100 FEMMES JUGENT SEGOLENE ROYAL ELLES L`AIMENT UN
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100 FEMMES JUGENT SEGOLENE ROYAL ELLES L`AIMENT UN
100 FEMMES JUGENT SEGOLENE ROYAL ELLES L’AIMENT UN PEU 1/ Elsa Zylberstein, comédienne Ségolène Royal ? Elle me fait un peu penser à Jackie Kennedy pour son élégance et à Jeanne d’Arc pour son air de ne pas y toucher. Elle dégage une certaine douceur, et ressemble un peu à l’héroïne d’un tableau italien, avec un côté rassurant et vaguement mystérieux. L'air qu'avait Mitterrand. Mais pour en arriver là où elle est arrivée, j'imagine qu'elle est loin d'être une vierge effarouchée. Il faut en vouloir, avoir les dents longues. Je me rappelle, j'avais été invitée à un dîner auquel j'étais arrivée très tard car je revenais du théâtre. Elle était là, toute seule, très belle et très simple : l’atmosphère était bon enfant et elle était bon public. On s’était d’ailleurs piqué un fou rire dans le hall d’entrée. Elle est un bon miroir à fantasmes pour tout le monde: les femmes l'admirent sans la jalouser, les hommes ne sont pas insensibles à son charme. Elle ne fait pas peur car elle n'est pas dans l'agressivité. En tant que comédienne, je m’intéresse beaucoup aux failles des gens. Chez elle, je ne sens pas de fragilité: elle est un roc intouchable sous un gant de velours. S’appeler Royal est d’ailleurs un vrai paradoxe… Je n’aime pas trop sa manière de s’exprimer, ses intonations, elle manque de naturel. D'ailleurs, l'autre soir au 20h, j'avais l'impression que Sarkozy se mettait à parler comme elle, comme s’il avait été contaminé par le calme de Royal, lui qui s’excite d’habitude… Enfin, tout cela reste encore du domaine de l'image, de la superficialité. Elle n'a pas encore attaqué le problème de fond. Si elle fait la moindre erreur, on ne la loupera pas parce qu’elle est une femme. Et tout le travail sera à refaire. Et des erreurs, elle en fera, c’est sûr, comme tout le monde. Il faut juste espérer qu’elle n’en commettra pas de catastrophiques, ou on en prendra encore pour 20 ans. 2/Laurence Parisot, présidente du Medef : Ce que j’ai toujours apprécié chez elle, et je l’ai vu quand elle était ministre, c’est sa capacité à lever des tabous, à dire des choses qui jusque là étaient tues. Par ailleurs, ce qu’elle a fait au profit de l’enfance maltraitée est très important. Dans la campagne interne au Parti Socialiste, elle a continué à briser des tabous, sur les 35 heures par exemple. Je souhaite qu’elle n’abandonne pas cette qualité. J’ai l’impression qu’en ce moment, elle revient à une campagne plus classique. Cela dit, ce n’est pas en une semaine qu’on peut tirer des conclusions définitives. Tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie …. 3/Marion Cotillard, comédienne Ce que je pense de Ségolène Royal ? Putain ! J’ai très très envie qu’on passe à gauche mais j’aurai vraiment préférer que ce soit avec quelqu’un d’autre. Ma plus grande déception politique, ça a été le retrait de Delors. Je n’aime pas Ségolène Royal, mais je n’ai pas envie de faire partie des gens qui lui tirent dessus. Je ne veux pas voir l’autre [Sarkozy] au pouvoir, alors s’il n’y a que ça, je voterai pour elle. 4/Françoise Hardy Ségolène Royal est une belle personne, charismatique et déterminée mais son discours en matière d’emploi, d’économie et de dette publique trahit des lacunes inquiétantes. Je la préfèrerais moins attractive sur le plan de l’image et plus cohérente, plus réaliste, moins démagogique sur le plan des idées. 5/Edwige Antier, pédiatre. Je dis chapeau, Ségolène ! C’est énorme, un séisme dont les éléphants ne mesurent pas la portée. A partir de maintenant, tout ne se décidera plus au fumoir, au crépuscule, dans les réunions machos. Elle a raison de la jouer hyperféminine, mais elle reste prisonnière d’une idéologie, selon laquelle pour se libérer il faut travailler à l’égal des hommes. Rappelez vous quand elle a accouché de son dernier enfant, elle disait qu’elle serait sur le pied de guerre au ministère quelques jours après… C’est une insulte pour toutes celles qui n’ont pas les moyens de faire garder leur enfant et aussi pour les jeunes femmes qui, aujourd’hui, veulent avant tout concilier travail et maternité, ne pas rentrer tous les soir à 20h pour passer à côté de leur famille. J’aurais bien voulu voter pour elle mais c’est impossible : je ne peux pas voter pour une image. 6/Amélie Gillier, styliste, créatrice de Zadig et Voltaire. Ségolène est souvent habillée en blanc, couleur de la virginité, de la pureté, de la transparence, peut-être pour se démarquer de ces hommes très sombres. C’est un peu premier degré. Elle est beaucoup mieux habillée qu’il y a 20 ans, mais ça reste pas terrible. Avec ses vestes courtes, ses jupes mémères, et ses brushings, on dirait qu’elle s’est arrêtée sur le chemin de la modernité. Il suffirait d’un rien pour en faire une Rania, elle a une super base, les yeux qui pétillent, j’aimerais la voir avec un beau jean brut, et une chemise blanche toute simple. Je rêverais de la relooker. 7/Marie-Noëlle Lienneman, député européenne PS Je l’ai rencontré à l’Elysée en 1983, elle était déjà très sûre d’elle. Moi aussi. On passait des heures à refaire le monde, pas elle. Elle pensait que c’était une perte de temps. Je l’ai invité après en 1988-1989 à Athis Mons, quand elle a écrit Le printemps des grands-parents. Les vieux l’adoraient. Je n’aime pas son individualisme et son discours sur les valeurs féminines. Est-ce que ça fait avancer la cause des femmes ? Pas vraiment, et puis c’est faux, il y a des hommes qui, dans leurs communes, construisent des crèches. Ce que j’ai toujours aimé chez elle, au-delà de nos divergences sur la ligne politique, c’est sa pugnacité, la rage qui est en elle. Son côté j’ai pas froid aux yeux, je me fous de ce que pense le microcosme. Elle pense certainement qu’elle a l’impérieux devoir d’aller au combat. 8/ Nathalie Kosciuscko Morizet, député UMP Ségolène Royal est tombée dans la tentation à laquelle nous sommes toutes exposées : se victimiser, et faire argument de sa féminité, et plus encore de sa qualité de mère. C’est exactement ce que Simone de Beauvoir ne voulait pas, c’est un piège, un retour en arrière. Mais aussi un très beau coup politique. Il ne faudrait pas que la candidature de Ségolène Royal soit l’ultime alibi des hommes, qu’ils disent : vous en avez une maintenant, de quoi vous plaignez vous. Aujourd’hui nous sommes toutes priées d’être militantes de Ségolène Royal au nom de la cause des femmes 9/Chantal Thomas, styliste Un look très classique, très Versaillais, c’est fait pour plaire à tout le monde ! En 1998, elle s’était indignée publiquement des mannequins qui portaient ma collection de lingerie en vitrine aux Galeries Lafayette. Elle n’était même pas venue voir mais c’était un coup pour faire parler d’elle. Eh oui, pour mettre en valeur un produit, on a tendance à présenter de jolies filles. Elle aussi on l’a vue en bikini cet été, elle aussi joue beaucoup de sa féminité. C’est une vraie femme, féminine, féministe et séductrice, bluffante par sa volonté de réussir. 10/ Suzy Rojtman, porte-parole pour le collectif national sur le droit des femmes. Sa seule présence pour la candidature à la magistrature suprême est un réel progrès, le signe que les idées féministes progressent. Mais Madame Royal n’a jamais été à nos côtés, dans les combats collectifs. Féministe, elle l’est, oui, mais de manière individuelle, quand elle décide d’instaurer la pilule du lendemain ou le congé de paternité, un peu moins quand elle nous parle de valeurs féminines et qu’elle laisse la garde alternée aux pères en cas de violences conjugales. Maintenant elle déclare qu’elle préconise une loi cadre sur les violences faites aux femmes, très bien, nous ça fait deux ans que nous planchons dessus… 11/ Florence Artaud, navigatrice Je trouve ça machiste et débile qu'on joue sur le fait que Ségolène Royal est une femme. D'ailleurs, toutes les réflexions des petits machos autour d'elle l'ont beaucoup plus servie que desservie. Lui dire que sa place est à la maison avec les enfants, c'est affligeant. Il faut dépasser ce clivage homme- femme. Ce n’est pas son statut de femme qui est important, mais ce qu’elle va faire. Les références systématiques à la parité m’énervent un peu. Chacun reste libre de faire ce qu'il veut. On ne va pas non plus forcer les femmes à se lancer dans la politique juste pour montrer qu’il y a de la parité ! Il faut arrêter de dire que c'est plus dur pour les femmes. Quand j’ai gagné mes premiers défis « voile », j’ai entendu le pire, du style: « Elle assure, pour une femme ! ». Ce type de réactions est insupportable. Ce n'est pas parce que je suis une femme que j'ai eu plus de mérite qu'un homme à gagner! D’ailleurs, le milieu de la voile est fermé autant aux hommes qu'aux femmes, et n’est pas plus misogyne qu’un autre. Je me suis faite acceptée dans le milieu de la voile quand je me suis lancée dans ma première Route du Rhum, à 21 ans ! Je crois que ce qui est dur, c’est de choisir d’être une femme libre, sans enfants, sans famille. Et d’en être heureuse. C’est ça qui est mal vu. J’ai fait ce choix, le choix de faire de ma vie une aventure. N'en déplaise à certains. 12/Elisabeth Tessier, astrologue Elle est une maîtresse- femme, avec une vraie colonne vertébrale, du charisme. Un charisme que je dirais fabriqué, volontaire, si ces termes n'étaient quelque peu contradictoires. Est-ce l'influence de ma grille de lecture astrologique? Je renifle derrière son sourire carnassier la femme pugnace, avide de pouvoir. A la fois adaptable et intransigeante. Adaptable, parce qu'elle sait se mettre à l'écoute de l'attente des Français pour orienter sa stratégie de séduction. Intransigeante dans un sens qui peut friser la dureté. Etant moi-même une femme publique, confrontée depuis des décennies à une certaine misogynie, je lui tire mon chapeau et la plains parfois d'être la cible de cette discrimination sexuelle si française. Mais je ne suis pas sûre qu'elle ait la carrure nécessaire à l'importance de la fonction présidentielle. Celle-ci implique une culture politique globale et une formation sociopolitique dont ses bévues récentes démontrent d’inquiétantes carences. La foi quasi messianique en sa mission n’est peut-être pas suffisante. 13/Annie Ernaux , Ecrivain, prix Goncourt 1984 Il y a dix ans encore, personne n'aurait pu imaginer une femme candidate à la présidence. Mais ce qui m’effraie un peu, c’est qu’au sujet de Ségolène Royal s’exprime exactement le même inconscient machiste qu’avant. Une espèce de condescendance larvée. Il y a quelque chose d’obscurément perçu comme illégitime dans son ascension, y compris par les femmes. On est décidément en plein dans la « domination masculine » décrite par Bourdieu. Son idée de démocratie participative m’intéresse, mais le discours de Ségolène Royal est encore trop conservateur à mon goût. J’ai notamment été heurtée par le fait qu’elle veuille revenir sur le « non » à la constitution européenne, en proposant un nouveau scrutin. Je n’exclus cependant pas de voter pour elle à cette heure, car le petit caporal Sarkozy représente à mes yeux un énorme danger : ultralibéralisme et mainmise sur tous les pouvoirs. Elle est bizarre cette campagne, on est à la fois dans le mou et le terrible. Une énorme surprise est à craindre, comme en 2002. 14/Isabelle Giordano, animatrice de télévision Je n’ai jamais rencontré Ségolène Royal. Mais ma première réaction à son ascension, c’est : tant mieux ! Plus il y a de femmes en politique, mieux c’est. Parce que je pense que les femmes ont une façon différente de faire de la politique. C’est ce qui m’avait motivée, pour écrire un livre sur la trajectoire de Martine Aubry. Ce qui les démarque des hommes, c’est une manière beaucoup plus pragmatique d’exercer ce métier. C’est « le terrain » pour Martine Aubry, « la démocratie participative » pour Ségolène Royal. Bien sûr, elles n’échappent ni à la violence, ni aux rapports de force de la politique. Mais Ségolène Royal est davantage dans le concret, que dans l’idéologie. Maintenant - homme ou femme - le plus important, ça reste le programme. Que va-t-elle proposer pour rendre notre société plus moderne, moins inégale, moins injuste ? Pour que la France tienne son rang dans le monde ? Fera-t-elle avancer la cause des femmes ? Et aussi, sur un dossier qui me touche particulièrement, saura-t-elle défendre la richesse et la liberté de notre cinéma ? Je jugerai sur pièces. Pour l’instant je reste sur ma faim… 15/Christine Clerc, journaliste Je l’ai repérée quand elle s’est attaquée au bizutage, aux pédophiles, et à la violence et la pornographie à la télévision, autant de petits cailloux semés malgré l’hostilité des opposants au retour d’un « ordre moral ». J’ai été attirée par un certain langage qui relève de valeurs chrétiennes qui sont les miennes (son chemin comme le mien a croisé les chanoinesses de Saint Augustin) et qu’elle défend avec courage : il en faut pour affronter une Gauche beaucoup plus libérale sur le plan des mœurs. En avril, j’écrivais que Ségolène Royale est la fille du Général et de Tony Blair. En tant que citoyenne, j’attends la suite et je suis un peu déçue. Les propositions tardent à venir (les débats participatifs ça va un moment). En tant que journaliste je suis affolée : pas d’agenda, pas de programme, c’est la désorganisation totale. Si la France est gouvernée comme ça… C’est bien mieux organisé chez Bayrou. Chez Sarkozy n’en parlons pas. 16/Karine Tuil, écrivain La détermination des femmes à trouver leur place dans l’espace politique – un monde d’hommes – force l’admiration. Pourtant, lorsque Ségolène Royal s’est imposée dans le paysage médiatique, j’avoue que j’ai été sceptique, contaminée par le machisme ambiant. Puis, je l’ai trouvée tenace dans l’adversité, volontaire, extrêmement digne face aux attaques virulentes dont elle a été l’objet dès les prémices de sa campagne. Ses détracteurs ne l’ont pas épargnée. Blessée, elle nous a émus, mais peut-elle tirer sa légitimité de la sympathie qu’elle nous inspire ? J’attends de connaître son programme... Ses déclarations lors de ses déplacements à l’étranger, ses faux pas, me laissent circonspecte. Par solidarité féminine, j’aurais envie de la soutenir, mais à ce jour elle n’a pas encore su me convaincre. 17/Catherine Nay, journaliste Il fallait vraiment une crise de leadership au PS pour qu’une femme émerge. Preuve que quand ça va vraiment mal, on se tourne vers les femmes. Encore faut il trouver la bonne…Je suis bluffée par sa résistance physique et psychique. Elle est quand même en campagne depuis le mois d’octobre… Pour être candidat à une élection présidentielle, il faut avoir une bonne dose de mégalo, une rasade de parano, beaucoup d’optimisme et une santé de fer. Elle a tout ça, ce qui est rare pour une femme. Plus un sens de la mise en scène : je ne connais pas beaucoup d’hommes qui réfléchissent à leur tenue pour aller sur la muraille de Chine. Elle, visiblement, elle y avait pensé. 18/ Yvonne Knibiehler, féministe, historienne des mères et de la maternité. A une époque où la majorité des femmes n’ont pas autant d’enfants qu’elles le désirent, c’est formidable d’avoir une candidate à la présidence qui a connu quatre maternités. J’ai suivi ses efforts et sa carrière, et j’ai toujours cru qu’elle avait ses chances. Elle a de l’audace, elle est courageuse et profondément sincère dans sa motivation à redresser la France. Je ne suis personnellement pas très sensible à son apparence, mais elle est très séduisante. Et on le sait bien, la séduction est une arme très puissante. Son charisme n’est cependant pas parfait, elle n’est pas un tribun, c’est dommage. Et puis, c’est un détail, mais à mon goût, elle s’habille d’une manière un peu trop fantaisiste pour une femme d’état. J’ignore si elle pourra faire le poids face à Nicolas Sarkozy, qui a davantage l’habitude de la grande politique, mais c’est un peu comme l’histoire du lièvre et de la tortue : Sarkozy galope, mais la tortue… Pourra-t-elle devenir un aussi parfait modèle identificatoire que Simone Veil ? Pas sûr. Si elle échoue, il restera néanmoins une belle image. Mais attention, si elle commet beaucoup de fautes, son échec pourrait très bien faire régresser les ambitions féminines en politique. 19/Nina Companeez, scénariste et réalisatrice Je ne suis pas féministe, mais j’appartiens à une famille où les femmes ont toujours été très fortes et indépendantes, alors ça ne me fait ni chaud ni froid que Ségolène Royal soit peut-être la première femme présidente de la République. Ce qui m’épate, c’est le courage, pas la réussite, et je suis aussi satisfaite de la réussite d’un homme qui s’est fait tout seul que de celle d’une femme. Ségolène Royal fait des bourdes. Malgré tout, elle est sûrement intéressante et pleine d’énergie, mais pour le moment, je ne sens pas ce qu’elle veut en faire. J’attends de voir ce qu’elle décidera si elle est élue. Ce qui m’inquiète un peu, c’est sa démarche, cette façon de se plier à l’opinion publique. Je suis trop passionnée d’histoire pour partager son respect pour l’opinion publique. Des peuples ont adoré Staline et Mao ; en France, le peuple a préféré Pétain à De Gaulle. Le peuple n’a pas toujours raison. C’est bien de l’écouter, mais il faut aussi savoir le diriger et tracer sa ligne. Il y a sûrement des femmes que son accession à l’Elysée encouragerait. Est-ce que ça suffirait pour qu’elles envoient braire leurs mecs s’ils sont violents ? Je ne sais pas. C’est à chaque femme de prendre sa vie en main, de ne plus accepter d’être battue, de ne plus attendre d’un homme ou d’une femme politique qu’il lui donne sa liberté. Ségolène Royal ne sera pas la maman de toutes les femmes en difficulté. Je regrette une chose, c’est qu’elle ne parle pas davantage de l’éducation. Pour moi, c’est la chose la plus importante. Ouvrir l’esprit des gens, des enfants, des femmes… Favoriser l’accès aux grands textes qui parlent de l’âme… Je ne m’exprimerais que sur ce sujet si je devais être présidente de la République. Tout part de là : l’emploi, le chômage, la réussite, l’épanouissement personnel 20/Blandine Kriegel, philosophe Je trouve que c’est une très bonne chose qu’une femme ait le courage de se présenter à la présidence de la République. 21/ Emmanuelle Messéan, co-présidente des Chiennes de Garde. Il y a un avant et un après Ségolène, terminé les insultes sexistes, on n’a même plus besoin de les dénoncer, la presse, qui nous a si longtemps accusées de détériorer la liberté de pensée, réagit au quart de tour, les propos misogynes ne sont plus reconnus comme d’aimables vannes… Ségolène Royal est un beau modèle pour les filles, notamment les plus jeunes qui, aujourd’hui, s’identifient souvent à des femmes, actrices, mannequins, en héroïnes de la sphère intellectuelle et politique. Mais la façon dont elle met en avant sa féminité nous pose problème, la wonderwoman députée, 4 enfants, c’est bien mais ça se paie cher et ça, elle ne nous le dit pas. Elle ne nous parle pas des charges supplémentaires qui pèsent sur les femmes. Puisqu’elle s’est enfin décidée à se dire féministe, alors qu’elle l’évitait soigneusement, elle va pouvoir dire la vérité et faire réellement avancer la cause. 22/ Dounia Bouzar, anthropologue, démissionnaire en 2005 du CFCM Ségolène Royal, c’est comme les musulmans qu’on ne doit pas seulement définir par leur religion : il faut dépasser sa seule spécificité de femme. Et de son côté, elle ne doit surtout pas se conformer à l’image de Jeanne d’Arc qu’on lui prêtre parfois. Si elle prouve ses compétences, je serai contente de la voir accéder à la présidence. Mais pour l’instant, aucun candidat ne m’a convaincu. Ce sera encore un vote pour parer au pire. 23/ Clémence Boulouque, écrivain Je suis lasse d’entendre parler de la « femme Ségolène ». Comme si la politique était une affaire d’appartenance ou de genre. Ne voir en elle que la femme, cela revient à trahir la République, à abdiquer ses valeurs universelles C’est la porte ouverte au communautarisme. C’est la défaite de la pensée. Le débat démocratique mérite mieux que cela. Bien sûr, que c’est plus difficile d’être une femme en politique, comme dans d’autres domaines d’ailleurs. Mais maintenant que Ségolène Royal l’a emporté sur les autres candidats du PS, on pourrait peut être parler d’autre chose. J’attends les idées, les programmes, les projets. 24/Caroline Mécary, avocate Ségolène Royal, c’est l’incarnation parfaite du grand mythe républicain de l’égalité sans distinction de race ou de sexe, aussi bien dans la qualité que dans la médiocrité. Je suis donc très heureuse qu’une femme puisse légitimement accéder à la plus haute fonction politique, et d’autant plus heureuse qu’il s’agit d’une femme imparfaite, qui commet des bourdes exactement comme les hommes politiques. C’est au fond le premier critère du principe de l’égalité de traitement. Par son cursus, j’ai la certitude que Ségolène Royal est une femme intelligente, qui a dû beaucoup évoluer pour sortir du carcan dont elle est issue, même si elle en porte encore les traces. Pour ses déclarations en revanche, en tant qu’avocate, j’ai parfois envie de lui donner des leçons. Je trouve qu’elle n’habite pas suffisamment son discours. Mais au fond, ça ne préjuge rien de ses convictions. Au premier tour, je voterai pour les Verts, parce que la dimension de l’écologie politique n’est pas suffisamment prise en compte par la classe dirigeante, et je refuse le chantage d’avril 2002. Mais si elle fait une bonne campagne, et qu’elle accède au second tour, je la soutiendrai. 25/ Malka Marcovich Directrice pour l’Europe de la Coalition contre la traite des femmes Pour la première fois, une femme est en mesure de devenir présidente de la République. C’est une révolution, en tout cas une évolution fondamentale de la société française, et me semblait-il du PS, avec le discours rayé de ses vieux routiers. C’est pourquoi j’ai été particulièrement attentive pendant la campagne pour l’investiture, à la manière dont Ségolène Royal se frayait un chemin dans cette structure, qui a une longue histoire, et qui devait retrouver ses marques après le 21 avril. Mais depuis, je ne vois rien venir et même si elle s’est engagée sur la question des violences faites aux femmes, ce n’est pas suffisant. Car aujourd’hui, tous les partis politiques prétendent s’impliquer sur ce sujet qui n’est plus tabou comme naguère. On doit des avancées dans ce domaine à la gauche comme à la droite. En tant qu’électrice, impliquée dans un travail international depuis de nombreuses années, je voterai pour le candidat qui a un projet cohérent et une perspective politique la plus large possible. J’ai plus que des doutes sur la démarche participative qui me semble assez réductrice et peut même comporter des dangers. Aujourd’hui, je n’ai pas le résultat des consultations, et ne connais pas son projet politique. Je ne peux donc me prononcer tout en espérant être surprise. Non, pour le moment elle ne me convainc pas. 26/ Michèle Cotta, Journaliste Elle se sent capable d’aller à l’Elysée. Je n’aurais jamais osé. C’est flatteur pour toutes les femmes. Elle a un langage qui tranche avec le discours habituel. Ou ça passe, ou ça casse. Elle commet des bourdes? Cela prouve qu’elle n’a pas la langue de bois. Sur le Québec, elle a été précédée par de Gaulle et Chirac, sur la Corse, par Raymond Barre. Sur Israël et le Liban, on ne la sent en revanche pas très à l’aise. Ce qui me gêne d’avantage. Maintenant, il faut qu’elle passe à la phase suivante. Après avoir écouté la France, la France doit pouvoir l’écouter. 27/ Françoise Miquel Condisciple de Ségolène Royal à l’ENA, auteure de « Une femme dans les coulisses du pouvoir », éd Presses de la Renaissance A l’Ena, Ségolène donnait l’impression d’être animée par un désir de revanche. Quand elle s’estimait maltraitée, elle assurait que c’était parce qu’elle était une femme. J’ai toujours considéré son féminisme comme une posture. Pour une part, il est sincère, mais il relève aussi de la manipulation. Culpabiliser les hommes marche très bien à gauche. Pour Ségolène, c’est une façon très efficace de tailler sa route. A la sortie de l’ENA, elle a décroché un poste au tribunal administratif de Paris, en passant devant un condisciple masculin. Ses camarades de promotion ont toujours eu un doute : n’avait-elle pas intrigué pour que le poste revienne à une femme ? Parfois, cependant, cette indignation chevillée au corps sur la place des femmes sonne vrai. Je me souviens de l’avoir vu choquée par un prof de Sciences po qui avait fait un lien, dans son polycopié, entre la montée du chômage et le travail des femmes. Ségolène n’a pas de vision, mais elle est intuitive. Elle est moderne. Sa défense de la démocratie participative, c’est moderne. J’appartiens à un club de femmes de droite qui prône également la démocratie participative. Quand nous en parlons à des hommes politiques de droite, ils semblent ne pas comprendre. On assiste peut-être à la revanche d’une partie du cerveau sur l’autre. Depuis la Révolution française, le cerveau rationaliste primait. Avec l’ère médiatique, le cerveau intuitif devient primordial. Reste à savoir combien de temps Ségolène va pouvoir tenir sans contenu. C’est la madone sur un tapis volant. 28/ Geneviève Jurgensen, Porte parole de la Ligue contre la violence routière Aussi loin que je me souvienne, Ségolène Royal était présente dans le paysage politique, mais elle m’a frappée positivement quand elle s’est dressée contre le bizutage, cette particularité française dégoûtante. Sur ce sujet sensible elle a fait preuve d’initiative, de pertinence et de courage. En tant que porte-parole d’une grande association de sécurité routière, je suis stupéfaite qu’elle ne se prononce pas contre l’amnistie. Le pari de beaucoup d’automobilistes, qui espèrent échapper aux contraventions, aboutit dans les mois qui précèdent chaque élection présidentielle, à une aggravation du nombre des morts. Ce silence est incompatible avec une personnalité sensible au prix de la vie et, accessoirement, mère de jeunes conducteurs. 29/Geneviève Maselli, présidente d’O’Elle, club de supportrices de L’Olympique Lyonnais Pour moi, elle a été très courageuse de s’introduire dans un milieu masculin. Mais après, il faut se maintenir. A mon niveau, c’est ce que j’ai fait dans le monde du football. Mais aujourd’hui, je trouve qu’elle ne s’impose pas assez. Elle est en train de perdre la place qu’on aurait aimé la voir prendre qu’elle prenne. Je suis très déçue. L’effet de nouveauté et de surprise est passé. Quand elle a annoncé sa candidature, j’ai écouté, j’ai attendu, et j’attends toujours. Je me reconnais dans Angela Merkel la chancelière allemande ou dans Michelle Bachelet, la présidente du Chili. Mais je ne me sens représentée par Ségolène Royal ni comme mère de famille, ni comme femme active. Je trouve qu’elle manque de crédibilité et d’envergure. Elle fait presque trop polie pour être honnête. 30/Cecilia Ceccarelli, astronome au Laboratoire d’astrophysique de Grenoble (LAOG), lauréate du prix Irène Jolliot-Curie 2006 Ségolène Royal suscite chez moi un sentiment contrasté. D’un côté, j’ai de l’admiration pour elle. C’est une femme très forte qui a réussi. Elle a fait une carrière qui n’était pas son destin. Elle a su tracer son propre chemin. Je me retrouve un petit peu dans ce parcours. Comme elle, je viens d’un petit village où la place de la femme n’était pas beaucoup plus que celle de mère. Alors, pour nous toutes, elle est une sorte de revanche ! D’un autre côté, d’un point de vue plus rationnel, j’ai du mal à comprendre ce qu’elle propose vraiment, par exemple sur la fiscalité. Elle ne tranche pas, comme si elle voulait montrer qu’elle est bien pour tous. Mais on ne peut pas être bien pour tout le monde ! Tous les politiques sont comme ça, mais avec elle, c’est poussé à l’extrême. Et puis, je me pose des questions sur sa psychologie. Si elle n’arrive pas à s’entendre avec son Parti ni même avec son compagnon, je me demande avec qui elle peut s’entendre ! 31/Arlette Laguiller Lorsqu’en 1974, mon parti politique, Lutte ouvrière, m’a présentée comme candidate à l’élection présidentielle, je ne m’attendais pas à être la seule femme. Et pourtant, si ! J’étais bien la première et seule femme sur 12 candidats et, de surcroît, la seule travailleuse, employée de banque. Et c’est vrai que ma candidature a marqué à l’époque, à tel point que des candidats comme Giscard et Chaban, après ma première allocution télévisée, se sont mis à parler des problèmes des femmes dans leur campagne. Giscard avait même été jusqu’à s’engager à prendre deux ou trois femmes dans son gouvernement ! Ensuite, il a fallu 32 ans au Parti socialiste pour se résoudre à se faire représenter par une femme. On me dit aujourd’hui que, pour la première fois, une femme a des chances d’accéder à la présidence de la République. Je crois que l’opinion publique n’a pas de réticence à l’élection d’une femme à la présidence et que ce sont les partis qui sont en retard. Mais je sais aussi que, quels que soient les résultats électoraux, les femmes ont toujours dû se battre pour imposer leurs droits. Faut-il rappeler que le vote des femmes en France ne date que de 1945 ? Ce que je sais aussi, c’est que les femmes savent, comme les hommes, s’orienter en politique. Je pense, et j’espère, que c’est plus en fonction du programme des unes et des autres que du sexe des candidats, que les électrices et les électeurs se détermineront. Quant à ma candidature en 2007, elle aura pour objectif principal de mettre en avant les intérêts politiques et sociaux des femmes et des hommes du monde du travail Le 11 janvier 2007 32/Bernadette Chirac Elle a un look, elle est très photogénique, il faut le reconnaître. Vous savez, le fait d’être une femme ne suffit pas pour s’imposer, mais c’est important, cela joue dans le subconscient de tous les autres. (Nouvel Observateur 16/11/2006) ELLES L’AIMENT BEAUCOUP 33/ Mazarine Pingeot Ségolène Royale manifeste, entre autres, une qualité qui mérite non seulement le respect et la confiance pour des fonctions futures, mais encore l'admiration : elle reste maître de son temps, fidèle en cela à un président que je connais. Sous la pression des événements, des médias, de ses ennemis politiques mais encore de ses propres camarades, elle ne cède pas à l'impatience. C'est elle qui impose son rythme, s'exprime quand elle l'entend, confère à une campagne que d'aucuns voudraient effrénée, un tempo dont seul celui qui est maître de lui est capable de dominer. Dominer plutôt que subir, malgré les attaques, malgré les sondages, malgré l'effervescence un peu artificielle, qui au regard d'une autre temporalité est feu de paille autant que feu d'artifice. Faire coïncider le temps d'une campagne et le temps intérieur est à mon sens la gageure la plus difficile pour un candidat, et la plus déterminante pour un homme ou une femme face à une responsabilité de cette ampleur. Qualité humaine donc avant que d'être politique, et qui fait apparaître une femme de tête qui n'entend pas se laisser étourdir par les modes. 34/Martine Aubry, maire de Lille Ségolène a choisi un style extrêmement particulier. C’est comme ça qu’elle sent son rapport aux Français. Il faut le respecter et s’y inscrire. (Lille, 22 janvier 2006) 35/Fadela Amara, présidente de l’association « Ni Putes ni soumises » Très tôt, elle aussi a dû se dire « Ni pute ni soumise ». Ségolène s’est construite contre l’autorité de son père, puis elle a su résister au machisme et à la pression pour tracer sa route jusqu’à l’Elysée. Tout au long de sa carrière, elle n’a jamais renié sa féminité. Et plus les années passent, plus elle devient belle, ce qui doit faire enrager quelques-unes… C’est un beau modèle pour les filles des quartiers, elles le disent d’ailleurs : « c’est super qu’une femme soit candidate à l’Elysée ». Ca leur donne la force de dire « non » aux machos et l’envie de s’imposer : « oui, nous aussi on va exister. Plus rien ne nous est interdit ». Maintenant, les filles sont comme nous toutes, elles attendent de voir le programme avant de signer. 36/ Isabelle Adjani, comédienne Nouvel Observateur : Pensez-vous qu'une femme peut accéder à de hautes responsabilités de gouvernance tout en restant féminine? I. Adjani : Depuis quand l’exercice du pouvoir aurait-il la faculté de modifier les hormones ? La vraie question est plutôt de savoir si l'exercice du pouvoir, les hautes responsabilités peuvent « dénaturer » au point d'emmener une femme ou un homme à renier ce qu'elle, ce qu'il est profondément. L'être « féminin » est-il sur ce plan plus exposé que l'être « masculin », je n'en suis pas convaincue... N.O : Ségolène Royal doit elle sa popularité à sa « féminité »? I. Adjani : Même si la féminité a de vrais pouvoirs, c’est un peu bizarre d’en rendre l’image prioritaire et de passer sous silence des années d'études, une longue expérience dans les cabinets ministériels et à la tête de deux ministères, plusieurs mandats électoraux, une présidence de Région... Sa percée ne se réduit ni à une nouvelle coupe de cheveux ni à un nouveau sourire, ni à l’exploit d’être mère et candidate à la fois ! C'est beaucoup de travail pour arriver là et les hommes du pouvoir semblent en effet avoir beaucoup de mal à lui rendre cette justice-là. N.O : Ségolène Royal est-t-elle féministe ?Et vous-même, l’êtes vous ? I. Adjani : En tout cas, elle est proche de la cause des femmes, ça c’est sûr. Moi, je n'ai jamais été très à l'aise avec les « ismes » qui sont souvent la pointe extrême et à double tranchant d'une idée, d'un mouvement, d'un combat au départ légitimes et justes. Mais bien sûr comment ne pas être admirative et reconnaissante devant l'extraordinaire mobilisation des femmes françaises, qui des suffragettes au mouvement Ni Putes ni Soumises en passant par le Manifeste des 343 salopes en 1971 et la loi Simone Veil ensuite- a transformé radicalement le statut de la femme en France ? Dommage que ces combats se transforment en guerre ouverte entre les femmes et les hommes, mais la parité n’étant encore qu’un « objectif », il y reste toujours beaucoup trop de plafonds de verres à briser. N.O. : Avez-vous déjà rencontré Ségolène Royal? I. Adjani :Elle est venue au théâtre lors d’une représentation de Marie Stuart le 22 décembre. C’était une représentation que je n’avais pas du tout aimée, et je n’en étais pas satisfaite pour beaucoup de raisons. Lorsqu’elle est arrivée dans ma loge, sans gardes du corps en vue, sans tralala, je crois que je ne lui ai pas laissé placer un mot, ni même un compliment et que j’ai été très franche quant à la frustration que je ressentais ce soir-là. Je l’ai vu regarder et écouter avec attention, sympathie, un grand sourire aux lèvres. Et je me souviens lui avoir sorti la chose suivante : « Vous voyez, vous êtes entrée dans ma loge avec le grand sourire qui ne vous quitte pas, alors que vous devriez avoir les larmes aux yeux ». N.O : Qu'est-ce qui vous marque le plus dans son parcours? Le courage de se présenter aux élections. Ce que je préfère chez elle c’est qu’elle amène dans le débat des éléments que les gens de pouvoir ne considèrent pas comme politiques. Par exemple la notion d’humanité que certains assimilent à de la faiblesse. Elle parle aussi « d’émotion », de compassion, de sentiment. De quoi faire dresser le poil des champions de la testostérone. Moi ça m’amuse beaucoup toute cette confusion des genres et du sens, il faut lire le livre de Marc Lambron… 37/Annette Gerlach, journaliste allemande, présentatrice du journal de la Culture sur Arte Ce qui me frappe, c’est le non-impact de sa quadruple maternité. Je comprends sa position. Elle ne veut pas faire une « campagne de femme ». Mais tout de même, avoir quatre enfants et être candidate du Parti socialiste, c’est incroyable ! Ca prouve qu’elle est une femme bien supérieure à la moyenne. Bien sûr, elle a dû être aidée par des nounous, n’empêche ce n’est pas rien. Pendant la campagne électorale d’Angela Merkel, la presse allemande parlait beaucoup du fait qu’elle n’ait pas eu d’enfant. A l’arrivée, elle a obtenu moins de voix de femmes que d’hommes ! En France, parler de carrière professionnelle et de maternité, c’est presque obscène. Comme si c’était normal de tout mener de front. Mais ça ne l’est pas du tout ! Les Françaises ont beaucoup lutté pour faire des enfants et travailler. Ce n’est pas pour autant l’égalité. Les hommes sont toujours aussi peu mis à contribution. Alors, si elle est élue, j’espère qu’on en parlera plus. Car ne pas en parler dessert les mères actives. 38/Julia Kristeva, philosophe, psychanalyste, écrivain Ségolène Royal est évidente. Elle représente une version de la féminité, peutêtre la plus impressionnante, produite par le catholicisme français : la beauté physique s’allie chez elle au dépassement de soi, dans un désir de gouvernance que parachève la maîtrise totale de ses affects. Cette irrésistible volonté de pouvoir, sobre et élégante, fait plus que rassurer. Elle entre en résonance directe avec la mémoire nationale qui, depuis la Révolution française, a été sousestimée par les idéologies et les partis politiques. En mêlant le régionalisme, la défense des femmes battues, voire celle du chabichou, Ségolène réhabilite cette mémoire. Le message est subliminal. Et il opère. Elle incarne non seulement une revanche de toutes celles qui ont été écartées du trône de France et de la politique pendant des siècles, mais aussi un espoir de renaissance pour un peuple humilié, que la globalisation marginalise d’avantage. Et si l’« opinion », sur laquelle s’appuie la candidate socialiste, était l’aurore de la politique ? Un retour du « miracle grec » ? Où le courage du citoyen peut enfin apparaître dans la pluralité du monde, grâce aux nouveaux moyens de communication. Et si la France devenait le laboratoire de cette nouvelle démocratie d’opinion qu’on cherche un peu partout dans les ruines du bipartisme ? Montrez-vous, avancez en toute simplicité, on discutera sur de nouvelles bases. Les spécialistes spécifieront, les professeurs approfondiront et les décideurs décideront. Je donnerai mon avis pour finir. Voilà ce que nous dit Ségolène. Le nouveau monde qui s’ouvre, avec ses nouvelles techniques et ses nouveaux risques, exige une nouvelle politique. Personne ne sait laquelle. Moi non plus, pourrait-elle ajouter. Restons dans l’ouvert et nous verrons. Mais il lui faudra pour cela rassembler beaucoup de compétences et d’énergies, et proposer sans délais des mesures précises, concrètes, renouvelables, afin que la magie ne s’éteigne pas. Seule une femme pouvait susciter à la fois cet élan et ces incertitudes. 39/ Michèle Bachelet, présidente du Chili « Chère Ségolène, ton triomphe dans les primaires du Parti socialiste français a eu un écho considérable au Chili. Cette victoire est très franchement impressionnante. Elle ouvre de nouveaux horizons politiques et culturels en France, en Europe et, je veux te le dire, dans le monde aussi. J’ai le souvenir très vif de ta présence dans les derniers jours de notre campagne présidentielle et j’ai eu beaucoup de plaisir à partager ces moments avec toi, ces moments où le peuple chilien était en train de prendre une décision si cruciale. Les femmes avancent lentement, mais constamment dans le monde politique, partout sur la planète. Peu à peu, nous équilibrons ces espaces vides de femmes. La société française n’est pas une exception, mais tout le travail qu’ont entrepris les socialistes sur la parité fait que ta désignation n’est pas une surprise mais un pas immense sur le chemin de l’égalité. Avec ton investiture comme candidate présidentielle, tu contribues au renforcement de l’égalité, tu aides à accélérer le processus de modernisation qu’expérimente notre société. Tu nous fais faire un pas de plus dont les répercussions seront immenses dans ton pays mais aussi au niveau global. Je te souhaite un grand succès dans cet effort que tu vas conduire pour cette élection présidentielle. Je t’embrasse. » (Message de soutien lu au congrès d’investiture de la candidate socialiste ) 40/ Dominique Gillot, Ancienne Ministre de la Santé, Maire PS d’Eragny-sur-Oise J’ai connu Ségolène Royal comme députée et surtout comme collègue au gouvernement de Lionel Jospin. Il y avait chez elle une vraie simplicité dans l’exercice de ses fonctions. Elle ne se prenait pas la tête. Ca m’épatait ! Je me laissais facilement impressionner par les ors de la République. Elle, jamais ! C’était plutôt sympathique. Je me souviens d’un défilé du 11 novembre où elle est arrivée en retard. Elle ne s’était pas réveillée, et s’était habillée avec ce qui lui était tombé sous la main ! Au gouvernement, ce n’était pas courant. Mais ce n’était pas de la provocation. Pour elle, l’exercice du pouvoir politique est un job qu’elle fait sans complexe, sans arrogance non plus. Elle fonctionne aussi à l’intuition. Elle se met en scène avec naturel et simplicité et avec une grande confiance en elle. Au départ, elle a choisi de nouer un autre rapport avec la population, plus près des gens et de leurs attentes et c’est ce qui a séduit les Français. A un niveau plus local, c’est ce que je fais avec des conseils de quartier, des consultations… Les gens en ont assez des hommes politiques qui ont une conception autocratique du pouvoir. Aujourd’hui, Ségolène Royal doit affronter des super « pro » qui exploitent son naturel et mobilisent d’énormes moyens pour l’affaiblir. Aujourd’hui, c’est au Parti socialiste de mieux s’organiser pour riposter aux attaques de la droite. C’est à nous de nous mettre au service de notre projet. 41/ Christine Ockrent , journaliste Ségolène Royal a d’évidence des capacités déjà démontrées au fil de son parcours et une ambition trempée depuis l’enfance. Elle incarne tout à fait cette génération de femmes – la nôtre - qui s’est beaucoup battue pour en arriver là. Elle est belle, elle le sait, elle en joue tout en veillant à ne pas menacer les autres femmes… Elle utilise un féminisme « soft » dans lequel beaucoup de nos contemporaines se reconnaissent, fournissant aussi à certaines une forme de revanche … Elle est différente de Michelle Bachelet, qui a fait du féminisme un argument de campagne, et d’Angela Merkel qui ne joue pas sur ce registre. On l’a oublié tant dans notre souvenir elle s’est figée en caricature à brushing, mais Margaret Thatcher, en son temps, usa aussi de séduction pour imposer une volonté d’airain ! Les Britanniques l’avaient élue dès 1979. Arrêtons de nous demander si les Français, 28 ans plus tard, sont prêts à élire une femme ! 42/Marylise Lebranchu, ancienne garde des sceaux, député PS Ségolène a le don de communiquer… tant mieux pour nous. Il faut qu’elle gagne. Elle, comme moi faisons partie des privilégiées moralement, intellectuellement, matériellement. La très grande majorité des femmes n’a pas cette chance. Je suis certaine que Ségolène aura à cœur de leur rendre un peu des privilèges qu’elle a eus. Qu’elle va ouvrir de nouvelles voies afin de permettre aux femmes de conquérir plus de liberté et de responsabilités et de leur faire comprendre que, pour elles aussi, tout est possible… 43/Jeanne Moreau, comédienne Une femme ? Je ne la vois pas comme ça. Pour moi Ségolène Royal est un homme politique comme un autre. J’estime son énergie, sa lucidité, l’originalité de sa démarche, elle sait écouter avant d’énoncer des formules péremptoires. Elle veut gouverner avec les Français et son intégrité ne peut être mise en cause, elle ose parler de morale, de respect, de discipline. Elle a pour elle une présence claire, lumineuse ? Je la vois mal renoncer à son intégrité, et je souhaite que son entourage l’y aide. 44/ Elisabeth Guigou, ancienne garde des sceaux , député PS Nous nous sommes rencontrées en 1981 à l’Elysée où nous étions toutes les deux auprès de François Mitterrand. Nous travaillions déjà à l’époque sur les sujets qui ont nourri nos combats politiques, puisqu’elle était déjà en charge de la famille et de l’environnement et moi, de l’Europe. Je me souviens d’une jeune femme très active, et imaginative. C’est une vraie combattante, elle a beaucoup d’intuition pour capter les attentes des Français, beaucoup d’énergie et un vrai talent pour médiatiser ses actions. Elle sait parler du vécu des gens avec simplicité. J’espère qu’elle prendra pour les femmes des décisions politiques audacieuses. Elle a annoncé une excellente initiative pour les femmes battues. J’espère, si elle est élue, qu’elle ira jusqu’à supprimer le financement public pour les partis politiques qui ne respectent pas la parité ; qu’elle nommera autant de femmes que d’hommes au gouvernement, mais aussi au Conseil constitutionnel, ou, au CSA. Car chaque fois que les femmes ont progressé, c’est parce les plus emblématiques d’entre elles ont agi pour toutes les femmes. J’apporte à Ségolène Royal mon total soutien et j’espère qu’une fois élue, elle achèvera la révolution de la parité. 45/Nathalie Rastouin, présidente d’Olgivy France, conseillère de Ségolène Royal Ce que je sais de Ségolène Royal,, c’est sa capacité d’indignation, sa volonté de voir le monde en face et d’entraîner, enfin, la France dans notre siècle. Mais sa présence dans cette élection agit aussi comme un révélateur, parce que c’est une femme et un outsider. Ou dois-je dire une femme donc un outsider ? Sa façon différente de penser, de proposer et d’agir, m’interroge sur l’évolution réelle des femmes dans la société. Soulignerait-on avec un tel acharnement ses déclarations parfois hâtives ou mal interprétées si elle était… il ? Dirait-on aussi souvent qu’elle n’a eu que des ministères mineurs, alors qu’il s’agit, pardon du peu, de l’Education, l’Environnement et la Famille ? Dénoncerait-on le fait qu’elle va chercher des expériences qui marchent ailleurs comme un manque d’idées, alors que d’autres se targuent d’ouverture d’esprit quand ils font la même chose ? Alors, comme beaucoup de femmes, j’ai envie que Ségolène Royal encourage une campagne forte, juste, passionnante. Je souhaite qu’elle continue, y compris parce que c’est une femme, d’incarner en politique un retour au réel, aux résultats. Je sais que c’est possible même si c’est difficile, et qu’elle peut le faire enfin, parce que c’est le bon moment 46/ Dominique Méda, sociologue J’ai travaillé avec Ségolène Royal lorsqu’elle était Ministre de la Famille. Je venais d’écrire mon livre sur le temps des femmes, elle ne l’avait pas lu mais elle m’a demandé ce qu’il y avait dedans. C’est ça Ségolène, du concret, du pragmatique, agir vite sans bla-bla. Elle m’a demandé d’organiser une table ronde avec des chercheurs et des praticiens sur la question de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. J’ai été bluffée par l’extraordinaire qualité de son écoute. Elle n’est pas sortie une seule fois de la salle, comme beaucoup aiment à le faire, avec cet air pressé qui sied aux gens importants. Elle a posé beaucoup de questions, dialogué, fait la synthèse. Et les mesures qu’elle a prises (le congé de paternité et le lancement d’un plan crèches notamment) étaient celles qu’il fallait prendre pour s’attaquer aux racines mêmes de l’inégalité hommes- femmes. Les féministes historiques ont tendance à mépriser la famille, elle a saisi son importance. Le féminisme de Ségolène est hypermoderne, il fait enfin toute sa place à l’idée que les êtres humains, hommes et femmes, sont à la fois parents, citoyens, travailleurs et que les politiques doivent les aider à assumer ces rôles. On ne peut pas rêver mieux pour faire avancer la cause des femmes. 47/ Madeleine Chapsal, écrivain Ségolène Royal incarne bien la civilisation actuelle pour laquelle tout passe par l’image. Image physique : avec sa joliesse au départ, elle a travaillé à se rendre ravissante. Soins esthétiques, choix judicieux des vêtements, fraîcheur, sourire constant. Image mythique, de clair vêtue, Ségolène évoque Jeanne d’Arc, Sainte-Geneviève, les héroïnes salvatrices qui ont su mettre en fuite les « dragons » (ce qu’elle a commencé dans son propre parti…). Image d’une féminité acceptée et fièrement revendiquée : du coup les autres candidats apparaissent comme machos, vieux, usés. Image d’un cœur sensible, Mme Royal écoute sans dévoiler ses intentions (sauf celle de « sauver la France »). Une stratégie pour heurter le moins de gens et d’intérêts possibles tout en représentant l’espoir. L’espoir de quoi ? Chacun d’y mettre ce qu’il souhaite et ce qu’il veut. Mme Royal est donc pour moi une femme courageuse, travailleuse, jouissant d’une excellente santé, ne se ménageant pas, qui d’une part connaît ses atouts, de l’autre a suffisamment conscience de ses manques pour s’appuyer sur une équipe –d’hommes principalement – dont elle est l’énergique porte-drapeau. 48/ Najat Vallaud-Belkacem, juriste, conseillère régionale, candidate PS à Lyon. Pour moi, qui ai 29 ans, Ségolène ouvre une nouvelle voie complètement inédite. Avant elle, celles qui se lançaient en politique se sentaient souvent obligé de gommer leur féminité, de s’habiller et de parler comme les hommes. Ségolène nous montre qu’on peut être jolie et aussi avoir des compétences. Elle crédibilise les femmes et les décomplexe. Quand elle est venue à Lyon, j’ai senti à ses côtés son charisme et sa popularité incroyable. Les gens aiment sa façon de rassurer, de parler simplement, d’assumer le fait qu’elle n’est pas omnisciente. Dans l’imaginaire collectif, elle joue le rôle d’une mère. Pour moi, elle est un modèle car je sais quelle force et quels sacrifices la politique demande aux femmes… 49/ Maud Fontenoy, navigatrice J’ai rencontré Ségolène Royal juste avant d’entamer mon tour du monde en solitaire à l’Ile de la Réunion. Elle était là en voyage officiel et a prolongé son séjour pour assister à mon départ officiel le 15 octobre. Ce qui m’a beaucoup frappé, c’était son mélange de force tranquille et de discrétion. Selon moi, elle est une lame de fond, cette vague qu’on ne voit pas en surface et qui vous prend par surprise. Elle avance petit à petit, en douceur mais en continu. Elle n’est pas rentre-dedans mais dégage plutôt une certaine empathie. Sa féminité assumée et revendiquée est aussi mon combat : montrer qu’on peut être la même sur terre et sur un bateau, qu’on peut être femme, féminine, maman tout en étant respectée et écoutée. Sur mon bateau, par -4°, je prends le temps de me laver les cheveux, de m'épiler les jambes et de me mettre de la crème anti-ride. Est-ce que cela veut dire que je ne suis pas capable de remporter mon défi? Et pourtant, croyez-moi, quand je venais voir des sponsors en tailleur et ongles manucurés pour les convaincre de me soutenir dans mon projet, beaucoup me prenait pour une folle ! Alors si on veut avancer dans la parité, il faudrait d’abord arrêter de croire que le vernis à ongle empêche les femmes de penser… 50/ Aure Attika, comédienne En tant que femme, sa réussite politique fait plaisir, c’est sûr. Mais avec à peine 16% de femmes au Sénat, le combat est encore loin d’être gagné. Au cinéma, c'est pareil. Pour une actrice, passés 40 ans, c'est dur de décrocher de bons rôles alors qu'un homme au même âge est au top de sa carrière! Il y en a marre de jouer les poupées quand on est jolie. C’est en ça que le côté femme à poigne et en jupe de Ségolène Royal est assez novateur. Pourquoi faudrait-il refuser de plaire et se déguiser en homme pour avoir le droit de faire de la politique ? Depuis qu'elle est candidate, Ségolène Royal a réussi un tour de passe-passe incroyable : en quelques mois, elle a totalement éclipsé Sarkozy ! Lui qui se voulait l’homme du renouveau a maintenant l’air d’un vieux ringard à côté d’elle ! 51/ Geneviève de Fontenay, présidente des comités Miss France Plus jeune, elle aurait pu être une Miss ! Rien à voir avec cette pauvre Mme Chirac et ses vestes léopard. Surtout elle est la seule qui tienne la route face à Sarko, je vous le dis! (Nouvel Observateur 14/09/2006) 52/Christine Orban, écrivain Je ne sais pas si Ségolène Royal fait de sa féminité un atout ; ce qui est sûr c’est que sa féminité est perçue comme un atout. Comme si on n’en revenait pas, qu’une femme belle puisse concourir au destin de la France. Est-ce la féminité qui est à ce point dévaluée ou le pouvoir qui est réservé aux hommes ? Je ne trouve pas qu’elle en fasse trop. Elle s’habille juste comme une femme ; plutôt tendance jupe que pantalon, talon que mocassin. Ridicule de dire qu’elle est « courageuse » de ne pas se masquer, d’imposer son style. La manipulation serait plutôt dans l’effacement de sa féminité. La France est fascinée par la photogénie d’une femme….Viendra le temps du programme ; mais, l’un n’est pas forcément l’ennemi de l’autre. Je l’ai rencontré à dîner chez des amis communs ; oui, oui, elle était bien habillée, dentelles beiges, escarpins à talons, jambes et …bras nus, teint frais malgré un meeting juste avant ; Elle avait dû passer se changer et dormir dix minutes pour se requinquer (son petit secret). Elle est un peu maîtresse d’école, s’intéresse à chacun des invités, mais à tour de rôle ; quand on l’interroge, elle répond volontiers : Pas de langue de bois et un bon coup de fourchette. Elle boit du vin, se ressert, critique les éléphants au passage. Et à la question de la séduction, elle répond « qu’elle ne veut plus séduire un seul homme mais tous les hommes, tous les Français..! ». Pour l’instant, ça marche. L’air presque étonné, elle dit aussi : « ce sont les sondages, qui m’ont mise là ! » Les sondages, mais pas encore les Français. 53/Catherine Clément, écrivain Comme ça, à brûle-pourpoint, elle m'évoque une mouette, planant à l'équilibre contre des nuages noirs et profitant de la violence du vent pour résister. Regardez-la voler, rien ne l'arrête. Brusquement, d'un coup d'oeil, elle se transforme en flèche à la lisière des eaux. Elle pêche et gagne. Comme elle vit entre terre et mer, elle annonce l'arrivée au marin après une longue traversée. On ne fait pas plus gracieux, mais le bec est solide. Quand ils voient un oiseau et si l'oiseau est beau, les gamins ont toujours une pierre à la main; c'est de leur âge. Ces grands gamins qui ont l'air si sérieux avec leurs compétences, leurs expertises, leurs dossiers, ces vieux gamins qui semblent avoir déjà sur le dos leur costume de ministre, ces sales gamins lui lancent chaque jour une pierre. Ca fait cour de récré. Et c'est insupportable ! Edith Cresson ne leur a pas suffi et voilà que ça recommence... On en trouve même à gauche, dans le journal Le Monde, des normaliens, des têtes à claques façon Dominique Dhombres. Elle ouvre la bouche, forcément, il va en tomber un crapaud. Elle ouvre la bouche, si ce n'est pas un crapaud, c'est une perle. Connaissez-vous la dernière ? disent les vieux gamins. Ils ne s'en lassent pas. Et quand je les entends, j'ai une pierre à la main. Immédiatement, tout de suite. Il n'y a rien de plus méchant que des gosses cruels dans une cour de récré. Quoi qu'elle fasse, quoi qu'elle dise. Cette sourde colère qui n'en finit pas de monter, je ne suis sans doute pas la seule à l'éprouver. Cela rappelle tant de choses ! De Mitterrand aussi, dès 1965, de grands gamins qui se voyaient ministres disaient qu'il n'avait pas la compétence, ni le sérieux. La droite, souvenez-vous, était propriétaire légitime de l'Etat. Elle seule. Et ça recommence! Elle ne comprend pas la nature des choses, elle ne voit pas l'apocalypse, elle ne connaît rien au déclin du pays, elle est résolument optimiste, quelle honte ! disent-ils. Et elle ose être gaie, être belle ! Nous aimons mieux Baverez, disent-ils. Lugubre, mais réaliste. Nous préférons comme président un type un peu vulgaire, un peu court, mais docile, au fond. On lui fera faire ce qu'on veut. Ségolène Royal est raide, je préfère. Elle a des mots simples sans emphase, ordre et justice, je préfère. Elle tâtonne un peu, je préfère. Et elle est féministe, évidemment que je préfère ! Manquerait plus que ça; que l'épreuve soit rude, on s'en doutait un peu. Compter les propriétaires de médias votant pour le candidat de la droite libérale suffit pour s'en assurer. Y ajouter le mépris des élites toujours promptes à se moquer d'une femme, le goût du confort fiscal pointant le nez sous l'avant-garde, l'attrait renouvelé pour celui qui manie le bâton, un désir effréné d'Amérique qui en oublie les libertés, on n'en finirait pas. Les mots sifflent en bourrasque, les cailloux sont aux mains des gamins. Et pourtant, elle résiste. Avec grâce, et sans trop s'émouvoir. Avec l'équilibre de la mouette dans la tempête, fine et pointue. 54/ Françoise Gaspard Sociologue, ancienne maire PS de la ville de Dreux Je voterai pour Ségolène Royal. Parce que c’est une femme ? Ce serait trop court. L’enjeu dépasse le genre auquel appartient chacun des candidats. Mais il serait hypocrite de ne pas prendre la mesure de ce que pèsera, dans les urnes, celui de la candidate du Parti socialiste. Sa personne, son style, ses convictions et ses priorités se confondent pour projeter une image d’espérance : une candidate à l’écoute des difficultés que connaissent les Français et qui entend mettre en œuvre des solutions fondées sur une approche réaliste des problèmes qui plombent notre société. Ségolène Royal, en raison de ce qu’elle dit et ce qu’elle est, incarne l’indispensable renouvellement des mœurs et des méthodes politiques. Elle bouscule le rituel des archéos de droite comme de gauche, celui que les Français, majoritairement, rejettent : les pratiques qui ne changent pas, les erreurs qu’on ne reconnaît pas, la rhétorique qui masque une acceptation du statu quo. Je voterai pour elle parce qu’elle entend revitaliser la démocratie, redonner du souffle à l’ascension sociale, accroître l’égalité des chances par l’école et la formation. Et comment pourrais-je ne pas le dire ? Parce que ses engagements forts en matière d’égalité des sexes me paraissent crédibles. N’est-ce pas d’ailleurs sur ce plan, celui de la confiance qu’inspirent la personnalité, le caractère et les valeurs de la future élue ou du futur élu que va se jouer l’élection ? Plus l’échéance électorale approche, plus je perçois son principal adversaire comme dangereux pour la paix sociale et les libertés publiques, l’image de la France dans le monde. FG 55/ Edmonde Charles-Roux, Ecrivain, membre de l’Académie Goncourt Elle sera, si elle élue, une ambassadrice du naturel. Elle parle avec naturel, ce qui passe pour moi pour une qualité essentielle à la fonction présidentielle. Je ne m’explique pas, qu’en politique, la langue de bois s’impose avec tant de force. Ségolène Royal, elle, pose de vraies questions. Sa proposition, par exemple, de faire encadrer par l’armée les jeunes qui posent problème ne m’a pas choquée. Certes, il n’est pas à la mode de parler de discipline. Mais la jeunesse doit être disciplinée. Soumise à des règles que les parents ne donnent plus. Le camp adverse surexploite les gaffes de Ségolène Royal. Pour moi, c’est un détail. Celles de Sarkozy ont eu des conséquences autrement plus graves. Il faut rappeler qu’il a mis le feu aux banlieues en tenant des propos extrêmement malheureux sur la jeunesse : « racaille » à nettoyer au « karcher » ! Quand on profère de tels mots, preuve d’une incapacité à maîtriser son langage, on n’est pas digne de diriger un pays. Je ne voterai pas pour quelqu’un qui ne s’inquiète pas profondément du fait qu’on peut avoir vingt ans, cet âge magnifique, et ne pas réussir à être heureux en France. Le drame est que si Madame Royal n’est pas élue, nous aurons cet homme dangereux au pouvoir. 56/Rachida Khalil, auteure avec Guy Bedos de « La vie rêvée de Fatna » Ce qui est étonnant, voire fascinant, chez Ségolène Royal, c’est son sourire. Ce sourire permanent qu’elle affiche et qui donne envie d’en voir plus. Oui, moi, je voudrais que Ségolène Royal éclate de rire, vraiment. Qu’on se marre enfin. Qu’une candidate à la présidence de la République ait l’audace de nous prouver que l’humour peut exister en politique. Mais je dois le dire… Moi, cette femme, de gauche, présidente de la République, ça me plairait. Alors oui, je voterai pour Ségolène, je ne m’en cache pas. 57/ Benoîte Groult, Ecrivain et essayiste Je suis stupéfaite de voir apparaître, à l’occasion de cette campagne présidentielle, une telle épaisseur de misogynie. Tous les vieux clichés qu’on croyait enterrés ressortent. Des plaisanteries d’un autre temps, idiotes, grivoises, vulgaires. Même au sein du PS. On dirait des galopins en cour de récréation. « Qui va garder les enfants », a dit Fabius ? Cette femme a été plusieurs fois ministre, elle préside une région, elle été choisie par les fédérations du PS et par une grande majorité des militants, devant deux éléphants, pour représenter son parti à la fonction suprême. Et elle ne vaudrait pas un clou ? Cette misogynie est bouleversante, disproportionnée, déroutante. Elle est contagieuse et semble maintenant atteindre les femmes. Avant Ségolène Royal, Edith Cresson a été massacrée. Royal court elle aussi au massacre. Avec force et dignité. On lui reproche sa naïveté. Hé bien, moi, je trouve cette naïveté rassurante. Ségolène est une sorte de jonquille fraîchement éclose sur un terrain politique mille fois labouré par les hommes. Avec elle, la politique a peut-être enfin une chance d’être rénovée. 58/Laurence Ferrari, journaliste C’est une femme déterminée, pas une illuminée. Elle sait ce qu’elle veut et où elle va. J’ai revu récemment un débat qui l’opposait à Nicolas Sarkozy en 1993. Elle lui a bien tenu tête, avec de l’aplomb et une vraie cohérence. J’ai également consulté des archives de 1988, où elle a osé demandé une circonscription à François Mitterrand ! Il a eu raison de la lui donner : elle l’a emportée. Je suppose que ce culot, cette détermination doivent la rendre autoritaire, c’est fatal. Par ailleurs, elle incarne la liberté, par rapport à ses origines familiales, son compagnon et son parti. Enfin, elle est moderne. Pas mariée et mère d’une famille nombreuse, elle bouscule les clivages. 59/Laure Adler, Historienne et journaliste Le « trou d’air » qu’a subi sa campagne ne m’inquiète pas plus que ça. Il vient de l’attente démesurée qu’elle suscite, mais elle s’en sortira. Déjà à l’époque, dans l’entourage de l’Elysée, tout le monde la trouvait « trop ». Trop opiniâtre, trop médiatique, trop ardente. Mais pour moi, elle a toujours été la digne héritière de Mitterrand. Comme lui, elle aime la politique du préau d’école, et chaque personne compte à ses yeux. Ségolène a toutes les qualités requises pour mener les combats de la gauche. C’est pour cela que je la défends, pas parce que c’est une femme. Elle a commencé sa campagne par un désir d’écoute, de démocratie participative, maintenant il faut qu’elle déverrouille, qu’elle s’appuie sur ses concurrents d’hier, les grands talents du PS. Elle est notre seule et grande chance face à Sarkozy, c’est une évidence. 60/Ariane Ascaride, comédienne Ségolène Royal est une femme très intelligente, pas particulièrement chaleureuse, mais à l’écoute. Elle est surtout une grande bosseuse, et une personne éminemment respectable. J’en ai d’ailleurs un peu marre qu’on fasse des tonnes sur ses soi-disant bourdes alors qu’il est arrivé à tous les hommes politiques d’être, un jour ou l’autre, piégés par un humoriste. On palabre décidément beaucoup sur les anecdotes durant cette campagne, on s’américanise. Heureusement, Ségolène Royal – je ne l’appelle jamais Ségo ou Ségolène – est vraiment une femme politique, elle n’est pas du tout dans la compassion. La preuve, elle encaisse très bien les coups, et ils sont nombreux. Au moins, je suis sûre qu’elle ne s’écroulera jamais. Je souhaite sincèrement qu’elle soit au second tour et plus, qu’elle remporte l’élection. Et avec un électorat qui a tant besoin d’être rassuré sur l’intégrité du personnel politique, cette « vierge » toute blanche pourrait bien avoir sa chance. 61/Michèle Fitoussi, journaliste à Elle Dans un premier temps, j’ai été extrêmement bluffée par la capacité de Ségolène Royal d’aller jusqu’à l’investiture et de l’obtenir sans se laisser trop déstabiliser par tous les commentaires machistes qu’elle a suscités. Le fait que ce soit une femme m’a tout de suite intéressé, c’est vrai. J’ai admiré sa détermination. Moi qui la connais depuis 20 ans pour l’avoir rencontrée lorsqu’elle était conseillère de Mitterrand, je ne lui soupçonnais pas une telle carrure. Elle a pris de l’envergure avec le temps. J’ai senti dès la rentrée 2006 qu’elle allait s’imposer dans le débat politique, ça faisait bien rire mes copains journalistes politiques mais ils ont bien fini par s’incliner. Je ne suis pas mécontente qu’une femme vienne couper le sifflet à tous ces machos mais ça ne suffira pas pour que je lui donne ma voix. C’est le meilleur candidat qui doit gagner, homme ou femme. Ses maladresses ne m’affolent pas plus que cela, l’UMP tient le Bureau des Ripostes et monte tout en en épingle ; mais je suis gênée de ne pas comprendre son projet. Je suis désarçonnée par ce flottement. Quel est le programme de Ségolène Royal ? Je l’attends de pied ferme. 62/ Michèle Dessenne ,militante féministe et altermondialiste, ancienne secrétaire générale d'Attac La féministe que je suis se réjouit de voir enfin une femme revendiquant son point de vue féministe en situation de devenir présidente de la République. L'altermondialiste que je suis apprécie la capacité de Ségolène Royale à faire bouger les lignes : quand elle se met à l'écoute de la population à travers des débats participatifs, certains se gaussent: les caciques de la vieille politique sentent que leur hégémonie est menacée! Les citoyens sont de plus en plus nombreux à vouloir intervenir en politique. Ils ne supportent plus les débats étouffés ou préformatés par les grands pouvoirs : multinationales et leurs lobbies, classe politique, médias. Le combat altermondialiste, et d'abord à Attac, s'est nourri de ce désir citoyen. Ségolène Royal le reprend et le porte, en "femme debout", en phase avec la société. Elle rend leur dignité aux citoyens, elle réhabilite l'idée républicaine abandonnée par la gauche, elle déringardise le concept de Nation; et, en défendant l'intervention de l'Etat et des citoyens, en réaffirmant le poids du politique face à l'économique, elle attaque le libéralisme au coeur. Que lui manque-t-il encore? S'affirmer plus nettement sur le plan international: au-delà de sa défense du codéveloppement, elle devra formuler des critiques plus directes à l'encontre de la Banque mondiale, de l'OMC et de la Commission européenne, ce cheval de Troie du libéralisme. Si elle reste à l'écoute de la population, c'est un message qu'elle pourra sans doute entendre et prendre en compte. 63/Geneviève Delaisy de Perceval Psychanalyste Cette élection ira dans le sens de l’histoire : une « Marianne » en chair et en os à la tête de la France, après Bachelet au Chili, Merkel en Allemagne et d’autres, précédant peut-être Hillary Clinton aux Etats-Unis ! Ségolène Royal n’est pas vraiment née du bon côté du manche – surtout en temps que femme –, elle a pris en main un destin qui était presque tracé d’avance de « mère-au foyer-cathotravaillant à temps partiel » et a écrit sa propre histoire, allant jusqu’à faire citer en justice son pater familias de père qui refusait de financer ses études. Puis, elle a su créer la famille authentiquement moderne que l’on connaît, s’accommodant plutôt bien que mal d’une situation archi-délicate – et totalement inédite en politique – d’un couple à la ville comme à la tribune de l’Assemblée. J’ajoute en tant que psy que j’admire la façon dont, consciemment ou non, elle assume sa bisexualité psychique : tantôt hyper-féminine, tantôt père-sévère. Ma seule crainte est qu’elle se prenne pour un homme politique, homme au sens de vir. C'est-à-dire quelqu’un qui mouline la langue de bois avec une mâle assurance, promettant sans vergogne une chose et son contraire. Je voterai pour elle. Sans état d’âme. 64/Esther Benbassa, Historienne du judaïsme, directrice de recherches au CNRS Malgré ses défauts, Ségolène Royal, en tant que nouvelle icône féminine, pourrait cristalliser un vrai changement, bousculer cette France conservatrice dont les élites se rabougrissent. On ne naît pas président de la République, on le devient. C’est normal qu’elle tâtonne un peu. Je ne pense pas que l’exercice du pouvoir soit foncièrement différent chez une femme. Mais ce qu’elle incarne dans l’imaginaire des Français peut lui permettre d’engager les réformes indispensables à ce pays. Nous sommes fatigués d’attendre. Culture du débat, pluralisme, instauration d’une vraie parité, c’est à elle de jouer maintenant. Bien entourée, elle peut le faire. Qu’une femme comme Christine Taubira la rejoigne, je trouve ça déjà très encourageant. La France mérite de sourire, c’est elle qui doit sortir gagnante de cette élection. 65/ Julie Depardieu, comédienne Ce n’est pas trop tôt qu’une femme se présente comme président de la République. Mais qu’y a-t-il d’extraordinaire ? Déjà, n’importe quelle femme du monde a mille décisions à prendre quotidiennement, pondre des enfants, s’en occuper ou les orienter dans leurs études. Je ne vois donc pas pourquoi elles seraient incapables d’avoir des responsabilités politiques importantes. Contrairement aux hommes qui jouent de leur séduction virile, Ségolène, elle, a une séduction rassurante. Elle nous propose autre chose. Ce qui m’ennuie, c’est qu’il a fallu choisir entre trois candidats. Or, choisir c’est éliminer. Et moi, j’aurai souhaité les voir rassemblés tous les trois. 66/Odette Duriez, député PS du Pas de Calais Ce n’est pas en tant que femme mais en tant que personne de gauche que je soutiens depuis le début Ségolène Royal. L’enjeu de l’élection présidentielle de 2007 est bien un enjeu politique. Quel projet politique veut-on voir aboutir ? Dans cette perspective, Ségolène Royal incarne un réel espoir de changement politique, non seulement dans l’orientation des choix mais aussi dans la pratique politique. Il est urgent de redonner le goût et la confiance dans la chose publique aux français. C’est pourquoi la phase d’écoute actuelle n’est pas du temps perdu : gouverner et agir suppose de savoir aussi écouter, hiérarchiser et arbitrer pour tenir les engagements pris. Ségolène Royal réunit ces qualités d’écoute et saura faire preuve de courage politique pour honorer ses engagements. C’est cet ensemble qui peut permettre de redonner confiance dans la chose publique, dans nos élus. Il est important que les politiques travaillent dans cette perspective en liaison plus étroite avec l’ensemble des Français et des corps sociaux (syndicats, associations). J’ai une réelle confiance en Ségolène Royal pour que, avec l’ensemble des socialistes et des forces de gauche, les vraies préoccupations des Français (réchauffement climatique, pouvoir d’achat, inégalités, emplois, importance des services publics) se voient apporter une réponse de gauche, juste. Je suis certaine qu’en cas de victoire les engagements pris seront tenus. 67/Fabienne Servan-Schreiber, productrice Elle a été brillamment désignée après un débat démocratique. Elle est courageuse, battante, charismatique. Maintenant, il faut qu’elle organise mieux sa campagne pour résister aux attaques 68/Geneviève Fraisse, philosophe et députée européenne L’attitude adoptée par la candidate socialiste m’a immédiatement évoqué une devise. « Je prends mon droit », cette phrase qu’inscrivait comme en-tête à toutes ses lettres une féministe du 19ème siècle sur laquelle j’ai travaillé : Clémence Royer, qui a traduit Darwin en France. Il y a encore énormément d’interdits implicites en démocratie par rapport aux femmes. Et pour s’ouvrir ainsi l’accès au souverain, Ségolène Royal a du « s’autoriser d’elle-même », comme on dit en psychanalyse, et rien que d’elle-même. Sa transgression pourrait enfin faire effet de modèle et ouvrir une ère nouvelle pour les Françaises. ELLES NE L’AIMENT PAS DU TOUT 69/ Alix Girod de l’Ain, journaliste à Elle Il y a un an, j’ai ressenti l’arrivée de Ségolène Royal au premier plan de la vie politique avec ravissement. J’aimais tout. Qu’elle soit une femme. Une jolie femme en plus. De droite de surcroît, quoi qu’elle en dise. Mariée depuis super longtemps, quoi qu’elle en pense (on ne fait pas quatre enfants avec autre chose qu’un mari, croyez-moi). J’aimais aussi qu’elle porte des jupes : c’est bon pour la cause, qu’on associe jolies jambes et cerveau en état de marche. Pour ses idées, rien ne pressait, j’attendais. Les mois ont passé. Pour ses idées, à l’heure où je vous parle, je n’ai pas vu grand-chose. Parallèlement, est montée la sensation d’être prise en otage : femme moimême, journaliste à ELLE qui plus est, ai-je le droit moral de ne pas être béate devant cette néo-madone ? Ce droit, j’ai décidé de le prendre. Donc je le dis sans honte : Ségo m’évoque irrésistiblement Mlle Peluchon, la préfète pète-sec des 5èmes qui, toute l’année de mes douze ans m’a répété avec un grand sourire que j’avais « une couche de paresse à gratter au couteau ». Au delà de tout, son manque d’humour me consterne. Certes, on rit souvent en lisant ses propos. Mais je n’aime pas rire contre les gens, j’aime rire avec eux. C’est l’une des rares valeurs que j’ai conservée de mon éducation catholique. Ségolène devrait le comprendre : elle a reçu la même ! 70/Alina Reyes, écrivain Ségolène Royal est une femme régressive, qui fait appel à une France qui se replie sur les valeurs familiales. Avec elle, c’est le « regressus in utero ». Comme Sarkozy, elle récupère le discours sécuritaire. Elle le fait d’une façon sécurisante, mais très dangereuse et très sournoise avec la démocratie participative. A l’écouter, les Français tiennent à deux choses : le drapeau tricolore et la Sécurité sociale. Elle joue un jeu assez trouble pour récupérer les voix du Front National, qui est un important vivier de voix. D’ailleurs elle a annoncé sa candidature à l’investiture à Vitrolles, ville d’extrême droite reprise par la gauche ! Je ne dis pas qu’elle va appliquer le programme du FN, mais qu’elle veut capter son électorat. 71/ Claire Gallois, écrivain Quand Ségolène est arrivée, j’ai d’abord été très contente. Sa première, et indiscutable qualité, c’était d’être une femme. (La seconde, je la cherche…) Une jolie petite française bon chic, le genre ex- Miss Charente-Poitou, dont la candidature aurait plu en son temps à Mme de Fontenay. Et toujours le sourire. Sauf quand elle rembarre en public la stupide militante qui a eu le culot de l’interroger sur son programme. Ou lorsqu’elle rétorque, indignée, au journaliste qui lui demande son opinion lors de l’attaque d’Israël au Liban : « Vous ne me poseriez pas cette question si j’étais un homme ». Par la suite, nous avons eu, hélas, l’explication de ce mutisme. Son programme, est calqué sur celui de « l’Arlésienne ». L’Arlésienne ne dit rien, car elle n’a qu’une parole. Le mystère c’est : « Laquelle » ? Et pourtant, elle parle, Ségolène. Elle dit : « Moi, quand je me trouve face à un problème, je me demande ce que je ferais s’il s’agissait de mes enfants ». On tremble pour elle. Aurait-elle un fils patronvoyou, un autre chômeur, un malade du sida ? Comment l’aider ? Lui rappeler, peut-être, son modèle, l’Arlésienne, de Bizet, quand le chœur chante : « Jette ton verre, il est empoisonné » 72/Nadine Morano, députée UMP Je n’aime pas l’image réductrice qu’elle fait de la féminité, son côté je suis belle, regardez moi, j’ai trois enfants, sa façon de se faire passer pour une wonderwoman… Ca me bluffe quand on a trois enfants et qu’on est caissière à Mammouth. Mais nous, on n’a pas le droit de jouer cette carte-là. Je me sentirais honteuse de le faire. Après oui, elle est jolie. Elle compte sur le fait que tout est image, c’est mésestimer l’intelligence des Français, ils se rendront compte qu’elle n’a pas de fondation, et que derrière son beau sourire et ses vestes blanches, elle est extrêmement dangereuse. 73/Ovidie, réalisatrice de film X Une femme à l’Elysée, oui mais pitié, pas elle. Pas une candidate dont on ne parle que des tailleurs et des qualités de mère… Pas une femme soi-disant féministe qui accumule les positions réacs et rétrogrades. Je crains qu’une fois à l’Elysée elle interdise le porno à la télé, je ne pourrai plus exercer mon métier. Pour moi, sur les questions morales, elle est pire que Sarko, et pourtant c’est bien ça que nous envoie la gauche : une bonne mère de famille catho.Ca me rend malade. 74/Valérie Pécresse, porte-parole de l’UMP. Son côté « je suis une femme votez pour moi », c’est de la concurrence déloyale. Elle s’approprie la cause des femmes alors même que depuis 5 ans, elle s’en est désintéressée : au Parlement quand on débattait de la violence conjugale par exemple… J’aurais aimé le lui dire dans l’émission Ripostes, mais elle a refusé de débattre avec moi. Elle a un côté sectaire, elle refuse de serrer la main des gens de droite, elle a tourné le dos à l’adversaire libérale de Michelle Bachelet au Chili, comme à Françoise de Panafieu lors de son voyage au Proche-Orient… Quand on n’est pas avec elle, on est contre elle. On ne sait jamais ce qu’elle pense, elle est ambiguë et insaisissable. Mais au moins Ségolène a le mérite d’exister, son arrivée booste toutes les femmes des partis politiques, plus personne désormais n’ose dire que la politique est une affaire d’hommes. 75/ Cadyne, porte parole de l’association « Les Putes » Si c’est elle le visage du nouveau féminisme, on est mal barré. Elle a tellement intégré le sexisme ambiant qu’elle joue à fond le stéréotype de la femme. Je n’ai rien contre les mères la pudeur à condition qu’elles respectent la liberté des autres. Mme Royal fait partie de l’élite dominante de la société, pour elle la prostitution est forcément un esclavage. Elle a une vision totalement rigide et théorique du sexe et des rapports humains. Quand elle a déposé son projet de loi sur la pénalisation des clients, on a essayé de la rencontrer, de lui expliquer qu’on pouvait se prostituer par choix. Tous nos appels sont restés lettre-morte, alors ses grands débats sur la démocratie participative, ça nous fait doucement rire. 76/Marielle de Sarnez, secrétaire nationale de l’UDF Député européen Ségolène Royal, il y a un moment où il faudra arrêter de la regarder comme une femme et d’en faire tout un plat. On ne va pas passer tout l'hiver dessus! C’est vrai qu’elle cristallise le débat autour de la parité, un vrai problème dans la politique française. A peine 12% de femmes à l’Assemblée, un taux archaïque, révoltant ! La seule façon de faire une assemblée paritaire, c’est de changer le mode de scrutin, ce que nous voulons faire à l'UDF. Quand on a des députés majoritairement hommes, ils ne représentent pas la nation, et cela accentue la fracture politique. Alors, c’est vrai qu’on a besoin de femmes en politique, mais on a aussi besoin de jeunes, d’handicapées et de personnes issues de l’immigration. La photo de groupe de l'Assemblée Nationale est une vraie tragédie! Ségolène Royal, je l’ai rencontrée au Parlement européen à une réunion des Présidents de région. En tant que secrétaire générale du Parti démocrate européen, je lui ai dit deux ou trois choses sur l’Europe. J’avoue que j’ai été surprise par sa réponse : elle nous a fait un petit cours sur l’Europe, on aurait dit qu’elle l’avait appris par cœur ! Ca m’a attristée qu’elle ne fasse pas plus de cas de l'Europe. Ce jour là, elle m’a profondément déçue. Il n’y a aucune générosité chez elle. Et, plus grave, je ne vois pas ses convictions. Quand je l'ai vue pendant son voyage en Chine, je n'en ai pas cru mes yeux! Je n’imaginais pas que ce soit possible qu'une candidate à la présidentielle se déplace en voyage organisé par le PCC! Elle fait un peu dans l’impressionnisme. C’est joli mais très flou. 77/Christine Boutin, député Je regrette de ne pas connaître davantage Ségolène Royal, mais franchement, en tant que collègue parlementaire, elle n’existe pas, comme nous n’existons pas pour elle. Quand elle est devant vous, son regard est ailleurs. Ses compétences, ce n'est pas à l'Assemblée Nationale que je les aie vues en tout cas ! Ce qui m’effraie chez Ségolène Royal ? Son insoutenable légèreté de l’être, qu’on a constatée pendant son séjour à Pékin. Quand je me suis présentée en 2002, j’avais une équipe autour de moi. J’imagine, ou j’espère que ça doit être pareil au PS, alors pourquoi n’écoute-t-elle pas ce qu’on lui dit ? En tant que femme politique, j'ai connu des difficultés, comme tout le monde. Quand on choisit de faire de la politique, on sait qu’on en prendra plein la figure. Mais les hommes aussi se font taper dessus ! Nous, les femmes, on joue les saintes Nitouche mais derrière, on ne fait pas de cadeau. Cela dit, je n'ai jamais vu une personnalité susciter autant la colère que Ségolène Royal au sein même de son parti ! On se demande ce qu’elle leur a fait… Ce n’est pas sa féminité qui me choque chez elle, plutôt le commerce qu’elle en fait, qui me blesse en tant que femme et ne me dit rien qui vaille pour la suite. Si elle est élue, il ne faudrait pas que ses échecs fassent reculer la cause des femmes, comme c’est arrivé à Edith Cresson quand elle était Premier ministre. Ce serait très dangereux pour nous toutes. Ségolène Royal a une responsabilité majeure pour défendre la cause des femmes, ce serait regrettable qu’elle abîme cette cause en réduisant les femmes à une image, une esthétique lisse. Hier, j’étais à une galette des rois, et un boulanger m’a dit : « On se trompe d’élections ! Ce n'est pas Miss France qu'on va élire! » 78/ Catherine Vautrin Ministre délégué à la Cohésion sociale et à la parité Ségolène royal est une femme. Mais ce n’est pas parce que Ségolène Royal est une femme qu’elle est la plus prompte à défendre la cause des femmes. Ségolène Royal, haut fonctionnaire, s’est engagée en politique depuis plus de 20 ans. Pour autant, qu’a-t-elle fait pour la cause des femmes ? Quels sont ses engagements sur ce sujet ? Quels sont ses actes ? Comme beaucoup d’entre nous, j’ai entendu des déclarations d’intentions en novembre dernier pour lutter contre les violences faites aux femmes. Mais où était Ségolène Royal, en avril dernier, lorsque les députés ont voté à l’unanimité une loi pour combattre ces violences ? Où était Ségolène Royal, l’hiver dernier, lors de la discussion sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ? A aucun moment nous ne l’avons vue, entendue, participer au débat. A aucun moment nous n’avons eu de propositions d’amendement de Ségolène Royal au moment où, précisément, nous cherchions à améliorer la place des femmes dans notre pays. Une fois encore, où sont les actes ? Par respect pour toutes celles qui, au quotidien, s’engagent, militent, font voter des lois, méfions-nous, Mesdames, de celles qui découvrent la cause des femmes le jour où elles deviennent candidates. La cause des femmes ne peut pas se résumer à quelques discours de circonstances, simplement le jour où une candidate mesure que les femmes représentent 50% des électeurs de notre pays. 79/Roselyne Bachelot, serétaire générale adjointe de l’UMP Je suis la femme number one de l'UMP. Je ne fais pas partie de la troupe de santons autour du petit Jésus . 80/Caroline Fourest , journaliste et essayiste (*) En tant que femme, je ne pense rien de Ségolène Royal. Comme citoyenne, une seule chose m’obsède: a-t-elle une vision de la France antidote à celle de Nicolas Sarkozy ? Jusqu’à présent, en matière de laïcité, de lutte contre l’intégrisme et le racisme, concernant les violences policières ou la construction d’un projet pour les quartiers populaires, elle ne m’a pas convaincue de voter « utile ». Ségolène Royal se définit comme une féministe ? Tant mieux – et tant mieux pour elle : être une femme la protège plutôt. Mais j’ai peur que, pour le moment, son féminisme affiché soit un argument pour masquer l’absence de programme. Je suis un peu lasse de l’entendre parler des violences faites aux femmes; j’aimerais l’entendre sur les violences policières, qui sont en train de désespérer toute une génération rejetée par la République, renvoyée à la délinquance ou à l’islam intégriste. (*) Dernier ouvrage paru : « Le choc des préjugés », Calmann-Lévy 81/Houria Bouteldja , Membre-fondateur des « Indigènes de la République » En tant que féministe, je me sens solidaire d’elle quand on l’attaque en dessous de la ceinture. Ceci dit, je considère politiquement Ségolène Royal comme une adversaire. Aux yeux des « Indigènes de la République », elle est dans la droite ligne du PS. Un parti qui a trahi les gens des quartiers depuis Mitterrand, en ne tenant pas ses promesses sur le vote des immigrés, en cassant l’émergence de vrais leaders issus de l’immigration, à travers des machines de guerre comme « SOS-Racisme ». Son féminisme me semble d’autre part assez peu réfléchi et démagogique. Dans une récente intervention à l’espace Japy, le 13 novembre dernier, elle mettait sur un même plan les femmes voilées et les femmes violées. Ce n’est pas acceptable. Il est certain qu’une femme président de la République, ce serait une vraie avancée. Mais pour nous, ce ne peut pas être elle. 82/ Elisabeth Morin présidente UMP de la Région PoitouCharentes avant Ségolène Royal C’est une femme qui ne ressemble pas à son image médiatique. Le décalage est total. Derrière son éternel sourire, il y a une femme dure. Derrière la femme qui prône les débats participatifs, il y a une femme de pouvoir personnel. Derrière la femme de gauche, il y a quelqu’un qui ne sait pas travailler en équipe, y compris avec ses vice-présidents de gauche. Elle est incapable de dialoguer avec les différents acteurs du territoire. Je décèle chez elle une véritable duplicité. Tout son jeu est de cacher ce qu’elle est profondément : une personne autoritaire, violente même. Je lui accorde d’être travailleuse, mais elle ne travaille pas le fond des dossiers, uniquement son image. 83/Françoise de Panaffieu, député maire du 17° Quand Ségolène Royal a émergé, ça a fait du bien : les Françaises pouvaient se présenter à la présidence de la République au même titre que les Français. Aujourd’hui, les choses ont évolué : quelle est la nature de son projet ? On ne sait toujours pas. C’est une image, floue dans l’esprit des Français. On se prépare à une candidature comme celle-là : elle donne le sentiment de ne pas s’y être préparée. Les débats participatifs, il fallait les faire avant, pas maintenant. Je suis aussi frappée par son sectarisme : elle a refusé de me serrer la main dans un hôtel de Jérusalem au prétexte que j’avais critiqué son voyage au Liban. Cela fait partie de sa personnalité : elle avait refusé de serrer la main de l’adversaire de droite de Michelle Bachelet au Chili ; et Dominique Bussereau, le ministre de l’Agriculture qui est de sa région, m’a assuré qu’elle n’avait jamais serré la main d’un élu de l’opposition en Poitou-Charentes. Comment peut-on espérer rassembler au-delà de son parti quand on n’est pas capable de dialoguer avec les autres ? 84/Annick Coupé, porte-parole de l’Union syndicale solidaire : Ce que je vais dire est complètement contradictoire. Evidemment, la possibilité pour une femme d’accéder à la présidence de la République est tout sauf anodin. En la matière, la France est assez réactionnaire. Le fait même que la candidature d’une femme fasse débat, c’est symboliquement fort. Mais je juge aussi le programme. Il est social-libéral mou. Faire de la politique, c’est proposer des mesures, ce n’est pas seulement écouter le peuple. Regardez ses absences de prises de positions sur des problèmes qui concernent les femmes. Prenez le travail à temps partiel. 80 % des femmes le subissent et voudraient travailler à temps plein. Dans les propositions de Ségolène Royale, il n’y a pas un mot sur ce sujet. Rien non plus sur les retraites, et l’abrogation de la loi Fillon de 2003, alors que là aussi, près de 80 % des retraités pauvres sont des femmes. Je pourrais remplir au moins une page de votre journal avec mes critiques … 85/Catherine Millet, Ecrivain, rédactrice en chef d’« Art Press » Il est absolument certain que je ne voterai pas pour Ségolène Royal. Le point de départ de mon jugement sur elle remonte à l’époque de la « circulaire Royal », lorsqu’elle était secrétaire d’Etat à l’Education nationale. Cet appel à la dénonciation des instituteurs pédophiles avait conduit à de nombreux non-lieux et suicides. On aurait pu trouver d’autres moyens de lutter contre ça, sans faire autant de victimes innocentes il me semble. Sur tous les sujets qui me tiennent à coeur, que ce soit les mœurs ou la liberté d’expression, elle me semble dangereuse. Pour moi, c’est une « robespierrette ». Récemment encore, je l’entendais dire que la société repose sur la morale. Ce pays n’a pas besoin d’une « maman » pour lui faire la morale, il me semble. Je préfère encore l’hypocrisie bourgeoise ordinaire à ces gens assurés dans leurs convictions, et qui veulent les imposer aux autres. 86/Brigitte Lahaie, ex-star du X, animatrice sur RMC. Ségolène, la femme idéale ? Pas du tout. Pour moi, la femme idéale est celle qui est capable de se démarquer de la mère. Or, chez Ségolène Royal, c’est l’image de la mère qui prime sur celle de la femme. En plus, elle a des prises de position réactionnaires. Elle a par exemple manifesté son désaccord avec mon émission. Cela dit, c’est une femme qui peut accéder aux plus hautes responsabilités. C’est dans l’air du temps. Mais est-ce à dire qu’elle est la plus qualifiée des dirigeants de la gauche ? Je ne le pense pas… 87/ Nicole Lattès, éditrice Ségolène Royale ne me semble pas à la hauteur. Et je le regrette infiniment. J’étais enchantée qu’une femme soit en position d’être élue à l’Elysée. Simplement, j’aurais aimé un programme. Elle passe son temps à ne rien dire, ou à gaffer, à faire des signes de la main, à sourire. Je pense qu’elle est responsable, même si elle n’est pas la seule, de cet affligeant début de campagne qui ressemble à une annexe de la Star Academy. Elle en a accentué le côté superficiel. Elle me donne l'impression de ne pas en revenir d'être arrivée à être la candidate du PS, et d'en être encore éberluée. Je crois pourtant que les femmes peuvent beaucoup apporter dans les affaires ou en politique : elles se laissent moins griser par la puissance. Elles sont plus dans « le faire ». On le voit bien avec Ségolène. Seulement la question que l’on se pose aujourd’hui à son sujet, c’est « faire », d’accord, mais « faire quoi » et « comment » ? 88/Régine Desforges, écrivain Ségolène Royal ne représente pas, pour moi, la candidate idéale de la Gauche à l’élection présidentielle. Car, rien dans ses propos n’est convainquant ni réaliste : faire campagne sur les femmes battues, c’est sympathique mais ne donne aucune indication sur son programme politique. De plus, une chose m’étonne et m’inquiète : pas un mot sur la culture ! Elle n’est pas la seule des candidat(e)s, hélas, à avoir oublié que, sans culture, un peuple n’est pas à même de connaître et de comprendre ses droits et ses devoirs, ni de se situer dans la continuité de son histoire. Or, un peuple sans mémoire n’est qu’un moulin à vent qui tourne au gré de la brise ! Le peuple français mérite mieux que de vagues intentions de gouvernement. Il veut pour président quelqu’un qui le représente, tant en France qu’à l’étranger, qui ne lui cache pas la vérité sur les difficultés qui l’attendent face à une mondialisation galopante. Il veut de la hauteur, pouvoir se sentir fier d’être ce qu’il est et revendiquer haut et fort de se trouver à l’origine des Droits de l’Homme. Il veut que les trois mots qui s’inscrivent aux frontons de la République, « Liberté, Égalité, Fraternité », ne restent pas vides de sens mais figurent l’exacte représentation de ses aspirations et le rendent fier d’être français. 89/ Virginie Despentes, Ecrivain Quand Sarkozy réclame la police dans l’école, ou Royal l’armée dans les quartiers, ce n’est pas une figure virile de la loi qu’ils introduisent chez les enfants, mais la prolongation du pouvoir absolu de la mère. Elle seule sait punir, encadrer, tenir les enfants en état de nourrissage prolongé. Un état qui se projette en mère toute-puissante est un Etat fascisant. King Kong Théorie, Grasset 2006. 90/ Michèle Aliot-Marie Je suis la seule à pouvoir battre Ségolène Royal (Le Figaro 10/10/2006) ELLES L’AIMENT A LA FOLIE 91/Antoinette Fouque, militante féministe, essayiste Mon regard sur Ségolène est celui de la gratitude, de l'amour non ambivalent d'une mère pour sa fille d'élection, sa contemporaine. Depuis septembre 2005, elle est, pour les militantes de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, la candidate de la Raison et du Cœur. Lucide et discipliné, son Parti l’a confirmé. Il ne saurait lâchement la désavouer sans porter atteinte à l’honneur de ses électeurs et électrices. Les pédants analphabètes, parlent de « trous d’air ». N’entendent pas sa langue. Refusent sa manière, sa méthode. Ils feraient bien de l’écouter, de se cultiver, de lire davantage. Par exemple, ce poème de Rilke dans « Pourquoi des poètes en temps de détresse? »1. Il s’intitule « gravitude ». Ils trouveraient la réponse à cette question : «Pourquoi des femmes en temps de détresse ?». Pourquoi cette femme ? Cœur battant d’un plus large cercle, elle est l’incarnation, la représentation, la symbolisation de Marianne, de la République et de la France. Fin de l’Etat monarchique, viril et unisexe. Révolution de soi(e). Ouverture sur une VI ème République, paritaire et démocratique. A nous, hommes et femmes responsables, de lui donner la force et le courage de peserpenser le risque, pour qu’elle parvienne où elle en a pouvoir. Directrice des éditions des femmes 92/ Edith Cresson, ancienne premier ministre Je l’ai rejointe il y a un an, Ségolène. Enfin une femme qui connaît le terrain, et qui s’occupe des questions qui préoccupent les Français. Une fille qui a compris qu’il fallait sortir de ce petit cercle parisien qui fait la loi et qui plante tout… Ils n’ont pas été tendres avec moi. Colombani écrivait dans Le Monde que mon arrivée à Matignon était une catastrophe. Certains ont ricané quand elle a présenté sa candidature, maintenant ils se taisent, elle est élue, elle a sa légitimité. Ségolène, c’est la révolte de la base contre le sommet. 93/ Anne Zelinsky, écrivain, féministe, signataire du manifeste des 343. J’ai adhéré au Ps pour la première fois de ma vie à cause de Ségolène. Parce que c’est une femme, et que, il n’y a rien à faire, ça change la donne. Avec sa désignation, on a avancé de dix ans, si elle est présidente on va avancer de 30 ans. Elle me fait du bien, avec elle on sort de cette période de régression, de bas résilles et de porte jarretelles, est un contre exemple de la bimbo seins siliconés. Une femme avec un homme qui ne la freine pas, ils ont quelque chose de Sartre et Beauvoir. Merde, c’est comme les Noirs avec Martin Luther King, elle nous redonne une dignité. 1 Cité par Heidegger, dans « Chemins qui ne mènent nulle part », Tel Gallimard, 2004, p : 339 94/Yvette Roudy, ancienne ministre des droits de la femme J’ai remarqué Ségolène Royal quand elle a sorti son texte sur le congé de paternité. J’ai trouvé ça malin et astucieux. Elle est d’une autre génération, nous n’avons pas la même culture, elle n’a jamais milité, n’a pas cherché à savoir d’où venait cette inégalité….Nous n’avons rien à voir mais elle m’a rajeunie de vingt ans. Avec elle, c’est un féminisme de type nouveau, concret, responsable, très pragmatique. C’est scandinave et mitterrandien. Elle a compris que celles qui faisaient de la politique comme les hommes perdaient tout. Elle n’est pas dans le moule elle est hyperféminine, belle et élégante. Pour elle, il n’y a pas de petits sujets, les questions de garde d’enfant ou d’organisation sont aussi des questions politiques… Il n’y a qu’elle qui peut faire ça, parler aux gens si simplement, parler plutôt de la vie chère que du pouvoir d’achat, ça m’amuse, ça me ravit… Elle bouscule tout, elle aime beaucoup la comparaison avec Jeanne d’Arc, une fille simple persuadée d’avoir une mission. Ils vont tout faire pour l’abattre mas elle a du caractère, elle tiendra le coup. Et puis elle a un compagnon épatant, il fait le pare-choc, elle n’aurait pas réussi sans lui. 95/Sarah Oussékine, présidente de l’association Voix d’elle rebelle. Elle est née un 22 septembre, moi un 23, c’est comme une grande sœur… Une grande sœur bionique, elle doit avoir une sacrée force physique et mentale. Quatre grossesses, quatre accouchements, elle est fraîche comme une rose, et sa façon de mettre à plat tous les hommes politiques de droite comme de gauche.. Elle me renforce dans ma conviction que les femmes sont beaucoup plus fortes. Et puis, si elle est élue, on aura, avec François Hollande, le premier homme de France, et ça c’est une vraie révolution. 96/Rougui Dia, chef de cuisine du Pétrossian. La première fois que je l’ai vue, c’était en mai dernier. Elle était venue dîner incognito avec son compagnon François Hollande au Pétrossian. J’ai tout de suite été frappée par sa beauté et sa présence : un visage lumineux, un joli sourire, une classe incroyable, elle était éblouissante ! On aurait dit une petite fée, beaucoup plus belle en réalité qu’à la télé. C’est une grande dame. Je suis très admirative de tout ce qu’elle fait pour s’affirmer. Tout le monde la soutient maintenant, mais tout peut s’écrouler du jour au lendemain, et c’est là qu’elle devra faire ses preuves, montrer ce qu’elle a dans le ventre. Si j’avais un seul mot pour la décrire ce serait « mère courage ». Les personnes qui ne voient d’elle que son côté sec et autoritaire ignorent ce que c’est que d’avoir des responsabilités. Je suis bien placée pour le savoir. Si l’on se montre trop compréhensive ou trop souriante, c’est considéré comme de la faiblesse. On n’a pas le droit à l’erreur ! 97/ Christiane Taubira, députée de Guyane La première fois que je l'aie vue de près, c'était à l'Assemblée en 1993. Je venais d’être élue. Mes toutes premières impressions furent qu’elle était efficace et froide, comme beaucoup d’autres députés PS. D’ailleurs, ça ne correspondait pas à l'idée que je me faisais de la gauche. Depuis, je la trouve de plus en plus efficace… On a reproché à Ségolène des tas de choses : une image contreproductive quand elle a posé à la maternité avec ses enfants pour Paris Match par exemple. A l’époque je ne comprenais pas en quoi cela pouvait déranger, mais maintenant, avec le recul, je pense que je n'ai pas été assez présente pour mes quatre enfants! Pourtant, c'est paradoxal: à compétences égales, je préfère recruter une femme! Ségolène est tenace contre vents et marées, elle a pourtant avalé beaucoup de couleuvres. Elle est d’une grande maturité et d’une grande subtilité. Elle a compris ce qu’elle ne pouvait pas vaincre ! Et c’est ça qui dérange, car ce sont des qualités réputées masculines tout en restant extraféminine dans son apparence! Quant à sa coquetterie, elle est à égalité avec celles de certains hommes politiques qui astiquent jusqu’au bout de leurs chaussures sans qu'on en fasse tout un plat! Oui, elle est belle, mais ce n’est pas "Sois belle et tais-toi!". Et qui préfèrerait des candidats laids? Des femmes de son acabit, il n’y en a pas beaucoup: il y avait Martine Aubry, mais elle n’a pas soigné sa silhouette… Quant à MAM, elle est réputée pour avoir les plus belles jambes du gouvernement. Mais c’est dommage, on ne les voit pas, elle ne porte que des pantalons! A une réunion de femmes dans l’hémicycle du Sénat, Ségolène Royal avait raconté une petite anecdote : un jour, elle était rentrée dans une salle pleine d'hommes et quelqu'un avait lancé : « Voilà la vache folle ! » Elle avait alors répondu : « Vaut mieux une vache folle qu’un vieux cochon ! ». Nous avions beaucoup ri . 98. Yamina Benguigui, réalisatrice Un matin, presque sur la pointe des pieds, Ségolène Royal a émergé dans un univers où les préjugés, liés au conformisme et à la reproduction à l’identique, ont la peau dure. Elle s’est avancée, Minerve moderne, armée de cette force incroyable, quasimystique, qui n’appartient qu’à elle, pour prendre un bastion jusque-là réservé aux hommes de son parti. Je n’oublierai jamais la traversée sereine de cette figure de proue, franchissant calmement les tempêtes, faisant fi des insultes qui tentaient de la renvoyer avec mépris à son statut de femme, et qui nous atteignaient toutes, de plein fouet. Je n’oublierai jamais sa montée vers cette première marche qui fait d’elle, quelle que soit l’issue, un modèle précieux d’identification. Je n’oublierai jamais la puissance de sa victoire, plébiscitée par une écrasante majorité, le rayonnement d’un sourire qui confirmait l’avancée des combats de toutes les femmes et qui faisait voler en éclats le plus tenace des tabous : une femme, Présidente de la République Française. Aujourd’hui, une femme, une mère, une candidate, Ségolène Royal, nous a entraînées définitivement dans son sillage, de l’autre côté du miroir, là où tout est devenu possible, car la brèche qu’elle a ouverte ne se refermera jamais. 99/ Dominique Rolin, écrivain Je suis tout à fait pour elle. Primo parce qu’elle est belle, elle est d’une beauté déconcertante. Je trouve son visage absolument étonnant. Il y a évidemment ces défaillances de mots, enfantins presque, mais elle dégage une fraîcheur et une vérité qui me plaisent. Ceux qu’on nous propose sont bavards, ambitieux, étriqués. Ils n’ont pas besoin d’air pur, elle si. Elle me fait penser à un oiseau de mer très souple. La France est un pays splendide, or on y laisse s’épanouir le drame. Des gens ne trouvent pas à se loger et meurent dehors, c’est monstrueux. Le miracle pourrait venir d’elle plus que de tous ces bonhommes lamentables qu’on nous présente. » 100/ Catherine Breillat , réalisatrice Si c’était une actrice de cinéma, ce serait une héroïne d’Hitchcock. Je la vois très bien dans « les Oiseaux » avancer, droite, sous l’attaque des corbeaux noirs au bec pointu. Je lui trouve aussi un côté Hatshepsout, cette reine d’Egypte qui régna non comme une pharaonne, mais comme un pharaon. Ségolène Royal est une femme étincelante, une flèche de cristal. Elle n’a pas les allures d’homme et de majordome d’Alliot-Marie. Même si elle ne va pas à l’Elysée, le seul fait qu’elle ait été préférée aux vieux crocos socialistes et qu’elle se présente aux présidentielles, est une révolution en soi. Je trouve d’ailleurs formidable l’attitude de François Hollande. Ca aussi, c’est une première. Il est l’homme. Il est le compagnon de la championne, mais il n’est pas ridicule. Il n’est pas au service de sa femme, mais il la défend. En fait de candidats, jusqu’ici, on ne nous proposait que des hommes, alors je ne votais pas. Cette fois, je voterai.