Une rencontre avec les DOGON (partie 2, XXX) La Paix, TO 1 degré

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Une rencontre avec les DOGON (partie 2, XXX) La Paix, TO 1 degré
Une rencontre avec les DOGON (partie 2, XXX)
La Paix, TO 1er degré REAA, le 12 avril 2006
VM et vous tous mes F,
Notre TCF XXX vous a présenté quelques fondamentaux de la culture Dogon. Je
voudrais pour ma part vous apporter un témoignage personnel de ma propre rencontre
avec les Dogon sur mon chemin initiatique. Et vous donner quelques pistes de
réflexion.
J'ai rencontré les Dogon voici six ans lors de recherches personnelles mettant en
corrélation la construction d'édifices sacrés et la vision de l'homme dans l'univers. Je
redécouvrais alors qu'aucune construction de temple quelle qu'elle soit n'était
innocente, en aucun lieu que ce soit sur notre bonne vieille Terre. Mais davantage
encore : l'orientation des temples, leur dimensionnement, la spécification de leur
architecture étaient en rapport étroit avec ce que l'homme sur terre voit du ciel et de la
voûte étoilée. Lien entre le ciel et la Terre. Rapport entre le temple et la cosmogonie.
Sacralisation raisonnée du mystère de la conscientisation par l'homme de sa présence
dans l'univers.
A cet égard, vous pourrez explorer le groupe des cathédrales dédiées à Marie élevées
au moyen âge en France (Baveux, Rouen, Amiens, Laon, Reims, Paris, Evreux,
Chartres...) et sa corrélation avec la constellation de la Vierge. Même chose pour les
abbayes bénédictines du pays de Caux et leur corrélation avec la Grande Ourse. Il en
est de même des fameuses pyramides de Gizeh en Egypte dont l'implantation au sol est
en adéquation avec la constellation du Grand Chien, laquelle contient l'étoile la plus
brillante du ciel (pour nous) : Sirius.
Mais quel rapport avec les Dogon, peuple africain, agraire et animiste ? Sirius,
justement ! Les Dogon fêtent, en effet, tous les 60 ans (fête du Sigui), l'apparition de la
deuxième étoile de Sirius, dont le mouvement de rotation elliptique a la particularité
d'être sinusoïdal, si bien représenté au sol par le mouvement du serpent (ou du lézard,
ou du crocodile). Comment les Dogon ont-ils appris l'existence de cette deuxième
étoile de Sirius et pourquoi ? Malgré les nombreuses controverses, le mystère n'est pas
élucidé.
Il n'en reste pas moins que ce peuple qualifié de « primitif » par les Occidentaux
chrétiens, détient depuis au moins 22 siècles, un savoir véhiculé dans ses mythes et
légendes, que la science dite « moderne » n'a commencé à confirmer qu'à la fin du
XIXème siècle et validé à la fin du XXème. Tout cela n'incite-t-il pas à la modestie ?
Des Dogon africains animistes et des Occidentaux chrétiens : lesquels sont les plus
évolués ou les plus primitifs ? Voilà bien une réflexion sur le savoir, sur la
connaissance, sur la tradition, sur la transmission...
D'où mon intérêt pour le peuple Dogon dont la rencontre m'a incité à poursuivre plus
attentivement l'examen, à partir notamment des travaux des ethnologues Marcel
Griaule et Germaine Dieterlen dans les années 1950. Question que je me suis posée :
les Dogon seraient-ils détenteurs d'une connaissance, i.e. d'un savoir traditionnel de
haute porté métaphysique à caractère initiatique ? Je vous propose de prendre cinq
exemples pour nous mettre sur la voie d’un possible réponse.
1er exemple : le culte des ancêtres.
Les Dogon vivent avec les ancêtres comme ils vivent avec les esprits, i.e. par delà
l'espace et le temps, au-delà et en deçà de la matière tout en étant dedans, ici et
maintenant. Dire cela, c'est être Un, en totalité, dans la Vie. Respecter les ancêtres et
leur vouer un culte, comme ils le font des esprits, c'est donc leur vouer un culte
conscient à la Vie. Ce faisant, prendre en compte les animaux (le serpent, le crocodile,
le renard etc.) et le végétal (les arbres, le bois que l'on sculpte, les plantes que l'on
cultive etc.), c'est prendre en compte la création toute entière et lui vouer au quotidien
et dans la pratique, un culte fervent.
2ième exemple : les masques Dogon.
Faits de bois sculpté, ils représentent essentiellement l'homme dans la création : le ciel,
la terre, l'axis mundi les réunissant... Utilisés lors des danses rituelles, circulaires et
chantées, voici autant d'odes à la création dans son incessant mouvement d'éternel
retour.
3ème exemple : le toguna.
Cette maison ouverte, aux fondements en pierre, aux piliers et poutres de bois, au toit
en paille, spécialement construite au centre du village et en surélévation, est
spécifiquement destinée aux palabres. Questions pratiques quotidiennes à résoudre
entre les habitants, conflits d'intérêt, avis divergents... Tout se discute ! Mais dans les
règles du respect de la parole d'autrui et de la mesure dans le propos. Impossible, en
effet, de pénétrer dans ce lieu de conciliation des contraires sans se courber : hauteur
sous plafond 1,20 mètre maximum. Impossible non plus de se fâcher et de crier en
s'emportant : si l'on vient à se lever brutalement, le choc violent des poutres sur la tête
rappelle, là encore, à la modestie ! Intelligence sociale ; intelligence du cœur ;
intelligence pratique ! Les Dogon se parlent. Ils s'écoutent. Ils savent se réconcilier. Ils
se retrouvent toujours sur l'essentiel. Oui à la parole : mais pas n'importe comment et,
de façon sous-jacente, en référence à la parole d'Amma, leur dieu créateur. Vous
voudrez bien observer, ici, la très grande cohérence entre la pratique et le concept,
ainsi que la continuité entre pensée, parole et action.
4ième exemple : le mythe solaire, le soleil Dogon.
« C'était il y a très longtemps... A l'époque où le ciel était proche de la Terre, si
proche que le soir, les mères décrochaient les étoiles pour que les enfants jouent
avec avant de s'endormir...
« A cette époque, dix soleils brillaient au firmament. Un jour, un chasseur aussi
impudent qu'adroit, tira des flèches sur ces soleils. Il en tua neuf. Le dixième put
échapper au massacre et s'enfuit pour se cacher. Alors la nuit s'installa. Et le froid.
Sans soleil, les cultures dépérirent. « Les Hogons se réunirent et adressèrent force
prières et accomplirent de nombreux sacrifices pour supplier le soleil de
réapparaître. Magnanime, celui-ci prit pitié des hommes et accepta de revenir
briller à nouveau. « Pour le remercier et commémorer cet événement et rappeler
l'alliance passée avec l'astre du jour, un forgeron créa un bijou, le « soleil Dogon
», porté par les Dogon en souvenir ».
Ce texte traditionnel contient de nombreux messages cachés. Comme tous les contes et
légendes, il est vecteur d'un mythe aux significations et implications profondes.
Quelques indices comme autant d'éléments à approfondir ou de pistes à explorer :
• Le soleil au firmament.
• La lumière et les ténèbres ; et le passage entre les deux, mouvement ascendant et
descendant.
• Le nombre 10 : celui de Pythagore ? Ou bien celui de l'informatique : un - zéro ?
Celui de l'unité, celui du néant, de la discontinuité et de la rupture, puis celui de
l'unité retrouvée ?
5ième exemple : le Hogon.
C'est le Sage, le grand Ancien, le chef véritable, celui qui sait et qui connaît. C'est
l'éveillé suprême qui voit, qui entend, qui comprend, qui est apte à voir clair, à juger, à
décider, à engager. Personnage clé de la vie sociale et de son organisation, il est aussi
au cœur de l'humanité et de la métaphysique dogon. Il est le porteur de la tradition.
Eminemment respecté parce qu'éminemment respectable de par son exemplarité. Sa
parole est rare car puissamment chargée de connaissance, expression de la Source, du
Verbe, manifestation, dans le monde, de la Vérité Universelle, supra humaine, tendue
vers une perfection toujours à conquérir mais jamais atteinte. Le Hogon : un homme
parmi les hommes ; un terrien de très haute spiritualité ; une conscience éveillée ; un
verbe éclairé dans un corps de petit d'homme que l'on respecte infiniment, marques à
l'appui.
***
Bien d'autres éléments seraient à évoquer quant aux Dogon pour rendre compte de leur
richesse et de leur degré d'évolution. Ils restent, pour moi, évocateurs de l'exemplarité
d'une métaphysique vivante et d'une spiritualité vécue, parce que tournée sans cesse
vers la voûte étoilée, tout en étant, au quotidien, solidement ancrée dans la terre. Cette
Terre Mère si foisonnante, si mouvante, si permanente. Cette Terre si belle. Notre
Terre. Notre Terre qui es aux deux...
Pour finir, nous vous livrerons, XXX et moi-même, ce poème d'un Sage Dogon :
Les morts ne sont pas morts
Ecoute plus souvent
Les choses que les êtres
La voix du feu s'entend,
Entends la Voix de l'Eau.
Ecoute dans le Vent Le buisson des sanglots :
C'est le souffle des Ancêtres.
Ceux qui sont Morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans l'Ombre qui s'éclaire
Et dans l'Ombre qui s'épaissit
Les morts ne sont pas sous la terre :
Ils sont dans l'Arbre qui frémit,
Ils sont dans le Bois qui gémit,
Ils sont dans l'eau qui coule,
Ils sont dans l'Eau qui dort,
Ils sont dans la case, ils sont dans la Foule
Les Morts ne sont pas Morts.
Birago DIOP, « Souffles » 1947.

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