Un labo noir et blanc dans la salle de bain

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Un labo noir et blanc dans la salle de bain
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
Le labo photo pour les impatients.
Premières armes : Labo... reloaded.
J'ai commencé mon parcours photographique au début des années 1990. Et puis, de
bouleversements professionnels en déménagements, j'avais un peu abandonné l'idée de
développer mes photos, jusqu'au jour où j'ai pris conscience de la médiocrité de ma
production numérique récente par rapport aux efforts de mes premiers tirages. J'ai
finalement décidé de retenter l'expérience argentique.
Ça faisait quelques années que tout était rangé dans des cartons, et que j'avais confié mes
images au dieu Pixel ; mais comme toute nouveauté, une fois passé la découverte, on
commence à remarquer les défauts. Sans m'appesantir, le bilan argentique / numérique
penche largement en faveur de la technologie ancienne, plus mature, et encore plus
économique, pour un certain temps. J'ai amoureusement dépoussiéré et remis en état mon
OM-1 qui n'avait pas trop souffert du stockage, j'ai récupéré un agrandisseur un peu plus
évolué que mon Krokus d'origine (désormais c'est un Durst B30) et ressorti mes pinces et
cuvettes.
J'ai inspiré très fort et...
Et finalement, tout s'est passé à merveille, et très facilement ; avec bonheur, même. J'ai
depuis prolongé la chaîne pour introduire une partie de post-traitement numérique des
tirages, et j'ai enfin créé une bifurcation dans le processus via un scanner « film » qui me
permet de numériser directement des négatifs, pour retrouver une part de la souplesse
numérique sans perdre les qualités de l'argentique.
En me penchant sur ces sujets, j'ai constaté que de nombreuses personnes actuellement
seraient intéressées par la prise de vue traditionnelle, mais plus encore qu'il y a dix ans, ne
savent où se tourner pour faire leurs premiers pas. C'est en définitive le but de cette page :
dans les limites de ma petite expérience et de mes tâtonnements, donner quelques clefs de
réussite à qui voudrait aujourd'hui se (re)lancer dans l'aventure de Daguerre et Nadar...
Tout commence par la prise de vue.
Choisir son appareil.
Le lieu n'est pas à imposer un dogme absolu sur ce que doit être un appareil photo ; il y en
a pour tous les goûts et toutes les pratiques. Néanmoins, il est bon de connaître quelques
éléments avant de se ruer sur la première « occaze en or » repérée sur e-bay.
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Les technologies en présence.
En dehors des compacts et autres prêts à photographier qui n'ont que très peu d'intérêt
dans le cadre de ce sujet (bien que de grands artistes arrivent à en tirer de surprenantes
performances), il existe deux familles d'appareils vraiment photographiques : les reflex,
d'une part, et les appareils télémétriques, d'autre part. Pour les professionnels, il y a aussi
des chambres, mais ces machines sont presque toujours 1 hors de portée de l'amateur
même motivé (et le surcroît de qualité attendu est impossible à obtenir avec un labo fait
de bric et de broc).
Des deux familles, celle des reflex compte de loin le plus grand nombre de représentants,
et la plus grande diversité. Les appareils télémétriques se divisent en deux branches. Les
plus cotés sont les télémétriques à objectifs interchangeables 2, ils sont infiniment plus
rares, confortablement plus chers (prix de base : 1.500 € le boîtier nu, et autant pour un
objectif), et n'ont pas suivi la même évolution technologique que les reflex. Sur un reflex,
l'oeil du photographe voit en principe à peu près ce que l'appareil va mettre sur la
pellicule, car la visée est opérée au travers de l'objectif de prise de vue via la déviation de
la lumière vers un oculaire par un miroir qui va s'éclipser lors du déclenchement. Sur un
télémétrique, au contraire, la mise au point est opérée à l'aide d'un dispositif situé sur le
haut du boîtier, muni de deux fenêtres captant chacune la même image sous un angle
légèrement différent. Les deux images sont mélangées par un système de miroir, et
l'opérateur va tenter de faire correspondre les deux points de vue en agissant sur le
couplage objectif / boîtier. Lorsqu'une seule image devient visible, l'objectif a fait le point
sur la distance choisie. C'est une banale application du calcul de distance par
triangulation, merci Mr Thalès, mais l'image reçue n'est pas celle qui passe par l'objectif.
Rien que pour la question du prix, ces télémétriques de légende ne peuvent pas rentrer
dans nos considérations. Alors, le rêve télémétrique, hors de portée de l'amateur ? Que
nenni ! Dans les années 60-70, presque toutes les grandes marques avaient à leur
catalogue, en haut de gamme amateur, des télémétriques 3 à objectif fixe. Trouver le bon
modèle dans cette foison s'apparente de nos jours un peu à une croisade, mais c'est tout à
fait possible4. Ces appareils ont de gros avantages : à l'époque, on fabriquait les appareils
1 Hors de quelques amateurs fortunés, on trouve aussi d'ingénieux bricoleurs qui construisent eux-mêmes
leur chambre comme au XIX° s. ; le coût se concentre alors dans l'objectif de la chambre, mais il faut une
motivation particulièrement élevée, ainsi que des talents d'ébéniste.
2 Du type Leica M, Bessa, ou Contax G2.
3 Quelques modèles particulièrement recommandables : Canon Canonet GIII-QL17 (il existe aussi d'autres
canonets, moins performants) ; Olympus SP, RD, RC ou XA (mais pas XA2, 3 ou 4 !) ; Konica auto S3 etc.
Pour voir une liste argumentée : http://35mm-compact.com/compact.htm [09/05/06]
4 Sans pub particulière, on en trouve facilement sur les sites d'enchères Internet type ebay, mais c'est cher
(le prix de la disponibilité). Les marchés de collectionneurs sont aussi une source d'approvisionnement,
mais les prix ne sont pas moins hauts. Les vides greniers, à condition de s'y prendre tôt, recèlent quelques
trésors, si on n'est pas très fixé sur un modèle spécifique. Enfin, on peut compter sur la chance et faire le
tour des photographes qui sont souvent content de liquider quelques vieilleries et boîtiers « en panne »
qu'un peu d'huile de coude remettra en route. C'est plus risqué, mais les affaires sont meilleures.
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en métal et en verre, donc, c'est costaud ! La plupart des pannes se réparent encore.
Ensuite, l'objectif n'étant pas démontable, les fabriquants ne se préoccupaient pas de
concevoir un compromis pour plusieurs focales, et comme ils sont en verre, ils sont très
bons ; il n'y a presque pas de tolérance due à un système de montage et les ouvertures de
2 ou moins sont monnaie courante (bienvenue dans le monde la photo de spectacle sans
flash). En plus, ces appareils sont souvent pourvus d'un automatisme, mais fonctionnent
aussi totalement en manuel pour la plupart. À côté de ces points positifs, il faut quand
même avouer quelques faiblesses : ils sont lourds, les télémètres se dérèglent de temps en
temps (et c'est du sport à recaler), ce sont des boîtiers « amateurs », en conséquence de
quoi ils sont parfois très usés, il faut au minimum leur offrir un jeu de mousses
d'étanchéité neuf, et aller souvent jusqu'à nettoyer l'obturateur à l'essence C (il faut
souvent démonter les lentilles frontales de l'objectif, c'est un gros travail, et il est
impossible de les recentrer aussi bien qu'en usine). Les miroirs du télémètre peuvent être
ternis, les lentilles du viseur brumeuses, l'objectif contaminé par les champignons... et
même la pile d'origine peut être un problème car ces appareils utilisaient presque tous la
fameuse PX625 au mercure qui n'a pas de remplaçante exacte. Mais une fois tous les
obstacles franchis, on peut se rêver photographe humaniste à la Doisneau au moins
jusqu'au développement de sa première pellicule.
La mise au point télémétrique a un énorme avantage sur la visée reflex : la latence de prise
de vue entre le déclenchement et la mise en route de l'obturateur est considérablement
réduite car il n'y a pas à vaincre l'inertie du miroir reflex. Les plus grands photographes de
l'instant ont donc favorisé cette technologie ; on songe à Henri Cartier-Bresson, en premier
lieu. Mais en dehors de ce gain, elle présente de nombreux autre inconvénients, le plus
important étant que la visée n'est pas directement à l'image du résultat. Ceci dit, les
adeptes du système télémétrique démontrent à qui veut bien les écouter la supériorité
absolue de leur système, et transforment facilement toutes les bizarreries de ces appareils
en avantages à leur profit ; ce cadrage élargi devient ainsi pour eux l'occasion de guetter
hors du champ l'arrivée d'un événement dans leur composition.
Comparativement, les reflex sont beaucoup plus divers. Il y en a 3 grandes familles, la
première étant celle des semi-automatiques, la seconde celle des automatiques, et la
troisième celle des auto-focus. Un reflex semi-auto est en réalité on ne peut guère plus
manuel ; sous le badge marketing, la lecture de cette mention signifie que l'appareil est
équipé d'une cellule interne (en toute théorie, un reflex manuel ne dispose d'aucune
cellule intégrée, mais aucun reflex n'a été vendu aussi dépouillé depuis 1970). Tous les
réglages sont à la charge du photographe. Les automatiques font par eux-mêmes à l'aide
de divers programmes la mesure de la lumière et le réglage des paramètres de prise de
vue. Le photographe, lui, fait le point, et éventuellement impose un des deux paramètres,
vitesse ou ouverture, pour forcer l'appareil à prendre en compte une autre option de prise
de vue que celle que son programme aurait choisi (on appelle ça « décaler » le
programme). Un certain nombre des anciens automatiques avaient une « priorité » vitesse
ou diaphragme, la signification étant que le photographe devait dans ce cas lui-même
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fixer le paramètre que l'appareil ne savait pas gérer seul pour que le boîtier daigne calculer
automatiquement l'autre et prenne la photo. Enfin, de nos jours, la plupart des appareils
sont non seulement tout automatique, mais également auto-focus ; le photographe peut
(théoriquement) se concentrer sur le cadrage et laisser l'appareil prendre en main la prise
de vue. Ce qui a au final peu d'intérêt pour l'amateur exigeant, et encore moins pour le
débutant qui veut aller au-delà de la photo-souvenir.
La question des choix technologiques est encore compliquée par la variété des formats de
pellicules. Si le format 24x36 en cartouche est devenu ultra-dominant, il n'a pas
complètement éliminé les anciens formats 4,5x6, 6x6, 6x9 en bobines 120 ou 220. Le 24x36
donne, pour une pratique amateur normale, de très bons résultats, mais les négatifs plus
grands permettent d'atteindre des performances en matière de reproduction
insoupçonnées des utilisateurs du format plus petit, et se prêtent beaucoup mieux aux
pratiques « alternatives » qui ne fonctionnent que par insolation aux ultra-violets, et donc
exigent un tirage exclusivement par contact, les agrandisseurs normaux produisant peu
d'UV. Il a existé des agrandisseurs spéciaux pour ces procédés du temps où ils étaient en
vogue, à la fin du XIX° siècle, avec un éclairage à arc électrique, très malcommode à
reproduire en amateur, et d'autant moins utilisable que le point de netteté est décalé avec
la longueur d'onde, et que la mise au point ne peut donc pas se faire à l'œil nu.
Éléments de décision.
Objectifs.
Le premier élément, et sans doute le plus important en matière d'équipement, concerne les
objectifs disponibles, d'un avis quasi-unanime. À cela, plusieurs raisons : avant les années
80, les boîtiers comportaient encore énormément de pièces mécaniques d'une précision
horlogère, mais depuis, la construction a été considérablement simplifiée. En revanche, la
fabrication de verre optique, le polissage des lentilles et l'ajustage restent un facteur de
coût quasi-constant, donc les optiques sont devenues le facteur principal de prix d'un
système photo. Une photo faite avec un boîtier merveilleux au travers d'un « cul de
bouteille », selon l'expression, sera irrémédiablement moche. La même photo prise avec
un boîtier passable, mais au travers d'un objectif de grande classe sera en général une belle
photo.
À titre personnel, j'ajoute que non seulement la gamme est importante, mais que l'objectif
« normal » du boîtier est prépondérant. L'objectif normal, c'est celui dont la distance focale
en millimètre est la plus proche de la dimension de la diagonale d'une image, soit en
24x36 la focale de 44mm et quelque, arrondis à 50mm pour des raisons de commodité
industrielle. Avec le normal, on peut faire plus de 80% des photos, car il donne
l'impression la plus proche de la vision humaine (bien que la vision ne soit pas un
phénomène comparable). Il faut donc que cet objectif soit excellent. Quid des zooms, en
particulier des trans-standards (ceux dont la plage de focales couverte encadre la focale
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normale) ? Honnêtement, même si la qualité a prodigieusement évolué, surtout dans les
hauts de gamme, les zooms sont toujours et resteront longtemps incapables d'atteindre la
qualité globale d'une focale fixe, même ancienne. On vante, à juste titre d'ailleurs, leur
polyvalence, la faculté de changer de point de vue sans se déplacer, et un certain nombre
d'autres supposés avantages, mais on oublie souvent dans les brochures publicitaires de
s'appesantir sur l'ouverture5 en général « glissante »6 et les 2 valeurs de diaphragme
perdues sur la focale fixe (soit un objectif au minimum quatre fois moins sensible à la
lumière ambiante 7 !). Avec un normal ouvrant à 1.4 ou 1.8, il est envisageable de
photographier en intérieur ou de nuit sans flash. C'est impossible avec le zoom amateur
d'un boîtier moderne. Ce qu'on gagne en mouvement, on le perd en plage de lumières
exploitables. Comme la photo noir et blanc s'intéresse essentiellement aux ombres, la
luminosité de l'optique est cruciale et ne sera pas autant compensée par un coup de flash
qu'en photographie couleur : toutes les nuances seraient « aplaties ».
Une fois l'objectif principal sélectionné, on aura intérêt à se munir tout de suite d'un grand
angle, qui par expérience devient la deuxième focale fixe la plus utilisée ; par grand angle,
on entend les focales comprises entre 18 et 35 mm, avec une bonne moyenne autour de 24
~ 28 mm. Le 35 mm peut remplacer pour certains l'objectif normal, et ceux-là auront
tendance à compléter par un 21 mm pour avoir un grand angulaire. On s'assurera donc de
la disponibilité de ce type d'optique et de sa qualité dans la même gamme que celle dont
on a auparavant retenu le normal.
Enfin, un téléobjectif (à zoom ou fixe) complétera idéalement le sac, sachant que les
portraits sont souvent bien captés par une focale comprise entre 90 et 130 mm (les focales
plus courtes ont tendance à produire un résultat peu flatteur : gros nez, front fuyant) ;
toutes les focales supérieures à 200 mm commencent à devenir spécialisées et sont assez
peu usitées dans la prise de vue courante.
Bien sûr toutes ces indications ne sont que des moyennes pondérées par une forte
subjectivité personnelle, et le fan de photo animalière aura beaucoup de mal à pratiquer
son hobby sans au moins un 400mm, de même que le fan de sport sera handicapé sans un
boîtier auto-focus ultra rapide. La grosse considération sera inévitablement celle du
5 C'est une valeur qui indique la luminosité de l'objectif, et qui correspond (très) approximativement au
diamètre de la lentille frontale divisé par la focale en mm de l'objectif. Comme il s'agit d'un rapport, plus
le chiffre est petit, mieux c'est. Et on comprend pourquoi il est très difficile de faire des téléobjectifs et des
zooms lumineux : la lentille frontale atteint vite un diamètre important, et le verre optique, plus il y en a,
plus c'est cher (et lourd à porter, aussi, ça n'est pas du tout un paramètre à négliger) !
6 Se dit d'un zoom dont la luminosité réduit avec l'augmentation de focale, par opposition à un zoom
constant. On les reconnaît à un couple de valeur situé après la plage d'utilisation (par ex., 35-100 f/3.5-4.5
indique un zoom dont l'ouverture à 35 mm est de 3.5, valeur qui n'est plus que de 4.5 à 100 mm).
7 La photographie s'intéresse à des surfaces, donc la progression linéaire d'une variable entraîne des
conséquences à raison du carré de cette progression ; ici, quand l'ouverture diminue d'une unité, elle est
divisée par deux ce qui entraîne une perte de 22 soit 4 fois en terme de lumière reçue par le film, ce qu'on
peut traduire de nombreuses manières, dont en pratique la nécessité d'avoir une scène 4 fois plus éclairée
pour réaliser une image identique.
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budget, et si 80% des photos seront faites avec un objectif normal, il y a de fortes chances
pour que 80% du prix soit investi, lui, dans les focales utilisées seulement 20% du temps.
Boîtier.
C'est la monture du boîtier qui permet de monter les objectifs sur un appareil à optiques
interchangeables ; selon les objectifs choisis, on sera donc limité aux boîtiers pourvus de la
monture que ces objectifs proposent. Ensuite, il sera toujours temps de départager les
performances individuelles des modèles.
Là encore, la qualité ne se mesure pas toujours au nombre de gadgets. Un boîtier, c'est
avant tout une cellule pour mesurer la lumière, un obturateur pour exposer le film avec
précision, et des commandes pour créer la photo souhaitée. Or, dans la perspective d'une
utilisation évoluée, et d'un traitement personnel, on a tout intérêt à disposer des
commandes de sélection de la vitesse et du diaphragme les plus accessibles possibles,
ainsi que de vérifier que l'autofocus est débrayable pour faire le point ailleurs que là où
l'appareil estime qu'il y a quelque chose à voir.
Pour ces raisons, en pratique seuls les appareils semi-auto ou les appareils auto sont en
général assez ergonomiques. Les appareils autofocus imposent une gymnastique souvent
infernale de tous les doigts pour ôter les sécurités, faire tourner des roues, passer de la
vitesse à l'ouverture et re-tourner une roue, etc., avant de prendre une photo. On y perd
souvent l'autofocus (l'application des principes d'hyper-focale permet d'y remédier en
partie), mais avoir l'autofocus fait finalement perdre la photo s'il se met en travers des
besoins du photographe à l'instant où la photo doit être prise.
Autres considérations dans la même ligne : un appareil semi-auto peut fonctionner en
général sans aucune pile ; on évalue alors l'exposition à l'oeil, selon la règle de f/16, ce qui
est parfois pratique. Le côté pratique se manifestant en principe quand on est loin de toute
boutique, souvent lors d'une occasion unique d'ailleurs, en application de la loi de
Murphy. Et même un appareil automatique (selon les marques) peut parfois fonctionner
de cette manière, à une vitesse précise (souvent autour de 1/60 de seconde), ce qui permet
de sauver une journée.
Dernier point en faveur de cette solution : il est toujours possible d'ajouter par la suite un
boîtier compatible avec son système mécanique, l'inverse est beaucoup moins vrai.
Un bon exemple d'une telle lignée se trouve chez Pentax, où les optiques en monture K
sont disponibles chez de nombreux fabriquants, de bonne qualité, avec énormément de
boîtiers capables de les accueillir, du Pentax MX semi-auto tout mécanique au dernier MZ
autofocus, et même avec les boîtiers numériques. Nikon se fait aussi une gloire de
conserver une monture relativement compatible tout au long de sa fameuse série F. Canon
en revanche a imposé un changement drastique entre ses appareils semi-auto (monture
FD) et autofocus (monture EOS).
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Un nouveau danger guette l'acheteur distrait : depuis l'arrivée en force du numérique
dans tous les secteurs de la photographie, on trouve de plus en plus d'objectifs spéciaux
pour les boîtiers équipés de capteurs électroniques : ces objectifs sont à la fois optimisés
pour éviter que les rayons lumineux n'aient une incidence trop prononcée avec le capteur,
qui n'est pas plan comme une pellicule traditionnelle mais constitué de « puits »
collecteurs, et surtout ils ont un cercle-image plus petit que les objectifs 24x36 car les
capteurs sont souvent au format « APS », c'est à dire 1,5 fois plus petits qu'un négatif
24x36. Autrement dit, ces objectifs montés sur un boîtier argentique produiraient une
image dans un cercle dont la courbure serait visible dans les angles de l'image si
l'électronique ne s'opposait pas à cette incompatibilité ! Si l'on désire disposer d'un
système mixte numérique / argentique, en partageant les optiques entre plusieurs
boîtiers, ce point est à considérer avant tout achat – mais les objectifs « full frame » se
raréfient et les prix augmentent.
Pellicules.
En noir et blanc, il existe deux sorte de pellicules technologiquement très différentes, les
traditionnelles et les chromogéniques. Ces dernières sont une évolution récente de
l'industrie, et se développent en réalité de la même manière qu'une pellicule couleur, ce
qui est largement hors de portée de l'amateur à la petite semaine (bien qu'il existe des
machines et des kits personnels, la difficulté est bien plus élevée que le traitement noir et
blanc). Il existe également, pour mémoire, une ou deux variétés de diapositives noir et
blanc, et il est toujours possible d'inverser un négatif pour en faire une diapositive avec un
ensemble de produits chimiques appelé « kit d'inversion ». Mais le gros du marché reste
lié aux technologies traditionnelles, éprouvée depuis des décennies. Le seul apport majeur
ayant été, en la matière, le grain "T" dont la structure a permis d'augmenter la sensibilité
d'un film sans lui donner un aspect trop « pointilliste ». Revers de la médaille, les
pellicules "T" (Tmax chez Kodak, Delta chez Ilford) sont plus délicates à traiter pour
obtenir un bon résultat que les pellicules plus anciennes qui encaissent sans broncher les
pires manipulations et variations des constantes de traitement.
Seuls des essais nombreux de chaque film permettent de se forger une opinion sur leur
rendu réel. Selon mon avis très subjectif, je trouve que les grains traditionnels sont plus
« beaux » lorsqu'on doit les voir sur des agrandissements que les grains "T" qui sont moins
aléatoires et donc plus « froids ». Dans la perspective d'un traitement « salle de bain », ils
sont aussi plus faciles à manipuler avec des produits chimiques moins chers et moins
compliqués 8.
8 Il paraît que le révélateur standard kodak XTOL donne de très bons résultats avec les pellicules « T ».
Mais même ses plus farouches apologues lui reconnaissent une grande sensibilité aux contaminations
métalliques qui « tuent » le révélateur sans signes avant coureur, et le fixage des films « T » est toujours
un peu aléatoire. Que celui qui n'a jamais sorti une pellicule rose du lavage me jette la première pierre !
Dans ce cas, une seule solution, refaire le cycle fixage-lavage, mais quand on sait ce que le fixateur laisse
de composants insolubles dans la gélatine, on ne peut qu'être dubitatif sur la conservation de ces négatifs
sur-fixés à (très) long terme.
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TODO : Les pellicules sont toutes différentes dans leur rendu, mais un chiffre commun
standardisé permet d'opérer un tri rapide. Il s'agit de la sensibilité exprimée en ISO, que
l'on appelle communément la « vitesse » du film. Plus ce chiffre est élevé, plus le film est
rapide, mais en contrepartie, les grains d'argent sont plus gros, donc la définition est
moins bonne. C'est pourquoi les films lents sont souvent utilisés par beau temps pour
capter d'infimes détails dans des paysages majestueux, alors que des films rapides vont
trouver une niche de choix en photo « sur le vif » ou de spectacle, car la lumière sera plus
faible ou le sujet plus mobile. Actuellement, le vitesses courantes vont de 25 iso à 3200 ; à
chaque fois que la valeur double, on « gagne » l'équivalent d'un diaphragme en vitesse (v.
ci-dessous). Les films 25 et 50 iso sont lents et fins, 100 iso est un film « beau temps » assez
moyen, 200 est très rare en noir et blanc car on préfère souvent « pousser » un 100 pour
atteindre le même résultat, 400 est un film moyennement rapide tous terrains sauf
extérieurs par beau temps (à moins d'avoir un obturateur de course capable de dépasser le
1/2000° de seconde). Le 800 n'existe pas aux catalogues (parce qu'un 400 poussé donne
encore de bons résultats à cette vitesse, en général), et enfin il existe une ou deux
références à 1600 et 3200 iso, mais ces films ultra rapides ont un rendu « pointilliste » assez
spécial.
Qu'appelle-t-on pousser un film ? Il s'agit en fait d'exposer un film à une vitesse différente
de celle préconisée, en général plus vite (il y a peu d'intérêts à retenir un film rapide : la
granulation ne sera pas réduite, mais les temps augmentés). Pour compenser cette sousexposition volontaire (le film ne reçoit pas assez de lumière), on va augmenter le temps de
développement pour sur-développer le film, entre 20 et 50% de temps en plus selon qu'on
aura poussé d'un ou deux diaphragmes. Le gros défaut de cette méthode, c'est que c'est
plus le contraste qui augmente que la sensibilité, donc les noirs contiennent moins de
détails et l'aspect est plus « dur ». On peut aussi essayer de développer « normalement »
pour préserver le contraste, en acceptant de se battre ensuite sous l'agrandisseur pour
équilibrer l'image. Seule l'expérience du film permet d'anticiper sur son comportement. La
« bonne » nouvelle en la matière, c'est que très souvent les fabriquants sous-estiment leurs
émulsions et que donc la sensibilité réelle est supérieure à celle annoncée. Un tel film
poussé reste donc proche de sa vitesse réelle. Parfois cependant, le film est artificiellement
gonflé comme la T-MAX TMZ 3200p, dont la sensibilité réelle est de 800 iso au lieu des
3200 annoncés – mais dans ce cas, il s'agit d'une « mauvaise » 800 iso qui a un « bon »
rendu à 3200.
La simplicité commande d'acheter les pellicules en cartouche, mais une solution plus
économique consiste à commander le film en rouleaux de 17 ou 30 mètres, et de le bobiner
soi-même dans des cartouches réutilisables, soit à l'aide d'une machine spéciale, soit
même à la main dans le noir absolu. Il est préférable d'avoir déjà une expérience du labo
pour retrouver ses marques, et de bien répéter les gestes nécessaires au préalable. Mais
une fois le coup pris, c'est une vraie alternative, et qui permet de bobiner un peu plus que
les 36 poses habituelles (mais pas tant que ça non plus, le cylindre n'est pas extensible, et
la spire de développement est aussi limitée).
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Une fois réunie la triplette objectif - boîtier - pellicule, il est temps de sortir photographier.
Prendre des photos.
Peu importe la somme investie, le degré d'automatisme du boîtier et la pureté des
optiques, un appareil coincé au fond d'un sac ne fait pas de photos. Ou alors, elles ne sont
pas terribles !
Cadrage, composition.
TODO
Diaphragme et Vitesse : couple diabolique.
Le diaphragme, généralement constitué de lamelles mobiles pouvant former un trou plus
ou moins fermé (et idéalement plutôt rond) dans l'objectif, contrôle la quantité de lumière
susceptible de traverser les lentilles pendant un temps donné. Corrélativement,
l'obturateur situé entre l'objectif et le film, s'ouvre à des vitesses différentes pour exposer
le film pendant une durée plus ou moins longue. La quantité de lumière reçue au final par
le film est donc une fonction étroitement liée aux deux valeurs d'ouverture (du
diaphragme, ou « ouverture » tout court) et de vitesse. Afin de simplifier la vie des
photographes, les crans de la bague d'ouverture correspondent aux paliers du sélecteur de
vitesse, de sorte qu'ouvrir d'un cran (= sélectionner une ouverture plus grande)
corresponde à sélectionner la vitesse inférieure (= sélectionner la vitesse immédiatement
plus lente), du point vue du nombre de photons qui atteindront le film. Chacun de ces
crans autorise une illumination double du précédent en allant du plus rapide / fermé au
plus lent / ouvert.
On peut le voir comme une problème de robinets, avec le film dans le rôle de la baignoire :
Le but, c'est de remplir une baignoire à ras bord ; on a le choix de laisser couler un filet
d'eau longtemps (= petite ouverture, « remplissage » lent), ou d'ouvrir le robinet à fond :
grande ouverture, remplissage rapide.
Le posemètre de l'appareil ou une cellule externe vont déterminer la lumière globalement
perçue par l'appareil (soit le « volume de la baignoire »), et en fonction de la sensibilité en
iso du film, vont indiquer, soit un indice d'illumination donnant par référence à une table
des couples vitesse / diaphragme, soit directement les couples ouverture / vitesse
corrects pour impressionner le négatif. Ainsi, pour une lumière donnée, on pourra par
exemple utiliser f:16 – 1/4 s., f:11 – 1/8 s., f:8 – 1/15 s., f:5.6 – 1/30 s., f:4 – 1/60 s., f:2.8 – 1/125 s.,
ou f:1.8 – 1/250 s.. Tous ces couples sont équivalents du point de vue de la quantité de
lumière captée, mais leur effet photographique est radicalement différent.
En effet, l'ouverture joue sur la zone de netteté de l'image, alors que la vitesse a la capacité
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de plus ou moins figer le mouvement des objets photographiés. Autrement dit, plus la
vitesse est élevée, plus le mouvement est stoppé, mais moins il y a de plans nets dans
l'image. Corrélativement, plus le diaphragme est serré, plus l'image sera nette de près
comme de loin, mais plus les objets mobiles apparaîtront comme des « traces » ou des
« ombres ». Sans compter qu'à partir du 1/15 de seconde et aux vitesses inférieures, on est
dans la zone du flou de bougé, c'est à dire que les mains communiquent au boîtier des
vibrations incontrôlables qui deviennent visibles. En réalité, la zone dangereuse varie avec
la focale, les téléobjectifs ayant fortement tendance à amplifier le phénomène ; on
considère qu'il est prudent d'utiliser un pied ou un trépied pour toute vitesse inférieure à
1/F de seconde, F étant la focale. Ainsi, pour un 50 mm, l'usage du pied devient prudent
partir d'1/30 de sec., avec un 135 mm, c'est sous les 1/125 qu'il vaudra mieux stabiliser.
La vision procurée au travers de l'oculaire d'un reflex est toujours celle de la plus grande
ouverture possible, car on vise à diaphragme ouvert. Il existe néanmoins sur la plupart
des boîtiers bien conçus un bouton qui permet de fermer le diaphragme pendant la visée
afin de tester la profondeur de champ nette captée. Les appareils dépourvus de cette
fonction n'ont pratiquement aucun intérêt créatif, à moins d'être capable de calculer de
tête la profondeur de champ pour une ouverture donnée, sachant que cette variable est
également une fonction de la focale de l'objectif : les grands angulaires ont naturellement
une PDC bien plus importante que les téléobjectifs (pour un sujet à 2 m, à ouverture f/11
constante, un 24 mm a une PDC de 1 m à l'infini, et un 200 mm une PDC de 1,98 m à 2,02
m !).
En raison de son influence prépondérante sur le rendu visuel de l'image, l'ouverture est
donc la variable primordiale de la photo créative en noir et blanc, et c'est celle qui
nécessite le plus de tests pour bien la maîtriser. Même si, en principe, on maximise la PDC
sur les paysages majestueux, et on la minimise au contraire pour les portraits pour
extraire le sujet d'un fond trivial, ces principes n'ont rien d'absolus et doivent participer
d'une véritable réflexion sur le sens que l'auteur veut donner à son image.
Prérégler l'appareil.
Sauf conditions climatiques ultra-changeantes, la luminosité extérieure a tendance à se
maintenir à un niveau sinon constant, au moins dans une zone tolérable par le négatif. En
conséquence, en sortie photo, même si on a un but précis, il est intéressant d'avoir un
appareil armé et prêt à shooter. Dans ce cas, on fera une mesure de lumière sur la paume
de sa main qui correspond à peu près au gris moyen pour le pose-mètre 9. Un mot sur le
gris moyen (18% de noir) : il représente la lumière-étalon sur laquelle le posemètre est
calibré. Autrement dit, quand on vise une surface unie, le posemètre va "penser" qu'il
9 En réalité, la paume n'est pas vraiment équivalente à ce gris, et il serait dangereux de s'y fier aveuglément
lorsque l'éclairage doit être très contrôlé – dans un studio par exemple. Il existe des chartes grises
beaucoup plus précises pour cet usage. Mais en extérieur avec du film aussi tolérant que les pellicule
modernes, la différence est imperceptible.
10
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
s'agit de gris à 18% et va donc calculer diaphragme et/ou vitesse pour que cet aplat ait
l'air gris au tirage. C'est pour cette raison qu'un mur blanc va provoquer une sous
exposition du cliché, de même que des gens photographiés sur un grand champ de neige
seront "noirs" et la neige "grise". Réciproquement, une large zone noire va tromper le
posemètre dans l'autre sens et l'image sera « brûlée ». En cas de doute, ou par contrôle, si
on peut éclairer sa main à la même source que le sujet plus lointain en la tendant devant
son objectif, alors on aura une mesure beaucoup plus fiable de l'intensité lumineuse
globale de la scène. Jusqu'à présent, je ne connais (et encore, seulement de réputation !)
que deux boîtiers auquel on puisse indiquer par deux touches « highlights » et
« shadows » une éventuelle zone blanche et une autre noire pour qu'ils se recalent sur ces
deux valeurs extrêmes en temps réel ; il s'agit des OM 3 et 4, commercialisés de 1989 à
2002 et à peu près rigoureusement introuvables, même en occasion. Il faut dire que le
posemètre de ces deux appareils n'a pas que cette particularité, et que sa mesure multispot
en fait un objet assez unique.
Puisque nous en sommes dans l'exposition, autant continuer le détour par un adage
photographique issu du Zone System d'Ansel Adams, qui s'exprime sous la forme : « on
expose pour les ombres et on développe pour les hautes lumières ». En effet, malgré des
promesses d'analyse de la photo par des matrices de ccd couleurs en x milliers de
segments, il ne faut pas perdre de vue que le meilleur appareil, in fine va sélectionner une
vitesse unique ainsi qu'un seul diaphragme ; il fera donc une moyenne de son analyse,
moyenne qu'un humain exercé peut très bien faire par un instinct nourri d'expérience.
Conséquence : une photo est toujours un compromis. Le négatif a une latitude qu'on
exprime en diaphragmes, ou en IL (unité d'intensité lumineuse), en noir et blanc,
généralement comprise entre -2 diaphs et +4 diaphs utiles (la chimie des fabriquants
promet désormais de conserver un certain modelé jusqu'à 10 IL d'écart entre les noirs et
les plus sombres et les blancs les plus purs, mais les gesticulations nécessaires pour tirer
des négatifs aussi extrêmes sont prohibitives au labo). Ce qui veut dire que pour un gris
moyen correct à une ouverture donnée, pris comme 0 de référence, on aura les détails des
zones sombres dans la limite de 2 diaphs en dessous, après quoi les détails plus sombres
seront uniformément noirs, et les détails clairs dans la limite de 4 diaphs, au-delà, les
nuances plus lumineuses seront rendues en blanc. Exposer pour les ombres consiste donc
à légèrement sur-exposer le négatif pour mettre le gris moyen un peu plus "haut" afin
d'enregistrer plus de détails sombres, et développer pour les hautes lumières en contrepartie consiste à légèrement et réciproquement sous-développer le négatif pour ne pas
noircir excessivement les zones du négatif qui deviendront blanches au tirage en positif ;
en effet, si les blancs étaient enregistrés par trop d'argent métallique, la couche opaque
déposée sur le négatif ne permettrait pas d'obtenir un léger voile sur le tirage, signe d'une
plage incomplète de nuances.
Cette technique part de la constatation physique que les blancs sont enregistrés par de
l'argent 10, donc de la matière qu'on peut toujours plus ou moins percer par la lumière de
10 Qui apparaît en noir sur le négatif, car tous les métaux divisés sont d'aspect noir.
11
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
l'agrandisseur pour « lui faire cracher ses informations » alors que le noir est représenté
par des zones totalement transparentes du négatif, nettoyées de toute trace d'argent
métallique. On ne peut donc extraire strictement aucune information visuelle de ce néant,
et c'est pourquoi il vaut mieux s'assurer à la prise de vue qu'on a enregistré un peu plus
de détails que nécessaire.
Comme toujours en photo, il s'agit d'un « guide âne » qui n'a aucun sens et peut même
conduire à des horreurs s'il est pratiqué de manière mécanique et sans réflexion préalable.
Par exemple, si le sujet photographié est majoritairement blanc, comme une vague qui
claque par dessus la digue d'un port, il est évident que la priorité doit au contraire être
donnée à la conservation des détails dans les masses claires d'eau, donc une surexposition
serait ici assez nuisible. Le principe du zone system est infiniment plus vaste (et
passionnant) que de décaler par habitude le sélecteur de sensibilité d'un diaph vers le bas
(exposer une pellicule 100 iso à 64 produit le même effet que surexposer volontairement
d'un cran de diaphragme) ; mais son exposé intégral dépasserait de loin le cadre de ce
petit article11. Ceci dit, si on ne devait en déduire qu'une seule règle, on retiendrait qu'il est
toujours préférable d'avoir un négatif surexposé à un négatif sous-exposé, et qu'en cas de
doute sur la lumière, il vaut mieux sélectionner une vitesse un peu plus lente ou ouvrir
son diaphragme d'un cran. Le négatif sera juste un peu plus noir. Ne pas oublier non plus
que les diapositives fonctionnent exactement à l'inverse des négatifs, dans des limites
encore plus étroites ; il vaut donc mieux sous-exposer un poil une diapositive que de la
brûler, mais gare à la « tôle » noire12.
Le petit schéma ci-dessous décrit la retranscription d'une gamme de valeurs lumineuse
aux différentes étapes d'un traitement inspiré par les constatations de base du Zone
System. La première colonne correspond à une transcription idéale de toutes les nuances
de la scène, la deuxième représente les nuances que le film va enregistrer dans les
conditions normales (de +4 à -2 IL), la troisième représente l'effet sur le négatif d'une
surexposition d'un diaphragme (de +3 à -3 IL), la quatrième symbolise l'effet d'un léger
sous-développement, et finalement la dernière correspond aux nuances présentes sur le
papier photographique après développement.
11 De surcroît, la pratique du zone-system suppose de pouvoir varier les développements vue par vue, donc
il est pratiquement nécessaire de photographier avec une chambre sur plan-film pour en tirer la
quintessence. On peut se débrouiller avec des dos multiples (en identifiant des zones pour chaque dos) en
moyen format, mais l'investissement financier est exorbitant, ou s'essayer à la technique du « mid roll
change » qui sous un nom pompeux ne désigne que le fait de rembobiner des films partiellement
terminés, pour continuer sur une autre pellicule. La difficulté étant de retomber pile au bon endroit sur
chaque film, ce qui suppose un gros effort de rigueur dans la documentation de ses scéances.
12 Astuce : si on dispose d'un petit compact numérique, on peut confectionner avec une diapo noire un filtre
qui coupe la lumière visible en laissant passer les infra-rouges (si les films diapo étaient opaques à la
chaleur, on ne pourrait pas les projeter sans les brûler). L'effet photographique est assez stupéfiant pour
peu que le CCD du numérique ne soit pas lui-même pourvu d'un filtre IR à demeure, ce qui est le cas
dans les « bonnes » marques. Pour une fois, le bas de gamme présente un avantage...
12
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
Le coup de l'hyperfocale.
Autre « truc » qu'on prend vite l'habitude de faire en mettant le pied dehors, c'est après le
réglage de lumière, de mettre l'objectif dans sa position hyperfocale, si l'on ne dispose pas
d'un boîtier autofocus, bien entendu. Le principe est le suivant : à un diaphragme donné,
la plage de netteté de l'objectif s'étend en avant et en arrière du sujet dans les rapports 1/3
- 2/3 ; plus l'ouverture est petite, plus la plage de netteté est grande, de même que plus la
focale de l'objectif est large, plus la zone de netteté est étendue. Raison pour laquelle
d'ailleurs le grand angle est très adapté à la prise de vue urbaine sur le vif (attention à la
législation sur le droit à l'image des individus photographiés, la loi est bien plus étroite
que la profondeur de champ d'un 28 mm).
Qu'est-ce donc que l'hyperfocale ? Et bien, lorsqu'on amène l'objectif en butée sur l'infini,
on a une zone de netteté comprise entre 1/3 de la plage totale et... l'infini. On perd 2/3 de
la zone de netteté disponible, que l'objectif serait capable de restituer, mais qui sont situés
au-delà de l'horizon. Grâce aux graduations, on ramène donc l'objectif de sa position de
butée (symbole infini face au centre de la graduation) vers les distances plus proches
jusqu'à faire coïncider le symbole infini avec la graduation correspondant à l'ouverture
sélectionnée sur l'objectif13. Il est vivement conseillé de contrôler avec le testeur de
profondeur de champ que le réglage « à la louche » opéré sur les sérigraphies correspond
réellement avec le résultat espéré. On étend donc la zone de netteté vers l'avant des 2/3
auparavant inutilisés, ce qui ramène des sujets plus proches dans la zone nette. C'est sur
ce principe que fonctionnent d'ailleurs les appareils jetables (dits aussi fixfocus).
Exemple pratique : sur un 50mm, pour une ouverture de f/8, la plage nette va de 10
mètres à l'infini si le point est fait sur l'horizon, mais si l'on repousse l'infini au bout de la
zone de netteté, la plage nette s'étend de 5 mètres à l'infini, cette fois.
13 Même en l'absence d'échelle, il n'est pas rare qu'un point marque l'hyperfocale sur la bague des distances ;
se reporter au manuel ou aux tables fournies pour savoir à partir de quelle ouverture ce point est
l'hyperfocale.
13
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
Sans hyperfocale, objectif sur f/8 :
0 m ==== Flou === 10 m ==== Net ==== infini ////// Zone nette perdue ////////
[Ô]<­­­­­­­­­­­­­­­><­­­­­­­­­­­­­­­­­­|­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­>
Avec hyperfocale, objectif sur f/8:
0 m ==== Flou === 5 m ==== Net ==== 10 m ============= Net ============= Infini
[Ô]<­­­­­­­­­­­­­­­><­­­­­­­­­­­­­­­­­­|­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­>|
Conséquence : pour tout sujet situé à plus de 5 mètres, il est inutile de faire le point avant
de déclencher, et comme la lumière est elle aussi préréglée, on a transformé son fabuleux
reflex en compact de base... avec une optique heureusement d'un tout autre niveau que le
bout de plastique transparent moulé qui est l'apanage de ces appareils.
Quand les piles meurent.
Si d'aventure le posemètre s'avérait muet à un moment critique, et pour autant que
l'appareil soit au moins partiellement mécanique, pas de panique ! On peut en effet
calculer l'exposition au jugé par la règle dite de f/16 ; c'est celle qui est souvent imprimée
sur les emballages en carton des pellicules couleur, sous forme de logos plus ou moins
incompréhensibles. Que dit cette règle ? « Pour un ciel sans nuages, à une ouverture de
f/16, la vitesse d'obturation est égale à la vitesse de la pellicule en iso ». Donc, pour une
pellicule de 400 iso, par grand beau temps, la vitesse à sélectionner à f/16 est de
approximativement 1/500 de seconde, ou 1/1000 à f/8, ou 1/250 à f/22. Plus il y a de nuages,
plus on serre le diaph : quelques nuages : f/8 pour v=1/iso ; nuageux : f/5.6, etc.
Si on ne dispose pas de toutes les vitesses mécaniques, on adaptera la règle pour utiliser
les quelques vitesses disponibles (et on aura intérêt à avoir des films lents). Par ailleurs,
par grand beau temps à la montagne sur la neige, il faudra veiller à prendre 22 plutôt que
16 pour ouverture de base.
En combinant les 3 techniques de f/16, d'hyperfocale, et de préréglage, on sera en principe
paré à toute éventualité photographique imprévue. Évidemment, les photos ne seront
sans doute pas parfaites, mais on pourra quand même bien souvent les tirer.
Le développement de la pellicule.
C'est l'opération de labo la plus simple, la plus directe (pas vraiment de « bidouille » à ce
stade), et la moins coûteuse. Mais c'est aussi celle qui exige le plus de rigueur à tous les
stades pour ne pas détruire les vues si laborieusement et amoureusement mises en boîte.
Matériel nécessaire.
Le coût d'investissement matériel est à ce stade très limité puisqu'il tourne autour de 60
14
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
Euros. Il faut une cuve, au moins une spire compatible, quelques pinces lestées, deux ou
trois bidons pour produits chimiques, un thermomètre de précision (important ; on peut
se dépatouiller avec des machins moins fiables, mais un vrai thermomètre de labo est un
plus très appréciable - acheté chez un grossiste en fournitures pour chimistes, ça ne coûte
presque rien, et on trouve des échelles inconnues ailleurs qui conviennent beaucoup
mieux, du genre +10 °C à +60 °C) et un chronomètre. À défaut de chronomètre spécialisé,
on peut utiliser une montre précise à la seconde, mais rien de moins. Il faut aussi quelques
éprouvettes graduées et brocs, et une touillette.
Avertissement : tout le matériel spécialement estampillé « photo » est vendu à un prix
absolument délirant, pour ce qui n'est somme toute guère que du plastique injecté dans la
plupart des cas. Les seuls équipements propres à la photographie sont la cuve et la spire ;
tout le reste peut se trouver dans des boutiques pour chimistes, souvent beaucoup moins
cher. Les bidons doivent être neutres, et opaques. Les bidons flexibles « photo » en forme
de gros ressorts sont pratiques à court terme, mais jamais si étanches que l'air ne finisse
par rentrer quand même. Il vaut carrément mieux recycler une bouteille de lait UHT
"Lactel" et compléter le vide éventuel avec des billes 14 pour chasser l'air en excès. Dans ce
cas, veiller à différencier le bidon de récupération en lui collant une étiquette voyante
pour éviter les accidents domestiques. L'idéal reste les bouteilles en verre brun ou noir
spécialisées, mais elles sont lourdes, fragiles, et assez difficiles à ranger.
En ce qui concerne les cuves, deux marques principales se partagent le marché : Jobo et
Paterson. Paterson a une longue liste d'afficionados et une légitimité historique, mais au
risque de froisser quelques sensibilités au passage, Jobo a un produit infiniment plus
pratique et plus facile à utiliser. Moins cher aussi, ce qui ne gâte rien. Je recommande
chaudement un Unitank 1520, d'autant plus que le système est ensuite facilement
extensible en fonction de l'évolution des besoins vers les traitements E6 (diapos) ou C41
(couleur). Comme je pressens un feu roulant de critiques, quelques raisons pour ce choix :
les spires jobo permettent assez facilement de suivre du doigt l'enroulement du film, ce
qui permet de le débloquer sans forcer si l'insertion est un peu difficile, car il y a un
évidement des languettes plastiques sur un secteur prévu pour ce cas ; les spires Paterson
sont plus épaisses et d'une section uniforme. De plus, les spires Paterson ont des billes
anti-retour, ce qui est l'exemple même de la fausse bonne idée : je ne connais personne qui
ait jamais réussi à enrouler 36 poses dans le noir uniquement grâce aux billes (on finit
toujours par guider le remplissage avec chaque pouce alternativement) ; en revanche, j'ai
vécu (et je connais un tas de gens qui ont subi de même) le cas où le film se coince au bout
dans le sens enroulement, et où ces ... espèces ... de billes empêchent le film de ressortir des
quelques millimètres indispensables à le relancer dans le droit chemin. De un.
De deux, l'axe central des cuves Paterson est lisse, ce qui fait toujours craindre un
glissement de la spire sur cet axe au cours du traitement, sauf à remettre la main sur
14 Attention toutefois : seules des billes en verre conviennent, pour la neutralité chimique, mais le verre, ça
peut casser et disperser des éclats dans la solution.
15
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
l'espèce de pince à linge destinée à caler la spire, vendue avec la cuve, qui a toujours une
propension stupéfiante à disparaître dans les endroits les plus incongrus au moment où
on en a besoin. Le plus souvent, donc, on remplit systématiquement la cuve à ras-bord de
chimie pour le cas où la spire unique irait se coincer en haut (gros gâchis), soit on cale la
spire au fond avec une deuxième spire vide (15 € la cale, mais celle-là est assez grosse
pour ne pas se perdre). L'axe des cuves Jobo est légèrement cannelé, ce qui assure un
maintien parfait d'une spire même seule au fond de la cuve. Il exist(ait)e aussi chez Jobo
des petites cuves monospires, pas trop rares en occasion, mais finalement assez pratiques,
même si elles sont souvent de la série 1000 à couvercle vissant.
De trois, le débouché du couvercle labyrinthe est à peine plus large qu'un goulot de bidon
dans les cuves Jobo ce qui permet de récupérer facilement les produits, alors que les
liquides s'écoulent par une lèvre béante sur les Patterson, ce qui impose de se greffer une
troisième main pour tenir un entonnoir entre le bidon récupérateur et la cuve.
Enfin, le système de clipsage vertical par bande du couvercle Jobo est beaucoup plus
sécurisant et facile à contrôler dans le noir que celui rotatif des Paterson dont on ne sait
jamais s'il ne va pas céder au premier retournement. Bien, sans plus épiloguer, car je pense
que tout le monde a compris mon aversion pour les Paterson, aversion nourrie et
confortée par une expérience de responsable de club photo en milieu scolaire, passons à la
chimie15.
Les produits (in)dispensables.
AVERTISSEMENT !!! Tous les produits utilisés en photo sont chimiquement actifs ;
ils sont donc soit toxiques, soit corrosifs, soit allergisants, soit les trois ensembles. Il
faut donc les manipuler avec prudence, en particulier porter des gants, ne jamais
mettre ses mains nues au contact volontaire des solutions, si possible porter une
blouse de protection et un masque ; on veillera aussi à ne travailler que dans des
locaux ventilés. En cas d'incident ou d'accident, un rinçage immédiat à l'eau claire
des parties mises au contact des chimies devra être opéré pendant au moins 15
minutes (surtout s'il s'agit des yeux) et un médecin ou le centre anti-poison sera
consulté. Comme tous les produits chimiques, les liquides photo se conservent
mieux dans un endroit sombre, frais, en l'absence d'air (dont l'oxygène est un
violent oxydant).
15 La fermeture est sécurisée, mais je viens d'apprendre à mes dépends que l'ouverture est dangereuse : la
bande de fermeture est solidarisée par 3 encoches à l'entonnoir pour former le couvercle, et la partie
supérieure de ces encoches est fine et cassante... Donc en tirant « comme d'habitude », je viens de casser
une de ces retenues, et je crains que cela n'ait une influence sur l'étanchéité lumineuse. Finalement, Jobo
ne mérite pas que des louanges pour avoir laissé traîner ainsi un vice de conception caché... Certes, la
cuve a plus de 10 ans, mais il est évident que ces attaches ne peuvent que céder à la longue vu leur
finesse. Paterson semble donc plus à même de supporter un usage intensif.
16
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
Fixateur.
Le produit le plus simple à choisir est le fixateur ; en effet, globalement tous les fixateurs
sont équivalents, et présentent des performances similaires. Ils se récupèrent tous et se
conservent en général assez bien pour traiter une vingtaine de films par dose aux
dilutions préconisées par le fabriquant. Personnellement, pour des raisons économiques
essentiellement, et de vieilles habitudes, je suis fidèle à l'Agefix d'Agfa16, dilué à 1+5 pour
les négatifs ; ce même fixateur dilué à 1+7 me sert pour fixer les tirages. Mais j'ai aussi
utilisé de l'Hypam d'Ilford, sans différence appréciable (sauf le prix !) [l'Hypam est
remplacé par le Rapid Fixer depuis 2002 dans cette marque ; même dilution 1+4 mais plus
d'acide borique dans la composition].
Révélateur.
Le révélateur est un choix plus complexe, car les films "T" imposent l'usage d'un
révélateur adapté tel que le révélateur Kodak Tmax, ou un révélateur récent comme l'Xtol.
Pour les films d'une technologie plus antique, n'importe quel révélateur classique fait
l'affaire, et là encore, mention spéciale pour le vénérable Agfa Rodinal 17 (la formule a plus
de 110 ans) qui a l'élégance d'être à la fois très économique, très concentré (dilution
habituelle de 1+50, mais on trouve des personnes qui ne jurent que par des dilutions à
1+200 – en revanche, la dilution 1+25 pourtant recommandée est définitivement trop forte
et fait exploser le contraste), pratique car liquide (on peut le préparer juste avant le
développement), et très efficace. Je l'utilise en principe dilué à bain perdu, vu son faible
coût, ce qui assure une certaine homogénéité de traitement et épargne l'inévitable
angoisse de la réutilisation d'un révélateur dont on ignore l'état. Comme rien ne peut
jamais être parfait, le Rodinal est réputé pour produire du grain ; les fans le trouvent beau,
16 Agfa ayant fait faillite, ses activités chimie ont été reprises par a&o. Le Rodinal est donc de nouveau
disponible, pour les autres produits, l'avenir le dira... http://www.ao-services.de/ao_web/ [09/05/06]
17 Selon "The Darkroom Cookbook", une formule équivalente au rodinal commercial serait :
« Solution A :
Water (52c): 750ml
P-Aminophenol hydrochloride: 100g
Potassium metabisulfate[1]: 300g
Cold water to make up to 3000ml
Solution B:
Sodium hydroxide: 50g
Cold water: 100ml
[will generate heat when being
made; must leave it to cool]
Allow solution A to cool. A precipitate of p-Amenophenol hydrochloride will form. Slowly add,
drop by drop, solution B to solution A until the precipitate almost disappears. Do not dissolve all of the
visible precipitate! Leave a few crystals undissolved (as few as two or three). If this is done properly, the
remaining crystals will dissolve of their own accord, and the developer will, in time, turn deep dark brown.
However, the unused stock solution will last for several years. Use as you would Rodinal. »
17
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
ceux qui ne jurent que par la finesse extrême disent que c'est affreux... Là encore, seul un
essai permet de se faire sa propre opinion.
Mais on trouve plus facilement de l'Ilford ID-11 ou du Kodak D-76 qui sont deux
excellents produits en poudre (et en réalité chimiquement identiques). Ils se conservent
bien, et on peut traiter environ 6 films avec 1 litre en réutilisant le bain sans dilution, en
augmentant la durée de développement de 10% à chaque réutilisation, mais ils doivent
être préparés dans de l'eau à 45 °C, la veille, pour avoir le temps de refroidir. Rien de plus
énervant que d'avoir une pellicule à développer et de se rendre compte qu'il faut remettre
car on n'a pas de chimie prête.
Dans la même veine, en plus récent, on trouve chez Kodak le Xtol qui serait moins
polluant pour l'environnement, car à base d'acide ascorbique, plus connu sous le nom de
vitamine C. Son emploi est réputé délicat, mais son rendu serait un des plus respectueux
pour les films.
Enfin, il existe de nombreux autres révélateurs qu'il serait fastidieux d'énumérer, chacun
ayant en la matière ses habitudes, il convient de procéder à quelques essais et surtout de
considérer la facilité à se procurer certaines références selon l'endroit où l'on réside.
Notons tout de même l'existence de révélateurs à ne pas utiliser en usage courant car ils
sont réservés à des pellicules spéciales afin de préserver leurs caractéristiques, comme le
microphen qui a pour vocation de diminuer le grain apparent de films très peu sensibles
et très fins utilisés en reprographie.
Bain d'arrêt.
Le bain d'arrêt s'utilise optionnellement entre le révélateur (qu'il neutralise) et le fixateur
(qu'il préserve). On peut très bien arrêter la révélation par un lavage à l'eau courante
d'une minute, mais l'action du révélateur continuera quelque secondes de plus de manière
diffuse et moins contrôlable. Le bain d'arrêt est un acide qui bloque immédiatement la
révélation car la révélation se fait uniquement en milieu basique18, sauf avec l'Xtol. Son
usage est donc particulièrement recommandé, sauf à développer sa pellicule sur un
champ de bataille.
L'acide du bain d'arrêt est de l'acide acétique dilué à 2% à partir d'une solution vendue
(chèrement) concentrée à 40% (dilution 1+19) [Ilfostop d'Ilford, par exemple]. Soit. On
peut déjà remplacer ce produit par de l'acide acétique « glacial » qu'on diluera selon
concentration. Mais même ce produit sera avantageusement remplacé par du vinaigre
18 Nb : on distingue les acides des bases par leur « potentiel hydrogène » ou pH par rapport à l'eau (pH=7) ;
les acides ont un pH inférieur à l'eau, et les bases un pH supérieur. Mais si psychologiquement, « acide »
est assez bien associé à « danger », les bases n'inspirent pas, à tort, le même réflexe. C'est une grosse
erreur que de les traiter par le mépris : les bases (auxquelles appartient la soude caustique, par exemple),
sont tout aussi corrosives et dangereuses pour l'organisme que les acides. Ce sont de vrais poisons, qu'il
faut traiter avec prudence et respect.
18
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
d'alcool "cristal" 8% dilué à 1+3 : le produit aura une efficacité identique, pour une fraction
du prix même en lot de 5 bouteilles pour obtenir une quantité finale équivalente. La
différence essentielle entre l'acide acétique industriel et le vinaigre, c'est l'origine
organique de ce dernier, ce qui peut induire une contamination, donc un risque
d'instabilité ultérieur de la pellicule. En pratique, je n'ai jamais lu personne qui se soit
plaint de cette substitution, et les conditions de fabrication du vinaigre d'alcool sont très
strictes et excluent en pratique une telle contamination organique sauf à l'état de traces19.
Le bain d'arrêt se réutilise, 1 litre d'acide à 2% peut traiter jusqu'à 15 films. Et le vinaigre
d'alcool sera très utile pour compléter une vinaigrette ou enlever le calcaire d'une cafetière
sans remords, ce qu'on hésitera à faire avec de l'Ilfostop.
Une autre méthode pour se procurer du bain d'arrêt sans bourse délier consiste à garder
son vieux fixateur. En effet, ce fixateur saturé d'argent ne peut plus remplir son office,
mais son acidité demeure, ce qui suffit à arrêter l'action du révélateur. On ne le jettera
donc que quand son remplaçant aura été à son tour usé, et celui-ci prendra à son tour la
place de bain d'arrêt.
Agent mouillant.
Là encore, produit optionnel utilisé à la fin du lavage final, l'agent mouillant-le-malnommé sert en réalité à améliorer le séchage grâce à ses propriétés hydrophobes ; il
prévient également la formation de gouttes sur le film, et le dépôt de traces calcaires. Dans
les régions où l'eau est dure (notamment dans le bassin parisien, au sens large), il est en
réalité indispensable. Ce produit s'appelle Ilfotol chez Ilford, mais il est bien mieux connu
sous l'appellation « produit vaisselle » dans le grand public. Quelques gouttes d'un tel
nettoyant le plus neutre possible dans un grand litre d'eau produisent exactement le
même résultat que le produit spécialisé, pour un prix beaucoup plus raisonnable que celui
du circuit photo. Sans être encore un « vieux de la vieille », j'ai des négatifs vieux de plus
de 10 ans lavés de cette manière qui témoignent que ce détournement de produits
ménagers n'a pas d'influence néfaste sur la conservation ultérieure des clichés. Il faut
néanmoins avoir la main très légère, une pellicule n'a pas autant besoin d'être dégraissée
qu'un plat à four constellé de graisses carbonisées. En fait, il ne faut même pas que ce bain
mousse, une ou deux bulles suffiront largement.
Quand faut y aller...
Dans le noir.
La manipulation de la pellicule doit s'opérer dans le noir intégral, car sa sensibilité est dite
« panchromatique » (ce qui signifie que la couche sensible réagit à toutes les longueurs
d'onde de la lumière visible, et même parfois en-deçà pour les films Infra Rouges, qui sont
19 Ce qui signifie vraiment très peu pour un chimiste qui sait compter des ppm (parties par million).
19
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
aussi sensibles à la chaleur). L'éclairage rouge de laboratoire, lui, est réservé au traitement
du papier dont la sensibilité est dite « orthochromatique », ce qui signifie qu'il ne réagit
qu'à la lumière bleue, principalement. Mais la manipulation dans le noir est heureusement
sèche, donc n'importe quel coin de placard, pièce aveugle ou même un manchon spécial
suffisent à procurer l'obscurité nécessaire pour faire passer le film de sa cartouche à la
spire et fermer la cuve. Toutes les autres opérations, « humides », pourront se faire à la
lumière, dans la cuisine ou la salle de bain car l'eau courante devra être à porté de la main.
Il est vivement conseillé de s'entraîner sur un film économique vierge pour bien
comprendre comment réaliser les opérations au toucher. N'importe quel film 12 poses
couleur bas de gamme convient comme victime de ce sacrifice. Avec un décapsuleur, on
ôte le couvercle situé au bout de la cartouche, du côté plat. Ce couvercle est assez serré et
le décapsuleur a parfois un peu de mal à trouver une prise, le meilleur angle d'attaque se
situe du côté de la fente par laquelle le film a circulé. Une fois le couvercle ôté, on appuie
sur l'axe qui dépasse de l'autre côté avec l'index de la main gauche (si on est droitier), la
cartouche tenue entre le pouce et le majeur de cette même main. La main droite récupère
la bobine de l'autre côté en maintenant le film enroulé. Rien à craindre des traces de doigt,
puisqu'on serre à cet instant l'amorce du film et qu'il n'y a pas de photo à cet endroit. À
partir de là plusieurs écoles s'affrontent, il y a ceux qui ôtent l'amorce au jugé d'un coup
de ciseaux perpendiculaire au film en arrondissant légèrement les angles aigus entre deux
perforations (très important), et qui commencent l'enroulement dans ce sens sur la spire ;
d'autres suivent une voie plus paresseuse et déroulent complètement le film. Arrivé à
l'extrémité, le film est tenu sur l'axe soit par une excroissance du support en polyéthylène
coincée mécaniquement dans une encoche de l'axe, soit il est collé par une pastille
adhésive. Dans l'un ou l'autre cas, une torsion sèche du film au ras de l'axe le libère, et un
petit coup de ciseaux nettoie facilement l'extrémité des débris de la pastille ou de la
boucle. Avantage : le film a une finition arrondie de ce côté qui facilite son bobinage sur la
spire, il n'y a donc pratiquement rien à faire. Quoiqu'il arrive, jeter les débris de la
cartouche derrière soi au fur et à mesure pour ne pas les mélanger avec le reste des
éléments de la cuve qu'on aura pris soin de disposer de manière à les trouver facilement,
orientés et dans l'ordre d'utilisation. Une dernière méthode, plus simple, consiste à laisser
dépasser l'amorce lors du rembobinage, de la couper en arrondi à la lumière, puis, une
fois dans l'obscurité, d'enrouler le film sur la spire en le tirant hors de la cartouche. Mais si
un grain de sable s'est pris dans le feutre de la fente, il y a un risque de rayure non
négligeable du négatif. Sans compter que si on ne prend pas la précaution de plier
l'amorce pour la marquer, on risque fort d'utiliser deux fois le même film. À réserver aux
photographes soigneux, donc ! Une variante consiste encore à aller rechercher l'amorce
dans la cartouche avec divers ustensiles apparentés soit au papier tue-mouche, soit à la
fourchette à huître, mais c'est à la fois dangereux et peu utile, voir complètement interdit
avec les films infra-rouges sous peine de faire entrer un jour par la fente.
Quelle que soit la méthode retenue, prendre la spire dans la main gauche, encoche vers le
bas (une excroissance de plastique en forme de flèche sur chaque plateau permet de se
20
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
repérer au toucher) et pousser l'extrémité du film sur un ou deux centimètres avec la main
droite ; quand le film est bien engagé, en le calant avec le pouce gauche, mettre la main
droite sur le plateau droit de la spire, poser le pouce droit sur le film, lever le pouce
gauche et faire tourner le plateau droit vers l'avant jusqu'à la butée en entraînant le film
qui commence à s'enrouler vers l'intérieur. Poser le pouce gauche, lever le droit, et
ramenez le plateau gauche au niveau du droit ; recommencer ad lib, jusqu'à enroulement
quasi-complet du film. Si tout s'est passé sans accrocs, il n'y a plus qu'à couper le bout
flottant de l'amorce, qui sinon viendrait se coller sur la dorsale du tour suivant (mauvaise
idée car des produits chimiques risqueraient de s'y piéger, et pourraient provoquer toute
sorte de désagréments), ou décrocher l'extrémité du film de l'axe d'un coup de ciseaux.
S'assurer que tout le film est désormais bien dans les rails, et qu'aucun bout ne dépasse.
Comme l'opération ne se déroule jamais parfaitement, autant savoir que le film risque de
se coincer et refusera parfois de continuer à avancer. Ce problème se produit en général
avec des spires mal nettoyées qui deviennent rugueuses. Surtout, garder son calme et ne
jamais forcer. Plus les angles du bout de la pellicule sont aigus, plus ce problème a de
chance de se manifester, d'où l'intérêt de les arrondir entre deux perforations. Commencer
par ramener le plateau doucement, sans tenir le film, et « frictionner » légèrement et
alternativement avec les deux plateaux avec de petits mouvements avant-arrière jusqu'à
disparition de la résistance. Si la manoeuvre est insuffisante, appuyer sur les côtés du film
au travers des rails du secteur aminci de la spire jobo, une face puis l'autre. Normalement,
le film va finir par retrouver une position correcte. Si toutefois le blocage persiste, dérouler
le film en tirant délicatement dessus, vérifier son extrémité à la main (elle ne doit pas
accrocher, sinon un petit ébarbage aux ciseaux s'impose) et recommencer. Calmement.
Si rien ne marche, plutôt que de céder au désespoir et tout gâcher sur un coup de tête en
allumant la lumière, rouler le film assez lâchement, le mettre dans le fond de la cuve,
positionner l'axe central20 et fermer avec le couvercle. Sortir respirer et laisser passer
quelques temps de décontraction, en profiter pour vérifier et nettoyer la spire à la lumière
(voir refaire un entraînement sur la pellicule de test), revenir dans le noir et recommencer
à zéro.
Bref, une fois le film maté (pour débuter, les films courts de 12 ou 24 poses sont bien plus
faciles à préparer que les 36 poses), glisser l'axe de la cuve dans le trou central de la spire,
disposer dans le fond de la cuve, fermer le couvercle labyrinthe ; avec une jobo, s'assurer
que le bandeau de fermeture est bien en place, totalement descendu. Rallumer la lumière,
le plus dur est passé.
Détail : garder l'amorce du film, elle sert à tester l'efficacité du fixateur qui est toujours
réutilisé plusieurs fois.
Considérations prosaïques : le lieu le plus adapté est sans contestation des toilettes
20 L'axe fait partie intégrante de l'étanchéité lumineuse, sans lui la lumière entrerait par l'entonnoir dans la
cuve.
21
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
aveugles. On peut utiliser le couvercle de la cuvette pour disposer les éléments de la cuve,
on peut s'asseoir en tailleur par terre, et les lieux sont souvent bien ventilés (on attrape
vite chaud dans un lieu sombre sous le coup de la concentration). Là déjà, l'ennemi n°1 du
labo vous guette : rien de pire que les minuscules grains de poussière qui ont été créés
spécialement pour faire des taches blanches dans vos chef-d'oeuvres. Il n'y a aucun
remède miracle, mais en général je couvre le sol avec de la nappe pour pique-nique
intissée (qui ne peluche donc pas). Assis ou accroupi, si le film m'échappe et touche le sol,
je minimise ainsi les risques de contamination avec la poussière. Je dispose devant moi la
spire à gauche, la cuve avec l'axe dedans au centre, et le couvercle à droite. Je porte dans
une poche arrière le décapsuleur et la paire de ciseaux. Je vérifie en fermant les yeux avant
d'éteindre que je peux trouver n'importe quel morceau sans en heurter et en déplacer un
autre, facilement. Enfin, une fois que je sais exactement où sont toute les pièces du puzzle,
j'éteins, et par sécurité j'attends plusieurs minutes avant de commencer pour être sûr qu'il
n'y a pas de fuite de lumière sous ou sur la porte, car une variation de température peut
créer facilement un jour qui n'était pas là la semaine précédente. Bien sûr, je n'emporte pas
de téléphone portable avec moi, ni aucun objet susceptible d'émettre une quelconque
lumière au moment le plus inopportun (même pas une montre à aiguilles lumineuses), et
je vérifie que le trou de la serrure est occulté.
À la lumière.
Si on utilise des concentrés liquides à bain perdu, il est temps de préparer les solutions
diluées. Sinon, on aura pris soin de préparer son D76 la veille pour que le 'stock' soit à une
température convenable. Ensuite, on pourra enfin révéler sa pellicule.
Chimie pour les nuls.
Le révélateur comme le fixateur sont devenus des produits d'emploi facile grâce aux
efforts des industriels ; pour débuter, pas besoin de balance d'apothicaire, ni de dosage au
goutte à goutte. Certains amateurs très confirmés retouchent des solutions du commerce
par adjonction de certains produits chimiques, afin d'en modifier certaines propriétés, voir
fabriquent eux-mêmes leurs produits, mais pour la majorité, les produits commerciaux
sont déjà si nombreux et si divers qu'il n'y a pas de véritable intérêt à essayer de bidouiller
quoi que ce soit. Le respect des notices est bien plus important pour espérer obtenir un
résultat constant.
On s'assurera de disposer d'une ou deux éprouvettes graduées en millilitres (de 0 à 300, en
principe), d'un broc gradué jusqu'à un litre, et en cas de manipulation d'un concentré très
puissant type rodinal, d'une pipette graduée entre 0 et 20 millilitres.
Tous les produits se mélangent avec de l'eau, et sauf soin maniaque du détail, l'eau du
robinet suffit (même dure), à moins qu'elle ne contienne des particules en suspension
auquel cas on se rabattra sur de l'eau de source. Si elle est très chlorée à l'odeur, on la
laissera reposer une nuit en seau pour que les gaz dissous s'évacuent d'eux-mêmes.
22
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
Les proportions ne sont pas indiquées en pourcentage, contrairement aux pratiques de la
chimie de lycée, mais sous la forme 1+N où N représente toujours le volume d'eau à
ajouter à 1 volume de concentré pour atteindre la dissolution souhaitée. Pour les poudres,
il n'y a qu'une méthode de préparation de la solution stock, indiquée dans le mode
d'emploi ; en général, on prépare environ 800 ml d'eau à 45 °C, on y verse - étape par étape
- un sachet en touillant pour dissoudre les cristaux (on touille jusqu'à ce que chaque
pincée successive soit bien incorporée à l'eau avant de verser quelques cristaux
supplémentaires). S'il y a plusieurs sachets, A, B, etc, on incorpore sachet par sachet dans
l'ordre des lettres. Enfin, on rajoute 200 ml d'eau froide pour faire 1 L.
C'est à ce moment qu'une question cruciale se pose : doit-on travailler à concentration
maximale et réutiliser les bains plusieurs fois, ou diluer au maximum préconisé le
concentré ou la solution stock et jeter les bains à chaque fois (on dit : « travailler à bains
perdus ») ? La réponse n'est pas univoque ; la réutilisation est plus économique, mais
aussi plus risquée, alors que le traitement à bain perdu est plus fiable, donne des résultats
presque invariables, mais coûte un peu plus cher. Le vrai critère, c'est la fréquence
d'utilisation. Si on développe une ou deux pellicules par mois, l'oxydation des bains
récupérés est trop incontrôlable, il vaut mieux pratiquer à bains perdus. Si on traite
plusieurs films par semaine, il faudra réutiliser ses bains, qui auront moins vieillis. Au
départ, il vaut de toute manière mieux apprendre à bains perdus pour exclure le facteur
oxydation des (rares) causes potentielles d'échec. Quoiqu'il arrive, on récupère et réutilise
toujours son fixateur qui permet de traiter jusqu'à 20 pellicules ; pour savoir si un fixateur
est toujours assez puissant, prendre l'amorce du film récupérée, la plonger dans le fixateur
de la fois précédente. La partie immergée doit devenir transparente dans un délai
d'environ moitié de celui préconisé pour le fixage complet par le fabriquant. Si le temps
mis est trop au-dessus de cette limite, le fixateur est bon à renouveler. [Explication
« poétique » : le fixateur sert à laver la pellicule des ions Ag+ non stabilisés en Ag
métallique par le révélateur ; comme on n'a rien révélé, il n'y a sur l'amorce que des ions
Ag+ qui doivent donc tous être lavés]. Si on ne teste pas le fixateur, par prudence on ne
traitera pas plus de 10 bobines avec la solution.
Le truc, c'est de partir de la quantité souhaitée de solution finale ; en général, dans les 500
ml. On divise cette quantité par N+1, ce qui donne le volume de concentré à utiliser et on
multiplie par N pour connaître la quantité d'eau à ajouter. Ou alors, si on ne veut pas se
fatiguer à prendre la calculette ou que le volume de concentré est très petit, on part d'un
volume de concentré facile à évaluer (rodinal : 10 ml), et on ajoute l'eau en proportion en
multipliant par N (ici, à bain perdu, 50, donc 500 ml). La différence est assez minime pour
être négligée. En revanche, on dose toujours le concentré en premier et l'eau ensuite dans
la même éprouvette pour capter toutes les molécules actives par rinçage, au lieu de
l'inverse où du concentré va fatalement rester sur les parois du verre, faussant d'autant
plus le dosage que les volumes en jeu seront faibles.
Le paramètre le plus important, lors de la fabrication des solutions de travail, c'est la
23
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
température de l'eau. Pour beaucoup, le Graal, c'est de préparer des solutions de travail à
20 °C, parce qu'il s'agit en général de la température recommandée par le fabriquant pour
développer, et souvent, l'emballage de la cartouche n'indique le temps de développement
que pour cette seule température. Au risque de choquer, je ne suis pas sûr que ça soit le
choix le plus pertinent. En effet, en été, il n'est pas toujours facile d'avoir de l'eau à moins
de 21 ou 22 °C au robinet, et quand bien même, il y a un tel différentiel entre la solution et
l'extérieur que le mélange se réchauffe très vite. En revanche, avec la multiplication des
chauffe-eau, il est facile d'avoir de l'eau à 22° - 23° même en hiver, et le temps de
développement en est raccourci souvent de 2 minutes. Mais peu importe, le tout est de
trouver une température qu'on arrive à produire facilement entre 20 °C et 24 °C, et à
reproduire tout au long de l'année pour la constance des traitements. Autre avantage à
travailler un peu « chaud » : on est moins dérouté avec les Tmax qui se comportent mieux
au-dessus de 22 °C.
Attention, le soin apporté à la mesure des températures, et la précision en la matière est
absolument fondamental pour la réussite du développement ; on ne pourra jamais
rattraper une pellicule mal développée à cause d'une mesure « artistique » des bains.
Néanmoins, on peut en profiter pour se former une « main » en apprenant à reconnaître
les sensations de l'eau coulant sur la peau, qui sera utile lors des rinçages à l'eau courante :
une eau glacée ne lave pas, une eau froide est proche de 20 °C, une eau presque tiède est
déjà trop chaude et risque de faire réticuler la gélatine de la pellicule. Une eau chaude est
toujours beaucoup trop chaude. À chacun d'adapter cette échelle à sa sensibilité.
Enfin, entre chaque dosage, il faut rincer à l'eau toute la verrerie de manière approfondie
(plusieurs minutes en eau courante), mais sans détergent dont on ne sait jamais quelles
seront les réactions face à des produits chimiques (il y a des mélanges très dangereux qui
provoquent des émanations toxiques invisibles ; même dans la vie courante, il est très
malsain par exemple de mettre en contact du produit vitre et un détergent ammoniaqué la fumée peut être jolie, mais elle est très dangereuse).
Le temps, c'est de l'argent.
... au moins sur la pellicule. Une explication un peu littéraire de la cinétique chimique
s'impose : Les réactions chimiques qu'on voit au collège ou au lycée sont en général
poursuivies jusqu'à stabilisation complète des solutions. Ce n'est pas le cas en photo, où
on vise au contraire à provoquer des réactions partielles de manière contrôlée, à les
bloquer dans un état et à les stabiliser dans cet état. Réactions d'autant plus complexes à
maîtriser qu'elles sont à la fois photo- et thermo- sensibles. Le côté photosensible est réglé
par la cuve opaque, qui assure un milieu totalement obscur. Reste la thermosensibilité, qui
est contrôlée par la mesure du temps de développement.
En effet, lors de l'insolation du négatif pendant la prise de vue, des photosites de petite
taille ont été créés par mutation d'ions d'argent en argent métallique ; en réalité, très peu
24
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
d'ions Ag+ ont eu la chance de capter un électron sous l'influence énergétique d'un des
rares photon qui a atteint le film pendant le court laps de temps de l'exposition. Le rôle du
révélateur, c'est donc de poursuivre cette réaction de manière localisée en apportant des
électrons aux halogénures d'argent situés à proximité des photosites pour composer de
l'argent métallique par croissance.
Conséquence : plus on laisse le négatif dans la soupe, plus la croissance dure longtemps,
et plus il y a d'ions Ag+ transformés en Ag. Mis en termes photographiques, ça veut dire
aussi que plus on laisse la décoction mariner, plus on permet à des zones faiblement
éclairées du négatif de participer à la création d'un masque argentique opaque, et plus ces
zones apparaissent claires au tirage : augmenter le temps revient donc à surexposer le
négatif, ou à donner l'apparence d'une augmentation de la durée d'exposition, ou encore à
augmenter la sensibilité de la pellicule. Toutes ces notions sont chimiquement étroitement
liées.
Mais qu'est-ce qui, au niveau moléculaire, permet ces réactions ? Simplement, c'est le
mouvement naturel permanent des molécules les unes par rapport aux autres qui amène
les différents produits au contact, et leur permet de réagir entre eux. Conséquence : plus
on agite, plus on apporte d'électrons près des ions Ag+, plus on fabrique d'Ag. C'est
pourquoi les indications d'agitation sont bien précisées dans les modes d'emploi des
négatifs et des révélateurs, sous la forme « agitation constante pendant les 30 premières
secondes puis agitation de 5 secondes toutes les 30 secondes ». Or, le facteur principal
physique d'agitation moléculaire, c'est la chaleur. Quand l'eau est congelée, les molécules
en réalité n'ont pas assez d'énergie calorique pour bouger les unes par rapport aux autres,
d'où l'aspect de glace solide de l'eau dans cet état ; au contraire, si on apporte de l'énergie
sous forme de chaleur, on agite les molécules, et l'eau devient liquide (les molécules sont
encore liées par des forces faibles), et si on apporte beaucoup d'énergie calorique, on
rompt les dernières liaisons entre molécules et l'eau devient un gaz. Ces principes
s'appliquent à tous les corps, à des degrés divers. Bref, en un mot : Chauffer ou secouer
des produits chimiques en cours de réaction est équivalent à laisser la même réaction se
produire plus longtemps dans un milieu calme ou frais.
L'ordre de grandeur de la précision requise en la matière, c'est le 1/2 °C, une paire de
secondes, et une agitation conforme aux recommandations (il vaut mieux ne pas trop
jouer avec ce paramètre, car une trop faible agitation va laisser localement au contact du
négatif des réactifs affaiblis sur certaines zones, et d'autres plus virulents sur d'autres
zones : le développement ne sera pas constant sur la totalité de l'image ; à l'opposé, une
agitation trop accentuée va sur-développer le négatif d'une manière beaucoup plus
incontrôlable qu'une augmentation du temps ou l'usage d'une solution plus chaude, qui
sont des paramètres faciles à mesurer).
Détermination du temps de révélation.
Les boîtes en carton dans lesquelles les pellicules sont vendues contiennent le tableau des
25
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
temps de développement à 20 °C pour plusieurs révélateurs courant du marché. Parfois,
un temps est aussi donné pour d'autres indices d'exposition que le nombre iso nominal, et
parfois, les temps sont indiqués pour plusieurs température. En général, ces indications
sont suffisantes, mais on trouve des tableaux plus complets sur les sites internet des
fabriquants qui indiquent pour de nombreuses températures les temps suggérés de
développement. Internet permet aussi de trouver de nombreuses suggestions
d'utilisateurs, qui ne vont pas forcément dans le sens des préconisations officielles. Les
temps donnés par Agfa ont tendance à favoriser un contraste élevé, Kodak a plutôt le
défaut inverse. Seule l'expérience personnelle permet de choisir ce qui convient le mieux à
son « style », car en définitive c'est bien de cela qu'il s'agit.
Si toutefois, on ne parvient pas à déterminer le temps nécessaire à une température
connue, on peut toujours se débrouiller pour faire une approximation linéaire entre deux
couples (temps 1/ T° 1) et (temps 2 / T° 2) pour déterminer un temps 3 à une T° 3. Entre
20 et 24 °C, l'évolution des temps de traitement suit en effet globalement une droite, endeçà les réactifs sont trop froids, et au-delà la gélatine risque d'exploser en petits
morceaux (on dit qu'elle réticule car l'effet visuel est celui d'un réseau de mailles noires
entourant des fragments d'image : voulu, c'est un effet, involontaire, c'est une catastrophe
irréparable).
En pratique.
Prémouiller ou ne pas prémouiller, telle est la question. Enfin, la première des questions,
dans l'ordre chronologique. On appelle « prémouillage » le fait de remplir la cuve par de
l'eau du robinet avant d'y mettre le révélateur. Les gains supposés de cette pratique, c'est
d'amollir la gélatine pour la rendre plus réceptive au révélateur, d'éviter la formation de
bulles d'air qui formeraient des taches blanches sur la photo (zones non développées),
plus tout un tas de vertus dont la liste exhaustive se compare avec les bienfaits attendus
d'une cure thermale. Les opposants au prémouillage (il y en a !) pointent du doigt que la
gélatine prémouillée acceptant mieux le révélateur, justement, le négatif en ressort
surdéveloppé. Il faut donc agiter un peu moins, ou réduire de quelques dizaines de
secondes le temps d'action du révélateur. Peu importe. En pratique, prémouiller ne fait
pas de mal, et rassure quant à la formation éventuelle de bulles d'air, donc, c'est quand
même globalement très recommandable. On remplira donc la cuve d'eau, qu'on agitera
pendant environ une minute, et qu'on videra dans l'évier. En général, le masque bleuté
disparaîtra en même temps, ce qui fera toujours un truc de moins dans le révélateur, si on
envisage de le récupérer ensuite.
Ensuite, on verse le révélateur en commençant à compter le temps. On verse la quantité de
produit nécessaire à la cuve (contenance indiquée sur celle-ci), franchement mais pas non
plus brutalement (il ne faut pas créer de bulles, mais il ne faut pas non plus que le bas de
la pellicule soit plus développé que le haut). Dès que le versement est fini, on clipe le
couvercle, et on retourne plusieurs fois le cylindre de bas en haut pendant les 30
26
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
premières secondes. À la fin, on tapote fermement (mais sans excès) le fond de la cuve sur
un torchon, façon tequila frappée pour décrocher une éventuelle bulle (eh oui, c'est le
pépin n°1 qui peut ruiner une photo comme un rien). On laisse reposer 30 secondes, et on
retourne trois ou quatre fois la cuve, on tapote, on repose 30 secondes, et on recommence
jusqu'à atteindre le temps de développement préconisé moins 20 ~ 30 secondes. Là, on
vide le révélateur, soit dans l'évier (bain perdu), soit dans sa bouteille, en se débrouillant
pour que la fin de la vidange coïncide avec le temps total visé, et on rince à l'eau pendant
une minute ou on laisse agir le bain d'arrêt.
Après vidange du bain d'arrêt, on fixe pendant le délai préconisé en agitant un peu le
fixateur (20% du temps de fixage, réparti sur le total, environ), et en tapotant toujours
pour éviter les bulles. L'action du fixateur va être de se lier avec les ions Ag+ non
transformés et les ions négatifs (Br-, souvent) qui formaient le sel photosensible pour
composer un nouveau sel, complexe, mais surtout : soluble dans l'eau.
Le rinçage
On comprend dès lors que le rinçage soit une étape tout aussi cruciale que la révélation et
le fixage ; il ne s'agit pas seulement de supprimer toute trace des produits chimiques
liquides dans lequel le film a baigné, mais encore et surtout d'ôter du substrat du négatif des
molécules qui finiraient à la longue par se transformer en abîmant l'image. C'est aussi pour
cette raison que le rinçage est une opération longue qui ne peut pas se faire à froid, mais
nécessite de l'eau à une température supérieure à 14°, préférablement comprise entre 20
°C et 24 °C : il y a une dernière réaction chimique qui s'opère à ce stade, et la dissolution
du sel final n'est pas instantanée21.
Il est possible d'accélérer le processus avec un tuyau de lavage, mais on peut aussi laver
en plusieurs bains d'eau successifs, en changeant l'eau de la cuve toute les 2 - 3 minutes
pendant environ 15 minutes. Enfin, on ouvre la cuve pleine, on sort la spire qu'on
replonge immédiatement dans une cuvette remplie d'eau additionnée d'agent mouillant
(pas besoin que ça mousse, quelques bulles suffisent), une dernière agitation en ouvrant la
spire pour libérer le film et on suspend le film avec deux pinces (dont au moins celle du
bas est lestée) pour le laisser sécher.
Pour les pinces, mon choix s'est arrêté sur des crochets fournis par tous les (bons) bottiers
pour suspendre les bottes sans abimer la tige. La pince qui termine ces crochets est
protégée par du caoutchouc, et l'ensemble assez lourd. Il est temps de trouver dans vos
21 En réalité, elle n'est pas non plus totale ; il se créé un phénomène d'équilibre chimique entre l'eau de
lavage et le substrat qui fait qu'à partir d'une certain pourcentage de sels dans l'eau, par rapport à ceux
restant dans le substrat, il n'y a plus de dissolution. Changer l'eau permet donc de diminuer
régulièrement la valeur absolue de la quantité de sels résiduels, mais le lavage ne peut jamais être
complet car l'équilibre eau/substrat se reproduit à chaque bain successif. Il existe un test dit « du
thiosulfate de sodium résiduel » qui permet de déterminer si le lavage est suffisant, mais il est cher et
réservé aux travaux professionnels d'archivage et de conservation.
27
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
relations une fashion victim qui entretient des rapports privilégiés avec son chausseur pour
vous fournir, car les vendeurs sont assez avares de ces babioles.
Une fois suspendu, le film doit être essoré pour éviter les marques de gouttes et de
calcaire. Tous les ustensiles, de la raclette caoutchouc à la peau de chamois en passant par
le balai d'essuie-glace sont à proscrire : ils rayent le film. Le meilleur outil, c'est de pincer
le film entre le majeur et l'index et de descendre toute sa longueur pour en chasser l'eau,
en prenant garde de ne pas serrer, surtout côté gélatine qui est très sensible et peut à ce
stade se décoller très facilement du support plastique22.
Il n'y a plus qu'à laisser sécher à l'abri de la poussière ; on peut accélérer le séchage avec
un sèche-cheveux à air froid (dit « canon à poussière », vous êtes prévenus). On peut
même y arriver avec un sèche cheveux à air chaud, mais en tenant l'appareil à très bonne
distance et en balayant largement pour ne pas concentrer d'air trop chaud sur un point
précis du film. Mais ça n'est pas très recommandé, sauf urgence.
Le négatif sec peut enfin être débité aux ciseaux en bandes, de 4 à 6 vues en moyenne. Les
labos pro rendent des bandes de 6, paraît-il, de même que les porte-négatifs des scanners
films acceptent 6 vues, mais ça implique de faire des planches sur de grandes (et chères)
feuilles de papier, et les labos grand publics n'aiment pas faire des retirages sur de trop
grandes bandes – beaucoup les coupent sans demander son avis au photographe qui a
commandé les retirages ou les agrandissements, ce qui fait toujours plaisir !
On évitera les porte-négatifs où les bandes sont individuellement glissées dans des
rangées sur une feuille, surtout ceux en plastique transparent pour cause de risque de
rayures, et on se rabattra sur du papier cristal (idéalement de ph neutre, mais c'est
spécialisé et plus cher) dont on formera une pochette en pliant une feuille en deux, et dans
laquelle les bandes de négatif seront insérées ensemble, gélatine contre dorsale de la
bande suivante. Ladite pochette, marquée d'un chiffre identique à la planche contact, sera
archivée dans une boîte à l'abri de l'air et des poussières en dehors des moments où on en
fera des tirages.
Exploitation du négatif.
Se faire du mal : la planche contact.
La technique de l'opération est d'une simplicité quasi-biblique, la difficulté vient suite à
l'examen de la planche elle-même une fois terminée, car il faudra choisir quelles photos
méritent d'être tirées. Et pour qui est doué d'un sens critique minimal, les élues sont bien
peu nombreuses... Et les défauts bien criants !
22 Une variante consiste à essorer le film dans la spire, en faisant tourner celle-ci comme une essoreuse au
bout d'un fil... sportif mais efficace, impose de pratiquer en extérieur.
28
Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
Pour faire une planche, il faut du papier photo dit « resin coated » (RC) ou « plastique »,
du révélateur papier (ce n'est pas le même que le révélateur film, il est toujours beaucoup
plus puissant, mais n'importe lequel suffit ici), le même fixateur et le même bain d'arrêt
que pour développer. Il faut aussi une vitre de taille supérieure au papier, un tapis de
souris dos "néoprène", une source de lumière (un flash d'appareil convient très bien), une
ampoule inactinique (rouge ou vert-jaune), une pièce noire, trois cuvettes et un évier.
L'analyse ultérieure de la PC nécessitera une loupe, compte-fil si possible. Comme on le
voit, le matériel est absolument minimaliste, à part le flash et la lampe inactinique. Il est
donc possible de tirer des contacts avant même de posséder un agrandisseur, ce qui
permet de sélectionner des photos que l'on confiera pour tirage dans le circuit habituel.
Dans chacune des cuvette, on prépare une solution de révélateur, de bain d'arrêt et de
fixateur ; les principes chimiques sont les mêmes que pour développer une pellicule sauf
que le révélateur papier est beaucoup plus puissant car on développe toujours « à fond ».
On rincera l'épreuve dans l'évier. On fait le noir, et on allume la lampe inactinique. On
dispose alors le tapis de souris face noire vers le haut, sur lequel on pose une feuille de
papier photo face en haut également (faut-il préciser que la boîte ne peut être ouverte
qu'en éclairage protégé ?) ; le sens de la feuille s'évalue au toucher, la surface sensible
paraît plus « lisse » au contact. Sur cette feuille, on dispose les bandes de négatif gélatine
en bas (au contact de la feuille, d'où le nom de planche contact). On termine le sandwich
avec la vitre qui va caler le tout en place par son poids, en laissant passer la lumière. Si on
dispose d'un feutre à tableaux secs, on peut écrire ce qu'on veut sur cette vitre pour
repérer le contact ensuite (n° de la pellicule, date, etc.) ; éviter de taper dans la surface des
négatifs...
Enfin, on dirige le flash vers le plafond, et si un réglage le permet, on diminue sa
puissance au 1/3 ; sinon, on met quelques épaisseurs de papier calque sur le diffuseur
(des tests sont nécessaires, mais on les fait une fois pour toute). On appuie sur la touche «
test », et *pof*, la PC est illuminée. Le plafond sert de réflecteur pour diffuser une lumière
sans ombres ni points chauds. Si on dispose déjà d'un agrandisseur, au lieu du flash on
monte la colonne au maximum, on ouvre le diaph à fond, et on allume entre 2 et 5
secondes. Là encore, des tests peuvent être nécessaires la première fois pour déterminer la
quantité de lumière idéale, que l'on obtient éventuellement en serrant un peu le diaph
d'un cran ou deux.
On démonte le sandwich, et on met le papier dans le révélateur ; normalement, les bords
doivent noircir, et les imagettes apparaître. Idéalement, les bordures du négatif seront
visibles en gris sombre sur noir. Attention, les contrastes visibles en éclairage inactinique
sont bien plus virulents qu'en lumière du jour, donc la PC a toujours l'air trop noire. Il ne
faut donc pas l'arracher du révélateur avant la fin du traitement (de 1 à 3 minutes). On
passe ensuite la feuille dans le bain d'arrêt à l'aide de pinces, sinon avec des gants !, et
enfin on la fixe de 30 secondes à 2 minutes selon instructions. La feuille fixée et égouttée,
on la rince pendant 5 minutes dans l'évier, en plusieurs eaux.
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Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
On s'assurera que la boîte de papier est bien fermée avant de sortir à la lumière pour faire
sécher la planche et l'admirer. Si elle est trop noire, on recommencera en baissant
l'intensité de l'éclairage, sinon en l'augmentant, jusqu'à satisfaction, et on notera le réglage
le meilleur car il sera ensuite adapté à la plupart des cas.
La particularité mordante de la PC, c'est qu'il est horriblement difficile à l'agrandisseur de
faire un aussi beau tirage que celui-là ; les photos sur la PC ont de superbes plages de gris,
détaillées et fouillées, vraiment merveilleuses. L'essentiel de l'art du tireur va être de
reproduire toute cette gamme subtile de gris malgré les défauts de l'agrandissement...
Le tirage.
Le tirage du négatif c'est le but ultime des opérations de labo ; on peut finir par apprécier
les étapes intermédiaires entre la prise de vue et la contemplation du cliché final, mais il
faut bien reconnaître que le développement, en particulier, est une opération fastidieuse
qui n'a presque pas d'intérêt créatif (à part pousser son film d'un ou deux diaphs, et
éventuellement réaliser un effet de réticulation ou de solarisation). Même la planche
contact est une forme de corvée, mais au moins permet-elle de toucher du doigt le produit
fini, sous forme de maquette.
Le tirage, lui, est d'une nature totalement différente : il est à la photo ce que
l'interprétation est à la composition musicale, un art propre qui transforme l'imagination
du photographe en image portée à la vue de tous. D'ailleurs, et ce n'est pas surprenant, si
tous les « grands » photographes se débrouillent au labo, la plupart laissent le soin de
leurs clichés à des professionnels reconnus qui en tireront bien plus que ce qu'ils en
auraient fait eux-mêmes.
Au tirage, tous les choix se répercutent sur la créativité de l'image ; on ne joue pas du Bach
sur un bontempi, de la même manière, le plus beau des négatifs tiré en vrac sur du papier
plastique à travers un mauvais objectif ne fera pas une photo réussie. Mais l'élément le
plus primordial, c'est l'être humain qui va interpréter la partition lumineuse, en tenant
compte de son expérience et des limites matérielles auquel il est confronté. Et comme en
musique, il est ridicule de vouloir apprendre le violon sur un stradivarius : un matériel
honnête et cohérent permet d'atteindre un résultat gratifiant assez rapidement.
Qu'entend-on par interpréter un négatif, en noir et blanc ? Et bien, en définitive, ça n'est ni
plus ni moins que compenser les limites du négatif pour restituer les intentions du
photographe sur le papier ; au-delà, on peut parler d'effets spéciaux (qui sont intéressants,
mais apportent une autre création à l'image que celle des photons de la prise de vue). En
pratique, ça consiste à masquer plus ou moins le papier sous la lumière de l'agrandisseur
avec ses mains ou des caches pour que certaines parties reçoivent plus de lumière que
d'autres et s'assombrissent (ou l'inverse : que certaines zones trop sombres ne reçoivent
pas autant de lumière que le reste de l'image et restent plus claires). Concrètement, par
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Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
exemple, le ciel d'un paysage est souvent uniformément blanc sur le papier si le sol est
rendu "normalement" gris. Pour "griser" légèrement le ciel et éventuellement y suggérer
les nuages enregistrés faiblement sur le négatif, sans rendre le sol trop noir, on cachera la
projection du sol pendant un certain temps au-delà de l'exposition qui lui convient. Le
résultat final sera beaucoup plus équilibré.
À mon sens, le masquage n'est pas un trucage ; c'est une opération artisanale qui est
pratiquement indispensable et qui fait toute la différence entre un tirage industriel et un
tirage de qualité. Toujours selon moi, et c'est pour cette raison que j'aborde ce point avant
la technique même du tirage (qui est simple, en réalité), le masquage se distingue des
effets dans le sens où justement, le but du tireur est de rester totalement invisible : un bon
masque ne se voit pas sur le papier. C'est la technique de base à maîtriser au labo. Un
masque peut éventuellement corriger légèrement une erreur de prise de vue, mais on ne
peut pas en espérer non plus de miracles.
L'invasion du marché par les papiers multigrades a donné naissance à de nouvelles
techniques d'interprétation, dont la maîtrise est tout à fait intéressante (mais moins
fondamentale) : le mélange de grades différents selon les zones du tirage pour améliorer le
modelé des éléments faiblement contrastés d'une part, et aussi le double tirage (une
première exposition au grade 0 pour environ 1/4 du temps total, suivie d'une exposition
au grade 5 pour les 3/4 restant) qui permet de différencier le tirage du modelé et des traits
en variant les proportions de temps. Et puis, il y a bien sûr tous les « trucs » individuels,
tours de mains et coups de patte plus ou moins secrets qui s'acquièrent par l'expérience, la
discussion et les essais personnels.
Matériel requis.
En plus du matériel nécessaire à la planche contact, il faut un agrandisseur avec un
objectif, un jeu de filtres multigrades si l'agrandisseur n'a pas de "tête couleur", et
optionnellement un compte-pose (qui est un chronomètre branché entre l'agrandisseur et
la prise de courant, chargé de mesurer avec précision les durée d'exposition). Si l'on ne
dispose pas de la vue bionique de l'homme qui valait 3 milliards, un scoponet sera utile
(c'est une loupe qui permet de mettre l'agrandisseur au point sur la surface du papier ;
scoponet est la marque commerciale la plus répandue de cet accessoire, et le nom est
passé dans le langage courant). Enfin, toujours optionnellement, bien que chaudement
recommandé, le margeur permet certes de faire de beaux cadres blancs sur le papier, mais
aussi, et c'est essentiel, de le maintenir bien à plat sous l'objectif ; le margeur permet aussi,
grâce à des cales, de simuler pour quelques centimes les bienfaits d'un objectif à
décentrement (qui coûte facilement plusieurs milliers d'euros) en variant la perspective du
tirage. Au-delà, il existe un flopée d'accessoires tous très utiles pour qui en a besoin, mais
généralement très chers, comme des sondes lumineuses qui permettent de déterminer les
temps idéaux d'illumination, voir même de couper automatiquement la lumière de
l'agrandisseur lorsque l'exposition est complète.
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Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
On se munira également de tout un tas de babioles, certaines propres à cacher diverses
zones du papier : du carton à découper, des feuilles noires, des baguettes fines, du scotch,
d'autres destinées à être plongées dans le révélateur : tissus, coton, éponges, pinceaux,
etc., pour faire des révélations ciblées et "travailler" les marges. Mais le plus important,
c'est d'avoir sous la main tout un tas de chiffons bons à jeter, car manipuler des liquides
avec 15W de lumière rouge entraîne toujours plus ou moins d'éclaboussures qu'il faudra
nettoyer rapidement.
Quelques mots sur l'agrandisseur : il en existe de nombreux modèles, pour des prix allant
de quelques centaines d'euros à plusieurs milliers. Les points à considérer sont le rapport
d'agrandissement maximal voulu, la possibilité de basculer vers le tirage couleur, et la
flexibilité générale. Si l'on est certain de s'en tenir au tirage noir et blanc de négatifs 24x36,
sur des feuilles n'excédant pas 30x40 cm, alors n'importe quel modèle amateur convient.
Mais au-delà, il faudra vérifier qu'il est possible d'installer une tête couleur, un objectif 80
mm pour le moyen format, ou de basculer la tête pour tirer sur des feuilles accrochées au
mur...
La plupart des agrandisseurs amateurs sont livrés en kit avec un objectif 50 mm qui
convient au 24x36 ; souvent, cet objectif est de qualité très moyenne, et selon
l'agrandissement, il peut être utile d'investir dans un objectif de meilleure qualité. Nikon
et Rodenstock sont les marques les plus connues dans ce domaine. Un bon objectif
dispose d'au moins 6 lentilles en verre. Comme (presque) toujours en optique, les objectifs
ne deviennent bons que serrés d'un ou deux diaphs par rapport à l'ouverture maximale.
Un objectif moyen ouvre à partir de f/4, et donc donnera le meilleur aux alentours de f/8,
ce qui peut entraîner des temps de pose de plus de deux minutes sur un négatif dense
dans un rapport de reproduction élevé. Un bon objectif ouvre à f/2.8, est bien à f/5.6, et
permet le même rapport en 30 à 40 secondes... ce qui est bien plus facile à contrôler.
Sur un agrandisseur strictement noir et blanc, la lumière est condensée par une loupe sur
le négatif ; dans un agrandisseur couleur la lumière est diffusée, et passe à travers une
série de filtres colorés modulables par 3 molettes afin de régler la dominante du tirage
couleur. On peut tirer du noir et blanc avec une tête couleur, et même utiliser les molettes
jaune et magenta pour simuler des filtres multigrades. L'inverse est impossible, il faut
filtrer la lumière de l'agrandisseur noir et blanc à l'aide de morceaux de plastiques teintés
que l'on place soit devant la source de lumière, à l'intérieur de l'agrandisseur, dans un
tiroir conçu à cet effet, soit dans un support externe sous l'objectif s'il n'y a pas de tiroir
dans l'agrandisseur. La première solution est de très loin préférable, car la poussière,
vieille ennemie du photographe, ne ratera pas une si belle occasion de se déposer entre le
négatif et le papier.
Installer un labo correct.
Dans un monde idéal, tout le monde aurait assez de m² pour en consacrer une dizaine à
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Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
un labo permanent - sans oublier bien sûr de raccorder ladite pièce à l'eau courante, au
système d'évacuation des eaux usées, à l'électricité et à l'aération. Ou, comme dans la
publicité, les salles de bain feraient toutes la taille d'un petit appartement, mais sans
fenêtres, ce qui serait bien commode. Mais on ne vit pas dans un monde idéal, et il faut
souvent composer avec le manque de place, et se résoudre, surtout dans un premier
temps, à installer ponctuellement un labo amovible dans des endroits imprévus. Dans ces
conditions, les conseils suivants doivent être adaptés pour tenir compte de la géographie
des lieux.
Points indispensables :
●
●
●
●
●
Le noir. On doit pouvoir faire le noir absolu dans son labo. En conséquence, une
pièce aveugle est préférable, les rais de lumière éventuels passant sous le porte
étant faciles à occulter avec du tissu noir.
L'électricité. Il faut pouvoir brancher et sélectionner un éclairage inactinique (soit
une ampoule, soit une lampe-globe avec une prise standard), un éclairage « blanc »
(éviter le néon que ne s'éteint pas instantanément), et l'agrandisseur (ou le comptepose).
L'eau. On peut se débrouiller avec des seaux, mais c'est pratiquement rédhibitoire.
Surface : l'agrandisseur doit être posé à plat, suffisamment haut pour pouvoir
travailler dessus. Les cuvettes doivent également être accessibles, et plus que
l'agrandisseur, leur format va déterminer la taille de la feuille de papier la plus
grande utilisable ; il faut donc réussir à en poser 3 côte à côte. Si vraiment c'est
impossible, on peut les installer sur une étagère, l'une au-dessous de l'autre. Il faut
également compter un plan de travail plus large qu'un tirage, qui ne craigne rien
pour peindre les tirages au révélateur (etc.) hors du plateau de l'agrandisseur.
Ventilation : au risque de me répéter, les produits utilisés sont toxiques, et une
exposition prolongée à leurs vapeurs est nocive. On trouve toujours un vieux de la
vieille pour hausser les épaules, mais il serait regrettable de devoir arrêter toute
activité de labo parce qu'on serait devenu allergique à un produit à cause d'une
exposition répétée sans aération !
Dans un monde idéal, le labo se divise en partie sèche (où règnent lumière et électricité),
et partie humide pour les produits chimiques. En particulier, il est mal vu de poser son
agrandisseur en équilibre instable sur la baignoire, en raison des dangers que cela produit.
En pratique, on n'a pas souvent le choix. Il faut donc faire très attention à bien caler tous
les supports pour éviter un accident qui peut être mortel, car eau et électricité cohabitent
mal. Vu toute la description précédente, on comprend que souvent ce soit la salle de bain
qui hérite du rôle. Voici néanmoins un schéma idéal.
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Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
Tirer une épreuve simple.
Consommables.
Papiers
Chimie
Déterminer un temps de référence.
Avant même de commencer à tirer une vraie photo, il peut être judicieux de connaître
quelques limites du négatif qu'on a dans les mains. En effet, les supports en polyéthylène
sur lesquels sont couchées les émulsions ont une transparence variable. On taillera donc
une bande de papier photo sous éclairage inactinique, et après avoir amené l'agrandisseur
à la hauteur souhaité et fait le point sur les bordures du passe-vue, on glissera un morceau
du négatif transparent de la taille d'une photo, pris sur l'amorce, dans le passe vue, et on
exposera pour un diaphragme moyen (f/8, en général) à plusieurs temps différents sur
une bande d'essai. On révèle, on stop, on fixe et on rince comme un tirage complet. Avec
un peu d'astuce, on en tirera le temps nécessaire pour que les noirs soient parfaitement
intenses sur le papier, ce qui va indiquer le temps de référence du tirage.
En effet, l'amorce transparente doit donner le noir maximum possible ; exposer un négatif
plus longtemps est (en théorie) inutile : le papier ne pourra pas aller plus loin. Si on
expose le début de la bande 5 s., qu'on glisse le cache un peu plus loin et qu'on rallume la
lampe, etc., on va créer des carrés de moins en moins exposés sur la bandelette. Le TER
sera le temps nécessaire à l'exposition du carré indiscernable du noir d'un côté, mais
différencié du gris profond du carré suivant.
Le TER, c'est donc le temps d'exposition minimum avec un film donné pour que le papier
noircisse totalement. En effet, normalement exposé, un négatif correctement contrasté
devrait donner toute sa gamme de gris dans la durée ainsi déterminée. C'est loin d'être
systématiquement le cas, mais c'est une base invariable avec la prise de vue, puisqu'elle ne
dépend que du support, et ça permet ensuite d'encadrer finement les temps à ajouter ou
retrancher de l'exposition pour obtenir un tirage normalisé. Attention, ce temps dépend
non seulement de la pellicule, mais aussi du rapport d'agrandissement (donc de la
hauteur de la tête de l'agrandisseur par rapport au papier). Plus on s'éloigne du papier,
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Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
plus le temps d'exposition augmente (la proportion est liée au carré de la distance, les
différences vont donc en s'amplifiant plus rapidement que la variation linéaire de hauteur
: quand cette hauteur double, le temps quadruple).
Bande d'essai.
La bande d'essai, c'est la même opération, mais faite à partir du négatif de la photo
souhaitée. On taille pour des raisons économiques une bande dans une feuille de papier,
et on l'expose sous l'agrandisseur au rapport final et au diaphragme sélectionné, en faisant
varier le temps d'exposition par un cache le long de la bande (il existe même des boîtiers
spéciaux avec des lames abattantes qui servent à réaliser cette opération « proprement »).
Il convient de sélectionner soigneusement la partie du négatif choisie car elle doit
représenter autant que possible les différents niveaux enregistrés, sous peine de mal
choisir son temps moyen. La bande se traite comme un tirage, du point de vue chimique.
Le carré présentant le meilleur « contraste », normalement proche du TER, permettra
d'avoir le temps de base pour réaliser un tirage de lecture complet.
Le tirage lui-même.
Poussière
exposition
développement
rinçage
séchage
Masquer le tirage.
Quelques trucs.
grands formats
solarisation
virages
L'apport du numérique.
Le scanner film.
Il y a des semaines où je jurerais avoir des pouvoirs parapsychologiques... Depuis
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Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
quelques mois, je voulais réessayer un Macintosh. Il faut dire que je suis assez branché
informatique, et ce depuis longtemps (particulièrement Linux, et tout ce qui est gros,
moche et beige) ; mais le Mac a toujours été assez loin de mon univers, si l'on excepte
quelques parties de casse-brique sur Mac Plus et deux où trois bricolages sur Mac SE/30
(whoaa, le disqueeee duuur !!!) entre la fin des années 80 et le début des années 90. Bref, à
force d'en entendre dire de plus en plus de bien depuis le passage des poussifs Motorola
680x0 aux flamboyants PowerPC, j'avais la souris gigoteuse. Et voilà, mon voisin jette (le
sôt) un magnifique Mac G3 Beige boosté à 320 Mo de RAM. Une superbe machine pour
1998, toujours très capable aujourd'hui, avec son MacOS 8.6 et tous les connecteurs
habituels Apple : scsi, ethernet, etc. Sur le disque, il restait même Photoshop 5.5 et Quark
Xpress « je ne sais pas quel numéro, mais comme c'est cadeau, ça ira, merci ». Autant dire
qu'il n'a pas trop traîné dans la poubelle, celui-là.
Bref, après avoir joué un peu avec le système, je me disais qu'il serait parfait comme tête
de pont pour y adjoindre un scanner de film. Sauf que les prix, même en occasion pour du
matériel hors d'âge... Aïe Aïe Aïe !!! Mais voilà, cette même semaine en fouillant dans les
cartons « divers » d'un brocker, je trouve un filmscan 200 avec son passe vue « film ». Le
marchand n'étant pas très au courant manifestement de ce que c'était, je tente ma chance,
et il lâche l'affaire pour 20 €. Après quelques péripéties pour installer le driver, voilà mon
filmscan et mon Mac qui dialoguent, et je peux exporter mes scans vers mon gros PC
habituel. Je vous le disais, j'ai des pouvoirs...
Sauf qu'après la bidouille technique, vient le temps de dompter les puces, et là, ça se gâte.
Non pas que ça ne fonctionne pas, mais le résultat est photographiquement médiocre
pour ce qui m'intéresse, à savoir sortir des photos noir et blanc d'une pellicule. C'est peutêtre plus facile avec de la couleur ou des diapos, mais c'est comme la peinture à l'huile :
c'est bien plus difficile en noir et blanc.
En fait, l'idée que j'avais, c'était de numériser la pellicule développée pour obtenir
immédiatement et sans débauche de chimie une planche contact de bonne qualité, ainsi
que d'éviter les tirages des photos « courantes » destinées à illustrer des pages web et à
remplir l'album familial. Par extension, les fichiers obtenus devaient aussi permettre
d'avoir une bonne maquette des beaux tirages à réaliser de manière plus traditionnelle.
Avantages recherchés : principalement allier la finesse du négatif et sa bonne tenue dans
le temps aux avantages de l'immédiateté du numérique. Il faut en effet environ une heure
et demie, séchage inclus, pour développer un négatif, et un scan immédiat rapproche un
peu cette pratique de l'argentique de la facilité du compact numérique, pour une qualité
que j'espérais bien meilleure.
Avec ses 1200 DPI réels et 2400 DPI en « overscan » interpolables à 4800, le filmscan 200
est clairement dépassé technologiquement ; ce qui ne l'empêche pas de se négocier autour
de 150 € sur le marché de l'occasion. Il est d'autant plus dépassé qu'Epson n'a pas
développé de drivers nouveaux, ni pour windows XP, ni pour MacOS X. Donc, à moins de
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Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
gesticuler avec des drivers attribués normalement à d'autres matériels, il est inutilisable
avec une machine moderne (merci Epson) – on peut bidouiller, mais ça n'est pas très
sérieux. Le seul avantage, c'est que ce modèle se revend beaucoup car les gens constatent
l'incompatibilité en changeant de machine, et bien souvent ne font pas l'effort de se battre.
D'autant moins que la connectique du FS200 est en scsi à l'ancienne, qu'il a donc toujours
fallu une carte d'extension pour PC (autant que je sache, la carte livrée par epson ne se
branche même plus dans les ports PCI actuels), et que les nouveaux Mac ont perdus leur
connecteur scsi depuis... l'ordinateur qui a succédé à mon G3 beige (un don, un don, vous
disais-je !). Bref, c'est un scanner qui exige beaucoup de patience, et qui ne vaut le coup
que s'il est acquis pour une somme symbolique.
Plus grave que sa faible résolution, son échantillonnage est limité à 30 bits internes, 24
exportés en couleur, et 10 bits internes, 8 exportés en noir et blanc. Un bon scanner
moderne fait au moins 48 bits exportés (ce sont ceux qui comptent puisque ce sont eux qui
arrivent dans le logiciel). Autrement dit, sa plage tonale est limitée, donc sa gestion du
contraste est assez rude. Et malheureusement, mes premiers scans de négatifs ont
confirmé ces défauts prévisibles : sous un certain seuil, tous les gris sombres tombaient
littéralement dans le noir le plus pur, sans aucun modelé.
Pour faire simple, mes premiers essais ont montré qu'en mode « négatif » et « noir et
blanc », le contraste explose dès que le négatif est un poil dur, et que les ombres se
bouchent comme le périph' à 18 H un vendredi soir. Le même négatif scanné en mode
« négatif » et « couleur » donne de meilleurs résultats, mais pas tout à fait convaincants
quand même : le contraste est mieux maîtrisé (30 bits au lieu de 10 oblige...), mais les
ombres restent très platement noires. Et aucun postprocess n'arrivait à améliorer
franchement le rendu ; décidément, le scan était mauvais. De recherches en discussions,
j'ai enfin trouvé une explication rationnelle à mes déboires. Il semblerait que le coupable
soit le driver. Selon un interlocuteur, le driver en fonction du mode de scan possède une
valeur minimale tonale sous laquelle tout point est traduit en noir – un « point noir » sur
la courbe des valeurs. C'est effectivement ce que j'avais constaté de visu, mais je 'avais
attribué au capteur. Ce « point noir » est destiné à éliminer la teinte grise du polyéthylène
du film. En effet, le polyéthylène « transparent » inversé donne le noir de la photo.
Comme les différents films du marché ont une teinte de film plus ou moins sombre, c'est
en fait le driver qui place la barre de cette teinte assez haut pour couvrir la majorité des
cas, et ne se pose pas plus de questions. D'où les aplats noirs dans les ombres. La solution
: scanner en mode « positif » ou « diapositive » pour forcer le driver à lire les
transparences sans les interpréter.
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Un labo noir et blanc dans la salle de bain - 11/07/06
Le résultat : ça fonctionne parfaitement. Au prix d'une inversion dans le logiciel de
retouche, les ombres deviennent magnifiquement détaillées. Je suppose qu'il existe
réciproquement une perte de détail dans les hautes lumières, mais c'est visuellement bien
moins gênant. En contrepartie, l'image est toute molle, et il faut un postprocessing musclé
pour la ramener à un contraste normalisé. Visuellement, le scan brut est très clair est
donne l'impression d'un tirage à grade 0.
La première manipulation suivant l'inversion consiste donc à resserrer la plage tonale
grâce à l'outil de niveaux. L'histogramme montre en effet deux beaux trous de chaque
côté, correspondant aux noirs et aux blancs. On ramène donc les curseurs externes vers les
pieds de courbe. Comme l'image reste assez palote, on peut tout suite placer le curseur
moyen aux 2/3 vers la droite. À l'issue de cette étape, la photo a meilleure mine, mais
reste assez faible. Un tour dans les courbes permet alors de densifier les noirs, et
éventuellement d'ensoleiller un peu la scène à son goût en faisant décrire un léger « s » à
la courbe, grâce à deux points d'inflexion.
Une fois ce premier traitement accompli pour corriger le scan physique, on peut passer au
« vrai » postprocessing de la même manière qu'on masquerait un tirage papier classique.
Enfin, on finalisera l'image par un petit masque d'accentuation qui enlèvera le dernier
voile un peu terne.
Quelques techniques de post-processing.
Le scanner à plat.
Le scanner à plat permet pour sa part de numériser les tirages papier...
Manuel Viet
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