Avril 1942 Les lions de Limnos
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Avril 1942 Les lions de Limnos
Avril 1942 1 – La guerre en Méditerranée Les lions de Limnos 1er avril Campagne de Limnos – Opération Theseus Chios – A l’aube, la Division Perzo se replie vers Chios, où stationne l’escadre de Mer Egée. Les dommages subis par le Dido l’empêchent de jouer son rôle de surveillance du ciel et, sans un radar d’alerte aérienne opérationnel, le contre-amiral Vian considère sans objet de risquer ses navires à la mer dans la journée. ……… Limnos – Les forces alliées à Limnos ayant été averties que le Dido serait indisponible un certain temps, des postes d’alerte ont été installés sur les collines dominant Katalakko, Myrina sur la côte ouest et Kaminia sur la côte est. 07h30 – Alors que la première patrouille de huit NA-73 apparaît au-dessus de Moudros, les combats ont déjà repris autour de la poche de Propouli. Les forces grecques tentent de s’infiltrer le long de la côte pour couper de la mer les parachutistes allemands. Les parachutistes français et les unités de la Légion attaquent à partir d’Atsikis, et la poche allemande est constamment pilonnée par les obusiers de 105 mm français, ainsi que par les mortiers de 120 mm et les canons de 25 livres grecs. 09h15 – La deuxième patrouille à peine pris son tour de garde qu’elle est alertée par le poste d’observation de Katalakko. Malheureusement, sans la centralisation des communications assurée par le Dido et l’expérience de ses contrôleurs de chasse, les huit NA-73 ne peuvent grimper assez haut avant d’intercepter une formation de 32 Ju 52 escortés par 24 Bf 109 et 20 Bf 110. Assaillis par les chasseurs d’escorte qui ont l’avantage de l’altitude, les Français perdent trois des leurs en échange d’un Bf 109 et un Bf 110, sans pouvoir s’en prendre aux transports. Les Ju 52 peuvent alors parachuter, sans être trop dérangés, l’équivalent de deux compagnies du 65e Régiment de Grenadiers (22.Luftlande) et quelques conteneurs de munitions. C’est un succès, mais il n’est évidemment pas suffisant. Kesselring et Student mettent beaucoup d’espoir dans l’arrivée des planeurs Go 242, plus gros que les DFS 230, mais plus maniables que les monstrueux Me 321. Au sol, la bataille se poursuit sur l’axe Atsiki-Propouli. Manquant d’armes lourdes, les Allemands subissent sans pouvoir répliquer plusieurs barrages assénés par l’artillerie française et grecque. Et comme si ce n’était pas assez, à 11h35, douze DB-73 du II/23 basés à Chios attaquent Propouli pour soutenir l’attaque de la Légion. 13h50 – Une nouvelle formation, constituée de 42 Ju 52 escortés par 28 Bf 109 et 20 Bf 110, est aperçue par le poste d’observation de Katalakko. Cette fois, la patrouille, qui est plus puissante (six P-38 et huit NA-73), prépare mieux son interception. Les NA-73 restent à basse altitude et filent droit sur les Ju 52 qui descendent pour parachuter leur charge avec précision. Ils en abattent deux puis font face à l’escorte, perdant trois avions en échange d’un Bf 109. Peu après, les P-38, qui ont pris le temps de grimper à haute altitude, se laissent tomber sur la formation allemande, traversent l’escorte à grande vitesse et abattent trois Ju 52 et un Bf 110, en perdant deux avions. Les transports peuvent malgré tout parachuter deux compagnies, deux pelotons de mitrailleuses et une batterie de canons sans recul. C’est insuffisant pour arrêter l’avance des Français et, en milieu d’après-midi, la drop zone sud est sous le feu des armes légères françaises. 17h00 – Troisième parachutage. Cette fois, 32 Ju 52 remorquant 20 DFS 230 et 12 Go 242 qui viennent à peine d’arriver réussissent à déposer 500 hommes d’un autre bataillon du 65e Régiment de Grenadiers de la 22. Luftlande sans être dérangés. En effet, un problème de communication a empêché les chasseurs en patrouille d’intercepter les transports avant le lâcher des planeurs, et les huit NA-73 ne peuvent abattre que deux Bf 110 et un Bf 109 au prix de deux des leurs. Mais à peine au sol, les planeurs sont très chaudement accueillis : une averse d’obus grecs de 25 livres arrose la drop zone, infligeant quelques pertes humaines et détruisant une partie du ravitaillement avant même qu’il ne soit déchargé des planeurs. Ses divers renforts aident Sturm à stabiliser le front au sud de Propouli. Il doit pourtant avertir Salonique que seule la DZ nord, la plus proche des plages, pourra recevoir des conteneurs de ravitaillement lors du parachutage prévu pour la nuit suivante. ……… Au crépuscule, la flotte alliée quitte Chios, y laissant le Dido en réparations. Vian est à bord du Maori et, avec les Matabele, Somali, Laforey, Partridge et Guépard, il file monter la garde devant la côte nord de Limnos. De son côté, la Division Perzo – Le Fantasque (amiral), L’Indomptable, Le Terrible et Welshman – accompagnée des torpilleurs L’Incomprise, La Poursuivante et Branlebas, de quatre MTB et de six MGB, escorte vers Limnos les LSI (S) Prince Albert et Prince Baudouin ainsi que les LCI venus de Mytilène. Cette formation arrive à Moudros peu avant minuit et débarque des troupes grecques, de l’artillerie et une batterie complète de 40 mm AA. Pendant que ce chargement est fiévreusement mis à terre, la flottille de Vian commence à bombarder la poche allemande, se concentrant sur la DZ nord, que les Allemands ont de nouveau tenté d’illuminer pour baliser les parachutages de la nuit. Très vite, Sturm n’a plus d’autre choix que d’ordonner l’extinction du balisage et les conteneurs sont lâchés au hasard. Plus des deux tiers tombent à l’eau, où les pêcheurs en récupèrent encore parfois de nos jours… Campagne du Péloponnèse Les combats se concentrent dans la zone de Tripolis et autour d’Olympia. Région de Tripolis – Au nord de la ville, les blindés de l’Axe avançant vers Milea et Skopi se heurtent aux forces françaises qui tiennent la route qui vient de Tripolis et continue au nord-ouest, vers Levidi. Les brigades blindées Malaguti et De Brauer contre-attaquent, soutenues par la 83e D.I.A., et les combats se poursuivent sans trêve jusqu’en fin de journée. De nombreux chars allemands et italiens tombent sous les coups des Sav-41 et des chasseurs de char Sav-AU-41. En revanche, comme les contre-attaques se font en ordre dispersé, les antichars allemands leur infligent de lourdes pertes. L’artillerie française et britannique déclenche alors des tirs de suppression contre les 88 mm allemands. L’infanterie se bat dans les vergers et les oliveraies, où des murets bloquent fréquemment la vue. De ce fait, les combats sont fragmentés, se déroulant au plus au niveau de la compagnie, et la confusion règne. A 16h00, cependant, il est clair que la poussée principale vise Milea, bombardé sans répit par l’artillerie allemande. Plus au sud-est, la Brigade Mobile de la Légion Etrangère est engagée à Agiorgitika, couvrant le flanc est de Tripolis avec l’appui de la 9e D.I. Coloniale. Front ouest – Sur la côte ouest, les combats autour d’Olympie ne sont pas moins acharnés. Des troupes françaises et yougoslaves s’efforcent d’arrêter l’avance des troupes de montagne allemandes pour empêcher l’encerclement de la 10e D.I. française (Magnien). Celle-ci se replie rapidement vers Pyrgos avec sur ses talons les escadrons montés et les tankettes des Lancieri di Milano, qu’aiguillonne leur commandant, le colonel Giorgio Morigi. Les unités allemandes sont cependant gênées par le manque d’armes lourdes, car les “routes” indiquées sur les cartes ne sont en fait que des sentiers muletiers où faire passer de l’artillerie est une tâche très difficile. Cela favorise une fragile stabilisation au centre du front, où des unités yougoslaves, presque encerclées à Karkalou, se battent pour maintenir ouverte la route entre Karkalou et Levidi. Plus à l’ouest, entre Karkalou et Vassiliaki, les troupes allemandes et italiennes venant de Stavrodromi avancent vers le sud, en direction d’Andritsena. La 3e Brigade de Montagne grecque, qui s’est redéployée de Megalopoli à Andritsena, est engagée au nord de cette localité en milieu d’après-midi. ……… Devant la possibilité d’une percée allemande au centre du Péloponnèse, le général Giraud ordonne à la 10e D.I. d’accélérer son recul et son redéploiement vers Pyrgos et Krestima, plus au sud. Si Olympie devait tomber, la route Krestima-Megalopoli-Tripolis resterait ouverte, reliant entre elles les forces alliées dans la presqu’île. Les renforts nécessaires sont en route. La 4e D.M.M. (4e Division de montagne marocaine, général Béthouart) et la 2e D.I. sud-africaine embarquent sur des transports à Tripoli et Alexandrie, cap sur Kalamata et Gythion. Dans la journée, l’activité aérienne reste intense, et les pertes sérieuses. Les Alliés perdent 21 appareils (neuf bombardiers et douze chasseurs ou chasseurs-bombardiers) et l’Axe 17 (onze bombardiers et six chasseurs). Dans la nuit, les Wellington du 202e Wing mouillent des mines dans les golfes de Corinthe et de Patras pour ralentir les navettes de caboteurs et de ferries ravitaillant les forces germano-italiennes. Renforts Casablanca – Un grand convoi franco-américain, escorté notamment par le CVE Lafayette, débarque les hommes et le matériel des 3e et 9e D.I.U.S. ……… Pantelleria – Le 33e FG américain, basé dans la région de Tunis, se redéploie à Pantelleria avec les GC I/5 et II/5 français. 2 avril Campagne de Limnos – Opération Theseus Salonique – Peu avant 08h00, douze DB-73 du II/23 escortés par seize NA-73 attaquent à très basse altitude les trois principaux terrains de Salonique. L’omniprésente flak abat trois bombardiers et deux chasseurs, mais huit Ju 52 et cinq He 111P sont détruits au sol. Aux abords des aérodromes, les attaquants se heurtent à quelques chasseurs et abattent deux Bf 109 et trois Bf 110 en échange de deux NA-73. ……… Limnos – Après une nuit difficile, hachée par les bombardements des navires alliés, les Allemands espèrent l’arrivée rapide de nouveaux renforts, mais le premier convoi aérien est retardé par l’attaque alliée de Salonique et n’approche de l’île qu’à 12h20. Cette fois, ce sont 44 Ju 52, qui remorquent 15 DFS 230 et 29 Go 242, chargés de 875 hommes, moitié allemands, moitié italiens (le reste du I/13e RI Pinerolo). Mais un fort vent du nord oblige avions et planeurs à aborder l’île par le sud et à survoler la côte à Myrina, avant de tourner vers le nord au dessus de Livadachori et de libérer leurs planeurs pour qu’ils aillent se poser sur la drop zone. Non seulement ce détour donne le temps aux chasseurs français de grimper avant d’attaquer, mais il oblige les planeurs à passer, lentement et à basse altitude, au dessus des canons de DCA disposés pour couvrir la route la plus probable vers la seule DZ maintenant utilisable. Pour les artilleurs, « C’était une sorte de tir au pigeon, en plus facile » expliquera le sergent Vassilis Kakouyannis à Donald Lincoln quelques jours plus tard. Les Bofors abattent cinq DFS 230 et onze gros Go 242. Le coup est rude : 325 hommes de renfort ont été perdus avant même d’avoir touché l’île ! Pendant ce temps, l’escorte réussit, à ses dépens, à barrer la route aux huit NA-73 et six P-38 de la patrouille. Trois Bf 109 et quatre Bf 110 sont abattus, pour trois NA-73 et deux P-38. Il n’y aura pas d’autre tentative d’envoi de renforts dans la journée. En effet, après 13h00, le temps se gâte rapidement. Le vent apporte de lourds nuages, chargés de pluie et même de neige. Les intempéries n’empêchent pas les troupes alliées de reprendre leur attaque après un barrage d’artillerie de deux heures, qui réduit au silence la plupart des mortiers et des canons adverses. Pourtant, les paras allemands s’accrochent à chaque rocher et l’attaque contre Propouli échoue à nouveau. Ce n’est que le long de la côte que les Grecs parviennent à progresser. A 21h00, les Allemands ne contrôlent plus que 3 km de plage à peine. Avec la nuit, les navires alliés reviennent. La mer est très houleuse et Vian annule le bombardement naval prévu, craignant que le tir de ses destroyers ne soit pas assez précis. De toute façon, le temps est aussi mauvais au-dessus de Salonique qu’au dessus de Limnos et aucun parachutage de conteneurs n’a lieu cette nuit-là. La Division Perzo et les deux LSI anglais arrivent à Moudros à 23h15, chargés de munitions et de ravitaillement, et repartent avec 550 blessés. En raison du mauvais état de la mer, les LCI ont été laissés à Mytilène. Même les torpilleurs français, qui jaugent 600 tonnes, sont ballottés comme des coquilles de noix entre Chios et Moudros. Au même moment, de l’autre côté de l’île, le mauvais temps empêche les deux BV-222 opérationnels d’amerrir. Campagne du Péloponnèse Région de Tripolis – La bataille reste acharnée. Au nord, les troupes françaises sont encore violemment assaillies autour de Milea. A l’est de la petite ville, la 83e D.I.A. du général Séchet tente de contre-attaquer sur les arrières des forces allemandes, mais doit se replier devant de violentes réactions blindées. En fin de journée, la division n’a plus que 19 chars moyens et 34 légers (pour un effectif théorique de 51 et 159) – mais elle a infligé d’aussi lourdes pertes à ses adversaires. Plus au sud, le bourg d’Agiorgitika tombe dans la matinée aux mains des troupes germanoitaliennes. C’est une brèche sérieuse dans les défenses de Tripolis. La 9e D.I. Coloniale du général Pellet réagit énergiquement, avec l’appui de la Brigade Mobile de la Légion Etrangère. En fin d’après-midi, aux prix de pertes sérieuses, les hommes du 4e Régiment de Tirailleurs Sénégalais reprennent Agiorgitika. Plus au sud encore, les troupes allemandes avancent vers Korakovouni, sur la route côtière en direction de Léonidion. Les Britanniques parviennent à freiner cette poussée et, au coucher du soleil, Korakovouni est toujours aux mains des Alliés. A l’est, la 15e Panzer attaque à la jonction du 1er Corps Français et du XIIIe Corps britannique. Les forces du Commonwealth réussissent finalement à arrêter l’attaque à Aghios Petros et à Rizes, avec le soutien des chars américains du bataillon du Lt-colonel Todd. ……… Front centre – Pendant que les combats font rage autour de Tripolis, la 3e Division de Montagne allemande parvient à percer les défenses yougoslaves à l’est de Karkalou, coupant la route de Levidi et progressant vers Alonitsena. A 13h00, le général Giraud autorise les Yougoslaves à décrocher vers Megalopoli par Dimitsana et Stemnitsa. La perte de Karkalou est un grave échec, car le flanc ouest de Tripolis est laissé à découvert. ……… Front ouest – Près d’Olympie, les unités de la 10e D.I. française repoussent une nouvelle attaque orchestrée par Rommel, aidées par de constantes attaques de la Force Aérienne d’Egée sur les communications ennemies, qui gênent sérieusement l’approvisionnement allemand. ……… En général, l’activité aérienne est intense dans les deux camps, même si les pertes subies jusqu’alors ont réduit le nombre de missions. Les Alliés perdent douze avions (cinq bombardiers et sept chasseurs) et l’Axe huit (trois bombardiers, cinq chasseurs). Mais la plus importante opération aérienne de la journée n’a pas lieu au-dessus du Péloponnèse. ……… Athènes – Pour tenter de réduire le flux de renforts de l’Axe, les Alliés décident de bombarder en plein jour la gare de triage d’Athènes. Tenant compte du fait que l’activité aérienne récente a été essentiellement tactique, le raid est programmé pour l’après-midi, dans l’espoir que les chasseurs de l’Axe seront occupés au-dessus du Péloponnèse. D’Héraklion décollent 36 B-25 de la 12e Escadre de Bombardement et 24 Boston III du 234e Wing. L’escorte de chasse est fournie par 16 Hurricane II du 243e Wing (Naxos) et 16 P-40E des Sqn 112 et 250 (Maleme). Cette formation est détectée par les radars allemands, mais n’est pas interceptée avant de franchir la côte grecque, quelques minutes avant d’entamer la passe de bombardement, car les chasseurs allemands sont effectivement engagés pour la plupart audessus du champ de bataille terrestre. A 16h10, les bombes se mettent à pleuvoir, endommageant gravement la gare et les voies. Les combats aériens qui suivent voient la perte de 14 appareils alliés (4 Hurricane, 5 P-40E, 3 B-25 et 2 Boston III) en échange de huit chasseurs de l’Axe. Mais la gare d’Athènes n’en a pas fini avec les bombes alliées. Peu après le crépuscule, 18 Short Stirling et 12 Consolidated-32 de la Force Couronnement attaquent, visant les feux des incendies allumés l’après-midi. Opérant près de leurs bases (relativement à leur rayon d’action), ces bombardiers emportent une charge de bombes maximale. La flak abat un Stirling, mais les bombes des trente quadrimoteurs aggravent considérablement les dommages causés à la gare. Tard dans la nuit, les interceptions des communications téléphoniques allemandes réussies par la Résistance grecque indiquent que le trafic ferroviaire passant par Athènes va devoir être interrompu pendant près d’une semaine et que des approvisionnements stockés avant leur transfert vers Mégare et le Péloponnèse ont été en grande partie détruits. Renforts Oran, 01h00 – La Flotte de Méditerranée Occidentale quitte Oran - Mers-el-Kébir. Le viceamiral Duplat commande les cuirassés MN Dunkerque (amiral) et Strasbourg, les porteavions HMS Indomitable (12 Sea Hurricane du Sqn 800, 10 Sea Hurricane du Sqn 880, 9 Martlet II du Sqn 806 et 12 Albacore) et USS Ranger (21 F4F-3 de la VF-9, 21 F4F-3 de la VF-41, 15 SDB-3 de la VS-41), et un écran composé des croiseurs lourds USS Augusta et MN Colbert, du croiseur léger USS Brooklyn, de cinq contre-torpilleurs (MN Volta, Cassard, Kersaint, Tartu, Vauquelin) et de huit destroyers (USS Mayrant, Rhind, Trippe, Wainwright et Ericsson, Ludlow, Swanson, Wilkes). Cette force se dirige vers le détroit de Sicile. ……… Sfax – Le Groupement de Tabors Marocains du général Guillaume, qui s’entraînait dans les Aurès, se rassemble à Sfax avant son départ pour le Péloponnèse. Les 4e et 6e Brigades SudAfricaines, qui avaient été tenues en réserve lors de l’opération Jaguar, se préparent aussi à partir pour le Péloponnèse. Heurs et malheurs des sous-marins alliés Gibraltar, 06h30 GMT – Le sous-marin HMS Taku (Lt-Cdr J.G. Hopkins) fait son entrée dans le port. Après sa sortie de carénage, il n’a pas été directement envoyé en Méditerranée comme il était prévu mais, après quelques semaines d’exercices, il a effectué en mars une patrouille infructueuse dans le Golfe de Biscaye. Son arrivée porte à sept le nombre des unités de la 8e Flottille. En effet, deux des quatre bateaux présents en janvier 1942, les HMS Talisman et Ursula, ont été renvoyés en Grande-Bretagne en mars pour grande révision. Cinq nouveaux submersibles de classe U sont arrivés, mais un, le P-38, a été perdu en février, dès sa première mission. Comme les six classe U opèrent de Malte, l’amiral Horton a fait permuter les ravitailleurs HMS Maidstone et Talbot, ce dernier paraissant suffire pour veiller à Gibraltar sur l’unique classe T en station et sur les sous-marins de passage. 3 avril Campagne de Limnos – Opération Theseus Limnos – Le temps est épouvantable toute la journée dans l’ensemble de la région, avec des rafales atteignant plus de 90 km/h, une pluie abondante et des chutes de neige, qui interdisent toute activité aérienne. Toute la matinée, les canons grecs et français harcèlent les troupes allemandes. Une batterie de mortiers de 120 mm pilonne Propouli, où les paras allemands sont retranchés. Après de durs efforts et avec l’aide des habitants, les Français réussissent à placer une autre batterie de mortiers de 120 en bonne position pour frapper la seconde drop zone, et les tireurs comme leurs cibles s’aperçoivent vite que les obus de ces mortiers lourds sont plus efficaces que ceux des canons de 25 livres ou de 105 mm. « Il nous faut d’urgence un raid aérien pour faire taire l’artillerie ennemie, signale à Salonique le général Sturm. Sinon, la seule DZ capable de recevoir des planeurs sera interdite. Et si nous ne recevons pas de nombreux planeurs de renforts et de ravitaillement, nous ne pourrons pas défendre longtemps Propouli ! » Kesselring et Student promettent d’envoyer des bombardiers, mais la météo empêche l’organisation d’un raid aérien. 14h50 – En pleine bourrasque de neige, les troupes de la Légion Etrangère repartent à l’attaque. Le général Kœnig dirigeant l’ensemble de la défense, c’est son adjoint, le colonel prince Dimitri Amilakhvari, qui commande la 13e Demi-Brigade. Cet officier de noble ascendance géorgienne, très aimé de ses hommes, est passé sur le front dans la matinée pour leur expliquer que seul le contrôle ou l’interdiction des drop zones permettront d’anéantir les parachutistes allemands. 16h00 – La DZ sud tombe, malgré une résistance acharnée, après des combats au corps à corps sous la neige. « Le sergent Léonid Andropov, exilé d’Union Soviétique pour trotskisme, est un ancien des Brigades Internationales, et la bataille lui rappelle des souvenirs : “Je me suis revu près de Madrid, pendant l’hiver 36-37. Les fascistes étaient aussi enragés, leur sang avait la même couleur, et la neige le recouvrait aussi vite. Mais, comme là-bas, elle recouvrait aussi bien le sang des camarades.” Ou le sang de Léonid lui-même : il a pris une balle dans la cuisse, qu’il traite par le mépris et ne l’a d’ailleurs pas empêché d’abattre le tireur. » (Reportage de Donald Lincoln dans le New York Herald). Cette sauvage bataille inspirera, après la guerre, la seconde version de la fameuse chanson d’Edith Piaf “Le Fanion de la Légion” : « C’est le fanion de la Légion – Ah la la la la Belle histoire ! – Dans la neige luttent des lions – Dans la tempête plane la Gloire – Et dans le vent claque un fanion – C’est le fanion de la Légion ! » 1 A la tombée de la nuit, les troupes françaises commencent à encercler Propouli, menaçant de couper la poche en deux. 20h00 – Sturm ordonne une contre-attaque, qui, à minuit, réussit à maintenir ouvert un corridor de mille mètres entre Propouli et le reste de la zone encore contrôlée par les Allemands. La situation des unités retranchées dans Propouli reste cependant mauvaise, car le 1 La première version, avant guerre, parlait de l’héroïque résistance d’un fortin légionnaire dans le désert contre des « salopards » arabes… Elle est totalement oubliée aujourd’hui, engloutie par l’inversion de la marée de l’Histoire. village est sans cesse martelé par les canons de campagne et les mortiers lourds alliés. Sur le rivage, les troupes grecques venant de l’ouest atteignent la petite route reliant Propouli aux plages. Le très mauvais temps épargne à nouveau aux Allemands une nuit de bombardement naval. Mais il n’empêche pas les plus gros navires alliés (les contre-torpilleurs, le Welshman et les deux LSI) d’apporter du ravitaillement à Moudros et d’emmener des blessés. Campagne du Péloponnèse Le temps se gâte progressivement dans la journée. La Grèce centrale est la première touchée, mais au milieu de l’après-midi, il pleut abondamment sur Athènes et, à la tombée de la nuit, des averses de pluie et de neige mêlées tombent sur le Péloponnèse. Après les pertes des jours précédents, les deux camps se regroupent et se réorganisent. Cependant, les Allemands, chez qui ce travail est systématiquement organisé, récupèrent et réparent plus efficacement que les Alliés les chars endommagés pendant la bataille. ……… Si les combats baissent d’intensité au nord de Tripolis, à l’est, la bataille autour d’Agiorgitika reprend. Le 4e RTS, malgré le soutien des chars de la Légion, doit se replier devant une violente contre-attaque italo-allemande. Durant quelques heures, la petite ville devient un noman’s-land martelé par les mortiers et les canons des deux camps. A 21h00, Sénégalais et légionnaires repartent à l’assaut et ils réoccupent Agiorgitika peu avant minuit. Peu après, la division motorisée Eugenio di Savoia lance une nouvelle contre-attaque, mais elle est repoussée. Presque toutes les tankettes L3 et L6 du 14e Régiment de Cavalerie Cavalleggeri di Alessandria sont détruites par les blindés français ; l’infanterie mécanisée du 11e Rgt de Bersaglieri subit de lourdes pertes et doit reculer vers la côte. Au sud d’Agiorgitika, Rizes tombe aux mains d’éléments de la 15e Panzer pendant que, sur la route côtière, les troupes allemandes entrent dans Korakovoumi et Aghios Andréas. Les développements les plus préoccupants surviennent cependant à l’ouest de Tripolis. Les troupes de montagne allemandes, qui ont percé sur la route entre Karkalou et Levidi, avancent à présent vers Davia, sur les pentes ouest des collines du Menalo. Les troupes françaises n’ont pas d’autre choix que d’évacuer Levidi et de se concentrer autour de Milea, ce qui est fait en fin d’après-midi. Plus à l’ouest, si les troupes grecques tiennent solidement Andritsena contre des attaques répétées, le saillant allemand s’étend maintenant à l’est vers Kariteria. Il est de plus en plus douteux que la 3e Brigade de Montagne grecque et les éléments de la 1ère D.I. yougoslave qui se battent à ses côtés puissent tenir la route Mégalopoli-Andritséna-Krestina. Devant la possibilité d’une percée allemande, le général Giraud ordonne au Groupement de Tabors du général Guillaume et au 5è Régiment de Tirailleurs Marocains (5e RTM), encore en mer, d’aller débarquer à Pyrgos, pour renforcer la 10e D.I. de Magnien. Dans cette situation difficile, l’arrivée à Kalamata et à Gythion des premiers éléments de la 4e D.M.M. et de la 2e Division Sud-Africaine donne des raisons d’espérer. A Gythion, la 3e Brigade du Brigadier J.B. Kriegler est la première unité sud-africaine à débarquer. A Kalamata, les Marocains arrivent dans l’après-midi et leur débarquement se poursuit toute la nuit. La météo et les pertes récentes réduisent quelque peu l’activité aérienne, mais les bombardiers légers alliés continuent à attaquer les convois routiers germano-italiens sur la route CorintheArgos-Tripolis. Dans les combats qui s’ensuivent, la Force Aérienne d’Egée perd onze avions (5 bombardiers, 6 chasseurs) contre six de l’Axe (2 chasseurs-bombardiers et 4 chasseurs). Dans la journée, les GC I/1 et II/1 commencent à se redéployer sur K-1 (près de Kalamata), avec 41 Spitfire Vb soutenus par 12 DC-3. Renforts Alexandrie – Pour soutenir le XIIIe Corps, l’amiral Cunningham ordonne dans la nuit à l’amiral Rawlings de partir avec l’Escadre de Méditerranée Orientale pour le Golfe Argolique. A 08h30, Rawlings quitte Alexandrie vers le détroit de Karpathos avec les cuirassés HMS Resolution (amiral), HMS Revenge et MN Lorraine, les porte-avions HMS Illustrious (12 Martlet II du Sqn 881 et 6 du 882, 12 F4F-3A de l’AC-2 française, 10 Swordfish et 1 Fulmar II du Sqn 829) et HMS Furious (10 Fulmar II du Sqn 809, 7 du Sqn 807 et 6 Swordfish de patrouille ASM), et un écran constitué des CL HMS Kenya (avec l’amiral A. T. Curteis) et Sheffield, du CLAA HMS Charybdis et des DD HMS Antelope, Ithuriel (navire neuf, entré en service un mois plus tôt), Jervis, Onslow, Panther 2, Westcott, Wishart et Wrestler, HMAS Nestor. ……… Détroit de Sicile – Sous une solide couverture de chasse, la force du vice-amiral Duplat traverse en plein jour le détroit de Sicile. En dehors de quelques avions de reconnaissance, dont deux sont promptement expédiés par les Sea-Hurricane de l’Indomitable, il n’y a aucune réaction de la Regia Aeronautica. Peu avant minuit, l’escadre entre dans le port de Tripoli. 4 avril Campagne de Limnos – Opération Theseus Limnos – Le ciel se dégage un peu et l’activité aérienne reprend aussitôt au-dessus de la mer Egée. 10h30 – Un convoi de 44 Ju 52 remorquant 25 DFS 230 et 19 Go 242 et escortés par 24 Bf 109 et 27 Bf 110, approche de Limnos. Il transporte, outre 63 pilotes allemands, 662 hommes du III/13e RI Pinerolo, qu’a tenu à accompagner le commandant du régiment, le colonel Giovanni Del Giudice. Ce convoi est très vite détecté par le Dido, qui a quitté Chios à 03h30. En effet, bien que sa tourelle X soit toujours hors service (les chocs successifs ont endommagé le chemin de roulement), Vian estime que, son radar étant réparé, le navire doit reprendre son rôle de sentinelle des défenseurs de Limnos. Le Dido est accompagné par les Maori, Matabele et Somali, les Laforey, Partridge et Gurkha et le Français Guépard. Son radar détecte la formation allemande à 56 nautiques de distance, et l’officier de direction de la chasse du navire peut placer au mieux la patrouille de six P-38 et huit NA-73 venue de Lesbos. Au même moment, à Mytilène, le commandement de la chasse fait décoller 12 Hurricane. Plongeant du soleil sur les transports, les chasseurs de la patrouille abattent sept Ju 52 (avec trois DFS 230 et quatre Go 242) avant d’avoir à affronter l’escorte. Deux P-38 et trois NA-73 sont alors abattus, en échange d’un Bf 109 et de deux Bf 110. Mais pendant ce combat, l’escorte ne peut s’occuper efficacement de réduire au silence les positions de DCA entre Karpasio et Atsiki, et les planeurs servent à nouveau de cible d’exercice aux artilleurs des Bofors. Ceux-ci abattent trois DFS 230 et trois Go 242, ainsi que deux Bf 110 qui tentent de les faire taire. Les 31 planeurs survivants doivent ensuite se poser sur une DZ constamment pilonnée par l’artillerie, et dans la moitié d’entre eux, des hommes sont blessés ou tués juste après l’atterrissage : le colonel Del Giudice lui-même est gravement atteint par plusieurs éclats d’obus. Quant au ravitaillement transporté, la plus grande partie est détruite avant d’avoir pu être déchargée. 2 Gagnant Rhodes pour faire réparer les dommages reçus le 8 mars dans les eaux de Limnos, le Panther avait malencontreusement été abordé devant le port de Rhodes, le jour suivant, par le cargo français Sainte-Martine (1 200 GRT, ex-danois angarié Ingeborg S.). Il avait alors fallu l’envoyer à Alexandrie. Après sa remise en état, il n’a pas été rendu à Vian mais réaffecté à l’Escadre de Méditerranée Orientale. Enfin, au moment où les avions allemands se replient, ils sont surpris par les Hurricane venant de Mytilène. Ceux-ci abattent quatre Bf 110 et trois Bf 109 au prix de trois d’entre eux. ……… Kesselring décide alors de suspendre les opérations de ravitaillement aérien jusqu’à ce que l’artillerie et la DCA ennemies aient pu être matées. Les deux FliegerKorps font un effort maximum pour une opération destinée à réduire fortement les pertes subies lors des prochains ravitaillements de Limnos. 13h00 – Les premiers avions décollent. Le IIe FK engage contre Limnos 18 Ju 88 escortés par 20 Bf 110 et 16 Bf 109, tandis que le Xe FK envoie d’abord, pour la lutte anti-navires, 12 Ju 88 et 16 Bf 109 d’escorte accompagnés de 12 Bf 109 Jabos, puis, pour l’appui au sol, 18 Ju 87 escortés par 16 Bf 109. Une quatrième vague composée de 16 Bf 110, dont huit chargés de bombes, ferme la marche. Le Dido détecte les avions allemands à 63 nautiques de distance et dirige d’abord la patrouille (6 P-38 et 8 NA-73) vers les attaquants, avant de réaliser qu’un nombre de chasseurs bien plus important est nécessaire. Mytilène lance alors 16 NA-73, 8 P-38 et 12 Hurricane, qui partent vers Limnos en trois groupes. 14h50 – Une furieuse bataille commence dans le ciel de Limnos et des eaux voisines. La première cible est l’Escadre de Mer Egée. Les chasseurs français abattent cinq Ju 88 et trois Bf 109 et désorganisent l’attaque des autres Ju 88, au prix de deux P-38 et quatre NA-73. Mais les douze Jabos attaquent sans encombres et se montrent très précis. Le Gurkha (qui semble avoir eu l’encombrant honneur d’être pris pour un croiseur) est touché de trois bombes de 250 kg et coule rapidement. Le Matabele reçoit deux bombes, qui allument un violent incendie ; celui-ci devient vite incontrôlable et le grand destroyer coule vers 16h00. Le Partridge, touché une fois et frôlé à deux reprises, voit ses machines mises hors service, mais il est pris en remorque par le Guépard et regagnera Chios à 23h00. Au-dessus de Limnos, les chasseurs français, britanniques et sud-africains, guidés de main de maître par l’officier de direction de la chasse du Dido, “oublié” par les bombes des Jabos, abattent quatre Ju 88, cinq Ju 87, quatre Bf 109 et cinq Bf 110, perdant deux P-38, quatre NA73 et quatre Hurricane. Les batteries françaises de 105 mm subissent des pertes sous les bombes des Ju 87 et 88, mais les mortiers de 120 mm, bien camouflés, passent inaperçus et reprennent le pilonnage de Propouli et de la dernière drop zone dès que les avions allemands repartent. De leur côté, les 18 canons AA Bofors opérationnels livrent un duel acharné aux Messerschmitt qui les mitraillent ; ils subissent des pertes en personnel, mais abattent deux Bf 110 et un Bf 109. ……… Ce raid spectaculaire n’améliore pourtant en rien le sort des troupes allemandes. Une pluie d’obus continue à tomber, d’autant plus meurtrière qu’il est difficile de creuser des tranchées vraiment protectrices dans le sol dur de l’île. Les munitions sont rares, les médicaments s’épuisent rapidement et l’opération de renforts du matin a coûté plus de pertes qu’elle n’a amené de troupes fraîches. Pour couronner le tout, après le froid et la neige des deux jours précédents, beaucoup d’hommes soufrent de gelures. La poche allemande s’est rétrécie à Propouli même, presque encerclée, et à la zone située entre les routes reliant la plage à Propouli et à Atsiki. Les Grecs font pression à l’ouest et les Français au sud. Alors qu’il tente de regrouper ses hommes pour une contre-attaque près de la route d’Atsiki, le général Sturm tombe, blessé à la tête. Le major-général Bruno Bräuer, qui dirige la défense de Propouli, doit à nouveau prendre le commandement de l’ensemble des troupes. Au coucher du soleil, il envoie à Salonique un message désespéré : « (…) Appui et ravitaillement aériens inefficaces. Nombreux blessés laissés sans soins par manque de médicaments et d’eau. Munitions réduites à 50 coups par homme pour les armes individuelles, à 200 obus au total pour les mortiers de 8 cm et à 800 obus au total pour les mortiers de 5 cm. Demande l’autorisation de négocier une trêve pour évacuer de Propouli les blessés les plus graves. » Kesselring donne son accord, mais après une brève discussion, les commandants français et grec refusent toute idée de trêve, en ajoutant cependant qu’ils sont prêts à accepter une reddition allemande à n’importe quel moment. Le combat reprend et les obus recommencent à tomber sur l’étroit corridor entre Propouli et le rivage. ……… Poursuivre le combat est évidemment futile, et Kesselring comme Student en sont bien convaincus. Pourtant, craignant la réaction d’Hitler, aucun des deux n’est prêt à accepter que les troupes de Limnos se rendent. Absurdement, alors qu’aucune drop zone n’est plus utilisable, Kesselring ordonne que des Ju 52 et des He 111P reprennent les opérations de parachutage de nuit. De son côté, Student embarque à 21h30 à bord d’un Ju 52 pour survoler la poche et pouvoir parler directement avec Bräuer. Au début de la nuit, les contre-torpilleurs français arrivent à Moudros, escortant les deux LSI et le Welshman, chargés d’hommes et de ravitaillement. Puis, à la demande du général Kœnig, ils ajoutent leurs canons au pilonnage de la poche allemande. Mais cette nuit, les Alliés ont décidé de ne pas s’en tenir au pilonnage. Pendant que les Français attirent le plus possible l’attention de l’ennemi, les Grecs lancent une nouvelle attaque le long de la côte. Puis, les Français s’engagent à fond. 23h00 – Propouli est encerclé, et les Grecs ont presque réussi à rejeter les Allemands du rivage. 23h15 – Le colonel Amilakhvari demande par haut-parleur la reddition des défenseurs de Propouli. Aucune réponse. Les combats reprennent, tandis que les obus de 138 mm navals qui tombent sur la petite ville se mêlent aux projectiles des canons de 25 livres et de 105 mm et à ceux des mortiers de 120 et 82 mm. 23h40 – Dans son Ju 52, Student réussit à établir le contact avec le dernier poste de radio en état de marche au sol. Il n’obtient qu’une évaluation confuse de la situation : « Ici le lieutenant (crrrr…), à Propouli… Non, le général Bräuer n’est pas là, il n’est pas joignable – mort, blessé, je ne sais pas (en fait, il a été blessé deux fois par des éclats d’obus). Le pilonnage est continuel. La poche est coupée en deux, les Grecs sont en train de régler le compte des copains du côté de la mer et (crrrr…). Non, je ne suis pas défaitiste ! Ici, les Français nous ont demandé de nous rendre et on n’a même pas répondu ! Mais (crrr…) » Peu après, le contact est coupé. Les avions allemands commencent pourtant à parachuter leurs conteneurs, un toutes les trois minutes, mais à peu près au hasard. 23h50 – Volant à basse altitude au-dessus du champ de bataille, Student échappe au sort qui attend certains des He 111P. Volant plus haut que les Ju 52, entre 2 000 et 3 000 m, trois de ces appareils sont abattus par des Beaufighter NF-I du Sqn 30 (flight B) de la RAF. 23h55 – Student entre à nouveau en contact avec le même opérateur : « La situation exacte, Herr General ? Bien sûr. L’ennemi est à exactement cent mètres d’ici, pardon, quatre-vingt dix. Réserves de munitions : onze cartouches. Et (crrr…) » Une minute plus tard, une autre voix : « Ennemi tout proche. Plus de munitions. Cette radio n’émettra plus. » Sous l’avion de Student, l’obscurité est toujours striée par les éclairs des coups de canon, cette fois au nord de Propouli, mais le contact est décidément perdu. 00h25 – Student se décide à rentrer à Salonique, se demandant si supporter la prévisible colère du Führer sera pire que ce qu’il vient de vivre. Campagne du Péloponnèse Le temps est de pire en pire. Tout le Péloponnèse est balayé par de fortes pluies qui se transforment en neige à partir de 300 mètres. La visibilité est souvent inférieure à trente mètres. Malgré ces conditions abominables, Rommel, qui enrage d’être bloqué à Athènes par le mauvais temps, aiguillonne par radio les commandants de ses troupes de montagne. Ceux- ci entraînent leurs hommes à l’attaque et réussissent à percer les lignes grecques à Andritséna. En fin d’après-midi, les Grecs se replient sur Mégalopoli, pendant que les Allemands progressent vers Pétraiona et la côte ouest du Péloponnèse. On se bat sur les collines enneigées, à 1 000 ou 1 500 mètres d’altitude parfois, sous des bourrasques de neige et dans le brouillard. Devant le risque grandissant de voir l’ennemi atteindre la route côtière ouest, le général Giraud ordonne aux premiers éléments de la 4e DMM, débarqués à Kalamata, de se diriger immédiatement vers Filia, où la route Kalamata-Mégalopoli bifurque vers Kiparissia. Le 5e RTM, avec ses 300 mules, se met en route dans l’après-midi, par un temps épouvantable. A 22h00, ses premiers éléments parviennent à Filia et prennent contact avec les troupes grecques. Autour de Tripolis, la 21e Panzer et la division Centauro reprennent leur attaque contre Milea. Après des heures d’un combat acharné à courte portée dans des conditions météorologiques affreuses, les troupes françaises tenant cette partie du front commencent à se replier vers Tripolis, après avoir détruit plus de cinquante chars du 22e Pz Rgmt et du 31e Regimente Corrazato. A la nuit, les blindés de l’Axe ont pénétré dans Milea, mais sont incapables d’avancer davantage. Plus au sud, la 15e Panzer pousse toujours vers Léonidion mais est très ralentie par la 5e Division Indienne sur l’étroite route côtière. Le commandant du XIIIe Corps, le général Godwin-Austen, demande à Giraud et à O’Connor l’autorisation de faire débarquer des troupes de la 2e D.I. sud-africaines par LCT et LCI directement à Léonidion. Cette autorisation lui est accordée en fin d’après-midi. Renforts Méditerranée centrale, 06h00 – L’escadre du vice-amiral Duplat quitte Tripoli et retrouve bientôt dans le golfe de Syrte les LCI(L) britanniques Glenearn, Glengyle, Glenroy, Karanja et Keren, ainsi que six transports français rapides, qui transportent les hommes et le matériel du 4e RTM (de la 4e Division de Montagne Marocaine) et les 3e et 4e Tabors du Groupement Tabor commandé par le général Guillaume. Au total, 9 500 hommes et 1 500 mulets voguent à 15 nœuds vers le golfe de Pyrgos, sur la côte ouest du Péloponnèse. 5 avril Campagne de Limnos – Opération Theseus 02h15 – Le général Student se pose à Salonique et va immédiatement transmettre à Kesselring et à son état-major la nouvelle de la chute de Propouli. Il ajoute cependant que les parachutistes allemands contrôlent encore des positions clefs entre Propouli et la côte, et demande aux officiers de la Regia Marina d’envoyer des navires pour tenter d’évacuer les survivants. Mais il est vite clair que la marine italienne ne pourra faire plus qu’envoyer quelques vedettes rapides, toutes les autres unités encore à flot dans la région étant mobilisées pour couvrir les convois de ravitaillement entre la Grèce centrale et le Péloponnèse. 04h45 – Trois vedettes rapides italiennes parviennent à accoster près de Propouli. Elles embarquent plusieurs blessés, dont Bräuer, le colonel Krakau et le colonel Del Giudice. Le général Sturm a refusé d’être évacué : il sait trop ce qu’Hitler lui réserve s’il connaît autre chose qu’une mort héroïque. 07h00 – Les avions des IIe et Xe FK décollent des terrains de Salonique pour bombarder une nouvelle fois les positions françaises et grecques sur Limnos. Après les furieuses batailles des jours précédents, seuls 21 Ju 88 et 12 Ju 87, escortés par 24 Bf 109 et 20 Bf 110, sont disponibles pour cette ultime mission. Du côté allié, le Dido et son escorte sont restés à Chios, et le raid n’est détecté que par les guetteurs grecs, alors qu’il est à dix minutes de vol de ses objectifs. Les six P-38 en patrouille interviennent et abattent deux Ju 87 et un Ju 88 en échange de deux des leurs, puis les avions allemands peuvent attaquer sans autre opposition que celle de la DCA. Ils font subir aux Alliés des pertes notables, mais sans apercevoir un seul soldat de l’Axe… En effet, depuis la chute de Propouli, vers minuit, les forces alliées ont lancé un nettoyage en règle de l’île. L’un après l’autre, les parachutistes allemands et les fantassins italiens cessent le combat. 13h00 – Kesselring et Student, informés des observations faites par les avions du raid de la matinée, comprennent qu’ils vont devoir annoncer la mauvaise nouvelle à Hitler. Mais ils veulent encore attendre le résultat d’une dernière mission de reconnaissance. 15h50 – Les occupants de la dernière poche de résistance épuisent leurs munitions avant de se rendre. 16h45 – Les commandants français et grec sur Limnos envoient un message à Rhodes, où l’état-major allié s’est réuni pour évaluer la situation dans le Péloponnèse et en Mer Egée : « Les dernières troupes ennemies se sont rendues. La situation sur Limnos est maintenant totalement sous contrôle. » Quelques soldats isolés ou par groupes de deux ou trois tenteront encore de se cacher dans les collines durant les deux jours suivants, mais la lutte est bel et bien terminée. Quelques minutes plus tard, le général Giraud, ravi, peut l’annoncer aux correspondants de guerre : « Messieurs, je vous avais dit que l’ennemi n’aurait pas Limnos. Il a tout fait pour s’en emparer, mais il ne l’a pas eue. Et en prime, nous avons infligé à ses unités d’élite, aéroportées, aériennes et navales, des pertes qui ne seront pas comblées de sitôt. » 17h00 – Un Bf 110 de reconnaissance transmet à Salonique : « Plus aucun signe de combats au sol. » Kesselring et Student se décident alors à téléphoner à Berlin. A leur grande surprise, les réactions de Keitel et surtout d’Hitler sont relativement modérées. « Rien d’étonnant, gémit Keitel, c’est la conséquence de l’incapacité lamentable des Italiens d’organiser un ravitaillement naval. » Quant à Hitler, une seule chose le préoccupe : « Les généraux Sturm et Meindl ont-ils survécu ? » demande-t-il à Student avec anxiété. – D’après nos renseignements, il semble qu’ils aient tous deux été tués, mon Führer. – Ah. C’est parfait. Et le Führer raccroche, soulagé. 19h30 – Radio Berlin diffuse un communiqué de l’OKW : « La bataille de Limnos est finie. Nos troupes ont combattu durant de longs jours contre un ennemi beaucoup plus nombreux et malgré des conditions météorologiques très défavorables, qui ont interdit l’envoi de renforts. Nos soldats ont lutté en héros et sont tombés jusqu’au dernier pour l’honneur du Reich allemand. » Ce message est suivi par la diffusion de la deuxième partie de la Cinquième Symphonie de Beethoven. En réalité, Sturm et Meindl ont survécu, même s’ils sont tous les deux sérieusement blessés. Personne sur Limnos n’a donné l’ordre de combattre « jusqu’au dernier », ce qui a certainement sauvé la vie d’un bon nombre d’hommes. Campagne du Péloponnèse Par un temps toujours aussi médiocre, les combats se poursuivent, car les troupes de montagne allemandes continuent à pousser au sud d’Andritsena, vers Filia, et à l’ouest, vers la côte. Au sud, leur avance est arrêtée, mais à l’ouest, ils approchent de la côte, où les troupes franco-yougoslaves ne tiennent plus qu’un mince corridor entre Zaharo et Kiparissia. Tard dans la nuit, le convoi escorté par l’escadre de l’amiral Duplat arrive dans le golfe de Pyrgos, et se prépare à débarquer à Pyrgos le 5e RTM et les Tabors du général Guillaume. Autour de Tripolis, les troupes des deux camps sont trop épuisées pour reprendre le combat après la chute de Milea. L’artillerie alliée martèle la petite ville, où des éléments de la 21e Panzer et de la Centauro se retranchent. ……… A l’est, dans le Golfe Argolique, profitant du très mauvais temps qui interdit presque toute activité aérienne, l’amiral Rawlings ordonne aux cuirassés Revenge et Lorraine et au croiseur Sheffield de soutenir les troupes de la 2e D.I. sud-africaine qui débarquent à Léonidion par LCI. A 10h30, les navires approchent de la côte, mais ils ne peuvent ouvrir le feu avant midi en raison d’un épais brouillard masquant leurs cibles. Enfin, le brouillard se dissipe et, de 12h30 à 16h00, les trois bâtiments effectuent cinq passes de bombardement sur les portions tenues par les Allemands de la route côtière menant vers Léonidion. A courte portée – moins de 4 000 mètres parfois – ces bombardements ont des effets spectaculaires. Les hommes de la 15e Panzer découvrent à leurs dépens qu’une route côtière offrant au touriste un superbe panorama sur la mer Egée n’est pas un bon endroit où séjourner quand huit canons de 15 pouces et huit de 340 mm (sans compter de nombreux tubes de plus petit calibre) la prennent pour cible à bout portant. « Jusqu’aux années 1990, cette portion de route fut le but d’une sorte de pèlerinage de la part des anciens combattants du Skandenberg Korps, qui semblaient tenir à admirer la vue sans craindre de recevoir une tonne d’explosifs sur la tête. On dit qu’aujourd’hui encore, le promeneur peut trébucher sur les débris torturés des véhicules allemands réduits en miettes par les énormes obus de marine… Cependant, la municipalité de Léonidion est formelle : tous les projectiles non explosés ont été éliminés depuis longtemps. » (Guide du Routard de la Grèce, édition 2004). Heurs et malheurs des sous-marins alliés Héraklion, 03h15 GMT – Depuis la fin de la bataille aérienne perdue de 1941, la Luftwaffe s’efforce de perturber l’activité de cette base arrière alliée (et de La Canée) par des actions nocturnes. Les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous, mais le raid de la nuit du 4 au 5 avril est l’un des plus réussis. Les Ju 88 du II/KG 77 endommagent deux cargos et surtout envoient par le fond le sousmarin grec Glavkos (Y-6). Une bombe atteint l’un des tubes arrière, faisant exploser la torpille et par contrecoup celle du second tube. La poupe broyée, le Glavkos coule rapidement. Comme le bateau bénéficiait de quelques jours de repos avant de repartir en patrouille, le temps de réparer un problème électrique sans regagner Benghazi, seule une petite fraction de l’équipage se trouve à bord : il n’y a que cinq morts et quelques blessés. Mais il faut leur ajouter deux autres pertes : le commandant, le CC Basil Aslanoglou, et son second, le LV Ioannis Kostakos, tués par une bombe qui a touché le quai alors qu’ils s’efforçaient de regagner leur bord. 6 avril Campagne du Péloponnèse Avec l’amélioration de la météo, l’activité aérienne reprend, mais au sol, les lignes se stabilisent. A l’est, les avions de l’Axe sont très actifs sur la côte du Golfe Argolique, pour empêcher les Alliés de débarquer des renforts à Léonidion. Cependant, les chasseurs alliés, renforcés par les Martlet et les F4F-3 de l’Illustrious et les Spitfire V de la 1ère E.C. basés à K-1, montent une garde vigilante. Deux formations de Ju 88 et une de Ju 87, chacune escortée par plus de vingt Bf 109, attaquent Léonidion et l’escadre de Rawlings, mais sont incapables de faire des dégâts importants. Ces combats voient la perte de 21 avions de l’Axe et de 17 appareils alliés. A l’ouest du Péloponnèse, les avions de l’Indomitable et du Ranger assurent la couverture des troupes françaises débarquées à Pyrgos et harcèlent les troupes allemandes qui tentent d’atteindre la côte. L’activité offensive de l’Axe est limitée : les Wildcat du Ranger ne trouvent que deux SM.79B à se mettre sous la dent. A 14h50, le Dunkerque et le Strasbourg, assistés par les croiseurs lourds Brooklyn et Colbert, bombardent les forces allemandes qui approchent de Zaharo et de Tholo, puis les bombardiers en piqué de l’US Navy attaquent par deux fois les positions allemandes. ……… En fin de journée, les deux camps font le point. Les généraux Giraud et O’Connor n’ont guère de raisons de se féliciter. A l’est, les offensives si soigneusement planifiées ont échoué de façon sanglante et les troupes tenant Tripolis sont maintenant dans une position précaire. Sur la côte ouest, si les forces allemandes n’ont pas atteint la côte, elles tiennent la route côtière sous leur feu et la division Magnien, maintenant renforcée par le 5e RTM et le Groupement de Tabors, est fonctionnellement isolée. La poche peut être défendue grâce à la supériorité navale alliée, mais son ravitaillement coûtera cher en ressources. Giraud doit reconnaître que ses unités ont été mises sur la défensive et qu’elles ont besoin de sérieux renforts avant de pouvoir de nouveau attaquer en force. Il réclame donc à Alger davantage d’hommes et de matériel, en insistant plus particulièrement sur les navires amphibies et d’appui-feu, qu’il considère comme nécessaires pour renforcer et appuyer ses deux flancs. De son côté, le général Erwin Rommel, qui a transféré son quartier général à Corinthe (où se trouvait déjà celui du général Messe) et bondit sur le front dans son Fieseler Storch dès que le temps le permet, doit admettre que son plan a partiellement échoué. Ses troupes de montagne, si elles ont réussi à percer les lignes alliées et à couper en partie du gros des troupes alliées les forces françaises qui se battent sur la côte ouest, n’ont pu s’emparer de Megalopoli et de Filia et ne menacent pas Tripolis. A l’est, l’attaque sur la côte du Golfe Argolique a été bloquée net. Enfin, sur tous les fronts, les hommes sont épuisés et le matériel a besoin d’être remis en état. Pourtant, Rommel ne renonce pas. Il décide de faire une nouvelle tentative contre Megalopoli. En fin de soirée, après s’être concerté avec le général Pafundi, il ordonne un double mouvement. L’infanterie de montagne allemande doit se concentrer pour attaquer entre Filia et Megalopoli, tandis que la Division Alpine Cuneense attaquera de front l’unité française que harcèlent déjà les Lancieri di Milano (la 10e D.I. du général Magnien). La 53e D.I. Arezzo fournira, pour appuyer les cavaliers, son artillerie et l’équivalent d’un régiment d’infanterie fourni par ses deux RI et la LXXXe Légion CC.NN. d’assaut. Le reste de la division, qui a besoin de souffler, occupera et nettoiera le terrain déjà reconquis Campagne de Limnos – Opération Theseus (bilan) Limnos – Dans la nuit, les quatre LSI et la Division Perzo déposent à Moudros de nouvelles troupes et du matériel, tandis qu’un petit convoi de quatre LCT et quatre LCI débarquent des unités du génie et l’équipement nécessaire pour remettre l’aérodrome en service. Au retour, ces bateaux commencent à transférer les prisonniers allemands vers Chios puis Rhodes. Au total, moins de 4 200 hommes, dont les trois quarts sont plus ou moins gravement blessés, arrivent dans les ports alliés, sous les flashes de la presse. Un homme attire notamment l’attention des photographes américains : c’est Max Schmeling, ancien champion du monde de boxe poids lourds. Mais beaucoup d’autres soldats de l’Axe ne quitteront pas Limnos de sitôt : sur environ 14 000 hommes engagés par la 7e Aéroportée, la 5e de Montagne, la 22e Aérotransportée et la division italienne Pinerolo, près de 10 000 sont morts. Les pertes alliées sont elles aussi élevées. Les forces françaises ont perdu 1 150 morts et 2 130 blessés, et les troupes grecques 1 350 tués et 2 430 blessés. Il faut y ajouter les pertes civiles, qui se chiffrent à plusieurs centaines de morts et un millier de blessés. La même nuit, en catimini, les vedettes italiennes MAS-557 et 571 se glissent le long de la côte nord de Limnos, à la recherche de survivants de l’Axe. Au bout de trois heures passées à explorer les plages à petite vitesse, à quelques centaines de mètres du rivage, la MAS-557 récupère trois parachutistes et la MAS-571 deux hommes de la 5e Division de Montagne. Les deux bateaux rejoignent ensuite Alexandroupolis. L’opération Theseus est bien finie. ……… Rhodes – En fin de journée, une conférence d’état-major alliée revient sur la bataille de Limnos et réévalue la situation dans le nord de la Mer Egée. « Les trois facteurs les plus importants de notre victoire, résume l’amiral Sir Andrew Cunningham, ont été la résolution inébranlable des troupes grecques et françaises dans l’île, l’engagement à fond des chasseurs de l’Armée de l’Air, grâce à l’endurance des nouveaux avions américains, appuyés par leurs frères d’armes de la RAF, et l’esprit de sacrifice de la Royal Navy et de la Marine Nationale, prêtes à accepter de lourdes pertes pour empêcher l’ennemi d’amener des renforts par la mer et pour garantir aux défenseurs de l’île l’avantage d’une alerte radar précoce lors de l’arrivée des avions de transport allemands. » (propos rapportés dans les mémoires de l’amiral Cunningham, A Sailor’s Odyssey). Le commandant Tulasne, chef du GC I/13 et qui commande par intérim la 13e E.C., est venu de Lesbos à l’invitation du général Bouscat pour apporter l’expérience du terrain. Il souligne lui aussi le rôle joué par la combinaison de l’alerte radar précoce assurée par les croiseurs de la Royal Navy et de l’endurance des chasseurs P-38 et NA-73. « Je veux aussi préciser, ajoute-t-il, que les croiseurs anglais n’ont pas été pour nous qu’un bon radar sur un navire. Il faut rendre hommage à l’expérience des officiers de direction de la chasse de la Royal Navy, et à l’efficacité des leurs moyens de communication. » Le contre-amiral Vian a écouté avec plaisir l’officier français : « Je partage évidemment l’opinion du commandant Tulasne. La Royal Navy est heureuse d’avoir mené à bien cette mission d’un type nouveau, malgré les pertes subies. Mais nous n’avons pas que des motifs de satisfaction. Aucun chasseur en service dans la RAF n’aurait pu couvrir Moudros et mes navires comme l’ont fait les Lightning et les Mustang. Le P-38 a un rayon d’action bien supérieur à celui des Hurricane et des Spitfire. De plus, ses capacités de piqué et son puissant armement concentré dans le nez en font un remarquable tueur de bombardiers. Il est certes moins maniable que les chasseurs de chez Hawker ou de chez Supermarine, mais une bonne direction de chasse s’appuyant sur un bon radar fait plus que compenser ce défaut. » « Par ailleurs, poursuit Philip Vian, l’armement des croiseurs anti-aériens de la classe Dido s’est révélé incapable de faire face aux attaques massives de l’aviation ennemie. La tourelle double de 5,25 pouces est une arme anti-navires admirable, elle l’a heureusement démontré contre les bâtiments italiens, mais sa cadence de tir est trop lente et sa vitesse de rotation trop faible pour l’usage anti-aérien. Le canon de 5 pouces américain utilisé sur le HMS Delhi s’est montré bien plus efficace : une tourelle simple a une cadence de tir supérieure à celle d’une tourelle double de 5,25 pouces. » Les futures constructions navales britanniques (voir Annexe C Y3) tiendront grand compte de ces constatations. Heurs et malheurs des sous-marins alliés Mer Ionienne – Pour sa dernière patrouille avant d’être modernisé, le sous-marin MN Minerve (LV P. Sonneville), opérant à distance prudente des champs de mines alliés, intercepte sur les côtes d’Acarnanie, à la hauteur de l’île d’Ithaque, un convoi venant d’Igoumenitsa et se dirigeant vers Patras avec du matériel prélevé sur les stocks d’Albanie ou arrivant d’Italie. Plus heureux que le Circé en avril 1941 au large de la Sicile, il parvient, grâce à deux torpilles réglées à la plus petite immersion possible, à torpiller et couler le vapeur fluvial Porto di Roma (485 GRT), chargé de quatre tankettes L6 destinées au régiment des Lancieri di Milano. 7 avril Campagne du Péloponnèse Sur la côte ouest, les bombardements navals alliés des positions allemandes se poursuivent une partie de la nuit. Pourtant, dès l’aube, les troupes allemandes attaquent entre Filia et Mégalopoli, appuyées par un effort maximum de la Luftwaffe et de ce que la Regia Aeronautica possède encore d’avions opérationnels en Grèce. L’Axe consacre à cette opération 287 missions offensives, plus des trois quarts de celles conduites ce jour là audessus du Péloponnèse. Ju 87 et Ju 88 attaquent les positions françaises et grecques, mais doivent affronter l’opposition des Tomahawk britanniques (Sqn 260) et grecs (Sqn 335 et 336 [H]), basés à Molai, ainsi que celle des Spitfire V français (GC I/1 et II/1) et des Hawk-87 français (GC II/7 et III/7) et yougoslaves (III/80), basés à K-1. Au terme d’une journée de combats aériens presque continuels dans la région de Mégalopoli et Filia, l’Axe perd 39 appareils (23 bombardiers et 16 chasseurs) et les Alliés 31 avions. A midi, les pointes allemandes atteignent la route reliant Filia et Megalopoli, 5 km au sud de cette ville, mais sont rejetées par une contre-offensive menée par la 3e Brigade de Montagne grecque, qui n’hésite pas à venir au corps à corps. Pendant ce temps, les bombardiers légers alliés sont très actifs, lançant des raids sans escorte à basse altitude sur Andritsena pour empêcher les renforts allemands de monter au front par la petite route de montagne qui relie Likéo à Léondari. Leur action gêne aussi les mouvements des Alpins de la Cuneense, des cavaliers motorisés ou montés des Lancieri di Milano et des fantassins de l’Arezzo : la partie italienne de l’offensive ne peut finalement faire grand mal à la 10e D.I. française. En fin de soirée, Rommel, très agacé, doit accepter l’échec de son attaque. Il ordonne à ses troupes de se replier. Campagne de Limnos – Opération Theseus (épilogue) Berlin – Apprenant que Radio-Alger et la BBC ont annoncé que Sturm et Meindl ont été faits prisonniers et sont vivants, Hitler a une brève crise de fureur : « Il faut dissoudre toutes les unités de ces lâches de parachutistes ! hurle-t-il. Un général allemand n’est pas fait prisonnier, il meurt au combat ! » Puis il se calme un peu et ordonne que, « puisqu’ils sont sur place », les survivants du XIe FK soient transférés dans le Péloponnèse pour aider Rommel à relancer son offensive. 8 avril Campagne du Péloponnèse Les opérations terrestres s’arrêtent, les troupes des deux camps étant épuisées. Mais Rommel ne renonce pas pour autant à son objectif : chasser à nouveau les Alliés du Péloponnèse. Pas plus que Yamashita, à l’autre bout du monde, devant Singapour, il n’envisage l’échec. Les combats aériens se poursuivent. La Luftwaffe attaque Pyrgos, où les unités marocaines débarquent, mais aussi Tripolis et Léonidion. Les bombardiers alliés attaquent Corinthe et les routes partant d’Andritsena vers le sud. Quinze avions alliés et 17 allemands sont abattus. 9 avril Campagne du Péloponnèse L’activité aérienne ralentit, en raison des pertes subies des deux côtés. Au sol, les deux camps se retranchent, ignorant qui reprendra l’offensive le premier. En mer, les escadres de l’amiral Duplat et de l’amiral Rawlings retournent respectivement à Benghazi et à Rhodes pour se réapprovisionner. Dans la nuit, des LSI/T et des LCI/T venant de la baie de Suda ou de Kalamata débarquent dans la “quasi-poche” française de Pyrgos de nouveaux renforts et du matériel. Face aux U-boots Alger – L’amiral Ollive envoie au général de Gaulle, à Washington, un message indiquant que les forces aériennes et navales françaises et britanniques chargées de la surveillance du détroit de Gibraltar sont bien en place des deux côtés du détroit pour faire face à la tentative de passage en force des U-boots de la Kriegsmarine, que les écoutes radio prévoient pour les jours à venir. 10 avril Campagne du Péloponnèse En dehors de quelques tentatives sporadiques des troupes de montagne allemandes pour atteindre la route côtière ouest, qui ne leur rapportent que des gains limités, l’activité au sol est réduite. A Pyrgos, le Génie français s’active pour établir une piste permettant à des avions de chasse d’opérer plus facilement en protection de ce que tout le monde appelle maintenant la poche de Pyrgos. C’est à cette période que se déroule l’histoire racontée par le film de Denys de La Patellière “Un Taxi pour Pyrgos” (avec Lino Ventura, Charles Aznavour, Djamel Saïd, Amadou M’ba et Hardy Krüger), qui restitue bien l’ambiance de l’époque et la mosaïque de combattants composant les forces françaises engagées dans le Péloponnèse (son scénario, signé Michel Audiard, a été primé au Festival de Cannes 1960). Des avions français attaquent Patras et Corinthe. Le premier raid se déroule sans opposition, mais la chasse allemande est présente en force au-dessus de Corinthe, où cinq bombardiers et quatre chasseurs alliés sont abattus, en échange de trois chasseurs allemands. Campagne de Limnos (postface) Nord de la mer Egée – Sur Limnos, les forces alliées capturent les derniers parachutistes allemands dispersés dans l’île. Considérant qu’une nouvelle attaque allemande est improbable avant quelques semaines, l’amiral Cunningham ordonne au Dido et au Partridge de se rendre à Alexandrie pour réparations. Le commandement de l’Escadre de Mer Egée est temporairement transmis au CV Perzo, qui a sous ses ordres les CT MN Le Fantasque (amiral), L’Indomptable, Le Terrible et Guépard, les DD HMS Laforey, Maori et Somali, ainsi que le mouilleur de mines rapides HMS Welshman (surtout utilisé pour de rapides opérations de ravitaillement entre Rhodes et Limnos) et des forces légères qui patrouillent aux environs de Limnos. Celles-ci comprennent les torpilleurs MN L’Incomprise, La Poursuivante, Branlebas, avec 8 MGB et 12 MTB, dont les équipages sont britanniques, français, grecs et yougoslaves. Durant l’opération de ravitaillement de la nuit, le mini-sous-marin italien CB-3 coule un caboteur grec devant Moudros. Cela n’empêche pas les LCT français de débarquer un escadron de chars légers composé de 4 M3F et 6 Valentine III. Renforts Alexandrie – Les contre-torpilleurs yougoslaves Ljubljana et Zagreb reviennent après des travaux de rééquipement à Greenock. Sur les deux navires, des 120 mm modèle Royal Navy ont été mis en place en position A, B et Y (en remplacement des !koda d’origine), un 4 pouces (102 mm) anti-aérien ayant été substitué au 120/46 !koda en position X. 11 avril Campagne du Péloponnèse Durant la nuit, les Français contre-attaquent les troupes allemandes qui tentent de couper la route côtière au sud de Pyrgos. Les Allemands perdent le bénéfice des derniers jours, mais ils s’accrochent dans les collines qui dominent la route, et celle-ci reste sous leur feu. Dans le sud, le génie militaire français ouvre à Kalamata une nouvelle piste, baptisée K2 (tout près de l’actuelle base de la Force Aérienne Grecque de Kalamata). Après Limnos Limnos – Le HMS Welshman débarque à Moudros un nouveau radar à longue portée, qui doit être implanté sur l’une des collines de l’ouest de l’île. Face aux U-boots Alger – Les chefs d’état-major français de la Marine et de l’Armée de l’Air (Ollive et Bouscat) rencontrent les commandants de la Royal Navy et de la RAF en Méditerranée (Cunningham et Tedder) pour discuter du redéploiement de leurs forces dans les semaines à venir. – Le Dunkerque devra partir dans un mois pour les Etats-Unis, où il bénéficiera d’une remise en état générale et d’une amélioration de son armement anti-aérien, rappelle d’abord l’amiral Ollive. Quelques semaines plus tard, ce sera le tour du Strasbourg. – C’est une bonne chose que la flotte italienne ne soit pas très en forme en ce moment, commente Sir A. Cunningham, car nos deux porte-avions d’escadre de la Royal Navy en Méditerranée vont bientôt partir pour Colombo. Et comme le Furious doit rejoindre la Home Fleet, le Ranger de nos amis américains va être pour un moment le seul porte-avions allié en Méditerranée. – De toutes façons, observe Ollive, la Méditerranée est plutôt dangereuse pour les porteavions. Nous en avons perdu quatre dans ces eaux depuis février 1941: deux vieux (le MN Béarn et l’HMS Eagle), un moderne (l’HMS Ark Royal) et un petit CVE (le MN BoisBelleau). Et jusqu’ici, les sous-marins ont été pour eux une menace au moins aussi redoutable que les bombardiers ennemis, puisqu’ils ont coulé deux de ces bâtiments, l’Ark Royal et l’Eagle. Et cette menace risque de s’amplifier encore : les quatre hommes savent que la KriegsMarine s’apprête à tenter de faire passer un grand nombre de sous-marins en Méditerranée par le détroit de Gibraltar. Un Whitley français de lutte ASM a déjà annoncé la veille avoir attaqué et probablement coulé un sous-marin, 50 nautiques à l’ouest du détroit. C’est le début de l’opération Rösselsprung… et de la bataille de Gibraltar (voir Annexe C B2). Tant que durera la bataille qui commence, Gibraltar devra être considéré comme fermé, sauf pour les convois les mieux escortés et protégés. – En pratique, précise Cunningham, le retour du Furious à Scapa Flow devra attendre la fin de ces opérations. Inutile de tenter le diable. D’ici là, il continuera d’opérer avec le Ranger en Méditerranée Orientale. Bien que l’on espère une grande efficacité des puissants groupes “chasseurs-tueurs” qui ont été organisés pour cette bataille et opèrent avec un important soutien d’aviation, il faut prévoir l’entrée dans la Méditerranée d’un certain nombre d’U-Boots. Pour les semaines qui viennent, la guerre anti-sous-marine doit recevoir la plus haute priorité, d’autant plus que les unités anti-navires de la Regia Aeronautica et de la Luftwaffe ne vont pas se relever trop vite des coups qu’elles ont subis depuis fin février. Le déploiement des porte-avions doit donc se faire de façon à minimiser les risques. Autant que possible, le soutien aérien aux opérations à terre doit être fourni à partir de terrains avancés, comme ceux qui sont maintenant en activité dans le Péloponnèse ou comme celui de Pantelleria, qui devrait bientôt être pleinement opérationnel. En Méditerranée, les porte-avions ne devront plus être utilisés pour l’appui rapproché des opérations terrestres qu’en cas d’urgence. 12 avril Campagne du Péloponnèse Alors que les combats au sol atteignent un état d’équilibre, les deux camps tentent de faire basculer la situation en leur faveur en attaquant les communications adverses. La ville de Kalamata est attaquée dans la matinée par une formation allemande, qui perd deux Ju 88 et trois Bf 109F, abattus par des Spitfire V des GC I/1 et II/1 en échange de deux des leurs (plus un troisième trop endommagé pour être réparé). A midi, un raid de la RAF contre Corinthe se traduit par la perte de trois Blenheim IV et deux P-40E en échange de deux Bf 109F. Pendant la nuit, des Wellington de la RAF poursuivent le mouillage de mines dans le Golfe de Patras et devant Le Pirée, dont le port est attaqué par des Stirling et des Consolidated-32 de Coronation/Couronnement. Au large de Pyrgos, le cargo grec Memas (1 755 GRT) est coulé par le sous-marin italien Acciaio (LV Ottorino Beltrami), qui est pourchassé par deux corvettes françaises mais réussit à s’en tirer. Après Limnos Mer Egée – Pour la première fois depuis le lancement des opérations Dark Knight/Chevalier Noir, les communiqués des deux camps indiquent que « tout est calme sur le nord de la Mer Egée ». Mais les opérations continuent… Au crépuscule, quatre Mustang I venus de Mytilène en volant au ras des vagues, sous la couverture radar, attaquent l’aérodrome de Volos. Ils détruisent un Ju 52 et un He 111 et filent avant que la flak soit revenue de sa surprise. 13 avril Campagne du Péloponnèse Le roi de Grèce et son gouvernement tiennent un conseil des ministres à Gythion, qui doit devenir la nouvelle capitale provisoire grecque. Il s’agit surtout d’un geste politique symbolique, car l’essentiel de l’administration grecque reste en Crète, où elle a émigré en hâte moins d’un an plus tôt. Cependant, les autorités grecques ont considéré qu’il leur fallait absolument affirmer officiellement leur retour dans le Péloponnèse. Pour éviter qu’une attaque de la Luftwaffe ne vienne gâcher la fête, la tenue de ce conseil des ministres n’est pas rendue publique avant la fin de l’après-midi. A ce moment, le roi est en train de rendre visite à des unités britanniques, françaises et grecques, bien sûr, stationnées autour de Sparte. Il rembarque en fin de soirée pour Héraklion. L’activité aérienne au-dessus du Péloponnèse est faible. Les bombardiers britanniques continuent cependant de truffer de mines le golfe de Patras. Deux Wellington et un Stirling sont abattus cette nuit-là par la chasse allemande. Après Limnos Nord de la Mer Egée – Guidés par le radar tout neuf de Limnos, deux P-38F venus de Mytilène abattent un Ju 88 de reconnaissance au nord de Moudros. 14 avril Campagne du Péloponnèse Journée relativement calme… en dehors d’un raid aérien français contre Patras, d’un mouillage de mines par des Wellington dans le golfe de Patras et d’une attaque nocturne de Consolidated-32 contre la gare de triage d’Athènes, dont la flak abat un avion. Mais il y a aussi des indices d’une prochaine relance des activités. En fin de journée, une flottille de vedettes rapides françaises et yougoslaves arrive à Pyrgos. Ces petits bâtiments se préparent à attaquer le trafic de l’Axe dans le golfe de Patras. 15 avril Campagne du Péloponnèse Peu après minuit, les vedettes lance-torpilles yougoslaves Kajmakcalan, Orjen, Suvobor et Triglav et les françaises VTB-103, 104, 105 et 107, qui ont ravitaillé la veille à Pyrgos, attaquent entre Leucade et Céphalonie un convoi italien composé de six caboteurs escortés par les torpilleurs Ariel, Sagittario et Sirio 3 et quatre dragueurs de mines. Les escorteurs italiens réagissent avec un temps de retard car, si les vedettes françaises sont des MTB Higgins, les yougoslaves, qui mènent l’attaque, sont d’abord prises pour des vedettes allemandes – et pour cause : elles ont été construites par les chantiers Lurssen, à Kiel ! L’Orjen et le Triglav peuvent ainsi torpiller un caboteur chacun. Les deux petits transports coulent rapidement, pendant que les torpilleurs italiens contre-attaquent et, tirant de toutes leurs pièces, se jettent sur les agresseurs. Mais les vedettes françaises déboulent à cet instant et, dans la mêlée confuse qui suit, le Sirio est torpillé par la VTB-105. Touché aux machines, l’escorteur chavire à 01h40. Peu avant, la VTB-103, criblée de balles et d’obus de 20 mm par les navires italiens, a dû être abandonnée, en flammes (son équipage étant secouru par le Suvobor). Avant de se replier, les vedettes alliées coulent encore le dragueur RD-33, qui couvre la fuite des transports, de deux torpilles tirées par le Kajmakcalan et la VTB-104. Front italien Méditerranée Centrale – Après une trêve de trois semaines, les bombardiers français repartent à l’attaque des terrains italiens de Sicile. Les avions alliés accomplissent ce jour-là 114 missions offensives, dont 24 par des chasseurs américains. Les attaquants perdent deux avions en combat aérien, plus deux abattus par la DCA, et abattent deux chasseurs italiens. 16 avril Campagne du Péloponnèse Selon les communiqués des deux camps, « Dans le Péloponnèse, rien de nouveau ». Plus précisément, aucune opération n’est en cours au sol, et l’activité aérienne est « habituelle » – en fait, les Alliés poursuivent leurs attaques sur les bases opérationnelles de l’Axe à Corinthe et Patras, et les Allemands lancent sur Gythion un raid probablement motivé par le désir de marquer, après la visite du roi de Grèce, que la « capitale provisoire » reste sous la menace de la Luftwaffe. Les forces alliées perdent quatorze avions et celles de l’Axe neuf. Front italien Méditerranée Centrale – Les opérations aériennes alliées contre la Sicile et l’Italie du Sud s’accentuent pour empêcher les aviations de l’Axe de concentrer au sud de la Botte des forces 3 L’Ariel est la dernière unité à flot de la 1ère escadrille de torpilleurs ; les deux autres sont de la 10e escadrille. menaçant l’ouest du Péloponnèse. Les 247 missions offensives alliées de la journée se traduisent notamment par la perte de onze appareils alliés (4 bombardiers et 7 chasseurs) et de dix chasseurs italiens. Après Limnos Moudros – La situation est considérée comme suffisamment stabilisée pour baser à Limnos une flottille de 14 vedettes rapides (8 MTB et 6 MGB). 17 avril Campagne du Péloponnèse Les tirailleurs marocains lancent une opération destinée à reprendre Krestana, pour donner un peu d’air à la poche de Pyrgos. Les deux premières attaques sont repoussées par les troupes de montagne allemandes, mais la troisième est couronnée de succès. Dans la soirée, neuf vedettes rapides italiennes arrivent d’Italie au petit port de Poros, dans l’île de Céphalonie. Elles doivent établir leur base à cet endroit, pour protéger les convois italiens allant au Pirée ou en revenant et pour empêcher les vedettes rapides alliées de perturber le trafic dans le détroit d’Otrante. Elles renforcent un dispositif très léger, puisque les forces navales italiennes en Grèce ne comprenaient plus que les contre-torpilleurs Freccia et Strale, les torpilleurs Ariel et Sagittario, les vedettes MAS-557, 571, 574, 575 et 576, quatre mini-sous-marins de type CB ainsi qu’un certain nombre de petits dragueurs de mines et de patrouilleurs ASM. Après Limnos Grèce du Nord – Les restes des unités de transport de la Luftwaffe qui ont participé à l’attaque de Limnos commencent à quitter Salonique pour l’Allemagne ou, pour quelques unes, pour Varsovie. Dans un rapport secret du général Student, celui-ci souligne que « la catastrophe de Limnos trouve ses racines dans nos succès de 1941 en Corse et en Sardaigne. Ces victoires nous ont conduit à sous-estimer la faiblesse de nos troupes aéroportées si elles étaient forcées de livrer une bataille prolongée, et à méconnaître qu’elles dépendaient pour leur survie d’une supériorité aérienne quasi totale. Celle-ci avait été conquise au-dessus de l’est de la Corse assez tôt dans le cours de la bataille, permettant un ravitaillement aérien constant dans de bonnes conditions et autorisant des convois navals à apporter l’armement lourd nécessaire à la bataille terrestre. Nous n’eûmes jamais à Limnos ce genre de supériorité aérienne, notre ravitaillement fut donc réduit et en grande partie inefficace. Sans équipement lourd et sans apport constant de troupes fraîches, la bravoure seule ne peut remporter la bataille. La triste vérité est que les troupes aéroportées doivent vaincre dans les 48 ou 72 premières heures, ou elles sont condamnées. » Renforts Casablanca – Arrivée d’un convoi britannique centré sur le vieux porte-avions Argus, chargé de 76 Spifire Mk.V destinés – enfin ! – aux unités de la RAF qui se battent en Méditerranée et ont dû pendant près de deux ans se contenter de Hurricane. ……… Rhodes – Arrivée de 21 bombardiers Stirling venus de Grande-Bretagne par Gibraltar et Alger pour renforcer le 236e Wing, dans la force Coronation/Couronnement. Pendant ce temps, des officiers de haut rang de l’USAAF visitent les terrains de l’Armée de l’Air et de la RAF à Rhodes et en Crète pour évaluer la possibilité d’y baser des bombardiers lourds américains afin d’attaquer les champs pétrolifères roumains. 18 avril Campagne du Péloponnèse De violents combats se déroulent toute la journée autour de Krestana, que les troupes allemandes tentent de reprendre aux Marocains – sans succès. La VTB-109 (une vedette Higgins) arrive à Pyrgos pour remplacer la VTB-103 détruite, accompagnée des VTB-110, 111 et 112 (des vedettes Fairmile), qui renforcent la flottille de Pyrgos. Dans la nuit, des Wellington attaquent Missolonghi et Patras. ……… Crète – Le 235e Wing de la RAF, équipé de Boston III, arrive à Héraklion, venant de TunisPont du Fah pour renforcer les bombardiers de la Force Aérienne de Mer Egée. La RAF met maintenant en ligne (en comptant la Force Aérienne Grecque) 177 bombardiers. Le 232e Wing, sur Maryland, est basé à Molai, dans le Péloponnèse, avec les 237e et 238e Wings sur Blenheim IV. Les 234e et 235e, sur Boston III, opèrent d’Héraklion avec le 202e sur Wellington, qui effectue du bombardement de nuit et du mouillage de mines. L’Armée de l’Air transfère à Chios et Lesbos-Mytilène deux des groupes de la 23e Escadre de Bombardement (les I/23 et III/23), sur DB-73. Renforts Rhodes – Seize Consolidated-32/B-24D viennent renforcer la 60e Escadre de Bombardement Lourd, qui opèrent au sein de la Force Coronation/Couronnement. Front italien Méditerranée centrale – Les avions alliés lancent pendant vingt-quatre heures une série d’attaques sur l’Italie du sud et la Sicile. Le matin, Tarente et Reggio de Calabre sont respectivement attaquées, l’une par 27 B-25 de la 11e EB escortés par 80 Hawk-87 des GC I, II et III/10 (polonais), I/5, I/9 (tchèque) et I/39, l’autre par 18 B-25 de la 31e EB escortés par 72 P-40 E des 33e et 57e FG américains, basés à Pantelleria et Tunis. Peu après midi, Palerme est attaquée par 27 Blenheim-IV des Sqn 21, 82 et 110 de la RAF, escortés par 72 Hurricane II du 266e Wing (RAF) et du 7e Wing (SAAF). A 16h30, Tarente est surprise par l’attaque de 27 DB-73 français de la 25e EB (basée à Malte), volant sans escorte à basse altitude. Enfin, dans la nuit, 59 Wellington des Sqn 37, 38, 40, 104 et 140 attaquent Tarente et Palerme. En tout, 382 avions alliés sont engagés dans cette vaste opération qui a notamment pour but de distraire l’attention de l’Axe des opérations en Grèce. Cependant, malgré les dégâts causés, la Luftwaffe ne semble pas se sentir concernée, et la réaction de la Regia Aeronautica est assez molle. Les Alliés perdent 16 avions, dont trois abattus par la DCA, et onze chasseurs italiens sont abattus. 19 avril Campagne du Péloponnèse Krestana – Les Allemands lancent plusieurs attaques. Les combats sont intenses toute la journée, mais les tirailleurs marocains tiennent bon. La Force Aérienne d’Egée poursuit ses attaques sur les voies de communications ennemies, avec 112 missions offensives ; elle perd quatre bombardiers et sept chasseurs en échange de neuf appareils de l’Axe. ……… Kalamata – Arrivée des deux premiers LCG(L) ou LCI(L) gréés en “canonnières antiaériennes” avec trois jumelages Bofors de 40 mm et six Œrlikon de 20 mm. Les deux bâtiments doivent être utilisés pour escorter des convois côtiers vers Pyrgos. Déploiement stratégique Alger – Lors d’une réunion avec le chef d’état-major de l’Armée de l’Air, le général Bouscat, la délégation de l’USAAF qui vient de visiter les principales installations aériennes alliées en Méditerranée confirme qu’elle souhaite utiliser les terrains de la région de Tunis comme bases principales de l’offensive stratégique à venir sur ce théâtre d’opérations. Rhodes et la Crète pourront être utilisées pour des déploiements temporaires. 20 avril Activité navale Mer Ionienne – Alors qu’une partie de la flottille de Pyrgos (quatre vedettes lance-torpilles yougoslaves et quatre vedettes françaises) mouille des mines près de Missolonghi, les huit bâtiments rencontrent un convoi italien se dirigeant vers Bari, escorté par les contretorpilleurs Freccia et Strale et les dragueurs de mines RD-22, 36 et 38. Après un échange de mitraille furieux mais imprécis, le convoi se retire à 03h10 vers le golfe de Corinthe. Nord de la Mer Egée, 00h15 – Escortant un convoi vers Moudros, le DD HMS Maori aperçoit un petit sous-marin en surface, à très courte distance – trop près, en fait, pour que les canons de 120 mm du destroyer puissent tirer. Sans envisager une manœuvre compliquée, le commandant du Maori lance son bâtiment droit sur le petit navire ennemi ; il éperonne et coule le mini-sous-marin CB-3. 21 avril Front italien Méditerranée centrale – « Le II/5 “Lafayette” et toute l’aviation alliée sont décidément passés à l’offensive. Le 21 avril, nous lançons un nouveau “Circus”, selon le mot-code anglais adopté pour désigner ce genre d’opération. Il s’agit d’une attaque avec un nombre assez limité de bombardiers et de nombreux chasseurs contre un objectif que l’ennemi ne peut décemment pas laisser sans défense, afin de forcer son aviation à se battre. Le “Grand Cirque” d’aujourd’hui vise l’important aérodrome de Comiso, en Sicile. Nous attaquons en deux vagues, 54 bombardiers et 154 chasseurs en tout. En plus du fait de prendre l’offensive, une chose nous donne le moral : le nombre de plus en plus grand d’avions américains qui se battent à nos côtés et que l’on reconnaît facilement, non seulement à leur camouflage et à leurs étoiles blanches, mais aussi aux insignes personnels souvent très… féminins dont ils sont ornés. De plus, ils prennent de l’expérience à vue d’œil, au fur et à mesure que les leçons de George et des autres anciens “infiltrés” portent leurs fruits. Comme prévu, la Regia Aeronautica est obligée de réagir. Ils sortent leurs meilleurs chasseurs, Macchi MC.202 et Reggiane Re.2001 et, avec l’avantage de la défense (que nous avons trop longtemps connu !), nous perdons 14 avions (5 bombardiers et 9 chasseurs) en échange de 11 chasseurs italiens. Mais Comiso est durement touché, et six autres chasseurs sont détruits au sol. (…) Un petit nouveau, prénommé Léopold, a aujourd’hui remporté sa première victoire, que nous fêtons dignement au mess. Léo manque, du coup, faire une autre victime : un pilote américain en visite s’évanouit presque en comprenant que le pilote de chasse dont il célèbre avec nous la première victoire est ce type qu’il a d’abord pris pour un mécanicien, ou pour un serveur du mess. Il est vrai que Léopold Wade est le premier pilote de chasse sénégalais de l’Armée de l’Air. » (Jean-Pierre Leparc, Les gars du “Lafayette”) Campagne du Péloponnèse 00h58 – Le gros LSI HMS Keren, en train de débarquer des troupes à Kalamata, est gravement endommagé par une explosion sous-marine, qui fait 176 morts. Le navire doit être échoué en hâte. Les coupables sont des nageurs de combat italiens chevauchant des “torpilles lentes” amenées à pied d’œuvre par le sous-marin Sciré (CC Bruno Zelik, qui a succédé début mars au CC Borghese). Dans la journée, les Alliés lancent de nouveaux raids contre Corinthe, Patras et Le Pirée, provoquant une forte réplique de la Luftwaffe et de la Regia Aeronautica. La Force Aérienne d’Egée perd 27 avions (11 bombardiers et 16 chasseurs), dont cinq abattus par la flak, en échange de 15 chasseurs de l’Axe (neuf allemands et six italiens). 22 avril Bataille de Gibraltar Gibraltar – Après avoir mené du 6 au 13 avril une première patrouille sans résultat le long des côtes espagnoles, le HMS Taku (Lt-Cdr. J.G. Hopkins) repart pour aller attendre devant Toulon, avec le 600 tonnes MN Thétis, les sous-marins allemands qui seraient parvenus à entrer en Méditerranée. Campagne du Péloponnèse L’activité aérienne est à nouveau assez importante. La Force Aérienne d’Egée attaque Le Pirée et Corinthe de jour, Patras de nuit. Elle perd seize avions (7 bombardiers et 9 chasseurs) en échange de onze chasseurs de l’Axe. ……… Krestana – Les Marocains continuent de résister aux assauts des Allemands. Refusant de céder un pouce de terrain, le 5e RTM devient le héros de la presse française publiée en Afrique du Nord, surtout au Maroc, bien sûr, où le récit de ses exploits déclenche de nouveaux engagements dans l’armée française. Le souvenir de cette bataille restera très vif bien après la guerre : en 1982, lors de la victoire “historique” du Maroc sur l’Allemagne en Coupe du Monde de football, les commentateurs marocains ne se sont pas privés de comparer la fin du match, qui vit leurs footballeurs résister aux tentatives acharnées des Allemands pour égaliser, à la bataille de Krestana ! 4 Le commandement français constate qu’une fois de plus, le général Béthouart fait des merveilles à la tête de troupes de montagne, qu’elles soient franco-polonaises comme en Norvège ou en Sardaigne, ou marocaines, comme à Pantelleria ou ici dans le Péloponnèse… Après Limnos Limnos – L’aérodrome de Moudros est à nouveau opérationnel. Dans l’après-midi, le terrain accueille 25 Hurricane II des Squadrons 605 (RAF) et 1 (SAAF). 23 avril Coronation/Couronnement 4 On sait que pour se qualifier, le Maroc avait battu l’équipe d’Algérie, paradoxalement affaiblie par la prospérité du pays : les meilleurs clubs, faisant beaucoup appel à des vedettes étrangères grâce à l’argent du pétrole saharien, avaient négligé la formation des jeunes. Rhodes – Alors que les combats marquent une pause dans le Péloponnèse, l’attaque des pétroles roumains reprend. De nuit, 34 Stirling de la RAF et 43 B-24D de l’Armée de l’Air attaquent Ploesti, où la raffinerie du Creditul Minier est sévèrement touchée. Les défenseurs allemands et roumains infligent cependant des pertes importantes aux attaquants : deux Stirling sont abattus par les 88 mm de la flak lourde et les chasseurs de nuit allemands détruisent trois Stirling et deux B-24D. 24 avril Front italien Méditerranée centrale – Une nouvelle opération “Circus” importante s’en prend aux aérodromes de Trapani, en Sicile. Les terrains sont bombardés par 54 B-25 et 27 DB-73 des 11e, 21e et 31e EB escortés par 172 Hawk-87/P-40 E des 3e et 39e EC, du 233e Wing de la SAAF et des 33e et 57e FG de l’USAAF. Débordée, la Regia Aeronautica réagit assez mollement. Les attaquants perdent onze avions (quatre bombardiers, sept chasseurs) et les Italiens neuf chasseurs. De plus, onze autres avions italiens (trois chasseurs et huit bombardiers) sont détruits au sol. 25 avril Campagne du Péloponnèse Des combats très violents mais localisés reprennent autour de Krestana, où les troupes de montagne allemandes continuent de se casser les dents sur les positions marocaines. La Luftwaffe soutient l’attaque par 118 missions offensives, mais les Alliés réagissent et les Allemands perdent 12 avions (cinq bombardiers et sept chasseurs) en échange de dix chasseurs alliés. Dans la nuit, les bombardiers allemands attaquent Sparte, mais deux d’entre eux sont abattus par les Beaufighter de chasse de nuit, pour des résultats minimes. Dans le même temps, les vedettes alliées basées à Pyrgos mouillent des mines dans le Golfe de Patras, et des Wellington de la RAF bombardent Missolonghi. Front italien Rome – Depuis plusieurs semaines, les avions français, anglais et américains – ceux-ci chaque jour plus nombreux – ne cessent de harceler la Regia Aeronautica en Sicile, Sardaigne et Italie du Sud. C’est une guerre d’usure que la faible industrie aéronautique italienne ne peut que perdre… Le général Fouchier, chef d’état-major de la Regia Aeronautica, part pour Berlin avec un message énergique de Mussolini pour Hitler, réclamant que ce dernier accroisse la livraison à l’industrie italienne des moteurs allemands promis, qu’il autorise la livraison d’avions à l’Italie (en particulier l’envoi de Bf 109F et des chasseurs lourds promis depuis longtemps) ou qu’il déploie de nouvelles unités de chasse de la Luftwaffe en Italie du Sud ou en Sicile. Pendant ce temps, lors d’une réunion secrète avec les diverses autorités civiles et militaires, Mussolini ordonne que la construction de fortifications côtières en Sicile et en Calabre soit accélérée « même si cela doit entraîner le ralentissement voire l’arrêt des réparations des navires de guerre endommagés. » En réalité, cet ordre n’est qu’une confirmation des décisions prises par l’Etat-Major Général italien à la suite des attaques alliées contre la Sicile lors de l’opération Vengeur et de la chute de Pantelleria. Les historiens militaires italiens considèrent néanmoins les ordres donnés le 25 avril comme « la sentence de mort de la Regia Marina en tant que marine “d’eau profonde” ». 26 avril Front italien Sicile – Nouveau raid allié diurne contre les terrains de la région de Trapani, avec 54 bombardiers et 136 chasseurs (Armée de l’Air et USAAF). La réaction de la Regia Aeronautica est efficace, mais très réduite : deux DB-73, un B-25 et deux P-40E sont abattus en échange de deux Macchi MC.202 et un Reggiane Re.2001. Dans la nuit, des Wellington basés à Sfax attaquent Palerme. Coronation/Couronnement Rhodes – Nouveau raid contre Ploesti, avec 34 Consolidated-32 français et 23 Stirling de la RAF. Le bombardement est moyennement efficace, car des nuages voilent l’objectif. Pire : cette nuit-là, les chasseurs de nuit, plus nombreux qu’à l’habitude, abattent trois Stirling et deux Consolidated-32. La chasse allemande sur les théâtres d’opérations de la Méditerranée et des Balkans a en effet été renforcée par le haut commandement de la Luftwaffe. Depuis peu, le 7/NJG 1 et le 8/NJG 1 opèrent de Bucarest. 27 avril Campagne du Péloponnèse Sparte – Les officiers du QG allié commencent à planifier l’opération “Périclès”, qui vise à rétablir les communications par voie de terre avec Pyrgos et à détruire une partie substantielle des forces ennemies dans le secteur. ……… Mer Ionienne – Au milieu de la nuit, huit vedettes rapides italiennes (six de la classe MAS501, les MAS-502, 504, 505, 525, 513 et 518, et deux de la nouvelle classe MS-1, dite “lourde”, les MS-11 et 12) tentent d’intercepter un convoi français en route pour Pyrgos. Mais le convoi est protégé par la flottille de Pyrgos, et une violente bataille s’engage entre les petits navires, à courte distance et à grande vitesse. Deux vedettes italiennes, les MAS-502 et 505, sont coulées, ainsi qu’une vedette française de type Fairmile, la VGB-111. Renforts Oran-La Sénia – Les photographes de presse sont là pour accueillir dignement 23 B-24D de l’USAAF commandés par le colonel H.A. Halveston. Ces avions viennent en effet de battre un record de traversée de l’Atlantique. Ils ont fait escale à San Juan (Porto-Rico), à Cayenne, à Dakar et au sud du Maroc. Ils vont maintenant partir pour Rhodes afin de renforcer leurs jumeaux français, les Consolidated-32 de la force Coronation/Couronnement. 28 avril Campagne du Péloponnèse La Force Aérienne d’Egée lance de nombreuses attaques contre les communications de l’Axe pour préparer “Périclès”, avec près de 200 missions offensives de jour. Treize avions sont perdus, en échange de neuf chasseurs de l’Axe. Dans la nuit, des Wellington attaquent le port du Pirée et la gare de triage de Larissa. Quatre sont abattus par la chasse de nuit allemande. Front italien Méditerranée centrale – Intense activité aérienne au-dessus de la Sicile et de la Sardaigne, où l’aérodrome de Cagliari-Elmas est durement attaqué. Les avions alliés accomplissent 227 missions offensives, perdant neuf avions en échange de sept chasseurs italiens. Heurs et malheurs des sous-marins alliés Mer Egée, 01h30 GMT – Posté au débouché du Golfe Saronique, le sous-marin MN Phoque (LV R. Bourgeois) tente d’attaquer un convoi venant du Pirée et composé de deux cargos bulgares qui veulent regagner la Mer Noire en profitant du calme relatif régnant dans le nord de la Mer Egée depuis la fin de la bataille de Limnos. Détecté avant d’avoir atteint une bonne position, le Phoque lance de trop loin sur l’un des cargos deux torpilles qui manquent largement leur cible, avant de devoir subir la contreattaque de l’escorte. Le sous-marin va être traqué durant de longues heures par les chasseurs de sous-marins allemands UJ-2102 et UJ-2103, accompagnés de la vedette ASM italienne Marcomeni. Au petit jour, le Phoque a réussi à échapper à ses poursuivants sans avoir éprouvé de dégâts importants. En revanche, ses batteries sont à peu près vides et le commandant Bourgeois n’a d’autre choix que de faire route en surface vers les Cyclades aux mains des Alliés. Alors qu’il approche de l’île de Sériphos, le sous-marin est repéré et attaqué par un Arado 196 du 2./SAGr 125, basé à Skaramanga. Poussant son attaque avec détermination, l’Ar 196 parvient à placer l’une de ses deux bombes de 50 kg tout près du Phoque, endommageant sa coque externe et sa barre de plongée arrière tribord. Mais il s’est assez approché pour que les mitrailleuses de 13,2 mm AA de sa cible l’abattent. Le Phoque pourra gagner Rhodes avec pour preuve de son succès le mitrailleur de l’Arado, repêché et fait prisonnier. Il sera ensuite envoyé à Alexandrie pour un bon mois de réparations. 29 avril Commandement Berlin – La Luftwaffe crée deux Commandements spécifiques sur le théâtre d’opérations de Grèce et des Balkans (voir appendice). – Le FliegerFührer Balkans, dont le QG est à Pitesti (Roumanie), dispose de 303 avions de combat. Il doit coordonner les activités de la chasse de nuit allemande, de la chasse roumaine et de la chasse hongroise pour protéger les pétroles de Ploesti. Ce commandement doit aussi organiser les dépôts et les réserves pour celui de Grèce, et participer à des opérations antiguérilla en Yougoslavie. – Le FliegerFührer Grèce, sous le commandement du FeldMaréchal Kesselring, commandant le théâtre des opérations, a le statut de Luftflotte (Luftflotte 11 Griechenland) et doit coordonner les opérations des trois FliegerKorps opérant en Grèce. Il dispose de 715 avions de combat allemands et italiens et de 48 avions de transport (les Ju 52 du KG zbV-60). 30 avril Campagne du Péloponnèse Mer Ionienne – Dans la nuit, nouveau heurt entre les vedettes rapides italiennes et la flottille alliée de Pyrgos. Deux vedettes MTB françaises sont légèrement endommagées. En revanche, les MAS italiennes ne peuvent inquiéter un convoi qui transporte vers Pyrgos des hommes et du matériel. Appendice Les forces aériennes de l’Axe en Grèce et dans les Balkans à partir du 29 avril 1942 FliegerFührer Balkan 1 – Chasse : 206 avions. (a) Luftwaffe : 73 avions. II/ZG 26 et III/ZG 26 : 24 Bf 110 F et 19 Bf 110 C et D. 7/ NJG 1 et 8/NJG 1 : 26 Bf 110 F et 4 Ju 88C. (b) FARR (Forces Aériennes Royales Roumaines) : 71 avions. Flotila 2 Vinâtoare : 4 groupes de chasse : 38 Bf 109E, 14 IAR-80. Flotila 3 Vinâtoare : 4 groupes de chasse : 41 IAR-80. (c) Forces aériennes hongroises : 28 avions. 2e Régiment de Chasse : 16 Bf 109 E, 12 Fiat CR.42. (d) Forces aériennes slovaques : 12 avions. 14e groupe de chasse : 12 Avia B-534. 2 – Coopération avec l’armée et lutte anti-guérilla : 97 avions. (a) Luftwaffe : 79 avions. 2.(H)/12 : 17 Hs 126B, 8 Avia B-534 et 6 PZL-11. 3.(H)/12: 7 Hs 126B et 11 Letov S-328. 2.(H)/21: 10 Hs 126B, 11 Heinkel-60 et 9 PZL-11. (b) Forces aériennes croates : 18 avions. 11 Bréguet XIX, 7 Blenheim I. 3 – Entraînement : 91 avions. FliegerFührer Griechenland 1 – Grèce centrale et du Nord (sous la responsabilité de la Luftwaffe) : 424 avions. (a) IIe FliegerKorps (général Loerzer) : 239 avions. – Chasse : 152 avions (122 jour + 30 nuit). JG-53 (4 Gruppen) : 52 Bf 109F et 19 Bf 109E. ZG 1 : 51 Bf 110F. I/NJG 2 (chasse de nuit) : 18 Bf 110 et 12 Ju 88C-6 (basés à Sofia, Salonique et Kavalla). – Bombardement : 52 avions. I/KG 77 et II/KG 77 : 52 Ju 88. – Reconnaissance maritime et patrouilles ASM : 35 hydravions 2/SAGr 126 : 9 He 60 et Ar 196 (Kavalla) 2/SAGr 125 : 8 Ar 196 (Skaramanga) 1 et 3/SAGr 126 : 18 He 60, Fokker TVIII W et Ar 196 (Skaramanga) (b) – Xe FliegerKorps (général Geisler) : 185 avions. Joue le rôle de réserve stratégique. – Chasse : 84 avions. I/JG 77 et II/JG 77 : 56 Bf 109F. III/JG 77 : 28 Bf 109F chasseurs-bombardiers (Jabos). – Bombardement : 101 avions. I/LG 1 et II/LG 1 : 41 Ju 88. I/KG 26 et II/KG 26 : 28 He 111. I/StG 1 et II/ StG 2 : 32 Ju 87 B2 et D1. 2 – Régions d’Athènes et de Missolonghi (sous la responsabilité conjointe de la Luftwaffe et de la Regia Aeronautica) : 316 avions (213 L + 103 RA). La Regia Aeronautica a transféré à Athènes les restes des escadrilles du secteur sud. Les effectifs totaux atteignent : 182 chasseurs (119 pour la Luftwaffe et 63 pour la Regia Aeronautica), 51 bombardiers (Luftwaffe) et 83 avions d’assaut (43 et 40). (a) Luftwaffe : VIe FliegerKorps (213 avions). Terrains : Dadion, Topolia, Tanagra, Tatoï, Eleusis. – Chasse : 119 avions (95 jours + 24 nuits). I/JG 27, II/JG 27, III/JG 27 : 57 Bf 109F et 12 Bf 109E. II/JG 3 (“Udet”) : 26 Bf 109F. II/NJG 2 (chasse de nuit) : 12 Bf 110, 12 Do 17 Z10. – Bombardement : 94 avions. Kampfgruppen spéciaux 606 et 806 : 51 Ju 88. I/StG 3 et II/StG 3 : 43 Ju 87 B2 et D1. (b) Regia Aeronautica (103 avions). 63 chasseurs, 40 chasseurs-bombardiers. – 1° Stormo CT (26 avions) – Col. Alfredo Reglieri. 6° Gruppo – Maj. Marco Larcher. Squad. 79a, 81a, 88a (Tatoï) : 15 Macchi MC.200 Saetta. 17° Gruppo - Maj. Bruno Brambilla. Squad. 71a, 72a, 80a (Tatoï) : 11 Macchi MC 202 Folgore. … – 2° Stormo CT (39 avions) – Lt-Col. Vincenzo Dequal. 8° Gruppo – Maj. Mario Bacich. Squad. 92a, 93a, 94a (Mégare) : 12 Macchi MC.200 Saetta. 13° Gruppo – Squad. 77a, 78a, 82a (Mégare) : 12 Macchi MC.200 Saetta. 3° Gruppo Autonomo CT – Lt-Col. Innocenzo Monti. Squad. 153a, 154a, 155a (Megare) : 15 Fiat CR.42 Falco. … – 17° Stormo CT (38 avions) 12° Gruppo Autonomo CT – Lt-Col. Bruno Cudugnello. Squad. 159a, 160a, 165a Squad. (Mégare) : 13 Fiat G.50 Freccia. 160° Gruppo Autonomo CT – Maj. Michele Mandara. Squad. 193a, 375a, 394a (Mégare) : 14 Fiat CR.42 Falco. 158° Gruppo Autonomo Assalto – Cap. Alessandro Cerutti. Squad. 236a, 387a, 388a (Mégare) : 11 Fiat CR.42 Falco.