La gestion pour compte de tiers génère 83 000

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La gestion pour compte de tiers génère 83 000
management
&
systèmes d’information
Ressources humaines
« La gestion pour compte
de tiers génère
83 000 emplois en France »
Thomas Valli
Économistestatisticien
AFG
Carlos Pardo
Directeur des études
économiques
AFG
108
Revue Banque
Les travaux menés par l’AFG
montrent qu’en 10 ans, les
emplois dans la gestion
pour compte de tiers en
France ont augmenté
d’environ 38 %. Même si
c’est à un rythme moindre,
cette tendance à la hausse
devrait se poursuivre dans
les prochaines années,
en dépit des aléas et défis
auxquelles fait face cette
industrie. Les métiers de la
gestion deviennent de
plus en plus qualifiés et
spécialisés.
■■Quelles sont les grandes tendan-
ces dues aux évolutions structurelles
et conjoncturelles de l’emploi dans
la gestion d’actifs ?
Tout dépend si l’on parle des SGP ou
de la gestion pour compte de tiers
dans son ensemble (voir Encadré 1).
Ces 10 dernières années, le nombre
d’emplois directs dans les SGP n’a
pas augmenté de manière proportionnelle à la hausse de l’activité (taux de
croissance moyenne des actifs), et ce
en dépit de la croissance rapide du
n° 742-743 décembre 2011
nombre de SGP actives sur le marché français (600 unités aujourd’hui,
contre 350 début 2000). Ceci pour
au moins deux raisons : d’une part
du fait des économies d’échelle
que connaît ce métier ; d’autre part
en raison d’une tendance structurelle à l’externalisation croissante
de certaines fonctions par les SGP
vers d’autres acteurs spécialisés, les
SGP se concentrant sur les activités
cœur du métier (voir E
​ ncadré 2). En
revanche, si l’on considère l’effectif
employé dans la gestion pour compte
de tiers dans son ensemble (SGP et
écosystème réunis), son nombre a
fortement augmenté pendant cette
période. Nous estimons cette progression à environ 38 % sur 10 ans,
soit un passage de 60 000 équivalents-emplois en 2000, à 83 000
aujourd’hui. La crise en cours devrait
avoir pour effet de freiner quelque
peu cette croissance. On en voit déjà
les premiers signes.
de 3 500 milliards d’euros (175 %
du PIB), et leur patrimoine global
est estimé à 10 000 milliards d’euros.
Bon an mal an, ces patrimoines croissent en moyenne à un rythme annuel
proche de 3-4 %. Ainsi, les besoins
des épargnants en matière de gestion
de leurs patrimoines, dans une optique de long terme, de même que les
besoins de financement des entreprises sur les marchés, rendent plus
que probable, et surtout nécessaire,
le développement de la gestion pour
compte de tiers. Au niveau mondial,
selon le dernier rapport du FMI sur
la stabilité financière, depuis 15 ans,
les fonds d’investissement s’avèrent
être la catégorie d’investisseurs institutionnels les plus dynamiques
en termes de croissance du volume
d’actifs sous gestion, ceux-ci ayant
été multipliés par 4 pendant cette
période.
■■Cette hausse globale d’effectifs,
liée au niveau d’activité de la gestion, va-t-elle continuer dans les
prochaines années ?
Pour juger de cette évolution à
moyen-long terme, un constat simple s’impose. En France, les ménages, principaux épargnants au niveau
macroéconomique, possèdent des
patrimoines financiers de l’ordre
“
En France, les ménages,
principaux épargnants au
niveau macroéconomique,
possèdent des patrimoines
financiers de l’ordre de
3 500 milliards d’euros.
”
3,7
0,5
5,8
41,8
0,2
1
1. Enquête AFG « les emplois dans la gestion pour compte de tiers »
Principaux résultats
En France, la gestion pour compte de tiers
génère environ 83 300 emplois, soit :
n 15 000 emplois directs dans les SGP, chaque poste
suscitant près de 5 postes supplémentaires dans
l’écosystème (voir Encadré 2) ;
n 11 000 prestataires : 1 650 prestataires en interne
et 9 500 emplois externalisés ;
n 48 300 équivalents-emplois dans la distribution/
commercialisation des produits ;
n 9 000 postes auprès des métiers associés :
dépositaires/teneurs de compte (3 750) ; professions
comptables (1 250) ; courtiers (4 000).
L’emploi dans les SGP se caractérise par la prédominance des professionnels ayant un diplôme supérieur ou égal à bac+5 et des effectifs du front-office
(ou gestion financière stricto sensu) avec un niveau
d’expérience élevé. Comparativement aux métiers
de la banque et de l’assurance, les effectifs en poste
dans les SGP ont une ancienneté moindre et sont
moins âgés, du fait probablement de la jeunesse
institutionnelle de la gestion.
Dans un contexte mondialisé, cette
épargne pourrait néanmoins se délocaliser aisément. À cet égard, parmi
les facteurs pouvant poser problème,
il faut souligner, outre son niveau,
l’instabilité de la fiscalité de l’épargne,
de même qu’une pression réglementaire excessive pouvant se traduire
par des mesures allant à l’encontre
de l’équité concurrentielle, et de ce
fait défavorables aux produits de
gestion français. Ainsi, les perspectives de l’emploi dans la gestion en
France dépendent-elles largement
de la capacité de cette industrie à
continuer à développer et à exporter son savoir-faire, afin de capter
une partie croissante de l’épargne
mondiale, tout ceci bien entendu
à condition de disposer d’un cadre
institutionnel et économique stable
et compétitif.
■■Comment s’évalue le poids de la
gestion d’actifs en termes d’emploi
en France par rapport à d’autres
pays ?
Nous n’avons pas connaissance
d’enquêtes similaires à la nôtre
dans d’autres pays européens. Pour
GESTION POUR COMPTE DE TIERS
Répartition des acteurs (en %)
� Prestataires en externe
� Prestataires
en interne
� Effectifs
directs
11
2
18
� Courtiers
58
� Distributeurs
83 300
emplois
5
6
� Dépositaires/CAC…
Source : Enquête AFG « Les emplois dans la gestion pour compte de tiers ».
2. Enquête AFG
Méthodologie
n L’enquête avait pour
but d’estimer les effectifs
d’un large éventail de
métiers, qui constituent l’écosystème des
sociétés de gestion,
tous les emplois n’étant
pas logés à l’intérieur
de ces dernières. Elle
procède par paliers :
elle quantifie d’abord les
métiers propres aux SGP
réalisés en interne (par
des salariés ou des prestataires) ou externalisés.
Puis elle estime :
– les équivalents-emplois
ne pouvant en aucun cas
être menés par les SGP
pour des raisons réglementaires : dépositaires,
tenue de compte, professions comptables ;
– le courtage, métier
technique en dehors des
compétences de la SGP ;
– les activités de commercialisation et distribution
de produits.
Par souci de prudence et
d’objectivité, l’écosystème ainsi pris en
autant, d’après les rares données
disponibles, globales la plupart
du temps, nous savons qu’il existe
une certaine proportionnalité entre
la taille des marchés, leur nature
et le nombre d’effectifs employés
dans les SGP et dans l’écosystème.
De même, dans les pays où la gestion est réalisée in-house, le poids
du front-office et de la commercialisation est prépondérant ; c’est le
cas des principales places de ges-
compte a été volontairement limité aux seuls
métiers ou activités pour
lesquels des données
relatives aux revenus
étaient diponibles. Une
partie de l’emploi, pour
les postes internes, a été
comptabilisée homme
par homme. Pour les
emplois externalisés, les
postes ont été estimés en
équivalent plein temps à
partir d’une fraction des
revenus dégagés par les
activités de gestion.
tion en Europe : France, Allemagne,
Royaume-Uni, Italie… En revanche,
sur les places de domiciliation de
fonds telles le Luxembourg et l’Irlande, on observe tout naturellement
un surpoids des fonctions administratives et du back-office. Ainsi,
au Luxembourg, les activités liées
à l’administration des fonds figurent en première ligne dans leur
estimation de la contribution de
la gestion à l’emploi. Pour autant,
décembre 2011 n° 742-743
Revue Banque
109
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&
systèmes d’information
3. Répartition des effectifs directs selon le type de SGP (en %)
Fonctions
Généralistes
banques
Généralistes
assurance
Entrepreneuriales
classiques
Gestion
alternative/
structurée
Capital
investissement
Direction de l’entreprise
6
7
9
5
12
Front-office – gestion
33
34
38
33
39
Middle-office reporting
10
15
11
18
14
Back-office –
administration de fonds
5
5
2
6
4
Contrôle (contrôle des
risques, conformité,
interne, audit)
7
6
5
7
3
Fonctions support
21
23
15
18
22
Total
100
100
100
100
100
Source : Etude AFG « Les emplois dans la gestion pour compte de tiers ».
4. EMPLOI DIRECT ET EMPLOI « EXTERNALISÉ »
Répartition par fonctions/métiers (en %)
39
14
35
71
60
39
61
43
61
86
65
29
40
61
39
57
Direction*
Front
office
Middle
office
Back
office
Contrôle
Marketing
vente
Fonctions
support
TOTAL
� Emploi direct dans les SGP
� Prestataires externes et internes
* Y compris personnel de la comptabilité générale et du contrôle de gestion.
Source : Enquête AFG « Les emplois dans la gestion pour compte de tiers ».
quel que soit le modèle, la tendance
est aujourd’hui à la concentration
et à l’externalisation de certaines
fonctions.
■■Quels sont les atouts de la Place
française en matière de gestion ?
En gestion financière de fonds d’investissement, la France est numéro 2
mondial par les actifs gérés, après les
États-Unis. Nous avons un modèle qui
a fait ses preuves, riche de 600 sociétés de gestion de natures et de tailles
très différentes : il existe une diversité
qui rend possible une innovation per-
110
Revue Banque
n° 742-743 décembre 2011
manente des techniques de gestion
et des produits. De plus, ce marché
n’est pas fermé sur lui-même : près
de 20 % du marché est détenu par
des acteurs étrangers, des grands
noms de la finance comme Generali, Allianz, etc.
Enfin, certains types de gestion ont
fait leur preuve, comme la gestion
monétaire, très développée en France
comme aux États-Unis. Le marché
obligataire français jouit également
d’une excellente réputation. Les boutiques de gestion actions sont bien
cotées dans les classements euro-
péens, sans oublier les gestions plus
techniques dans lesquelles la France
s’est singularisée, comme la gestion
structurée. Il existe une « marque »
de gestion française.
■■Quels sont les métiers les plus en
vue aujourd’hui ?
Les métiers du front et middle-office
éveillent un grand intérêt, surtout chez les jeunes diplômés.
En matière de middle-office, ce qui
change aujourd’hui, c’est l’intensité ou bien la manière d’exercer
ces métiers, que ce soit en raison
des pressions réglementaires ou
de l’exacerbation de la concurrence. Concernant les fonctions de
contrôle interne et la conformité,
si ces deux métiers existaient déjà,
les crises de la dernière décennie
les ont mis sur le devant de la scène
(voir Encadré 3).
D’autres métiers devraient également continuer de se développer,
par exemple ceux qui sont liés à la
mesure et à l’attribution des performances, ou à la gestion actif/passif,
“
Sur les places de
domiciliation de fonds
telles le Luxembourg
et l’Irlande, on observe
tout naturellement un
surpoids des fonctions
administratives et du
back-office.
”
5. RÉPARTITION DES EFFECTIFS DIRECTS
Selon l’âge et le type de SGP (en %)
2
1
14
10
28
25
42
39
avec notamment un renforcement du
rôle des actuaires spécialisés dans
ce domaine. On constate également
l’émergence, liée à de nouvelles tendances dans la gestion, d’analystes
extra-financiers, qui prennent en
compte les éléments liés au développement durable ou à la gestion
socialement responsable.
■■Quelles sont les formations initiales les plus adaptées pour travailler
dans ce secteur ?
Tout dépend du type de fonction que
l’on souhaite exercer, mais de manière
générale, les recrutements dans les
SGP elles-mêmes concernent de plus
en plus – c’est ce qui ressort de l’enquête AFG – les profils de bac+5 et
au-delà. Le spectre est large : il s’agit
de diplômés issus de grandes écoles
d’ingénieurs, d’écoles de commerce
ou bien des universitaires sortis des
filières de gestion, statistiques et
bien entendu sciences économiques,
si possible avec des connaissances
en analyse quantitative et économétrie. Les profils scientifiques et
d’ingénieur sont bien recherchés,
notamment pour la modélisation et
la gestion des risques. Les métiers
liés aux gestions alternatives, gérants
de hedge funds, de même que ceux
spécialisés dans le capital investissement recrutent plus particulièrement dans ces filières.
■■Les distributeurs, c’est-à-dire
les conseillers des réseaux bancaires ou d’assurance, mais aussi les
conseillers patrimoniaux indépen-
4
13
1
6
2
7
> ou = à 60 ans
20
20
Entre 40 et 49 ans
49
43
Entre 30 et 39 ans
25
29
< à 30 ans
Entre 50 et 59 ans
27
37
17
21
19
Généralistes
banque
Généralistes
assurance
Entrepreneuriales
classiques
Gestion
Capital
alternatives investissement
et/ou structurée
Source : Enquête AFG « Les emplois dans la gestion pour compte de tiers ».
Selon le diplôme et le type de SGP (en %)
56
59
27
22
17
17
19
Généralistes
banque
Généralistes
assurance
60
74
82
Entre bac+2 et bac+4
29
11
Entrepreneuriales
classiques
> ou = à bac+5
23
14
3
4
< ou = à bac +2
Gestion
Capital
alternative investissement
et/ou structurée
Source : Enquête AFG « Les emplois dans la gestion pour compte de tiers ».
dants ou les conseillers des réseaux,
vous semblent-ils suffisamment
formés aux produits de la gestion
d’actifs ?
Des efforts de formation extrêmement
importants ont été réalisés ces dernières années. En effet, pour répondre aux besoins de formation des
professionnels de la gestion, l’AFG a 25
21
19
lancé il y a 10 ans le PRAM (Programme
Asset Management). Plus récemment,
en association avec le CFPB[1], a été
mis en place l’examen menant à la
[1] Centre de formation de la profession bancaire.
certification, qui est obligatoire pour
tous les acteurs concernés par la distribution et la commercialisation de
produits financiers.
Cette démarche de formation professionnelle continue est une bonne
façon de faire bouger les lignes et
d’entamer un processus de formalisation29
des cursus notamment pour
les différents métiers de la gestion,
comme cela existe déjà pour d’autres
professions où des diplômes spécifiques sont requis pour pouvoir
exercer : expertise comptable, l’actuariat, etc. n
décembre 2011 n° 742-743
Revue Banque
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