Électricité nucléaire et consommation d`énergie

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Électricité nucléaire et consommation d`énergie
Électricité nucléaire et consommation d’énergie primaire et
finale
L’électricité nucléaire correspond à environ 40 % de la consommation d’énergie primaire, alors que
l’électricité dans son ensemble représente 23 % de la consommation d’énergie finale. L’explication de cet
apparent paradoxe repose sur deux éléments méthodologiques :
• par définition, afin d’éviter les « doubles comptes », la consommation d’énergie primaire ne
comprend pas l’électricité obtenue par transformation d’une autre énergie comptabilisée, comme le
gaz ou le pétrole. Elle comprend donc uniquement l’électricité d’origine nucléaire, hydraulique,
éolienne, photovoltaïque et géothermique ; par contre, la consommation d’énergie finale prend en
compte l’ensemble de l’électricité consommée, y compris celle d’origine thermique classique ;
• par convention harmonisée au niveau international, les coefficients utilisés pour passer des MWh
électriques aux tep peuvent différer en fonction de deux éléments : la filière de production électrique
et la nature du kWh considéré, selon qu’il est produit ou consommé.
La coexistence de différents concepts et définitions se justifie par les différents usages que l’on peut en faire. Les
résultats des calculs qui peuvent être effectués sur la base de définitions ou de coefficients d’équivalence
différents ne sont donc pas immédiatement comparables.
1) Bilan énergétique de la France : définitions et concepts
La principale difficulté de compréhension d’un bilan énergétique d’un pays réside dans le fait que
toutes les énergies sont exprimées dans une même unité, la « tonne d’équivalent pétrole » (tep1. Cette
pratique est inspirée de celle des instituts nationaux de statistiques pour construire les « Tableaux
Entrées-Sorties » de la Comptabilité nationale exprimés en monnaie courante ou constante, quel que
soit le secteur d’activité. Cependant, l’unité monétaire n’est pas adaptée pour procéder à des analyses
indépendantes des « effets prix ». Or quoi de commun entre un boulet de charbon, un baril de pétrole,
une bouteille de gaz, une bûche de bois ou un kWh d’électricité ? Sans parler des différentes
techniques de production (extraction du sol, conversion par une centrale électrique thermique, énergie
éolienne, hydraulique, nucléaire, etc.), de transport (par réseau dans des lignes électriques, des
oléoducs ou des gazoducs, par moyen individuel tel que bateau, camion, etc.), de distribution et de
consommation.
Le bilan énergétique d’un pays se présente en deux parties : un « haut de bilan » qui rassemble
l’approvisionnement énergétique national (production primaire, solde importateur, déstockage) et un
« bas de bilan » qui détaille les différentes formes de consommation, par produit énergétique et par
secteur d’activité (industrie, transports, etc.).
Les énergéticiens considèrent que le point commun à mettre en évidence, par le choix de l’unité de
compte énergétique, est l’énergie qui peut être « obtenue » à partir du produit considéré, que ce soit le
charbon, le pétrole, le gaz, l’électricité et diverses énergies renouvelables thermiques (bois, déchets,
biogaz, biocarburants, etc.). Il est alors indispensable de définir au préalable la terminologie, en
distinguant :
•
•
•
1
l’énergie primaire, qui est extraite du sol ou issue d’une centrale nucléaire ou hydraulique,
l’énergie secondaire, issue de la conversion sous une forme utilisable d’une énergie
primaire, par exemple l’électricité d’origine thermique classique ou les produits pétroliers
sortis de raffinerie,
l’énergie finale, qui est consommée dans un équipement ou une installation qui la
« dégrade » définitivement, comme une ampoule électrique, un moteur d’automobile, une
chaudière, un climatiseur, etc.
L’usage du joule (J) est plus rare, bien qu’il soit l’unité énergétique du Système international d’unités.
methodo_electricite_prim_fin_20081909.doc
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•
l’énergie utile, qui est réellement nécessaire pour le consommateur (c-à-d le produit de
l’énergie finale disponible par le rendement de l’équipement).
Dans la cascade des transformations de l’énergie, il y a des pertes à chaque étape et l’énergie utile
nécessaire est inférieure à l’énergie finale consommée qui est elle-même inférieure à l’énergie
primaire employée. De même l’énergie secondaire produite à partir d’une énergie primaire est
inférieure à celle-ci en raison du rendement de conversion (ainsi, pour une centrale thermique
classique, le rendement de Carnot dépasse-t-il rarement 40 %).
Lorsqu’on se pose la question de l’agrégation des formes d’énergie, le « coefficient d’équivalence » à
utiliser est fortement tributaire du niveau d’énergie (primaire, secondaire, final, utile) auquel on veut
se placer. Une convention est donc nécessaire. Elle consiste, le plus souvent, à choisir entre
« équivalence à la production » et « équivalence à la consommation » : plus précisément, pour
l’électricité, 1 kWh obtenu à partir d’une prise de courant doit-il être comparé à la quantité de fioul
qu’il a fallu pour le produire dans une centrale ou à la quantité de chaleur « contenue » qu’il peut
dissiper par « effet Joule » dans une résistance électrique branchée à la prise ? Les deux principes sont
légitimes et effectivement utilisés par les experts selon les objectifs qu’ils se fixent. Le premier sera
particulièrement adapté à une analyse en termes de substitution d’énergies primaires, alors que le
second se prêtera mieux à des comparaisons entre secteurs d’activité pour évaluer leurs efforts en
matière d’efficacité énergétique ou de substitution.
La méthode acceptée au niveau international (Agence Internationale de l’Énergie, Commission
européenne, ONU) conduit à distinguer trois cas :
1. l’électricité produite par une centrale nucléaire est comptabilisée selon la méthode de
« l’équivalent primaire à la production », avec un rendement théorique de conversion des
installations égal à 33 % ; le coefficient de substitution est donc 0,086/0,33 = 0,260606…
tep/MWh ;
2. l’électricité produite par une centrale à géothermie est aussi comptabilisée selon la méthode
de « l’équivalent primaire à la production », mais avec un rendement théorique de
conversion des installations égal à 10 % ; le coefficient de substitution est donc 0,086/0,10 =
0,86 tep/MWh ;
3. toutes les autres formes d’électricité (production par une centrale thermique classique,
hydraulique, éolienne, marémotrice, photovoltaïque, etc., échanges avec l’étranger,
consommation) sont comptabilisées selon la méthode du « contenu énergétique à la
consommation », avec le coefficient 0,086 tep/MWh.
2) Spécificités de l’électricité
La production primaire d’électricité est un concept délicat dans la mesure où l’électricité n’est pas
disponible à l’état naturel. Il s’agit d’une convention qui la limite à l’électro-nucléaire (440 TWh en
2007), l’hydraulique et marémotrice (64 TWh), l’éolien, le photovoltaïque et la géothermie (4 TWh),
soit un total de 508 TWh. Dans le Bilan énergétique de la France, il s’agit de productions brutes, c-à-d
qui comptabilisent tout ce qui est produit, y compris la consommation des auxiliaires et des
transformateurs des centrales (5 à 6 % pour le thermique, 1% environ pour l’hydraulique).
Pour obtenir la production totale brute d’électricité de la France, soit 570 TWh en 2007, il faut sommer
les productions primaires et la production d’électricité thermique (y compris la production d’électricité
des raffineries). La part du nucléaire dans cette production s’élève à 77 %. En ajoutant les importations
(11 TWh) et en retranchant les exportations (68 TWh), on obtient les disponibilités (brutes) en
électricité (ou consommation intérieure brute d’électricité), qui correspondent à la notion de
ressources, soit 513 TWh.
Disponibilités = Σ productions brutes + importations - exportations
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La partie consommation est un peu plus complexe, notamment à cause du fait que, pour éviter des
« doubles comptes », il faut distinguer consommation primaire d’électricité (451 TWh, sans
correction climatique) et consommation finale d’électricité (427 TWh, sans correction climatique), la
différence étant due aux consommations internes de la branche énergie (fioul, gaz charbon dans les
centrales thermiques) et aux pertes.
Les consommations internes d’électricité sont classées en deux catégories :
•
•
usages internes (1) (de l’ordre de 18 TWh en 2007) : ce sont les usages internes au sens
propre. Ils comprennent la consommation d’électricité de la branche, notamment Eurodif
(l’enrichissement d’uranium est gros consommateur), mais aussi la consommation
d’électricité des autres énergéticiens. Il ne comprend pas la consommation des raffineurs, et
pas non plus la consommation de « eau et chauffage urbain ».
usages internes (2) (de l’ordre de 33 TWh) : ce sont les consommations directement liées à
la production d’électricité. Ce chiffre comprend donc la consommation des auxiliaires et des
transformateurs des centrales ; mais aussi les consommations pour le pompage.
Les pertes d’électricité sont de l’ordre de 32 TWh. Afin d’éviter toute confusion, ce terme ne devrait
être utilisé que pour désigner les pertes de réseau (pertes en ligne et pertes de transformation), même
si les usages internes (2) comprennent aussi une petite partie de pertes (que l’on devrait peut-être
appeler pertes du producteur, par opposition aux pertes du réseau).
Conso. branche énergie =
usages internes (1) = Eurodif + autres
+ usages internes (2) = auxiliaires + pompages
+ pertes en ligne et ajustement
+ consommation des raffineries
(18 TWh)
(33 TWh)
(32 TWh)
(4 TWh)
Si on retire ces consommations de la branche énergie (86 TWh) aux disponibilités (brutes) précitées
(513 TWh), on obtient la consommation finale énergétique, non corrigée du climat, soit 427 TWh.
On utilise aussi couramment le concept d’énergie appelée, ou consommation intérieure totale, égale
à Disponibilités (brutes) – Usages internes (2), soit 480 TWh (non corrigée du climat).
Ou encore :
E Appelée = Σ productions nettes + import – export – pompage
3) Comparaison de l’électricité avec les autres énergies, primaires et finales
Lorsqu’on représente le « mix » énergétique primaire de la France, une difficulté provient du solde
importateur d’électricité qui, pour de nombreux pays, est positif et représente une ressource primaire,
mais qui, pour la France, est négatif et égal à - 4,9 Mtep (équivalent à 57 TWh selon le coefficient
précité de 0,086 tep/MWh), soit environ 2 % de la consommation d’énergie primaire. Pour simplifier,
on considère que la totalité de ces exportations sont d’origine nucléaire et on les retire de la part
correspondante du « mix » énergétique. On trouve ainsi pour l’électricité nucléaire une part de marché
égale à 40 % de l’énergie primaire consommée en 2007.
Du fait, notamment, de l’application d’un coefficient d’équivalence en tep plus important au niveau
primaire que final, le poids de l’électricité dans le « mix » énergétique final est nettement inférieur et
s’élève à 23 %. De façon abusive, en considérant qu’environ 78 % de cette électricité est d’origine
nucléaire, on pourrait dire que le nucléaire « compte pour 18 % » du « mix » énergétique final.
Cependant cette comparaison n’a pas plus de sens que de comparer du pétrole brut avec du gaz
naturel, le premier étant une énergie inutilisable avant transformation dans une raffinerie, alors que le
second est quasiment utilisable en l’état.
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De fait, la comptabilité de l’énergie au sens global, toutes énergies confondues, n’est facile à
comprendre qu’en traitant séparément les aspects relevant de l’énergie primaire (sécurité
d’approvisionnement, émissions de CO2, etc.) et ceux relevant de l’énergie finale (efficacité
énergétique, substitutions entre énergie). Le passage entre les deux niveaux, qui est cependant
nécessaire pour bien comprendre la situation énergétique, demande des précautions et des explications
en fonction de l’analyse envisagée.
Primaire : 276,1 Mtep
Autres énergies
renouvelables et déchets
5,0%
Électricité hydraulique et
éolienne
2,0%
Finale énergétique : 162,1 Mtep
Énergies renouvelables
thermiques
6,9%
Charbon
4,5%
Pétrole
33,3%
Charbon
4,2%
Électricité
22,8%
Pétrole
44,6%
Électricité nucléaire (hors
exportations)
40,6%
Gaz naturel
21,5%
Gaz naturel
14,6%
Consommation d’énergie primaire et consommation énergétique finale en France
[1] Bilan de l’énergie de la France 2007 (DGEMP-Observatoire de l’énergie, téléchargeable sur le site
Internet www.industrie.gouv.fr/energie, sélectionner « Les statistiques sur l’énergie/Les statistiques toutes
énergies»).
[2] Scénario énergétique de référence à caractère tendanciel à 2030 pour la France (DGEMP-Observatoire de
l’énergie, téléchargeable sur le site Internet www.industrie.gouv.fr/energie, sélectionner « Prospective énergétique »).
[3] L’électricité en France en 2007 : une analyse statistique. Juin 2008.
[4] Electricité et politique énergétique : spécificités françaises et enjeux dans le cadre européen. Juillet 2007.
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