témoignages des acteurs

Transcription

témoignages des acteurs
ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997
Sport et
environnement
Cavaillon
Une équipe de lycéens de Cavaillon, dans le Vaucluse, a
mené dans le cadre d’un partenariat avec la NouvelleZélande une action alliant la pratique de sports de plein
air et l’étude de trois parcs naturels : le parc du Luberon,
le parc des Ecrins et celui de Camargue. Avec, à la clé, la
venue de jeunes correspondants néo-zélandais en France
et le départ prochain des lycéens français au pays des
Kiwis.
e lycée Ismaël Dauphin de Cavaillon développe depuis trois ans une politique
d’échanges fructueux avec la Nouvelle-Zélande. En 1995, une équipe de lycéens
a effectué dans ce cadre un travail de recherche théorique et pratique sur les
risques sismiques dans la région de Cavaillon – située sur une faille –, avant de partir
réaliser une étude comparative en Nouvelle-Zélande. Début 1997, douze volontaires
issus des classes de seconde et de première ont entrepris, sous l’égide de deux professeurs, de mener à bien une seconde action. Leur objectif ? Combiner la pratique de
sports de plein air, tels le VTT, la course d’orientation, l’escalade ou la randonnée et
l’étude de trois parcs régionaux longés par la Durance : le parc du Luberon, le parc de
Camargue et le parc des Ecrins. Le projet a trouvé son aboutissement au mois de juin
avec la venue en France des jeunes correspondants néo-zélandais. Epaulés par divers
scientifiques – botanistes, ornithologues… –, les lycéens français ont entraîné durant
trois semaines leurs homologues à la découverte du milieu duranciel. Les rôles s’inverseront en décembre 1997 lorsque les jeunes Français s’envoleront à leur tour vers
l’Océanie.
L
Entretien avec Hélène
Goliard, professeur
d’Education Physique
et Sportive
Comment avez-vous procédé à
leur sélection ?
En 1995, nous avions ouvert le premier projet mené de concert avec la NouvelleZélande aux 1 200 élèves du lycée : il n’y
avait eu que 12 volontaires. Cette année, la
participation était restreinte aux classes de
■ Les douze élèves participant au
projet sont tous des volontaires.
73
© DR
ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997
ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997
Les lycéens
de Cavaillon
ont découvert
le milieu
duranciel
à travers
la pratique
de nombreuses
activités
sportives :
VTT, escalade,
randonnée,
sport d’eau
vive, etc.
■ Pourquoi avoir voulu associer
sport et environnement ?
seconde et de première, qui ont plus de
temps que les terminales à consacrer aux
activités extrascolaires. Comme le nombre
de volontaires dépassait les quarante, il a
bien fallu faire entrer en jeu certains critères
de sélection. Les participants devaient être
intéressés par l’environnement et la nature,
avoir des capacités sportives et maîtriser la
langue anglaise. L’aspect financier n’a pas
joué un rôle de frein, dans la mesure où les
sorties dans les parcs naturels étaient prises
en charge par l’école. Nous nous sommes
débrouillés pour emprunter le matériel
sportif à droite et à gauche. La seule participation financière demandée a servi à couvrir les frais d’hébergement et de nourriture
des élèves lors des trois semaines de déplacement dans les différents parcs en compagnie des Néo-Zélandais. Tous les frais liés
aux déplacements des jeunes entre la
France et la Nouvelle-Zélande sont couverts
par le Fonds d’Amitié Franco-Néo-Zélandais.
L’objectif de ce fonds est de favoriser la
connaissance entre jeunes des deux nationalités et d’étudier comment ces pays traitent les problèmes d’environnement et
gèrent leur patrimoine culturel et naturel.
Les activités de pleine nature ont une très
grande valeur éducative. Elles développent
l’autonomie et la responsabilité. Quand un
jeune assure son copain lors d’une séance
d’escalade, par exemple, il ne peut pas se
permettre d’être inattentif. C’est une vie
humaine qui est en jeu. En outre, la confrontation avec un milieu incertain oblige les
adolescents à tirer le meilleur d’eux-mêmes,
à se dépasser physiquement et moralement.
Découvrir la nature d’une façon active leur
permet de mieux la connaître et par conséquent de mieux la protéger. Durant l’année,
sept ou huit mercredis après-midi ont été
consacrés à la pratique du VTT, de l’escalade, de la course d’orientation et de la randonnée. Ces sorties avaient le plus souvent
lieu dans le parc du Luberon en compagnie
d’autres jeunes, membres de l’UNSS* Les
adolescents ont appris à se montrer observateurs, à lire des cartes et des paysages ; ils
ont surtout découvert un milieu d’une beauté insoupçonnée à seulement quelques kilomètres de chez eux.
■ Les jeunes ont également étu74
dié de façon très pointue la faune
et la flore de la région.
Interview
Notre projet comportait plusieurs journées
d’observation de la faune et de la flore
locales. Jumelles au poing, nous avons
observé le dimanche à l’aube les oiseaux de
la Durance : cormorans, hérons cendrés,
aigrettes, foulques, poules d’eau et guêpiers
d’Europe, ces adorables petits perroquets
des sables… La Durance abrite environ 110
espèces d’oiseaux nicheurs. Presque autant
qu’en Camargue,la plus grande réserve ornithologique de France ! Les jeunes ont ensuite réalisé une fiche sur chaque oiseau observé, détaillant son régime alimentaire, son statut – protégé ou pas – et ses mœurs. Un soir,
équipés de lampes de poche, nous sommes
partis à l’affût des castors et avons découvert à cette occasion leurs techniques de
nidification. Enfin, un botaniste nous a initiés deux après-midi durant aux subtilités de
la flore locale. Nous avons fait appel aussi
souvent que possible à des spécialistes des
sujets traités. Cela donnait une dimension
supplémentaire à la sortie.
Laure, 15 ans, est élève de seconde au
lycée Ismaël Dauphin. Elle a participé
avec enthousiasme, voire militantisme,
au projet “Sport et environnement”. Elle
explique pourquoi.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de participer à ce projet ?
J’ai appris en tout début d’année qu’une
action allait être organisée sur les thèmes
du sport et de l’environnement. J’adore la
course d’endurance et j’aimerais être vétérinaire plus tard… Ça m’a semblé tout
naturel de m’inscrire.
Est-ce que ça a été facile de mener
de front études et projet ?
C’est vrai que le projet nous a demandé de
nombreuses heures de travail extrascolaires. Les interventions sur le terrain
avaient lieu le mercredi et le dimanche. En
semaine, nous organisions des réunions à
l’heure du déjeuner pour préparer la sortie
ou dresser les bilans. Mais je ne regrette
rien, ça a vraiment été une expérience
géniale à tous les niveaux – amitié, sports,
découverte de la nature –, qui m’a vraiment
apporté un plus, par rapport aux autres
élèves de ma classe.
■ Au-delà de la pratique d’activités sportives et de l’observation du
milieu duranciel, les jeunes ont
développé une véritable réflexion
sur les problèmes d’environnement.
Au fur et à mesure des mois, leur comportement et leur perception des problèmes
d’environnement ont évolué.Ainsi se sont-ils
rapidement passionnés puis indignés en
découvrant les nombreux problèmes causés
par l’extraction du granulat du lit de la
Durance. Ce gravier très dur est un matériau
de qualité fréquemment utilisé lors de l’édification de ponts et de remblais de chemins
de fer. Son prélèvement intensif a provoqué
l’abaissement du niveau de la nappe phréatique ; celle-ci disparaît à certains endroits
ou affleure et devient rapidement polluée à
d’autres. En avril dernier, les extractions de
Portes-tu un regard différent sur l’environnement depuis cette action ?
Complètement.Avant, je n’avais pas de problèmes de conscience. Aujourd’hui, je
porte un regard beaucoup plus critique.
Prenez le tracé du TGV, par exemple. Je me
fiche de savoir que les intérêts financiers
en jeu sont énormes, ce TGV est une catastrophe pour l’environnement. En plus, il
défigure le paysage. Ça me révolte !
Maintenant, j’ai vraiment envie d’agir.
75
ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997
«Les activités de pleine nature ont une très
grande valeur éducative»
granulat ont enfin été suspendues par décision administrative. Un peu tardivement,
puisque deux millions de m3 de ce matériau
venaient d’être extraits en Basse-Durance
pour la seule construction des remblais du
TGV Méditerranée… Les jeunes ont mené
sur ce thème une véritable enquête afin de
connaître les différents intérêts en jeu. Ils
ont interviewé un des membres du Syndicat
Mixte d’Aménagement de la Vallée de la
Durance ainsi qu’un ingénieur participant à
la construction du TGV. Nous avons eu des
réunions préliminaires au lycée afin d’organiser les différentes interventions. Les adolescents ont dû apprendre à poser une problématique. Au début,ils partaient dans tous
les sens, sans fil conducteur. Il a fallu les
recentrer, leur apprendre à mener une analyse neutre et sans préjugés avant de tirer
une conclusion… bref, à se comporter en
journaliste.
Les jeunes ont rédigé et mis en pages une
brochure de 95 pages développant par chapitre les thèmes étudiés sur le terrain : le
castor, les oiseaux, le traitement des eaux
usées, la Durance-ressource en eau, etc. Un
chapitre est spécialement consacré au travail de mise en valeur et de protection du
patrimoine effectué par le Syndicat Mixte
d’Aménagement de la Vallée de la Durance.
Nous avons bénéficié du concours d’un professeur de Français pour la rédaction puis
d’un professeur d’Anglais pour la traduction. Nos correspondants néo-zélandais ont
ainsi pris connaissance de notre travail dans
le texte ! Une exposition photographique
sur la faune et la flore locales a été présentée à l’ensemble du lycée à la fin de l’année
scolaire et nous prévoyons de ramener un
reportage photo et vidéo de notre séjour en
Nouvelle-Zélande. Nous souhaitons que ce
projet soit un enrichissement et un moteur
pour toute la communauté scolaire, pas seulement pour les douze élèves qui ont participé au projet.
■ Quelle a été la restitution des
activités menées durant l’année ?
ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997
séparation ça a été le grand déluge !
Heureusement, l’aventure n’est pas finie
puisque nous partirons à notre tour en
décembre 1997 découvrir les grands parcs
de la Nouvelle-Zélande. Ce sera l’occasion
d’observer la façon dont les Kiwis gèrent
leur environnement et de confronter les
connaissances acquises cette année avec les
données d’un milieu naturel complètement
différent.
capture – en douceur – et à l’observation de
chauves-souris. En Camargue, c’est un ornithologue qui nous a prêté main-forte. Il y
avait tant à voir ! Nous étions alors hébergés
dans une manade. Les jeunes se sont montrés passionnés par ce milieu d’éleveurs de
taureaux et de chevaux. Tous les moments
forts vécus ensemble, en pleine nature le
plus souvent, ont forgé des liens solides
entre les Français et les Néo-Zélandais.
Inutile de vous préciser qu’au moment de la
■ En juin, les jeunes correspondants néo-zélandais sont venus en
France. Comment s’est déroulé
leur séjour ?
Ce qui a séduit
le Jury
La prise de contact entre les deux groupes a
tout de suite été très chaleureuse en dépit
des inévitables problèmes de langue rencontrés au départ. Nous avons entraîné les
Néo-Zélandais à la découverte du parc du
Luberon – et notamment du magnifique village de Lourmarin –, puis du parc des Ecrins
et du parc de Camargue. Ces trois semaines
ont favorisé la pratique de nombreux
sports, notamment des sports d’eau vive tels
que le raft, le kayak et l’hydrospeed. Dans le
Luberon, accompagnés par un chiroptologue, nous avons consacré une soirée à la
• Il est intéressant de constater que les
jeunes se soient portés volontaires et que
l’action ait abouti en dépit de certaines réticences des parents, qui craignaient que
l’opération ne perturbe le programme
scolaire.
• L’approche très physique de l’environnement par la randonnée et par l’escalade
laisse une grande place à l’émotion devant la
beauté de la nature.
76
77
ACTIONS ÉDUCATIVES POUR LA NATURE ET L’HOMME - LAURÉATS 1996/1997
Glossaire
• ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de
l’Energie
• ADEV : Association de Défense de l’Environnement en Vendée
• AME : Agence Méditerranéenne pour l’Environnement
• BTA : Brevet de Technicien Agricole
• CNRS : Centre National de Recherche Scientifique
• DIREN : Direction Régionale de l’Environnement
• DRIRE : Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et
de l’Environnement
• GR : (Chemin de) Grande Randonnée
• IUFM : Institut Universitaire de Formation des Maîtres
• LPO : Ligue de Protection des Oiseaux
• ONF : Office National des Forêts
• STAE : Sciences et Technologies de l’Agronomie et de
l’Environnement
• SVT : Sciences de la Vie et de la Terre
• UNSS : Union Nationale du Sport Scolaire
109