Layout 2 - Cyclo club Orchies

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Layout 2 - Cyclo club Orchies
RENCONTRER
SIGNATURES
30 avril, 7 h 30, dans
le local du club. On
signe les inscriptions
au BRM 200 de
printemps.
Champions (aussi)
Orchies (59), ses 8500 habitants, sa chicorée… et son club
cycliste recordman des longues distances. Qu’est-ce qui fait
rouler ces champions discrets, qui alignent BRM et Diagonales
comme vous respirez ? Le plus simple était de leur demander.
à TEXTES ALAIN PUISEUX à PHOTOS CLAUDE WAEGHEMACKER
n lui demande d’évoquer
Paris-Brest-Paris millésime
2007, année terrible et arrosée. Il vous répond avec un sourire
qu’il n’a que peu de souvenirs de ces
nuages-là : lorsqu’il roule, il « ne
soucie pas trop du temps qu’il fait sur
la route». Un homme tranquille.
Il se souvient que cette année-là,
en route vers Brest, il a eu l’impression de traîner un peu. Alors il
est allé à Brest. Puis il est revenu
d’une traite.
Christian Théron est le secrétaire
de la Ligue Nord-Pas de Calais de
la FFCT, et le chef de peloton de la
section randonnées du Cyclo Club
d’Orchies, dit le CCO, né en 1980.
Sa feuille de route à lui aligne environ 240 000 kilomètres — non,
pas d’erreur — depuis 1997 et souvent plus de randonnées chaque
année qu’elle n’en compte de
semaines. À ce compte-là, de 12 à
O
20000 kilomètres par an, il n’est
même pas le plus gros rouleur de
la trentaine de membres actifs, qui
parfois plient des brevets de 300 km
en moins de 10 heures.
18 Diagonales en relais
En 2010, en relais, des membres du
club associés à des clubs voisins
— belges compris, le CC Orchies
s’honore d’être un club binational
— ont enchaîné les 18 Diagonales
de France, soit un tour de Terre de
40 000 kilomètres. La télé n’en a pas
parlé. En 2013 le CC Orchies était,
et de loin, le premier des clubs participants au palmarès des BRM établi par l’Audax Club Parisien.
Lorsque ces gens prendront leur
retraite cycliste, revendez les actions
que vous avez chez les fabricants de
chaînes et de pneus.
Le CC Orchies roule avec une
modestie, une discrétion et une
ÉTÉ 2014, N°1 200 21
culture cyclotouristes et associatives. L’inscription à un brevet ne
doit pas coûter plus cher qu’un
café-croissant au petit matin sur
une place de village. Les kilométrages annuels ne se clament pas sur
les toits, ni au dos des maillots.
Tous les vélos sont les bienvenus,
quel que soient leur millésime, leur
allure et la taille des pneus — on est
trop malin, entre Lille et Valenciennes, pour confondre l’apparence et l’endurance.
Lorsqu’il s’agit d’expliquer ce qui les
pousse à user des journées à 8000
calories, la même réserve est de
mise chez ces aplatisseurs de
bitume. Comme si rallier Dunkerque
à Menton ou Menton à Strasbourg
était une gentille promenade qu’il
est moins urgent, de toute façon, de
dire que de rouler. Pourquoi roulentils, tout de même ? Nous le leur
avons demandé. à
RENCONTRER
HERVÉ RUFFIN
58 ANS, CONSEILLER PRINCIPAL D’ÉDUCATION
7 à 8000 km par an. Cinq Diagonales.
Mon vélo
Une randonneuse légère Pierre Perrin de 2013, en acier, avec fourche carbone, montée en
Campagnolo triple, avec des pneus de 25 mm. Ça n’est pas très à la mode…
Pourquoi j’aime les longues distances
C’est une question compliquée… Il y a le plaisir de se dépasser. Sur des longues distances, on vit
toujours des moments délicats, ou difficiles. Il faut puiser dans ses réserves mentales pour aller
au bout. Il y a aussi le plaisir de rencontrer des gens de différents horizons. Durant les BRM,
on roule avec des gens connus, et des gens qui découvrent les longues distances, et viennent
parfois de loin. On passe une journée ensemble et souvent, on n’a pas besoin de se parler.
La prochaine Diagonale sera Strasbourg-Hendaye. Quatre ou cinq jours à 250 ou 300 kilomètres
par jour. Quand on arrive au bout c’est… une immense joie, et beaucoup d’émotion. Même si elle
est intérieure. Le plaisir n’est pas seulement immédiat. On l’a aussi avec le recul. On apprend
aussi à se connaître à travers ce type d’épreuves, qui ne sont pas ordinaires. Il y a aussi le
plaisir de voyager : quand on traverse la France — et ça n’a rien à voir avec du patriotisme —
la beauté et la diversité des paysages font rêver. Avec le vélo, on peut être explosé, mais
se refaire en un quart d’heure et repartir pour 50 ou 100 km. Ça m’est arrivé l’été dernier.
J’enchaînais ma quatrième journée sous le cagnard et vers 20 heures, j’étais à bout de forces.
J’ai trouvé une énergie folle pour arriver à l’heure. Et je ne sais pas d’où elle vient.
CHRISTIAN THERON
RETRAITÉ DE L’EDUCATION NATIONALE, EX-PROFESSEUR DE MÉCANIQUE
240 000 km depuis 1997. Douze Diagonales, quatre Paris-Brest-Paris,
un Londres-Edimbourg-Londres, etc.
Mon vélo
C’est un Look 585 en carbone monté en Campagnolo Chorus triple. Il doit
avoir 100 000 km. Les années où je roule beaucoup, je change une chaîne
par mois… Je viens juste de le remplacer par un Look 675. Mais je roulerai
tout de même avec lui pour la prochaine Diagonale, par sécurité.
Pourquoi j’aime les longues distances
Je crois qu’on roule en longues distances pour être à l’écoute de son corps,
et en tirer le meilleur. Aussi pour le plaisir de la convivialité et de la vie
de groupe lors des randonnées. Dans l’effort, personne ne triche. La vie
de groupe est expurgée de tous les artifices de la vie actuelle. Il y a aussi
les paysages : on est en osmose avec la nature, la gelée matinale,
la canicule ou le clair de lune. Je crois que comme l’on traverse rapidement
les paysages, on y fait très attention. Et ils marquent d’autant plus. Mais
évidemment, même si on ne roule pas à 40 à l’heure, on ne s’arrête pas
pour une visite de château…
ALBERT VANDERBEKEN
62 ANS, RETRAITÉ DEPUIS 2008, ANCIEN TECHNICIEN EN TRAVAUX PUBLICS
Mon vélo
J’avais un Mercier, j’ai racheté il y a trois ans un Pinarello FP1 en alu, et
carbone pour la fourche et les haubans. J’en suis très content. Je n’ai
jamais eu de soucis, à part l’usure des chaînes et cassettes. Il est monté en
double, 50 X 39. Pour aller dans le Boulonnais, je monte un 34.
Pourquoi j’aime les longues distances
Je me suis mis au vélo il y a une dizaine d’années. Au début, je faisais
70km et j’étais crevé. Je faisais 1500 km dans l’année et même sans grand
entraînement, je faisais Lille-Calais ou Lille-Hardelot. Mais au fur et à
mesure des sorties, on prend de l’endurance. Depuis la retraite, je fais deux
sorties par semaine avec les copains d’Orchies. Je roule pour les bénéfices
physiques, pour rester en forme, et pour ces moments de partage. C’est
Christian (Théron, ci-dessus) qui m’a poussé l’an dernier à faire des 200.
J’en ai fait deux en 2013, en neuf ou dix heures. Au bout de 170 ou 180 km,
je peine. Mais je roule. Il faut être bien préparé. En septembre j’ai entraîné
deux copains à faire le 200 d’Orchies… ils n’ont pas regretté. La difficulté,
c’est de repartir avec le groupe et de ne pas se faire lâcher. Il faut faire
l’effort tout de suite. Sinon, seul, on met une à deux heures de plus. Et je
vais peut-être tenter un 300 ; mais il faut que je sois en bonne condition.
22 200 N°1, ÉTÉ 2014
JEAN MEYNADIER
60 ANS, RETRAITÉ DES DOUANES
12 à 14 000 km par an
Mes vélos
Je suis un peu fêlé… J’en ai sept, des vélos. Plus deux
dans le midi. Celui-là est un Gilles Berthoud de 2006
sur mesure, en acier, de 11 kilos, avec garde-boue et
porte-bagages. La selle est une Brooks : on peut rester
dix heures dessus sans avoir mal aux fesses. Il est
monté en Campagnolo triple : 30 X 40 X 50 et 14-28 à
l’arrière, avec des roues Mavic Aksium.
Pourquoi j’aime les longues distances
Je me souviens de ce village,
et de la manière dont le soleil
en changeait la couleur
à chaque seconde.”
Je fais du vélo depuis 88 ou 89, j’ai toujours été dans
un club. Ce que j’aime sur les longues distances ? Être
dehors. Le goût de l’effort. Et le fait de partager une
journée avec des copains. Ma femme n’aime pas partir
en vacances, alors je pars seul. J’ai traversé la France
une bonne dizaine de fois. Je fais 100 km par jour,
et je trouve un camping. Je fais des brevets de 250
ou 300 km, pas plus : j’ai essayé de rouler de nuit, mais
je m’endors sur le vélo. J’ai fait une fois Lille-ToulonLille, en un mois, avec cinq cols à 2000 mètres. Le vélo
chargé — un autre que celui de la photo — pèse autour
de 30 kg. J’ai fait Lille-Vannes-Brest-Lille, 2600 km en
trois semaines. C’était joli. Les Diagonales, c’est assez
onéreux, c’est un budget de 250-300 euros en trois ou
quatre jours. Avec ça, je pars pendant un mois. Une nuit
de camping coûte de 6 à 18 euros…
Il faut aimer la rêverie, et être dans la nature. C’est une
certaine philosophie. On rencontre du monde aussi,
les gens vous parlent facilement quand vous êtes à vélo.
En voiture on va trop vite, on ne voit pas les paysages.
À vélo on peut s’en imprégner. Quand on regarde,
on regarde à 200 degrés. En voiture, le regard
se concentre sur l’avant. Et puis on entend tout.
Les oiseaux, les ruisseaux, et même la pluie.
THIERRY OFFE
43 ANS, CHAUFFEUR ROUTIER
8 à 10000 km par an
Mes vélos
Sur la photo c’est l’Orbéa en alu, monté en triple, dont je
me sers pour les petites sorties, jusqu’à 200 km. Pour les
plus longues je roule sur un Decathlon 540 des années 80
que j’ai monté en 650 B, avec une selle Brooks B17. Je
viens aussi de racheter une vieille randonneuse Méral.
Pourquoi j’aime les longues distances
Avant je roulais comme tout le monde, je faisais des petits
trajets. Et puis en 2007 j’ai vu un reportage sur ParisBrest-Paris. Je n’y connaissais rien, je ne savais pas qu’il
fallait faire des brevets pour se qualifier. Alors je me suis
lancé. J’ai fait un 200, un 300, un 400… Jusqu’au 1000.
Comme en 2011 j’ai changé d’employeur je n’ai pas eu de
congés, je n’ai pas pu faire Paris-brest-Paris. Pour l’an
prochain, j’ai calé mes vacances au mois d’août. Je suis
l’un des derniers enrôlés au club d’Orchies, pour ce qui est
des longues distances. J’ai fait deux Diagonales, dont l’une
lorsque le club en a enchaîné 18. On devait être deux, le
collègue s’est cassé le bras quinze jours avant, je l’ai faite
tout seul. Ce qui fait tenir pendant 1000 km ? Il y a
toujours des coups de mou. Mais il y a toujours des copains
à côté pour vous aider, vous abriter en vous mettant
derrière. Parfois il suffit de manger, de se reposer même
cinq minutes. Et on repart. Je me souviens d’une de ces
Diagonales, Dunkerque-Menton, faite avec Thierry Ruffin.
Nous sommes partis de Grenoble à 4 heures du matin,
nous avons traversé le Vercors au lever du jour : je me
souviens de ce village, et de la manière dont le soleil en
changeait la couleur à chaque seconde
ÉTÉ 2014, N°1 200 23

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