Mesure et inversion de l`ellipticité des ondes de surface

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Mesure et inversion de l`ellipticité des ondes de surface
6ième colloque GEOFCAN – 25-26/09/2007 – Bondy, France
Mesure et inversion de l'ellipticité des ondes de surface:
amélioration des méthodes de type MASW.
M. WATHELET(1), C. CORNOU(2), P.-Y. BARD(3)
(1)
LGIT, CNRS, UJF, Grenoble, France
LGIT, IRD, CNRS, UJF, Grenoble, France
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LGIT, LCPC, UJF, Grenoble, France
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Abstract
The classical surface wave methods are usual facing a problem of lack of resolution at depth. This
is highly linked to the source energy content and to the soil structure itself. At an additional but
very low cost, ambient vibration techniques can drastically improve the sub-surface imaging. In this
work, the ellipticity of surface waves, measured by wavelet transforms, is exploited in a joint
inversion together with the high frequency part of the dispersion curve. Both approaches
complement each other and offer a quite good constrain over the shear wave velocity profile.
Introduction
Les méthodes de prospection de type « Ondes de surface », d'usage de plus en plus répandu en
géophysique appliquée, sont basées sur les propriétés dispersives des ondes de surface se
propageant dans un milieu stratifié plan. Les hétérogénéités de vitesse sismique en profondeur
engendrent des ondes de surface se propageant à des vitesses variant avec la fréquence (courbe de
dispersion): les ondes de grande longueur d'onde pénètrent plus profond à l'intérieur du massif et
sont donc plus influencées par la structure profonde que les courtes longueurs d'onde. Le processus
d'interprétation des enregistrements d'onde de surface se divise en deux étapes: la détermination de
la courbe de dispersion et l'inversion de celle-ci pour obtenir la variation de vitesse Vs en
profondeur (profil de vitesse des ondes de cisaillement).
Les ondes de surface sont généralement produites à partir de sources conventionelles, les même que
pour la réfraction sismique: marteau, explosif,... Celles-ci produisent une excitation de la structure
dans une gamme de fréquence limitée, descendant rarement en dessous de quelques Hz (limite aussi
modulée par les capteurs utilisés et par la structure elle-même). La profondeur d'investigation étant
liée à la plus grande longueur d'onde excitée, pour augmenter la profondeur d'investigation, il est
important de disposer d'une source suffisamment énergique à basse fréquence. Cette contrainte
impose souvent la mise en oeuvre de dispositifs lourds (camion vibreur, augmentation de la charge
explosive,...), qui en zone urbanisée ne sont pas tolérés. De manière alternative, il est possible
d'exploiter les sources naturelles et anthropiques qui composent le champ d'onde des vibrations
ambiantes. Ces techniques de « sources passives » (par opposition aux « sources actives »
précédemment décrites) sont l'objet d'un intérêt très marqué de la communauté scientifique en
géophysique et en sismologie principalement depuis quelques années (p. ex. projet européen
SESAME, http://sesame-fp5.obs.ujf-grenoble.fr).
Les vibrations ambiantes sont analysées classiquement de deux manières distincts: la méthode H/V
et les réseaux. Seule la seconde méthode permet de déterminer de manière directe la courbe de
dispersion des ondes de surface. L'enregistrement en réseau requiert un matériel spécifique et
coûteux : une dizaine de capteurs sismologiques courte période (p.ex. 0.2 Hz de fréquence propre),
stations d'acquisition longue durée, synchronisation GPS,... A contrario, la méthode H/V (rapport
spectral des composantes horizontales et des composantes verticales) se limite à l'enregistrement
des trois composantes du mouvement sismique pour un seul capteur. La mesure peut être répétée en
différents points pour quantifier les variations spatiales.
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Des études récentes (Bonnefoy et al. 2006) ont montré que la forme de la courbe H/V est
principalement influencée par les propriétés des ondes de surface de Rayleigh (polarisation P-SV)
pour des sources proches et superficielles (généralement le cas pour les vibrations ambiantes). Le
rapport H/V expérimental ne peut cependant pas être directement comparé à l'ellipticité théorique
des ondes de Rayleigh (rapport entre les composantes horizontale et verticale pour une onde de
Rayleigh pure). En effet, en pratique, le rapport H/V englobe une part non négligeable d'ondes de
Love (polarisation SH) qui biaisent la mesure. Fäh et al. (2001) ont proposé de corriger la valeur du
H/V expérimental par un facteur uniforme en fonction de la fréquence et dépendant du rapport
énergétique entre les ondes de Rayleigh et de Love. Moyennant cela, il est possible de comparer la
courbe de H/V avec l'ellipticité théorique et de mener une inversion du profil de vitesse. Par contre,
il n'existe actuellement qu'un seul moyen de mesurer le rapport énergétique entre les ondes de
Rayleigh et de Love: les réseaux de bruit de fond que nous cherchons précisément à contourner.
Une solution, suggérée par Fäh et al. (2001), consiste à calculer le rapport H/V uniquement pour des
évènements particuliers constituant le champ d'onde ambiant, porteurs exclusivement d'onde de
Rayleigh. Cela est mise en oeuvre dans ce travail (logiciel Geopsy, http://www.geopsy.org) grâce à
une transformée en ondelettes, qui offre une décomposition à la fois en temps et en fréquence. Cette
approche a été validée pour des cas synthétiques de bruit de fond.
Nous proposons, dans ce travail, une approche hybride associant les résultats d'une prospection
d'onde de surface active avec une mesure de vibrations ambiantes type H/V mais interprétée au
moyen d'une transformée en ondelettes. La méthode est appliquée sur un site comportant une faible
épaisseur de sédiments (une dizaine de m de dépôts alluviaux: limons argileux et graviers) reposant
sur un substratum rocheux (schistes houillers): plaine alluviale de la Meuse à Liège, Belgique.
Ondes de surface actives: limitations
Deux dispositifs de sismique réfractions de 60 m de longueur chacun, se croisant au centre du site,
ont été utilisés pour l'enregistrement des ondes de surface actives. L'interprétation des premières
arrivées d'onde P a montré la présence d'une nappe à environ 4 m de profondeur (en accord avec la
hauteur de la rivière situé à proximité du site). La vitesse d'onde P est de l'ordre de 400-500 m/s en
surface, avec très peu de variations latérales (géométrie quasi 1D). A 20 m de l'extrémité de chacun
des profils de réfractions, des tirs offsets au marteau et à l'explosif (poudre noire) ont été enregistrés
(8 tirs au total). Les résultats sont tous très cohérents entre eux. La valeur moyenne et son écart-type
est présenté à la figure 1c (courbe noire entre 12 et 38 Hz).
La technique d'inversion utilisée est celle implémentée par le logiciel Dinver
(http://www.geopsy.org) basée sur une modification du Neighbourhood Algorithm (Sambridge
1999). Les limites sur les profils Vp sont imposées par notre connaissance a priori (vitesse en
surface, position de la nappe). La plus grande longueur d'onde disponible est de 20 m (240 m/s à 12
Hz). Par conséquent, une profondeur de pénétration maximum sur Vs de l'ordre de 6-7 m est
cohérente avec la règle communément admise de un tiers de la longueur d'onde.
Apport de l'inversion conjointe source active-ellipticité
L'inversion conjointe de l'ellipticité apporte-t-elle une information complémentaire et permet-elle de
mieux résoudre la structure en profondeur? De façon préliminaire, l'ellipticité théorique est calculée
pour les meilleurs modèles de la figure 1, ayant un misfit inférieur à 0.4. A la figure 3, celles-ci sont
comparées à l'ellipticité déterminée de manière expérimentale et à la courbe H/V classique. A faible
profondeur (inférieure à 6 m), le modèle de vitesse est très bien contraint par la courbe de
dispersion. Par conséquent, la valeur de l'ellipticité à haute fréquence est certainement correcte. Au
dessus de 12 Hz, les deux ellipticités (recalculée et expérimentale – courbe noire avec barres
d'erreur) ont des niveaux comparables, à l'opposé du H/V classique (courbe pleine entourés par les
courbes tiretées -- écart-types) situé à un facteur constant de 1.5 au-dessus, probablement lié au
rapport d'énergie entre Love et Rayleigh. A basses fréquences, proches de la fréquence de
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résonance (5.2 Hz), les ellipticités recalculées ne sont pas correctes (amplitude et valeur de la
fréquence du pic), montrant l'intérêt d'une inversion conjointe.
La courbe expérimentale n'est inversée qu'à proximité du pic H/V (entre le pic et trou de la courbe
d'ellipticité), là où l'énergie des ondes de surface de Rayleigh est la plus importante. Au droit du pic
et du trou, les composantes verticale et horizontale de l'onde de Rayleigh, respectivement,
s'annulent, donnant cette forme particulière à l'ellipticité. Comme l'une des deux composante
s'annule, les effets des autres types d'onde (onde de volume et de Love) deviennent prépondérants,
introduisant un biais non négligeable dans la mesure. La courbe d'ellipticité n'est donc conservée
qu'entre 6 et 9 Hz. C'est également cette portion qui est inversée par Fäh et al. (2001). La fréquence
du pic H/V est également inversée ici.
Avec des poids identiques pour la courbe de dispersion, l'ellipticité et la fréquence du pic H/V, un
misfit composite est utilisé dans l'inversion conjointe. Les profils Vs inversés sont présentés à la
figure 2a. Les courbes de dispersion et d'ellipticité correspondant à ces profils apparaissent aux
figures 2b et 2c. Les courbes en noir correspondent dans chaque cas à la contrainte utilisée lors de
l'inversion. Les valeurs de misfit étant de nature différentes, elles ne peuvent pas être directement
comparées entre elles pour les figures 1 et 2. Les palettes de couleurs sont choisies de manière à ce
que les zones rouges recouvrent l'intervalle défini par les écarts-type.
Il apparaît clairement que l'introduction de la contrainte d'ellipticité réduit fortement la non-unicité
en profondeur. Si en-dessous de 8 m de profondeur aucune conclusion ne pouvait être déduite de la
figure 1, dans le cas de la figure 3, la vitesse de cisaillement augmente sensiblement aux environs
de 10 m de profondeur de 225 m/s à près de 400-500 m/s vers 13 m de profondeur. Cette
observation est en parfaite concordance avec les forages situés aux alentours (profondeur du rocher
entre 10.5 et 13 m). La vitesse reste, dans le rocher, entre 500 et 1000 m/s.
La courbe de dispersion entre 6 et 10 Hz, visible à la figure 3c, est en bon accord avec des mesures
de bruit de fond en réseau réalisées sur le même site. Pour complètement valider ces résultats, il
serait nécessaire de comparer les profils obtenus avec des essais cross-hole (non disponible à l'heure
actuelle). La méthode de mesure de l'ellipticité de Rayleigh et l'inversion conjointe forment une
technique de reconnaissance qui demande encore à être valider dans des contextes hétérogènes,
notamment aux travers de simulations 2D ou 3D du champ d'onde.
Remerciements
Nos remerciements vont particulièrement aux autres membres du groupe JRA4 B2 (projet européen
NERIES), à l'origine de ces recherches sur la mesure de l'ellipticité: D. Fäh (ETH, Zurich), M.
Kristekova (GI-SAS, Bratislava), H. Havenith (Université de Liège), M. Ohrnberger (IGUP,
Potsdam). Les données expérimentales présentées dans ce travail ont été enregistrées grâce au
concours de H. Havenith, M. Ohrnberger et D. Vollmer (IGUP, Potsdam).
Références bibliographiques
Bonnefoy-Claudet S., C. Cornou, P.-Y. Bard, F. Cotton, P. Moczo, J. Kristek and D. Fäh (2006).
H/V ratio: a tool for site effects evaluation. Results from 1-D noise simulations, Geophys. J.
Int., 167, 827–837.
Fäh, D., F. Kind and D. Giardini (2001). A theoretical investigation of average H/V ratios,
Geophys. J. Int., 145, 535–549.
Sambridge, M. (1999). Geophysical inversion with a neirbourhood algorithm: I. Searching a
parameter space, Geophys. J. Int. 138, 479–494.
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Figure 9 - Inversion de la courbe de dispersion mesurée en source active: (a) profils Vs inversés,
(b) courbe de dispersion expérimentale pour les sources actives (noire). Les courbes
colorées correspondent aux profils Vs de la figure a..
Figure 10 - Inversion conjointe de la courbe de dispersion mesurée en source active et de
l'ellipticité: (a) profils Vs inversés, (b) courbe de dispersion expérimentale pour les
sources actives (noire). Les courbes colorées correspondent aux profils Vs de la figure a.
(c) Courbes d'ellipticité théoriques correspondant aux profils Vs de la figure a.
Figure 11 - Ellipticité théorique des meilleurs modèles de la figure 1 (dont le misfitest inférieur à
0.4). L'ellipticité expérimentale calculée à partir du bruit de fond est la courbe en noire
(barre d'erreur). Le rapport H/V calculé de manière classique est représenté par les
courbe tiretées (moyenne et plus ou moins un écart-type).
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