵƚƚĞ ĂŶƚŝŵĂĨŝĂ ĂƵ ŶŝǀĞĂƵ ŝŶƚĞƌŶĂƚŝŽŶĂů͘ ŝŶƐŝ͕ ů͛E͕
dont nous avons parlé précédemment, a mis en place des relations stables avec divers orga-­‐
nismes internationaux en charge de la lutte contre la corruption (Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime, GRECO161, FMI162͕ĞƚĐ͘Ϳ͘>͛EĂĠŐĂůĞŵĞŶƚŶŽƵĠ͕ĂƵŶŝǀĞĂƵ
bilatéral, divers partenariats par le biais de conventions et de protocoles : avec le Monténé-­‐
gro, la Tunisie, le Mexique, etc. LeƐĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƐ͕ĞůůĞƐĂƵƐƐŝ͕ŽƉğƌĞŶƚăů͛ŝŶƚĞƌŶĂƚŝŽŶĂů͘ŝŶƐŝ͕
160 WůƵƐŝĞƵƌƐĠǀğŶĞŵĞŶƚƐů͛ŽŶƚĚĠŵŽŶƚƌĠĂƵdžĂƵƚŽƌŝƚĠƐ ͗ĚĞŶŽŵďƌĞƵdžŵĂĨŝĞƵdž͕ăů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚĞƉƌocédures judiciaires ĂLJĂŶƚƵŶǀŽůĞƚĚĞĐŽŽƉĠƌĂƚŝŽŶŝŶƚĞƌŶĂƚŝŽŶĂůĞ͕ŽŶƚĠƚĠŽďƐĞƌǀĠƐăů͛ĠƚƌĂŶŐĞƌ͕comme dans la zone Sud-­‐Est de la France, dans ůĂƉƌŽǀŝŶĐĞĚĞEŝĐĞŽƵƉƌğƐĚĞůĂĨƌŽŶƚŝğƌĞ͕ăsŝŶƚŝŵŝůůĞ͘ĞŵġŵĞĞŶůůĞŵĂŐŶĞ͕ŽƶůĂ͚EĚƌĂŶŐŚĞƚƚĂĞƐƚƉĂƌƚŝĐƵůŝğƌĞŵĞŶƚ
ŝŵƉůĂŶƚĠĞ͕ĐŽŵŵĞů͛ĂĚĠŵŽŶƚƌĠle massacre de Duisbourg, en 2007. 161 'ƌŽƵƉĞĚ͛ƚĂƚƐĐŽŶƚƌĞůĂĐŽƌƌƵƉƚŝŽŶ͕ŽƌŐĂŶĞĚƵŽŶƐĞŝůĚĞů͛ƵƌŽƉĞƌĠƵŶŝƐƐĂŶƚϰϲŵĞŵďƌĞƐ͕ĚŽŶƚůĞƐƚĂƚƐhŶŝƐ͘ 162 Le Fonds monétaire international, qui regroupe 189 parus dans le but de promouvoir la coopération monétaire ŝŶƚĞƌŶĂƚŝŽŶĂůĞ͕ŐĂƌĂŶƚŝƌůĂƐƚĂďŝůŝƚĠĨŝŶĂŶĐŝğƌĞ͕ĨĂĐŝůŝƚĞƌůĞƐĠĐŚĂŶŐĞƐ͕ĐŽŶƚƌŝďƵĞƌăƵŶŶŝǀĞĂƵĚ͛ĞŵƉůŽŝĠůĞǀĠĞƚĂƵƌĞĐƵůĚe la pauvreté. | 82 >ŝďĞƌĂ ĐŽůůĂďŽƌĞ ĂǀĞĐ Ě͛ĂƵƚƌĞƐ ĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƐ͕ ŶŽƚĂŵŵĞŶƚ Ě͛ŵĠƌŝƋƵĞ ůĂƚŝŶĞ͕ ƉŽƵƌ ůĂ ůƵƚƚĞ
ĐŽŶƚƌĞůĂĐƌŝŵŝŶĂůŝƚĠŽƌŐĂŶŝƐĠĞ͕ůĂǀŝŽůĞŶĐĞ͕ĞƚƉŽƵƌů͛ŝŶĐƵůĐĂƚŝŽŶĚĞƐǀĂůĞƵƌƐĚĞůĠŐĂůŝƚĠ͘>ŝďĞƌĂ
est éŐĂůĞŵĞŶƚŝŶƚĞƌǀĞŶƵĞĂƵƐĞŝŶĚ͛ĠĐŽůĞ͕ĞŶ&ƌĂŶĐĞ͕ăů͛ŽĐĐĂƐŝŽŶĚĞĐŽƵƌƐĚ͛ŝƚĂůŝĞŶĚŝƐƉĞŶƐĠƐ
à des élèves, pour les sensibiliser à la fois sur les thématiques précitées, mais aussi sur le fait ƋƵĞůĂŵĂĨŝĂŶ͛ĞƐƚƉĂƐƉƌŽƉƌĞăů͛/ƚĂůŝĞĚƵ^ƵĚ͕ǀŝƐŝŽŶƋƵŝsubsisƚĞůĂƌŐĞŵĞŶƚăů͛ĠƚƌĂŶŐĞƌ͘ Concluons cette recherche, aidés par les mots relativement optimistes de Giovanni Falcone : La mafia est un phénomène humain, et comme tout phénomène hu-­‐
main, elle a un début, une évolution propre et aura nécessairement une fin. :͛ĞƐƉğƌĞƐĞƵůĞŵĞŶƚƋƵĞůĂĨŝŶĚĞůĂŵĂĨŝĂŶĞĐŽŢŶĐŝĚĞƌĂƉĂƐ
ĂǀĞĐĐĞůůĞĚĞů͛ŚŽŵŵĞ͘ | 83 Bibliographie ALAIN Les idées et les âges, Gallimard, 1927 BARTOLDI Caterina ƵĐƈƵƌĚĞůĂŵĂĨŝĂ : l͛ŚŝƐƚŽŝƌĞĚĞCosa Nostra, Jourdan, 2012 BRIQUET Jean-­‐Louis et FARAVEL-­‐GARRIGUES Gilles (directeurs) Milieux Criminels et pouvoir politique ͗ ůĞƐ ƌĞƐƐŽƌƚƐ ŝůůŝĐŝƚĞƐĚĞ ů͛ƚĂƚ, Chapitre 7 « Mafia et société Civile », par SCIARRONE Rocco, Karthala, 2008 CESONI Maria Luisa Criminalité organisée : des représentations sociales aux définitions juridiques, L.G.D.J, 2004 CHAMPEYRACHE Clothilde Quand la mafia se légalise : pour une approche économique institutionnelle, Editions du CNRS, 2016 DICKIE John Cosa Nostra : la mafia sicilienne de 1860 à nos jours, Perrin, 2007 FALCONE Giovanni Cosa Nostra : entretrien avec Marcelle Padovani, La Contre-­‐Allée, 2012 FALCONE Giovanni La posta in gioco : interventi e proposte per la lotta alla mafia, La Contre Allée, 2010 FRANCHETTI Leopoldo et SONNINO Sidney Conditions politiques et administratives de la Sicile (1876), Donzelli, 2000 HEGEL Georg Wilhelm Friedrich Phénoménologie ĚĞů͛ĞƐƉƌŝƚ, (1807), Folio Essais, 2002 SALVATORE Lupo Histoire de la mafia, des origines à nos jours, Flammarion, 1999 MACCAGLIA Fabrizio et MATARD-­‐BONUCCI Marie-­‐Anne Atlas des mafias : acteurs et marchés criminels dans le monde, Autrement, 2014 MARAFIOTI Domenico Metamorfosi del giudice, riflessioni su giustizia e potere, Rubettino Edittore, 2004 | 84 MATTINA Cesare Mutations des ressources clientélaires et construction des notabilités politiques à Marseille (1970-­‐1990). In: Politix, vol. 17, n°67, Troisième trimestre 2004 MOSCA Gaetano Che cosa è la Mafia, Laterza, 2012 SAINT VICTOR (DE) Jacques Un pouvoir invisible : les mafias et la société démocratique, XIXè ʹ XXIè siècle, Gallimard, 2012 SANTINO Umberto Storia del movimento antimafia : dalla lotta di classe all'impegno civile, Editori Riuniti, 2000 SAVIANO Roberto Le combat continue -­‐ Résister à la Mafia et à la corruption, Robert Laffont, 2012 SCARPINATO Roberto et LODATO Saverio Le retour du Prince -­‐ Pouvoir et criminalité, La Contre Allée, 2012 SCIASCIA Leonardo La storia della Mafia, Quaderni Radicali, Janvier ʹ Juin 1991 TESSITORE Giovanni Il nome e la cosa : quando la mafia non si chiamava mafia, Franco Angeli, 1997 THIEL Gilbert Mafias, Fayard, 2014 TURONE Giuliano Il delitto di Associazione Mafiosa, Giuffré Editore, 2008 VIOLANTE Luciano I cittadini, la legge e il giudice, dans Legge Diritto Giustizia, Einaudi, 1998 WEBER Max Le savant et le politique, (1919), 10/18, 2002 | 85 Annexe n° 1 : cartes géographiques163 CĂƌƚĞĚĞů͛/ƚĂůŝĞ | 86 Carte de la zone Ouest de la Sicile, dont Palerme et sa province 163 ͛Ăprès John Dickie, dans Cosa Nostra, La mafia sicilienne de 1860 à nos jours (Cf. Bibliographie). | 87 Annexe n° 2 ͗ŽƌŐĂŶŝŐƌĂŵŵĞƐĚĞů͛ŽƌŐĂŶŝƐĂƚŝŽŶŽƐĂEŽƐƚƌĂ164 Cosca 164 ͛ĂƉƌğƐ&ĂďƌŝnjŝŽDĂĐĐĂŐůŝĂĞƚDĂƌŝĞ-­‐Anne Matard-­‐Bonucci, dans Atlas des mafias : acteurs et marchés criminels dans le monde (Cf. Bibliographie). | 88 Annexe n°3 : intervention de Rorberto Scarpinato, le 19 juillet 2012, à la céré-­‐
ŵŽŶŝĞĚĞĐŽŵŵĠŵŽƌĂƚŝŽŶĚĞƐǀŝŶŐƚĂŶƐĚĞů͛ĂƐƐĂƐƐŝŶĂƚĚĞWĂŽůŽŽƌƐĞůůŝŶŽ Caro Paolo, Oggi siamo qui a commemorarti in forma privata perché più trascorrono gli anni e più diventa imbarazzante il 23 maggio ed il 19 luglio partecipare alle cerimonie ufficiali che ricordano le stragi di Capaci e di ǀŝĂ͛ŵĞůŝŽ͘ Stringe il cuore a vedere talora tra le prime file, nei posti riservati alle autorità, anche personaggi la cui condotta di vita sembra essere la negazione stessa di quei valori di giustizia e di legalità per i quali tu ti sei fatto uccidere; personaggi dal passato e dal presente equivoco le cui vite ʹ per usare le tue parole ʹ emanano quel puzzo del compromesso morale che tu tanto aborrivi e che si contrappone al fresco profumo della libertà. E come se non bastasse, Paolo, intorno a costoro si accalca una corte di anime in livrea, di piccoli e grandi maggiordomi del potere, di questuanti pronti a piegare la schiena e abarattare ů͛ĂŶŝŵĂ in cambio di promozioni in carriera o ĚĞůů͛ĂĐĐĞƐƐŽĂůŵŽŶĚŽĚŽƌĂƚŽĚĞŝĨĂĐŝůŝ privilegi. Se fosse possibile verrebbe da chiedere a tutti loro di farci la grazia di restarsene a casa il 19 luglio, di concederci un giorno di tregua dalla loro presenza. Ma, soprattutto, verrebbe da chiedere che almeno ci facessero la grazia di tacere, perché pronunciate da loro, parole come Stato, legalità, giustizia, perdonosenso, si riducono a retorica stantia, a gusci vuoti e rinsecchiti. sŽŝĐŚĞĂŶƵůů͛ĂůƚƌŽĐƌĞĚĞƚĞƐĞŶŽŶĂůůĂƌĞůŝŐŝŽŶĞ
del potere e del denaro, e voi che non siete capaci di innalzarvi mai al di sopra dei vostri piccoli interessi personali, il 19 luglio tacete, perché questo giorno è dedicato al ricordo di un Cher Paolo, Nous sommes réunis ici aujourd'hui en privé pour rendre hommage à ta mémoire, car plus les années passent et plus il devient embarrassant de participer aux cérémonies officielles en sou-­‐
venir des massacres de Capaci et de via D'Ame-­‐
lio, des 23 mai et 19 juillet. >ĞĐƈƵƌƐĞƐĞƌƌĞƉĂƌĨŽŝƐĞŶǀŽLJĂŶƚĂƵdžƉƌĞŵŝĞƌƐ
rangs, aux places réservées aux autorités, des personnages dont la conduite semble être la né-­‐
gation même des valeurs de justice et de légalité pour ůĞƐƋƵĞůůĞƐ ŽŶ ƚ͛Ă ĂƐƐĂƐƐŝŶĠ͘ ĞƐ ƉĞƌƐŽŶͲ
nages au passé et au présent équivoques dont les vies dégagent ʹ pour utiliser tes mots ʹ cette puanteur du compromis moral que tu exécrais tellement et qui s͛oppose au frais parfum de la liberté. Et comme si cela n'était pas suffisant, Paolo, au-­‐
tour de ces personnages se presse une foule de courtisans, de petits et grands majordomes du pouvoir, de quémandeurs prêts à courber ů͛ĠĐŚŝŶĞĞƚăǀĞŶĚƌĞůĞƵƌąŵĞƉŽƵƌƵŶ ĂǀĂŶĐĞͲ
ment de carrière ou un accès facile au monde des privilèges. Si cela était possible, on aimerait demander à tous ces gens de nous faire la grâce de rester chez eux le 19 juillet, de nous octroyer un jour de trêve en nous épargnant leur présence. Mais surtout, on aimerait leur demander de nous faire au moins la grâce de se taire, car dans leur bouche des mots comme État, légalité et jus-­‐
tice perdent de leur sens et se réduisent à de la rhétorique rance, à des coquilles vides. Vous qui ne croyez à rien si ce n'est à la religion du pouvoir et de l'ĂƌŐĞŶƚ͕ĞƚƋƵŝŶ͛ġƚĞƐƉĂƐĐĂͲ
pables de vous élever au-­‐dessus de vos petits in-­‐
térêts personnels, taisez-­‐vous le 19 juillet, car ce | 89 uomo che sacrificò la propria vita perché parole come Stato, come Giustizia, come Legge acquistassero finalmente un significato e un valore nuovo in questo nostro povero e disgraziato paese. Un paese nel quale per troppi secoli la legge è stata solo la voce del padrone, la voce di un potere forte con i deboli e debole con i forti. Un paese nel quale lo Stato non era considerato credibile e rispettabile perché agli occhi dei cittadini si manifestava solo con i volti impresentabili di deputati, senatori, ministri, presidenti del consiglio, prefetti, e tanti altri che con la mafia avevano scelto di convivere o, peggio, grazie alla mafia avevano costruito carriere e fortune. Sapevi bene Paolo che questo era il problema dei problemi e non ti stancavi di ripeterlo ai ragazzi nelle scuole e nei dibattiti, come quando il 26 gennaio 1989 agli studenti di Bassano del Grappa ripetesti: ͞>Ž^ƚĂƚŽŶŽŶƐŝƉƌĞƐĞŶƚĂĐŽŶ
ůĂĨĂĐĐŝĂƉƵůŝƚĂ͙ŚĞĐŽƐĂƐŝğĨĂƚƚŽƉĞƌĚĂƌĞĂůůŽ
^ƚĂƚŽ͙ hŶĂ ŝŵŵĂŐŝŶĞ ĐƌĞĚŝďŝůĞ͍͙ >Ă ǀĞƌĂ
ƐŽůƵnjŝŽŶĞƐƚĂŶĞůů͛ŝŶǀŽĐĂƌĞ͕ŶĞůůĂǀŽƌĂƌĞĂĨĨŝŶĐŚĠ
lo Stato diventi più credibile, perché noi ci dobbiamo identificare di più in queste ŝƐƚŝƚƵnjŝŽŶŝ͘͟ E a un ragazzo che ti chiedeva se ti sentivi protetto dallo Stato e se avessi fiducia nello Stato, rispondesti: ͞EŽ͕ŝŽŶŽŶŵŝƐĞŶƚŽƉƌŽƚĞƚƚŽ
dallo Stato perché quando la lotta alla mafia viene delegata solo alla magistratura e alle forze ĚĞůů͛ordine, non si incide sulle cause di questo ĨĞŶŽŵĞŶŽ ĐƌŝŵŝŶĂůĞ͘͟ E proprio perché eri consapevole che il vero problema era restituire credibilità allo Stato, hai dedicato tutta la vita a questa missione. Nelle cerimonie pubbliche ti ricordano soprattutto come un grande magistrato, come ů͛ĂƌƚĞĨŝĐĞ
ŝŶƐŝĞŵĞ
Ă Giovanni Falcone del maxiprocesso che distrusse il mito della invincibilità della mafia e riabilitò la potenza dello Stato. Ma tu e Giovanni siete stati molto di più che dei magistrati esemplari. Siete stati soprattutto straordinari creatori di senso. jour est dédié au souvenir d'un homme qui a sa-­‐
crifié sa vie pour que des mots comme État, Jus-­‐
tice et Loi aient enfin un sens et une valeur dans notre pauvre et malheureux pays. Un pays dans lequel, pendant trop de siècles, la loi a été uniquement la voix du patron, la voix d'un pouvoir fort avec les faibles et faible avec les forts. hŶƉĂLJƐĚĂŶƐůĞƋƵĞůů͛ƚĂƚŶ'était ni cré-­‐
dible ni respectable parce qu'il se manifestait aux yeux des citoyens sous les traits de députés, sénateurs, ministres, présidents du conseil, pré-­‐
fets et tant d'autres qui avaient choisi de coha-­‐
biter avec la mafia, ou qui, pire encore, avaient bâti carrières et fortunes grâce à la mafia. Tu savais bien, Paolo, que ceci était le problème des problèmes et tu ne te lassais pas de le répé-­‐
ter lors des interventions dans les écoles, comme ce 26 janvier 1989 aux étudiants de Bas-­‐
sano del Grappa : ͨ >͛ƚĂƚ ŶĞ ƐĞ ƉƌĠƐĞŶƚĞ ƉĂƐ
avec un visage propre. Qu'a-­‐t-­‐on fait pour don-­‐
ŶĞƌăů͛ƚĂƚƵŶĞŝŵĂŐĞĐƌĠĚŝďůĞ ? La vraie solution ƉĂƐƐĞƉĂƌůĞƚƌĂǀĂŝů͕ĂĨŝŶƋƵĞů͛ƚĂƚŐĂŐŶĞĞŶĐƌĠͲ
dibilité, car nous devons nous reconnaître da-­‐
vantage dans ces institutions ». Et à un élève qui te demandait si tu te sentais proƚĠŐĠƉĂƌů͛ƚĂƚ͕ƚƵĂǀĂŝƐƌĠƉŽŶĚƵ : « Non, je ŶĞŵĞƐĞŶƐƉĂƐƉƌŽƚĠŐĠƉĂƌů͛ƚĂƚĐĂƌůŽƌƐƋƵĞůĂ
lutte contre la mafia est uniquement déléguée aux forces de l'ordre et à la magistrature, on Ŷ͛ĂŐŝƚƉĂƐƐƵƌůĞƐĐĂƵƐĞƐĚĞĐĞƉŚĠŶŽŵğŶĞĐƌŝŵŝͲ
nel ». Et puisque tu étais conscient que le vrai problème consistait à redonner une crédibilité à ů͛ƚĂƚ͕ ƚƵ ĂƐ ĐŽŶƐĂĐƌĠ ƚŽƵƚĞ ƚĂ ǀŝĞ ă ĐĞƚƚĞ ŵŝƐͲ
sion. Dans les cérémonies publiques, on se souvient ĚĞ ƚŽŝ ƐƵƌƚŽƵƚ ĐŽŵŵĞ Ě͛ƵŶ ŐƌĂŶĚ ŵĂŐŝƐƚƌĂƚ͕
l'auteur, avec Giovanni Falcone, du maxi procès qui a détruit le mythe de l'invincibilité de la ma-­‐
ĨŝĂĞƚƌĠŚĂďŝůŝƚĠůĂƉƵŝƐƐĂŶĐĞĚĞů͛ƚĂƚ͘ Mais toi et Giovanni avez surtout été d'extraordinaires créateurs de sens. | 90 Avete compiuto la missione storica di restituire lo Stato alla gente, perché grazie a voi e a uomini come voi per la prima volta nella storia di questo paese lo Stato si presentava finalmente agli occhi dei cittadini con volti credibili nei quali era possibile identificarsi ed acquistava senso dire ͞>Ž ^ƚĂƚŽ ƐŝĂŵŽ ŶŽŝ͘͟ Ci avete insegnato che per costruire insieme quel grande Noi che è lo Stato democratico di diritto, occorre che ciascuno ritrovi e coltivi la capacità di innamorarsi del destino degli altri. Nelle pubbliche cerimonie ti ricordano come esempio del senso del dovere. Ti sottovalutano, Paolo, perché la tua lezione umana è stata molto più grande. Ci hai insegnato che il senso del dovere è poca cosa se si riduce a distaccato adempimento burocratico dei propri compiti e a obbedienza gerarchica ai superiori. Ci hai detto chiaramente che se tu restavi al tuo posto dopo la strage di Capaci sapendo di essere condannato a morte, non era per un astratto e militaresco senso del dovere, ma per amore, per umanissimo amore. Lo hai ripetuto la sera del 23 giugno 1992 mentre commemoravi Giovanni, Francesca,Vito Schifani, Rocco Dicillo e Antonio Montinaro. Parlando di Giovanni dicesti: ͞WĞƌĐŚĠ ŶŽŶ ğ ĨƵŐŐŝƚŽ͕ ƉĞƌĐŚĠ ŚĂ
accettato questa tremenda situazione, perché mai si è turbato, perché è stato sempre pronto a rispondere a chiunque della speranza che era in lui? Per amore! La sua vita è stata un atto di amore verso questa sua città, verso questa terra ĐŚĞůŽŚĂŐĞŶĞƌĂƚŽ͘͟ Questo dicesti la sera del 23 giugno 1992, Paolo, parlando di Giovanni, ma ora sappiamo che in quel momento stavi parlando anche di te stesso e ci stavi comunicando che anche la tua scelta di non fuggire, di accettare la tremenda situazione nella quale eri precipitato, era una scelta Ě͛ĂŵŽƌĞƉĞƌché ti sentivi chiamato a rispondere della speranza che tutti noi riponevamo in te dopo la morte di Giovanni. Vous avez accompli la mission historique de ƌĞŶĚƌĞů͛ƚĂƚĂƵdžŐĞŶƐ͕ĐĂƌĐ'est grâce à vous et à des hommes comme vous que, pour la pre-­‐
mière fois dans l'ŚŝƐƚŽŝƌĞĚĞŶŽƚƌĞƉĂLJƐ͕ů͛ƚĂƚƐĞ
présentait sous des traits crédibles auxquels il était possible de s'ŝĚĞŶƚŝĨŝĞƌ͕ĞƚĚŝƌĞ͞>͛ƚĂƚĐ͛ĞƐƚ
ŶŽƵƐ͟ ƉƌĞŶĂŝƚ ĚƵ ƐĞŶƐ͘ sŽƵƐ ŶŽƵƐ ĂǀĞnj ĂƉƉƌŝƐ
que, pour construire ensemble ce grand Nous ƋƵŝĞƐƚů͛ƚĂƚĚĠŵŽĐƌĂƚŝƋƵĞĚe droit, il est néces-­‐
saire que chacun retrouve et cultive la capacité de tomber amoureux de la destinée des autres. Lors des cérémonies publiques, on se souvient ĚĞƚŽŝĐŽŵŵĞĚ͛ƵŶĞdžĞŵƉůĞĚƵƐĞŶƐĚĞĚĞǀŽŝƌ͘ Ils te sous-­‐estiment Paolo, car tu nous as appris quelque chose de beaucoup plus grand. Tu nous as appris que le sens du devoir est peu de chose s'il est réduit à une exécution détachée et bu-­‐
ƌĞĂƵĐƌĂƚŝƋƵĞĚĞŶŽƐƉƌŽƉƌĞƐƚąĐŚĞƐĞƚăů͛ŽďĠŝƐͲ
sance à nos supérieurs. Tu nous as clairement dit que si tu restais à ta place après le massacre de Capaci, tout en te sachant condamné à mort, ce n'était pas par sens du devoir abstrait et mili-­‐
taire, mais par amour. Tu l'as répété le soir du 23 juin 1992 en rendant hommage à Giovanni, Francesca, Vito Schifani, Rocco Dicillo et Antonio Montinaro. À propos de Giovanni tu avais dit : ͨ WŽƵƌƋƵŽŝ Ŷ͛ĞƐƚ-­‐il pas parti, pourquoi a-­‐t-­‐il accepté cette terrible situa-­‐
tion, pourquoi a-­‐t-­‐il toujours été prêt à répondre ĚĞůΖĞƐƉŽŝƌƋƵ͛ŽŶŵĞƚƚĂŝƚĞŶůƵŝ ? Par amour ! Sa vie a été un acte d'amour envers cette ville, en-­‐
ǀĞƌƐĐĞƚƚĞƚĞƌƌĞƋƵŝů͛ĂĞŶŐĞŶĚƌĠͩ͘ Voilà ce que tu avais dit le soir du 23 juin 1992, Paolo, en parlant de Giovanni, mais maintenant ŶŽƵƐƐĂǀŽŶƐƋƵ͛ăĐĞŵŽŵĞŶƚ-­‐là tu parlais aussi de toi, tu nous communiquais ton choix de ne pas partir, d'accepter la situation terrible dans laquelle tu étais précipité, c'était un choix d'amour, car tu pensais devoir répondre de l'es-­‐
poir que nous tous avions en toi, après la mort de Giovanni. | 91 Ti caricammo e ti caricasti di un peso troppo grande: quello di reggere da solo sulle tue spalle la credibilità di uno Stato che dopo la strage di Capaci sembrava cadere in pezzi, di uno Stato in ginocchio ed incapace di reagire. Sentisti che quella era divenuta la tua ultima missione e te lo sentisti ripetere il 4 luglio 1992, quando pochi giorni prima di morire, i tuoi sostituti della Procura di Marsala ti scrissero: ͞>Ă
morte di Giovanni e di Francesca è stata per tutti ŶŽŝƵŶƉŽ͛ĐŽŵĞůĂŵŽƌƚĞĚĞůůŽ^ƚĂƚŽŝŶƋƵĞƐƚĂ
Sicilia. Le polemiche, i dissidi, le contraddizioni ĐŚĞĐ͛ĞƌĂŶŽƉƌŝŵĂĚŝƋƵĞƐƚŽƚƌĂŐŝĐŽĞǀĞŶƚŽĞĐŚĞ͕
immancabilmente, si sono ripetute anche dopo, ci fanno pensare troppo spesso che non ce la faremo, che lo Stato in Sicilia è contro lo Stato e che non puoi fidarti di nessuno. Qui il tuo compito personale, ma sai bene che non abbiamo molti altri interlocutori: sii la nostra ĨŝĚƵĐŝĂŶĞůůŽ^ƚĂƚŽ͘͟ Missione doppiamente compiuta, Paolo. Se riuscito con la tua vita a restituire nuova vita a parole come Stato e Giustizia, prima morte perché private di senso. E sei riuscito con la tua morte a farci capire che una vita senza la forza ĚĞůů͛ĂŵŽƌĞ ğ ƵŶĂ ǀŝƚĂ ƐĞŶnjĂ ƐĞŶƐŽ͖ ĐŚĞ ŝŶ ƵŶĂ
società del disamore nella quale dove ciò che conta è solo la forza del denaro ed il potere fine a se stesso, non ha senso parlare di Stato e di Giustizia e di legalità. E dunque per tanti di noi è stato un privilegio conoscerti personalmente e apprendere da te questa straordinaria lezione che ancora oggi nutre la nostra vita e ci ha dato la forza necessaria per ricominciare quando dopo la ƐƚƌĂŐĞ Ěŝ ǀŝĂ ͛ŵĞůŝŽ ƐĞŵďƌĂǀĂ ʹ come disse Antonino Caponnetto tra le lacrime ʹ che tutto fosse ormai finito. Ed invece Paolo, non era affatto finita e non è finita. Come quando nel corso di una furiosa battaglia viene colpito a morte chi porta in alto il vessillo della patria, così noi per essere degni di indossare la tua stessa toga, abbiamo raccolto il vessillo che tu avevi sino ad allora portato in alto, perché non finisse nella polvere e sotto le Nous t'avons chargé et tu t'es chargé d'un poids trop grand : porter seul sur tes épaules la crédi-­‐
bilité d'un État qui, après le massacre de Capaci, semblait tomber en morceaux, d'un État à ge-­‐
noux et incapable de réagir. Tu as senti que cette mission était devenue ton ultime mission et on te l'a répété le 4 juillet 1992 lorsque, quelques jours avant ta mort, tes subs-­‐
ƚŝƚƵƚƐĚƵƉĂƌƋƵĞƚĚĞDĂƌƐĂůĂƚ͛ŽŶƚĂĚƌĞƐƐĠĐĞƐ
mots : « ... la mort de Giovanni et Francesca a ĠƚĠƉŽƵƌŶŽƵƐƚŽƵƐĐŽŵŵĞůĂŵŽƌƚĚĞů͛ƚĂƚĚĂŶƐ
notre Sicile. Les polémiques, les conflits, les con-­‐
tradictions qui existaient avant ce tragique évé-­‐
nement et qui se sont répétées après nous font penser trop souvent que nous n'y arriverons pas, ƋƵĞů͛ƚĂƚĞŶ^ŝĐŝůĞĞƐƚĐŽŶƚƌĞů͛ƚĂƚĞƚƋƵĞů͛ŽŶŶĞ
peut faire confiance à personne. Voici ton devoir personnel, mais tu sais bien que nous n'avons pas beaucoup d'autres interlocuteurs : sois notre confiance en l'État ». Mission doublement accomplie Paolo. Tu as ré-­‐
ussi avec ta vie à donner une nouvelle vie à des mots comme État et Justice, mots morts car pri-­‐
vés de sens. Et, avec ta mort, tu as réussi à nous faire comprendre qu'une vie sans la force de l'amour est une vie dénuée de sens ; que dans une société du désamour, où seuls comptent l'argent et le pouvoir en soi, parler d'État, de Jus-­‐
tice et de Légalité n'a pas de sens. Pour beaucoup d'entre nous ce fut un privilège ĚĞ ƚĞ ĐŽŶŶĂŠƚƌĞ ƉĞƌƐŽŶŶĞůůĞŵĞŶƚ Ğƚ Ě͛ĂƉͲ
prendre de toi cette extraordinaire leçon qui au-­‐
jourd'hui encore nourrit notre vie et nous a donné la force nécessaire pour recommencer quand, après le massacre de via d'Amelio, il sem-­‐
blait Ͷ comme Antonino Caponnetto l'avait dit en pleurant Ͷ que tout était désormais fini. Mais non, Paolo, ce n'était pas fini et ça ne l'est toujours pas. Ainsi, comme au cours d'une ba-­‐
taille est frappé à mort celui qui porte haut le drapeau de la patrie, nous, pour être dignes de porter ta toge, avons repris le drapeau que tu avais porté haut afin qu'il ne finisse pas dans la poussière et sous les gravats où ceux qui étaient | 92 macerie. Sotto le macerie dove invece erano disposti a seppellirlo quanti mentre il tuo sangue non si era ancora asciugato, trattavano segretamente la resa dello Stato al potere mafioso alle nostre spalle e a nostra insaputa. Abbiamo portato avanti la vostra costruzione di senso e la vostra forza è divenuta la nostra forza sorretta dal sostegno di migliaia di cittadini che in quei giorni tremendi riempirono le piazze, le vie, circondarono il palazzo di giustizia facendoci sentire che non eravamo soli. E così Paolo, ci siamo spinti laddove voi eravate stati fermati e dove sareste certamente arrivati se non avessero prima smobilitato il pool antimafia, poi costretto Giovanni ad andar via da Palermo ed infine non vi avessero lasciato morire. Abbiamo portato sul banco degli imputati e abbiamo processato gli intoccabili: presidenti del Consiglio, ministri, parlamentari nazionali e regionali, presidenti della Regione siciliana, vertici dei Servizi segreti e della Polizia, alti ŵĂŐŝƐƚƌĂƚŝ͕ĂǀǀŽĐĂƚŝĚŝŐƌŝĚŽĚĂůůĞƉĂƌĐĞůůĞĚ͛ŽƌŽ͕
ƉĞƌƐŽŶĂŐŐŝ Ěŝ ǀĞƌƚŝĐĞ ĚĞůů͛ĞĐŽŶŽŵŝĂ Ğ ĚĞůůĂ
finanza e molti altri. Uno stuolo di sepolcri imbiancati, un popolo di colletti bianchi che hanno frequentato le nostre stesse scuole, che affollano i migliori salotti, che nelle chiese si battono il petto dopo avere partecipato a summit mafiosi. Un esercito di piccoli e grandi Don Rodrigo senza la cui protezione i Riina,i Provenzano sarebbero stati nessuno e mai avrebbero osato sfidare lo Stato, uccidere i suoi rappresentanti e questo paese si sarebbe liberato dalla mafia da tanto tempo. Ma, caro Paolo, tutto questo nelle pubbliche cerimonie viene rimosso come se si trattasse di uno spinoso affare di famiglia di cui è sconveniente parlare in pubblico. Così ai ragazzi che non erano ancora nati nel 1992 quando voi morivate, viene raccontata la favola che la mafia è solo quella delle estorsioni e del traffico di stupefacenti. prêts à l'enterrer négociaient, à notre insu, la ƌĞĚĚŝƚŝŽŶĚĞů͛ƚĂƚĂƵƉŽƵǀŽŝƌŵĂĨŝĞƵdžĂůŽƌƐƋƵĞ
ton sang n'était pas encore séché. Nous avons continué votre construction de sens et votre force est devenue notre force, soute-­‐
nue par des milliers de citoyens qui, pendant ces jours terribles, ont rempli les places, les rues, ont entouré le palais de justice en nous faisant sentir à quel point nous n'étions pas seuls. Et ainsi, Paolo, nous sommes arrivés là où toi et Giovanni aviez été arrêtés et où vous seriez cer-­‐
tainement arrivés, si on n'avait pas d'abord dé-­‐
mobilisé le pool antimafia, obligé ensuite Gio-­‐
vanni à quitter Palerme et enfin, si on ne vous avait pas laissé mourir. Nous avons mené sur le banc des accusés et nous avons jugé les intouchables : présidents du conseil, ministres, parlementaires nationaux et régionaux, présidents de la Sicile, avocats re-­‐
nommés, personnalités au sommet de l'écono-­‐
mie et de la finance et beaucoup d'autres en-­‐
core. Un cortège de sépulcres blanchis, un peuple de cols blancs qui ont fréquenté nos écoles, qui remplissent les meilleurs salons, qui, dans les églises, se frappent la poitrine après avoir parti-­‐
cipé à des réunions mafieuses. Une armée de petits et grands Don Rodrigue sans la protection desquels les Riina, les Provenzano n'auraient été ƉĞƌƐŽŶŶĞĞƚũĂŵĂŝƐŶΖĂƵƌĂŝĞŶƚŽƐĠĚĠĨŝĞƌů͛ƚĂƚ͕
tuer ses représentants. Sans eux, ce pays aurait été libéré de la mafia depuis longtemps. Mais, cher Paolo, tout ceci, dans les cérémonies publiques, est refoulé comme s'il s'agissait d'une ĠƉŝŶĞƵƐĞĂĨĨĂŝƌĞĚĞĨĂŵŝůůĞƋƵ͛ŝůƐĞƌĂŝƚƉƌĠĨĠƌĂďůĞ
de taire en public. Ainsi, aux jeunes qui n'étaient pas encore nés en 1992, au moment de votre mort, on raconte que la mafia est uniquement celle du racket et du trafic de stupéfiants. | 93 Si racconta che la mafia è costituita solo da una piccola minoranza di criminali, da personaggi come Riina e Provenzano. Si racconta che personaggi simili, ex villici che non sanno neppure esprimersi in un italiano, da soli hanno tenuto sotto scacco per un secolo e mezzo la nostra terra e che essi da soli osarono sfidare lo Stato nel 1992 e nel 1993 ideando e attuando la strategia stragista di quegli anni. Ora sappiamo che questa non è tutta la verità. E sappiamo che fosti proprio tu il primo a capire che dietro i carnefici delle stragi, dietro i tuoi assassini si celavano forze oscure e potenti. E per questo motivo ti sentisti tradito, e per questo motivo ti si gelò il cuore e ti sembrò che lo Stato, quello Stato che nel 1985 ti aveva salvato dalla morte portandoti nel carcere ĚĞůů͛ƐŝŶĂƌĂ͕ ƋƵĞƐƚĂ ǀŽůƚĂ ŶŽŶ ĞƌĂ ŝŶ ŐƌĂĚŽ Ěŝ
proteggerti, o, peggio, forse non voleva proteggerti. Per questo dicesti a tua moglie Agnese: ͞Dŝ
ucciderà la mafia, ma saranno altri che mi faranno uccidere, la mafia mi ucciderà quando Ăůƚƌŝ ůŽ ĐŽŶƐĞŶƚŝƌĂŶŶŽ͘͟ Quelle forze hanno continuato ad agire Paolo anche dopo la tua morte per cancellare le tracce della loro presenza. E per tenerci nascosta la verità, è stato fatto di tutto e di più. WŽĐŚŝŵŝŶƵƚŝĚŽƉŽ ů͛ĞƐƉůŽƐŝŽŶĞŝŶsŝĂ͛ŵĞůŝŽ
mentre tutti erano colti dal panico e il fumo oscurava la vista, hanno fatto sparire la tua agenda rossa perché sapevano che leggendo quelle pagine avremmo capito quel che tu avevi capito. Hanno fatto sparire tutti i documenti che si trovavano nel covo di Salvatore Riina dopo la sua cattura. Hanno preferito che finissero nella mani dei mafiosi piuttosto che in quelle dei magistrati. Hanno ingannato i magistrati che indagavano sulla strage con falsi collaboratori ai quali hanno fatto dire menzogne. Ma nonostante siano ancora forti e potenti, cominciano ad avere paura. On raconte que la mafia est seulement compo-­‐
sée d'une petite minorité de criminels, de per-­‐
sonnages comme Riina et Provenzano. On ra-­‐
conte que ces personnes, ex-­‐paysans qui ne sa-­‐
vent même pas s'exprimer correctement en ita-­‐
lien, ont seuls maintenu notre terre sous leur joug durant un siècle et demi et que seuls, ils ont ŽƐĠĚĠĨŝĞƌů͛ƚĂƚĞŶϭϵϵϮĞƚϭϵϵϯĞŶĐŽŶĐĞǀĂŶƚ
ĞƚĞŶŵĞƚƚĂŶƚĞŶƈƵǀƌĞůĂƐƚƌĂƚĠŐŝĞŵĞƵƌƚƌŝğƌĞ
de ces années-­‐là. Nous savons maintenant que ceci n'est pas toute la vérité. Nous savons que tu as été le premier à com-­‐
prendre que derrière la main du bourreau, der-­‐
rière tes assassins, se cachaient des forces obs-­‐
cures et puissantes. Et pour cette raison, tu t'es ƐĞŶƚŝ ƚƌĂŚŝ͕ ƉŽƵƌ ĐĞƚƚĞ ƌĂŝƐŽŶ ƚŽŶ ĐƈƵƌ ƐΖĞƐƚ
ƐĞƌƌĠĞƚŝůƚΖĂƐĞŵďůĠƋƵĞů͛ƚĂƚ͕ĐĞƚƚĂt qui en 1985 t'avait sauvé de la mort en t'emmenant dans la prison de l'Asinara, cette fois-­‐ci ne pou-­‐
vait pas te protéger, ou pire, ne voulait peut-­‐
être pas te protéger. C'est pour cela que tu as confié à ta femme Agnese : "La mafia me tuera, mais ce seront d'autres qui me feront tuer, la mafia me tuera quand d'autres y consentiront". Ces forces ont continué à agir même après ta mort pour effacer les traces de leur présence. Et pour nous cacher la vérité, on a fait tout ce qui était possible. Quelques minutes après l'explosion dans la via d'Amelio, alors que tout le monde était pris de panique, la fumée empêchant de voir, ils ont fait disparaître ton agenda rouge parce qu'ils sa-­‐
vaient qu'en lisant ces pages, nous aurions com-­‐
pris ce que tu avais compris. Ils ont fait disparaître tous les documents qui se trouvaient dans la tanière de Riina après sa cap-­‐
ture. Ils ont préféré les laisser entre les mains des mafieux plutôt que dans celles des magis-­‐
trats. Ils ont menti aux magistrats qui enquê-­‐
taient sur ton assassinat à l'aide de faux collabo-­‐
rateurs auxquels ils ont fait dire des mensonges. Mais même s'ils sont encore forts et puissants, ils commencent à avoir peur. | 94 Le loro notti si fanno sempre più insonni e angosciose, perché hanno capito che non ci fermeremo, perché sanno che è solo questione di tempo. Sanno che riusciremo a scoprire la verità. Sanno che uno di questi giorni alla porta delle loro lussuosi palazzi busserà lo Stato, il vero Stato quello al quale tu e Giovanni avete dedicato le vostre vite e la vostra morte. Leurs nuits se font de plus en plus agitées et an-­‐
goissées, parce qu'ils ont compris que nous ne nous arrêterons pas, parce qu'ils savent que ce n'est qu'une question de temps. Ils savent que nous arriverons à découvrir la vérité. Ils savent ƋƵĞ͕ ƵŶ ũŽƵƌ ŽƵ ů͛ĂƵƚƌĞ͕ ă ůĂ ƉŽƌƚĞ ĚĞ ůĞƵƌƐ
luxueuses ŵĂŝƐŽŶƐ͕ĨƌĂƉƉĞƌĂ ů͛ƚĂƚ͕ ůĞ ǀĠƌŝƚĂďůĞ
État auquel toi et Giovanni avez dédié vos vies et votre mort. Et ils savent que ce jour-­‐là, ƋƵ͛ils seront nus de-­‐
vant la vérité et la justice qu'ils avaient cru pou-­‐
ǀŽŝƌ ƉŝĠƚŝŶĞƌ͕ ƋƵ͛ŝůƐ ƐĞƌŽŶƚ ĂƉƉĞůĠƐ ă ƌĞŶĚƌĞ
compte de leur cruauté et de leur bassesse de-­‐
vant la nation. E sanno che quel giorno saranno nudi dinanzi alla verità e alla giustizia che si erano illusi di calpestare e saranno chiamati a rendere conto della loro crudeltà e della loro viltà dinanzi alla Nazione. dƌĂĚƵĐƚŝŽŶĚ͛ŶŶĂZŝnjnjĞůůŽ͕ĂǀĞĐůĂƉĂƌƚŝĐŝƉĂƚŝŽŶĚĞDĂƌŝĞůůĞ>ĞƌŽLJĞƚ:ƵůŝĞŶKƌĂŶŐĞ͕ĞƚŵŽĚŝĨŝĐĂͲ
tions personnelles. | 95 Annexe n°4 : discours du juge Antonino Caponnetto à la cérémonie de fu-­‐
nérailles de Paolo Borsellino, le 24 juillet 1992 Queste sono le parole di un vecchio ex magistrato che e' venuto nello spazio di due mesi due volte a Palermo con il cuore a pezzi a portare l'ultimo saluto ai suoi figli, fratelli e amici con i quali ho diviso anni di lavoro di sacrificio di gioia, anche di amarezza. Soltanto poche parole per un ricordo, per un doveroso atto di contrizione che poi vi diro' e per una preghiera laica ma fervente. Il ricordo e' per l'amico Paolo, per la sua generosita', per la sua umanita', per il coraggio con cui ha affrontato la vita e con cui e' andato incontro alla morte annunciata, per la sua radicata fede cattolica, per il suo amore immenso portato alla famiglia e agli amici tutti. Era un dono naturale che Paolo aveva, di spargere attorno a se' amore. Mi ricordo ancora il suo appassionato e incessante lavoro, divenuto frenetico negli ultimi tempi, quasi che egli sentisse incombere la fine. Ognuno di noi e non solo lo Stato gli e' debitore; ad ognuno di noi egli ha donato qualcosa di prezioso e di raro che tutti conserveremo in fondo al cuore, e a me in particolare mancheranno terribilmente quelle sue telefonate che invariabilmente concludeva con le parole: "Ti voglio bene Antonio" ed io replicavo "Anche io ti voglio bene Paolo". C'e' un altro peso che ancora mi opprime ed e' il rimorso per quell'attimo di sconforto e di debolezza da cui sono stato colto dopo avere posato l'ultimo bacio sul viso ormai gelido, ma Voici les mots d'un vieux magistrat, qui est venu, en l'espace de deux mois, deux fois à Palerme ĂǀĞĐůĞĐƈƵƌďƌŝƐĠ͕ƉŽur porter un ultime salut à ses fils, frères et amis avec lesquels j'ai partagé des années de travail, de sacrifice et de joie, mais aussi d'amertume. Ces quelques mots, juste pour se rappeler, pour un acte de contrition dont je vous parlerai, et pour une prière laïque mais fer-­‐
vente. Mon souvenir va à l'ami Paolo, à sa générosité, à son humanité, le courage avec lequel il a affronté la vie et avec lequel il est allé à l'encontre d'une mort annoncée, pour sa foi catholique enraci-­‐
née, pour l'amour immense qu'il portait à sa fa-­‐
mille et à tous ses amis. Paolo avait un don natu-­‐
rel, celui de diffuser de l'amour autour de lui. Je me rappelle encore son travail incessant et pas-­‐
sionné, devenu frénétique dans les derniers temps, comme s'il sentait la fin arriver. Chacun de nous, et pas seulement l'Etat, lui doit quelque chose. À chacun de nous, il a donné quelque chose de précieux et de rare que nous ŐĂƌĚĞƌŽŶƐ ƚŽƵƐ ĂƵ ĨŽŶĚ ĚƵ ĐƈƵƌ͘ WĞƌƐŽŶŶĞůůĞͲ
ment, ses coups de téléphone, qu'il finissait inva-­‐
riablement par "je t'aime, Antonio"165, me man-­‐
queront terriblement. Moi, je répondais "moi aussi, je t'aime, Paolo". Un autre poids m'oppresse plus encore : c'est le remords pour ce moment de découragement et de faiblesse que j'ai eue après avoir embrassé, pour la dernière fois, le visage alors gelé, mais toujours serein, de Paolo. Aucun de nous, et moi 165 >͛ĞdžƉƌĞƐsion « ti voglio bene » ne trouvant pas de traduction idéale en français, elle a été traduite par « ũĞƚ͛ĂŝŵĞ ». /ůƐ͛ĂŐŝƚĚ͛ƵŶͨ ũĞƚ͛ĂŝŵĞ ͩĂŵŝĐĂůŽƵĨƌĂƚĞƌŶĞů͕ů͛ĞdžƉƌĞƐƐŝŽŶŽƌŝŐŝŶĞůůĞƐŝŐŶŝĨŝĂŶƚ͕ůŝƚƚĠƌĂůĞŵĞŶƚͨ je te veux du bien ». | 96 ancora sereno, di Paolo. Nessuno di noi, e io meno di chiunque altro, puo' dire che ormai tutto e' finito. Pensavo in quel momento di desistere dalla lotta contro la delinquenza mafiosa, mi sembrava che con la morte dell'amico fraterno tutto fosse finito. Ma in un momento simile, in un momento come questo coltivare un pensiero del genere, e me ne sono subito convinto, equivale a tradire la memoria di Paolo come pure quella di Giovanni e di Francesca. In questi pochi giorni di dolore trascorsi a Palermo che io vi confesso non vorrei lasciare piu', ho sentito in gran parte della popolazione la voglia di liberarsi da questa barbara e sanguinosa oppressione che ne cancella i diritti piu' elementari e ne vanifica la speranza di rinascita. E da qui nasce la mia preghiera dicevo laica ma fervente e la rivolgo a te, presidente, che da tanto tempo mi onori della tua amicizia, che e' stata sempre ricambiata con ammirazione infinita. La gente di Palermo e dell'intera Sicilia, ti ama presidente, ti rispetta, e soprattutto ha fiducia nella tua saggezza e nella tua fermezza. Paolo e' morto servendo lo Stato in cui credeva cosi' come prima di lui Giovanni e Francesca. Ma ora questo stesso Stato che essi hanno servito fino al sacrificio, deve dimostrare di essere veramente presente in tutte le sue articolazioni, sia con la sua forza sia con i suoi servizi. E' giunto il tempo, mi sembra, delle grandi decisioni e delle scelte di fondo, non e' piu' l'ora delle collusioni degli attendismi dei compromessi e delle furberie, e dovranno essere, presidente, dovranno essere uomini credibili, onesti, dai politici ai magistrati, a gestire con le tue illuminate direttive questa fase necessaria di rinascita morale: e' questo a mio avviso il primo e fondamentale problema preliminare ad una vera e decisa lotta alla barbarie mafiosa. Io ho apprezzato le tue parole, noi tutti le abbiamo apprezzate, le tue parole molto ferme al Csm dove hai parlato di una nuova rinascita che e' quella che noi tutti aspettiamo (...). encore moins que les autres, ne peut dire que désormais, tout est fini. Je pensais à ce moment-­‐là que j'allais quitter la lutte contre la criminalité mafieuse, je pensais que tout était fini avec la mort de mon ami proche. Mais dans un moment pareil, dans un moment comme celui-­‐ci, avoir une pensée du genre, et j'en ai pris tout de suite conscience, re-­‐
venait à trahir la mémoire de Paolo, comme celle de Giovanni et de Francesca. Durant ces quelques jours passés à Palerme que, je vous le confesse, je ne veux plus quitter, j'ai senti dans une grande partie de la population l'envie de se libérer de cette oppression barbare et sanglante, qui efface les droits les plus élé-­‐
mentaires et rend vaine tout espoir de renais-­‐
sance. C'est de là dont naît ma prière, comme je le disais, laïque mais fervente, et je l'adresse à toi, président, qui depuis tant de temps m'ho-­‐
nores de ton amitié, qui a toujours été réci-­‐
proque et accompagnée d'une admiration infi-­‐
nie. Les Palermitains et de la Sicile toute entière t'aiment, président, te respectent, et surtout ont confiance dans ta sagesse et dans ta fermeté. Paolo est mort en servant l'État dans lequel il croyait, comme avant lui Giovanni et Francesca. Mais désormais, cet État qu'ils ont servi jusqu'au sacrifice, doit véritablement démontrer sa pré-­‐
sence dans toutes ses ramifications, soit à l'aide de sa force, soit à l'aide de ses services. Le temps est venu, il me semble, des grandes décisions et des choix de fond, l'heure n'est plus à l'atten-­‐
tisme, la collusion ou la ruse. Les hommes qui se chargeront, avec tes directives éclairées, de cette phase de renaissance morale devront être, président, devront être des hommes crédibles, honnêtes, des politiques aux magistrats : c'est à mon avis le problème premier, fondamental et préliminaire à une lutte contre la barbarie ma-­‐
fieuse véritable et décidée. J'ai apprécié tes mots, nous les avons tous appréciés, tes mots si fermes au Conseil Supérieur de la Magistrature, où tu as parlé d'une nouvelle naissance qui est celle que nous attendons tous (...). | 97 Solo cosi' attraverso questa rigenerazione collettiva, questa rinascita morale, non resteranno inutili i sacrifici di Giovanni, di Francesca, di Paolo e di otto agenti di servizio. Anche a quegli agenti che hanno seguito i loro protetti fino alla morte va il nostro pensiero, la nostra riconoscenza, il nostro tributo di ammirazione. Tra i tanti fiori che ho visto in questi giorni lasciati da persone che spesso non firmavano nemmeno il biglietto come e' stato in questo caso, ho visto un bellissimo lilium, splendido fiore il lilium, e sotto c'erano queste poche parole senza firma: "Un solo grande fiore per un solo grande uomo solo". Mi ha colpito, presidente, questa frase che mi e' rimasta nel cuore e credo che mi rimarra' per sempre. Ma io vorrei dire a questo grande uomo, diletto amico, che non e' solo, che accanto a lui batte il cuore di tutta Palermo, batte il cuore dei familiari, degli amici, di tutta la Nazione. Caro Paolo, la lotta che hai sostenuto fino al sacrificio dovra' diventare e diventera' la lotta di ciascuno di noi, questa e' una promessa che ti faccio solenne come un giuramento. Traduction personnelle Mais je voudrais dire à ce grand homme, ami bien-­‐aimé, qu'il n'est pas seul, qu'à côté de lui ďĂƚůĞĐƈƵƌĚĞWĂůĞƌŵĞƚŽƵƚĞŶƚŝğƌĞ͕ďĂƚůĞĐƈƵƌ
des proches, des amis, de toute la Nation. Cher Paolo, la lutte que tu as soutenue jusqu'au sacri-­‐
fice devra devenir, et deviendra, la lutte de cha-­‐
cun de nous. C'est une promesse que je te fais, comme un serment solennel. Seulement de cette manière, à travers une régé-­‐
nération collective, une renaissance morale, les sacrifices de Giovanni, Francesca, Paolo et huit agents de leur escorte, pourront ne pas rester inutiles. Notre pensée, notre reconnaissance, notre hommage et notre admiration vont égale-­‐
ment à ces agents qui ont suivi leurs protégés jusqu'à la mort. Parmi toutes les fleurs que j'ai vues ces jours-­‐ci (...), j'ai vu un très beau lys, ma-­‐
gnifique fleur, le lys, et en dessous il y avait ces quelques mots sans signature "une seule grande fleur pour un seul grand homme seul". J'ai été touché, président, par cette phrase qui m'est res-­‐
ƚĠĞĚĂŶƐůĞĐƈƵƌĞƚ͕ũĞĐƌŽŝƐ͕LJƌĞƐƚĞƌĂăũĂŵĂŝƐ͘ | 98 Annexe n°5 : tract distribué par le « Comité des draps » apƌğƐů͛ĂƐƐĂƐƐŝŶĂƚ
des juges Falcone et Borsellino Nove consigli scomodi al cittadino che vuole combattere la mafia Vogliamo fare sapere a tutti che siamo contro la mafia. Diamo un segnale. Ogni mese dal 19 al 23 le date delle stragi di Falcone e Borsellino appendiamo un lenzuolo alla finestra, con una scritta qualsiasi contro la mafia, o anche solo con ůĂƐĐƌŝƚƚĂ͞WĞƌŶŽŶĚŝŵĞŶƚŝĐĂƌĞ͘͟ Impariamo a fare fino in fondo il nostro dovere, impariamo a rivendicare i nostri diritti, a non mendicarli come favori. Impariamo a considerare ŶŽƐƚƌŝ ŝ ĞŶŝ Ğ ŝ ƐĞƌǀŝnjŝ ƉƵďďůŝĐŝ͕ ĚĂůů͛ĂƵƚŽďƵƐ Ăů
verde, dalla strada al monumento; solo così ne arresteremo il degrado e li difenderemo ĚĂůů͛ŝŶĐƵƌŝĂĞĚĂůů͛ĂďƵƐŽŵĂĨŝŽƐŽ͘ A casa : educhiamo i bambini alla democrazia, contro ogni violenza, insegniamo il rispetto delle leggi e la solidarietà verso i diversi e i deboli di ogni razza, religione e cultura. Sul posto di lavoro: In ufficio o in ospedale, al ĐŽŵƵŶĞŽĂůůĂƌĞŐŝŽŶĞƐĞĐ͛ğƐŽƐƉĞƚƚŽĚŝƚĂŶŐĞŶƚŝ
o di sperpero del denaro pubblico o di favoritismi dobbiamo andare a fondo, cercare alleati tra i colleghi, senza escludere di rivolgerci a un magistrato. Se insegnanti: Non perdiamo occasione per parlare di mafia, per additarla come associazione a delinquere tesa al profitto illecito e improntata alla vigliaccheria. Se studenti: Rivendichiamo servizi efficienti, lezioni puntuali, esami regolari e senza favoritismi. Denunciamo i professori assenteisti. Neuf conseils inconfortables au citoyen qui veut combattre la mafia Nous voulons faire savoir à tous que nous sommes contre la mafia. Donnons un signal. Tous les mois, du 19 au 23 (les dates des atten-­‐
tats contre Falcone et Borsellino), pendons un drap aux fenêtres, avec une inscription quel-­‐
conque contre la mafia, ou simplement écrit "Pour ne pas oublier". Apprenons à faire notre devoir jusqu'au bout, apprenons à revendiquer nos droits, à ne pas les mendier comme des faveurs. Apprenons à con-­‐
sidérer nos biens et services publics, de l'autobus à la verdure, de la route aux monu-­‐
ments ; c'est seulement de cette manière que nous arrêterons l À la maison, éduquons les enfants à la démocra-­‐
tie, contre toute violence, enseignons le respect des lois et la solidarité vers les personnes diffé-­‐
rentes et faibles de toutes ethnies, religion et culture. Sur le lieu de travail : au bureau ou en hôpital, à la mairie ou à la région, s'il existe des suspicions de pots de vin ou de gaspillage de l'argent pu-­‐
blic, ou de favoritisme, il nous faut aller au font, chercher des alliés parmi les collègues, sans ex-­‐
clure la possibilité de s'adresser à un magistrat. Pour les enseignants : ne perdons aucune occa-­‐
sion pour parler de la mafia, pour qu'elle soit considérée pour ce qu'elle est : une association de malfaiteurs qui tend aux profits illicites et emprunte de lâcheté. Pour les étudiants : revendiquons des services efficients, des cours ponctuels, des examens ré-­‐
guliers et sans favoritisme. Dénonçons les pro-­‐
fesseurs absentéistes. | 99 Se commercianti: Quando riceviamo offerte di protezione o strane richieste, questo è il racket del pizzo, rivolgiamoci a S.O.S. Imprese tel. 091/6811***. Se invece già paghiamo il pizzo cerchiamo alleati nella categoria, associamoci contro il racket come ŚĂŶŶŽĨĂƚƚŽŝĐŽŵŵĞƌĐŝĂŶƚŝĚŝĂƉŽĚ͛KƌůĂŶĚŽ͘ Nella pubblica amministrazione: per ogni disfunzione o ritardo, per avere accesso a ogni tipo di documento amministrativo, impariamo a ƐĞƌǀŝƌĐŝ ĚĞůůĂ ůĞŐŐĞ ƌĞŐŝŽŶĂůĞ Ŷ͘ ϭϬ ĚĞů ͛ϵϭ ƐƵůůĂ
trasparenza͕ ĐŽŶƐƵůƚŝĂŵŽĐŝ ĐŽŶ ů͛ĂƐƐŽĐŝĂnjŝŽŶĞ
͞DŽǀŝŵĞŶƚŽ ϵ ŵĂŐŐŝŽ͟ ;ĚĂƚĂ ĚĞůů͛ƵĐĐŝƐŝŽŶĞ Ěŝ
Giovanni Bonsignore) telefono provvisorio 091/6111***, oppure rivolgiamoci al numero telefonico istituito dalla Prefettura per agevolare i cittadini tel. 091/338***. Al medico, al meccanico, al ristorante, Ăůů͛ĂǀǀŽĐĂƚo chiediamo regolare fattura o ricevuta ĨŝƐĐĂůĞ͕ƌŝĨŝƵƚŝĂŵŽů͛ĂƌƌŽŐĂŶnjĂĚĞůů͛ĞǀĂƐŝŽŶĞ͘ Per strada: se abbiamo la disgrazia di assistere a un fatto di sangue o a una rapina collaboriamo con gli inquirenti, raccontiamo tutto ciò che abbiamo visto. Boicottiamo gli affari della mafia: a chi si buca spieghiamo che lui si rovina e la mafia si arricchisce; non compriamo sigarette di ĐŽŶƚƌĂďďĂŶĚŽ ŶĠ ͞ƌŽďĂ͟ ĚĂ ĨƵŵĂƌĞ͖ ŶŽŶ
frequentiamo locali sospetti di essere gestiti da mafiosi. Prima dopo e durante le elezioni: rifiutiamo di scambiare il voto con un qualche favore. Nulla cambierà finché voteremo per i partiti che ci hanno governato per molti decenni consentendo alla mafia di inquinare la vita pubblica, consegnando pezzi dello stato in mano alla mafia. Pour les commerçants : quand nous recevons des offres de protections ou des demandes étranges, il s'agit d'extorsion ; adressons-­‐nous au S.O.S des entreprises tel. 091/6811***. Si au contraire nous payons déjà le pizzo, cher-­‐
chons des collègues avec qui s'allier, associons-­‐
nous contre le racket comme les commerçants de Capo d'Orlando l'ont fait. Au sein de l'administration publique : pour chaque dysfonctionnement ou retard, pour avoir accès à tout type de document administra-­‐
tif, apprenons à nous servir de la loi régionale n° 10 de 1991 sur la transparence, adressons-­‐
nous à l'association "Mouvement du 9 mai" (date du meurtre de Giovanni Bonsignore), dont le téléphone provisoire est le 091/6111***, ou adressons-­‐nous également au numéro mis en place par la Préfecture pour aider les citoyens tel. 091/338***. Chez le médecin, chez le mécanicien, au restau-­‐
rant, chez l'avocat, demandons une facture en règle ou un reçu fiscal, et refusons l'arrogance de la fraude fiscale. Dans les rues : si nous avons le malheur d'assis-­‐
ter à un acte violent ou un vol, collaborons avec les enquêteurs, racontons tout ce que nous avons vu. Boycottons les affaires de la mafia : à ceux qui se piquent, expliquons-­‐leur qu'ils se ruinent et que la mafia s'enrichit ; n'achetons pas de ciga-­‐
rette de contrebande ni "choses" à fumer ; ne fréquentons pas les lieux suspectés d'être gérés par des mafieux. Avant, après et pendant les élections : refusons d'échanger notre vote contre une quelconque faveur. Rien ne changera tant que nous vote-­‐
rons pour les partis qui nous ont gouvernés pour des décennies et qui ont laissé la mafia polluer la vie publique, en leur confiant des morceaux de l'État. Interveniamo per prevenire nelle giovani ŐĞŶĞƌĂnjŝŽŶŝ ů͛ĂĚĞƐŝŽŶĞ Ăů ŵŽĚĞůůŽ ŵĂĨŝŽƐŽ͘ | 100 Impegniamoci, senza entusiasmi soltanto momentanei, nel volontariato; scopriamo la solidarietà, strappiamo i ragazzi al degrado culturale, solo così la mafia avrà difficoltà ad imporre i suoi modelli e a reperire manovalanza. Traduction personnelle Intervenons auprès des jeunes générations pour prévenir leur adhésion au modèle mafieux. En-­‐
gageons-­‐nous, au-­‐delà d'un enthousiasme éphémère, dans le bénévolat ; découvrons la so-­‐
lidarité, arrachons les enfants au déclin culturel ; c'est le seul moyen pour faire obstacle à l'impo-­‐
sition du modèle mafieux et empêcher ses re-­‐
crutements. | 101 Annexe n° 6 : affiche « Pour la démocratie, le travail et le développement ʹ Lutte contre la criminalité mafieuse et le terrorisme » des syndicats confédérés | 102 Annexe n° 7 : La Une du journal italien La Repubblica du dimanche 24 mai 1992 | 103 Annexe n°8 : article de Maria Rosaria Spano, dont interview de Letizia Battaglia Traduction : Maria Rosaria Spano Letizia Battaglia est photographe, Sicilienne et engagée dans la lutte contre la mafia. ĂŶƐů͛ĞŶƚƌĞƚŝĞŶƋƵŝƐƵŝƚ͕ĞůůĞƌĂĐŽŶƚĞƐĂǀŝĞĞƚůĞƉĂƌĐŽƵƌƐƐĞŵĠ Ě͛ĞŵďƸĐŚĞƐƋƵŝů͛ĂŵĞŶĠĞă
se libérer de son destin de femme dans un Sud patriarcal et mafieux, pour devenir une artiste ĂĨĨŝƌŵĠĞ͕ŵŝůŝƚĂŶƚĞĚĞů͛ŚĠƚĠƌŽŐğŶĞŵŽƵǀĞŵĞŶƚĚĞĨĞŵŵĞƐĐŽŶƚƌĞůĂŵĂĨŝĂƋƵŝ͕ĂǀĞĐƐĞƐƌĞͲ
vendications inédites et en dépit des stéréotypes, agit sur la scène politique de Sicile depuis au moins trois décennies. >ĞƐĐŚŽŝdžĚĞ>ĞƚŝnjŝĂƐŽŶƚƚĠŵĠƌĂŝƌĞƐĞƚĚŽŶŶĞŶƚĚƵĐŽƵƌĂŐĞăƋƵŝ͕ĐŽŵŵĞĞůůĞ͕Ɛ͛ŝŵͲ
plique dans une lutte qui fait peur et qui met en danger ses participant·∙e·∙s. Sa vie entière est en jeu dans sa recherche passionnée de justice, une quête brûlante que les menaces de mort Ŷ͛ŽŶƚƉĂƐƌĠƵƐƐŝăĠƚŽƵĨĨĞƌ͘/ůĞƐƚĚŝĨĨŝĐŝůĞĚĞƐLJŶƚŚĠƚŝƐĞƌŝĐŝƐĞƐŽĐĐƵƉĂƚŝŽŶƐ : photographie, charges politiques à la Municipalité de Palerme et à la Région Sicile, engagement aux côtés des femmes, Edizioni della Battaglia, Mezzocielo (revue artistique et politique de femmes), collaboration avec des prisonniers politiques, engagement écologique dans la ville saccagée, ƚŚĠąƚƌĞĂǀĞĐůĞƐƉĞƌƐŽŶŶĞƐĞŶĨĞƌŵĠĞƐĚĂŶƐů͛,ƀƉital psychiatrique géant, implication en fa-­‐
ǀĞƵƌĚĞƐZŽŵƐ͙ĞƚŽƵƌďŝůůŽŶĚ͛ĂĐƚŝǀŝƚĠƐĞƐƚĐŚĂƌŐĠĚ͛ƵŶĞǀŝƚĂůŝƚĠƉƵŝƐƐĂŶƚĞ͕ĂƚƚĂĐŚĂŶƚĞ͕ŵĂŝƐ
aussi dramatique ; il secoue les consciences et appelle à la responsabilité civile des femmes. Le pacours de Letizia, en soi emblématique, prend une dimension historique une fois replacé dans celui, collectif, de centaines de femmes qui constituent, dans des formes très ĚŝǀĞƌƐĞƐŵĂŝƐƚŽƵƚĞƐĐĞŶƚƌĠĞƐƐƵƌůĂƉƌĂƚŝƋƵĞĚĞůĂƐŽůŝĚĂƌŝƚĠ͕ů͛Association des femmes sici-­‐
liennes pour la lutte contre la mafia. La participation des femmes aux combats contre la mafia Ŷ͛ĞƐƚƉĂƐƵŶĨĂŝƚŶŽƵǀĞĂƵ͘ůůĞĂƵŶĞůŽŶŐƵĞŚŝƐƚŽŝƌĞĞŶƌĂĐŝŶĠĞĚĂŶƐůĞƐůƵƚƚĞƐĚĞĐůĂƐƐĞ͕ƉĂƌŵŝ
lesquelles ʹ pour ne citer que les plus connues ʹ les révoltes paysannes siciliennes de 1860-­‐
ϳϬ͘WŽƵƌƚĂŶƚĐĞŵŽƵǀĞŵĞŶƚ͕ƚĞůƋƵ͛ŝůƐĞƉƌĠƐĞŶƚĞƵŶƐŝğĐůĞƉůƵƐƚĂƌĚĚĂŶƐůĞƐĂŶŶĠĞƐϭϵϳϬ͕
ŶĞƌĞĨůğƚĞĞŶƌŝĞŶů͛ĂŶĐŝĞŶŶĞƐƚƌƵĐƚƵƌĞĚĞĐůĂƐƐĞ͘^ĂƐƉĠĐŝĨŝĐŝƚĠĞƐƚƚŽƵƚăĨĂŝƚŶŽƵǀĞůůĞĐĂƌĐĞ
ƋƵŝů͛ĂĚĠĐůĞŶĐŚĠ͕ĐĞƐŽŶƚůĞƐƐĞŶƚŝŵĞŶƚƐĚ͛ŝŶĚŝgnation suscités par une série de délits ma-­‐
ĨŝĞƵdž͘ƐĞƐŽƌŝŐŝŶĞƐ͕ůĞŵŽƵǀĞŵĞŶƚƐ͛ĞƐƚĞŶĞĨĨĞƚĐŽŶƐƚƌƵŝƚĞƐƐĞŶƚŝĞůůĞŵĞŶƚĂƵƚŽƵƌĚĞƐƌĞͲ
vendications que certaines « veuves de mafia », femmes de magistrats, de hauts fonction-­‐
naires, de politiciens ou de policieƌƐƚƵĠƐƉĂƌůĂŵĂĨŝĂ͕ĐŽŵŵĞŶĐĞŶƚăĠŶŽŶĐĞƌĚĂŶƐů͛ĞƐƉĂĐĞ
public. Les expériences de ces femmes, amplifiées par les mass media, offrent des éléments Ě͛ŝĚĞŶƚŝĨŝĐĂƚŝŽŶĞƚƐĞƌǀĞŶƚĚĞĐĂƚĂůLJƐĞƵƌăĚĞŶŽƵǀĞůůĞƐƉƌĂƚŝƋƵĞƐĚĞůƵƚƚĞ͕ĞŶƌƵƉƚƵƌĞĂǀĞĐ
les stratégies et revendications des partis et mouvements institutionnels eux aussi compro-­‐
mis, de près ou de loin, avec la mafia. Ainsi, autour des « veuves » se ressemblent rapidement ůĞƐĨŽƌĐĞƐĂƐƐŽĐŝĂƚŝǀĞƐĞƚŵŝůŝƚĂŶƚĞƐ͕ĐĞƋƵŝĚŽŶŶĞĨŽƌŵĞĞŶϭϵϴϰăů͛ƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶĚĞƐfemmes siciliennes pour la lutte contre la mafia, conçue comme espace de coordination des différents ŐƌŽƵƉĞƐƉƌĠƐĞŶƚƐƐƵƌů͛ŠůĞ͘ŶŵġŵĞƚĞŵƉƐ͕ĚĞƐĐŽŵŝƚĠƐĞƚĚĞƐĂƐƐŽĐŝĂƚŝŽŶƐƐŝŵŝůĂŝƌĞƐƐĞĨŽƌͲ
ŵĞŶƚĚĂŶƐĚ͛ĂƵƚƌĞƐƌĠŐŝŽŶƐĚ͛/ƚĂůŝĞŵĠƌŝĚŝŽŶĂůĞĞƚĐĞŶƚƌĂůĞƚŽƵchées par la mafia, puis une ĐŽŽƌĚŝŶĂƚŝŽŶŶĂƚŝŽŶĂůĞĞƐƚŵŝƐĞĞŶƉůĂĐĞƉĞƵĂƉƌğƐ͘ƉĂƌƚŝƌĚĞů͛ŝŶĚŝŐŶĂƚŝŽŶĞƚĚĞůĂƐŽƵĨͲ
france subjectives, les revendications des femmes pénètrent la sphère nationale, où leur deuil privé, élaboré publiquement, assume une signification politique et devient « le stimulus pour une revendication éthique et politique » (Siebert, 1994 : 282). | 104 La genèse même de cette nouvelle façon de poser la question des droits, de la justice et de la citoyenneté et son enracinement dans les émotions personnelles implique égale-­‐
ment de nouvelles modalités de protestation qui se méfient de toute forme de délégation politique (Siebert, 1994 : 284). Les deux luttes les plus significatives, celle du Comité des draps et celle des Femmes du jeûneථŝŶƚĞƌǀiennent dans la foulée des réactions populaires aux ƚƵĞƌŝĞƐĚĞů͛ĠƚĠϭϵϵϮ͕ƋƵĂŶĚůĞƐũƵŐĞƐ'͘&ĂůĐŽŶĞĞƚW͘ŽƌƐĞůůŝŶŽƐŽŶƚƚŽŵďĠƐ͕ǀŝĐƚŝŵĞƐĚĞ
ďŽŵďĞƐ͕ĂǀĞĐůĞƵƌƐĞƐĐŽƌƚĞƐƌĞƐƉĞĐƚŝǀĞƐ͘/ůƐ͛ĂŐŝƚĚ͛ĞdžƉĠƌŝĞŶĐĞƐŶŽǀĂƚƌŝĐĞƐ͕ĚĂŶƐůĞƐƋƵĞůůĞƐ
ŽŶƌĞĐŽŶŶĂŠƚů͛ŚĠƌŝƚĂŐĞĚĞůĂƌĠĨůĞdžŝŽŶĞƚĚĞƐŵŽĚĂůŝƚĠƐĚ͛ĂĐƚŝŽŶĨĠŵŝŶŝƐƚĞƐ͘ůůĞƐƉŽƐĞŶƚƵŶĞ
nouvelle pratique politique centrée sur la subjectivité des femmes comme instrument de ƌĠĂƉƉƌŽƉƌŝĂƚŝŽŶĞƚĚĞĚĠŶŽŶĐŝĂƚŝŽŶ͕ĂŝŶƐŝƋƵĞƐƵƌů͛ĠƚŚŝƋƵĞĚĞůĂƌĞƐƉŽŶƐĂďŝůŝƚĠƉĞƌƐŽŶŶĞůůĞ͘ ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ůĞƉƌŽĐĞƐƐƵƐĚĞŶŽƌŵĂůŝƐĂƚŝŽŶĚĞůĂŵĂĨŝĂŵŝƐĞŶƈƵǀƌĞƉĂƌůĞŐŽƵǀĞƌͲ
ŶĞŵĞŶƚĞƌůƵƐĐŽŶŝƌĞŶĚƚŽƵƚĞĨŽƌŵĞĚ͛ŽƉƉŽƐŝƚŝŽŶďŝĞŶĚŝĨĨŝĐŝůĞ͘ En effet, le programme éco-­‐
nomique et social du centre droite recoupe, sous maintes facettes, les stratégies mafieuses Ě͛ĂĐĐƵŵƵůĂƚŝŽŶĞƚĚĞĐŽŶƚƌƀůĞĚƵƚĞƌƌŝƚŽŝƌĞ͘ĞƉĞŶĚĂŶƚ͕ĞŶĚĠƉŝƚĚĞĐĞŵĂůŚĞƵƌĞƵdžƌĂĐĐŽŵͲ
modement entre État et mafia, la lutte des femmes se poursuit, moins visible mais tout aussi ƌĂĚŝĐĂůĞ ƋƵ͛ŚŝĞƌ͘ Ŷ ƵŶĞƐĞŵĂŝŶĞ ƉĂƐƐĠĞ ă WĂůĞƌŵĞ ĞŶ ĐŽŵƉĂŐŶŝĞĚĞ >ĞƚŝnjŝĂ ĂƚƚĂŐůŝĂ͕ ũ͛Ăŝ
rencontré beaucoup de femmes en résistance : celles du quartier populaire ZEN qui, contre le vouloir de maris et de mafieux, occupent et autogèrent une crèche ; celles de la librairie >ŝďƌ͛ĂƌŝĂƋƵŝŽĨĨƌĞƵŶĐLJĐůĞĚĞƌĞŶĐŽŶƚƌĞƐĂǀĞĐůĞƐƉƌŽƚĂŐŽŶŝƐƚĞƐĚ͛ĠƉŝƐŽĚĞƐĚĞĚĠƐŽďĠŝƐƐĂŶĐĞ
civile ; celles du centre autogéré ZEN et leur laboratoire sur le thème « Prostitution, mafia et nouvelle loi sur les migrant·∙e·∙s ͩ͘:͛ĂŝƌĞŶĐŽŶƚƌĠĚĞƐĨĞŵŵĞƐĐŽŶŶƵĞƐƉŽƵƌůĞƵƌĞŶŐĂŐĞŵĞŶƚ
ĂŶƚŝŵĂĨŝĂĞƚĚ͛ĂƵƚƌĞƐƋƵŝůĞƐŽŶƚŵŽŝŶƐŵĂŝƐƋƵŝƐŽŶƚƚŽƵƚĂƵƚĂŶƚĞŶŐĂŐĠĞƐ͕ĐŽŵŵĞůĞƐƐƈƵƌƐ
Pilliu pour qui résister à la mafia est simplement une question de dignité et de rigueur chré-­‐
ƚŝĞŶŶĞ͘ĂŶƐĐĞWĂůĞƌŵĞŵĞƵƌƚƌŝ͕ŽƶůĞĚĠďĂƚƉŽůŝƚŝƋƵĞŶĞƐ͛ĂƐƐŽƵƉŝƚƉĂƐ͕ůĞƐĨĞŵŵĞƐ͕ƉĂƌ
consĐŝĞŶĐĞĐŝǀŝůĞŽƵƉĂƌŶĠĐĞƐƐŝƚĠŵĂƚĠƌŝĞůůĞ͕ƐŽŶƚůĞƐƉƌĞŵŝğƌĞƐƉŽƌƚĞƵƐĞƐĚ͛ƵŶŵĞƐƐĂŐĞĂŶͲ
ƚŝŵĂĨŝĂĞƚĚ͛ƵŶĞƉƌĂƚŝƋƵĞĚĞůƵƚƚĞ͘ Interview de Letizia Battaglia, Palerme mai 2002 « >ĞƚŝnjŝĂŶĞůŝǀƌĞƉĂƐůĂĐůĠĚĞƐŽŶƐĞĐƌĞƚ΀͙΁DĂŝƐĐ͛ĞƐƚƐƸƌĞŵĞŶƚƵŶƐĞĐƌĞƚĨĞƌƚŝůĞƋƵŝů͛ĂŝĚĞă
ǀŝǀƌĞ͕ĞůůĞĞƚƐĞƐƉƌŽĐŚĞƐ͕ĞƚƋƵŝĂƋƵĞůƋƵĞĐŚŽƐĞăǀŽŝƌĂǀĞĐů͛ŝŶĨŝŶŝĞůŝďĞƌƚĠĨĠŵŝŶŝŶĞĞƚĂǀĞĐůĂ
puissance ʹ tantôt solaire, tantôt obscure ʹ des grandes déesses mères de la Méditerranée. » Aimerais-­‐tu que je te présente par ces mots de ^ŝŵŽŶĂDĂĨĨĂŝථ ? YƵĂŶĚŽŶĠĐƌŝƚ͕ŽŶĚŝƚůĞƐĐŚŽƐĞƐƐŽƵƐƵŶĞďĞůůĞĨŽƌŵĞ͘YƵĂŶĚƚƵƌĞƚƌĂŶƐĐƌŝƌĂƐů͛ŝŶƚĞƌǀŝĞǁ͕
ĨĂŝƐĐŽŵŵĞƚƵƉƌĠĨğƌĞƐ͕ƉŽƵƌǀƵƋƵĞƚƵŶĞŵ͛ĂƚƚƌŝďƵĞƐƉĂƐĐĞƐŵŽƚƐ͘DŽŝũ͛ĂŝŵŽŶĂƉƉĂƌĞŝů
ƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚŝƋƵĞ ĚĂŶƐ ůĞ ǀĞŶƚƌĞ͕ ůĂ ĐŽŶŶĂŝƐƐĂŶĐĞ ĚĂŶƐ ů͛ƈŝl, le professionnalisme dans le ĚŽŝŐƚ͙ũĞǀĞƵdžƉĂƌůĞƌƐŝŵƉůĞŵĞŶƚ͕ŶŽŶƉĂƐĐŽŵŵĞƵŶĞƵŶŝǀĞƌƐŝƚĂŝƌĞƋƵĞũĞŶĞƐƵŝƐƉĂƐ͕ŵĂŝƐ
ĐŽŵŵĞůĞƐŐĞŶƐĚĞĐĞƋƵĂƌƚŝĞƌĞƚĚĞĐĞƚƚĞƚĞƌƌĞƋƵĞũ͛ĂŝŵĞ͘:ĞŶĞĨĂŝƐƉĂƐ de grandes théories, ĐĞƋƵĞũĞƐƵŝƐ͕Đ͛ĞƐƚĐĞƋƵĞũĞƉĞƵdždéduire de la conscience de mes actes. Parle-­‐moi alors de ces actes ou, si tu préfères, des moments les plus marquants de ton par-­‐
cours artistique, politique et militant. | 105 ͛ĞƐƚĚŝĨĨŝĐŝůĞăƌĂĐŽŶƚĞƌ͘:ĞŶĞƉĞƵdžƉĂƐƐĐŝŶĚĞƌůĞƐŵŽŵĞŶƚƐĚĞŵŽŶƉĂƌĐŽƵƌƐ : ça me paraît faux de diviser mon être, mère, femme, militante, photographe ͖ Đ͛ĞƐƚ ƵŶ ƚŽƵƚ ƋƵ͛ŽŶ ŶĞ
ƐĐŝŶĚĞ ƉĂƐ͕ƵŶĞ ƌĞĐŚĞƌĐŚĞ ĚĞ ĐŽŚĠƌĞŶĐĞ͕ Ě͛ĞŶŐĂŐĞŵĞŶƚ͕ ĚĞ ũƵƐƚŝĐĞ͘ ĞƉĞŶĚĂŶƚ͕ ŝů LJ Ă ĚĞƐ
étapes fondamentales : ma maternité, mes trois filles, avant tout. Je les ai eues très jeune : ůĂƉƌĞŵŝğƌĞăϭϲĂŶƐĞƚĚĞŵŝƐĞƵůĞŵĞŶƚ͘>ĞƐĂǀŽŝƌĞƵĞƐƐŝƚƀƚŵ͛ĂĨĂŝƚŐƌĂŶĚŝƌ͕ďŝĞŶƉůƵƐƋƵĞ
ũĞŶ͛ĂƵƌĂŝƐƉƵůĞĨĂŝƌĞƐĞƵůĞ͘sŽŝůă͕ƉŽƵƌĐĞƋƵŝĞƐƚĚĞŵĂǀŝĞƉĞƌƐŽŶŶĞůůĞ;ƋƵŝĞƐƚĂƵƐƐŝƉŽůŝͲ
ƚŝƋƵĞͿ͕ĕĂĐ͛ĞƐƚĞƐƐĞŶƚŝĞů : les filles, la continuation de la vie à travers elles. Autre étape : le mariage à 16 ans. Une fois la guerre finie, après avoir vécu à Trieste, nous ƐŽŵŵĞƐƌĞŶƚƌĠͼĞƐăWĂůĞƌŵĞĞƚŵŽŶƉğƌĞŵ͛ĂĚŝƚ : « Ici tu ne pourras pas sortir toute seule ! » :͛ĂǀĂŝƐϭϭĂŶƐ͘:͛ĠƚĂŝƐĐŽŵƉůğƚĞŵĞŶƚůŝďƌĞădƌŝĞƐƚĞ͕ŵġŵĞƐ͛ŝůLJĂǀĂŝƚůĂŐƵĞƌƌĞ͘DĂŝƐăWĂͲ
lerme, je suis devenue otage, une enfant prisonnière de la peur que mon père avait du ma-­‐
ĐŚŝƐŵĞƐŝĐŝůŝĞŶ͘:ĞƌġǀĂŝƐĚĞůŝďĞƌƚĠĞƚĚ͛ĠǀĂƐŝŽŶŵĂŝƐǀŝǀĂŝƐƵŶĞƚƌĂŐĠĚŝĞ : enfermée à la mai-­‐
son pĂƌƵŶƉğƌĞƉŽƐƐĞƐƐŝĨĞƚũĂůŽƵdžƋƵŝŵĞĨƌĂƉƉĂŝƚ͘:͛ĂŝŐƌĂŶĚŝĂǀĞĐƵŶĞŐƌĂŶĚĞƌĂŐĞĐŽŶƚƌĞ
le pouvoir de mon père ʹ et de mon frère aussi ͗ŵġŵĞůƵŝĚĞǀĂŝƚŵĞĐŽŶƚƌƀůĞƌ͕ƉƵŝƐƋƵ͛ĞŶ
ĐĞƐƚĞŵƉƐů͛ŚŽŶŶĞƵƌĚĞƐŚŽŵŵĞƐĠƚĂŝƚĨŽŶĚĠƐƵƌĐĞƋƵĞĨĂŝƐĂŝĞŶƚůĞƵƌƐĨĞŵŵĞƐ͘ JĞƌġǀĂŝƐĚĞŵ͛ĠǀĂĚĞƌ ͊ƚůĞƐĞƵůŵŽLJĞŶƋƵŝŵ͛ĞƐƚǀĞŶƵăů͛ĞƐƉƌŝƚ͕Đ͛ĞƐƚĚ͛ĂĐĐĞƉƚĞƌůĂĐŽƵƌ
Ě͛ƵŶ ŐĂƌĕŽŶ ƋƵŝ ŵ͛ĂŝŵĂŝƚ ă ůĂ ĨŽůŝĞ Ğƚ ƋƵŝ ǀŽƵůĂŝƚ ŵ͛ĠƉŽƵƐĞƌ͘ DĂ ŐƌĂŶĚ-­‐ŵğƌĞ ŵ͛ĂǀĂŝƚ Ěŝƚ : « Fais attention ͊dƵƉŽƵƌƌĂƐĐŚŽŝƐŝƌũƵƐƋƵ͛ăϭϳĂŶƐ͘ƉƌğƐƚƵƐĞƌĂƐƚƌŽƉvieille pour le faire, ƚƵĚĞǀƌĂƐƉƌĞŶĚƌĞů͛ŚŽŵŵĞƋƵĞƚĞƐƉĂƌĞŶƚƐĂƵƌŽŶƚĐŚŽŝƐŝ͘ » Alors, effrayée par cette idée, je ŵĞĨŝĂŶĐĞăϭϱĂŶƐ͕ƵŶĂŶĂƉƌğƐŝůLJĂůĞƐŶŽĐĞƐ͘:ĞƉĂƐƐĞĚĞů͛ĠĐŽůĞĂƵŵĂƌŝĂŐĞĂǀĞĐƵŶŐĂƌͲ
çon ʹ il avait 23 ans ʹ ƋƵŝŶ͛ĂƉĂƐŵŽŶĐŽƵƌĂŐĞ ĞƚŵŽŶƐĞŶƐĚĞů͛ĂǀĞŶƚƵƌĞ : il est effrayé par ůĂƐŽĐŝĠƚĠ͕ƚĞƌƌŽƌŝƐĠƉĂƌĐĞƋƵŝƉĞƵƚŵ͛ĂƌƌŝǀĞƌ͘/ůŶĞŵ͛ĂĚĞŶŽƵǀĞĂƵƉĂƐƉĞƌŵŝƐĚĞƐŽƌƚŝƌƚŽƵƚĞ
seule ͊:ĞĐŽŶƚŝŶƵĞĚĞƌġǀĞƌĚĞƐďĂŶĐƐĚ͛ĠĐŽůĞ͕ũĞǀĞƵdžLJƌĞƚŽƵƌŶĞƌ͕ŵĂŝƐĐĞůĂŶĞŵ͛ĞƐƚƉĂƐ
permis non plus. Il ŵ͛Ă ĠƚĠ ƚƌğƐ ĚŝĨĨŝĐŝůĞ ĚĞ ĐŽŶĐŝůŝĞƌ ŵŽŶ ĞŶǀŝĞ ĚĞ ůŝďĞƌƚĠ ĂǀĞĐ ĐĞůůĞ Ě͛ġƚƌĞ ƵŶĞ ďŽŶŶĞ
épouse ʹ ƉĂƌĐĞƋƵĞũĞǀŽƵůĂŝƐů͛ġƚƌĞ ! Tu connais les rapports de couple ͗ƉƵŝƐƋƵ͛ŝůŵ͛ĂŝŵĂŝƚ͕
ũĞĚĞǀĂŝƐĞŶġƚƌĞƌĞĐŽŶŶĂŝƐƐĂŶƚĞ͛͘ĠƚĂŝƚĚƵƌŵĂŝƐ͕ĂǀĞĐĞĨĨŽƌƚ͕ũ͛ĂŝƌĠƵƐƐŝ͘:͛ĂŝƚĞŶƵƋƵĞůƋƵĞƐ
ĂŶŶĠĞƐ͕ƉƵŝƐũ͛ĂŝƋƵŝƚƚĠůĞƐƐĞŶƚŝĞƌƐďĂƚƚƵƐ ͗ũ͛ĂŝĐŽŵŵĞŶĐĠăĨƌĠƋƵĞŶƚĞƌĚĞƐĠĐŽůĞƐĚĞůĂŶŐƵĞ͕
des écoles de toutes sortes ͖ĚğƐƋƵĞũĞůĞƉŽƵǀĂŝƐ͕ũĞŵ͛ĠĐŚĂƉƉĂŝƐ͕ĚĞĨĂĕŽŶĚĠƐŽƌĚŽŶŶĠĞĞƚ
cinglée. Après dix-­‐sept ans de mariage ʹ et il aurait fallu que ce soit plus tôt ʹ ũ͛ĂŝƉƵŵ͛ĞŶ
aller, car je suis tombée malade ͗ĚĠƉƌĞƐƐŝŽŶ͘:͛ĂŝĠƚĠŚŽƐƉŝƚĂůŝƐĠĞĞŶ^ƵŝƐƐĞŵĂŝƐũĞŶĞŵĞ
ƐƵŝƐƉĂƐƌĞŵŝƐĞ͘WŽƵƌĂƌƌŝǀĞƌăŵ͛ĞŵƉĂƌĞƌĚĞŵŽŝ-­‐même, ũ͛ĂŝĞƵƌĞĐŽƵƌƐăů͛ĂŶĂůLJƐĞĞƚũ͛ĂŝĞƵ
beaucoup de chance͘:͛ĂŝƌĞŶĐŽŶƚƌĠƵŶŚŽŵŵĞ͕ƵŶĂŶƚŝĐŽŶĨŽƌŵŝƐƚĞƐƵƌƉƌĞŶĂŶƚ͕ŵĞƌǀĞŝůůĞƵdž͘
/ůŵ͛ĂĂŝĚĠĞăŵ͛ĠŵĂŶĐŝƉĞƌ͘:ĞŶ͛ĠƚĂŝƐƉůƵƐĂƵdžŵĂŝŶƐĚĞƐĂƵƚƌĞƐ͕ĚĠƐŽƌŵĂŝƐũĞŶĞǀŝǀĂŝƐƉůƵƐ
ĚĂŶƐůĂĨƵŝƚĞŵĂŝƐĚĂŶƐůĂĚĠĐŝƐŝŽŶ͘ϯϳĂŶƐ͕ũ͛ĂŝƌĠƵƐƐŝăƋƵŝƚƚĞƌŵŽŶŵĂƌŝĞƚũĞŵ͛ĞŶƐƵis allée à Milan avec mes filles. Alors a commencé mon véritable rapport avec moi-­‐même, mes ƌĞƐƉŽŶƐĂďŝůŝƚĠƐĞƚŵĞƐĚĠĐŝƐŝŽŶƐ͘:͛ĂǀĂŝƐĚĠũăƉƌĞƐƋƵĞϰϬĂŶƐƋƵĂŶĚũĞŵĞƐƵŝƐƐĞŶƚŝĞƵŶĞ
ƉĞƌƐŽŶŶĞƋƵŝŶ͛ĠƚĂŝƚƉůƵƐăůĂŵĞƌĐŝĚĞƐĂƵƚƌĞƐ ͗ĞŶĨŝŶũĞŵ͛ĂƉƉĂƌƚĞŶĂŝƐ͘ ƵƉĂƌĂǀĂŶƚ͕ũ͛ĂǀĂŝƐĐŽŵŵĞŶĐĠăĠĐƌŝƌĞƉŽƵƌ >͛KƌĂ de Palerme, un journal communiste, anti-­‐
ŵĂĨŝĞƵdž͕ĂŶƚŝĨĂƐĐŝƐƚĞ͕ŵĂŝƐĕĂŶĞŵĞƉůĂŝƐĂŝƚƉĂƐ͘DŝůĂŶ͕ũ͛ĂŝĂƵƐƐŝĠĐƌŝƚŵĂŝƐĞŶƉĂƌĂůůğůĞũĞ
ŵĞƐƵŝƐŵŝƐĞ͕ŵĂůĂĚƌŽŝƚĞŵĞŶƚ͕ăŵĞƐƉƌĞŵŝğƌĞƐƉŚŽƚŽƐ͛͘ĞƐƚƵŶĞƉĠƌŝŽde de ma vie très fatigante et pauvre ͗ũ͛ĂǀĂŝƐƌĞŶŽŶĐĠăůĂƉĞŶƐŝŽŶĂůŝŵĞŶƚĂŝƌĞƋƵĞůĞƚƌŝďƵŶĂůŵ͛ĂǀĂŝƚĂĐĐŽƌĚĠĞ
Ğƚ͕ƚŽƵƚĞŶƚƌĂǀĂŝůůĂŶƚďĞĂƵĐŽƵƉ͕ũĞŶ͛ĂǀĂŝƐǀƌĂŝŵĞŶƚƉĂƐƵŶƐŽƵ͘DĂŝƐũĞĐŽŶƐƚƌƵŝƐĂŝƐŵŽŶ
ŝŶĚĠƉĞŶĚĂŶĐĞ͘ŽŶĐĐ͛ĞƐƚƵŶĞĠƚĂƉĞŝŵƉŽƌƚĂŶƚĞ : à 40 ans je deviens photographe. Plus tard, | 106 ĂƉƌğƐĂǀŽŝƌǀĠĐƵƚƌŽŝƐĂŶƐăDŝůĂŶ͕ũ͛ĂŝĠƚĠĂƉƉĞůĠĞăŶŽƵǀĞĂƵƉĂƌ >͛KƌĂ, cette fois-­‐ci pour ne faire que de la photo. Mon rêve se réalisait, je rentrais à Palerme. Mes filles aussi voulaient rentrer. Imprudemment, je suis rentrée. Je photographiais encore sans passion, seulement ƉŽƵƌŐĂŐŶĞƌŵŽŶƉĂŝŶĞƚƉĂƌĐĞƋƵĞĐ͛ĠƚĂŝƚďĞĂƵĚ͛ġƚƌĞƵŶĞƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚĞ͘WƵŝƐũĞŵĞƐƵŝƐŵŝƐĞ
à étudier les photographes du passé et du présent, à regarder attentivement tout ce qui se faisait, à devenir amie avec de grands photographes ; je tendais vers ceux qui faisaient mieux ƋƵĞŵŽŝ͘ŝŶƐŝ͕ũ͛ĂŝĐŽŵŵĞŶĐĠăĨĂŝƌĞǀƌĂŝŵĞŶƚĚĞůĂƉŚŽƚŽĞƚŶŽŶƉĂƐĚĞƐŝŵĂŐĞƐƉŽƵƌƌŝĞŶ͘ Arrivée à Palerme en 1974, tu diriges une équipe de photographes pour « >͛Kra ». Vos photos ĚĠĨŝĞŶƚůĞƐŚĂƵƚĞƐĨŽŶĐƚŝŽŶƐĚĞů͛ƚĂƚ͕ůĞƐŚŝĠƌĂƌĐŚŝĞƐŵĂĨŝĞƵƐĞƐĞƚůĂůŽŝĚƵƐŝůĞŶĐĞ͘ŽŵŵĞŶƚ
se sont passées ces années ? Je suis tombée en plein dans les années où une violente guerre de mafia se déchaînait : pas seulement une guerre entre familles mafieuses, mais aussi contre les juges, les policiers, les journalistes et tous les gens qui disaient non à la mafia. Des années très, très dures, remplies ĚĞƉĞƵƌ͘ĐĞŵŽŵĞŶƚ͕ũ͛ĂŝĐŽŵƉƌŝƐƋƵĞũĞƉŽƵǀĂŝƐĚĠĨĞŶĚƌĞƵŶĞŝĚĠĞĚĞũƵƐƚŝĐĞ͕ů͛ĂƉƉareil ƉŚŽƚŽĂƵƉŽŝŶŐ͛͘ĞƐƚĂŝŶƐŝƋƵ͛ĞƐƚŶĠŵŽŶĞŶŐĂŐĞŵĞŶƚŵŝůŝƚĂŶƚ͘DŽŶŝŵĂŐĞĚƵŵŽŶĚĞ͕ĐĞ
que je sentais comme ça, de manière peut-­‐être un peu romantique et confuse, sans grandes ůĞĐƚƵƌĞƐăůĂďĂƐĞ͕Ɛ͛ĞƐƚŽƵǀĞƌƚĞăůĂĐŽŶƐĐŝĞŶĐĞĞƚăů͛ĞdžƉĠƌŝĞŶĐĞĚĞĐĞƉouvoir dont on parlait ĂƵƉĂƌĂǀĂŶƚƚŽƵƚďĂƐ͘DĂŝƐŝůŶ͛ĠƚĂŝƚƉůƵƐƉŽƐƐŝďůĞĚĞƐĞƚĂŝƌĞ͕ƚĞůůĞŵĞŶƚůĂŐƵĞƌƌĞĐŽŶƚƌĞůĂ
partie honnête de notre monde était sanglante. La mafia avait placé très haut la barre contre ů͛ƚĂƚĞƚůĞƐƌĠƐŝƐƚĂŶƚͼĞƐ͘ Une classe de juŐĞƐ͕ĚĞƉŽůŝĐĞĞƚĚĞŐĞŶƐĚĞƚŽƵƚĞƐƐŽƌƚĞƐƋƵŝŶ͛ĂĐĐĞƉƚĂŝƚƉůƵƐůĂŵĂĨŝĂƐĞ
ĨŽƌŵĂŝƚůĞŶƚĞŵĞŶƚ͘:͛ĞŶĨĂŝƐĂŝƐƉĂƌƚŝĞ͕ĂǀĞĐŵŽŶũŽƵƌŶĂůĐŽŵŵƵŶŝƐƚĞƋƵŝ͕ĚĂŶƐƐĂůƵƚƚĞĐŽŶƚƌĞ
ůĂŵĂĨŝĂ͕ĂǀĂŝƚĂƵƐƐŝĞƵƐĞƐǀŝĐƚŝŵĞƐ͘:͛ĂŝƌĠĂůŝƐĠƋƵ͛ĞŶŵŽŶƚƌĂŶƚĐĞƋƵŝƐĞƉĂƐƐĂŝƚĞn Sicile, je pouvais ġƚƌĞƵŶĐŚĂŠŶŽŶĚĞůĂůƵƚƚĞƋƵŝĂůůĂŝƚĐŽŵŵĞŶĐĞƌ͘ƚĐ͛ĞƐƚũƵƐƚĞŵĞŶƚĐĞƋƵĞũ͛ĞƐƐĂLJĂŝƐ
ĚĞĨĂŝƌĞĞŶĞŶǀŽLJĂŶƚŵĞƐƉŚŽƚŽƐƉĂƌƚŽƵƚĚĂŶƐůĞŵŽŶĚĞ͘:ĞŶĞŐĂŐŶĂŝƐƉĂƐĚ͛ĂƌŐĞŶƚ͕ũ͛ĞŶ
mettais même de ma poche ͊DĂŝƐũ͛ĂŝƉƵĞdžƉŽƐĞƌŝĐŝĞƚůă͕Ğn Angleterre, en France, en Suisse par exemple, et dire : « Ne nous laissez pas seul·∙e·∙s contre la mafia. ͩ:ĞŵŽŶƚƌĂŝƐů͛ĂĐŚĂƌŶĞͲ
ment sur les corps, la mort devenue banale, la douleur des survivantes. DĂŝƐďŝĞŶƋƵĞũ͛ĂŝĞǀƵĚĞƐĐĂĚĂǀƌĞƐƉĂƌĐĞŶƚĂŝŶĞƐ͕ũĞne me suis jamais habituée à être là, ƉĂƐƐŝǀĞŵĞŶƚ͕ĂǀĞĐů͛ĂƉƉĂƌĞŝů͕ăƚĞŶƚĞƌĚĞĨĂŝƌĞƵŶĞďŽŶŶĞƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚŝĞ͘DġŵĞŵĂŝŶƚĞŶĂŶƚ
ƋƵĞũ͛ĞŶƉĂƌůĞ͕ũ͛ĂŝƵŶĞƐĞŶƐĂƚŝŽŶĚĞŶĂƵƐĠĞĐŽŵŵĞƚŽƵƚĞƐůĞƐĨŽŝƐƋƵĞũĞƉĞŶƐĞăŵŽŶƚƌĂǀĂŝů͕
ăĐĞƐŝŵĂŐĞƐ͕ăĐĞƐůŝĞƵdž͕ů͛ŽĚĞƵƌdu sang, les enfants qui hurlent, les femmes qui pleurent, ůĞƐŵğƌĞƐĚĠƐĞƐƉĠƌĠĞƐ͙ ƚƌĞƵŶĞĨĞŵŵĞƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚĞŶ͛ĠƚĂŝƚƉĂƐĠǀŝĚĞŶƚ͘ŽŵŵĞŶƚĂƐ-­‐tu pu réaliser tes reportages ? ƵĚĠďƵƚ͕ũĞŶ͛ĂǀĂŝƐƉĂƐĐŽŶƐĐŝĞŶĐĞƋƵĞŵĞƐƉƌŽďůğŵĞƐĠƚĂŝĞŶƚůŝĠƐăŵŽŶġƚƌĞĨĞŵme ʹ blon-­‐
dinette, aux sabots et longues jupes, plus gracieuse que la dame de 67 ans que je suis main-­‐
ƚĞŶĂŶƚ͛͘ĠƚĂŝƚƚƌğƐĚƵƌ ͗ũ͛ĠƚĂŝƐƚŽƵũŽƵƌƐĐŚĂƐƐĠĞ͕ĐŽŵŵĞƵŶĞŵŽƵĐŚĞ͘YƵĂŶĚƋƵĞůƋƵĞĐŚŽƐĞ
se produisait, les télévisions et les quelques photographes de la ville arrivaient. Tout le ŵŽŶĚĞƉĂƐƐĂŝƚ͕ƐĂƵĨŵŽŝ͘KŶŶĞŵĞƉƌĞŶĂŝƚƉĂƐĂƵƐĠƌŝĞƵdž͘ƉƌğƐĚ͛ŝŶŶŽŵďƌĂďůĞƐĨŽŝƐŽƶŽŶ
| 107 ŵ͛ĂĞŵƉġĐŚĠĞĚĞƉƌĞŶĚƌĞůĞƐƉŚŽƚŽƐƋƵĞũĞŵĞĚĞǀĂŝƐĚĞĨĂŝƌĞĞƚƋƵĞůĞƐĂƵƚƌĞƐƉƌĞŶĂŝĞŶƚ͕
je me suis enfin imposée. Je me suis mise à crier contre la police, les mafieux, les gens qui ne ǀŽƵůĂŝĞŶƚƉĂƐĚĞŵŽŝ͘^ŽŝƚŽŶŵĞƉĞƌŵĞƚƚĂŝƚĚ͛LJġƚƌĞ͕ƐŽŝƚũĞĨĂŝƐĂŝƐƵŶƐĐĂŶĚĂůĞ͘ŽŵŵĞĕĂ͕
ũ͛ĂŝĐŽŵŵĞŶĐĠăġƚƌĞƌĞƐƉĞĐƚĠĞ͘:͛ĂŝƌĠƵƐƐŝĂůŽƌƐăƉƌĞŶĚƌĞŵĞƐƉŚŽƚŽƐ͕ŶŽŶƐĂŶƐƚŽŵďĞƌă
chaque fois sur de nouvelles difficultés. Ŷ^ŝĐŝůĞ͕ŽŶŶ͛ĂǀĂŝƚƉĂƐů͛ŚĂďŝƚƵĚĞĚĞǀŽŝƌƵŶĞĨĞŵŵĞĂǀĞĐƵŶĂƉƉĂƌĞŝůƉŚŽƚŽ ; cela paraissait ƚƌğƐůĠŐĞƌ͕ĨƌŝǀŽůĞ͘/ůŶ͛LJĂǀĂŝƚĂƵĐƵŶĞƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚĞĞŶ/ƚĂůŝĞƋƵŝƚƌĂǀĂŝůůĂŝƚƉŽƵƌĚĞƐƋƵŽƚŝĚŝĞŶƐ͘
En général, elles travaillaient sur de longs reportages approfondis, qui prenaient quelques ƐĞŵĂŝŶĞƐ͘:ĂŵĂŝƐƐƵƌů͛ĂĐƚƵĂůŝƚĠŶƵĞĞƚĐƌƵĞ ͗ũ͛ĠƚĂŝƐůĂƉƌĞŵŝğƌĞ͘dƵŝŵĂŐŝŶĞƐďŝĞŶƋƵĞũ͛ĂŝĞƵ
ĚĞƐĚŝĨĨŝĐƵůƚĠƐ͘DĂŝƐƋƵĂŶĚũ͛ĂŝĐŽŵƉƌŝƐƋƵŽŝĨĂŝƌĞ͕ĕĂƐ͛ĞƐƚƉĂƐƐĠĂƐƐĞnjďŝĞŶ ʹ ou presque. Quelle forme a donc prise ton engagement antimafia ? Franco Zecchin qui était mon compagnon, moi-­‐ŵġŵĞĞƚů͛ĠƋƵŝƉĞĂǀĞĐůĂƋƵĞůůĞŶŽƵƐƚƌĂǀĂŝůͲ
lions, cinq ou six photographes tous plus jeunes que moi, nous nous sommes mis·∙e·∙s à faire ĚĞƐĞdžƉŽƐŝƚŝŽŶƐ͘ů͛ĠƚƌĂŶŐĞƌ͕ĞůůĞƐƉƌĞŶĂŝĞŶƚůĞƐĞŶƐĚ͛ƵŶĞĚĠŶŽŶĐŝĂƚŝŽŶĞƚĚ͛ƵŶĞĚĞŵĂŶĚĞ
de soutien. Mais, à Palerme ou dans les villages de Sicile, elles avaient un autre sens : nous ĂůůŝŽŶƐĞdžƉŽƐĞƌůĞƐƌĠƐƵůƚĂƚƐĚ͛ƵŶĞĂĐƚŝŽŶĐƌŝŵŝŶĞůůĞăů͛ĞŶĚƌŽŝƚŽƶǀŝǀĂŝĞŶƚůĞƐĐƌŝŵŝŶĞůͼůĞͼƐ͘ ĞĐŝ͕ũĞů͛Ăi payé avec la fatigue, la peur, les marques, des marques profondes en moi-­‐même. :ĞŶ͛ĠƚĂŝƐƉĂƐƵŶĞƉŚŽƚŽƌĞƉŽƌƚĞƌƋƵŝĂůůĂŝƚƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚŝĞƌůĂŐƵĞƌƌĞĚĂŶƐƵŶĂƵƚƌĞƉĂLJƐ͘:͛ĂůůĂŝƐ
ƌĂĐŽŶƚĞƌůĂŐƵĞƵůĞĚ͛ƵŶŵĂĨŝĞƵdž͕ůĞƐƌĠƐƵůƚĂƚƐĚĠƐĂƐƚƌĞƵdžĚĞůĂĐŽƌƌƵƉƚŝŽŶƉŽůitique dans cette ǀŝůůĞ Ğƚ ũ͛LJ ŚĂďŝƚĂŝƐ͘ :͛LJ ĚŽƌŵĂŝƐ͕ ũ͛ĠƚĂŝƐ ŵğƌĞ͕ ĐŽŵƉĂŐŶĞ͕ ĂŵĂŶƚĞ Ğƚ ũĞ ǀŽƵůĂŝƐ LJ ĚĞŵĞƵƌĞƌ
ŚĞƵƌĞƵƐĞ͘:ĞŶĞǀŽƵůĂŝƐƉĂƐŵ͛ĞŶĨƵŝƌ͘ƚĕĂĐ͛ĠƚĂŝƚƚƌğƐůŽƵƌĚ͘DĂŝƐĐĞƚƚĞůŽƵƌĚĞƵƌƌĠǀĞŝůůĂĞŶ
ŵŽŝƵŶƐĞŶƚŝŵĞŶƚĚĞƉůƵƐĞŶƉůƵƐĨŽƌƚĚ͛ŝŶĚŝŐŶĂƚŝŽŶ͘/ůLJĂǀĂŝƚůĂƉĞƵƌ͕ŵĂŝƐĐ͛ĠƚĂŝƚƵŶůƵdžĞ͕ũĞ
ne pouvais pas y penser. ůŽƌƐũ͛ĂŝƌĠĂůŝƐĠƉƌŽĨŽŶĚĠŵĞŶƚ͕ũ͛ĂŝǀƌĂŝŵĞŶƚƉƌŝƐĐŽŶƐĐŝĞŶĐĞĚĞŵŽŶƵŶŝƋƵĞƉŽƐƐŝďŝůŝƚĠĚĞ
vivre : vivre pleinement, en continuant à aimer, à chercher des films intéressants, à faire du ƚŚĠąƚƌĞ͕ĚƵďĠŶĠǀŽůĂƚăů͛,ƀƉŝƚĂůƉƐLJĐŚŝĂƚƌŝƋƵĞ͕ƚŽƵƚĞŶŐĂƌĚĂŶƚŝŶƚĂĐƚĞůĂŵġŵĞǀŽůŽŶƚĠĚĞ
ůƵƚƚĞƌĐŽŶƚƌĞů͛ŝŶũƵƐƚŝĐĞƋƵŝŶŽƵƐĂƌƌŝǀĂŝƚƐŽƵƐůĂĨŽƌŵĞĚĞůĂŵĂĨŝĂĞƚĚ͛ƵŶƉŽƵǀŽŝƌƉŽůŝƚŝƋƵĞ͕
juridique et policier corrompu. Les ennemis étaient nombreux. Parmi les personnes qui se ƐŽŶƚ ĞŶŐĂŐĠĞƐ ĚĂŶƐ ĐĞƐ ŚŝƐƚŽŝƌĞƐ͕ ŶŽŵďƌĞƵƐĞƐ ƐŽŶƚ ĐĞůůĞƐ ƋƵŝ ŽŶƚ ĠƚĠ ƚƵĠĞƐ͘ :͛Ăŝ ĞƵ ĚĞ ůĂ
chance ! En outre, tu as participé à la vie politique sicilienne, en tant que députée au gouvernement communal, dans le Conseil municipal OrlandoථĞƚ au Parlement régional. ͛ĞƐƚŐƌąĐĞĂƵdžƚĂƚƐhŶŝƐĚ͛ŵĠƌŝƋƵĞ ! Pourquoi ͍:ĞŶ͛ĂǀĂŝƐũĂŵĂŝƐƌĞƚŝƌĠĂƵĐƵŶĞƐĂƚŝƐĨĂĐƚŝŽŶ
de mon être photographe. Personne ne me disait : « Bravo ͊ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝƚƵĂƐƉƌŝƐƵŶĞďŽŶŶĞ
photo ! » Mais certaines de mes photos sont arrivées à New York, sans que je le sache, pour ƉĂƌƚŝĐŝƉĞƌăƵŶƉƌŝdžĚŽŶƚũĞĐŽŶŶĂŝƐƐĂŝƐăƉĞŝŶĞů͛ĞdžŝƐƚĞŶĐĞ ʹ le Prix Eugene Smith. Un jour je reçois un télégramme : « Vous êtes parmi les finalistes du prix Smith. » Larmes, émotion ! Moi, finaliste ? Comment est-­‐ce possible ? Une femme, depuis Palerme, sans argent, sans ƉĞƌƐŽŶŶĞƉŽƵƌů͛ĂŝĚĞƌ͕ƌŝĞŶ͕ƐĂŶƐƌŝĞŶ ! Très contente, je me suis redécouverte vraiment ca-­‐
ƉĂďůĞ͘:ĞŶ͛ĂǀĂŝƐũĂŵĂŝƐƉĞŶƐĠƉŽƵǀŽŝƌŐĂŐŶĞƌƵŶƉƌŝdž͘WŽƵƌƚĂŶƚ͕ũĞů͛ĂŝĞƵ ! | 108 ͛ĠƚĂŝƚĞŶϭϵϴϲ͘:͛ĂǀĂŝƐƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚŝĠ͕ĚĠŶŽŶĐĠ͕ĠŵƵ͘:͛ĂŝƉĞŶƐĠƋƵĞũĞĚĞǀĂŝƐĨĂŝƌĞƉůƵƐ͘Ğ
prix a marqué le passage vers la politique active. En Italie, les Verts naissaient, un parti nou-­‐
veau, propre, avec des idéaux très importants liés à la nature et à la vie. Je me suis inscrite. WůƵƐƚĂƌĚ͕ŽŶŵ͛ĂĚĞŵĂŶĚĠĚĞŵĞƉŽƌƚĞƌĐĂŶĚŝĚĂƚĞ͘DĂŝƐŝůĠƚĂŝƚĠǀŝĚĞŶƚƋƵĞũĞŶ͛ĂƵƌĂŝƐƉĂƐ
ƉƵġƚƌĞĠůƵĞ͘ƚũĞŶĞů͛ĂŝƉĂƐĠƚĠ͘ĞƉĞŶĚĂŶƚ͕ƉŽƵƌƵŶĞƋƵĞƐƚŝŽŶĚĞŵĂĨŝĂƚƌŽƉůŽŶŐƵĞăĞdžͲ
pliquer, la conseillère communale première élue a dû démisƐŝŽŶŶĞƌĞƚĐ͛ĞƐƚŵŽŝƋƵŝůƵŝĂŝ
ƐƵĐĐĠĚĠ͘ĞƉƵŝƐ͕ƉĞŶĚĂŶƚƉůƵƐĚĞĚŽƵnjĞĂŶƐ͕ũ͛ĂŝĨĂŝƚĚĞůĂƉŽůŝƚŝƋƵĞĂĐƚŝǀĞ ͗ũ͛ĂŝĠƚĠĂĚŵŝŶŝƐͲ
ƚƌĂƚƌŝĐĞ͕ĐŽŶƐĞŝůůğƌĞĐŽŵŵƵŶĂůĞ͕ĚĠƉƵƚĠĞĂƵWĂƌůĞŵĞŶƚƐŝĐŝůŝĞŶ͘ƉƌğƐƋƵŽŝũ͛ĂŝĚŝƚďĂƐƚĂ ! Être femme dans ce Sud si marqué par ůĂĚĠǀĂƐƚĂƚŝŽŶŵĂĨŝĞƵƐĞĞƚƐŽŶŚŽŶŶĞƵƌŵĂƐĐƵůŝŶŶĞƚ͛Ă
pas empêchée ʹ ĐŽŵŵĞďĞĂƵĐŽƵƉĚ͛ĂƵƚƌĞƐĨĞŵŵĞƐ ʹ ĚĞƉŽƵƌƐƵŝǀƌĞƚĂůƵƚƚĞĞƚĚ͛LJƌĞƐƚĞƌ͘ Personnellement, je ne me sens ni du Sud ni du Nord. Mais, bien sûr, je sens la beauté de ǀŝǀƌĞĞŶǀĞůŽƉƉĠĞĚ͛ƵŶĂir plus chaud, de gens souvent simples et affables. La terre. Voilà, la terre est notre passé ͖ŶŽƚƌĞƉĂƐƐĠƋƵŝŵ͛ĂƚŽƵũŽƵƌƐƉůƵƐůŝĠĞăůĂƚĞƌƌĞ͘:ĞƌĞƐƐĞŶƐĨŽƌƚ͕ĐŽŵŵĞ
une mère, un rapport passionnel et privilégié ʹ un rapport de haine aussi, pas seulement Ě͛ĂŵŽƵƌ ʹ avec les gens qui habitent ma terre. Une relation privilégiée dans le sens de la ĨŽƌĐĞ͕ĞƚŶŽŶƉĂƐĚĂŶƐůĞƐĞŶƐĚƵƌĞƐƉĞĐƚ͙ Le Sud ͍:ĞŶ͛ĞŶƐĂǀĂŝƐƌŝĞŶĚƵ^ƵĚ͘:ĞŶĞƐĂǀĂŝƐƉĂƐ͕ĂůŽƌƐƋƵĞũĞůĂǀŝǀĂŝƐ͕ƋƵĞŵĂĐŽŶƚƌĂŝŶƚĞ
était liée à la mentalŝƚĠĚƵ^ƵĚ͘:ĞƉĞŶƐĂŝƐ͕ƉĂƌĐŽŶƚƌĞ͕ĂǀŽŝƌĐŽŵŵŝƐů͛ĞƌƌĞƵƌĚĞŵĞŵĂƌŝĞƌ͘
dŽƵƚĞĨŽŝƐ͕ũ͛LJƐƵŝƐƌĞƐƚĠĞĞƚũ͛LJƐƵŝƐƌĞǀĞŶƵĞăϰϬĂŶƐ͕ĂǀĞĐŵĞƐĨŝůůĞƐĚĠũăĂĚƵůƚĞƐ ͊ĞƉƵŝƐũ͛LJ
ĂŝǀĠĐƵƌĞƐƉĞĐƚĠĞ͕ĞŶĨĂŝƐĂŶƚĐĞƋƵ͛ŝůŵĞĐŚĂŶƚĂŝƚ͕ůŝďƌĞĐŽŵŵĞƐŝũ͛ĠƚĂŝƐăEĞǁzŽƌŬ ou en &ŝŶůĂŶĚĞ͘ŝĞŶƐƸƌũ͛ĞŶĂŝĞƐƐƵLJĠ͘:͛ĂŝǀĠĐƵƉĂƌŵŝĚĞƐƌğŐůĞƐƌĠƚƌŽŐƌĂĚĞƐ͕ŝŶĂĐĐĞƉƚĂďůĞƐĞƚĚŝƐͲ
ĐƌŝŵŝŶĂŶƚĞƐ͘DĂŝƐũ͛ĂŝĞƵůĂĐŚĂŶĐĞĚĞƉŽƵǀŽŝƌĚĠƉĂƐƐĞƌƚŽƵƚĞƐĐĞƐŚŝƐƚŽŝƌĞƐĞƚũĞƐƵŝƐĂƌƌŝǀĠĞ
ăĨĂŝƌĞĐĞƋƵĞũĞǀŽƵůĂŝƐ͘ƚƉƵŝƐ͕ůĞ^ƵĚŶ͛ĞƐƚƉĂƐƚŽƵũŽurs synonyme de restriction mentale. /ůLJĂĂƵƐƐŝĚĞůĂďĞĂƵƚĠĞƚũĞǀĞƵdžĐŽŶƚŝŶƵĞƌăLJǀŝǀƌĞ͘YƵ͛ĞƐƚ-­‐ce qui me retient ici et qui me plaît ? Peut-­‐ġƚƌĞ ůĞ ƌġǀĞ Ğƚ ů͛ĞŶǀŝĞ ĚĞ ƚƌĂǀĂŝůůĞƌ ĂǀĞĐ ůĞƐ ĂƵƚƌĞƐ ĨĞŵŵĞƐ Ě͛ŝĐŝ͘ WĂƌĐĞ ƋƵ͛ĂƵͲ
ũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ ĞŶĚĠƉŝƚĚĞƐƐƚĠƌĠŽtypes, il y a des ouvertures importantes. Heureusement, les filles sont plus libres ʹ des femmes splendides, intelligentes émergent. Car, quand les femmes du Sud peuvent étudier et gérer un minimum de liberté, elles emportent les qualités chaleureuses du Sud : une fantaisie qui prend son haut vol, une envie de rêve qui demeure ĨŽƌƚĞŝĐŝ͕ů͛ŝŵĂŐŝŶĂŝƌĞĚ͛ƵŶŵŽŶĚĞĂƵƚƌĞ͘ ĂŶƐƚĞƐŝŵĂŐĞƐĚ͛ƵŶĞ^ŝĐŝůĞƐƉůĞŶĚŝĚĞĞƚƌĂǀĂŐĠĞ͕ĚĞƐĨĂƐƚĞƐĚĠĐĂĚĞŶƚƐĚĞů͛ĂƌŝƐƚŽĐƌĂƚŝĞăůĂ
précarité des migrant·∙e·∙s, tes photos présentent souvent des femmes et des petites filles. Parle-­‐ŵŽŝĚ͛ĞůůĞƐĞƚĚŝƐ-­‐moi si tu te considères comme une photographe féministe. dƵƐĂŝƐ͕ũĞƉĞƵdžĚĠĚƵŝƌĞĐĞƋƵĞũĞƐƵŝƐĚĞŵĞƐĂƚƚŝƚƵĚĞƐ͘:ĞŶ͛ĂŝũĂŵĂŝƐĂŝŵĠŵ͛ĞŶƌĞŵĞƚƚƌĞ
ĂƵdžĚĠĨŝŶŝƚŝŽŶƐĂďƐƚƌĂŝƚĞƐ͘:ĞŶ͛Ăŝ jamais rien théorisé a priori. Je vis comme si je me voyais vivre, au jour le jour, et après je tire mes conclusions. Ainsi, quand je fais la sélection de mes ƉŚŽƚŽƐƉŽƵƌƵŶůŝǀƌĞŽƵƵŶƌĞƉŽƌƚĂŐĞ͕ƐĂŶƐŵġŵĞŵ͛ĞŶĂƉĞƌĐĞǀŽŝƌ͕ũĞƚƌŽƵǀĞƋƵĞŵĞƐŵĞŝůͲ
leures photos sont celles des femmes et des fillettes. Je choisis les femmes pour représenter ŵŽŶƚƌĂǀĂŝůĞƚŵĂƚĞƌƌĞ͘:ĞƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚŝĞŵŝĞƵdžůĞƐĨĞŵŵĞƐ͕ƐƸƌĞŵĞŶƚĂǀĞĐƉůƵƐĚ͛ĂƚƚĞŶƚŝŽŶ
ĞƚĚĞĐŽŵƉůŝĐŝƚĠ͘^ŝũĞƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚŝĞƵŶĞZŽŵ͕ĐĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐƐĂŵŝƐğƌĞƋƵĞũĞǀĞƵdžmontrer, | 109 mais sa fierté : je lui pose un voile sur la tête et je la fais paraître comme la dame la plus sublime. Si une femme avec des rides veut un portrait, je fais en sorte que ses rides soient magnifiques et que, par mes images, elle puisse être fière Ě͛ĞůůĞ-­‐même ou puisse dire : cette image me représente, représente un peu mon secret. En général, je préférerais raconter le ƐĞĐƌĞƚ͕ŵĂŝƐĐĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐƚŽƵũŽƵƌƐƉŽƐƐŝďůĞ͘ DĂŝƐũĞŶĞƐĂŝƐƉĂƐƐŝũ͛ĂŝƵŶĞƉŚŽƚŽƋƵĞũĞƉŽƵƌƌĂŝƐĚĠĨŝŶŝƌĐŽŵŵĞĨĠŵŝŶŝƐƚĞ͘:ĞƐĂŝƐ ƋƵ͛ŝůLJĂ
ĐĞƌƚĂŝŶĞƐƉŚŽƚŽƐƋƵĞũ͛ĂŝŵĞ͕ĐŽŵŵĞĐĞůůĞĚĞZŽƐĂƌŝĂ^ĐŚŝĨĂŶŝ͕ůĂǀĞƵǀĞĚ͛ƵŶĂŐĞŶƚĚĞů͛ĞƐͲ
ĐŽƌƚĞĚĞ&ĂůĐŽŶĞ͕ƚƵĠĚĂŶƐů͛ĂƚƚĞŶƚĂƚĐŽŶƚƌĞůĞũƵŐĞ͘sŝĐƚŝŵĞĚĞůĂŵĂĨŝĂ͕ĞůůĞĠƚĂŝƚĂƵdžĨƵŶĠͲ
ƌĂŝůůĞƐĚ͛ƚĂƚĐĠůĠďƌĠĞƐĂƉƌğƐůĞŵĂƐƐĂĐƌĞ͘dŽƵƚăĐŽƵƉ͕ƋƵĂŶĚ ũĞů͛ĂŝƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚŝĠĞ͕ũĞůƵŝĂŝ
dit de fermer les yeux ͗ũĞǀŽƵůĂŝƐƋƵĞƌŝĞŶŶĞĚĠƌĂŶŐĞůĞũĞƵĚĞůƵŵŝğƌĞĞƚĚ͛ŽŵďƌĞƐƵƌƐŽŶ
visage et la pureté de sa force. Elle avait été courageuse et intelligente. Pendant la cérémonie funéraire, elle avait dit que leƐŵĂĨŝĞƵdžĠƚĂŝĞŶƚĚĂŶƐů͛ĠŐůŝƐĞ͕ƉĂƌŵŝůĞƐŚĂƵƚƐƌĞƉƌĠƐĞŶƚĂŶƚƐ
ĚĞů͛ƚĂƚĂƵƐƐŝͨ͘ Je vous pardonne. Mais agenouillez-­‐vous ! » leur a-­‐t-­‐elle dit. Elle a été pour ŵŽŝƵŶŐƌĂŶĚĞdžĞŵƉůĞĚ͛ĞƐƉŽŝƌĞƚĚĞƌĠƐŝƐƚĂŶĐĞ͘ůůĞĠƚĂŝƚůăƉŽƵƌĚĠŶŽŶĐĞƌĐĞƋƵĞƉĞƌƐŽŶŶĞ
Ŷ͛Žsait dire. Elle était là comme une madone ʹ oui, elle était comme une petite madone des femmes ʹ un symbole de notre lutte contre la mafia. Cependant, je ne crois pas avoir une photo qui à elle seule raconte, symbolise ou synthétise la complexité de mon raƉƉŽƌƚăů͛ĂƌƚĞƚĂƵdžĨĞŵŵĞƐ͛͘ĞƐƚů͛ĞŶƐĞŵďůĞƋƵŝĚĠǀŽŝůĞĐĞƚƚĞĐŽŵͲ
ƉůĞdžŝƚĠ͘:ĞƐƵŝƐĚƵĐƀƚĠĚĞƐĨĞŵŵĞƐ͛͘ĞƐƚĐĞƌƚĂŝŶ͘ǀĞĐƌĂŐĞƋƵĞůƋƵĞĨŽŝƐ͕ƉĂƌĐĞƋƵ͛ĞůůĞƐŽŶƚ
été souvent des auxiliaires de la mafia, mafieuses elles-­‐mêmes parfois, plus souvent com-­‐
plices Ě͛ŚŽŵŵĞƐŝŵďĠĐŝůĞƐ͘ƚŵĂůŐƌĠƚŽƵƚũĞƉĞŶƐĞƋƵĞůĞŶŽƵǀĞĂƵ͕ůĞĨĂŶƚĂƐƚŝƋƵĞĞƐƚƉŽƌƚĠ
ƉĂƌůĞƐĨĞŵŵĞƐ͕ƉĂƌůĞƵƌĐĂƉĂĐŝƚĠĚĞƐ͛ŽƉƉŽƐĞƌ͕ĚĞŶĞƉĂƐƐ͛ŚŽŵŽůŽŐƵĞƌƚŽƵũŽƵƌƐ͘Ɛƚ-­‐ce que je suis féministe ? Bien sûr : je travaille avec les femmes, je dirige un journal de femmes et je veux le faire ͖ũĞƉƌĠĨğƌĞĨĂŝƌĞĐĞĐŝƋƵ͛ĂƵƚƌĞĐŚŽƐĞ͘ ͙ĞƚůĞƐƉĞƚŝƚĞƐĨŝůůĞƐ͕ƐŽŶƚ-­‐ĞůůĞƐƉĂƌŵŝƚĞƐŵĞŝůůĞƵƌĞƐƉŚŽƚŽƐ͕ĐŽŵŵĞĐĞůůĞƋƵŝƚ͛ĂǀĂůƵůĞƉƌŝdž
Smith ? Oui, les petites filles ont cette envie, cette fantaisie, cet imaginaire dont je te parlais. Je me ƐƵŝƐĂƉĞƌĕƵ͕ŝůLJĂĚĠũăůŽŶŐƚĞŵƉƐ͕ƋƵ͛ăĐŚĂƋƵĞĨŽŝƐƋƵ͛ƵŶĞĨŝůůĞƚƚĞĂƉƉĂƌĂŝƐƐĂŝƚ͕ŵŽŶŽďũĞĐƚŝĨ
Ɛ͛ĞŶǀŽůĂŝƚǀĞƌƐĞůůĞ͕ƐĠĚƵŝƚƉĂƌƵŶĞĐƌĠĂƚƵƌĞŵĂŝŐƌŝĐŚŽŶŶĞĂƵdžĐŚĞǀĞƵdžƌĂŝĚĞƐ͕ůĞƐLJĞƵdžĐĞƌͲ
nés, la poitrine encore plate. Des filles de 10, 13 ans, le regard sérieux, grave. Sur mes photos, elles ne doivent pas être transformées en créatures mièvres, mais laisser transparaître leur pensée, les rêves et les désirs de femmes en devenir. :ĞŵĞƐƵŝƐĂƉĞƌĕƵƋƵĞũ͛ĂǀĂŝƐďĞĂƵĐŽƵƉĚĞĐĞƐƉŚŽƚŽƐ͘:͛ai toujours recherché ces fillettes, ƐŝŵƉůĞŵĞŶƚĂǀĂŶƚũĞŶĞŵ͛ĞŶƌĞŶĚĂŝƐƉĂƐĐŽŵƉƚĞ͘WŽƵƌƋƵŽŝ ? Peut-­‐être parce que la fillette ĚĞϭϬĂŶƐĐ͛ĞƐƚŵŽŝ͕ŵŽŝƋƵŝƌġǀĂŝƐĚĞůŝďĞƌƚĠĞƚĚ͛ƵŶŵŽŶĚĞĚ͛ĂŵŽƵƌ ͖ƋƵŝŶĞƌġǀĂŝƐƉĂƐĚ͛ġƚƌĞ
une princesse mais une justicière. DĞƐŵĞŝůůĞƵƌĞƐƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚŝĞƐ͕ĐĞƐŽŶƚĐĞůůĞƐĚĞƐƉĞƚŝƚĞƐĨŝůůĞƐĞƚĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ͕ĐĞƐŽŶƚĐĞůůĞƐ
des petites choses qui racontent mon petit monde ͗ƵŶďƌŝŶĚ͛ŚĞƌďĞĂƵƉŝĞĚĚĞƐŐƌĂƚƚĞ-­‐ciel ĚĞ EĞǁ zŽƌŬ͕ ƵŶ ůLJƐ ƋƵŝ Ɛ͛ĠǀĞƌƚƵĞ ă ƉŽƵƐƐĞƌ ĚĂŶƐ ůĞƐ ĚƵŶĞƐ͙ ĞƐ ƉĞƚits riens en marge, comme moi je me sens par rapport à la destruction de la planète et de ses peuples. Avec ŵŽŶ ŽďũĞĐƚŝĨ͕ ũĞ ƌĞƐƐĞŶƐ ǀƌĂŝŵĞŶƚ ĂƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝ ůĞ ďĞƐŽŝŶ ĚĞ ƌĂĐŽŶƚĞƌ ůĂ ŵĂƌŐŝŶĂůŝƚĠ͕ Ě͛ġƚƌĞ
ĚĂŶƐůĂŵĂƌŐŝŶĂůŝƚĠ͕ăů͛ĠĐĂƌƚĚĞůĂǀĂŶŝƚĠ ͗ƌŝĞŶƋƵ͛ƵŶďƌŝŶĚ͛ŚĞƌďĞ͘ | 110 Parlons du rapport entre esthétique et acte militant. Comment rends-­‐tu ton engagement à travers la forme de tes photos ? Je crois fermement au professionnalisme et à la connaissance : je fais de la photo en sachant tout ce qui se fait dans le domaine. Je connais la peinture. Je suis allée dans les musées les ƉůƵƐƌĞŶŽŵŵĠƐĚƵŵŽŶĚĞ͘:͛ĂŝƵŶĞŐƌĂŶĚĞĐƵůƚƵƌĞĂƌƚŝƐƚŝƋƵĞ͕ŵĂŝƐũĞŶĞƐĂƵƌĂŝƐƉĂƐƚĞĚŝƌĞ
ƋƵĂŶĚũĞŵĞƐƵŝƐĞdžƉƌŝŵĠĞĂƌƚŝƐƚŝƋƵĞŵĞŶƚ͘:ĞƐĂŝƐƋƵĞũ͛ĂŝƌĞĐŚĞƌĐŚĠů͛ĂƌƚĚĞƉƵŝƐŵŽŶĞŶͲ
fance. :ĞŶ͛ĂŝƉĂƐƉƵĨƌĠƋƵĞŶƚĞƌů͛ĠĐŽůĞƉŽƵƌŵĞƐŽƵƐƚƌĂŝƌĞăƵŶ padre-­‐padrone͘ůŽƌƐ͕ů͛Ăƌƚ͕
ĐĞůƵŝĚĞƐĂƵƚƌĞƐ͕ĂĠƚĠƉŽƵƌŵŽŝƵŶĞƉŽƐƐŝďŝůŝƚĠĚ͛ĠǀĂƐŝŽŶĞƚĚĞĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶĨŽƌƚĞĞƚďĞůůĞ͘
WƵŝƐ͕ũ͛ĂŝĂŐŝƐĂŶƐƐĂǀŽŝƌƐŝĐĞƋƵĞũĞĨĂŝƐĂŝƐĠƚĂŝƚĚĞů͛Ăƌƚ͕ĞŶƐĂĐŚĂŶƚseulement que je devais faire des choses utiles pour les mien·∙ne·∙s, ici sur cette terre sicilienne. ŽŶĐăǀƌĂŝĚŝƌĞ͕ƋƵĂŶĚ͕ĞŶƚĂŶƚƋƵĞŵŝůŝƚĂŶƚĞũ͛ĂŝĞŶƚƌĞůĞƐŵĂŝŶƐƵŶĂƉƉĂƌĞŝůƉŚŽƚŽ͕ũĞŶĞ
ƉĞŶƐĞĂďƐŽůƵŵĞŶƚƉĂƐăů͛ĞƐƚŚĠƚŝƋƵĞ͘:ĞƉĞŶƐĞƐƸƌĞŵĞŶƚăůĂĐŽmposition, ça oui. Ou plutôt ũ͛ĞƐƐĂŝĞ͘ĂƌƐŽƵǀĞŶƚũĞƐƵŝƐĞŶƚƌĂŠŶĠĞƉĂƌĚĞƚĞůƐĨĂŝƚƐĐŽŶƚŝŶŐĞŶƚƐ͕ůĂƉŽůŝĐĞ͕ůĂƉůƵŝĞ͕ƵŶƉŽŝŶŐ
ƋƵŝƚ͛ĂƌƌŝǀĞ͕ƵŶĐƌĂĐŚĂƚĚĂŶƐůĂĨŝŐƵƌĞ͙sŽŝůăƉŽƵƌƋƵŽŝĐĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐĨĂĐŝůĞ͘DĂŝƐũĞƐĂŝƐĂǀĞĐ
certitude quand une photo est bŽŶŶĞĞƚƋƵĂŶĚĞůůĞŶĞů͛ĞƐƚƉĂƐ͘ ĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐů͛ĞƐƚŚĠƚŝƋƵĞƋƵŝŵ͛ŝŶƚĠƌĞƐƐĞƋƵĂŶĚũĞĚĠĐůĞŶĐŚĞ͕ŵĂŝƐůĂƐŝŐŶŝĨŝĐĂƚŝŽŶĞƚůĂĐŽŵͲ
ƉŽƐŝƚŝŽŶ͘KƵŝ͕ŽŶƉĞƵƚƉĂƌůĞƌĚ͛ĞƐƚŚĠƚŝƋƵĞ͕ĞŶŐĠŶĠƌĂů͘DĂŝƐƋƵĂŶĚũĞƉƌĞŶĚƐƵŶĞƉŚŽƚŽ͕Đ͛ĞƐƚ
que je dois agir. Quand je photographie la douleur, je suis partie prenante de la douleur, ƉĂƌƚŝĞ Ě͛ƵŶĞ ůƵƚƚĞĞƚ ĚƵŐƌĂŶĚ ďŽƌĚĞů ƋƵŝ ƐĞ ƉĂƐƐĞ ĂƵƚŽƵƌ ĚĞ ŵŽŝ͘ :͛ĞƐƐĂŝĞ ĚĞ ůĞ ƌĂĐŽŶƚĞƌ͕
dégoût ou douceur, en le considérant comme fait unique, en cherchant sa noblesse ou sa dignité. Si tu veux avancer un discours photographique engagé, savoir-­‐faire une bonne photo ne te ƐƵĨĨŝƚƉĂƐ͘dƵĚŽŝƐƚ͛ŝŵƉŽƐĞƌƵŶĞĚŝƐĐŝƉůŝŶĞĞƚƚ͛ŽƵǀƌŝƌăůĂĐƵƌŝŽƐŝƚĠ͘/ůĨĂƵƚĐŚŽŝƐŝƌĚ͛ĠƚƵĚŝĞƌ͕
ĚĞƐ͛ŝŶĨŽƌŵĞƌ͕Ě͛ġƚƌĞƚŽƵũŽƵƌƐǀŝŐŝůĂŶƚͼĞ ʹ ĐŽŵŵĞĂǀĞĐŶŽƚƌĞǀŝĞ͘WƌŽĚƵŝƌĞĚĞů͛Ărt a à voir ĂǀĞĐůĂǀŝŐŝůĂŶĐĞ͕ů͛ĂƚƚĞŶƚŝŽŶĞƚůĂƌŝŐƵĞƵƌ͕ăĐƀƚĠĚĞŶŽŵďƌĞƵƐĞƐĂƵƚƌĞƐĐŚŽƐĞƐ : la lumière ƋƵŝŶĞƐƵĨĨŝƚƉĂƐ͕ůĞĨŝůŵƋƵŝƐĞƚĞƌŵŝŶĞ͕ů͛ĂƉƉĂƌĞŝůƋƵŝƐĞĐĂƐƐĞ͘:ĞƉĞƵdžġƚƌĞƵŶĞďŽŶŶĞƉŚŽͲ
tographe mais manquer des conditions pour une bonne photŽ͘DĂŝƐƐ͛ŝůůĞĨĂƵƚ͕ũĞůĂŵŽŶƚƌĞͲ
ƌĂŝƋƵĂŶĚŵġŵĞ͕ŵġŵĞƐŝĐ͛ĞƐƚƵŶĞŵĂƵǀĂŝƐĞƉŚŽƚŽ͘ ͛ĞƐƚĐŽŵƉůŝƋƵĠ͘DĂŝƐƵŶĨĂŝƚĞƐƚĐĞƌƚĂŝŶ : je sais regarder et choisir les photos des autres. ͛ĞƐƚƚƌğƐŝŵƉŽƌƚĂŶƚƉŽƵƌŵŽŝ ͗ũ͛ĂĚŽƌĞůĂƉŚŽƚŽŐƌĂƉŚŝĞĞƚũ͛ĂĚŽƌĞĂŝĚĞƌůĞƐphotographes à ĐŚŽŝƐŝƌůĞƵƌƐŝŵĂŐĞƐ͘:͛ĂŝŵĞƉƵďůŝĞƌůĞƐƉŚŽƚŽƐĚ͛ĂƵƚƌƵŝ͕ĐŽŵŵĞũ͛ĂŝŵĞƉƵďůŝĞƌůĞƐůŝǀƌĞƐĚ͛ĂƵͲ
ƚƌƵŝ͕ƉƵŝƐƋƵĞũ͛ĂŝŵĞŝŶƚĞƌĂŐŝƌĂǀĞĐůĞƐŐĞŶƐ͘ Venons-­‐ĞŶăƚŽŶĂĐƚŝǀŝƚĠĚ͛ĠĚŝƚƌŝĐĞ ͗ƋƵ͛ĞƐƚ-­‐ĐĞƋƵŝƚ͛ĂƉŽƵƐƐĠăĐƌĠĞƌĞƚĚŝƌŝŐĞƌƵŶƉĠƌŝŽĚŝƋƵĞ
comme « Mezzocielo »͕ƋƵŝĞƐƚĠĐƌŝƚƉĂƌĚĞƐĨĞŵŵĞƐĞƚƐ͛ĂĚƌĞƐƐĞăĞůůĞƐ ? dŽƵũŽƵƌƐĐĞĨĂŝƚƋƵĞůĞƐĨĞŵŵĞƐŽŶƚŵŽŝŶƐĚĞǀŽŝdž͕ŵŽŝŶƐĚ͛ĞƐƉĂĐĞƐƉŽƵƌƐ͛ĞdžƉƌŝŵĞƌ͘ Mez-­‐
zocielo se voulait un espace pour accueillir des photographies, des écrits, des pensées de femmes. Non pas pour discriminer la pensée masculine, mais parce que la pensée féminine ĚŽŝƚĂǀĂŶĐĞƌĞƚƐ͛ŝŵƉŽƐĞƌ͘ĂƌůĂƉĞŶƐĠĞĚĞƐĨĞŵŵĞƐ ʹ même si je suis souvent en désaccord avec leurs attitudes ʹ ĞƐƚĂƵƚƌĞ͕ĚŝĨĨĠƌĞŶƚĞ͕ŶŽŶƌĞƐƉŽŶƐĂďůĞ͘KƵŝ͕ĞůůĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐƌesponsable des catastrophes qui frappent notre planète. Mezzocielo a donc été pensé comme un nouvel | 111 espace de démocratie ouvert aux femmes, aux petites filles, aux photographes, aux poé-­‐
ƚĞƐƐĞƐ͕ĂƵdžƌĠĂůŝƐĂƚƌŝĐĞƐ͙ ŶŵġŵĞƚĞŵƉƐƋƵĞůĂƌĞǀƵĞĚĞĨĞŵŵĞƐ͕ũ͛ĂŝůĂŶĐĠŵĂŵĂŝƐŽŶĚ͛ĠĚŝƚŝŽŶ Edizioni della Batta-­‐
glia : une maison vraiment petite ʹ ũĞƉƵďůŝĞĚŝdž͕ĚŽƵnjĞůŝǀƌĞƐƉĂƌĂŶ͛͘ĠƚĂŝƚĞŶϭϵϵϮ͕ƋƵĂŶĚ
les juges Falcone et Borsellino ont été tués. Son but était essentiellement de raconter notre désespoir puisque nous étions profondément blessé·∙e·∙s et humilié·∙e·∙s par ces massacres. Je pensais, comme je le pense pour les femmes, que dans la lutte contre la mafia il fallait ĐƌĠĞƌ ĚĞƐ ĞƐƉĂĐĞƐ ĚĞ ůŝďĞƌƚĠ͘ ůŽƌƐ ũĞ ŵĞ ƐƵŝƐ Ěŝƚ ƋƵĞ ů͛ĂƌŐĞŶƚ ƋƵĞ ũĞ ŐĂŐŶĂŝƐ ĞŶ ƚĂŶƚ ƋƵĞ
députée ʹ une somme importante ʹ pouvait servir à créer un espace pour héberger la pensée ĚĞƚŽƵƚĞƉĞƌƐŽŶŶĞƋƵŝǀŽƵůĂŝƚůƵƚƚĞƌĐŽŶƚƌĞůĂŵĂĨŝĂ͕ǀŽƵůĂŝƚůĞĚŝƌĞĞƚƐĂǀĂŝƚů͛ĠĐƌŝƌĞ͘ ƵũŽƵƌĚ͛ŚƵŝůĞƐĚŝĨĨŝĐƵůƚĠƐƐŽŶƚĂƵƚĂŶƚĠĐŽŶŽŵŝƋƵĞƐƋƵĞůŝĠĞƐĂƵƌĠƐĞĂƵĚĞĚŝƐƚƌŝbution. Mais ĐĞƋƵŝŵĞƚŝĞŶƚăĐƈƵƌĞƐƚŶŽƚƌĞĚĠǀĞůŽƉƉĞŵĞŶƚĞƚŶŽƚƌĞůŝďĠƌĂƚŝŽŶĚĞůĂƉĞŶƐĠĞŵĂĨŝĞƵƐĞ͘ Comment expliques-­‐ƚƵƋƵĞƚƵƐŽŝƐƌĞŶŽŵŵĠĞƉŽƵƌƚŽŶĞŶŐĂŐĞŵĞŶƚĂŶƚŝŵĂĨŝĂ͕ŽƵƚƌĞů͛ĠĐŽůŽͲ
ŐŝĞ͕ ů͛ƵƌďĂŶŝƐŵĞ Ğƚ ůĂ ƉƐLJĐŚŝĂƚƌŝĞ͕ Ğƚ ƋƵĞ ƉĂƌ ĐŽŶƚƌĞ ƚŽŶ ĞŶŐĂŐĞŵĞnt féministe apparaisse moins ? :ĞĐƌŽŝƐƋƵĞĐ͛ĞƐƚůĞƌĠƐƵůƚĂƚĚ͛ƵŶĞĚŽƵďůĞŵĂŶŝŐĂŶĐĞ͘>ĂƉƌĞŵŝğƌĞĐ͛ĞƐƚĐĞůůĞƋƵŝŽĐĐƵůƚĞŵĞƐ
actes de féministe comme ceux de toutes les femmes. Et pas toujours de mauvaise foi. Par-­‐
fois, les journalistes ne voient tout simplement pas, sont incapables de donner du sens aux ĂĐƚĞƐĚĞƐĨĞŵŵĞƐ͘WĂƌĨŽŝƐ͕ŝůƐ͛ĂŐŝƚĚ͛ƵŶĂĐƚĞĚĠůŝďĠƌĠƋƵŝĐŽŶƐŝƐƚĞƚŽƵƚĐŽƵƌƚăŶŝĞƌůĂƉĂƌŽůĞ
des femmes. >͛ĂƵƚƌĞŵĂŶƈƵǀƌĞ͕Đ͛ĞƐƚŵŽŝ-­‐ŵġŵĞƋƵŝů͛ĂŝĨĂŝƚĞ ͗ũĞǀĞƵdžĚĠŵŽŶƚƌĞƌƋƵ͛ƵŶƉĞƵƉůĞĞŶƚŝĞƌǀĂ
contre la mafia, même si les femmes en lutte sont certainement plus nombreuses que les hommes. Je triche en voulant démontrer que ce peuple, hommes et femmes, enfants, ũĞƵŶĞƐ͕ąŐĠͼĞͼƐ͕ǀĞƵůĞŶƚůƵƚƚĞƌĐŽŶƚƌĞůĂŵĂĨŝĂ͛͘ĞƐƚƵŶĞƌƵƐĞƋƵŝƐĞƌƚăŶŽƵƐĚŽŶŶĞƌĚƵĐou-­‐
rage et je le raconte dans mes interviews, à la télévision. Mais la vérité est que les femmes sont meilleures. Pour terminer, je sais que tu voudrais nous transmettre la mémoire de la lutte de Rita Atria. ͛ĠƚĂŝƚĞŶϭϵϵϮ͕ŶŽƵƐŶĞƐĂǀŝŽŶƐƉĂƐƋƵĞZŝƚĂ ƚƌŝĂĞdžŝƐƚĂŝƚ͘EŽƵƐŶĞů͛ĂǀŽŶƐƐƵƋƵĞƋƵĂŶĚ
ĞůůĞĞƐƚŵŽƌƚĞ͘sŝǀĂŶƚĚĂŶƐƵŶĞĨĂŵŝůůĞŵĂĨŝĞƵƐĞ͕ĞůůĞŶ͛ĂƉĂƐϭϳĂŶƐƋƵĂŶĚƐŽŶƉğƌĞĞƐƚĂƐͲ
ƐĂƐƐŝŶĠ͘dŽƵƚĚĞƐƵŝƚĞĂƉƌğƐ͕Đ͛ĞƐƚůĞƚŽƵƌĚĞƐŽŶĨƌğƌĞ͘ZŝƚĂĞƚƐĂďĞůůĞ-­‐ƐƈƵƌWŝĞƌĂ ʹ la femme du frère assassiné ʹ pƌĞŶŶĞŶƚĐŽŶƐĐŝĞŶĐĞĚĞů͛ŚŽƌƌĞƵƌĚ͛ĂƉƉĂƌƚĞŶŝƌăůĂŵĂĨŝĂĞƚƉƌĠƉĂƌĞŶƚ
leur rébellion : elles se rendent chez le juge Borsellino et brisent la loi du silence ; elles parlent pendant des journées entières, dans le plus grand secret. Elles remettent au juge les secrets de leur famille dont elles ont connaissance : noms et prénoms des mafieux, des complices, des corrompus, des politiciens compromis. Le juge Borsellino statue ; un procès est ouvert. Les deux filles ʹ mais Rita, surtout ʹ ne peu-­‐
vent plus vivre en famille et le village ne les veut plus : elles sont menacées, battues. La mère renie la fille. Pour les protéger, Borsellino les transfère à Rome et cache Rita dans un lieu secret. Au procès, son témoignage est crucial, mais sa mère la renie une fois de plus en pu-­‐
blic. | 112 YƵĂŶĚ ŽƌƐĞůůŝŶŽ ĞƐƚƚƵĠůĞ ϭϵ ũƵŝůůĞƚ͕ ZŝƚĂ ů͛ĂƉƉƌĞŶĚ ƉĂƌ ůĞ ũŽƵƌŶĂů ĚƵ ƐŽŝƌ͘ ůůĞ ĐŽŶĨŝĞ ƐĞƐ
ƉĞŶƐĠĞƐăƵŶũŽƵƌŶĂůŝŶƚŝŵĞ;ũ͛ĂŝƉƵďůŝĠƵŶůŝǀƌĞƚƐƵƌ elle. Son désespoir est profond : plus personne ne la sauvera. Deux ou trois jours passent, Rita réfléchit : elle a peur de la mafia, ĞůůĞƐŽƵĨĨƌĞĚ͛ĂǀŽŝƌƉĞƌĚƵŽƌƐĞůůŝŶŽƋƵ͛ĞůůĞĐŽŶƐŝĚĠƌĂŝƚĐŽŵŵĞƐŽŶŶŽƵǀĞĂƵƉğƌĞ͘ůŽƌƐĞůůĞ
ouvre la fenêtre et se lance du sixième étage. Sais-­‐tu combien la douleur pèse ? Et Rita meurt sur le trottoir de Rome. Nous avons su à ce moment-­‐ůăƋƵ͛ƵŶĞŚĠƌŽŢŶĞĠƚĂŝƚŵŽƌƚĞ͘ ^ĂƚƌĂŐĠĚŝĞĞƐƚƚĞƌƌŝďůĞƉŽƵƌŶŽƵƐůĞƐĨĞŵŵĞƐĐĂƌŶŽƵƐŶ͛ĂǀŽŶƐƌŝĞŶƉƵĨĂŝƌĞ͘>ĞƐĂƵƚŽƌŝƚĠƐ
Ŷ͛ŽŶƚ ũĂŵĂŝƐ ƉĞŶƐĠ ă ŶŽƵƐ ŵĞƚƚƌĞ ĞŶ ĐŽŶƚĂĐƚ ĂǀĞĐ ĞůůĞ͘ ^͛ŝůƐ ŶŽƵƐ ĂǀĂŝĞŶƚ ƉĞƌŵŝƐ Ě͛ġƚƌĞ
ƉƌŽĐŚĞƐĚ͛ĞůůĞ͕Ɖeut-­‐être ne serait-­‐elle pas morte. dŽƵƚ ĚĞ ƐƵŝƚĞ ĂƉƌğƐ ƐŽŶĚĠĐğƐ͕ ũ͛Ăŝ ƚŝƌĠ ƵŶ ƚƌĂĐƚ Ğƚ ũĞ ů͛Ăŝ ƉůĂĐĂƌĚĠ ĚĂŶƐ ƚŽƵƚĞƐ ůĞƐ ƌƵĞƐ ĚĞ
Palerme. Il ne disait que « Merci Rita », car elle était morte pour nous. Puis nous avons fait Ě͛ĂƵƚƌĞƐĐŚŽƐĞƐ : nous sommes allées aux funérailles, les femmes ont porté le cercueil sur ů͛ĠƉĂƵůĞ͘ŶƐƵŝƚĞĞůůĞƐŽŶƚŵŝƐƵŶĞƉŚŽƚŽƐƵƌƐĂƉŝĞƌƌĞƚŽŵďĂůĞ͕ƋƵĞƐĂŵğƌĞĞƐƚǀĞŶƵĞĚĠͲ
truire quand nous sommes parties. Peut-­‐ġƚƌĞƋƵ͛ĞůůĞƉĞŶƐĂŝƚƋƵĞů͛ĂŶƚŝŵĂĨŝĂůƵŝĂǀĂŝƚĞŶůĞǀĠ
sa fille. Tout ůĞŵŽŶĚĞƐ͛ĞŶĞƐƚƉƌŝƐăĐĞƚƚĞŵğƌĞ͘ĞŶ͛ĞƐƚƉĂƐĠǀŝĚĞŶƚĚĞĐŽŵƉƌĞŶĚƌĞƐŽŶ
ĂƚƚŝƚƵĚĞ͘hŶĞĨŽŝƐ͕ĞůůĞ ŵ͛ĂƚĠůĠƉŚŽŶĠĞƚŶŽƵƐĂǀŽŶƐƉĂƌůĠůŽŶŐƚĞŵƉƐ͛͘ĠƚĂŝƚĚŝĨĨŝĐŝůĞ͕ĞůůĞ
parlait comme un langage crypté, secret. Elle avait peur : peur que sa fille se ruine͕ƋƵ͛ĞůůĞ-­‐
même se ruine, peur de ne plus pouvoir vivre autrement : la mafia terrorise les familles des mafieux aussi. :ĞƉŽƵƌƌĂŝƐƌĂĐŽŶƚĞƌĚ͛ĂƵƚƌĞƐĚĞƐƚŝŶƐ͕Ě͛ĂƵƚƌĞƐƉĂƌĐŽƵƌƐ ͗ŝůLJĂƉůĞŝŶĚ͛ŚŝƐƚŽŝƌĞƐĚĞĨĞŵŵĞƐ
ĚĂŶƐĞƚĐŽŶƚƌĞůĂŵĂĨŝĂ͘ŽŵďŝĞŶĚ͛ŚŝƐƚŽŝƌĞs, combien de luttes ! | 113 Remerciements :͛ĂŝŵĞƌĂŝƐ ƚŽƵƚ Ě͛ĂďŽƌĚ ĂĚƌĞƐƐĞƌ ŵĞƐ ƌĞͲ
merciements les plus cordiaux à Daniela Piana et Mr Eymeri-­‐Douzans, pour avoir accepté de super-­‐
viser ce travail de recherche, ainsi que pour le ƚĞŵƉƐƋƵ͛ŝůƐĚĠĚŝĞƌŽŶƚăƐĂůĞĐture. Je désire remercier mes proches, trio es-­‐
ƐĞŶƚŝĞůăů͛ĂŵŽƵƌĂLJĂŶƚƉĞƌŵŝƐĚ͛ĞĨĨĞĐƚƵĞƌĐĞƚƌĂͲ
vail dans les meilleures conditions possibles, qui se ƐŽŶƚŝŶƋƵŝĠƚĠƐƋƵĂŶĚũ͛ĠƚĂŝƐ tranquille, et récipro-­‐
quement. Je tiens également à remercier sincère-­‐
ment Paola, Maria-­‐Luigia et Giovanni, pour tout ce ƋƵ͛ŝůƐ ŵ͛ŽŶƚ ĂƉƉŽƌƚĠ͕ ĚĂŶƐ ĐĞ ƚƌĂǀĂŝů Ğƚ ďŝĞŶ ĂƵ-­‐
delà, autant de choses qui ont participé à ma cons-­‐
ƚƌƵĐƚŝŽŶ͕ăŵŽŶĂƉƉĠƚĞŶĐĞĞƚăů͛ŽƵǀĞƌƚƵƌĞƐƵƌůĞ
ŵŽŶĚĞƋƵĞũĞŵ͛ĞĨĨŽƌĐĞĚĞĐƵůƚŝǀĞƌ͘ Je souhaite remercier Francesca, pour son regard pur, qui créa la douceur, son amour et son éclairage profondément humain sur une culture ƋƵ͛ĞůůĞ ŵ͛Ă à mon tour fait partager, vivre et ai-­‐
mer. Mes remerciements se portent aussi vers 'ŝŽǀĂŶŶŝ͕ĚŽŶƚů͛ŚƵŵŽƵƌĞƚůĞƐĂǀŽŝƌŵ͛ŽŶƚƉĞƌŵŝƐ
Ě͛Ăvancer, de même que les réponses à toutes mes questions, apportées par lui-­‐même et ses amis. Ces personnes, à travers leurs témoignages, ŽŶƚŽĨĨĞƌƚăĐĞƚƚĞĠƚƵĚĞů͛ancrage social, culturel ĞƚĂĐƚƵĞůƋƵ͛ŝůŵ͛ŝŵƉŽƌƚĂŝƚĚĞŐĂƌĂŶƚŝƌ͘ Comment terminer autrement cette étude et, par là-­‐même, mes études, sans remer-­‐
ĐŝĞƌĚƵĨŽŶĚĚƵĐƈƵƌ et le sourire aux lèvres Alban, Corentin, Emmanuel, Gabriel et Nicolas, sans qui cette période toulousaine Ŷ͛ĂƵƌĂŝƚƉĂƐĞƵůĂŵġŵĞ
saveur. ŝĞŶĂƉƌğƐů͛ŚĞƵƌĞŽƶ͕ƉŽƵƌƌĞƉƌĞŶĚƌĞůĞƐ
mots de José Maria de Heredia que nous aimons tant, « les Muezzins cessent leurs clameurs », leurs encouragements et leurs conseils avisés ne per-­‐
daient rien de leur force, de leur pertinence et de leur affection. Ğů͛ĂĚǀĞƌƐŝƚĠŶĂƋƵŠƚŶŽƚƌĞfélicité, notre solidarité et, espérons-­‐le͕ ů͛ĞdžƉƌĞƐƐŝŽŶ ĚĞ
notre talent. Théo Gamel-­‐Niepce 

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