Séquence 1 Première Ubu roi, d`Alfred Jarry Lecture analytique

Transcription

Séquence 1 Première Ubu roi, d`Alfred Jarry Lecture analytique
Première LA n°3 Ubu roi
Mme Bissuel
Séquence 1 Première
Ubu roi, d'Alfred Jarry
Lecture analytique (type commentaire littéraire) n°3
Acte II, scène 5
Introduction
– Amorce (date, contexte, œuvre, auteur)
Ubu roi, pièce comique, parodique, satirique, d'Alfred Jarry parue à la toute fin du XIX e siècle, en 1896.
Pièce qui joue de l'exemple de modèles illustres, des pièces classiques du XVIIe siècle français comme des
drames de Shakespeare datant du tout début du XVIIe siècle anglais.
– Présentation de l'extrait
L'acte II d'Ubu roi voit se réaliser la conjuration politique élaborée à l'acte I par Père Ubu et ses complices. À
la scène 2, le roi Venceslas est tué, et Ubu lui prend sa couronne. Boleslas et Ladislas, deux des fils du roi
Venceslas, sont tués dans la bataille, à la scène 3. Seul Bougrelas, le dernier fils, défend sa mère Rosemonde
et le pouvoir royal dont il est l'héritier. Bougrelas réussit à blesser Ubu et à s'enfuir avec sa mère par un
escalier secret du palais. Rosemonde et son fils se retrouvent donc dans une caverne de montagne,
désemparés.
–
Problématique : Comment Jarry joue-t-il avec ses « classiques » ?
OU : Comment Jarry fait-il appel à l'intertextualité grâce au mélange des registres ?
OU : Comment Jarry écrit-il étrangement une scène pathétique tout en continuant le jeu savant du
palimpseste parodique ?
– Annonce des axes
I. QUOI ? Une scène grave, sérieuse, qui contraste avec le reste de la pièce
II. COMMENT ? Le mélange des registres (pathétique, tragique, polémique, comique grâce à la
parodie)
III. POURQUOI ? Un jeu intertextuel et parodique avec Hamlet de Shakespeare et Le Cid de Corneille
I. Une scène grave, sérieuse, qui contraste avec le reste de la pièce
a) Une scène qu'on croirait sortie d'une pièce tragique ou d'un drame shakespearien
Habitué aux scènes de farce, le spectateur ou le lecteur est surpris par ce passage au sujet si grave, et par le
langage noble des personnages. Contraste avec l'acte I.
b) Un passage difficile à mettre en scène du fait de l'apparition des spectres : l'application des théories
théâtrales non-réalistes de Jarry
La solennité de la scène est due également à l'apparition fantastique des spectres. La mise en scène ne peut
pas en être réaliste.
II. Le mélange des registres (pathétique, tragique, polémique, comique grâce
à la parodie)
a) Les registres pathétique et tragique
1
Première LA n°3 Ubu roi
Mme Bissuel
Registre pathétique : événements tristes (mort, maladie, drame, accident...), souffrance physique ou morale
des personnages, langage solennel et grave ; l'emploi de ce registre inspire de la pitié au lecteur.
Registre tragique : même genre de situations que pour le registre pathétique, mais le registre tragique fait
intervenir le destin ou la fatalité (force supérieure décidant de la vie humaine) et ne peut se passer de la
présence sous-entendue de Dieu ou de dieux. Le tragique comprend des personnages nobles au langage
soutenu.
Ubu II, 5 : reine Rosemonde malade puis qui meurt.
Énumération aux lignes 8-10 : La Reine : « Le roi massacré (pathétique), notre famille détruite (pathétique),
et toi, représentant de la plus noble race qui ait jamais porté l'épée (tragique), forcé de t'enfuir dans les
montagnes comme un contrebandier (pathétique). »
Exclamations lignes 15-17 : La Reine : « Quand je me rappelle combien nous étions heureux avant l'arrivée
de ce Père Ubu ! » (pathétique)
Noblesse d'esprit lignes 18-19 : Bougrelas : « Attendons avec espérance et ne renonçons jamais à nos
droits. » (tragique)
Didascalie ligne 27 : « Il tombe en proie au plus violent désespoir » (pathétique).
Bougrelas : « Ô mon Dieu ! Qu'il est triste de se voir seul à quatorze ans avec une vengeance terrible à
poursuivre ! » (pathétique + tragique).
b) Le registre polémique
Mots jouant le rôle d'armes, violence verbale, effets oratoires.
Cf. la réplique de Bougrelas lignes 11-14.
c) Le registre comique grâce à la parodie
La parodie vient de la reconnaissance par le lecteur ou le spectateur du modèle repris et détourné. Prise au
second degré, cette scène est comique car elle reprend deux modèles prestigieux, Hamlet et Le Cid. Parodie
des registres pathétique et tragique car trop exagérés.
d) Le non-respect des règles du théâtre classique
Non-respect de la vraisemblance, de la bienséance, de l'unité de ton.
III.
Un jeu intertextuel et parodique avec Hamlet de Shakespeare
et Le Cid de Corneille
a) Le palimpseste d'Hamlet
L'apparition des spectres est un clin d'œil évident à Shakespeare (cf. aussi la dédicace initiale de la pièce :
« Adonc le Père Ubu hoscha la poire, dont fut depuis nommé par les Anglois Shakespeare, et avez de lui
sous ce nom maintes belles tragœides par escript. » > Jeu sur le nom de Shakespeare : to shake = secouer,
pear = poire !) (Cf. aussi l'acte I scène 1 qui est une reprise de Macbeth).
b) Le palimpseste du Cid
Jeune homme ayant le devoir de venger l'honneur de sa famille : parallèle entre Bougrelas et Rodrigue.
Bougrelas : double parodique de Rodrigue.
2
Première LA n°3 Ubu roi
Mme Bissuel
Conclusion
- Bilan : Scène surprenante par son sérieux contrastant avec tout le début de la pièce ; mélange des registres
amenant à lire la parodie derrière le tragique et le pathétique ; reprise intertextuelle de Hamlet et du Cid.
- Ouverture : Scène qui continue le jeu savant de l'intertextualité déjà présent dans les scènes 1, 3 et 4 de
l'acte I.
3