La voix argentine

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La voix argentine
Livres Hebdo numéro : 0714
Date : 14/12/2007
Rubrique : avant critiques
Auteur : Fabrice Piault
Titre : José Munoz et Carlos Sampayo
La voix argentine
10 janvier > BD Argentine
Argentins d’origine installés en Europe, José Muñoz et Carlos Sampayo explorent la
personnalité ambivalente de Carlos Gardel au-delà de son mythe écrasant.
Carlos Gardel était-il argentin ou uruguayen, voire français ? Proche des socialistes ou otage des
conservateurs ? Hétéro ou homosexuel ? Eux-mêmes originaires d’Argentine avant de s’exiler en
Europe pour raisons politiques, José Muñoz et Carlos Sampayo se lancent dans une évocation du
mythique chanteur de tango argentin en s’intéressant à ses ambiguïtés.
L’ouvrage est prévu en deux volumes chez Futuropolis. Pour décomposer etre composer la statue
d’une figure idolâtrée à Buenos Aires, dont la voix a été déclarée par l’Unesco « patrimoine
mondial de l’humanité », Carlos Sampayo a bâti un scénario sophistiqué. Il organise la
confrontation des points de vue contradictoires d’un sociologue spécialiste de l’identité nationale
et d’un expert de la vie et de l’œuvre de Gardel. Leur débat télévisé est tour à tour éclairé et
obscurci par les contrepoints apportés de son fauteuil de vieillard grabataire par Romualdo
Merval, admirateur et imitateur frustré du chanteur, et par les témoignages de quelques autres
proches.
L’un des maîtres incontestés de la bande dessinée en noir et blanc, José Muñoz souligne par son
trait les faces mystérieuses d’un personnage qui s’y entend à brouiller les pistes. Etoile
perpétuellement brillante au milieu d’un entourage en adoration, Carlos Gardel se montre
volontiers fuyant, n’affichant clairement que son amour du chant, de sa maman et des longues
parties de poker entre hommes. Le dessinateur déploie autour de lui une sorte de tango graphique
aux notes mélancoliques. Une mélancolie qui imprègne toute son œuvre récompensée en janvier
dernier du grand prix de la Ville d’Angoulême, et notamment les aventures d’Alack Sinner,
actuellement rééditées en deux volumes au petit format chez Casterman, alors que José Muñoz
présidera en janvier prochain le jury des prix du Festival d’Angoulême.
F. P.