de Rhône-Alpes - Conservatoire d`espaces naturels Rhône

Transcription

de Rhône-Alpes - Conservatoire d`espaces naturels Rhône
Espaces
naturels
de Rhône-Alpes
Journal d’information du CREN
n° 04 - 1er semestre 2009
ÉDITORIAL
D
epuis le Grenelle de l’environnement il est
souvent question d’une "croissance verte"
pourvoyeuse d’emplois. Et l’on cite généra-
lement les constructions plus écologiques, les nouveaux
métiers des énergies renouvelables ou encore des innovations économes en matériaux. Il est pourtant un autre
secteur plus traditionnel et néanmoins gros demandeur
de main d’œuvre : celui qui consiste tout simplement à
"prendre soin de la nature".
(taille des haies, nettoyage des bords des rivières, condui-
écologiques" qu’ils nous rendent (pour le maintien de la
te des troupeaux dans les communaux…) qui ont beau-
biodiversité, l’épuration des eaux, la pollinisation…)- de-
coup fait pour que nos paysages ruraux soient souvent
vrait devenir une vraie préoccupation sociétale. Certes, les
magnifiques. Aujourd’hui, tout ce travail, soit n’est plus
animateurs du CREN, de plus en plus formés au dialogue
effectué, entraînant friches et broussailles, soit est dévolu
avec tous les acteurs, peuvent témoigner que ce souci de
à des employés communaux. Dans les endroits les plus
la nature devient peu à peu une attitude davantage parta-
riches en patrimoine naturel toutefois, et cela depuis de
gée. Quant aux travaux à proprement dit, s’il est vrai qu’ils
nombreuses années, des associations pionnières ont eu
nécessitent des techniciens formés aux spécialités de l’in-
le souci de prendre soin de cette nature le plus souvent
génierie écologique (et le CREN participe aussi à leur for-
laissée à l’abandon.
mation), il y a aussi besoin de beaucoup de bras pour tout
Très vite toutefois, ces associations ainsi que d’autres ac-
ce qui ne peut pas être mécanisé.
teurs engagés dans le même sens se sont rendus compte
Comme Edgard Pisani a pu le dire de la nouvelle agricul-
Dans les campagnes d’autrefois une foule de tâches
qu’en plus de compétences techniques spécialisées,
ture dont il pense qu’elle sera le réservoir d’emplois pour
étaient effectuées par les paysans ou des journaliers
ces multiples travaux de remise en état ou d’entretien
demain, il pourrait en être de même pour ce soin de la
exigeaient une main d’œuvre nom-
nature. Le temps ne devrait alors plus être au seul béné-
breuse. C’est là qu’elles ont rencon-
volat, au militantisme ou à des missions d’insertion ; de
tré nombre d’éducateurs qui, de leur
nouvelles qualifications seront nécessaires pour de vraies
côté, redécouvraient à cette occasion
nouvelles professions respectables. Il serait donc bien-
ce que le contact physique avec la na-
venu d’orienter des jeunes vers ces métiers manuels de
ture pouvait avoir de bénéfique pour
plein air qui seront bénéfiques à toute la société.
naturels
de Rhône-Alpes
Espaces
des jeunes en difficulté. Les chantiers
d’insertion sont nés de cette rencon-
André Micoud,
tre et l’on ne peut que se féliciter de
sociologue
ce "deal" gagnant-gagnant. Il est
temps cependant d’aller plus loin
maintenant.
En effet, prendre soin des espaces naturels –eu égard à tous les "services
À LA UNE
L’insertion se taille un chemin
dans l’environnement
L’insertion en chiffres (France, 2007)
• 887 entreprises, chantiers et agences de travail temporaire d’insertion.
• 12 % des entreprises d’insertion sont consacrées à l’environnement et
aux espaces verts.
• 108 000 personnes ayant transité dans une structure d’insertion, dont
65 000 dans des ateliers et chantiers d’insertion (66 % d’hommes).
• Environ 340 millions d’euros d’aide versés.
Sources : Synthèse 2007 du Conseil National de l’Insertion par l’activité
économique.
Observatoire des entreprises d’insertion 2007, Comité national des
entreprises d’insertion (CNEI).
Et si la préservation des espaces naturels pouvait aussi contribuer à l’insertion professionnelle de personnes en difficulté ? Grâce à la réalisation régulière de
chantiers par des structures d’insertion, les conservatoires s’inscrivent dans le développement humain autant que dans la protection environnementale.
Créer une entreprise alliant viabilité économique lifiés sur de grandes surfaces, tels que débroussaillage, pose de clôtures, petit abattage foet action sociale, permettant l’insertion ou la ré-in- restier ou travaux agricoles. Aujourd’hui, entre 15 et 20 % des chantiers pilotés par le CREN
sertion socio-économique de personnes en diffi- sont confiés à des entreprises d’insertion, grâce à un réseau de structures partenaires loculté, grâce à un emploi adapté. Cette idée sédui- cales, identifiées par secteur géographique : Brigades vertes pour le Rhône, EIJA et Isactys
sante, née à la fin des années 70,
pour l’Ain, Tremplin en Ardèche,... Les premières collaborations n’ont pourtant
aura mis presque 30 ans à se faire
pas toujours été faciles. A la fin des années 90, l’émergence des structures d’inune place à part entière dans " Une fois les partenaires sertion a amené les conservatoires de la région à confier quelques chantiers à
le tissu économique français. sensibilisés aux missions ces nouveaux acteurs. Mais le manque de professionnalisme et d’encadrement,
Aujourd’hui, entreprises d’inserà l’époque, a rapidement limité ces expériences.
du Conservatoire, les
tion et ateliers-chantiers d’in- chantiers sont traités plus Il aura donc fallu attendre début 2000, et l’arrivée de structures réellement opésertion se multiplient, encadrant
rationnelles pour nouer des contacts pérennes avec le milieu de l’insertion. Il
efficacement."
plus d’une centaine de milliers
était également nécessaire de s’adapter aux spécificités des salariés : "Pour lutde personnes par an (chômeurs
ter contre l’absentéisme et la démotivation, il faut éviter les travaux trop pénibles
longue durée, SDF, ex-détenus...). Avec le BTP, le ou trop rébarbatifs et éviter de faire faire manuellement des tâches mécanisables", explique
travail temporaire, les services de nettoyage et le traitement des déchets, les travaux liés Romain Lamberet, responsable des travaux au CREN. Il était enfin important de former
à l’environnement et aux espaces verts font partie des secteurs les plus investis par ces l’équipe encadrante aux spécificités d’une approche paysagère et de conservation. Une
sociétés d’insertion. On y retrouve par exemple des réseaux de jardins maraîchers type fois les partenaires sensibilisés aux missions du Conservatoire, les chantiers sont traités
Jardin de Cocagne, mais aussi, de manière croissante, des chantiers en lien avec les espaces plus efficacement. Un avantage qui plaide en faveur du maintien d’une relation durable
naturels.
entre conservatoires et structures d’insertion.
Et pour cause : le faible coût de la main d’oeuvre permet la réalisation de travaux peu qua- Dossier réalisé par Laure Marandet.
Acteurs
24 H SUR…
ENTRETIEN AVEC...
Un chantier d’insertion
Lionel Lambert,
directeur général d’Isactys
Grâce à des chantiers d’insertion, l’association Tremplin permet chaque année à quelques dizaines
de personnes de reprendre contact avec le monde du travail tout en entretenant des espaces verts
ou naturels. Rencontre avec ces brigades vertes de l’Ardèche.
Sur les collines de Crussol, au pied des
vestiges du château médiéval, six hommes débroussaillent les terrasses herbeuses. Chaussures de sécurité au pied
et casque orange sur la tête, Sylvain
est l’un de ces travailleurs. 43 ans, sans
qualification, et fort d’une vie semée de
difficultés, il s’est rapidement retrouvé
dans la case "chômeur longue durée",
sans beaucoup d’espoirs. Depuis plusieurs mois, cependant, Sylvain est
employé par l’association d’insertion
Tremplin, qui lui confie 26h de travail
hebdomadaire en échange d’un Smic
horaire, mais surtout, qui lui remet le
pied à l’étrier. "On est dans une logique
de remise au travail, explique Maxime
Corbin, directeur adjoint de la structure. Les premiers mois Aujourd’hui, la brigade entretient le jardin d’un particusont souvent consacrés à lutter contre l’absentéisme, avec lier, une mission plutôt rare car les principaux clients de
des personnes qui n’ont parfois Tremplin sont des collectivités et des organismes implipas eu d’horaires
qués dans la gestion de l’environnement
à respecter depuis "Ces missions de protec- (CNR, Véolia, Conservatoires, etc). Parmi
des années !"
tion environnementale les chantiers réalisés, le chef d’équipe se
souvient notamment de l’ouverture d’une
sont intellectuellement
A plusieurs kiloclairière à orchidées ou de l’aménagement
stimulantes pour les
mètres de Crusd’une zone humide de compensation suite
brigades"
sol, sur la petite
à la construction de la ligne TGV. "Ces miscommune d’Alsions de protection environnementale sont
boussière, Christophe Benoît intellectuellement stimulantes pour les brigades, car des
encadre le travail d’Emma- experts du CREN ou du Lycée horticole de Romans viennent
nuel, 35 ans, issu d’un institut souvent sur le terrain pour expliquer aux agents les raisons
médico-éducatif, et de Jean- de leur travail", souligne Maxime Corbin.
Yves, 52 ans, lui aussi chômeur
longue durée. De 18 ans à l’âge Sauf exception, le passage à Tremplin est limité à 2 ans.
de la retraite, Tremplin accueille Une période au cours de laquelle les agents sont soutetout le monde, femmes compri- nus dans la construction d’un futur projet professionnel.
ses. "Leur présence est d’ailleurs Il faut souvent résoudre les difficultés qui limitent le retrès équilibrante pour le groupe", tour à l’emploi, notamment les problèmes d’alcoolisme.
souligne le directeur adjoint. La conseillère de l’association est là pour encadrer cette
Au total, l’association dispose démarche d’insertion, à raison d’au moins deux renconde sept équipes réparties géo- tres par mois, et une auto-école sociale a été mise sur pied
graphiquement sur le dépar- pour accompagner le passage du permis de conduire.
tement. Chacune comporte un chef d’équipe salarié et 8 "58% des agents qui nous quittent partent pour un CDI, un
agents en insertion. "En été, le départ est à 6h, pour éviter CDD de plus de 6 mois ou une formation qualifiante", préciles grosses chaleurs, raconte Christophe Benoît. J’embar- se le directeur adjoint. De quoi redonner un peu d’espoir
que l’équipe de la journée dans le camion et la conduis au à Sylvain, Emmanuel et aux autres.
chantier. On travaille jusqu’à 13h, puis on pique-nique en- Dossier réalisé par Laure Marandet.
semble avant de rentrer."
Depuis plus de 15 ans, l’association Acty Chantiers,
branche du groupe Isactys, réalise des travaux
environnementaux auprès des collectivités et des
conservatoires.
Vous déclinez l’insertion par l’emploi dans de
nombreux domaines. Qu’apportent particulièrement les chantiers environnementaux ?
Pour certaines personnes, qui ont toujours vécu en ville,
travailler dans la nature c’est une révélation ! De plus,
l’expérience et les compétences acquises sur ces chantiers
ouvrent des perspectives d’emploi au sein d’une thématique
valorisante et importante en milieu rural, avec de nombreux
débouchés possibles (ONF, pépinières, production
légumière, etc).
Pourquoi privilégier le statut associatif plutôt
qu’un statut d’entreprise ?
Une association
bénéficie d’avantage de
subventions. L’exigence
de résultat y est moindre
que pour une entreprise,
et autorise un travail
d’accompagnement
individuel et adapté.
Mais si les chantiers
constituent une première
étape pour se remettre au travail, leur durée est limitée;
l’entreprise d’insertion permet, elle, de prendre le relais pour
une phase de stabilisation.
Vous réfléchissez à valoriser la biomasse produite
sur les chantiers...
Nous avons en effet un questionnement sur les débris
verts issus de nos chantiers : pourquoi ne pas recycler ou
produire de l’énergie avec cette biomasse ? C’est un projet
à développer au niveau territorial, avec des partenariats
appropriés. Ces réflexions soulignent que nous sommes
de véritables acteurs du développement durable, avec une
démarche sociale mais aussi économique et territoriale.
L’insertion au naturel sur l’île de la Réunion
Jumelé au CREN Rhône-Alpes, le Conservatoire de l’île de la
Réunion possède, depuis sa création en 2004, une double
mission de protection environnementale et d’insertion
professionnelle. "La création du GCEIP (Groupement pour la
Conservation de l’Environnement et l’Insertion Professionnelle)
est parti d’un besoin : celui de profiter d’une meilleure gestion
des forêts de l’île pour mettre en place des structures d’insertion",
explique Jean-Marc Legros, responsable des ressources
humaines au GCEIP.
Le conservatoire fonctionne donc de façon similaire à un
chantier d’insertion grâce à un partenariat entre le GCEIP, le
Conseil général et l’ONF. Chômeurs de longue durée, RMIstes
et allocataires sont recrutés sous contrat subventionné et
envoyés sur des chantiers forestiers (entretien des sentiers
touristiques, plantations, préservation d’espaces sensibles,
etc) où ils sont encadrés par du personnel ONF. Parallèlement, un accompagnateur du Conservatoire va aider ces salariées à identifier et construire un nouveau projet professionnel. "Sur la période 2006-2008, nous avons recruté plus de 500
personnes avec un taux d’insertion proche de 30% - ce qui est
une très bonne moyenne vis-à-vis des profils recrutés", souligne
Jean-Marc Legros. En 2009, la structure prévoit d’embaucher
630 salariés en insertion.
BRÈVES
Réflexion sur la préservation des zones humides
Les mines de la Rouvières sécurisées
A la suite de l'assemblée générale du CREN dans l'Ain, une réflexion plus approfondie sur les politiques
"zones humides" a été envisagée. C'est avant la fin septembre qu'est donc prévue une réunion associant
les institutions concernées afin d'améliorer la cohérence des diverses politiques publiques en matière de
préservation des zones humides.
La première hypothèse d'effondrer complètement les entrées de galeries des mines de la Rouvières à SteMarguerite -la-Figère pour leur mise en sécurité a pu être réexaminée grâce à la mobilisation des différents
partenaires du programme Life plateau de Montselgues. Un nouveau projet d'aménagement prenant en
compte les enjeux de la biodiversité et particulièrement la conservation des gîtes d’hivernage de certaines
chauves-souris (notamment le petit Rhinolophe) a été proposé au propriétaire des mines (Recylex SA) et à
la DRIRE. Ce projet pu être mis en place au printemps de cette année.
Savoir-faire
BILAN ET PERSPECTIVE
La concertation locale une compétence acquise ?
Si, en vingt ans, la notion de "comité de pilotage" est largement passée dans les mœurs -essai transformé, pas toujours en souplesse, par Natura
2000- une logique d’information prend souvent le pas sur une véritable concertation. Aussi, est-il bon de remettre en cause ses propres habitudes
en la matière. Un effort qui peut difficilement s’envisager sans un échange de savoir-faire entre les sciences sociales et environnementales. Récit
d’une expérience au sein du CREN.
Le programme Life nature & territoires a ouvert la voie auprès d’acteurs locaux, de recueillir leurs ressentis : sept
en matière de vision croisée, associant à l’approche en- sites sélectionnés, des discussions individuelles et "ouvervironnementale une préoccupation sociale, territoriale. tes" avec 2 à 4 personnes pour chaque site, puis une anaCe fut aussi une relative prise de lyse.
recul vis-à-vis de la concertation En parallèle, trois sites du programme Life nature & ter"Quelle participation citoyenne dans les
menée sur le terrain, au travers de ritoires ont été revisités afin de comprendre les facteurs
politiques territoriales ?"
la confrontation entre l’expérien- favorables à une bonne prise de conscience des enjeux de
Tel était le thème des 6è rencontres
ce de l’Office national des forêts, préservation de la biodiversité.
Petrafolia organisées à Marseille par
de plusieurs parcs régionaux, des
l'association Alpes de lumière. Une
collectivités locales et des conser- Travailler sur sa propre expérience
occasion d'intégrer l'approche territoriale rhônalpine parmi les nombreuses
Comprendre ce qui s’est mal déroulé est
vatoires d’espaces
expériences d'implication citoyennes
une chose, prendre de meilleures habitunaturels. Au sein du
et d'appropriation locales présentées et
CREN Rhône-Alpes
"Comprendre ce qui s’est des en est une autre. Pour ce faire, deux
discutées.
a émergé le besoin mal déroulé est une chose, jours de formation ont été organisés, animés par Claire Bonnelle du CPIE Vercors,
de revoir la manière
prendre de meilleures habialternant approche théorique et jeux de
dont était conduite la concertation sur les
tudes en est une autre."
rôle. Comment avoir une écoute active de
sites en gestion.
celui qui parle ? Comment favoriser l’exSous le regard d’André Micoud, un premier
pression des plus discrets ? La richesse de
travail a été confié à une jeune sociologue,
Isabelle Thérond. Celle-ci a été chargée d’aller enquêter cette confrontation incitait à aller plus loin, à valoriser l’expérience de terrain et les diverses analyses sociologiques.
Cette collaboration engagée devait se poursuivre vers
une retranscription de ce savoir-faire qui puisse profiter à
tous ceux qui se sont lancés dans des expériences similaires. Ainsi, Claire Bonnelle, André Micoud, Fabrice Grégoire
(géographe à l’ENS de Lyon) et plusieurs opérateurs ont
planché sur un cahier technique qui propose une vision
pragmatique de ce que peut être la concertation locale.
Portrait : Claire Bonnelle
Médiatrice de profession, Claire Bonnelle collabore avec le
CREN Rhône-Alpes depuis deux ans, participant notamment à
l’écriture du cahier technique sur la concertation.
"Un médiateur, c’est une personne extérieure à un conflit qui aide
les groupes ou les individus en différend à trouver un terrain d’entente", explique Claire Bonnelle, qui parle en connaissance de
cause : depuis quatre ans, elle pratique la médiation. Médiation
familiale, dans une association drômoise, et médiation environnementale, au sein du CPIE Vercors. "Deux structures, mais
un seul métier, souligne-t-elle. Celui d’amener les gens à se parler
et à chercher ensemble des solutions, sans leur en imposer. Ce qui
me motive, c’est que les différents acteurs soient entendus et leurs
besoins pris en compte".
La première implication de Claire Bonnelle sur des espaces
naturels gérés remonte à 2007 : "Un conflit assez dur s’était
cristallisé autour du marais de Suze-la-Rousse, j’ai été sollicitée
pour comprendre comment on en était arrivé là. Dans l’ensemble,
les collectivités ont tendance à nous appeler trop tard, quand la situation est déjà dégradée", confie-t-elle. La médiatrice préfère en
effet travailler en amont, rencontrer d’abord individuellement
les différents acteurs, puis jouer un rôle d’animation dans des
réunions où des règles de dialogue sont établies.
"On parle beaucoup de concertation et de démocratie participative, parfois à tort et à travers. Si on arrive avec une idée préconçue
qu’on veut imposer, les réunions sont vouées à l’échec", souligne
"Une démarche de concertation pour la gestion du patrimoine naturel" un
Claire Bonnelle. En travaillant sur le cahier technique et en
cahier technique disponible sur demande auprès du CREN ou consultable sur :
animant des formations, elle espère mieux faire connaître son
www. cren-rhonealpes.fr/part2/ed_tech.htm
métier: "J’essaye de montrer que la décision collective est possible,
mais nécessite des moyens, des outils, du temps... et le recul d’un
médiateur."
NOUVEAU DÉFI
Corridors écologiques :
des essais pour les insectes
Des travaux expérimentaux de création de corridors pour les papillons et les libellules ont été
réalisés sur le Plateau de Montselgues. Mais de
nombreuses incertitudes subsistent sur l'efficacité
de ces connexions.
n’ont pas porté sur une coupe à blanc mais bien sur un
traitement paysager et une intervention manuelle. Les layons
ainsi créés présentent une forme sinueuse et une largeur
moyenne de 25 à 30 mètres afin d’éviter l’effet couloir et
permettre un entretien par le pâturage.
L’objectif était de rétablir des connexions entre les tourbières,
isolées par le boisement du plateau dans les années 70 et la
dynamique naturelle de fermeture des milieux.
De fait, les suivis menés en 2006 et 2007 avaient mis en
C'est dans le cadre du programme Life mené sur le plateau et
évidence les faibles échanges biologiques entre les tourbières,
en lien avec le plan de gestion du réseau de tourbières défini
particulièrement pour les insectes.
avec les acteurs du territoire (élus locaux, propriétaires, usagers,
Parc des Monts d’Ardèche, Conseil général,…) que les premiers
Les travaux, confiés à deux exploitants locaux, constituent bien
travaux ont été menés entre mars et avril sur la tourbière
une phase préliminaire et expérimentale avant de raisonner à
de Chabreille. Cette intervention a été rendue possible par
plus grande échelle. Il existe, à ce jour, peu de données sur les
l’acquisition préalable de parcelles par le Conseil général de
exigences des insectes quant à leurs déplacements et encore
D'une manière plus large le conseil scientifique rattaché au
l’Ardèche au titre de sa politique Espaces naturels sensibles
moins de retours d’expériences similaires. Aussi, pour évaluer
CREN, remis en effervescence en 2007, s'est saisi de ce thème
et par la signature de conventions foncières entre le CREN et
l’utilisation des corridors et les capacités de dispersion des
et devrait favoriser un regard croisé entre gestionnaires et
certains propriétaires.
insectes (papillons, libellules), des suivis scientifiques et des
chercheurs sur la problématique des corridors appliquée aux
Il s’agissait principalement d’abattage et d’élagage de
études complémentaires seront menés dans les années à venir.
petites bêtes !
pins sylvestres. Dans le soucis d’optimiser au maximum le
Parallèlement, un suivi photographique permettra d’évaluer la
rendement et l’efficacité, les choix de gestion
Les choix de gestion ont porté sur une intervention manuelle.
dynamique végétale sur ces corridors.
BRÈVES
L'Ouest lyonnais, territoire et biodiversité
Il s'agit d'un nouveau guide sorti ce printemps et conçu avec divers représentants des collectivités locales. A travers les spécificités du territoire,
cet ouvrage constitue une boite à outils pour la prise en compte de la
biodiversité dans les actions que mènent ou peuvent mettre en oeuvre
les communes. Bien accepté par les maires du secteur, ce guide ne
demande qu'à être une source d'inspiration régulière.
Suite de l'aventure des gypaètes de Haute-Savoie
Une jeune femelle est née cette année au centre d’élevage d’Asters et a été réintroduite dans le parc
national du Mercantour le 5 juin dernier en compagnie d'une jeune issue d’un zoo tchèque. Elle s’est
envolée le 29 juin à l’âge de 125 jours. Aujourd’hui, les deux gypaètes sont inséparables, elles dorment,
volent et s’alimentent ensemble, leur apprentissage à la vie sauvage est en très bonne voie.
Par ailleurs pour les couples "en nature" du département de la Haute-Savoie, les premiers envols sont très
attendus. Cette année dans tout l’arc alpin, 8 poussins devraient prendre leur envol : 4 en France, 2 en
Italie et 2 en Suisse.
Programmes
REGARDS CROISÉS
Le Life Apron du Rhône,
de nouveaux savoir-faire
Ce second programme européen dédié à l’Apron, un poisson endémique du bassin versant du
Rhône, aura été celui de la mise en œuvre d’actions inédites et innovantes. Un véritable savoir-faire
a été acquis en matière de reproduction et de réintroduction, mais également en matière de circulation piscicole. Outre le bénéfice pour l’Apron, le décloisonnement des cours d’eau est favorable à
l’ensemble des poissons.
Succès de la reproduction à Besançon
Bien qu’ayant produit relativement peu d’alevins, les essais de reproduction au Muséum de Besançon en 2005,
2006 et 2007, avaient été riches d’enseignements et permis l’optimisation des installations. Accompagnées du
renouvellement d’une partie du stock des géniteurs, les
reproductions des années 2008
et 2009 ont été une réussite. Ainsi,
près de 2000 aprons ont passé le
Le programme
stade d’alevin.
en quelques lignes
Après un premier programme
Life nature (1998-2001) coordonné par RNF pour définir
une stratégie de conservation
de l'espèce, l'Europe conforte
depuis 2004 l'importance de
cette opération en finançant
un second programme, le Life
Apron II.
Les objectifs du programme :
- stopper la diminution, voire
augmenter l'étendue des populations d'aprons ;
- améliorer durablement les
milieux de vie de l'espèce et
réduire les risques de mortalité ;
- favoriser l'appropriation des
mesures de protection par les
organismes gestionnaires des
cours d'eau ;
- faire connaître l'espèce au
grand public et aux élus impliqués dans la prise de décisions
liées à l'aménagement des
cours d'eau.
La rivière artificielle du seuil de Livron-Loriol sur la Drôme.
ZOOM SUR...
Une nouvelle passe
à poissons
Test de réintroduction
La réintroduction de l’Apron est une
mesure de conservation de l’espèce
envisagée depuis le constat de sa
forte régression, voire sa disparition
sur certains cours d’eau.
A partir des alevins obtenus, une
opération pilote, destinée à en
tester la faisabilité et basée sur au
moins deux lâchers, était prévue.
Un premier test de réintroduction
d’une quarantaine d’aprons a eu
lieu en 2006 sur la Drôme, en amont
de Saillans.
Deux autres lâchers ont ensuite eu
lieu en juillet 2008 et juin 2009 sur
le même secteur. Ainsi, ce sont environ 1500 aprons qui ont rejoint les
eaux de la Drôme.
Ces réintroductions ont été réalisées par l’ONEMA en partenariat
avec le Muséum de Besançon. Un
Un individu réintroduit le 29 juin dernier.
guide réalisé par l’ONEMA sur cette opération pilote paraîtra prochainement.
Une meilleure continuité écologique
Mais ces efforts de renforcement des populations doivent
logiquement s'accompagner d'une amélioration de leur
circulation. L'objectif est d’améliorer les échanges génétiques nécessaires au maintien des populations et d'augmenter leur potentiel d’accroissement. Ainsi, la réalisation
de cinq passes à poissons est une action phare du programme. Les maîtres d’ouvrage sont : la CNR pour l’équipement du seuil de Livron-Loriol sur la Drôme, le Syndicat
Mixte de la Loue pour le seuil de Quingey et le Syndicat
Ardèche Claire pour les seuils de Lanas, Gos et Vallon-Salavas. Les premiers travaux ont commencé sur la Drôme
en août 2008. En juillet 2009, trois passes sont terminées.
L’achèvement des dernières passes sur l’Ardèche est prévu d’ici la fin de l’été.
Dispositifs de franchissement de barrage permettant la libre-circulation des poissons, les passes
à poissons nécessitent le développement de
projets ingénieux.
Les études pilotées par RNF en 2001 puis par la CNR en 2005
ont permis d’aboutir à la très innovante passe à poissons de
Livron-sur-Drôme, qui intègre les connaissances acquises
sur les critères de dimensionnement des passes pour les
aprons.
Aujourd'hui fonctionnel, le dispositif de franchissement
se présente sous la forme d'une rivière artificielle de
contournement d’environ 200 mètres de long, implantée en
rive droite.
La réalisation de cet ouvrage est inscrite au plan Rhône
et aux objectifs du plan Migrateurs Rhône Méditerranée
2008-2012. En effet, sa conception permet d’assurer la libre
circulation de l’ensemble des espèces présentes. Ainsi, le
retour de l’Alose, autre espèce patrimoniale, pourrait être
envisagé lors des prochaines étapes du plan Migrateurs.
Parallèlement, de nombreux autres projets exemplaires
de décloisonnement existent en Rhône-Alpes comme par
exemple la passe à poisson en bois de l’Argentière, sur le
Lignon dans le département de la Loire.
LE POINT SUR…
La Gare des Ramières
Un espace muséographique entièrement dédié à l’Apron et aux poissons de
la rivière Drôme a été inauguré le
5 juillet 2008 à la gare des ramières.
La Communauté de communes du Val de Drôme,
gestionnaire de la réserve naturelle des ramières,
est l’un des principaux partenaires pour la
valorisation pédagogique du programme Life
Apron. L’espace muséographique est aménagé
de façon à immerger le public au cœur de la
rivière et à favoriser une approche sensorielle.
De nombreuses animations scolaires ont été
organisées, ainsi que deux journées de fête de
l’eau et de l’Apron, en 2008 à Grâne et en 2009 à
la gare des ramières.
La passe à bassins du seuil de Gos sur la rivière Ardèche.
BRÈVES
L'inventaire des sites géologiques remarquables
L'antenne Ardèche-Drôme a déménagé
de Rhône-Alpes s'est engagé au printemps 2009, associant la DREAL,
le CREN et une commission d'une trentaine de géologues (universitaires, carriers, responsables de Muséum...). Cet inventaire s'appuie sur
un premier travail élaboré par le BRGM en 1995, réactualisé en 2003.
Il devrait aboutir en automne à l'identification de l'ensemble des sites
qui seront proposés à la Commission régionale du patrimoine géologique puis validé par le Conseil scientifique régional.
Les salariés du CREN de l'antenne Drôme-Ardèche ont quitté les
locaux du Domaine Olivier de Serres au Pradel. Ils travailleront desormais à Rouveyret, dans la commune de Vogüé (tél. 04 75 36 30 59).
• Directeur de la publication : Jean-Yves Chetaille
• Responsable de la rédaction : Pascal Faverot
• Comité de rédaction : Laure Marandet, Romain Lamberet,
Fabrice Frappa, Marjorine Frappé et Pascal Faverot
avec la participation de l’équipe du CREN
• Création graphique : Agence Crescend’O
• Photographies : F. Didier, L. Marandet, ISACTYS, GCEIP, CREN.
• Dessin : J. Grosson.
• N° ISSN 1956-7936
• Imprimé sur papier 100 % recyclé avec des encres d’origines végétales
• Édition semestrielle du CREN Rhône-Alpes
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