Université Paris 7 Année 2007/2008 UFR de mathématique

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Université Paris 7 Année 2007/2008 UFR de mathématique
Université Paris 7
UFR de mathématique
Paul Gérardin
Année 2007/2008
Stage de collégiens en laboratoire scientifique.
Semaine du 14 au 18 avril 2008.
LE THÉORÈME DE L’HYPOTÉNUSE, dit de PYTHAGORE.
0. À partir d’un triangle rectangle, on construit vers son extérieur un carré sur chacun de ses côtés. Alors,
l’aire du carré de l’hypoténuse est égale à la somme des aires des deux petits carrés. C’est le théorème
de Pythagore (environ −560, −480), le premier à en avoir donné une véritable démonstration. Quinze
exemples figurent déjà sur des tablettes babyloniennes plus de 1000 ans avant, et qu’on observe aussi dans
les mathématiques chinoises anciennes, vers −1100.
À la Cité des Sciences et de l’Industrie du parc de la Villette, à Paris, on peut voir une illustration
de ce théorème. La figure ci-dessus schématise le dispositif : les trois carrés servent de réservoirs qui
communiquent par leurs points de contact ; ils sont placés verticalement, celui de l’hypoténuse étant plein
d’eau, les deux autres vides. L’assemblage pivote ensuite autour d’un axe horizontal. Au bout d’un
demi-tour, le réservoir de l’hypoténuse se sera entièrement déversé dans les deux autres, qui sont alors
pleins.
On note a, b, c les longueurs des côtés du triangle rectangle : a, b, a ≥ b pour les côtés de l’angle droit,
c pour l’hypoténuse. Les aires des carrés associés sont a2 , b2 , c2 . Le théorème dit : a2 + b2 = c2 . En fait,
ceci est un critère pour que le triangle de côtés a, b, c soit rectangle avec c pour l’hypoténuse.
1. Démonstrations par des identités algébriques. Chine ancienne (”Le gnomon des Zhou”, Dynastie
Han, vers -100), Bhaskara (Inde, 1114-1185).
c2 = (a − b)2 + 4
ab
2
(a + b)2 = c2 + 4
1
ab
2
2. Démonstration par découpages : ”Le palanquin de la mariée” (qui n’utilise que des translations),
Thabit ibn Qurra (arabe, période Abasside, Mésopotamie, 836-901), et Liu Hui (Chine, 3ème siècle) :
3. Démonstration d’Euclide (Grèce, env.−325, −265) : par congruence de triangles et glissements
(Proposition 47 du Livre I des Éléments).
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4. Démonstration affine :
Pappus (Égypte, vers 290-350), par glissements de parallélogrammes
parallèlement à un côté. Le théorème de Pythagore est la version euclidienne d’un énoncé affine : lors
d’une translation dans le plan affine, la somme des aires algébriques balayées par les trois côtés d’un
triangle est nulle. On peut déceler le ”palanquin de la mariée” dans ces figures.
5. Démonstration dite de Léonard de Vinci (Italie, 1452 − 1519) : ajout de deux copies au triangle
rectangle et congruences de quadrilatères.
6. Démonstration par similitudes de triangles : Euclide, Éléments, Prop. 31 du livre VI.
Sur la figure de gauche, la hauteur du triangle rectangle détermine deux triangles rectangles qui lui
sont semblables (Euclide VI.8). Leurs longueurs sont (a2 /c, ab/c, a) = a/c × (a, c, b), (ab/c, b2 /c, b) =
b/c × (a, c, b)). L’aire du triangle rectangle initial (a, c, b) est la somme des aires des deux autres, et donc
(a/c)2 + (b/c)2 = 1 : c’est a2 + b2 = c2 . La figure du centre est une autre version : on ajoute au triangle
rectangle découpé selon sa hauteur les trois symétriques des trois triangles ainsi définis, symétriques que
l’on obtient par les symétries centrales relatives aux milieux de ses côtés : les deux grands rectangles qui
apparaissent ont la même aire. À droite, on a construit des figures semblables sur les côlés : la somme
des aires sur celles des côtés de l’angle droit est égale à celle sur l’hypoténuse.
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7. Démonstration par complémentation (cf Thabit ibn Qurra).
On ajoute cinq copies du triangle rectangle à la figure de base, de façon à former une figure symétrique
par rapport au milieu de l’hypoténuse du triangle rectangle initial : les pentagones situés de part et d’autre
de cette hypoténuse sont égaux et leur ôter à chacun trois copies du triangle rectangle laisse d’une part
le carré de l’hypoténuse, d’autre part la réunion des deux carrés des deux autres côtés. Voir aussi la
démonstration présentée au 5.
8. Démonstration par pavages (Thabit ibn Qurra ; cf aussi tombe de Henry Perigal, Angleterre
1801-1898.)
À partir du triangle rectangle donné, on définit un pavage du plan : les deux carrés construits sur les
côtés de l’angle droit sont mis côte à côte sur une même base. La réunion de ces deux carrés constitue
la maille (pavé fondamental) d’un pavage du plan. Les translations qui conservent ce pavage forment un
réseau engendré par deux vecteurs orthogonaux de longueur celle de l’hypoténuse.
Chaque façon de superposer le pavage ci-dessus par le quadrillage des hypoténuses provoque un
découpage du pavage initial. Dans les deux premiers exemples ci-dessous, le carré grillagé est obtenu
à partir du découpage des deux carrés initiaux.
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Le mathématicien perse an-Nayrizi (vers 900) a utilisé la superposition suivante, qui retrouve le ”palanquin de la mariée” :
Lorsque le quadrillage par les carrés de l’hypoténuse est construit à partir des centres des carrés moyens,
on obtient (Perigal) :
Le quadrillage par les carrés de l’hypoténuse est construit à partir des centres des petits carrés :
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9. Une autre démonstration par découpage (cf. Abu’l-Wafa, perse, 940 − 998, période Abbasside,
Iran).
On découpe l’un des carrés autre que celui de l’hypoténuse suivant les diagonales, ce qui donne quatre
triangles rectangles isocèles. On les dispose contre l’autre carré avec invariance par rotations d’un quart
de tour comme indiqué. Les quatre sommets des angles droits forment un carré, de longueur du côté
égal à la longueur de l’hypoténuse du triangle rectangle initial. On découpe alors les quatre triangles qui
dépassent de ce carré, que l’on replace tous à l’intérieur par symétries centrales : joint au carré central
initial, le carré de l’hypoténuse est totalement reconstitué.
Les deux figures ci-dessus sont construites à partir du carré sur le petit côté de l’angle droit. Celles
ci-dessous sont construites à partir du carré sur le grand côté de l’angle droit. À gauche, le carré de
l’hypoténuse est indiqué en tirets.
En fait, cette démonstration permet de retrouver celle attribuée à Perigal dans la section précédente.
En effet, on répète la figure par rotations successives d’un quart de tour centrées aux sommets des angles
droits des demi-carrés, et on continue indéfiniment avec les nouveaux demi-carrés.
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10. Démonstration avec rectangles et losanges.
Le théorème de Pythagore dit que, dans un plan euclidien, l’aire d’un carré de côté la longueur de
l’hypoténuse d’un triangle rectangle est égale à la somme des aires de deux carrés de côté respectif la
longueur de chacun des deux autres côtés. Avec le rectangle dont le triangle donné est la moitié, ceci
signifie que la somme des aires des quatre carrés construits vers l’extérieur sur les côtés du rectangle est
le double de l’aire d’un carré de côté la longueur d’une des diagonales du rectangle.
On décrit ici une démonstration directe de cette propriété, qui joue sur une dualité entre rectangles et
losanges. Ceci donne le théorème de Pythagore.
Les centres de ces quatre carrés construits sur les côtés du rectangle sont les sommets d’un carré (en
jaune sur la figure), d’aire double de celle du rectangle. Ces quatre carrés bordent aussi quatre autres
rectangles, égaux, partageant chacun un sommet avec le rectangle initial. Les centres de ces quatre
rectangles sont les sommets d’un carré (en bleu sur la figure). Ce carré est formé du rectangle initial,
de la moitié de chaque carré sur ses côtés, et d’un quart de chaque rectangle que ces carrés bordent. La
répétition de ces rectangles et des carrés construits sur leurs côtés donne un pavage du plan.
Les deux diagonales du rectangle initial sont les médianes du losange aux côtés en rouge sur la figure,
dont les centres des quatre carrés construits vers l’extérieur sur ses côtés sont les sommets du carré
précédent (le carré bleu sur la figure). Ces quatre carrés bordent quatre autres losanges ayant aussi
chacun un sommet commun avec le losange central. Les centres de ces quatre losanges sont les sommets
d’un carré (en vert sur la figure). Ce carré est formé du losange central, de la moitié de chaque carré
sur ses côtés, et de quatre morceaux, chacun venant d’un losange que ces carrés bordent. Ces quatre
morceaux rassemblés par translations forment un de ces losanges. La répétition de ces losanges et des
carrés construits sur leurs côtés donne un second pavage du plan (en traits rouges sur la figure).
L’aire du losange central est double de celle du rectangle initial. Le carré vert a une aire double de
celle du carré bleu. Ceci revient à dire que la somme des carrés des longueurs des deux diagonales du
rectangle initial est la somme des carrés des longueurs de ses quatre côtés.
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11. Une démonstration avec la géométrie dynamique : la sorcière sur son balai.
A califourchon, la sorcière tient solidement son balai, dont le faisceau des fibres traı̂ne sur le sol.
Lorsque la sorcière circule sur un terrain plat, on s’intéresse à l’aire de la surface balayée. On admet que
cette surface est négligeable sur chaque partie rectiligne du parcours.
On suppose d’abord que la sorcière tourne toujours du même côté. On ramène la position de la partie
du balai qui brosse le sol à un point auxiliaire O. Mamikon Mnatsakanian a démontré que l’aire balayée
est égale à celle du secteur circulaire de centre O et de rayon la longueur ℓ de cette partie brosse du balai,
que parcourt le rayon vecteur depuis sa position de départ jusqu’à sa position d’arrivée. Si la sorcière ne
tourne pas d’un même côté, il s’agit de l’aire algébrique, différence entre les aires des deux côtés.
Lorsque la sorcière parcourt un cercle, il en est de même de l’extrémité de son balai. La surface balayée
est celle de la couronne entre les deux cercles. Son aire est égale à la différence des aires des deux disques.
Si le rayon du cercle de parcours est a, et c celui que décrit le bout du balai, celle de la couronne est
πc2 − πa2 . Le résultat de Mnatsakanian dit que l’aire balayée lorsque la sorcière parcourt tout un cercle
est celle πℓ2 du disque de centre O et de rayon ℓ, et donc on a la formule ℓ2 = c2 − a2 : c’est le théorème
de Pythagore appliqué au triangle rectangle de sommet le centre O du cercle auxiliaire et les deux bouts
A et B de la brosse du balai en position initiale.
B
l’hodographe de la sorcière
A
départ et
C
arrivée
O
le parcours de
la sorcière
12. Références.
Quelques livres :
O. Neugebauer, A. Sachs, Mathematical cuneiform texts. American Oriental Society, New Haven, 1945.
K. Chemla et Guo Shuchun, Les neuf chapitres. Le classique mathématique de la Chine ancienne et ses
commentaires. Dunod, 2004(texte chinois et traduction en français, avec commentaires).
Euclide, Les éléments. Texte grec et traduction française libre par Georges Kayas. CNRS, 1978.
Mamikon A. Mnatsakanian, On the area of a region on a developable surface, Dokl. Armenian Acad. Sci
73 (1981), 97-101 (en russe, résumé en arménien). Voir aussi Tom A. Apostol, A Visual Approach to
Calculus Problems, Engeneering and Science, 3 (2000), 22-31.
B.L. van der Waerden, Geometry and Algebra in Ancient Civilizations. Springer Verlag, 1983.
Présentation et discussion (en anglais) des propositions citées des Éléments d’Euclide :
http://aleph0.clarku.edu/∼djoyce/java/elements/elements.html
Autres références Internet sur le théorème de Pythagore :
http://www.cut-the-knot.org/pythagoras/index.shtml
http://www.mathematische-basteleien.de/formula.htm
http://digilander.libero.it/basecinque/pitagora/perigalpit.htm
http://plus.maths.org/issue16/features/perigal/index.html
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