Les cerises : un temps, un pays (Au verger des Ardennes)
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Les cerises : un temps, un pays (Au verger des Ardennes)
Histoire Au verger des Ardennes Les cerises : un temps, un pays Dessin : Olivier Gobé En Ardenne, les cerises donnent le « la » Bigarreaux, guignes, griottes des Ardennes Pommes, poires, prunes, framboises, mûres… et cerises. Profusion de fruits synonyme de solide réputation fruitière, les Ardennes recèlent 159 toponymes qui font peu ou prou référence à la culture de la cerise. En juin, les paniers de cerises s’alignaient sur le marché de la Place Ducale de Charleville, tout juste cueillis dans les proches vergers. Retrouvez les chroniques de Gérald Dardart relatives à l’histoire de Charleville et de l’Ardenne sur le site de la Ville : www.mairie-charlevillemezières.fr 26 N° 131 - Juin 2009 Le cerisier est un arbre de la famille des rosacées, importé d’Asie mineure à Rome, par Lucullus, en 74 av. J.-C.. Les bienfaits thérapeutiques de la cerise sont reconnus depuis des temps immémoriaux : la queue de cerise est un puissant diurétique. En 1628, Le Lectier cite, dans son catalogue, 13 variétés de cerises. Le baron de Montcornet offre à ses vassaux un repas annuel dont le menu se composait notamment de cerises et de kirsch d’Écordal ainsi que de cidre de Lalobbe. Dès 1657, les paysans de Suzanne et de Sausseuil font commerce des cerises. Le cerisier est surtout planté au bord des champs, dans le « haule », le talus rocailleux. Le pays des cerises s’étend du ChesnoisAuboncourt aux Alleux, en passant par les QuatreVallées, Wignicourt, Vaux-Montreuil, Guincourt, Jonval, Bouvellemont, Écordal, Lametz, Tourteron, Suzanne, La Sabotterie, L’Ânerie, Le Chesne… Henri Manceau écrit : « Affaire de terrain : le pommier, robuste et commun, se greffe facilement, se plaît partout, même en terre forte. Le cerisier, lui, affectionne les terrains tendres, sains, les champs un peu élevés que les gelées d’avril ravagent peu. Ainsi, la guigne hâtive, cerise douce plus petite que le bigarreau, vient bien dans les sols sablonneux et chauds de soleil, dans la terre noire des anciennes vignes ; le cœur de pigeon, « le bilboquet » des anciens, une espèce de bigarreau, dans les terrains calcaires même pierreux ; la cerise sûre, dans les limons doux. Les pruniers de valeur, tels les mirabelliers, les reine-claudiers, les quetschiers, exigent un sol compact : aussi ne les rencontre-t-on que par taches étroites dans la zone des cerisiers ». Les variétés les plus courantes dans ce bon terroir : la Montmorency à courte et longue queue (mûre en juillet), une cerise acide, la guigne rose hâtive (fin juillet), le bigarreau gros court, espèce de cerise, blanche d’un côté, rouge de l’autre, d’une chair très ferme (cœurs dans le pays, fin mai), l’Anglaise hâtive, les cerises aigres à courte queue ou « griottes » des Alleux… La récolte s’étale de la fin mai au 15 juillet, selon les variétés et les conditions climatiques. Deux marchés spécialisés prospèrent à Tourteron et au Chesnois. La halle de Tourteron est autorisée en 1518 par le roi François Ier, et celle du Chesnois a été (re)bâtie en 1842. Ces halles instaurent les cours de la région. On plante beaucoup de cerisiers dans les Ardennes après 1879 pour remplacer les vignes, gelées, malades, ou médiocres. Le commerce de la cerise se développe à partir de 1880. Fruits fragiles, les récoltes sont très variables. En 1928, l’on dénombre 25.000 cerisiers ardennais dont 5.000 à 6.000 dans le canton de Tourteron. Les récoltes de cerises s’avèrent être très aléatoires : 1902 : 325 quintaux ; 1903 : 50 qx ; 1904 : 300 qx ; 1908 : 380 qx ; 1909 : 6.659 qx ; 1912 : 15.504 qx ; 1929 : 7.300 qx… Échelles de Toges Les cueilleurs et cueilleuses travaillent sans relâche durant la saison de 10 à 15 heures par jour. Ils quittent tout pour les cerises et sont durant de longues heures au sommet des échelles : on les surnommait les « Harnicots », les hannetons ! Certains œuvrent jusqu’à 80 ans ! Les échelles sont fabriquées par les Togeards, citoyens de Toges. Ces derniers pâtissent d’une mauvaise réputation, l’on prétend qu’ils construisent les échelles avec du « bois de Lune », car volé la nuit ! Le cueilleur est payé à moitié, il partage le fruit de la récolte avec le propriétaire. Les très bons Grand verger à Bouvellemont (Ph. GDP) de nos e r i o t s Hi rues Rue Émile-Zola Les « mannequins » cueilleurs, travaillant à deux mains sans dégrader la cerise, pouvaient récolter en moyenne 100 kg par jour. Là où existe une halle, le règlement communal oblige tous les paysans du village à venir vendre sous la halle. Cette obligation n’est plus acceptée au début du XXe siècle qu’avec mauvaise humeur. Les censes éloignées se dispensent de passer par la halle locale. Des Quatre-Vallées, on allait au marché de Charleville. Ces jourslà, on chargeait les ânes d e « mannequins » pleins de cœurs et de guignes. Le mannequin est un grand panier en osier en Champagne de forme oblongue et muni de deux anses, qui permet de transporter avec soin 80 à 100 kg de fruits, sans les écraser. L’hiver, les pommes, poires, noix remplaçaient les cerises dans les mannequins. On partait à minuit pour arriver à l’auDu Chesnois be sur la Place Ducale de à Charleville La récolte des cerises en 1935 Charleville. Le « vadeu » - vendeur (Cliché “Petit Ardennais”) Les marchands de fruits – et - de cerises, voyageant dans une notamment de cerises – peuvent voiture à deux roues, garnie de devenir de riches négociants. Voici quelques noms paniers, parcourait les campagnes en criant : de marchands glanés entre 1897 et 1905 : Goury « Aux cerises ! Aux cerises ! ». Elles se vendaient à Lucquy ; « le père Jolly » (Athanase Jolly) aux trois ou quatre sous le kilo. Contre un vieux fer à Alleux ; Lambert à Vaux-lès-Mouzon ; la Veuve cheval, les enfants en recevaient quelques poiPonsinet au Chesnois. En 1899 : Balthazar à Jonval ; gnées. L’arrivée du tortillard dans le pays des Dautel à Jonval ; Pernet à La Sabotterie ; Savart à cerises opère une révolution dans le commerce du Guincourt. En 1905 : Germain à Guincourt ; fruit. Le 15 mai 1904, une ligne à voie de 80 cm, Manichon à Ecordal ; Mauroy à La Romagne ; de 17,38 km est ouverte en plein cœur du pays Mercier à Neuville-Day ; Moreau à Lametz ; Noblet des cerises, desservant les gares de Poix-Terron à à Jonval. Ces marchands ouvrent des « postes » Attigny : Baâlons, Saint-Loup-Terrier, Guincourt, ou dépôts. Sur leurs usoirs s’amoncellent les « Tourteron, Suzanne, Charbogne-Saint-Lambert. charmottes », fameux paniers rectangulaires ou C’est Jean-Baptiste Clément qui donna aux carrés de 18 kg. Ils font la richesse des vanniers, à rouges cerises un statut d’éternité marqué du l’instar de Guillemaille aux Alleux ; Maizières à La sceau de l’Ardenne ouvrière : Sabotterie ; Thomas à La Horgne, en 1897… Certains dépositaires sont aussi vanniers. Les marchands envoient leurs cerises aux confituriers d’Alsace, de Paris, de Reims, ou bien à Froumy et Dormois au Fond-de-Givonne. Les coquetiers, ou cocassiers, marchands d’œufs ou de volailles, viennent acheter les cerises des marchés et halles pour aller les vendre dans les villes : Reims, Rethel, Vouziers, Charleville, Sedan. « Quand nous chanterons, le temps des cerises Et gai rossignol, et merle moqueur Seront tous en fête ! Les belles auront la folie en tête Et les amoureux, du soleil au cœur ! Quand nous chanterons le temps des cerises Sifflera bien mieux le merle moqueur. » (Extrait du Temps des Cerises) Gérald Dardart Références : Belles cerises comme dans la rue Michelet de Charleville (Manuel de 1914. GDP) Marcel LACHIVER, Dictionnaire du monde rural, collection « Les indispensables de l’histoire », Éditions Fayard, 1.438 p., 2006. Jacques LAMBERT, article sur les marchands de cerises, Terres Ardennaises, n°7, juin 1984. Henri MANCEAU, « Le pays des faînes et le pays des cerisiers », Almanach Matot-Braine, 1936, pp. 237-253. Michel TAMINE, Corpus microtoponymique des Ardennes, 2 volumes, 2006. Nathalie TORDJMAN, Le cerisier, collection « Le nom de l’arbre », Éditions Actes Sud, 95 p., 1999. D’origine vénitienne par son père, Émile Zola est né à Paris, le 2 avril 1840. Il passe son enfance à Aix-en-Provence. Son père, ingénieur, y conçoit les systèmes d’adduction d’eau. Malheureusement, ce dernier décède subitement en mars 1847. Sa famille connaît alors une extrême gêne financière. Devant arrêter ses études, Zola part s’installer à Paris en février 1858. Dès 1862, il réussit à entrer à la librairie Hachette, il y dirige très vite le service de publicité. Puis, en 1866, il décide de vivre du journalisme. Courant 1870, il épouse Gabrielle-Alexandrine Meley, ancienne maîtresse de son ami Paul Cézanne. Travaillant pour L’Événement, Le Figaro, La Tribune, Le Gaulois, Le Rappel, La Cloche, il prône une littérature réaliste. Par ailleurs, critique d’art, il fait l’apologie des impressionnistes : Manet, Monet, Renoir, Pissarot. Le public salue ses premières grandes œuvres : Mes Haines en 1866 et Thérèse Raquin en 1867. L’antisémitisme est un crime Tandis qu’il s’oppose au régime de Napoléon III, son œuvre est de plus en plus imprégnée de ses combats politiques. Forçat de la littérature, il s’attache à peindre minutieusement une grande fresque scientificolittéraire : la célèbre saga des Rougon-Macquart, en 20 volumes publiés de 1871 à 1893. Une saga qui traite à la fois des ravages de la génétique dans le Paris populaire – L’Assommoir, 1877 –, la mine – Germinal, 1885 –, la paysannerie – La Terre, 1887 –, le milieu des cheminots – La Bête humaine, 1890 –, la guerre – La Débâcle, 1892 -. Le 13 janvier 1898, Émile Zola prend la défense du capitaine Dreyfus, déclaré coupable de haute trahison, dégradé et condamné au bagne à l’Île du Diable, dans le journal L’Aurore, en publiant une lettre ouverte adressée au Président de la République et intitulée : « J’accuse… ! ». Dans cette lettre, il démontre l’innocence de Dreyfus et dénonce les préjugés antisémites qui ont conduit à une telle infamie. Il est à son tour traîné devant les tribunaux. Condamné pour diffamation, il est contraint à l’exil en Angleterre (1898-1899). Toutefois, son action a permis un vaste courant d’opinion : le procès Dreyfus est révisé, le malheureux capitaine réhabilité en 1906. Considéré comme républicain socialiste, l’Académie française lui ferme sa porte. Le 29 septembre 1902, Zola meurt, asphyxié, dans des circonstances suspectes. La cheminée de sa chambre avait été bouchée : accidentellement ? Intentionnellement par des antidreyfusards ? Le 4 juin 1908, après maintes polémiques, le corps de Zola est transféré au Panthéon. Gérald DARDART N° 131 - Juin 2009 27