Mastite granulomateuse idiopathique d`évolution favorable sous

Transcription

Mastite granulomateuse idiopathique d`évolution favorable sous
La Revue de médecine interne 32 (2011) e26–e28
Cas clinique
Mastite granulomateuse idiopathique d’évolution favorable sous traitement
médical
Idiopathic granulomatous mastitis with favourable outcome with medical treatment
H. Boufettal a,c,∗ , S. Mahdaoui a , M. Noun a , S. Hermas a , N. Samouh a , S. Benayad b , S. Azzouzi b , S. Zamiati b
Service de gynécologie-obstétrique « C », centre hospitalier universitaire de Casablanca, Casablanca, Maroc
Service central d’anatomie pathologique, centre hospitalier universitaire de Casablanca, Casablanca, Maroc
c
29, Lot. Abdelmoumen, résidence Al Mokhtar, Derb Ghallef, 20100 Casablanca, Maroc
a
b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article :
Disponible sur Internet le 17 juin 2010
Mots clés :
Mastite granulomateuse primitive
Granulome
Corticothérapie
r é s u m é
La mastite granulomateuse est une maladie inflammatoire rare, d’étiologie inconnue. Nous rapportons
une observation de mastite inflammatoire granulomateuse primitive, d’évolution favorable sous corticothérapie. L’évolution de cette entité est imprévisible, rendant un consensus thérapeutique difficile à
établir.
© 2010 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne
(SNFMI).
a b s t r a c t
Keywords:
Idiopathic granulomatous mastitis
Granuloma
Corticosteroids
Granulomatous mastitis is a rare inflammatory disorder. Its etiology remains unknown. We report a 42year-old female who presented with an idiopathic granulomatous mastitis. Outcome was favourable with
corticosteroids. The disease course of this entity is unpredictable and a consensual treatment is difficult.
© 2010 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine
interne (SNFMI).
1. Introduction
La mastite granulomateuse idiopathique (MG) est une pathologie rare, représentant moins de 0,5 % des mastopathies. Le
diagnostic en est histologique permettant d’éliminer surtout un
carcinome mammaire [1,2]. Nous rapportons une observation de
mastite granulomateuse primitive qui s’est présentée sous la forme
d’une tuméfaction inflammatoire du sein très suspecte de mastite
carcinomateuse, ayant bien évolué sous traitement médical seul.
2. Observation
Une patiente, âgée de 42 ans, mère d’un enfant, sans antécédent
particulier, non ménopausée, consultait pour une mastite inflammatoire avec induration mammaire prenant l’ensemble du sein
gauche (Fig. 1) évoluant depuis trois mois.
La mammographie montrait une opacité prenant tout le sein
gauche, mal limitée (Fig. 2). Une biopsie à l’aiguille montrait un
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (H. Boufettal).
parenchyme mammaire dystrophique sans cellule néoplasique et la
présence de granulomes épithéliogigantocellulaires, sans nécrose
caséeuse en faveur d’une mastite granulomateuse (Fig. 3). L’examen
bactériologique ne montrait pas de bacille tuberculeux ni de corynebactéries ou d’actinomycètes.
La radiographie de thorax et l’échographie abdominopelvienne
étaient normales ; notamment, il n’y avait pas de lésion qui aurait
pu faire évoquer une sarcoïdose. La calcémie et le dosage de
l’enzyme de conversion de l’angiotensinogène étaient normaux.
Le diagnostic de mastite inflammatoire granulomateuse primitive
était retenu. La patiente était mise sous corticothérapie à la dose
de 60 mg par jour pendant deux mois, suivie d’une diminution progressive des doses. L’évolution était marquée par la disparition de
la mastite inflammatoire et de l’induration du sein. Avec un recul
de huit mois, aucune récidive n’était notée.
3. Discussion
La mastite granulomateuse est une mastopathie bénigne inflammatoire chronique qui survient essentiellement chez la femme
en période d’activité génitale. Elle est caractérisée par la présence de lésions inflammatoires amicrobiennes du sein, localisées
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doi:10.1016/j.revmed.2009.12.018
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Fig. 1. Gros sein nodulaire inflammatoire.
aux lobules, d’où sa dénomination de mastite granulomateuse
[1,2]. L’atteinte est typiquement unilatérale mais quelques cas
d’atteintes bilatérales ont été rapportés [1]. Son étiopathogénie
reste mal connue. Plusieurs hypothèses ont été avancées, la réaction
inflammatoire pourrait être secondaire à des facteurs mécaniques,
traumatiques, hormonaux ou métaboliques. Le primum movens
serait une agression de l’épithélium canalaire responsable d’une
extravasation des sécrétions glandulaires dans le tissu conjonctif
du lobule, créant des lésions inflammatoires locales. Des désordres
immunologiques sont également envisagés en se basant sur des
analogies histologiques avec la thyroïdite, l’orchite ou la prostatite
granulomateuse [2]. Un processus auto-immun a été évoqué chez
les patientes ayant eu des grossesses [1], l’atteinte survenant en
moyenne dans les six ans suivant la grossesse.
La richesse en polynucléaires neutrophiles matures, sans germe
identifiable, pourrait faire discuter l’intégration de cette entité dans
le cadre des hidradénites suppuratives et par conséquent des der-
Fig. 2. Aspect mammographique d’un sein inflammatoire.
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Fig. 3. Granulome épithéliogigantocellulaire observé au microscope optique (flèche
jaune) constitué par des cellules géantes (flèche bleue) et des cellules épithélioïdes
(flèche blanche) au grossissement × 40.
matoses neutrophiliques [3]. La corticosensibilité est un autre point
commun avec les dermatoses neutrophiliques mais ce caractère
est sans grande spécificité car il est partagé avec de nombreuses
affections.
Les lésions peuvent intéresser n’importe quelle zone du parenchyme mammaire mais la région rétroaréolaire semble être plus
souvent épargnée. La sémiologie mammographique de la mastite
granulomateuse n’est pas spécifique. Il s’agit le plus souvent d’une
asymétrie de densité mal limitée, sans microcalcification ou distorsion architecturale. Certains auteurs décrivent de multiples masses
irrégulières, de petite taille, suspectes de malignité. Ailleurs, il s’agit
d’une masse à contours nets dans un sein graisseux, la mammographie peut même être normale en cas de seins denses [4].
À l’échographie, la mastite granulomateuse peut revêtir
plusieurs aspects. Une masse hypoéchogène irrégulière mais généralement à grand axe parallèle à la peau [4,5], reliée à des structures
tubulées hypoéchogènes, est l’aspect le plus fréquemment observé
et le plus suggestif de l’affection [6]. Le doppler révèle une hypervascularisation des lésions et des tissus mammaires adjacents,
posant un problème de diagnostic différentiel avec une lésion
maligne. Les aspects en IRM des mastites granulomateuses sont
peu connus. L’IRM est indiquée principalement pour rechercher des
signes de malignité sur le plan morphologique mais surtout pour
l’étude de la cinétique de rehaussement après injection de produit
de contraste [7].
L’étude anatomopathologique permet un diagnostic de certitude en mettant en évidence un infiltrat inflammatoire siégeant
au sein du tissu glandulaire et plus particulièrement, au niveau du
lobule, organisé sous la forme de nodules sans nécrose caséeuse,
comportant en proportion variable des cellules épithélioïdes,
des cellules géantes multinucléées, des lymphocytes, des polynucléaires neutrophiles, des plasmocytes et plus rarement des
polynucléaires éosinophiles. La confluence des lésions peut amener à un dépassement des limites du lobule mammaire et explique
l’aspect de multiples nodules confluents ou tubulés hypoéchogènes
à l’échographie. Le halo hyperéchogène périphérique correspond
au mur de fibrose circonférentielle qui limite les granulomes [1].
Cet aspect est difficile à différencier d’une tuberculose, surtout dans
un pays d’endémie mais la prédominance des polynucléaires neutrophiles et l’absence de nécrose caséeuse plaident en faveur d’une
mastite granulomateuse [8–10]. Une infection à Corynebacterium
accolens a pu être documentée à partir d’un abcès du sein chez une
patiente présentant une mastite granulomateuse [11]. Dans notre
cas, la recherche bactériologique était négative.
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La thérapeutique repose essentiellement sur la chirurgie qui
consiste en une exérèse large des lésions, précédée d’une corticothérapie visant à réduire les lésions. Les corticoïdes n’ont été
utilisés que de façon occasionnelle et s’ils ont montré une certaine
efficacité, ils ne doivent pas être utilisés sans antibiothérapie associée. Dans notre observation, la patiente était traitée seulement
par une corticothérapie, la réponse au traitement était excellente.
Aucune récidive n’était notée à huit mois de recul. Cependant, le
taux d’échec de la corticothérapie est élevé et l’incidence des récidives est variable de 16 à 50 % des cas selon les séries [6,7], offrant
la place aux différentes alternatives thérapeutiques, méthotrexate
et antibiothérapie [8–11].
La surveillance rapprochée et régulière vise à détecter les récidives précocement afin d’éviter des gestes chirurgicaux itératifs. La
surveillance sans chirurgie ni corticoïdes a été rapportée par certains auteurs, avec une résolution des signes dans 50 % des cas sans
récidive [1].
4. Conclusion
La mastite granulomateuse est rare et doit être distinguée d’un
cancer du sein. Le contexte, la variabilité de l’aspect en imagerie
sur des examens rapprochés et l’examen histologique permettent
d’en faire le diagnostic et d’adapter le traitement en évitant ainsi
une chirurgie mutilante. La surveillance régulière est indispensable
pour détecter rapidement les récidives afin d’éviter des gestes chirurgicaux itératifs.
Conflit d’intérêt
Aucun.
Références
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