La gestion de projet selon la méthode Prince2
Transcription
La gestion de projet selon la méthode Prince2
best practices revues et corrigées • La gestion de projet selon la méthode Prince2 Par Christophe Legrenzi, chercheur et consultant international, expert associé de Best Practices Systèmes d’information Prince2 repose sur trois grands volets, des rôles, des processus et des techniques de gestion de projet, avec plusieurs niveaux de rôles : le chef de projet, les différents intervenants impliqués dans le projet (clients, utilisateurs et fournisseurs) et le comité de projet. A vant d’entreprendre un projet, il faut répondre à quelques questions préalables. Quel est l’objectif poursuivi ? Qui en est le demandeur, le responsable ? Quand est-il possible de démarrer ? Quelles sont les ressources nécessaires ? Est-il possible de mener le projet seul ou faut-il se faire aider ? Combien de temps faut-il et quel en est le coût ? Les réponses à ces questions fournissent les bases de la gestion de projet. Néanmoins, elles ne permettent pas de répondre à tous les besoins, en ignorant notamment la question de la performance des projets. Ainsi, une organisation menant des projets a besoin de visibilité. Elle doit éviter de lancer des projets à tort et à travers, gaspillant ressources et énergie pour une valeur finale hasardeuse. Elle veut pouvoir à tout moment identifier les projets qui dérapent afin de limiter autant que possible les pertes. Elle cherche à éviter les projets interminables, ni clairement lancés ni réellement finis. Aussi, pour gérer efficacement les projets, en répondant à la fois aux questions de base et aux besoins de niveau stratégique, une méthodologie de gestion de projet structurée est apparue, parmi laquelle la méthode Prince2. 1. Présentation de l a Best Practice Prince2 (PRINCE : PRojects IN Controlled Environments) est d’origine britannique. Ses débuts remontent à 1989, quand la CCTA (Central Computer and Telecommunications Agency), devenue ensuite l’OGC (Office of Government Commerce), crée une méthode dénommée Prince. Cette méthode était ellemême basée sur Prompt, méthode de gestion de projets créée par Simpact Systems en 1975. En 1996, Prince2 succède à Prince, résultant du travail conjoint de près de 150 associations européennes. La méthode établie par l’OGC respecte quelques principes simples : • l’accent est mis sur la justification métier des projets ; • l’équipe de gestion de projet repose sur une structure organisationnelle bien définie, dans laquelle les rôles sont eux-mêmes clairement définis ; • la planification se base sur le produit à livrer ; • la méthode insiste sur le découpage du projet en étapes gérables et contrôlables ; • enfin, elle est flexible afin d’être applicable au niveau approprié des projets. 8 • Prince2 repose sur trois grands volets : des rôles, des processus et des techniques de gestion de projet. Dans Prince2, un projet est une forme d’organisation temporaire, mise sur pied dans le but de livrer un ou plusieurs produits d’entreprise suivant un business case spécifique. Il existe plusieurs niveaux de rôles dans Prince2 : le chef de projet, les différents intervenants impliqués dans le projet (clients, utilisateurs et fournisseurs) et enfin le comité de projet. Tous ces niveaux de responsabilités sont en interaction étroite. Le chef de projet est responsable de l’organisation et du contrôle du projet. C’est lui qui sélectionne les membres de l’équipe et qui est chargé de s’assurer que le travail est effectué correctement et dans les temps. Il gère également la planification du projet, établit ce que l’équipe va faire et à quelle échéance le projet va se terminer. Les clients ou décideurs sont les personnes qui financent le projet. Les utilisateurs sont ceux qui vont utiliser les livrables produits lors du projet, ou ceux dont les missions seront modifiées par ces livrables. Dans certains projets, clients et utilisateurs peuvent être les mêmes personnes. Enfin, les fournisseurs ou spécialistes sont ceux qui possèdent l’expertise nécessaire pour concevoir et réaliser les livrables. Toutes ces personnes doivent travailler ensemble de manière organisée et coordonnée, afin que le projet fournisse les résultats attendus en respectant les budgets, les délais et le niveau de qualité requis. Chaque projet possède en outre un comité de projet, le « Project Board ». Ce comité doit comporter au moins un représentant du client (le « Customer »), des utilisateurs (le « i ») et des fournisseurs (le « Senior Supplier »). Le chef de projet fournit des rapports réguliers au comité, afin de le tenir informé de l’avancement du projet et des éventuels problèmes rencontrés. De son côté, le comité doit répondre aux besoins du chef de projet en prenant les décisions nécessaires à l’avancement du projet et à la résolution des problèmes. Le comité de projet est dirigé par l’Exécutif, représentant le client et le propriétaire du business case. L’Exécutif est le responsable du projet, chargé de s’assurer que celui-ci reste aligné sur les enjeux métier et qu’il est efficacement géré. Les grands processus de Prince2 sont au nombre de huit, dont six constituent le cycle de vie du projet et deux sont des processus continus. Le premier, la direction de projet, démarre dès le lancement du projet et dure jusqu’à sa clôture. Il fait intervenir le comité de projet. Il s’agit de gérer et de superviser le projet grâce à des rapports Best Practices - Systèmes d’Information - N°73 - 3 octobre 2011 best practices revues et corrigées et des contrôles réguliers, en prenant les décisions appropriées à chaque étape. Il s’agit notamment de faire en sorte que le projet démarre bien, d’allouer des ressources supplémentaires quand c’est nécessaire, de fournir des conseils et d’aider à réagir face aux imprévus, de valider les résultats et de contrôler la clôture du projet. Ce processus est bien distinct des activités quotidiennes de gestion de projet, celles-ci étant confiées au chef de projet. Le deuxième processus est le démarrage ou l’élaboration d’un projet. L’objectif est de s’assurer que les prérequis nécessaires pour réaliser le projet sont présents. Cette étape suppose l’existence d’un mandat de projet qui établit les motivations du projet et les résultats attendus. D’une durée assez courte, ce processus permet de vérifier que l’information nécessaire aux équipes est disponible, de désigner et de nommer officiellement les membres de l’équipe projet et enfin de créer le planning pour la phase d’initiation du projet. Troisième processus, l’initialisation du projet consiste à évaluer sa justification et le business case associé, afin de s’assurer que les motivations du projet sont suffisantes. Le but est de vérifier que le projet démarre sur des bases solides, que les ressources requises sont engagées et que les processus décisionnels lors du projet sont établis, le tout en tenant compte des risques éventuels. Ce processus débouche sur un Project Initiation Document (PID) – en français document d’initialisation de projet (DIP) – qui établit les objectifs à atteindre. Le quatrième processus est celui de contrôle du projet. Il décrit les activités de supervision et de suivi nécessaires pour maintenir le projet, étape après étape, dans les rails et faire face aux événements imprévus. Ces activités sont menées par le chef de projet. Il s’agit notamment d’autoriser l’exécution des tâches, de collecter des informations sur celles-ci, de surveiller les changements, de passer en revue la situation, de fournir des rapports et enfin de prendre d’éventuelles mesures correctives en cas de problème. Le cinquième processus, gérer les frontières (« Managing Stage Boundaries »), consiste à gérer les transitions entre chaque étape, en fournissant au comité de projet les éléments nécessaires pour décider de poursuivre le projet ou non. Ce processus a pour objectifs de vérifier si le planning est tenu et d’évaluer en permanence la viabilité du projet. À chaque étape, le comité de projet doit donner son feu vert pour continuer. Le sixième processus consiste à gérer la livraison du produit. Son but est de s’assurer que les produits prévus sont bien conçus et livrés, notamment en échelonnant le travail à travers des lots de travaux. Ce processus implique de vérifier que les tâches confiées à l’équipe ont été acceptées et autorisées, que le travail est bien effectué et qu’il se conforme aux exigences et aux critères de qualité. Il faut également évaluer l’avancement du projet et mettre à jour les prévisions de manière régulière. Enfin, il s’agit de s’assurer que le produit est achevé par l’accord des clients et utilisateurs. Le processus de clôture implique à la fois le chef de projet et le comité de projet. Il s’agit de clore proprement un projet, que celui-ci ait été mené à terme ou qu’il ait été arrêté en cours de route. L’essentiel du travail consiste à rassembler les informations nécessaires pour que le comité de projet puisse décider de la clôture du projet : • identifier si les objectifs initiaux ont été atteints ; • vérifier que le DIP a été respecté et que le client est satisfait ; • obtenir un accord formel sur les livrables, • le cas échéant, vérifier que les dispositions pour la mise en production et la maintenance sont en place ; • faire le bilan du projet ; • établir un rapport de fin de projet ; • enfin, notifier la fin de l’équipe projet et la libération des ressources. Un dernier processus, la planification, intervient de manière récurrente lors du projet. Il consiste notamment à établir quels sont les produits nécessaires pour répondre au besoin, dans quel ordre ces produits doivent être conçus, sous quelle forme et avec quels contenus. Une fois ces éléments définis, il est alors possible d’identifier les activités nécessaires pour créer et livrer les produits. En complément de ces processus, Prince2 prévoit différentes missions qui doivent être effectuées lors d’un projet : • La première d’entre elle est l’assurance projet. Celle-ci consiste à fournir une vision indépendante de l’avancement du projet, en se plaçant à la fois du point de vue métier, du point de vue des utilisateurs et du point de vue du spécialiste technique. D’un point de vue métier, il faut vérifier que le projet reste viable en termes de coûts et de bénéfices. Pour les utilisateurs, il s’agit de vérifier que leurs exigences sont remplies. Enfin, d’un point de vue technique, il s’agit de vérifier que la solution fournie est adaptée au contexte. Cette mission d’assurance projet peut être effectuée par une équipe indépendante ou par des membres du comité de projet. En revanche, elle ne peut en aucun cas être confiée à l’équipe projet ou au chef de projet. • La deuxième mission est le support du projet. Il s’agit notamment de prendre en charge toutes les tâches administratives, la diffusion des informations, l’organisation des réunions, la mise à jour des plannings et la conservation des documents. Sur des projets de taille modeste, ces tâches peuvent être effectuées par le chef de projet. En revanche, dans les entreprises menant plusieurs projets de front, la mise en place d’un bureau de support s’avère fort utile. • La dernière mission est le contrôle des changements. Cette mission englobe la gestion des risques, celle de la qualité et le suivi des changements proprement dits. Il faut en effet anticiper autant que possible les difficultés et prévoir les actions à mener en cas de problème. De la même façon, il faut tester et vérifier le travail accompli pour s’assurer que la qualité reste constante et conforme aux attentes. Enfin, tout changement intervenant en cours de projet doit être contrôlé afin d’éviter les impacts négatifs sur le projet. 2. Regard critique La méthode Prince2 a plusieurs avantages, parmi lesquels une identification précise des rôles et des responsabilités, un contrôle rigoureux du début à la fin des projets ou encore la mise en place 3 octobre 2011 - N° 73 - Best Practices - Systèmes d’Information • 9 best practices revues et corrigées de mécanismes de communication et de partage d’expériences efficaces au sein des projets. Elle est compatible avec les normes de qualité ISO 9 000 et avec CMMI, notamment le niveau 2 qui demande la mise en place d’une méthode de gestion de projet et le niveau 5 axé sur l’amélioration continue. L’évaluation continue de la viabilité du projet afin de rectifier et d’améliorer sa gestion est en effet un point fort de Prince2. Trop de projets perdurent dans une logique jusqu’au-boutiste sans qu’un décideur ait le courage de les arrêter. Autre avantage de Prince2, le passage d’une étape à une autre du projet n’est pas automatique. La méthode prévoit à la fin de chaque étape un point systématique avec l’Exécutif du Comité de projet, celui-ci- devant alors décider du passage ou non à l’étape suivante. De plus, le chef de projet est « libéré », c’est-à-dire qu’à chaque étape, il doit avoir les moyens nécessaires (budget, ressources humaines) mis à disposition pour l’exécution de son projet : s’il ne les a pas, le projet ne continue pas. Prince2 se distingue de PMBoK, méthode de gestion de projet mise au point par le PMI (Project Management Institute) sur plusieurs aspects, notamment le processus décisionnel. Dans PMBoK, le chef de projet assume l’essentiel des décisions et est responsable face à ceux qui financent le projet (les « sponsors »).Dans Prince2, le terme de « sponsor » n’apparaît pas. Ce rôle est assumé par le comité de projet et l’Exécutif, et les décisions relatives au pilotage du projet relèvent de ce dernier, non du chef de projet. Par ailleurs, si PMBoK prévoit également un ensemble de processus pour la gestion de projet, l’essentiel de la méthode consiste à décrire les connaissances que doit posséder le chef de projet de manière exhaustive et à fournir une série d’outils et de bonnes pratiques. PMBoK est donc plus un corpus de connaissances, qui force à définir soi-même tous les éléments pour la gestion de projet, là ou Prince2 fournit un cycle de vie clés en main pour les projets. Prince2, quant à elle, se consacre davantage aux aspects organisationnels et à la gouvernance des projets et reposant davantage sur les prescriptions. Par ailleurs, la méthode Prince2 est centrée sur le produit à livrer, tandis que PMBoK démarre par une analyse du besoin et des études d’opportunité. Dans Prince2, l’identification des besoins vient alimenter le mandat de projet. Les besoins sont précisés ensuite dans la phase d’élaboration du projet, où ils servent également à mener à bien l’étude de faisabilité présentée au Comité de projet, qui décide alors de passer à la phase suivante d’initialisation du projet, au cours de laquelle le business case et les besoins sont précisés et détaillés. Ces choix font de Prince2 une méthode davantage centrée sur les aspects d’implémentation que PMBoK. Enfin, il faut signaler que Prince2 ne détaille pas les problématiques d’ordre contractuel, alors que PMBoK consacre un chapitre entier à ces aspects. Pour les cas de figure où un projet fait intervenir plusieurs fournisseurs, nécessitant une gouvernance plus complexe, il convient donc d’être attentif à ces points. 3. Que faire ? Quelques pistes de solutions La méthode Prince2 est aujourd’hui reconnue comme un standard international pour la gestion de projets, une reconnaissance accrue par le fait que la méthode n’est pas propriétaire et peut donc être utilisée sans verser de royalties. De ce fait, toute entreprise dans laquelle l’activité de gestion de projets est importante peut choisir de s’appuyer sur cette méthode. La certification du personnel d’encadrement est utile pour renforcer les bonnes pratiques de gestion de projet. Il existe deux niveaux de certifications Prince2 : « Prince2 Foundation » correspond aux bases et à la terminologie de la méthode, tandis que « Prince2 Practitioner » s’adresse aux managers qui doivent piloter des projets. Ces certifications s’appliquent au niveau individuel, certaines entreprises requérant d’ailleurs la certification de la part des consultants travaillant pour elles. Concernant PMBoK, les spécialistes de la gestion de projet s’accordent pour voir en Prince2 une approche plutôt complémentaire que concurrente. Là où PMBoK offre une série d’outils et de bonnes pratiques aux chefs de projet, Prince2 fournit un cadre de gestion de projet pour les entreprises. Ajoutons que la première méthode est davantage implantée en Amérique du Nord, tandis que Prince2 est bien diffusée en Europe. • Les processus de Prince2 Gestion d’un programme ou d’un projet d’entreprise 2. Démarrer un projet 3. Initialiser un projet 4. Contrôler une étape 5. Gérer les frontières des étapes 6. Gérer la livraison du produit (MP) 8. Planifier (PL) 10 • Best Practices - Systèmes d’Information - N°73 - 3 octobre 2011 7. Clôturer un projet Source : www.prince2.org 1. Diriger un projet (DP)