Rencontre avec soeur Romina, dominicaine de Sainte

Transcription

Rencontre avec soeur Romina, dominicaine de Sainte
Rencontre avec sœur Romina, Dominicaine
Sœur Romina est religieuse, italienne. Après huit années passées dans le Sud de la
France, sa famille religieuse l’a appelée à Rome pour animer des communautés
dans les divers pays où est présente sa congrégation, les Dominicaines de SainteCatherine
de
Sienne.
Régulièrement,
elle
revient
en
France
pour
l’accompagnement de deux établissements scolaires dans le Tarn et dans les
Pyrénées-Atlantiques. Dans un entretien qu’elle nous a accordé, elle parle de sa
famille religieuse, de sa vocation mais aussi de vie et d’amour.
Parlez-nous de votre congrégation.
Je fais partie des Dominicaines de Sainte-Catherine de Sienne, une congrégation de
400 sœurs environ, présentes en 13 pays, en Afrique, en Amérique, en Asie et en
Europe. Nous avons la Maison-Mère, c’est-à-dire la première fondation, le lieusource, à Albi, c’est pour cela qu’on nous connaît aussi comme les dominicaines
d’Albi. Notre fondatrice, Mère Gérine Fabre, originaire du Cantal, a vécu au XIXe
siècle et pourtant nous sommes aujourd’hui une famille religieuse très jeune, à sa 10e
année de vie ! Je m’explique. Quand Mère Gérine était encore en vie, en 1879, la
congrégation était déjà présente dans plusieurs villes de France et d’Italie et en
Amérique Latine. Cependant, des difficultés de communication et d’entente (et
l’agir d’un évêque gallican, voulant empêcher nos sœurs d’obtenir la
reconnaissance de la part du Pape) ont fait en sorte que les communautés d’Italie
se sont détachées et ont fondé une nouvelle congrégation, avec le même nom…
En l’an 2000, j’ai donc commencé le cheminement pour devenir religieuse parmi les
Dominicaines de Sainte-Catherine de Sienne… de Rome. Néanmoins, fort
heureusement, celles-ci avaient déjà entrepris, à ce moment là, un chemin de retour
à la source et de rapprochement avec les sœurs de France.
La route a été longue car cent ans d’histoire avaient creusé des différences entre les
deux congrégations, animées cependant d’un même esprit. Depuis 2006, nous
sommes désormais une nouvelle famille religieuse, réunie et unique, et j’ai eu le
privilège de vivre à la Maison-Mère les toutes premières années de vie ensemble.
Depuis quelques années, en Europe et en Amérique Latine, des laïcs demandent à
vivre notre spiritualité dans leurs situations spécifiques de vie, en collaborant avec les
sœurs quand c’est possible. Ils font partie de la famille !
Que signifient pour vous les termes donner et recevoir ?
Donner et recevoir, ou plutôt recevoir et donner, vont ensemble. Je préfère renverser
l’ordre des mots, car je ne peux pas donner ce que je n’ai pas. Souvent je réalise
que j’ai beaucoup reçu et cela réveille en moi un sens de responsabilité face à la
vie…
En quoi, votre parcours illustre-t-il particulièrement ces deux mots ?
Je pense particulièrement à des années de grands changements dans ma jeunesse
et à une personne en particulier : mon copain Lorenzo. Je l’ai connu à une époque
où j’avais tout remis en question, ma vie, mes valeurs. J’avais vécu une adolescence
riche et joyeuse, enthousiaste de l’aumônerie que je fréquentais… et pourtant, à 20
ans, la foi chrétienne ne me disait plus rien. Tout avait perdu du sens et du goût.
Lorenzo cependant me touchait et m’interpellait énormément. Il était bénévole
dans des associations d’aide à des personnes fragiles, très attentif aux personnes
isolées, à la marge dans le quartier : personnes de tous les âges, qui trouvaient en lui
un vrai ami.
Lorenzo me parlait du Christ et cela me bouleversait, parce que ce n’était pas
d’idées dont il me parlait : Jésus était l’Ami pour lui, vrai et vivant, qui l’interpellait et
l’écoutait, le guidait et le soutenait,… En quelques mois, son témoignage m’a
profondément remise en question !
J’ai reconnu ensuite, en croyante, l’œuvre discrète et vigoureuse de l’Esprit Saint
dans mon cheminement intérieur durant ces années et Lorenzo en a été un
instrument incontournable. Sans le savoir, il m’a ouvert la route pour choisir de
nouveau d’être chrétienne, avec une foi plus mûre et cohérente, ce que je
considère aujourd’hui le don le plus précieux.
Les parcours de vie sont complexes et fantaisistes, et j’ai fait l’expérience que Dieu
écrit droit sur des lignes bien tordues. À la suite d’un camp pour les jeunes au cours
duquel je m’étais interrogée sur ma vie et sur ma vocation, j’ai décidé d’interrompre
la relation amoureuse avec Lorenzo. Je rêvais de l’Amour avec un grand A, pour
toute la vie, et durant ce temps fort de questionnement intérieur, j’ai réalisé que
Lorenzo était surtout un grand ami pour moi. À ce camp, j’ai rencontré des
religieuses joyeuses et épanouies, et j’ai eu une première intuition de l’attrait que leur
vie réveillait en moi.
Les années se sont écoulées : j’étais en recherche, je voulais comprendre en quoi je
trouverais le bonheur le plus profond et vrai, à quelle forme de vie j’étais appelée à
ce « tout donner » qui m’avait marquée lors d’une soirée dédiée à un missionnaire
martyr au Brésil.
Au bout de quatre ans, j’ai trouvé : avec les Dominicaines de Sainte-Catherine de
Sienne, rencontrées dans ma ville, je me suis sentie vite « chez moi » ! Elles m’ont
accueillie et accompagnée dans une gratuité et liberté d’esprit qui m’ont
beaucoup plu. Avec elles, j’ai compris que le Seigneur déjà comblait mon cœur,
que dans la relation apparemment silencieuse avec Lui je trouvais ma plénitude et
que j’étais appelée à donner ma vie, à transmettre son Amour à toutes les
personnes que le Seigneur me donnerait de rencontrer au long de mon chemin de
vie. C’étaient les signes d’une vocation consacrée, que je me sentais appelée à
vivre au sein d’une communauté.
Avant de commencer la première année de formation, j’ai tenu à communiquer
personnellement à Lorenzo la décision que j’avais prise, et ce fut une belle
expérience d’amitié profonde.
Quelle surprise, l’année suivante, lorsque j’ai reçu une lettre de sa part. Il me confiait
combien il avait été touché par le fait que j’avais eu le courage de poser un choix
pour ma vie.
Il s’est remis en recherche lui aussi, qui avait déjà pensé à la vie consacrée, bien
avant de me connaître. Depuis quelques années il est religieux et missionnaire,
actuellement au Soudan.
L’émotion a été grande, quand j’ai réalisé que moi aussi, sans le vouloir, j’avais
« donné » à Lorenzo quelque chose d’important : je l’avais aidé à retrouver
confiance pour prendre en main sa vie.
Qui était Sainte Catherine de Sienne ? En quoi son parcours est-il un modèle pour
votre congrégation ?
Catherine de Sienne (1347-1380) est la sainte protectrice et le modèle que notre
fondatrice a indiqué aux premières sœurs réunies autour d’elle. Laïque dominicaine
(c'est-à-dire qu’elle ne vivait pas dans un couvent, comme les religieuses), Catherine
a donné toute sa vie pour l’Église, très divisée à son époque, et pour la paix en
Europe. Tout cela au nom d’un grand amour pour le Christ qui l’a poussée à s’investir
dans les grandes causes de son temps, en gardant en son cœur une « cellule
intérieure » dans laquelle elle puisait la force spirituelle et l’audace qui lui ont permis
d’avoir affaire au Pape, aux princes,… ainsi qu’aux pauvres gens, aux malades et
aux détenus, avec la même liberté intérieure et la même générosité. Sa vie nous
interpelle énormément, face aux défis du monde d’aujourd’hui !
Que souhaiteriez-vous transmettre aux personnes qui vous lisent ?
Je voudrais partager deux idées-forces jaillies des expériences que j’ai racontées.
Nous ne connaîtrons pas vraiment tous les fruits de ce que nous avons essayé de
donner en simplicité ! Je pense à Mère Gérine qui, en son temps, a tout donné pour
la fondation d’une famille religieuse. Elle a quitté cette vie dans la douleur de la
savoir divisée. Qui aurait pu lui dire que 130 ans plus tard ses sœurs seraient de
nouveau ensemble, décidées à avancer sur ses traces ?
Deuxièmement, je pense à l’importance pour nous tous de savoir prendre des temps
de gratuité, personnellement et au sein des relations qui comptent pour nous : des
temps pour savourer tout ce que nous avons reçu, et pour aiguiser notre capacité
d’écoute. Dieu parle en nous à travers ce qui nous habite de plus profond et vrai, et
à travers les « cris » souvent inarticulés de nos proches et de nos contemporains : ce
sont autant d’appels à partager ce que nous recevons jour après jour !

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