entorses et luxations des doigts longs
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entorses et luxations des doigts longs
2167-Doigts-Longs-web 22/04/02 17:08 Page 1 DOSSIER FMC ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS 2 1 2 3 3 PRÉSERVER LA MOBILITÉ SOMMAIRE !Les atteintes proximales de la chaîne digitale P.2 !IPP UNE ARTICULATION TRÈS EXPOSÉE. Traumatismes fermés et récents des interphalangiennes proximales !IPD Ruptures possibles P.4 P.6 N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002 1 FMC ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS PRÉSERVER LA MOBILITÉ !A l’inverse des entorses et des luxations du pouce, ou de la première colonne, pour lesquels c’est la stabilité de la métacarpo-phalangienne (MCP) qui prime pour la bonne fonction de la pince pollicidigitale, pour les doigts longs c’est la mobilité qu’il faut à tout prix conserver. !La rééducation doit donc être la plus précoce possible pour éviter les séquelles graves d’enraidissement, particulièrement au niveau de l’articulation interphalangienne proximale. DOSSIER RÉALISÉ PAR LE D ERIC ROULOT (CHIRURGIEN DE LA MAIN, HOPITAL LARIBOISIERE ET INSTITUT DE LA MAIN, PARIS) R es entorses et luxations des doigts sont très fréquentes, car la main est en permanence exposée dans tous les gestes de la vie quotidienne. La main est un outil précieux, mais fragile ! L Les entorses et luxations des doigts résultent des mêmes mécanismes lésionnels et sont parfois difficiles à différencier quand la luxation s’est spontanément réduite. L’examen du patient est souvent faussement rassurant : le doigt est simplement gonflé et un peu douloureux, les radiographies sont normales ou ne montrent qu’un très pe- tit arrachement osseux juxta-articulaire. Il convient donc de rester très prudent dès que le diagnostic est évoqué et de réaliser systématiquement un testing de l’articulation pour retenir un diagnostic lésionnel précis qui fixera la conduite thérapeutique. On ne saurait se contenter du simple diagnostic vague « d’entorse », car il y a de nombreux types d’entorses et des traitements très différents, allant de la rééducation immédiate, sans immobilisation, jusqu’à l’intervention chirurgicale. En cas de luxation, il reste nécessaire de réduire la luxation, de préférence basket-ball, le handball, le rugby, etc. Les traumatismes professionnels sont également fréquents, en particulier lors de l’utilisation d’outils motorisés, ou du port ou de chute de charges lourdes. Une autre cause de lésion des axes digitaux est la percussion accidentelle du doigt lors d’une chute ou lorsqu’il se situe sur la trajectoire soit de la balle (football) soit d’un mouvement effectué (professionnel ou sportif). Ces lésions sont le plus souvent consécutives à un geste brusque ou inadapté, parfois très violent, pouvant entraîner des lésions graves. après avoir réalisé une radiographie pour identifier une éventuelle fracture associée et pour que celle-ci ne soit pas imputable à la manœuvre de réduction. Accidents sportifs et professionnels Ces traumatismes surviennent majoritairement lors de la pratique des sports de ballon, notamment lorsque la main entre en contact direct avec la balle comme instrument de frappe ou de propulsion, pour des sports tels que le volley-ball, le Trois types de lésions principales peuvent être observées : — les entorses, particulièrement fréquentes, qui correspondent à la lésion d’un seul plan capsulo-ligamentaire, sans perte de congruence articulaire ; — les luxations, qui sont la conséquence d’une rupture complète des plans capsulo-ligamentaires, avec perte de la congruence articulaire ; — les fractures, qui peuvent accompagner la luxation ; ces fractures-luxations sont plus graves. ■ Les atteintes proximales de la chaîne digitale !Au niveau des articulations métacarpo-phalangiennes, les entorses sont latérales, les luxations (simples ou complexes) sont dorsales et palmaires. Les luxations palmaires sont exceptionnelles. manière générale, les entorses et luxations de l’articulation métacarpo-phalangienne sont plus rares que les lésions distales, cette articulation étant en situation anatomique protégée. Des éléments extrinsèques et intrinsèques assurent sa stabilité. E D Rappel anatomique La surface articulaire de la tête du métacarpien est elliptique de profil. La longueur de la tête est plus importante en antéro-postérieur, expliquant que les ligaments latéraux de la métacarpo-phalangienne (MCP) soient tendus en flexion, une position qui assure une stabilité maximale à cette articulation. En extension, ces ligaments latéraux sont détendus, auto- 2 risant des mouvements de latéralité et de circumduction. Les ligaments latéraux ont deux faisceaux : — un faisceau principal, épais, oblique de haut en bas et d’arrière en avant, s’étendant de la tête du métacarpien jusqu’à la base de la première phalange ; — un faisceau accessoire solidarisant la tête du métacarpien aux bords latéraux de la plaque palmaire. La plaque palmaire est plus extensible qu’au niveau de l’interphalangienne proximale (IPP). Elle prolonge la surface articulaire de la base de la première phalange et s’articule avec les condyles métacarpiens lorsque l’articulation est en extension. Elle est plus solidement liée à la base de P1 que sur le métacarpien au niveau duquel elle aura plus volontiers tendan- N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002 SCHÉMA D’UNE ARTICULATION MÉTACARPO-PHALANGIENNE. 2 1 2 3 3 A1 : plaque palmaire, A2 : faisceau principal métacarpophalangien du ligament latéral, A3 : faisceau accessoire métacarpo-glénoïdien. B : la rotondité céphalique et la détente des ligaments latéraux en extension permettent des mouvements normaux de latéralité. FMC [ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS] ses expansions latérales. Latéralement, les ligaments intermétacarpiens profonds relient les plaques palmaires entre elles. Ce ligament n’existe pas sur le bord radial de l’index et sur le bord cubital du cinquième doigt, expliquant la prépondérance des lésions traumatiques à ces niveaux. Photo 1 Entorse du ligament latéral radial (LLR) de la métacarpo-phalangienne du cinquième doigt, avec laxité importante en abduction au testing. L’intervention chirurgicale est nécessaire. Photo 4 Entorse du ligament latéral cubital de la métacarpophalangienne de l’index avec fragment osseux arraché. Celui-ci est volumineux et déplacé avec retournement du fragment. La rupture ligamentaire est donc complète et le risque de nonconsolidation majeur. Il est donc nécessaire de refixer le fragment osseux. Laxité recherchée A l’examen clinique, la laxité latérale doit être recherchée par des épreuves dynamiques, réalisée sur une métacarpo-phalangienne en flexion. L’instabilité consiste en la perte de congruence des surfaces articulaires, soit en statique, soit au cours des mouvements actifs. L’examen radiographique nécessite la réalisation de radiographies de face et de trois quarts, les profils étant difficilement interprétables du fait des superpositions. Mais surtout l’incidence de Brewerton réalisée sur des métacarpiens en flexion de 65°, avec un rayon oblique de 15° en cubital, est importante, puisqu’elle permet d’explorer à la fois les faces latérales des condyles et la surface articulaire. On décrit quatre formes d’entorses et de luxations de l’articulation métacarpo-phalangienne : les entorses latérales, les luxations dorsales, simples ou complexes, et les luxations palmaires. Photo 2 Vue opératoire chez le même patient, le ligament (sur un fil) est complètement déchiré et doit être réinséré pour permettre une cicatrisation correcte sans laxité résiduelle. L’articulation est largement ouverte par le traumatisme qui a déchiré toute la capsule articulaire sur son versant radial. Entorses latérales : avec ou sans arrachement osseux Photo 3 Patient vu dans les suites d’un traumatisme en hyperextension. La main est gonflée et la flexion de la métacarpophalangienne impossible. ce à se désinsérer lors des mouvements d’hyperextension forcée. Les structures extrinsèques ont un rôle stabilisateur : la poulie en avant qui s’applique sur la plaque palmaire, avec les tendons fléchisseurs immédiatement en avant de l’articulation et, en arrière, le tendon extenseur et Les entorses latérales sont relativement rares, surtout celles des troisième et quatrième doigts qui sont les mieux protégés. C’est l’examen clinique qui permet de faire le diagnostic de gravité, en mettant en évidence une laxité ou une instabilité ; les autres entorses sont qualifiées de bénignes Le testing se fait en flexion et éventuellement sous anesthésie loca- Photo 6 L’examen de la paume de la main chez le même patient retrouve le signe du sillon centré sur la métacarpo-phalangienne. Le diagnostic de luxation dorsale avec incarcération est évident et l’intervention s’impose. Photo 7 Même patient que précédemment. La tête du métacarpien est directement visible sous la peau, ainsi que le nerf collatéral radial très exposé. La simple libération de la plaque palmaire interposée va suffire à résoudre le problème. sans arrachement osseux et comme des entorses bénignes s’il n’y a pas de laxité ou d’instabilité [photos 3 et 4]. Luxation dorsales : simples ou complexes Photo 5 Même patient, une fois le vissage du fragment osseux effectué. le. Il devrait être réalisé en statique et en dynamique, éventuellement complété par des radiographies en situation de stress. C’est l’importance de la laxité qui guide l’indication chirurgicale [photos 1 et 2]. Sans arrachement osseux, la plupart des entorses latérales sont bénignes et traitées fonctionnellement par une mobilisation active immédiate en syndactylie. Le doigt sain choisi sera celui situé du côté de la lésion pour ne pas mettre en tension les structures latérales lésées. Il faut être particulièrement vigilant pour les lésions de l’index en recherchant une lésion du ligament latéral radial : les déficits fonctionnels secondaires sont beaucoup plus importants que pour les autres doigts compte tenu de son rôle fondamental dans la stabilité de la pince pouce-index. En cas d’arrachement osseux associé, l’examen clinique est tout aussi indispensable pour faire le diagnostic de gravité, mais la présence d’un fragment osseux dépassant 20 % de la surface articulaire constitue à elle seule une indication chirurgicale d’ostéosynthèse. Les arrachements de plus petite taille sont traités comme des entorses Les luxations dorsales résultent d’une hyperextension forcée, avec une désinsertion de la plaque palmaire au niveau du métacarpien. Il s’agit d’une luxation simple (également appelée subluxation) : l’articulation est alors en hyperextension de P1 d’une soixantaine de degrés avec, à la radiographie, une image de chevauchement des surfaces articulaires. La réduction est réalisable par une manœuvre externe : le poignet étant mis en flexion pour détendre l’appareil fléchisseur, la réduction doit s’effectuer selon la technique de Farabeuf. Cette manœuvre maintient la base de la phalange fortement appliquée sur la tête du métacarpien tout au long de son parcours de réduction. Il faut éviter toute traction axiale sur le doigt sans avoir au préalable détendu l’appareil fléchisseur pour éviter d’incarcérer la plaque palmaire ; cette incarcération transformerait cette luxation initialement réductible en une luxation irréductible. Il s’agit d’une luxation complète irréductible (luxation complexe). Ce type de lésions s’accompagne d’une interposition de la plaque palmaire ou d’une incarcération de la tête du métacarpien entre les fléchisseurs et la musculature intrinsèque. Cliniquement, on observe une hyperextension de P1, la tête du métacarpien étant palpable à la paume. Il existe à ce niveau une ombilication cutanée tout à fait typique, avec signe du sillon qui traduit l’ombilication des tissus captifs dans l’articulation. Le doigt ne peut plus fléchir et la radiographie retrouve une perte du parallélisme des surfaces articulaires [photos 5 et 6]. Ces formes ne sont pas réductibles par manœuvre externe et imposent une réduction chirurgicale par voie palmaire, en prenant bien garde de ne pas léser les paquets collatéraux directement exposés en sous-cutané du fait de la saillie de la tête du métacarpien [photo 7]. Il n’est pas nécessaire, une fois la réduction obtenue, de réinsérer la plaque palmaire en proximal. Pour ces deux types de luxation, une mobilité active sera d’emblée réalisée dans un secteur protégé par une attelle dorsale antiextension en flexion de 30°, pendant trois semaines. Luxations palmaires : exceptionnelles Les luxations palmaires sont exceptionnelles. Elles sont irréductibles lorsqu’il y a une l’interposition de la capsule dorsale, voire de la plaque palmaire si celle-ci s’est désinsérée distalement (ce qui reste très rare). ■ N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002 3 FMC [ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS] Une articulation très exposée IPP Traumatismes fermés et récents des interphalangiennes proximales !Les conséquences des entorses et luxations de l’interphalangienne proximale (IPP), articulation particulièrement sollicitée, sont beaucoup plus sévères qu’au niveau de la métacarpo-phalangienne. Le but du traitement est la restauration de la congruence articulaire en limitant au minimum les durées d’immobilisation qui ne doivent jamais dépasser trois semaines. traumatismes fermés des interphalangiennes proximales sont parmi les lésions les plus fréquentes des doigts. Leur gravité tient à l’importance de l’interphalangienne proximale (IPP) dans la fonction de la chaîne digitale. Entorses et luxations sont au premier plan. Différentes fractures articulaires peuvent leur être associées. La prise en charge des lésions ligamentaires vise à éviter des séquelles graves, encore trop fréquentes. Les résultats des traitements ne sont bons que dans 45 % des cas, alors que 86 % des entorses et luxations de la métacarpo-phalangienne trouvent une solution thérapeutique satisfaisante. La solide plaque palmaire de l’articulation interphalangienne proximale s’attache distalement sur la base de P2 ; proximalement, ses deux freins s’insèrent sur la diaphyse de P1. Elle est suspendue à la tête de P1 par les ligaments latéraux accessoires. Sur elle s’attache la gaine fibreuse des tendons fléchisseurs. ES L Rappel anatomique L’articulation interphalangienne proximale est une articulation trochléenne à un seul degré de liberté, la flexion-extension. Les mobilités en flexion-extension de l’interphalangienne proximale sont de 110 degrés, avec un arc fonctionnel utile jugé à 60 degrés pour les gestes de la vie courante. Cette flexion est Photo 9 Luxation latérale à réduire rapidement. assurée par le fléchisseur commun superficiel. L’extension, quant à elle, est le fait de l’action de la bandelette médiane de l’extenseur et des muscles intrinsèques qui interviennent lorsque la métacarpo-phalangienne est fléchie. La tête de P1 est constituée de deux condyles avec une gorge médiane, dont la direction est différente pour chacun des doigts longs afin d’assurer leur convergence en flexion. Les tubercules latéraux donnent l’insertion aux ligaments latéraux sur les faces latérales de leurs condyles et matérialisent ainsi une ligne qui est l’axe de flexion-exten- En flexion, le ligament latéral principal est tendu. Pour tester sa qualité mécanique, le testing se fait en demi-flexion. Photo 8 Luxation dorsale de l’interphalangienne proximale du cinquième doigt. Ces luxations sont très fréquentes et résultent d’un traumatisme en hyperextension (fréquent chez les sportifs). sion de l’articulation. En vis-à-vis de P1, se situe la base de P2 constituée de deux cavités glénoïdes, séparées par une crête qui répond à la gorge intercondylienne, avec, de chaque côté de sa surface articulaire, la zone d’insertion des ligaments latéraux principaux. Suite page 5 ◆◆◆ C’est l’inverse en extension : les ligaments latéraux accessoires sont tendus alors que les ligaments latéraux principaux sont détendus. Photo 10 La radio avant réduction reste de pratique prudente pour dépister les associations fracturaires préexistant à la réduction. N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002 4 FMC [ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS] Photo 11 Vue opératoire d’une interposition ligamentaire du ligament latéral radial dans l’articulation empêchant la bonne réduction. ◆◆◆Suite de la page 4 Les ligaments latéraux principaux et latéraux accessoires présentent une tension qui ne se modifie pratiquement pas dans l’arc de flexion-extension. Ces fibres, du fait de leur position, sont surtout tendues en flexion. La plaque palmaire est un fibrocartilage tendu en extension, qui se plisse en flexion et qui, s’insérant sur toute la largeur de la base de P2, constitue le plancher de l’articulation interphalangienne proximale. Cette structure limite l’hyperextension et la luxation n’est possible que si ce contexte est rompu en deux plans différents. Le consensus semble se faire sur une position d’immobilisation en extension qui assure une meilleure stabilité, avec des possibilités d’arthrolyse ultérieure plus simple que sur les enraidissements en flexion et qui évitent par ailleurs les interposions après réduction. Photo 12 Luxation palmaire de l’interphalangienne proximale. Notez la composante rotatoire qui traduit la lésion systématique complète d’un des ligaments latéraux. subluxation palmaire signe une lésion de l’appareil extenseur. Des luxations dorsales, latérales et palmaires Mobilité active, stabilité passive Outre les radiographies systématiques sous de multiples incidences, l’examen repose surtout sur le testing, réalisé au mieux sous anesthésie locale, permettant d’explorer la mobilité active et la stabilité passive. Une mobilité active normale en flexion-extension autorise une mobilisation précoce en syndactylie. Le testing de la stabilité passive est indispensable en latéralité et en tiroir antéro-postérieur : — en flexion latérale, on teste le ligament latéral principal, alors qu’en extension latérale on teste le ligament accessoire et sa jonction avec la plaque palmaire ; — lors des manœuvres en tiroir antéro-postérieur, une hyperextension anormale signe une lésion de la plaque palmaire, alors qu’une Les luxations dorsales [photo 8] sont les plus fréquentes et elles s’accompagnent nécessairement d’une rupture complète de la plaque palmaire et d’au moins un ligament latéral. Cette rupture est presque toujours distale. Le traitement reste orthopédique dans la grande majorité des cas, confié soit à une attelle « IPP stop » (autorisant une mobilisation en flexion, mais limitant l’extension à – 20 degré), Photo 13 Vue opératoire d’une interphalangienne proximale après luxation palmaire avec arrachement de la bandelette médiane de l’extenseur et du ligament latéral cubital tous deux bien visibles sur des fils tracteurs avant leur réinsertion. LES RESULTATS THERAPEUTHIQUES SUR LES ENTORSES ET LUXATIONS DES IPP NE SONT BONS QUE DANS 45% DES CAS. soit à une mise en extension complète de l’interphalangienne proximale, avec mobilisation précoce en syndactylie à la troisième semaine. Le traitement chirurgical doit être réservé aux grosses instabilités ou aux luxations irréductibles ; il repose sur la réinsertion de la plaque palmaire. Les luxations latérales [photos 9 et 10] sont la conséquence d’un traumatisme en extension, qui rompt à la fois le ligament latéral inséré sur P1 et la plaque palmaire. Les lésions débutent en dorsal et se propagent en direction palmaire et distale. Le traitement est le plus souvent orthopédique ; il repose sur une réduction et mise en syndactylie pour quatre semaines. Le traitement chirurgical, exceptionnel, repose sur la réinsertion ligamentaire et s’adresse aux formes qui se reluxent lors de la mobilisation active ou qui restent désaxées après réduction du fait d’une interposition [photo 11]. Les luxations palmaires [photo 12] sont les plus rares et résultent d’un mécanisme de compressionrotation sur un doigt demi-fléchi. Un ligament latéral est toujours rompu ; l’appareil extenseur est fortement lésé ; une rupture quasi constante de la bandelette médiane est associée à la luxation palmaire d’une bandelette latérale qui peut s’incarcérer et rendre cette luxation irréductible. Une fois la réduction effectuée, il faut tester la bandelette médiane de l’appareil extenseur, responsable — lorsqu’elle est rompue — d’un déficit de l’extension active ou de la persistance d’une subluxation palmaire, imposant alors un traitement chirurgical de résinsertion du tendon extenseur et du ligament latéral avulsé [photo 13]. Le diagnostic d’entorse est le plus fréquent mais il reste un diagnostic d’élimination et impose un 5 N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002 testing au moindre doute devant une grosse articulation douloureuse. Entorses : lésion d’un seul plan Ces entorses sont le fait de la lésion d’un seul plan, qu’il s’agisse de la plaque palmaire, de la bandelette médiane ou du ligament latéral. Leur prise en charge impose de laisser libres les articulations métacarpo-phalangienne et interphalangienne distale et d’immobiliser préférentiellement l’interphalangienne proximale en extension. La mobilisation active précoce est possible pour les ruptures isolées d’un ligament latéral ou de la plaque palmaire, avec syndactylie ou, éventuellement, une attelle de protection. Les ruptures sous-cutanées de la bandelette médiane imposeront une immobilisation en extension stricte pendant trois semaines. Entorses et luxations avec fractures articulaires ajoutées Les fractures articulaires de l’interphalangienne proximale intéressent, par définition, au moins 25 % d’une des surfaces articulaires. Les arrachements marginaux s’apparentent aux entorses et aux luxations. Ces fractures sont potentiellement graves, exposant aux risques de cal vicieux, de raideur et d’arthrose secondaire. La rééducation reste fondamentale, fondée sur une mobilisation immédiate de la métacarpo-phalangienne et de l’interphalangienne distale et sur une rééducation précoce, active, aidée de l’interphalangienne proximale. En dehors des formes non déplacées stables, les fractures de la tête de P1 relèvent plutôt du traitement chirurgical, alors que les fractures de la base de P2 relèvent préférentiellement d’un traitement orthopédique. Les fractures de la tête de P1, qui se subdivisent en fractures unicondyliennes et fractures suscondyliennes et intercondyliennes, ne font pas partie du sujet des entorses et luxations. Les fractures non déplacées de la base de P2 sont traitées par la mise en place d’une attelle en rectitude pendant trois semaines ; le traitement chirurgical, quand il est nécessaire, se fait par un abord plutôt dorso-latéral. Quand elles s’accompagnent d’une luxation, ces fractures entrent dans le cadre des luxations-fractures de traitement difficile ; elles exposent à des séquelles importantes lorsqu’elles concernent la base de la deuxième phalange. Deux éléments guident la conduite thérapeutique : la stabilité de l’articulation après réduction et l’aspect du fragment palmaire : — la stabilité dépend directement de la taille du fragment palmaire : lorsqu’il est volumineux, il peut recevoir toutes les insertions distales du ligament latéral principal si bien que la base de P2 se luxe en position dorsale, sous l’action de la bandelette médiane de l’extenseur et du fléchisseur superficiel ; l’examen après réduction sous bloc digital est indispensable pour différencier les formes qui seront stables après réduction de celles qui se reluxent ; — l’aspect du fragment palmaire est également important à analyser : est-il unifragmentaire ou plurifragmentaire ? est-il associé ou non à un enfoncement articulaire ? Différentes méthodes thérapeutiques pourront alors être mises en route, visant à corriger le déplacement dorsal et à restaurer une congruence articulaire (orthopédique par attelle et/ou chirurgicale). ■ FMC [ENTORSES ET LUXATIONS DES DOIGTS LONGS] IPD Ruptures possibles !Les entorses et luxations de l’interphalangienne distale, articulation particulièrement stable, sont rares. Mais un traumatisme peut occasionner des lésions tendineuses. Deux cas particuliers : le mallet finger, et le rugbby ou jersey finger. Luxations rarement irréductibles distale est une articulation bicondylienne ; sur la portion antérieure de P3, l’insertion du tendon fléchisseur profond occupe toute la largeur de la base de la phalange jusqu’au tiers proximal ; plus proche de l’articulation, se trouve l’insertion de la plaque palmaire, qui est fibro-cartilagineuse. Sur la face dorsale de l’interphalangienne distale, la capsule articulaire est renforcée par l’insertion de la bandelette terminale de l’appareil extenseur ; celle-ci est constituée d’une très fine lame tendineuse qui s’insère sur toute la base dorsale de P3, jusqu’au bord proximal de la matrice unguéale. L’articulation est stabilisée latéralement par deux puissants ligaments collatéraux qui n’autorisent de mouvement qu’en flexion-extension. Les entorses et luxations de l’interphalangienne distale sont rares du fait de la stabilité importante de cette articulation [photo 14]. Réductible, la luxation est traitée par manœuvre orthopédique. Les luxations, qui peuvent être dorsales ou latérales, s’associent fréquemment à une ouverture cutanée du fait de l’adhérence importante de la peau au tissu profond à ce niveau. La luxation peut s’accompagner d’étirements des paquets collatéraux, avec des troubles neurologiques en cas de réduction tardive. Généralement, la luxation est facilement réductible par traction dans l’axe. L’ouverture cutanée impose la réalisation d’un parage, d’un lavage, puis d’une fermeture cutanée sans tension une fois la luxation réduite. La plaque ne doit pas être réinsérée si elle est arrachée. De façon exceptionnelle, les luxations interphalangiennes distales peuvent être irréductibles lorsqu’elles sont dorsales, la phalange distale venant se situer en arrière de la tête de P2. Cette irréductibilité est le plus souvent la conséquence d’une interposition de la plaque palmaire qui est avulsée de son insertion proximale (parfois en association avec une avulsion osseuse). Plus rarement c’est le tendon fléchisseur qui s’interpose dans l’articulation, ce qui suppose une rupture d’un des ligaments collatéraux et d’une partie de la plaque palmaire. Le traitement est, dans ces deux cas, chirurgical. On agrandit la plaie lorsqu’elle existe ou on passe par un abord dorsal dans les formes fermées. Une fois l’interposition levée, l’articulation est en général stable : aucune réinsertion, ni des ligaments latéraux ni de la plaque palmaire, n’est nécessaire. Le risque reste celui de la raideur en flexion de l’articulation, non d’une atteinte de la stabilité. Une immobilisation INTERPHALANGIENNE L’ transitoire reste cependant nécessaire pendant une période de trois semaines, éventuellement par une broche axiale. Extension active impossible E doigt en maillet (ou « mallet finger ») se définit comme une perte de l’extension active de l’interphalangienne distale, avec persistance d’une extension passive complète. C’est la conséquence d’une rupture de l’appareil extenseur au dos de l’articulation. Le diagnostic est clinique. La rupture tendineuse est généralement la conséquence d’un accident en flexion forcée de l’articulation interphalangienne distale, alors que l’interphalangienne proximale est en extension. Le traumatisme passe fréquemment inaperçu au cours des activités sportives. Il existe deux types de doigt en maillet, ceux qui sont la conséquence d’une simple rupture tendineuse et ceux qui correspondent à un arrachement de l’insertion du tendon sur la base de la phalange, emmenant ainsi un fragment osseux. L Simple rupture tendineuse C’est la forme la plus fréquente de mallet finger. Les pièces osseuses sont radiologiquement normales. Le traitement est orthopédique, d’abord par une immobilisation en légère hyperextension, pendant huit semaines, sans interruption, puis par une immobilisation uniquement nocturne pendant un mois. L’articulation interphalangienne proximale doit être immédiatement rééduquée en actif. Il est indispensable de ne pas interrompre cette immobilisation, qui devrait être reprise à son début en cas de flexion inopportune prématurée. Une surveillance cutanée attentive doit par ailleurs être effectuée pour dépister toute souffrance cutanée, au dos de l’interphalangienne distale, en regard de la zone d’arrachement tendineux. Les résultats de ce type de traitement sont en général très bons et l’existence d’un déficit de flexion au troisième mois du traumatisme peut inciter à la mise en place d’une orthèse dynamique temporaire. Avec avulsion de l’insertion tendineuse Il existe une fracture articulaire de la base de la troisième phalange, consécutive à l’arrachement du tendon extenseur. Le fait qu’il s’agisse d’une fracture articulaire est un facteur de mauvais pronostic pour la mise en route d’un traite- ment orthopédique si le fragment est volumineux. Le traitement chirurgical est donc indiqué lorsque ce fragment fait plus du tiers de la surface articulaire et s’il est déplacé. Par ailleurs, l’indication chirurgicale est formelle s’il existe une subluxation palmaire de P3-P2. La technique de réinsertion actuellement la plus en cours est la technique de Blalock : un fil non résorbable est passé dans le tendon extenseur, qui vient traverser P3 en transosseux, appliquant ainsi, sans le traverser et risquer de le refendre, le fragment osseux arraché. L’articulation est ensuite fixée par une broche temporaire, en position d’extension Dans tous les autres cas, le traitement est orthopédique, comme pour celui des ruptures sous-cutanées. Flexion active impossible EAUCOUP plus rare que le mallet B finger, la rupture de l’appareil fléchisseur profond (on parle de « rugby finger » ou de « jersey finger ») se traduit par la perte brutale, post-traumatique, de la flexion active de l’interphalangienne distale, avec persistance d’une flexion passive. L’avulsion sous-cutanée traumatique du fléchisseur profond du doigt est une lésion de classique mauvais pronostic, comme en témoigne la revue de la littérature, d’ailleurs peu abondante, sur le sujet. Dans plus de la moitié des cas, la lésion est consécutive à un accident sportif (le rugby a d’ailleurs donné son nom à cette pathologie). Mais il n’est pas rare qu’elle trouve son origine dans les accidents domestiques ou de travail, ou qu’elle soit la conséquence d’une agression. L’annulaire huit fois sur dix Le mécanisme correspond à une prise de force contrariée : une hyperextension brutale de l’interphalangienne distale est responsable d’un arrachement de l’insertion du fléchisseur profond sur la troisième phalange, emportant ou non un pavé osseux. En pathologie sportive, l’avulsion fait suite à une tentative de plaquage avec agrippement du maillot, comme on peut le rencontrer dans les sports de contact tels que le rugby ou le football américain. Le traumatisme entraîne une douleur traçante du doigt remontant à l’avant-bras, puis, secondairement, une ecchymose pulpaire et, bien sûr, l’absence de flexion active immédiate de l’interphalangienne distale. Le diagnostic de la lésion aiguë est méconnu, dans 50 % des cas, par le médecin ou le kinésithérapeute de l’équipe : l’un ou l’autre LES MANŒUVRES ORTHOPEDIQUES SUFFISENT GÉNÉRALEMENT À TRAITER, ET L’IMMOBILISATION QUI SUIT DOIT ETRE COURTE. LA CHIRURGIE DU « RUGBY FINGER » Les indications thérapeutiques Photo 14. Forme tout à fait sont conditionnées par le délai exceptionnelle de luxation dorsale à deux étages, d’intervention. interphalangienne • Dans le cas d’une lésion récente proximale et interphlangienne (J0 à J8), la chirurgie est systémadistale tique. • Lorsqu’il s’agit d’une lésion secondaire (entre J8 et J21), l’indication chirurgicale est plus nuancée, tenant compte de la gêne fonctionnelle et du niveau de rétraction, de la possibilité de réinsertion sans induire de flessum, ou du collapsus du canal digital. • Si l’avulsion est diagnostiquée tardivement (au-delà de la troisième semaine), l’indication chirurgicale dépend exclusivement de la gêne fonctionnelle : — si elle est nulle ou modérée, l’abstention chirurgicale est l’attitude la plus raisonnable, à condition que l’interphalangienne proximale soit parfaitement mobile et l’interphalangienne distale stable ; — si le patient est demandeur, il est raisonnable de proposer une résection du fléchisseur profond du doigt (à condition que celui-ci soit pelotonné et douloureux dans la paume), associée soit à une ténodèse soit, surtout, à une arthrodèse de l’interphalangienne distale, mesure certes plus « lourde », mais plus solide et durable. Pour l’auriculaire, en cas de faiblesse ou d’inefficacité constitutionnelle du fléchisseur superficiel, il faudra renforcer celui-ci par un adossement du fléchisseur profond à la paume. confondent souvent l’avulsion du fléchisseur profond du doigt avec une lésion de la plaque palmaire, le patient négligeant initialement son déficit. Tous les doigts peuvent être atteints mais l’annulaire est largement majoritaire (80 % des cas de notre expérience). Les raisons de cette vulnérabilité sont : — sa faible indépendance de flexion qui ne lui permet pas de lâcher aisément une prise lorsque médius et auriculaire sont fléchis, alors que l’auriculaire lâche la prise en premier ; en effet, les muscles lombricaux de l’annulaire s’unissent à ceux du médius et de l’auriculaire et leurs fléchisseurs communs profonds ont un corps musculaire commun à l’avant-bras ; — la plus grande fragilité de l’insertion ostéo-tendineuse du fléchisseur profond sur P3 de l’annulaire, l’insertion la plus résistante étant celle du médius. Le siège du moignon tendineux peut être apprécié par : — le niveau de la douleur proximale à la palpation du canal digital ou de la paume, alors que le reste du canal digital est retrouvé vide ; — la radiographie qui doit être systématique à la recherche d’un fragment osseux tout en se méfiant de la possible dissociation ostéo-tendineuse ; — l’échographie, voire l’IRM, sont rarement nécessaires sauf pour les traumatismes anciens. Le traitement est chirurgical mais non systématique Le traitement ne peut être que chirurgical. Le chirurgien est confronté en peropératoire à l’absence de moignon tendineux distal utilisable, ce qui explique la variété des techniques chirurgicales proposées, témoignant de la difficulté du traitement. Il existe trois facteurs pronostiques : — la présence d’une avulsion osseuse qui est en général un élément favorable ; — le délai opératoire [voir encadré] : idéalement, la réparation chirurgicale doit être effectuée avant le huitième jour (mais seuls 50 % des cas sont diagnostiqués avant ce délai) ; on n’observe aucun bon résultat après le vingt et unième jour ; — l’importance de la rétraction tendineuse qui conditionne la vascularisation résiduelle et donc la qualité de sa cicatrisation ; à la rétraction tendineuse instantanée contemporaine du traumatisme, s’ajoute, à partir de la troisième semaine, un raccourcissement de l’unité motrice par rétraction du corps charnu à l’avant-bras. ■ N° 2167 - MARDI 15 JANVIER 2002 Dr Eric Roulot 6