Les vieux ne sont-ils que des coûts et des profiteurs? La Suisse en

Transcription

Les vieux ne sont-ils que des coûts et des profiteurs? La Suisse en
GAUCHEBDO
N AT I O N A L E
No 21
25 mai 2012
3
Les vieux ne sont-ils que des coûts et des profiteurs?
RETRAITES • Certains aînés dans le besoin sont obligés de recourir aux prestations complémentaires de l'AVS.
«L
es seniors claquent
leur pension et sollicitent l'Etat», vient de
titrer un quotidien lémanique.
C'est en constatant que les
rentes complémentaires (PC)
ont atteint 4,3 milliards de
francs par an, augmentant ainsi
de 40% en cinq ans, que certains
assènent sans nuance cette généralité - «les seniors plus cigales
que fourmis» - sans tenter de se
demander, avant de lancer des
anathèmes, quelles peuvent être
les causes réelles d'une telle augmentation. Ils préfèrent crier
haro sur les rentiers qui dilapideraient honteusement leur
capital du 2ème pilier en voyages
de luxe et autres excentricités
pour aller implorer ensuite
l'aide de l'Etat. La suite logique
d'un tel raccourci leur permet de
proposer la création d'une nouvelle assurance pour les vieux,
censée garantir leurs soins et qui
serait payée par tous.
En voilà une nouvelle merveilleuse idée qui permettrait à
des assureurs de s'en mettre
plein les poches sans qu'on
sache réellement ce qui serait
remboursé avec cette manne
accumulée. Une suggestion délétère qui ancre une fois de plus
l'idée que les vieux ne sont que
des coûts et, pire encore, des profiteurs. Cela rejoint la rengaine
des caisses maladie qui veulent
augmenter les primes des vieux
et «inverser la solidarité»
comme elles disent.
Les prestations complémentaires
AVS ou AI sont destinées à compléter des rentes insuffisantes.
Or, il est important de rappeler
que les rentes AVS ne correspondent en effet toujours pas à ce
qu'impose pourtant la Constitution fédérale à son article 112 a,
soit «la couverture des besoins
vitaux». Le refus d'appliquer ce
principe
constitutionnel
a
conduit à la création indispen-
sable et temporaire de PC afin
de permettre de couvrir les coûts
de la santé et ceux des loyers
tout en mangeant à sa faim.
Sans plus.
Il est possible que certains retraités aient imprudemment retiré
leur avoir du 2ème pilier pour
acheter un appartement, ce qui
est vivement recommandé par
les milieux immobiliers, ou pour
créer leur petite entreprise grâce
aux conseils du chômage. Ce
n'est pas toujours une grande
réussite et cela démontre la
complexité et les limites de l'utilisation des quelque 700 milliards accumulés dans le 2ème
pilier. C'est le coût de la santé et
celui des loyers qui justifie l'essentiel des demandes de PC.
Sur une fortune globale de 544
milliards, on compte en Suisse
quelque 300'000 millionnaires et
140 milliardaires. Or, les statistiques de la Confédération
d'avril dernier sur le coût de l'assurance maladie jettent une
lumière aveuglante sur la pauvreté dans notre pays, pauvreté
qui touche les actifs comme les
retraités. Ainsi 2,3 millions de
personnes en Suisse, soit un tiers
des assurés, ne peuvent payer
leurs primes d'assurance sans
l'aide de l'Etat. Notre pays
compte beaucoup de pauvres,
près d'un million selon Caritas:
personnes seules (60% de ceux
qui sont aidés) et familles monoparentales, familles nombreuses
et retraités. Que quelques personnes aient vidé leur 2ème pilier
n'est pas la cause cette pauvreté.
Vouloir créer une nouvelle assurance est une aberration en
Suisse qui bat déjà le record
européen de la charge des
ménages pour les coûts de la
santé. Il conviendrait plutôt de
se poser la vraie question, celle
de la répartition des richesses.
CHRISTIANE JAQUET
La Suisse en retard en matière de législation sur le viol
JUSTICE • Des associations et institutions genevoises veulent modifier le code pénal et étendre la définition du viol.
L
'article 190 du code pénal suisse, qui traite de
la question du viol, décrit celui-ci comme un
«acte sexuel» subi par «une personne de sexe
féminin» et le punit théoriquement d'une peine
privative de liberté d’un à dix ans (avec ou sans
sursis). Légalement, en Suisse, un homme qui viole
une femme avec un objet ou ses doigts, un homme
qui viole un homme ou une femme qui viole une
femme, encourt actuellement une peine moins
grave qu'un homme qui viole une femme. Une
aberration légale que le Service pour la promotion
de l'égalité entre homme et femme de l'Etat de
Genève (SSPE), sur les recommandations du
Réseau femmes de Genève (associations féminines
et féministes), s'est proposé de modifier. Il a ainsi
mis en place une collaboration avec l'association
Viol Secours et l'association Lestime (association
lesbienne et féministe genevoise). Ce groupe de
travail étudie actuellement comment réviser les
textes de l'article 190 et de l'article 189, traitant de
la contrainte sexuelle. «Il nous paraît très important de proposer un changement de cette loi. L'article 190 découle directement d'une lecture qui a
été faite au Moyen Âge, où ce qui était puni était
la pénétration, concrètement, d'un pénis dans le
vagin, car on craignait une descendance hors de la
lignée patriarcale, et non pas la violence exercée
sur la femme», explique Amanda Terzidis, collabo-
ratrice à Viol Secours. Concrètement, en terme de
peine encourue, cela signifie donc aujourd'hui que
toute contrainte sexuelle qui ne correspond pas à
la pénétration forcée d'un sexe masculin dans un
sexe féminin n'est pas considérée comme un viol.
Elle est punie théoriquement d'une peine pécuniaire ou privative de liberté de dix ans au plus par
l'article 189. En réalité, les peines de privation de
liberté pendant dix ans se font plutôt rares et l'on
parle surtout de peine d'un an de privation de
liberté pour le viol et d'une peine pécuniaire pour
la contrainte sexuelle. «Symboliquement, il y a
une différence importante en terme de peine. De
plus, le viol en tant que tel est vu comme une
contrainte à l'acte sexuel d'un point de vue hétéronormé, dans un sens strictement hétérosexuel. Il
faut que soit pris en compte tout type de pénétration avec ou sans objets», ajoute Amanda Terzidis,
«et que soit prise en considération la violence
sexuelle exercée sur une femme en dehors de
toute lecture dominante hétéronormée.»
Viol Secours reçoit également parfois des hommes
qui ont été violés par des hommes, viols qui ne
sont donc à l'heure actuelle pas considérés comme
tels. «La loi ignore complètement les nombreuses
autres pratiques sexuelles et nie toute une catégorie de la population, notamment la population qui
se reconnaît dans les lettres LGBTI*», rappelle
Trois syndicats mettent en garde
contre les tests PISA
De nouveaux tests Pisa (Programme d'évaluation international des étudiants) seront menés
en 2012 dans les classes du
monde entier par l'Organisation
coopération et développement
économiques (OCDE). Ces examens, qui visent à évaluer tous
les trois ans les systèmes d'éducation en contrôlant les connaissances des collégiens de 15 ans
en lecture ou mathématiques
sur la base d'un échantillon de
4'000 à 10'000 élèves, font pourtant l'objet de critique des associations professionnelles. Le syndicat SSP, la Fédération des associations des maîtres du cycle
d’orientation (Famco) à Genève
et la Société vaudoise des
maîtres secondaires (SVMS) ont
ainsi fait savoir le 23 mai qu'ils
récusaient cette expertise réalisée dans une «opacité absolue»,
aussi bien dans les conditions de
passage de ces tests que dans
leur correction et leur interprétation. «Les résultats PISA ne
sont qu'un indicateur parmi
d'autres - au demeurant fort peu
fiable - des capacités d'un système scolaire, alors que leur
caractère quantitatif suggère
une forme d'objectivité mathématique trompeuse, lorsque l'on
mesure les incertitudes et les a
priori méthodologiques des
concepteurs», relèvent les trois
associations. Certains vont
même plus loin. En ne s'axant
que sur le rendement et la performance et en oubliant la
notion d'émancipation, ces tests
participent d'une vision utilitariste et néolibérale de l'école,
estime Nestor Romero, auteur
du livre L'Ecole des riches, l'école
des pauvres, tenant un blog sur
l'éducation.
Face à ces ambiguïtés, les trois
associations
professionnelles
romandes demandent que la
Confédération renonce tout de
go à participer aux tests Pisa ou
que la Suisse en passe plutôt par
des épreuves intercantonales
basées sur les plans d'études
régionaux (PER) pour l'école
obligatoire. Si cela n'est pas possible, elles demandent qu'au
moins les autorités mettent en
garde le public et les médias
«contre les surinterprétations et
les mésinterprétations» qui suivent habituellement la publication de ces évaluations résultats.
Le trio demande encore qu'aucune réforme scolaire ne se fasse
sur la base des seuls résultats
PISA. En 2000, quand les premiers tests PISA avaient été réalisés, la droite et les patrons en
avaient profité pour tirer à boulets rouges sur le système éducatif de certains cantons et avancer
leurs pions en vue de réformes
conservatrices.
JDR
Joëlle Rochat, coordinatrice de Lestime. «En modifiant le texte du code pénal, nous ferons un pas en
avant vers une remise en question de l'hétéronorme, c'est-à-dire vers une remise en question du
système de genre sur lequel toute notre société est
basée. On naît soit homme, soit femme, et en fonction de ce sexe biologique, nous nous conformons
soit aux normes du masculin, soit aux normes du
féminin. Dans ce système, l'orientation sexuelle est
obligatoirement orientée vers l'autre sexe, d'où
une définition restrictive du viol.» Des propos qui
font écho à ceux émis par le SSPE: «Il s'agit d'actualiser des notions qui souffrent encore d'une
grande empreinte des mentalités patriarcales dans
la manière de considérer la peine. Le viol ne se restreint pas à la définition donnée dans le code
pénal suisse, où seule une femme peut être violée
et seul un homme peut être auteur, jamais le
contraire», explique Muriel Golay, directrice du
SPPE.
La révision possible des articles 189 et 190 ne doit
cependant pas être comprise comme une mise en
parallèle des violences faites aux femmes et celles
faites aux hommes, souligne Amanda Terzidis. «La
majeure partie des violences sexuelles ou des viols
sont commis par des hommes sur des femmes.»
Une symétrisation des violences sous-entendrait
que la société actuelle n'est plus dominée par le
Gare de Cornavin:
le Collectif 500
remporte une
première victoire
La Ville et le Canton de Genève ont
décidé de soutenir l'extension de la
gare de Cornavin dans le cadre du projet Léman 2030, qui doit assurer l'accueil de 100'000 voyageurs par jour
dans la station. Les travaux bénéficieront d'un financement de la Confédération pour un montant de 790 millions de francs si les Chambres fédérales acceptent à l'automne d'augmenter la part du fonds fédéral
d'investissement ferroviaire prévu pour
2025 de 3,5 à 6 milliards de francs. Si
les options d'un déplacement de la
gare à la Praille ou à l'aéroport ont
finalement été repoussées, la Ville et le
Canton, en accord avec les CFF, veulent
cependant étudier une autre variante
que celle prévoyant la construction à
Cornavin des deux voies supplémentaires en surface. Ils veulent aussi
explorer la possibilité de construire des
voies en sous-sol pour préserver partie
du quartier des Grottes. Ce que défend
aussi le Collectif 500, qui craint la destruction de 350 logements du quartier.
Cette deuxième variante est soutenue
par l'association Transport et environnement (ATE). Un expert indépendant
sera donc prochainement mandaté
pour étudier les deux options selon des
critères de fonctionnalité, de coûts et
de procédures
JDR
Site du Collectif 500: www.luttons.ch
sexisme, ce qui n'est pas le cas. «Nous vivons toujours dans une société patriarcale et hétéronormée», rappelle Amanda Terzidis. «Il serait temps
de penser toutes les autres articulations possibles
entre sexe, genre et sexualité et par-dessus tout de
les reconnaître à tous les niveaux» conclut Joëlle
Rochat.
Ces arguments viennent donc souligner les aberrations juridiques qui découlent directement des
articles du code pénal mais également le retard de
la Suisse face aux autres pays européens. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, a émis
à plusieurs reprises des recommandations adressées à ses états membres, dont la Suisse, les sommant de «réviser la législation concernant le viol
et l'agression sexuelle pour en faire une infraction
sans distinction de sexe.» La France et l'Allemagne
ont d'ores et déjà révisé leurs lois pour élargir la
définition du viol, modèles dont le groupe de travail pourrait s'inspirer pour porter leurs revendications au niveau fédéral. Ces revendications s'inscriront par ailleurs dans le cadre d'événements
entourant le 25 novembre prochain, journée internationale pour l'élimination de la violence à
l'égard des femmes.
DELPHINE ROUX
* Lesbienne, gay, bisexuel-le, transgenre/transsexuel-le, intersexe.
Le cuisinier Veya maîtrise sa sauce politique
Jugeant infondée l'invalidation de certains
bulletins de vote et pour une «question de
principe et de jurisprudence», le Parti socialiste neuchâtelois a déposé un recours dans
six communes à la suite des résultats des
élections communales du 13 mai. A La
Chaux-de-Fonds, où le parti a perdu un
siège à l'exécutif, 53 bulletins ont été déclarés nuls. «Dans tous les cas, ces bulletins ne
changeront rien aux résultats», assure pourtant le socialiste Daniel Musy dans une analyse détaillée publiée sur son blog*. «Il ne
sert donc à rien de bloquer les institutions
et le nouveau Conseil communal doit pouvoir se mettre au travail dès le 11 juin», juge
le conseiller général de La Chaux-de-Fonds.
«L'analyse détaillée des votes personnels
montre que ni Laurent Kurth ni Annie Clerc
n'ont su capter suffisamment de suffrages à
droite et sur les bulletins sans dénomination
pour conserver le second siège socialiste. Le
vainqueur de cette élection au Conseil communal est Jean-Pierre Veya qui a réussi à
rassembler près de 1'200 suffrages en plus
des 941 listes POP. Il a de surcroît été très
peu tracé sur sa liste, presque deux fois
moins que Laurent Kurth.» Pour Alain Bringolf, ancien conseiller communal de la
Métropole horlogère, Jean-Pierre Veya «a
hérité d'un dossier culturel très difficile et
qu'il a su maîtriser de belle manière. Sa formation de base de cuisinier lui permet
d'agir en reliant les sensibilités comme les
ingrédients nécessaires pour réussir une
sauce efficace et bienvenue. Pas de prétention, toujours une bonne écoute des autres
avant de trancher, de quoi réjouir une pratique bien conforme à l'idée que se fait le
POP de la politique.» Le travail du popiste
est récompensé par l'adjonction à son dicastère du Service de la jeunesse et l'accession
Le popiste Jean-Pierre Veya va accéder à la présidence
de la Ville de La Chaux-de-Fonds. (photo Pablo Fernandez)
à la présidence du Conseil communal.
Si le PS a subi une défaite à l'exécutif, il a
obtenu 28,72% des suffrages au législatif
contre 16,69% au POP et 16,64% aux Verts.
«Le POP a perdu Francis Stähli, mais fait
entrer le député Daniel Ziegler, un actif
enseignant syndicaliste, membre de la Commission financière du Grand Conseil. Avec
Sarah Blum, qui fait un excellent score, c'est
une historienne compétente qui entre au
législatif. Le groupe peut aussi compter sur
l'expérience de Pascale Gazareth, bien élue,
et de Charles-André Favre», relève encore
Daniel Musy. «Félicitons Maria Belo pour
son beau score et sa probable présidence du
Conseil général l'an prochain.»
JÉRÔME BÉGUIN
* www.danielmusy.over-blog.com