Philippe VI de Valois - Numis

Transcription

Philippe VI de Valois - Numis
6- Philippe VI de Valois – Gros au lis
(avec petit lis en 4ème canton)
-Collection d’un membre du Numis-club du Nord
Atelier: non déterminé
Date: 17/02/1341 (2ème émission) Etat: TTB
Titre : 479 ‰ ( 6 deniers d’aloi) Métal : argent
Taille : 84 au marc
Diamètre : 23 mm
Masse : 2,51 g. (pour 2,549 g. théoriques)
Rareté : Un seul exemplaire vu
**Titulature avers :
 PhILIPPVS REX
 BnDICTV ⁝ SIT ⁝ n0mƐ ⁝ DnI ⁝ nRI ⁝ DCI ⁝
Description avers : Croix pattée centrale. Un petit lis dans le quatrième canton.
Traduction avers : (Philippe roi ; que le nom de notre seigneur Jésus-Christ soit béni)
**Titulature revers :
 FRANCORUm
Description revers : Grand lis central surmonté d’une croisette. Bordure extérieure de onze lis
Traduction revers : (des Francs)
Références : Lafaurie 267A, Duplessy 263A, Ciani 304
Commentaires:
L
e Gros à la fleur de lis remplaça en janvier 1341 le Gros à la couronne frappé à partir de 1337
en quatre émissions. Il connut deux affaiblissements, les 17 février 1341 et 26 juin 1342. Il faut
dire qu’avec un début de guerre franco-anglaise calamiteux pour le royaume de France, le
contexte économique ne se prête pas à l’enthousiasme. Les dévaluations sont pour une large
part la conséquence de la hausse des cours commerciaux de l’or et de l’argent, et de la nécessité
pour le roi d’alimenter en numéraire les circuits commerciaux de la société malgré le conflit.
De même, les rentrées fiscales étant pour leur part primordiales afin d’accroitre les recettes du
Trésor et ainsi pour pouvoir payer la solde des soldats, l’impôt (et donc une part importante des
revenus du roi) dépend directement de l’existence de la monnaie pour le régler. Il est donc
directement lié à l’importance de la masse monétaire en circulation.
Au climat de la guerre, s’ajoute également le début des faillites des compagnies et banques italiennes
de plus en plus atteintes par le ralentissement économique. Ainsi Florence s’enfonce-t-elle la
première dans les banqueroutes.
On en arrive alors au maximum des dévaluations pour le règne de Philippe VI de Valois. Et c’est peu
dire que la monnaie est alors affaiblie. Il suffit pour cela de regarder l’évolution du poids en argent
d’un sou tournois :
année
émission
pied de la
monnaie
cours légal
en d.t
poids en argent
d'un sou tournois
Gros à la couronne
1337
1ère
18
10
2,605
10/1338
2ème
24
10
1,953
01/1340
3ème
30
10
1,563
04/1340
4ème
36
10
1,302
01/1341
1ère
42
15
1,116
02/1341
2ème
48
15
0,976
06/1342
3ème
60
15
0,781
Gros au lis
P
our rappel, la première émission de Gros au lis a lieu à compter du 27 janvier 1341 selon un
titre de 479 ‰, un cours légal rehaussé à 15 dt. et un poids théorique diminué à 2,914 g. La
deuxième - qui a lieu seulement quelques trois semaines plus tard - se distingue de la
précédente uniquement par son poids 12,5% plus faible. Il est sur un pied 48 au lieu de 42 (1).
Il existe en soi trois façons d’amoindrir une monnaie tout en lui conservant un diamètre identique:
- soit en abaissant le titre et donc le pourcentage de métal précieux qu’elle contient
- soit en diminuant sa masse pour un même cours légal
- soit en augmentant son cours légal
Bien évidemment, ces scénarii ne sont pas exclusifs les uns des autres et peuvent se cumuler.
La troisième émission, qui intervient en juin 1342, est quant à elle sur un pied de monnaie 60 et pèse
en théorie 2,039 g. (mais descend souvent vers 1,8 g.). Ce Gros à la différence des deux premiers
peut arborer des différents et fait souvent montre d’une facture de faible qualité. En l’espèce, le
présent Gros au lis appartient de par sa masse à la deuxième émission.
M. Lafaurie signale que le Gros au lis « est le premier des Gros qui, avec un titre très inférieur à celui
de l’argent-le-roi, a usurpé le nom de Gros tournois ». Pour autant, on ne peut taxer le roi de
malhonnêteté financière. Abandonnant le châtel pour un grand lis, le nouveau Gros ne pouvait être
en effet confondu avec les précédents.
(1)
Pour rappel, les mouvements de l’argent sont à partir de 1337 ponctués par ce qu’on appelle ‘le pied de la monnaie’ qui était une
manière de calculer le degré d’affaiblissement de celle-ci. Comme le rappelle J. Lafaurie, le chiffre du pied de la monnaie exprime le rapport
de la valeur intrinsèque existant entre le Gros tournois de Philippe VI (taillé depuis 1329 à 60 pièces au marc d’argent et d e 12 deniers
ème
argent le roy de titre) et le denier tournois de l’émission en cours ou de la pièce en tenant lieu. Le pied 12 (le moins élevé référencé)
correspond à peu près à celui de la monnaie de Saint-Louis (qui était de 11,6 pour une taille de 58 au marc).
Le pied de monnaie se calcule au moyen de la formule suivante : (taille au marc x cours) / (titre x 5). Un pied 36 signifie que la monnaie
frappée sur cette référence avait une valeur intrinsèque égale au tiers de celle de Louis IX. Elle était donc trois fois plus faible.
****
Toute la particularité de cet exemplaire se trouve dans le positionnement du petit lis de l’avers dans
le 4ème canton au lieu du 2ème.
Exemplaire classique
Exemplaire étudié
Depuis les Gros à la couronne des troisième et quatrième émissions, les monnaies sont uniformisées.
Il n’y a plus de différents ni de marques véritablement spécifiques ; cela n’ayant en effet plus
d’intérêt au regard de l’enchainement rapide des affaiblissements de la monnaie. L’apparence
générale des Gros au lis ne varie donc pas. Ainsi, le petit lis est-il toujours positionné dans le
deuxième canton. La raison de la présence de ce lis est vraisemblablement une volonté de l’autorité
royale de distinguer cet avers d’avec celui des Gros précédents. Le pouvoir évite par là même les
confusions et donc un biais supplémentaire de défection du peuple vis-à-vis de la nouvelle monnaie.
Le revers est distingué par le lis au lieu du chatel, l’avers par le petit lis.
M
ême si - comme cela a été précisé supra - notre exemplaire appartient à la deuxième
émission de par sa masse, le changement de canton ne rentrerait pas en soi dans les
spécificités dont fait état de la troisième émission. En 1342, des différents font en effet à
l’occasion leur apparition. On peut ainsi trouver le grand lis du revers encadré de deux annelets et la
légende d’avers marquée d’un sautoir entre les mots. Le lis peut aussi rester sans annelet, mais c’est
alors un point qui en marque la légende d’avers. De même, de rares exemplaires ont un point entre
PhILIPPVS et REX et un autre après FRANCORVm. Mais ces marques relèvent in fine de variantes
factuelles et non de fonds comme pourrait l’être le positionnement du petit lis.
Pour ce qui nous concerne, à savoir la deuxième émission, les seules particularités notables relèvent
de la graphie telles que la fin de légende extérieure que l’on connaissait déjà sous les monnaies
précédentes : finales par DEI, DCI, DE ou DEI ⁝. Des Ɛ sont parfois des C, des N classiques sont des n
onciaux ; idem pour les M. De même, le style des lettres varie d’un atelier à l’autre selon le degré
d’attention qui est porté par le graveur à la réalisation des coins. Le nombre de jours chômés dans
certains ateliers pouvant être conséquent n’incite pas non plus à un travail rigoureux de la part des
ouvriers. Mais rien de remarquable en soi.
E
n l’espèce, eu égard à la politique monétaire déployée et voulue à l’occasion de la deuxième
émission, rien ne justifie un changement de position du petit lis. Aussi, tout nous oriente vers la
faute de graveur.
On ne peut pas non plus mettre sur un même plan ce changement de canton avec ceux recensés sur
les doubles tournois de Philippe IV le Bel. Sur ces derniers, en effet, les quatre cantons ont été
respectivement occupés par un même petit lis sans que l’on sache vraiment pour quelle raison, faute
d’une étude poussée sur le sujet.
J. Duplesssy rapporte dans son ouvrage général l’existence d’une variété sans le lis en deuxième
canton et penche pour l’hypothèse d’une omission de la part du graveur (A Bronfenbrener BSFN
1968 p.269-270 – deux exemplaires au cabinet des médailles et trésor de Quimper). A. Dieudonné,
pour sa part, ne fait mention dans son ‘catalogue des monnaies françaises de la Bibliothèque
nationale’ que d’exemplaires standards.
Ces exemplaires (sans lis ou avec lis en 4ème canton) sont donc accidentels au regard de la fabrication
et à considérer comme des variétés fautées.
****
C
e qui est patent, et c’est là le second apport de notre monnaie de par le témoignage qu’il
amène, c’est que le petit lis a été gravé après l’inscription de la légende sur le coin puisque
nous pouvons constater que la pointe de celui-ci mord légèrement sur le L de PhILIPPVS.
Outre sa rareté insigne, cet exemplaire nous précise donc le sens de fabrication de la gravure de ces
monnaies médiévales par l’ouvrier de l’époque.