LA LIBERTE GUIDANT LE PEUPLE DELACROIX

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LA LIBERTE GUIDANT LE PEUPLE DELACROIX
DNB - Histoire des arts : œuvres vues en cours de français (3e)
La Liberté guidant le peuple
Titre : La Liberté guidant le peuple
© Photo RMN-Grand Palais - H. Lewandowski
Auteur : Eugène DELACROIX (1798-1863)
Date de création : 1830
Date représentée : juillet 1830
Dimensions : Hauteur 260 cm - Largeur 325 cm
Technique et autres indications : Huile sur toile
Lieu de Conservation : Musée du Louvre (Paris)
Contexte historique
Charles X, et son impopulaire ministre, le prince de Polignac, remettent en cause les acquis de la Révolution.
L’opposition libérale, par le biais du journal Le National, prépare son remplacement par le duc Louis-Philippe
d’Orléans.
A la session de la Chambre le 2 mars 1830, Charles X menace de sévir. Les députés, par l’“ adresse des 221 ”,
refusent de collaborer. Le roi signe et publie dans Le Moniteur quatre ordonnances tendant à supprimer la
liberté de la presse et à modifier la loi électorale. C’est une violation de la Constitution. Et c’est la révolution à
Paris. En trois jours dits “ Trois Glorieuses ” – les 27, 28 et 29 juillet –, les Bourbons sont renversés.
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Analyse de l'image
Achevé en décembre, le tableau est exposé au Salon de mai 1831. Il semble né d’un seul élan. Mais il découle
des études faites pour les œuvres philhellénistes et d’une recherche nouvelle de détails et d’attitudes.
C’est l’assaut final. La foule converge vers le spectateur, dans un nuage de poussière, brandissant des armes.
Elle franchit les barricades et éclate dans le camp adverse. A sa tête, quatre personnages debout, au centre une
femme. Déesse mythique, elle les mène à la Liberté. A leurs pieds gisent des soldats.
L’action s’élève en pyramide, selon deux plans : figures horizontales à la base et verticales, gros plan faisant
saillie sur le fond flou. L’image s’érige en monument. La touche emportée et le rythme impétueux sont
contenus, équilibrés.
Delacroix réunit accessoires et symboles, histoire et fiction, réalité et allégorie.
La liberté
Elle remplace d’Arcole. Vision nouvelle de l’allégorie de la Liberté, c'est une fille du peuple, vivante et
fougueuse, qui incarne la révolte et la victoire. Coiffée du bonnet phrygien, les mèches flottant sur la nuque,
elle évoque la Révolution de 1789, les sans-culottes et la souveraineté du peuple. Le drapeau, symbole de lutte,
faisant un avec son bras droit, se déploie en ondulant vers l’arrière, bleu, blanc, rouge. Du sombre au lumineux,
comme une flamme.
La pilosité de son aisselle a été jugée vulgaire, la peau devant être lisse aux yeux des rhétoriciens de la
peinture.
Son habit jaune, dont la double ceinture flotte au vent, glisse au-dessous des seins et n’est pas sans rappeler les
drapés antiques. La nudité relève du réalisme érotique et l’associe aux victoires ailées. Le profil est grec, le nez
droit, la bouche généreuse, le menton délicat, le regard de braise. Femme exceptionnelle parmi les hommes,
déterminée et noble, la tête tournée vers eux, elle les entraîne vers la victoire finale. Le corps profilé est éclairé
à droite. Son flanc droit sombre se détache sur un panache de fumée. Appuyée sur son pied gauche nu qui
dépasse de sa robe, le feu de l’action la transfigure. L’allégorie est la vraie protagoniste du combat. Le fusil
qu’elle tient à la main gauche, modèle 1816, la rend réelle, actuelle et moderne.
Les gamins de Paris
Ils se sont engagés spontanément dans le combat. L'un d'entre eux, à gauche, agrippé aux pavés, les yeux
dilatés, porte le bonnet de police des voltigeurs de la garde.
A droite, devant la Liberté, figure un garçon. Symbole de la jeunesse révoltée par l’injustice et du sacrifice pour
les nobles causes, il évoque, avec son béret de velours noir d’étudiant, le personnage de Gavroche que l’on
découvrira dans Les Misérables trente ans plus tard. La giberne, trop grande, en bandoulière, les pistolets de
cavalerie aux mains, il avance de face, le pied droit en avant, le bras levé, un cri de guerre à la bouche. Il
exhorte au combat les insurgés.
L’homme au béret
Il porte la cocarde blanche des monarchistes et le nœud de ruban rouge des libéraux. C’est un ouvrier avec une
banderolle porte-sabre et un sabre des compagnies d’élite d’infanterie, modèle 1816, ou briquet. L’habit –
tablier et pantalon à pont – est celui d’un manufacturier.
Le foulard qui retient son pistolet sur son ventre évoque le mouchoir de Cholet, signe de ralliement de Charette
et des Vendéens.
L’homme au chapeau haut de forme, à genoux
Est-ce un bourgeois ou un citadin à la mode ? Le pantalon large et la ceinture de flanelle rouge sont ceux d’un
artisan. L’arme, tromblon à deux canons parallèles, est une arme de chasse. A-t-il le visage de Delacroix ou d’un
de ses amis ?
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L’homme au foulard noué sur la tête
Avec sa blouse bleue et sa ceinture de flanelle rouge de paysan, il est temporairement employé à Paris. Il
saigne sur le pavé. Il se redresse à la vue de la Liberté. Le gilet bleu, l’écharpe rouge et sa chemise répondent
aux couleurs du drapeau. Cet écho est une prouesse.
Les soldats
Au premier plan, à gauche, le cadavre d'un homme dépouillé de son pantalon, les bras étendus et la tunique
retroussée. C’est, avec la Liberté, la deuxième figure mythique tirée d’une académie d’atelier, d’après l’antique,
appelée Hector, héros d’Homère, héroïsé et réel.
A droite, sur le dos, le cadavre d’un suisse, en tenue de campagne : capote gris-bleu, décoration rouge au
collet, guêtres blanches, chaussures basses, shako au sol.
L’autre, la face contre terre, a l’épaulette blanche d’un cuirassier.
Au fond, les étudiants, dont le polytechnicien au bicorne bonapartiste, et un détachement de grenadiers en
tenue de campagne et capote grise.
Le paysage
Les tours de Notre-Dame, symbole de la liberté et du romantisme comme chez Victor Hugo, situent l’action à
Paris. Leur orientation sur la rive gauche de la Seine est inexacte. Les maisons entre la cathédrale et la Seine
sont imaginaires.
Les barricades, symboles du combat, différencient les niveaux du premier plan à droite. La cathédrale paraît
loin et petite par rapport aux figures.
La lumière du soleil couchant se mêle à la fumée des canons. Révélant le mouvement baroque des corps, elle
éclate au fond à droite et sert d’aura à la Liberté, au gamin et au drapeau.
La couleur unifie le tableau. Les bleus, blancs et rouges ont des contrepoints. Les bandoulières parallèles de
buffleterie blanche répondent au blanc des guêtres et de la chemise du cadavre de gauche. La tonalité grise
exalte le rouge de l’étendard.
Interprétation
Le tableau glorifie le peuple citoyen “ noble, beau et grand ”. Historique et politique, il témoigne du dernier
sursaut de l’Ancien Régime et symbolise la Liberté et la révolution picturale.
Réaliste et novateur, le tableau fut rejeté par la critique, habituée à voir célébrer le réel par des concepts. Le
régime de Louis-Philippe dont elle saluait l’avènement, le cacha au public.
Elle entra en 1863 au musée du Luxembourg et en 1874 au Louvre. Image de l’enthousiasme romantique et
révolutionnaire, continuant la peinture historique du XVIIIe siècle et devançant Guernica de Picasso, elle est
universelle.
Auteur : Malika DORBANI-BOUABDELLAH
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Le peintre
Ferdinand-Victor-Eugène Delacroix naît le 7 Floréal de l'an VII , soit en 1798 à Charenton Saint-Maurice, tout
près de Paris, d’un haut fonctionnaire de l'Etat Charles delacroix et d’une mère d’origine allemande, parente de
J.F. Oeben, l’ébéniste de Louis XV et de Louis XVI. Or, au moment de sa naissance, il semble que son père
malade depuis 1797 n'était pas en mesure de procréer, et il semble que l'on puisse attribuer sa paternité au
Prince de Talleyrand, l’homme du concordat et du congrès de Vienne et grand séducteur qui protegea l'artiste
au début de sa carrière. Talleyrand étant Premier Ministre, il fût envoyé à l’étranger juste l’année de la
naissance de l’artiste.
Le père d'Eugène Delacroix meurt en 1806. Le petit garçon et sa mère s’installent alors à Paris. Eugène y
fréquente le Lycée Impérial (aujourd’hui Lycée Louis Le Grand ) où son talent pour le dessin s'exprime au grand
jour. Son oncle, le peintre H.F. Reisener, en 1815, le recommande à P.N.Guerin, qui est un ancien élève de
David et un peintre académique de renom.
Eugène Delacroix fait son apprentissage du dessin et de la peinture, et fait la connaissance d’artistes talentueux
tels que Géricault et Gros. Il se lie aussi d’amitié avec le peintre paysagiste Bonington qui le conduit à étudier la
peinture de la nature.
Il fréquente les peintres mais aussi le musée du Louvre où il copie les grands maîtres qu'il admire : Rubens,
Velasquez, Rembrandt, Véronèse, partagé qu'il est déjà par d’un côté, l’aspiration à la tradition et au
classicisme, de l’autre, par l’introspection et le besoin de chercher derrière les apparences et le réel. Ce conflit
l'habitera toute sa vie sans jamais le résoudre, mais il sera à la source de ses oeuvres les plus modernes, et les
plus significatives de par leur énergie libératrice et leur couleur.
En 1822, Delacroix fait sa première entrée dans le monde artistique de l’époque en exposant " Dante et Virgile
aux Enfers ", une œuvre vigoureuse, à la composition ambitieuse et aux couleurs très travaillées, qui sera
achetée malgré les critiques dont elle est l’objet, par l’Etat. Deux ans plus tard, il peint "Le Massacre de Scio"
dont la composition et l’énergie sont plus puissantes encore, et dont l’Etat se porte une nouvelle fois
acquéreur, indifférent à la critique. Ces deux toiles concrétisent la polémique entre romantisme et classicisme,
entre dessin et couleur, laquelle suivra le peintre toute sa vie et et qui le mettra en opposition à Ingres.
En 1825, Delacroix décide de passer trois mois en Angleterre, séjour qu'il consacre à l'étude de Constable, le
plus grand peintre paysagiste européen de l’époque, dont il cherche à capturer la technique qui donne du
poids à l’atmosphère, et une vibration aux couleurs. C’est une période importante pour l’artiste qui cherche à
se concentrer davantage sur les couleurs, et sur ses effets physiques et psychologiques.
L’œuvre qu’il expose au salon de 1827,"La Mort de Sardanapale", est le fruit de ses recherches : tout en étant
très colorée est traitée avec vigueur , elle demeure classique et d'une solennité académique, mais riche aussi
d'une certaine complexité révélatrice de l'état psychologique dans lequel se trouve Delacroix derrière les
apparences de la vie mondaine.
En apparence, tout va bien : l’artiste fréquente les salons littéraires parisiens, et rencontre Stendhal, Mérimée,
Victor Hugo, Alexandre Dumas. Passionné aussi de musique, il voit aussi Paganini et Fredéric Chopin, dont il
fera deux portraits très pénétrants et se fait la compagnie d' écrivains et de poètes comme Théophile Gautier
ou Baudelaire qu'il préfère à celle des peintres.
La peinture est pour lui une passion : dans son journal qu'il a commencé en 1822, interrompu quelques années,
puis qu'il reprend en 1847 jusqu'à sa mort -, il s’interroge sur l’art et les artistes, il compare les oeuvres du
passé pour en saisir leurs correspondances et leurs différences, et pour en pénétrer leur mystère ou leur
grandeur.
Il exprime le besoin de trouver des indications pour comprendre sa propre peinture, pour l'expliquer et en
trouver les règles, et en chercher encore le sens du naturel et la magie des couleurs .« Il y a un homme qui fait
clair sans contraste violent, qui fait le plein air qu’on a toujours répété impossible, disait-il, c’est Paul Veronèse.
A mon avis, il est probablement le seul qui ait surpris le secret de la nature. Sans imiter précisément sa
manière, on peut passer par beaucoup de chemins sur lesquels il a posé de véritables flambeaux ».
C'est en 1832 qu'il décide de faire un long voyage au Maroc et en Algérie : il découvre la magnificence de la
lumière et de la couleur dans les paysages, mais aussi des gens différents, plus simples, et plus authentiques. Il
y découvre aussi la sensualité et le mystère des intérieurs, dont le tableau " Les Femmes d'Alger dans leur
appartement " retranscrit en 1834 des sensations intenses qui dès lors alimenteront beaucoup son oeuvre tout
le reste de sa vie.
Ces nouvelles découvertes ne lui suffisent pas pour autant . Delacroix ne se veut pas révolutionner l’art, et ne
veut pas s’abîmer dans ses visions intérieures : il veut peindre pour les autres, innover, mais aussi faire carrière
sans se trahir.
A son retour du Maroc, il se consacre entre 1838 et 1847 à une commande publique qui est celle de décorer le
Salon du Roi du Palais-Bourbon et qui lui permet d’affronter de vastes surfaces et de renouer avec la tradition
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de la décoration baroque, comme celle de Rubens. Mais à côté, il continue de peintre des portraits et diverses
toiles orientales. Il travaille aussi à la décoration du Palais du Luxembourg entre1840 et 1846, mais aussi à celle
du plafond central de la Galerie d’Apollon au Louvre ou à la Chapelle des Saints Anges de Saint-Sulpice.
A son amie George Sand, il dit : « Nous travaillerons jusqu'à l’agonie : que faire d’autre au monde, à moins de
se saouler, quand vient le moment où la réalité n’est plus à la hauteur du rêve ? ».
Delacroix mène une double vie : celle d'une vie dans les salons, avec les belles dames, et les hommes cultivés
de l'époque, en aspirant à l'Académie académicien, et celle d'une vie cachée montrant en réalité un homme
sans espérance et secret qui ne parvient à délivrer ses tourments et ses désirs que dans la peinture. C’est
l’homme qui écrivait dans son journal : " L’homme porte dans son âme des sentiments innés qui ne seront
jamais satisfaits par les objets réels, et c’est à de tels sentiments que l’imagination du poète et du peintre
donnera forme et vie." Delacroix était aussi un homme de passion, et cherchait les moyens d’exprimer cette
passion de la manière la plus visible.
Ce fut une vie plutôt d'apparence tranquille que mena Eugène Delacroix, rythmée par les événements
extérieurs, mais parsemée de beaucoup de zones d’ombre, dont il ne parlera jamais, même dans le journal
pourtant qu’il aura tenu une grande partie de sa vie. L'origine de sa naissance, et les raisons de croire que son
père légal ne fût pas son géniteur, fût sans doute la cause de ce caractère double et complexe, dans lequel
Eugène Delacroix trouva les signes de son génie et de son talent. Baudelaire lui reconnaissait son admiration, et
le considérait comme le plus grand peintre du siècle de par le mélange de tradition classique et de ferveur
romantique, de certitudes et de contradictions qu'il mettait dans son oeuvre.
Lorsqu’il meurt, le 13 août 1863, d'une longue maladie qui lui rongeait la gorge, le milieu académique lui
demeure encore hostile, mais les jeunes peintres reconnaissent en lui le vrai maître de son temps, et en lui un
génie authentique.
Le Monde des Arts
Son œuvre
Coin de l'atelier, le poêle, E. Delacroix 1825
Huile surt toile 105 x 81 cm -Musée du Louvre Paris
Le Massacre de Scio, E. Delacroix 1824
Huile sur toile 419 x 354 cm Musée du Louvre Paris
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Paysage de la Campagne anglaise, E. Delacroix 1825
Aquarelle14 x23 cm- Musée du Louvre Paris
Paysage de la Campagne anglaise, E. Delacroix 1825
Aquarelle14 x23 cm- Musée du Louvre Paris
Femmes d'Alger dans leur appartement, E. Delacroix 1834
Huile sur toile 180 cm x 229 cm- Musée du Louvre Paris
L'Entrée des Croisés à Constantinople, E. Delacroix 1841
Huile sur toile 410x 498 cm -Musée du Louvre Paris
Musiciens Juifs de Mogador, E. Delacroix 1847
Huile surt toile 40 x 55cm- Musée du Louvre Paris
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