La liberté de religion et d`opinion

Transcription

La liberté de religion et d`opinion
Community of Protestant Churches in Europe
Gemeinschaft Evangelischer Kirchen in Europa
(CPCE) – Leuenberg Church Fellowship –
– Leuenberger Kirchengemeinschaft – (GEKE)
Communion d´Eglises Protestantes en Europe (CEPE)
– Communion Ecclésiale de Leuenberg –
La liberté de religion et d’opinion
Du 6 à 8 avril le Comité exécutif de la Communion d’Eglises Protestantes en Europe
s’est réuni à Budapest
Voici la teneur de la décision prise à l’unanimité :
La lutte pour la vérité ne se fait pas par la violence, mais par la parole seule.
Introduction
La liberté d’opinion, notamment dans la libre expression des médias et des arts, constitue un
élément central pour la communauté des valeurs humaines. Ceci vaut aussi pour la liberté de
pensée, de conscience et de religion. Pour cette raison, le conflit autour de la publication des
caricatures du prophète Mohammed soulève des questions de fond sur la compréhension des
droits fondamentaux dans nos sociétés.
La Communion d’Eglises Protestantes en Europe – la Communauté de Leuenberg – (CEPE)
insiste sur la responsabilité des Eglises de s’engager en faveur de la liberté d’opinion.
L’exercice responsable de toute liberté est essentiel dans cet engagement.
Les Eglises s’impliquent dans le dialogue non seulement avec les croyants mais aussi avec les
hommes sans confession religieuse. La tâche commune de tous consiste à faire en sorte qu’il
résulte de ce dialogue une société pacifique et juste. Cet engagement est d’autant plus urgent
aux endroits où des conflits et des différends persistent.
Les droits fondamentaux
Dans le droit séculier, les droits fondamentaux forment un cadre juridique généralement
reconnu. Le droit à la libre expression d’opinion en fait partie comme le droit à la liberté de
pensée, de conscience, de religion et la protection contre la discrimination (voir Déclaration
universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 ; Convention de sauvegarde des
Droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966).
Dans les sociétés européennes, les droits fondamentaux garantissent le pluralisme, la
tolérance, la justice, la solidarité et la non-discrimination. Le Comité exécutif de la CEPE
remarque avec souci la tendance à limiter ces droits fondamentaux pour des raisons
religieuses.
La liberté
Il est hors de question d’opérer un choix entre la liberté d’opinion et la liberté de religion. La
liberté de la foi et de la conscience, la libre parole et le respect de la dignité humaine ne
dépendent d’aucune qualité ou d’aucun effort humain. Elles sont basées sur le fait que
l’homme a été crée par Dieu, sur l’amour inconditionnelle et la grâce prévenante de Dieu.
La liberté de religion comprend non seulement le droit d’exprimer ses convictions et
d’exercer sa religion dans l’espace public mais aussi le droit de critiquer la religion. Beaucoup
de religions sont dues à une nouvelle compréhension théologique résultant de l’examen
critique des religions déjà existantes. Cela vaut pour le Christianisme aussi bien que pour
l’Islam. Surtout les Eglises de la Reforme sont le résultat d’un mouvement de libération
religieuse qui critiquait la situation de l’Eglise existante et sa doctrine. Il s’ensuit l’importance
que nos Eglises d’aujourd’hui confèrent au droit à la liberté d’opinion. En revendiquant de
porter publiquement leur critique sur d’autres religions et sur les conditions sociales
environnantes, les religions doivent être prêtes d’être mises en question à leur tour avec tous
les moyens légitimes de la liberté d’opinion. Au moment où une religion se refuse et
s’immunise vis-à-vis des voix critiques, elle devient totalitaire. Car finalement elle dédaigne
la différence entre lui-même et son fond transcendant, entre Dieu et la foi de l’Eglise qui lui
rend témoignage.
La responsabilité
En plus, selon la compréhension protestante, la liberté ne se produit jamais sans relation mais
toujours en lien avec la responsabilité et l’amour. Comme Martin Luther l’avait écrit dans son
traité De la liberté du chrétien, le chrétien est d’un coté « un libre seigneur de toutes choses et
soumis à personne » et de l’autre coté « en toutes choses un serviteur et soumis à tout le
monde ». Le même ordre de la liberté et de la responsabilité se trouve dans le Nouveau
Testament. « Tout est permis ; mais tout n’est pas profitable », écrit l’apôtre Paul. Le critère
du choix réside ici en la question ce qui sert au prochain, au bon et à la paix (1 Cor 10,23).
Cette même question se pose aussi dans l’exercice de la liberté d’opinion et la liberté des
médias. Or, il existe un raisonnement profond qui préconise le renoncement à l’exercice de
toutes les libertés possibles. L’amour du prochain lui fournit la raison et la mesure.
Dans le cadre des droits fondamentaux politiques, la liberté d’opinion sous forme de la liberté
des médias et des arts trouve ses limites où l’on s’en sert pour procéder au dénigrement et à la
discrimination. La CEPE s’oppose à toute discrimination des hommes pour des raisons
religieuses, idéologiques, ethniques ou sociales qui prend pour prétexte la liberté d’opinion ou
la liberté des arts. Elle refuse aussi tout tentative de miner la liberté d’opinion et de l’art et son
expression publique par la revendication abusive de la protection des confessions religieuses.
Les droits de minorités
Beaucoup des Eglises membres de la CEPE vivent dans une situation minoritaire dans leurs
pays d’origine. De leur propre expérience, elles connaissent le risque d’être discriminées en
tant que minorité religieuse. Elles savent bien que l’accès restreint aux médias limite parfois
l’exercice de la liberté d’opinion.
Cela étant, il y a dans les Eglises protestantes une large compréhension pour la situation des
musulmans en situation minoritaire qui voient gravement blessés leurs sentiments religieux
par la publication des caricatures de Mohammed. Les chrétiens font aussi l’expérience que
leur foi est souvent dépréciée et qu’ils se sentent offensés dans leurs sentiments religieux.
Cela ne vaut pas seulement pour l’Europe sécularisé mais aussi pour les pays islamiques où la
liberté de religion est pratiquée d’une manière restreinte. Les Eglises protestantes constatent
avec souci que dans beaucoup de pays islamiques la liberté de religion ne s’applique pas ou
d’une manière restreinte seulement aux chrétiens et aux membres d’autres communautés
religieuses. En effet, dans des situations pareilles, la législation nationale devrait être
suspendue par la revendication des droits fondamentaux, car ces derniers sont indépendants
du statu juridique ou internationale d’un pays ou d’une région (voir art. 2 de la Déclaration
des Droits de l’Homme).
La paix et la réconciliation
En outre de la liberté individuelle, la paix publique est un bien précieux. En se servant de sa
liberté d’opinion et de la liberté des médias, chacun assume aussi la responsabilité de ne pas
mettre sérieusement en danger la paix publique.
Dans une situation de conflit, il revient à l’Etat de protéger les droits fondamentaux. Pour
chacun qui se sent offensé dans ses droits fondamentaux par des expressions d’opinion ou des
représentations artistiques, il y a la possibilité de recourir à la protection juridique auprès des
instances officielles de l’Etat. Par surcroît, il existe la possibilité de rendre attentif aux
inconvénients ressentis par des manifestations publiques.
La CEPE réprouve expressément les excès violents et les incendies criminels contre les
établissements publics ainsi que les menaces de mort vis-à-vis les caricaturistes et les
journalistes.
La CEPE prie les Eglises protestantes en Europe de contribuer par leurs moyens au dialogue
et à la réconciliation, de s’engager pour plus de compréhension et de respect entre les hommes
de différentes cultures et d’inciter à plus de prudence et de sensibilité à l’égard des sentiments
religieux. En tant que Communion d’Eglises Protestantes en Europe, nous mettons notre
confiance en la puissance de la parole. La lutte pour la vérité ne se fait pas par la violence,
mais par la parole seule. Pour cette raison, selon notre compréhension protestante, les droits
fondamentaux de la liberté d’opinion et de la liberté de religion sont des biens précieux que
nous nous sentons appelés de préserver.
Hanovre, le 8 avril 2006
***
Actuellement 104 Eglises protestantes en Europe (y compris cinq Eglises sud-américaines
émanant de l’Europe) appartiennent à la Communion d’Eglises protestantes en Europe
(CEPE). Les Eglises luthériennes, reformées, unies et méthodistes ainsi que les Eglises préréformatrices telles que vaudois et hussites s'accordent les unes aux autres une communion de
chaire et d’autel en vertu de la Concorde de Leuenberg de 1973. Entre les Assemblées
générales, le Comité exécutif de 13 membres prend des décisions relatives aux travaux de la
CEPE. La présidente exécutive du Présidium de trois membres est Prof. Elisabeth Parmentier
(Strasbourg), professeur de théologie pratique. Les deux autres membres du Présidium sont le
pasteur Thomas Wipf (Berne), président de la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse
et le professeur Michael Beintker, directeur du Séminaire de Théologie Reformée à
l’université de Munster. Les autres membres du Comité exécutif sont: le pasteur Dr Peter
Bukowski (Wuppertal), modérateur de la Fédération réformée, l’Oberkirchenrätin Doris
Damke (Bielefeld), Dr Friedrich Hauschildt (Hanovre), président de l’Office de l’Eglise
Evangélique Luthérienne Unie d’Allemagne (VELKD), l’évêque Mihály Márkus
(Táta/Hongrie), le professeur hon. Dr Michael Bünker (Vienne), le conseiller consistorial
Piotr Gaš (Szczecin/Pologne), le professeur Willy Willems (Bruxelles), le secrétaire général
Dr Olav Fykse Tveit (As/Norvège), la pasteure Fleur Houston (Oxford) et le Rev. Canon
Harvey Richardson (Croydon/Royaumes-Unis). Les membres suppléants sont l’évêque de
l’Eglise Evangélique de Kurhessen-Waldeck, Dr Martin Hein (Cassel), le professeur Dr
Heinrich Holze (Rostock), l’Oberkirchenrätin Antje Heider-Rottwilm (Hanovre),
l’Oberkirchenrätin Cordelia Kopsch (Darmstadt), l’évêque Dezsö Zoltán Adorjáni
(Cluj/Romanie), le pasteur Winfrid Pfannkuche (Prali/Italie), le secrétaire général Dr Bas
Plaisier (Utrecht), le pasteur François Clavairoly (Paris), le professeur Dr John Cecil
McCullough (Belfast) et l’évêque em. de l’Eglise Evangélique Méthodiste en Allemagne, Dr
Walter Klaiber (Tübingen). Le directeur du secrétariat est Dr Wilhelm Hueffmeier, président
de l’Office de l’Union des Eglises Evangéliques (UEK). Adresse du Secrétariat : Jebensstr. 3,
D-10623 Berlin, tél.: +49/30/310 01 317, fax +49/30/310 01 200, Courriel:
[email protected], Internet: www.leuenberg.net. L’Oberkirchenrat Udo Hahn, chef
de service de l’information et de la communication de l’EKD, est responsable du travail des
médias: tél. +49/511/2796-272, fax -777/888, [email protected].