Le Mystère la pleine lune

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Le Mystère la pleine lune
Le Mystère
de
la pleine lune
«O
h, Betsy, comment as-tu pu? », hurla Wendy. Au pied
de l’arbre où est perchée la maisonnette, se trouvait, placée
avec soin, la preuve que la chatte savait chasser: un petit
oiseau brun. Ses fines pattes étaient repliées et ses petis
yeux, mi-clos.
Les deux amis, Wendy et Iggy, se penchèrent au-dessus
de l’oiseau inerte, souhaitant qu’il respire encore. Se rappelant
qui avait été l’auteure de l’agression, Wendy battit des bras
en direction de Betsy. « Allez, file! », cria-t-elle. Betsy
miaula de façon plaintive et, d’un bond formidable, sauta
par-dessus la clôture de la cour arrière.
« Enfants ingrats! », se disait la chatte.
Son présent n’était pas apprécié.
Iggy s’agenouilla sur le sol et prit
l’oiseau avec soin. « C’est un moineau »,
dit-il d’une voix douce.
« Il a été assassiné! Organisons-lui une cérémonie funèbre.
Nous pouvons lui fabriquer une pierre tombale et tout et
tout », dit Wendy, d’un ton animé, elle qui adorait organiser
des événements. « Nous pourrions faire un procès à Betsy.
Je la défendrais et tu
pourrais agir comme
procureur ».
« Attends une minute, dit
Iggy. Le moineau est peutêtre seulement assommé ».
La poitrine de la petite
bête à plumes se souleva
alors un peu. « Je pense
qu’il est toujours vivant ».
La voix d’Iggy était
légèrement tremblante.
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1.
Très lentement, Iggy se leva, tenant toujours délicatement
l’oiseau. « Emmenons-le dans la maisonnette ».
Wendy trouva vite une petite boîte en carton et gravit
l’échelle jusqu’à la maisonnette. « Je vais chercher
quelques feuilles pour lui faire un lit ».
Pendant qu’il attendait le retour de Wendy, Iggy dit au
moineau des choses qu’un oiseau, croyait-il, pouvait
comprendre.
« Ok, maintenant tu peux le déposer », dit Wendy.
Au bout d’un moment, l’oiseau, couché sur le tas d’herbe
et de feuilles brunes, les gratifia d’un autre mouvement:
il tenta péniblement d’ouvrir l’une de ses ailes.
Tout à coup, un bruit se fit entendre dans la boîte. L’oiseau
se tenait debout, ses petits yeux noirs inexpressifs fixés sur
ses sauveteurs.
« Ouah », dit Iggy à mi-voix. « Il va vivre! »
« Oui, mais combien de temps? » Même si elle n’avait que
douze ans, Wendy pouvait être négative. « Et que signifie
être vivant? »
« Je suppose que tu veux une grande réponse », répondit
Iggy. « Que dirais-tu d’une petite? Être vivant, c’est ne pas
être mangé par Betsy! »
Ils s’entendirent pour laisser l’oiseau dans la boîte, à
l’intérieur de la maisonnette, pendant un certain temps.
Avant de le libérer, ils voulaient s’assurer qu’il s’était remis
de sa mésaventure quasi fatale avec Betsy.
« Viens, dit Wendy, nous devons trouver Betsy ».
***
C
omme Betsy demeurait introuvable, l’oiseau pouvait
être libéré sans danger. Il semblait avoir bien récupéré.
Iggy descendit l’échelle, la boîte en carton serrée contre
sa poitrine.
Wendy prit la boîte, l’emporta au centre de la cour et la
renversa doucement. Le moineau trébucha dans l’herbe et,
pendant un instant, demeura immobile, les yeux de nouveau
fixés sur ses sauveteurs. Puis, il leva ses petites ailes et
prit son envol.
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Le Mystère de la pleine lune
2.
« Si tu vois ma chatte, reviens et dis-nous où elle se
trouve! », cria Wendy à l’oiseau déjà loin.
« Je pense que nous devrions demander l’aide de Bob pour
retrouver Betsy », dit Iggy.
« Excellente idée! », répondit Wendy.
Bob, un terrier, était le chien d’Iggy. Bob et Betsy ne
s’appréciaient pas vraiment, ou plutôt, les deux animaux
se respectaient avec réserve. Mais Bob avait un odorat
impressionnant. Il pouvait aussi faire de la planche à
roulettes.
Iggy partit sur sa planche à roulettes pour aller chercher
Bob, alors que Wendy remplit un sac à dos de nourriture
en vue de leur recherche. Elle surveilla ensuite leur retour
depuis la maisonnette. Au loin, elle aperçut un moineau
solitaire qui survolait le voisinage. « Est-ce que l’oiseau
chercherait vraiment Betsy? », se demanda-t-elle. Et s’il
voyait la chatte disparue, reviendrait-il l’en avertir?
Puis, elle vit Bob qui arrivait avec son maître sur la planche
à roulettes de ce dernier. Bob était assis, immobile, au centre
de la planche, pendant qu’Iggy les propulsait sur le trottoir.
Dès qu’ils s’arrêtèrent et descendirent de la planche, Bob
traversa la cour en direction de l’arbre dans lequel était
construite la maisonnette.
« Hé, Bob!, cria Wendy. Nous avons besoin de ton
aide. Allons à la recherche de Betsy ».
Bob tourna en rond, puis colla son étonnant museau
au sol et remua la queue lorsqu’il détecta l’odeur
recherchée.
« Je crois qu’il a senti quelque chose ».
Ce n’est qu’une rue plus loin, au bout de la ruelle
derrière la maison de Wendy, que Bob ralentit sa course
frénétique puis s’arrêta et aboya avec enthousiasme.
« Qu’est-ce que c’est Bob? », demanda Iggy.
Il y avait des traces d’animal sur le sol. Quelqu’un avait
récemment lavé une voiture dans la ruelle et laissé
derrière une flaque et un sol humide. Quelque chose
avait traversé à cet endroit et laissé une piste suspecte.
Du moins, elle l’était aux yeux de Wendy et d’Iggy.
Bob
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Le Mystère de la pleine lune
3.
« Ouah, tu as vu la taille de cette empreinte », dit Iggy.
« On ne dirait pas celle d’un chien ou d’un chat », ajouta
Wendy.
« Non, c’est beaucoup
plus gros. Et l’animal a
d’énormes griffes, tu vois »,
dit Iggy, en pointant vers
les profondes marques
laissées dans la boue.
« Mais attends », dit
Wendy, « qu’est-ce que
c’est que ça, là-bas ? »
Plusieurs plumes se trouvaient dans l’herbe à côté de
l’étroite voie d’accès. Il y en avait des petites et des
longues. C’est surtout leur couleur qui était surprenante:
un rouge clair, avec des touches de bleu et de vert.
Des plumes, de grosses pattes munies de griffes, la
combinaison d’un oiseau et d’une bête griffue ne pouvait
signifier qu’une chose.
« Est-ce que c’est ce que je crois? », demanda Wendy.
« Non », dit Iggy, d’une voix hésitante.
« Un griffon aurait-il emmené notre Betsy? », dit Wendy
avec émotion.
Au même moment, au loin, un son, qui tenait à la fois
du félin et de l’oiseau, s’échappa de la vallée. Un faible
grognement sortit de la gorge de Bob,
puis il leva sa tête poilue et hurla.
« Arrête, Bob, dit Iggy. Qu’est-ce qui te
prend? » Se tournant vers Wendy, il ajouta :
« Il devient toujours un peu nerveux vers la
pleine lune ».
« Oh, où es-tu, Betsy? », dit tristement
Wendy, les yeux levés au ciel.
***
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4.
A
u cœur même du vieux centre-ville, se trouvait un édifice
fait de pierre et d’acier. Il était délabré, ses pierres étaient
tachées par un siècle de vent et de neige, de pluie et de
soleil. Mais il avait un côté magique. Un griffon en pierre
était sculpté aux quatre coins du toit. Chacun avait la tête
d’un aigle et le corps d’un lion ailé. À jamais figés dans la
pierre, leurs yeux sans vie fixaient la ville. Leurs grandes
griffes pendaient dans le vide et ne serviraient jamais à
capturer une proie ou à s’en prendre à des intrus volants.
Mais étaient-ils vraiment figés? Leurs yeux ne clignaient-ils
jamais, leurs plumes sculptées sur leurs grandes ailes en
pierre n’étaient-elles jamais emportées par le vent qui
soufflait sur le toit? À la pleine lune,
paraît-il, des choses étranges avaient
été vues et entendues. Parfois, une
personne attentive pouvait, en
regardant les griffons, noter que la
position des créatures de pierre avait
changé, qu’une aile était baissée,
plutôt qu’à moitié levée, ou encore
qu’une patte gauche était levée au lieu
d’une droite.
Examinant les étranges empreintes
laissées dans la boue, les plumes
éclatantes emprisonnées dans l’herbe,
Wendy et Iggy ne pouvaient en venir
qu’à une seule conclusion : le griffon
avait pris vie à la pleine lune. Et Betsy
était devenue sa proie.
Griffon
« Nous devons le trouver, l’attraper, tant bien que mal »,
lança Iggy.
« Mais comment? Comment capturer un griffon? »
Wendy leva les yeux pour regarder au loin, de l’autre côté
de la vallée, jusqu’au centre-ville. Pendant un instant, elle
crut voir la tache noire d’un oiseau en vol qui se détachait
dans la lumière du soleil, baissant ses ailes comme pour
faire un signe.
« Il nous faut un très grand filet, annonça Wendy. Nous le
suspendrons aux branches de notre arbre. Et au sol, nous
mettrons de la nourriture à griffon ».
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Le Mystère de la pleine lune
5.
« Et qu’est-ce que mange un griffon? »
« Je l’ignore. Nous pourrions commencer par un peu de
nourriture pour chats ».
Ils trouvèrent un filet de badminton remisé dans le garage
qu’ils attachèrent à l’arbre. Sur le sol, sous le filet suspendu,
ils placèrent une boîte ouverte de nourriture pour chats
nauséabonde. Si quelque chose tentait de manger à même
la boîte, une ficelle attachée au filet ferait tomber ce dernier.
Wendy et Iggy, accompagnés de Bob, s’assirent dans
la maisonnette, attendant que le griffon se montre à nouveau.
Comme le soir était venu, Wendy et Iggy avaient apporté
chacun leur sac de couchage rempli de duvet. Leurs
parents avaient consenti à ce qu’ils dorment dans leur
abri. Iggy et Wendy, allongés, attendaient qu’une créature
mi-lion, mi-aigle tombe dans leur piège. Étaient-ils effrayés?
Oui, ils l’étaient.
Les deux enfants mirent du temps avant de s’endormir.
À mesure qu’ils entraient dans le monde des rêves, les
créatures nocturnes s’éveillaient pour épier ces deux formes
endormies dans la maisonnette. Lequel de ces animaux
pouvait être blâmé de croire que Wendy et Iggy étaient deux
énormes chrysalides devant bientôt se défaire de leur sac
de couchage pour devenir des papillons exotiques?
Wendy se réveilla en sursaut. Le bruit qu’elle entendait
venait certainement d’un griffon en vol, le battement de ses
grandes ailes troublant le calme de la nuit.
« Iggy, viens », chuchota Wendy à Iggy qui dormait encore.
« Je pense que nous avons attrapé quelque chose ».
Ils descendirent par l’échelle, Iggy ayant allumé sa torche
électrique pour montrer la voie. Soudainement, Wendy cria.
« Qu’est-ce qu’il y a, Wendy? »
« Quelque chose a volé près de ma tête. Je pense
que c’était une chauve-souris ».
« Est-ce qu’elle portait Betsy? »
« Très drôle », répondit Wendy d’un air moqueur.
« Une chauve-souris n’est pas assez grosse pour
supporter le poids de Betsy.”
« Non, mais peut-être que Betsy sait voler ».
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Le Mystère de la pleine lune
6.
« Peu importe », dit Wendy, gênée par le fait que la chauvesouris l’avait effrayée. « Voyons ce que nous avons attrapé ».
Au pied de l’arbre, se trouvait leur piège. Lentement,
Iggy balaya le sol avec sa torche, révélant une créature qui
bougeait sous le filet. Mais celle-ci n’avait pas la taille à
laquelle Wendy et Iggy s’attendaient.
« Regarde, dit Wendy, toujours à voix basse. Cette chose
a des ailes et des yeux luisants. Mais elle est trop petite pour
être un griffon ».
Le cœur battant, Iggy s’approcha de la bête capturée.
« C’est un papillon de nuit, un énorme papillon de nuit! »,
s’exclama-t-il.
L’insecte volant était prisonnier du filet blanc. Ses ailes
étaient aussi grandes qu’une main. Doucement, Wendy et
Iggy levèrent le filet et libérèrent l’insecte nocturne. Bien
qu’ils n’échangèrent aucune
parole, tous deux étaient
soulagés de ne pas avoir
réellement capturé un griffon.
***
«I
l y a seulement une
chose à faire », dit d’abord
Wendy, encore enroulée dans
son sac de couchage à l’aube.
« Nous ne pouvons attendre
que le griffon vienne à nous,
nous devons le chercher ».
Que veux-tu dire? », demanda Iggy.
« Nous devons nous rendre au centre-ville, à l’édifice où
vivent les griffons ».
Aux premières lueurs du jour, Wendy, Iggy et Bob partirent
donc en direction du sombre édifice en pierre. Wendy avait
enfourché sa bicyclette, tandis qu’Iggy et Bob se déplaçaient
à l’aide de la planche à roulettes. Un vent s’était mis à
souffler et le ciel se couvrait rapidement de nuages noirs.
La pluie risquait de tomber.
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Le Mystère de la pleine lune
7.
Lorsqu’ils furent presque arrivés à destination, Bob, impatient,
sauta de la planche à roulettes et prit les devants en aboyant.
Iggy et Wendy, essoufflés, se rendirent au pied de l’édifice
lugubre et regardèrent vers le sommet pour voir les griffons
de pierre cramponnés aux quatre coins du toit. Une pluie
froide commença à tomber. Wendy essuya les gouttes qui lui
tombaient sur le nez. Avait-elle bien vu? Venait-elle de voir
l’un des griffons lever légèrement l’une de ses ailes, comme
pour protéger sa tête de la pluie battante?
Puis, elle vit le moineau. Il était brave d’affronter la tempête.
Il avait volé jusqu’au sommet de l’édifice, puis s’était posé
sur la tête de l’un des griffons.
Iggy l’avait aperçu lui aussi. « Regarde, c’est le moineau
que nous avons sauvé, j’en suis certain. Viens! »
La porte avant de l’édifice était déverrouillée. Ils coururent
à l’intérieur et montèrent l’escalier sombre, précédés de Bob.
Ils gravirent ainsi quatre étages. Un éclair illumina le ciel,
puis un roulement de tonnerre se fit entendre. Ils atteignirent
enfin le sommet. Il n’y avait aucune autre issue qu’une petite
porte donnant sur le toit.
Le vent hurlait à présent. Wendy et Iggy poussèrent de
toutes leurs forces pour ouvrir la porte. Au moment même
où elle s’ouvrit, un autre éclair illumina le toit.
« Ouah! », cria Iggy.
***
D
e grands rideaux de pluie se déversaient de la tête en
pierre des griffons. Le petit moineau était toujours cramponné
à la tête de l’un des griffons. Là, au pied d’une statue, se
trouvait un chat, terrorisé et trempé. Bob bondit en avant.
« Oh, Betsy! », cria Wendy, accourant vers elle.
Lorsque Wendy s’agenouilla pour prendre sa chatte
adorée, le petit moineau, sa mission accomplie, déploya ses
ailes, pencha sa petite tête dans le vent et descendit du toit.
« Merci, petit oiseau! », lui cria Iggy.
Wendy détacha son manteau et y glissa l’animal de
compagnie soulagé. C’est alors qu’elle remarqua la plume
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Le Mystère de la pleine lune
8.
rouge clair prise dans l’une des griffes de Betsy. Tout à coup,
il y eut un autre éclair. Et comme la lumière remplissait le ciel,
Wendy eut la certitude de voir une lueur verte dans les yeux
de l’un des griffons.
« Rentrons! » dit Wendy à Iggy, en courant vers l’escalier.
Ils descendirent rapidement, aussi vite que leurs pieds le
leur permettaient. Ils bondirent littéralement hors de l’édifice.
Betsy, toujours recroquevillée dans le manteau de Wendy,
lança un petit miaulement plaintif lorsque sa maîtresse
enfourcha sa bicyclette pour retourner à la maison.
Wendy jeta un dernier coup d’œil derrière elle tandis qu’ils
s’éloignaient de l’édifice fait d’acier et de pierre. Et cette fois,
elle fut certaine d’avoir bel et bien vu un griffon en pierre qui
prenait vie et buvait l’eau de pluie, tête levée.
Après ce jour, Wendy ne laissa plus jamais Betsy rôder
dehors une nuit de pleine lune.
- Fin -
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9.