Nkoghe Stéphanie - Pug

Transcription

Nkoghe Stéphanie - Pug
TRANSMISSION DES RITES ET POUVOIR DE GUERISON
EN AFRIQUE
Stéphanie NKOGHE
Universite Omar Bongo
Libreville (GABON)
Résumé
Il y a autant de sociétés africaines qu’il y a de rituels de transmission des pouvoirs. Les procédés
ou rituels d’enseignement de la médecine traditionnelle, différents des méthodes de la médecine
moderne , restent en effet variables d’une société à une autre.
On peut distinguer chez les Fang, trois modes de transmission des rites et pouvoirs de guérison à
savoir :
1. la transmission naturelle ou divine faisant intervenir la notion de don ;
2. la transmission parentale qui consiste pour un parent guérisseur ‘’∂g∂gã’ , d’élire son héritier
dans la famille, en lui léguant son pouvoir ;
3. la transmission initiatique où les esprits, avant, pendant ou après l’initiation, font des
révélations aux initiés.
Ces différents modes de transmission des pouvoirs sont variables selon les rites de guérison et
selon les circonstances. Ils se font selon deux types de savoirs : le savoir perceptible ordinaire, concret, et
le savoir ésotérique, métaphysique, invisible, magique ou mystique, difficilement distinguable. Ce sont
des pratiques qui contribuent au maintien des structures et du contenu rituel, en un mot, au maintien de
l’ordre social établi.
Mots clés
Afrique, Fang, transmission, pouvoir, rites, guérison, prédisposition, secret rituel, don, rêves ,
visions, esprits, échanges spirituelles.
Abstract
There are as many African companies than there is the ritual one of transfer of power of cure. The processes or
rituals of teaching of traditional medicine are completely different from the methods of modern medicine. One can
distinguish at Fang, three modes of transfer of power of cure to know : natural or Divine transmission utilizing concept
of gift the parental transmission which consists for a relative healer ' ' ∂g∂gã' ', to elect its heir in the family, by
bequeathing her capacity to him initiatory .
These various modes of transfer of power are variable according to rites of cure and circumstances. They are
made according to two types of knowledge : the ordinary, concrete perceptible knowledge and the knowledge esoteric,
metaphysical, invisible, magic or mystical, not easily distinguishable. These practices contribute to the maintenance of
the structures and the ritual contents, in a word, with the established social maintenance of law and order.
Key words
Africa, Fang, Transmission, Capacity, Rites, Cure, Predisposition, ritual Secrecy, Gift, Dreams, Visions,
Spirits, Exchanges spiritual.
Introduction
La transmission des rites et pouvoir de guérison, est une thématique liée à l’anthropologie de
l’éducation et à l’anthropologie médicale . Il est en effet question des techniques de communication,
d’apprentissage et d’acquisition des rituels de la médecine traditionnelle, tout à fait différentes des
méthodes de la médecine moderne.
Jusqu’à ce jour, la transmission des connaissances dans ce domaine reste un mystère, d’autant
plus que les faits relatés à ce propos demeurent incontrôlables. A ce sujet tout est en effet énigmatique.
Car, comment comprendre que certains soient prédisposés et d’autres non ; qu’un rêve ou un voyage
mystiques deviennent réalités ; ou même que des êtres humains soient transportés dans l’au-delà et
reviennent avec des obligations ou fonctions qui font d’eux des spécialistes de la médecine. Il se pose là
d’importantes questions d’ordre métaphysique qui interpellent la réflexion des hommes de science que
nous sommes. Il n’y a cependant que l’explication culturelle qui puisse en quelque sorte nous nous
édifier dans ce cas. L’expérience culturelle fang en la matière, peut ainsi nous servir d’exemple, pour
montrer d’une manière générale, l’orientation pédago-rituelle donnée à ces pratiques en Afrique. Mais il
est tout à fait indiqué et adroit que les termes de rite et pouvoir soient préalablement clarifiés.
I- Rites et pouvoir de guerison
Si l’on considère la définition de P. Smith, on retiendra que « les rites sont des créations culturelles
particulièrement élaborées exigeant l’articulation d’actes, de paroles et de représentations de très nombreuses personnes,
au long des générations »1 J’ajouterai que les rites de guérison constituent des moments ou étapes
incontournables dans un processus de transmission du pouvoir, qui par contre confère toute sa valeur
aux rites.
Rites et pouvoir de guérison entretiennent donc des rapports étroits. L’un est difficilement
concevable sans l’autre. La transmission du pouvoir précède celle des rites, en ce sens qu’on ne peut
réellement parler de rites de guérison, sans faire allusion au pouvoir de guérison qui lui confère toute sa
puissance. Les rites de guérison n’ont de fondement en effet que par rapport à un certain pouvoir sans
lequel, ils seraient sans valeur et surtout sans effet.
II- Pouvoir de guérison et modes de transmission
Contrairement à la formation médicale scientifique dont bénéficie les médecins, la médecine
traditionnelle use d’autres voies et moyens pour former son personnel. La possession de grandes
capacités intellectuelles n’est d’ailleurs pas le critère le plus important, permettant de devenir
tradipraticien ou guérisseur.
Comment le devient-on ? Comment dans la médecine traditionnelle Fang acquiert-on les rites
de guérison ?
Dans la société traditionnelle, en dehors des soins domestiques pratiqués dans le cadre familial,
la pratique de la médecine n’est pas ouverte à tous. Toute personne non prédisposée mystiquement, ne
peut donc prétendre accéder en effet, à ce statut de ‘’∂g∂gã’’. La prédisposition est une condition sine
qua non, permettant d’être choisi comme bénéficiaire d’un pouvoir de guérison.
Etre prédisposé chez les fang, c’est être spirituellement fort, avoir un esprit illuminé, avoir un
vampire ‘’evu’’ capable de conserver, de protéger et d’entretenir un pouvoir de guérison. C’est l’atout
essentiel qui garantie l’attribution du pouvoir et la transmission des rites de guérison.
1
P. SMITH : Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie de P. Bonté & M. Izard, Paris, PUF, 1991, p. 630.
D’après certains récits de tradithérapeutes et d’après la littérature ethnologique médicale, nous
avons pu distinguer 3 modes de transmission des pouvoirs de guérison à savoir :
-la transmission naturelle ou Divine faisant intervenir la notion de don
-la transmission parentale qui consiste pour un parent ‘’∂g∂gã’’, d’élire son héritier dans la
famille, en lui léguant son pouvoir
-la transmission initiatique où les esprits, avant, pendant ou après l’initiation font des révélations
aux initiés.
Ces différentes formes de transmission se font cependant selon deux types de savoir en
présence : le savoir perceptible ordinaire, concret et le savoir ésotérique, métaphysique, invisible,
magique ou mystique, difficilement observable .Seuls les guérisseurs peuvent faire la différence entre les
rituels acquis manifestement et ceux acquis discrètement.
Tandis que les réalités concrètes, visibles, non secrètes sont transmises ouvertement ; les réalités
ésotériques, abstraites et secrètes par contre, le sont de façon voilée à travers les rêves et les visions, au
cours desquels les esprits viennent informer ou révéler des connaissances.
Comment comprendre donc l’importance ou le rôle joué par le rituel du rêve et de la danse
dans ce processus de transmission ? Pourquoi le rêve et la danse interviennent-ils souvent dans la
révélation et la transmission des rites et pouvoir de guérison ?
III- Le rôle du rêve
Nous savons avec Freud que le rêve présente à la fois, un contenu manifeste connu et un
contenu latent inconnu, caché et purement secret.
Il paraît donc logique que le rêve soit la voie de transmission privilégiée des secrets rituels. Il est
l’un des lieux de transmission des secrets, tout comme la forêt, la nuit, le cimetière, la sorcellerie, etc.
La transmission des secrets à travers les rêves et les visions est fréquente grâce à leur caractère
inaccessible. Les rêves et les visions, contrairement aux autres lieux de transmission, ont l’avantage
d’être complètement fermés. Il faut une « clef » pour les ouvrir. Cette clef c’est le rêveur lui même. Nul
en dehors du rêveur ou du visionneur ne peut en effet rendre compte de son rêve ou de sa vision .Sans
leur révélation, la vision reste purement et simplement secrète.
C’est ce secret à la base de toute pratique rituelle, qui semble susciter l’usage de cette voie
détournée qu’est le rêve. Nous pensons donc que la transmission des rites à travers rêves et visions
pourrait être pour les esprits, une certaine façon de protéger le secret rituel. La médiation par le rêve ou
la vision n’est donc pas fortuite, elle contribue au maintien des structures et du contenu rituel, en un
mot, au maintien de l’ordre social établi.
IV- Rôle de la danse et du chant rituels
De même que le rêve et les visions, la danse et le chant jouent également un rôle important
dans la transmission des rites de guérison. Ils ne sont pas présents dans tous les rites mais assez fréquents.
Cette fréquence pourrait s’expliquer par le fait que la médecine traditionnelle intègre et combine le plus
souvent danses et chansons pendant le diagnostic ou le traitement.
L’apprenti guérisseur est censé apprendre à danser, à chanter et à exhiber les pas de danse qui lui
sont imposés par les esprits. Il apprendra que chaque musique, chaque chant, chaque pas de danse a un
sens, et qu’il existe des chants pour l’intronisation ou la mise en place des personnels soignants à
l’intérieur du temple nda mbiã ou elik, des chants et des prières pour l’invocation des esprits, etc.
La danse constitue une pratique nécessaire quant au déroulement du rite. Elle est à la fois
synonyme de participation physique et synonyme de source d’énergies spirituelles utiles pour l’action du
‘’∂g∂gã’’, pour la guérison du malade et la contribution des participants. La musique, le chant et la danse
servent de catalyseur et de moyens de communication entre les initiés et les esprits. Ils suscitent des
réactions, des effets aussi bien chez le ‘’∂g∂gã’’, les initiés que chez les esprits. Toute danse ou chant
dans ce contexte n’est donc que dualité, ils sont corps, mais aussi esprit et créent une harmonie entre les
deux. C’est le rythmique de la vie qui permet aux esprits d’entrer dans le corps, pour le doter d’un
pouvoir de guérison, le guérir ou en faire autre chose.
V- Trois experiences types de transmission chez les Fang
Première expérience de Mr et Mme Engoang Osubita Luc2
1- Engoang : Il y a plusieurs façons de devenir nguegang,
ça peut être un don, un héritage ou une initiation.
2-Dans notre cas, ma femme Alphonsine est devenue
nguegang à cause des décès fréquents de nos enfants
et elle- même était tout le temps malade.
3-Elle s’était rendue à Ntoum chez le nguegang
Appelé Abondoum, originaire de Makokou
4-Après la consultation Abondoum lui révèle
que tous ses problèmes sont causés par les esprits
qui veulent qu’elle soigne les gens.
5-Alphonsine a demandé comment ça pourrait
être possible, elle n’a jamais fait ce genre de chose.
6-Abondoum lui a dit qu’il fallait qu’elle prenne
l’iboga. Elle s’est donc fait initiée. Pendant l’initiation
les esprits ont confirmé ce que Abondoum avait dit.
7- Alphonsine : Les esprits m’ont tout montré. Comment je devais
soigner les malades. Ils m’ont donné ma cithare.
8-Je ne peux pas tout dire, après Abondoum
m’a testé pour voir si ce que je disait était fondé.
Il m’a envoyé en brousse, toute seule la nuit,
Pour que j’aille chercher ma cithare.
9- J’ai eu très peur, mais je suis quand même
partie. J’ai seulement vu une grande lumière.
C’est là qu’on ma remis la cithare. Une voie
M’a parlé et tout d’un coup je me suis retrouvée
2
Engoang Fang d’Oyem & Aphonsine Fang de Makokou, sont tous les deux nima et nguegang, représentants de l’Association
des tradipraticiens, zone Owendo, récit recueilli le 13/01/2001. Ils ont reçu leur pouvoir de guérison chez Abondoum,
guérisseur fang de Makokou résident à Ntoum.
Endormie dans la cours du temple.
10- C’est depuis ce jour que je soigne. J’ai
souvent des visions, c’est là que les esprits
me montrent encore ce que je ne sait pas.
On apprend beaucoup avec les esprits.
11- C’est moi qui a amené mon mari
chez Abondoum parce qu’il avait vu
pendant l’initiation que mon mari était
aussi malade et qu’il allait bientôt
mourir, s’il ne se soignait pas.
12- Engoang : Moi j’avais refusé l’iboga, c’est comme ça
qu’on m’a consulté dans un bain mbwè, avec plein de
médicaments. J’ai dormi dedans toute la nuit jusqu’au matin.
13- J’ai après senti que mes yeux et mes oreilles
étaient grandement ouverts. Et j’ai commencé par
avoir des visions. C’est là qu’une voie me parle et
dit : tu dois faire le même travail que ta femme.
Il faut que tu viennes prendre ton ngoma.
14- J’ai été formé par Abondoum pendant 3 ans.
Là-bas au pays du Bwiti , j’ai rencontré
les grands miguegang, ils m’ont parlé,
Je suis allé chercher ngoma avec ma femme,
ils m’ont fait prêté serment et je suis devenu nima .
On soigne surtout les maladies de l’esprit.
Deuxième expérience, celle de Ella Mengue et Ella Bissima3
1- Ella Mengue avait demandé à devenir guérisseur
chez Bissima le sorcier de ce rite.
2- Nous sommes partis vers 1h de la nuit
au bord de la rivière et il m’a dit :
« tout ce que tu peux voir, tout ce qu’elle va te demander,
répond sans avoir peur, sinon tu risques de souffrir »
3- Le sorcier Bissima est retourné, je suis resté seul
pendant longtemps, subitement, j’ai entendu un bruit,
quelque chose marchait sur l’eau comme une étoile,
3
Récit recueilli par Pierre Ndong Obame, chez les Ntumu, Bitam 1989,le rite Bissima est un rite de détection et
d’enlèvement d’un esprit mortel appelé kong chez les Fang. Antoinette Bissima, une Ndzeme du Cameroun est à l’origine de
ce rite introduit au Gabon dans les années 80.
et se dirigeait vers moi, j’ai eu très peur. Subitement,
quelqu’un s’est trouvé en face de moi et m’a grondé.
4- C était Antoinette Bissima, la personne qui est
à l’origine du rite Bissima*. Elle m’a demandé
« qui es-tu ? j’ai répondu, c’est moi Ella Mengue »
Elle a répliqué « qu’est ce que tu es venu faire ici ? »
J’ai répondu « je suis venu prendre le Bissima »
Elle a encore répliqué « est-ce que tu peux prendre »
Bissima, as-tu déjà vu Bissima un jour ?
J’ai répondu oui . Elle a répliqué « qui t’as
Amené », j’ai répondu « celui qui m’a amené s’appelle
Sorcier » . Elle a dit « oui, c’est mon fils »
5- Antoinette m’a encore demandé
« Ella Mengue, tu dis que tu veux t’initier
au Bissima, si je te dis de sacrifier ton père
en me le donnant, est-ce que tu peux le faire ? »
J’ai répondu « mais si tu prends mon père,
Je risque de rester orphelin »
6- « et ta mère ? J’ai répondu, mais ce sont eux
qui m’ont mis au monde » Elle m’a dit
« comment peux-tu alors t’initier au Bissima,
va réfléchir ».
7- Je suis retourné voir le sorcier.
Une semaine après, le sorcier m’a reconduit
au bord de la rivière.
8- Antoinette est revenue, mais elle m’a d’abord
bien frappé, j’allais mourir, puis elle m’a dit,
vite, donne moi, pourquoi es-tu d’abord venu me voir ?
et je lui ai donné ce qu’elle a demandé, et j’ai pris Bissima
9- Quelques jours après, j’ai vu mon père en rêve,
il m’a parlé et le matin de bonne heure, je suis parti
au cimetière, j’ai trouvé un bâton, je l’ai pris.
1- Ella Bissima se voit pointé du doigt
par un sorcier, Mvone Bissima et un
autre villageois, Saint Clair
2- Quels sont les parents de cet enfant ?
Mon père et ma mère se sont présentés.
Mvone leur a dit « cet enfant porte l’esprit
d’un nganga, êtes-vous d’accord que je l’initie
au Bissima ». Ma mère a accepté.
3- Le sorcier m’a conduit au pays Boulou,
au village Akome 1 où j’ai suivi le traitement
d’autres malades.
4- Il m’a d’abord amené dans sa maisonnette
à une porte. La nuit, il m’a conduit vers la tombe
de son père, après nous sommes partis au bord
de la rivière.
5- Là-bas, il y a un temple où on trouve
tous les médicaments et 12 sirènes. Il m’a
présenté toutes les sirènes et m’a dit « si tu veux
t’initier au Bissima, tu dois avoir une sirène »
6- Puis il a fait des cicatrices sur mon corps,
il a pris les médicaments et y a frotté,
puis m’a mis quelques gouttes aux yeux.
7- Nous sommes repartis au temple,
Saint Clair ? Mvone et moi.
Mvone m’a donné une bible,
puis il m’a reconduit à la tombe
de son père, et m’a demandé de prier.
8- Après avoir fait la prière, il m’a dit :
« tu dois faire un sacrifice, tu dois sacrifier
un parent proche » J’ai sacrifié ma petite sœur
et j’ai pris Bissima qui enlève et soigne la maladie appelée kong
Troisième expérience celle de NNO-A Francine Yveline 4
1- C’est en 1983 que j’ai rêvé que quelqu’un mourait,
J’ai vu un personnage qui me disait « si tu ne vas pas t’initier,
4
A Francine Yveline Nno est à la fois tradipraticienne bwitiste du Gabon, Conférencière Internationale en matière d’Iboga et
Secrétaire de Direction au CICIBA (Centre international des Civilisations Bantu), récit recueilli le 19-janv-2001 lors du
séminaire « Danse, Guérison et le Sacré en Afrique »
Tu seras folle »
2- A l’époque je vivais avec un blanc initié au Dissumba,
et en route, on me disait que je vais soigner les gens. C’est comme
s’il y avait une prédisposition spirituelle en moi .
3-l’esprit que j’ai vu s’appelle « nka tane »,
sorte de cercle de liane fermé, avec lequel on fabrique une nasse
(ce cercle représente la conformité entre la nature et l’esprit)
4- J’ai raconté cette histoire à mon oncle Minko mi Zoghe,
qui m’a conseillé de m’initier. Quand je me suis initié,
j’ai vu le bâton, j’ai vu la harpe sacrée, j’ai vu ma tenue de ganga.
5- On m’a demandé de raconter ce que j’ai vu,
Puis je suis entrée à l’école initiatique.
6- C’est en ce moment qu’intervient la danse,
pour aller chercher le bâton et la harpe.
Je allée en brousse et on m’a jeté le bâton
et la harpe à travers le feu. Il y a un rite spécial
de transmission.
7- A l’école initiatique, on nous enseigne
la loi de l’amour, on voit même Jésus Christ en personne.
Si vous ne le voyez pas, vous ne pouvez pas être
un bon nganga . C’est cela de façon succinte,
le processus de transmission, le reste est secret.
A travers ces récits, on peut se rendre compte de la variété des modes de transmission des rites
et pouvoirs de guérison . On a dans le premier récit Engonga, le mode de transmission initiatique au
travers d’un traitement de malades dans un temple de bwiti fang . Le deuxième mode de transmission
que l’on retrouve dans le récit Bissima, est l’œuvre d’un sorcier qui procède à l’intégration d’un
néophyte par la pratique des rites mystiques. Le troisième mode enfin, celui du rêve de Francine, retrace
le récit onirique, les visions d’une grande bwitiste du Gabon qui a reçu ce don après avoir vu l’esprit
qu’elle appelle nka tane qui était d’ailleurs devenu son pseudonyme.
VI- Exercice et usage du pouvoir de guérison
En dehors des cas de refus exceptionnel, tout fang doté d’un pouvoir de guérison est autorisé à
le faire par la société, sous l’impulsion des forces invisibles qui en principe constituent la garantie de son
pouvoir. L’exercice de ce pouvoir se fait donc par conséquent en étroite collaboration avec ces forces,
dans une relation dynamique de concertation mystique mutuelle s’établissant entre ∂g∂gã et les esprits.
Tout guérisseur se doit ainsi de s’organiser soi-même, sur le plan humain, matériel, financier et
spirituel, afin de remplir sa fonction. Sa renommée dépendra toutefois de la positivité des résultats de
son action.
Des lieux d’exercice et d’usage du pouvoir, il faut dire qu’ils sont variés et obéissent aux
recommandations initiatiques et rituelles. On rencontre entre autre comme lieux d’exercice du pouvoir
et des rites de guérison :
-‘’aba biãn’’ou temple
-‘’far∂ga’’ou derrière la maison
-‘’afan ∂’’ ou la forêt
-‘’oshy’’ ou la rivière, etc
∂g∂gã est donc tenu de respecter ces lieux selon la convenance des esprits et le temps indiqué
pour cela. La préparation des produits de soin et les rituels peuvent se faire de jour comme de nuit, tout
dépend des modalités de traitement en présence.
Conclusion
Il se dégagent ici quelques concepts majeurs, permettant de comprendre le mode de
transmission des rites et pouvoir de guérison. Parmi ces concepts, il y a entre autres : la prédisposition,
le secret rituel, les rêves et les visions, les esprits, danses et chants.
La prédisposition par exemple, reste un atout essentiel dans l’élection, le choix d’un apprenti
guérisseur. Grâce à celle-ci, chacun peut se voir attribuer un pouvoir de guérison par une divinité, un
parent, un esprit, un sorcier, etc. à travers rêves et visions. La transmission des rites de guérison n’a
cependant pas de valeur sans pouvoir, qui confère aux rites toute leur importance et leur efficacité.
Les rites de guérison sont de deux types : les rites non secrets transmis ouvertement de façon
ordinaire, et les rites secrets transmis spirituellement, de façon continu, par l’entremise des rêves et
visions, qui sont des voies détournées usitées par les esprits, afin de protéger les secrets rituels et de
maintenir l’ordre social.
Les rêves ou les visions représentent des lieux de communication secrètes, spirituelles et
mystiques; tandis que la musique, le chant et la danse sont synonymes d’apport physique et spirituel,
sources d’énergie ayant une influence thérapeutique. Toutefois, la transmission des rites de guérison est
variable d’une personne à l’autre, selon l’initiateur, l’intéressé et les circonstances en présence. Mais elle
fait intervenir dans tous les cas, la notion d’échange, car, « accepter quelque chose de quelqu’un, c’est accepter
quelque chose de son essence spirituelle, de son âme. » 5
Sources orales
1. Engoang un fang d’Oyem & Aphonsine fang de Makokou, sont tous les deux nima et
nguegang, représentants de l’association des tradipraticiens, zone Owendo, récit recueilli le
13/01/2001. Ils ont reçu leur pouvoir de guérison chez Abondoum, guérisseur fang de Makokou
résident à Ntoum .
2. Nno-A Francine Yveline est à la fois tradipraticienne bwitiste du Gabon, Conférencière
Internationale en matière d’Iboga et Secrétaire de Direction au CICIBA (Centre international des
Civilisations Bantu), récit recueilli le 19-janv-2001 lors du séminaire « Danse, Guérison et le Sacré en
Afrique »
3. Bissima Antoinette, Ndzeme du Cameroun est à l’origine de ce rite introduit au Gabon dans
les années 80.
5
Marcel MAUSS, Sociologie et Anthropologie, Paris, PUF, 1966, p. 161.
Sources écrites
1. CAILLOIS Roger & alii., Le rêve et les sociétés humaines, Paris,Gallimard.
2. DE CORGNOL Christian, Les guérisseurs philippins, une médecine différente, initiation et
connaissance, Belfond, 1977.
3. MAUSS Marcel, Sociologie et Anthropologie, Paris, l’Harmattan, 1966.
4. NDONG OBAME Pierre, Etude clinique d’une pratique psychothérapeutique en milieu fang,
Université Omar Bongo, Département de Psychologie, 1989, voir annexes.
5. SMITH P, Dictionnaire de l’Ethnologie et de l’Anthropologie de P.Bonte & M.Izard, Paris, PUF,
1991.

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