Apprendre à problématiser Suis-je ce que j`ai conscience d`être
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Apprendre à problématiser Suis-je ce que j`ai conscience d`être
Lycée franco-mexicain – Année scolaire 2016-2017 – Cours Olivier Verdun ANALYSER UN SUJET DE DISSERTATION « Suis-je ce que j’ai conscience d’être ? » (DM2) I) Définitions générales : problématique, problème, problématisation Comprendre un sujet de dissertation, c'est mettre au jour son caractère paradoxal, c'est identifier le ou les problèmes qu'il pose, c'est le problématiser. Tout sujet de dissertation est donc, par définition, paradoxal, en ce sens qu'il invite à questionner un préjugé. Ne pas confondre la question posée par le sujet (avec un pont d'interrogation) et le problème qui lui est sous-jacent (qui ne s'énonce pas nécessairement sous la forme d'une question). Une question (par exemple, « quelle heure est-il ? ») appelle généralement une réponse. Un problème, lui, appelle une discussion, parce que la réponse ne va pas de soi. On entend par problème l'obstacle placé sur le chemin de la réflexion qui en empêche l'avancée et dont la solution est toujours incertaine. Le problème est ce qui produit l’étonnement. Poser un problème, c’est expliquer pourquoi une question se pose, et doit se poser, non à tel ou tel individu, mais pour tout esprit raisonnable. Il y a problème quand deux notions sont associées ou dissociées, association ou dissociation qui n’ont rien d’évident au premier abord et qui semblent donc étranges. Exemple 1 : « Peut-on avoir peur d’être libre ? » Le problème posé par ce sujet est celui de l’association de la peur et de la liberté. Exemple 2 : « Le droit est-il toujours juste ? » Le problème posé est celui de la dissociation du droit et de la justice. On appelle problématique la manière dont va être traité le problème posé, la recherche d'une solution à ce problème. Comment faire pour résoudre le problème ? Par quelles étapes va-t-il falloir passer pour l’examiner, puis le résoudre ? La problématique d’un sujet, c’est donc l’ensemble des problèmes, des obstacles que l’on aura à résoudre. En dégageant la problématique, on annonce ainsi indirectement son plan. II) Comment construire une problématique à partir d’un exemple de sujet de dissertation La problématique résulte de l’analyse du sujet (cf. travail de préparation), ici « Suis-je ce que j’ai conscience d’être ? » 1) Analyser l’énoncé du sujet Il convient, en premier lieu, d’analyser l’énoncé du sujet, c’est-à-dire de se poser les questions suivantes : quelle est la forme de l’énoncé ? Quelle interrogation l’énoncé introduitil ? Comporte-t-il une nuance ? Lycée franco-mexicain – Année scolaire 2016-2017 – Cours Olivier Verdun a) Quelle est la forme de l’énonce de la question « Suis-je ce que j’ai conscience d’être ? » Remarque générale : il peut s’agir de la définition d’un concept (« Qu’est-ce qu’être maître de soi ? »), de la caractérisation d’un concept par un autre (« La passion est-elle une excuse ? »). Les deux concepts peuvent avoir un sens très proche (« Suffi-il de communiquer pour dialoguer ? ») ou s’opposer (« Peut-on forcer quelqu’un à être libre ? »). Ici il s’agit de la caractérisation d’un concept par un autre : la conscience, l’être ou l’essence. b) Quelle interrogation introduit la question ? Cf. fiche de méthode sur la dissertation (« peut-on, faut-il, pourquoi, comment, y a-til…. »). La question est assez vague et porte sur la définition, l’essence (« Suis-je ? ». c) L’énoncé comporte-t-il une nuance ? Exemples de nuances : « nécessairement », « essentiellement », « vraiment », « toujours », « ne…que ». Pas de nuance ici. 2) Analyser le sujet et préciser le sens de la question La première étape face à la question posée, préalable à toutes les autres, est l’analyse de la signification des termes du sujet (tous les termes). Une dissertation est l’analyse précise, rigoureuse, du libellé du sujet. Analyser signifie décomposer, aller d’une totalité vers les éléments de cette totalité. Analyser le sujet signifie le décomposer en ses différents éléments. Il convient de déterminer les différentes significations valant pour chacun des termes du sujet, y compris les « petits mots » du sujet, les verbes, etc. L’idée est de montrer qu’on peut entendre la question en divers sens. a) Définir les termes du sujet Définir, c’est délimiter, circonscrire une notion, trouver son essence. De quoi parle-t-on au juste ? Telle est la question qu’il convient de se poser pour commencer. - Suis-je : mon être, mon essence, ma réalité, mon moi profond. Conscience d’être : la conscience de soi, la représentation, l’image ou que j’ai de moimême. Sens général : l’idée spontanée, la représentation que j’ai de moi-même est-elle en accord avec cette essence, cet ensemble de déterminations que je suis vraiment ? Lycée franco-mexicain – Année scolaire 2016-2017 – Cours Olivier Verdun b) Rechercher les distinctions centrales Distinguer deux termes signifie mettre en évidence ce qui les sépare, les différencie, voire les oppose. Pour ce faire, on peut s’aider de la liste des repères du programme (exemple : obligation/contrainte). Conscience de soi et connaissance de soi, image de soi et réalité de soi. c) Identifier le présupposé contenu dans la question Un présupposé (ce qui est « supposé avant ») est une affirmation implicitement contenue dans la question, affirmation que l’on considère comme acquise et qui devra être identifiée, discutée, dépassée. Le sujet présuppose que je suis ce que j’ai conscience d’être. Ne suis-je pas, parmi tous les objets de connaissance possibles, celui qui nous est le plus proche et le plus familier ? d) Identifier ce que le sens commun répondrait à la question Il s’agit ici, après avoir identifié le présupposé du sujet, de se demander quelle serait la réponse immédiate à la question posée. Qu’aurait-on tendance à répondre à cette question (« Suis-je ce que j’ai conscience d’être ? ») ? Quelle serait la réponse a priori évidente ? Idem. e) Imaginer une situation dans laquelle on serait amené à se poser la question Il peut être utile de chercher une situation dans laquelle il serait possible de se poser cette question. Dans quel cas peut-on être amené à se poser cette question ? Nos amis, nos proches ne sont pas les seuls à être quelquefois surpris par certains de nos comportements ou de nos paroles. Tantôt pour le regretter, tantôt pour nous en féliciter, il nous arrive souvent de nous étonner d’avoir pu dire telle ou telle parole, d’avoir accompli tel ou tel acte : je me conçois comme généreux mais je ne donne pas d’argent aux personnes démunies pour autant ; j’avais conscience d’être peureux mais j’ai défendu une personne agressée dans la rue. 6 Le problème et la problématique a) Identifier le paradoxe contenu dans le sujet Un paradoxe (du grec para, « contre », et doxa, « opinion commune ») est une affirmation contraire à l’opinion commune, une affirmation qui semble étrange parce qu’elle déroge à ce que nous avons l’habitude de penser. Pour identifier le paradoxe contenu dans le sujet, il faut au préalable avoir identifié ce que le sens commun répondrait à la question, puisque le paradoxe s’oppose à l’opinion commune. Lycée franco-mexicain – Année scolaire 2016-2017 – Cours Olivier Verdun Il semble que nous soyons les mieux placés pour savoir qui nous sommes. Pourtant, nous constatons souvent que notre être ne correspond pas toujours à la conscience que nous en avons. L’expérience de l'erreur sur soi, de la méprise à son propre sujet est si présente que je peux être sûr que la conscience spontanée que j'ai de moi n'est pas une connaissance de ce que je suis effectivement. b) Identifier le problème posé par le sujet Le problème posé par le sujet est ce dont le sujet nous demande de débattre (cf. Supra). La conscience de soi est-elle donc connaissance authentique de soi ? Est-il possible de passer de la conscience spontanée, partielle, voire erronée de soi à une authentique connaissance de soi ? c) Ebaucher la problématique Dans un premier temps, on notera au brouillon les questions que pose le sujet. Mettre en place, à propos de l'énoncé, des questions ordonnées, s'enchaînant logiquement. Ce sont précisément ces questions qui seront examinées dans le corps du devoir et auxquelles on devra fournir des réponses. Quels sont les obstacles à la connaissance de soi ? Quelles sont les conditions d’une conscience juste de soi ? d) Détermination de l’enjeu L’enjeu est le gain de pensée apporté par la formulation d’un problème, son intérêt pratique ou théorique; de la solution que nous choisissons au problème philosophique dépendent des choix de vie fondamentaux. e) Choix de l’idée directrice devant guider la dissertation Définir ici clairement sa propre thèse, ce que l'on entend démontrer, le fil directeur que l'on va suivre. Une dissertation est une argumentation à partir d'une hypothèse que l'on va elle-même confronter à d'autres hypothèses. Il n’y a donc pas de dissertation sans objectif. Il faut vouloir répondre au sujet, produire une thèse personnelle, c’est-à-dire accepter de prendre des risques. Je ne suis pas ce que je crois ou pense être; ce que je suis est souvent en-deçà ou au-delà de la conscience que j'ai spontanément de moi-même. Je suis encore plus opaque à moimême que je ne le suis à autrui. Ce qu'autrui m'apprend alors par-delà les considérations psychologiques individuelles, c'est que mon être et mon identité m'échappent. Si je ne suis pas ce que j'ai conscience d'être, je peux néanmoins me donner pour tâche d'éclairer les zones d'ombre de mon être par un travail sur soi