Racisme anti-blanc : un débat tronqué ou le théâtre d`ombres de la

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Racisme anti-blanc : un débat tronqué ou le théâtre d`ombres de la
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Racisme anti-blanc :
un débat tronqué ou le théâtre
d’ombres de la lutte des races.
Le débat actuel concernant le racisme anti-blanc et plus précisément le procès
intenté contre le MRAP ne sont, au fond, qu’un théâtre d’ombres.
Le MRAP, dans le texte d’orientation de son dernier congrès, a fait porter
l’essentiel de son analyse sur la radicalisation raciste, parmi les plus importantes
durant ces dernières décennies, à l’encontre des populations noires, arabes,
immigrées, de leurs filles, leurs fils... Il s’est inquiété d’un réveil de l’antisémitisme,
d’une islamophobie galopante, mais également d’un racisme structurel violent,
brutal, à l’égard des Roms.
Le MRAP a également stigmatisé les fantasmes identitaires qui gangrènent
les discours politiques, médiatiques, comme autant de diversions aux luttes
sociales : un discours de race qui se substitue à un discours de classe !
« L’enfermement identitaire (poursuit le texte d’orientation du MRAP) émane des
groupes dominants, mais se reproduit dans les groupes dominés : le racisme antiblanc en représente un avatar ».
Plus de deux mois après le vote de ce document, d’aucuns se sont « émus » de
ce que le MRAP avait évoqué le racisme anti-blanc comme un avatar du racisme
dominant, nous accusant de mettre sur le même plan les réactions de rejet,
qui seraient du ressort de l’émotionnel, lorsqu’il s’agit de ceux qui souffrent du
racisme et des discriminations, et constituerait un système organisé d’oppression
à l’encontre d’une catégorie de la population.
Plus encore, ce que le texte d’orientation du MRAP, approuvé par son congrès,
évoquait comme un « avatar », (avatar : incarnation sous différentes formes,
métamorphose) devient, pour nos détracteurs le signe honteux du ralliement
du MRAP aux thèses du Front national.
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tronqué ou le
théâtre d’ombres
de la lutte des
races
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Chacun appréciera la qualité théorique des raisonnements par analogie qui
devraient conduire à qualifier le MRAP, à l’égal de nombre de ses détracteurs, de
crypto-lepénistes, puisqu’ opposés à la guerre en Irak... comme le Front national !
Ces mauvaises polémiques ne sont pas les nôtres. Revenons à l’essentiel du
débat.
Le MRAP n’a nul besoin de décliner les innombrables combats qu’il a menés
depuis 1949 auprès des victimes de racisme. Rappelons à tout le moins que,
parmi les derniers qu’il a initiés, certains concernaient Brice Hortefeux, Ministre
Association nationale d’éducation populaire - Organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif auprès des Nations Unies
Membre de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme - Association créée en 1949
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de l’Intérieur, Claude Guéant, également Ministre de l’Intérieur poursuivi devant
la Cour de Justice de la République et dernièrement Jean-Marie Le Pen, tous
pour des propos racistes contre des Arabes, des Comoriens ou des Roms. Autant
de groupes des plus dominés, victimes d’un système organisé d’oppression, aux
côtés desquels le MRAP s’engage au quotidien. Alors, faisons une bonne fois litière des accusations infondées contre le MRAP
au prétexte qu’il voudrait mettre sur le même plan le racisme et son cortège de
discriminations, s’inscrivant dans un système, dans un ordre social inégalitaire,
et le racisme anti-blancs qui, pour beaucoup mais pas pour tous, constitue la
réaction de certains de ceux qui vivent au quotidien des situations d’humiliations,
de rejet, de discrimination, etc.
Aujourd’hui, aucun chercheur, aucune association antiraciste de terrain ne
conteste l’existence de violences ou d’insultes à l’encontre de « la population
majoritaire » pour reprendre la terminologie de l’INED ou, plus précisément, le
groupe perçu comme dominant. Un phénomène qui apparaît dans l’enquête
« Trajectoires et origines » menée par l’INED et à partir de laquelle travaillent
encore des chercheurs.
Il nous est expliqué que 16% de « la population majoritaire » a vécu une situation
raciste. Ces chiffres, tout autant que la nature de ce racisme, disons-le haut et fort,
sont sans commune mesure avec ceux relatifs aux populations noires, arabes,
roms etc., qui subissent des discriminations dans le travail, le logement…, ce qui
n’est pas le cas du groupe perçu comme dominant.
Mais ces chiffres commandent qu’une association antiraciste se questionne
et analyse ce que recouvre le racisme anti-blanc, les conséquences de telles
manifestations sur la racialisation de la société et les réponses qu’elle doit
apporter dans son combat universel et indivisible contre le racisme.
Trois éléments sont constitutifs du racisme : une idéologie, des représentations
et des actes.
Aujourd’hui, personne ne conteste sérieusement l’existence de préjugés et
d’actes à l’encontre de la population perçue comme dominante - qui se définit
par rapport aux « minorités visibles » - suscités pour l’essentiel par les frustrations
vécues au quotidien.
Qu’en est-il de l’idéologie ?
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tronqué ou le
théâtre d’ombres
de la lutte des
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Le MRAP est préoccupé par l’émergence d’un corpus de discours
communautaristes qui visent à racialiser les rapports sociaux – c’est-à-dire à
réintroduire la notion de lutte des races –, ce qui revient à enfermer l’individu –
blanc et non blanc – dans une assignation identitaire.
Loin de disqualifier l’idéologie raciste dominante, ce corpus de discours risque
de constituer à son tour un système et, de ce fait, de renforcer la racialisation du
Association nationale d’éducation populaire - Organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif auprès des Nations Unies
Membre de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme - Association créée en 1949
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discours public et donc le repli et l’enfermement identitaires.
En effet, si le MRAP analyse le racisme anti-blanc comme un « avatar », donc un
élément marginal en termes de mobilisation et d’action, ses détracteurs font,
par contre, de la non-existence du racisme anti-blanc un élément structurant
de leur démarche qui conduit à une acceptation tacite de la « racialisation » du
discours politique et médiatique.
Voilà donc la lutte antiraciste « racialisée » : n’y aurait-il de « vrai » racisme que
celui qui s’exercerait aux dépens des anciens colonisés et de leurs descendants ?
Qu’en est-il alors du racisme que subissent les Juifs et les Roms ?
Qu’en est-il des manifestations de racisme entre populations également dominées
et marginalisées ? Doit-on les ignorer, donc s’interdire de les condamner et de
les combattre?
Pour certains, il n’existe de racisme que dans un rapport dominants-dominés. De
fait, ils substituent la responsabilité individuelle à la responsabilité collective : la
société française étant inégalitaire et les minorités visibles subissant lourdement
ces inégalités, le « Blanc » serait un dominant quelle que soit sa situation propre
et porterait la culpabilité de cet état de fait.
A ceux qui - au nom d’un déterminisme racial basé sur la couleur de la peau ou
l’origine ethnique - considèrent, comme Cl. Guéant, que toutes les civilisations
ne se valent pas, répondent, en écho, ceux qui essentialisent « le blanc » en
dominant raciste.
La situation n’exige-t-elle pas que soient analysés avec lucidité ces risques de
dérives vers une lutte des races ? S’y rallier ou s’y résoudre ne conduirait-il pas à
l’abandon des fondamentaux même de l’antiracisme ?
L’action du MRAP, c’est aussi de donner toute son importance à la Loi de 1972
qui se fonde sur les valeurs de la République. Elle fixe les limites du permis et de
l’interdit, sans faire de distinction selon l’origine ou la couleur de peau.
Elle a valeur de réparation pour la victime et, par la sanction, réintroduit le
coupable dans le corps social.
Racisme antiblanc : un débat
tronqué ou le
théâtre d’ombres
de la lutte des
races
Le MRAP ne renoncera pas au caractère universel et indivisible de son combat
antiraciste. En identifiant à leur juste mesure les manifestations de ce racisme, le
MRAP relève le défi que lancent le Front national et J.F Copé qui inscrivent leur
démarche dans la stigmatisation des populations immigrées.
Le Bureau exécutif du MRAP.
Paris, le 24 novembre 2012.
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