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UNITED STATES COURT OF APPEALS FOR THE SECOND CIRCUIT - 13 JUILLET 2010, FOX
TELEVISION STATIONS, INC. V. FEDERAL COMMUNICATIONS COMMISSION
Mots clefs : 1er amendement de la Constitution Américaine - FCC - indécence - télévision
- jurons - liberté d’expression - vagueness doctrine
Faits : Le 1er Amendement à la Constitution Américaine établit et protège la liberté
d’expression. La Federal Communications Commission (“FCC”) dispose depuis 1960 d’un
pouvoir de sanction envers les médias diffusant des propos indécents, obscènes ou
blasphématoires. À partir de 1975 et l’arrêt FCC v. Pacifica Found, la FCC étend son pouvoir de
sanction aux propos indécents même non obscènes mais limite son contrôle à une liste de sept
jurons. En 1987 la FCC abandonne ce système de liste pour une approche contextuelle, afin de
contrôler les contenus grossiers mais n’utilisant pas l’un des mots “interdits”. Mais son contrôle
restait encore très restreint. En 2001, la FCC publie Industry Guidance, rapport dans lequel elle
explique ses règles sur les contenus indécents, qu’on développera ci-dessous. Mais elle
précise que les jurons isolés ne suffisent toujours pas pour être sanctionné. C’est en 2004,
après le “Nipplegate”, que la FCC décide de durcir sa politique. Ainsi lorsque U2 gagne un
Golden Globe et son chanteur déclare “This is fucking brilliant” en direct sur NBC, la FCC, après
avoir reçu des plaintes, déclara pour la première fois, dans sa décision Golden Globes Order,
que l’usage isolé et non-littéral d’un juron pouvait suffire à engager des sanctions.
Procédure : NBC demanda révision par la FCC du Golden Globes Order ; mais en attendant, la
FCC en appliquait les règles à d’autres programmes. Une décision suivante (l’Omnibus Order),
destinée à “indiquer aux chaînes et au public” ce qui était considéré comme indécent selon les
nouvelles règles -du Golden Globes Order donc, déclarait de nombreuses émissions, contenant
toutes des jurons isolés, indécentes selon le Golden Globes Order. Aussi, plusieurs chaînes
demandèrent la révision de l’Omnibus Order devant le Second Circuit. La cour autorisa la FCC
à s’auto-réviser, ce qu’elle fit par un Remand Order, revenant sur certaines décisions de
l’Omnibus Order, et formulant deux exceptions : un juron pourrait ne pas être considéré comme
indécent dans un cadre artistique ou d’informations. Les chaînes revinrent devant le Second
Circuit pour faire réviser le Remand Order. La cour l’annula d’abord sur la base de
l’Adminstrative Procedure Act. Portée devant la Cour Suprême, cette décision fut annulée et
renvoyée au Second Circuit pour qu’il réponde aux questions constitutionnelles soulevées par
les parties en première instance mais non décidées.
Problème de droit : Les règles de la FCC relatives à l’indécence en matière audiovisuelle sontelles inconstitutionnelles par rapport au 1er Amendement, car trop imprécises ?
Considérant de principe :
”La FCC doit avoir des standards précis selon lesquels elle juge les contextes individuels. [...]En
interdisant toutes les références “manifestement grossières” […] sans donner des indications
adéquates sur la définition de “manifestement grossier”, la FCC gèle en réalité la liberté
d’expression car les chaînes n’ont aucun moyen de savoir ce que la FCC considèrera comme
étant grossier. […] [L]es règles actuelles de la FCC ne passent pas l’examen constitutionnel.”
Cette création par UPCAM-IREDIC est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas
d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.0 France.
Note :
Lorsque le Second Circuit revient sur cette
affaire
pour
décider
des
questions
constitutionnelles, elle commence par une
analyse des precedents de la Cour
Suprême.1 Elle cite l’arrêt FCC v. Pacifica
Found par lequel la Cour Suprême autorise
la FCC à sanctionner les propos indécents
mais non obscènes. La cour mentionne
ensuite Reno v. ACLU, qui rappelle que les
propos indécents bénéficient de la protection
du 1er Amendement, et qui annule en partie
une loi interdisant la diffusion de propos
indécents par internet car elle était trop
vague. Les chaînes et la FCC ont chacune
des arguments2 sur les limites aux pouvoirs
de la Commission posées par l’arrêt Pacifica,
droit positif en la matière ; mais le Second
Circuit nous explique que cette question ne
sera pas traitée car peu importe la limite du
pouvoir de la FCC, ses règles sont de toute
façon inconstitutionnelles car insuffisamment
précises.
Dans la deuxième partie de la décision, la
Cour explique d’abord que toute loi vague
est nulle. Une loi doit être précise afin
d’avertir de ce qu’elle interdit, et d’éviter
qu’elle
soit
appliquée
de
manière
discriminatoire.3 La cour rejette ensuite
encore une fois les arguments des parties
par rapport à Reno v. ACLU, sur l’intensité du
contrôle de constitutionnalité à appliquer aux
règles de la FCC. Cette question est
impertinente puisque c’est de l’imprécision
des règles qu’il faut juger, et donc de leur
formulation, non de leur application -sur
laquelle le contrôle de constitutionnalité
porte.
Puisque ni Pacifica, ni Reno, ne résolvent la
question, la cour entreprend elle-même
1
jurisprudences antérieures qu’elle doit suivre
Notamment, les chaînes arguent que cet arrêt doit être
appliqué d’office pour annuler les règles de la FCC mais le
cour refuse ce moyen.
3
Grayned v. City of Rockford, 408 U.S. 104, 108 (1972)
2
l’analyse des règles de la FCC pour
déterminer si elles sont ou non trop vagues.
Elle nous expose donc lesdites règles,
posées par la FCC dans son Industry
Guidance de 2001, et qu’elle applique
depuis. Pour qu’un contenu soit qualifié
d’indécent il faut qu’il “décrive ou montre des
organes ou activités sexuels ou excrétoires”
et qu’il soit ”manifestement grossier à l’aune
des
standards
contemporains
pour
l’audiovisuel”. De plus, la qualification de
manifestement grossière d’un contenu
dépend de trois facteurs : (1) “la nature
explicite ou crue de la description ou de la
représentation”, (2) “la répétition ou la durée
de la description ou représentation” et (3) “le
contenu est utilisé pour titiller ou choquer”. La
cour suit l’argument des chaînes qui dit ces
règles “inacceptablement vagues”. Elle note
d’abord un problème dans la détermination
par la FCC de quels mots sont indécents et
lesquels ne le sont pas (ex: “bullshit” est
indécent mais pas “dickhead”). Ce problème
étant amplifié par le fait que la Commission
ne motive pas ses décisions. La FCC défend
un standard flexible en rappelant que le
système de liste était inefficace et qu’elle doit
pouvoir
s’adapter
aux
inéluctables
contournements du système, mais la cour
répond que si la FCC ne peut prévoir ce qui
sera indécent et donc punissable, comment
les chaînes le peuvent-elles ? La cour
explique
ensuite
que
l’interdiction,
présomptive, elle, des mots “fuck” et “shit” est
toute aussi vague. Ces deux mots ne sont
autorisés que dans les cadres artistique et
d’informations, mais c’est la FCC qui
détermine ce qui rentre dans ces exceptions
ou pas -et donc par extension de la valeur
artistique des contenus. La FCC a instauré
ces exceptions pour respecter les contraintes
du 1er Amendement, mais elle ne parvient
pas elle-même à être consistante dans
l’application de ses règles. Les standards de
la FCC n’étant pas bien définis, il y a un
risque que ceux-ci soient appliqués de
manière
discriminatoire
par
les
fonctionnaires. Il faut donc des règles aux
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contours précis pour diminuer au maximum
la part de subjectivité.
Dans son dernier paragraphe, la cour
explique que l’imprécision dans les règles de
la FCC ne laisse que deux choix aux chaînes
: censurer les programmes ou risquer des
amendes. Et c’est sans surprise que celles-ci
choisissent la première option, sacrifiant des
contenus, et nombre de programmes “en
direct”4. En pratique, la FCC a donc, par ses
règles trop vagues, restreint l’exercice de la
liberté d’expression protégée par le Premier
Amendement. Il en résulte donc que lesdites
règles sont inconstitutionnelles.
On ne peut donc qu’accueillir avec joie cette
décision, et espérer qu’elle aura des effets
concrets, la dictature du politiquement correct
de la FCC ayant effectivement mis en place
un système d’auto-censure dont la télévision
(non câblée) aura du mal à se départir.
Hannah Cauhépé
Master 2 Droit des médias et des télécommunications
UPCAM-IREDIC 2010
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les chaînes ne voulant pas courir le risque d’un imprévu, et
ce même dans le cadre de programmes d’informations.
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