les académies équestres et l`éducation de la noblesse

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les académies équestres et l`éducation de la noblesse
LES ACADÉMIES ÉQUESTRES ET L'ÉDUCATION DE LA NOBLESSE
(XVIE-XVIIIE SIÈCLE)
Corinne Doucet
P.U.F. | Revue historique
2003/4 - n° 628
pages 817 à 836
ISSN 0035-3264
Article disponible en ligne à l'adresse:
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Doucet Corinne, « Les académies équestres et l'éducation de la noblesse (XVIe-XVIIIe siècle) »,
Revue historique, 2003/4 n° 628, p. 817-836. DOI : 10.3917/rhis.034.0817
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Les académies équestres
et l’éducation de la noblesse
(XVIe-XVIIIe siècle)
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Les académies équestres1 ont pour but l’apprentissage, la formation et l’éducation de la noblesse. Progressivement, cet objectif s’est
modifié pour valoriser la transmission d’un art du paraître, d’une
attitude corporelle, image d’un statut social. Ces institutions où se lit
indéniablement l’empreinte italienne ont participé à l’élaboration
d’une nouvelle éducation de la noblesse. Graduellement, celle-ci se
tourne davantage vers la cour que vers la guerre. Il s’agit
d’observer, dans un premier temps, le rôle des académies dans le
développement d’une nouvelle formation en accord avec un nouvel
idéal nobiliaire. Outre cette finalité éducative, les académies sont
aussi des institutions révélatrices des rivalités entre pouvoirs (la ville,
la monarchie), à l’intérieur du cadre urbain. Enfin, elles apparaissent comme des microcosmes où évoluent maîtres, élèves et
chevaux.
Les académies répondent à une volonté nobiliaire, exprimée dès
le XVIe siècle, correspondant à la nécessité d’une institution pour
prévenir la jeune noblesse de toute oisiveté tout en lui offrant une
éducation digne de son rang. Il s’agit de la policer, de la civiliser, de
lui faire adopter les codes de la Renaissance italienne. Le XVIe siècle
introduit la notion de « civilité » : l’attitude, le geste, le vêtement
1. Corinne Doucet, Les académies d’art équestre dans l’ouest et le sud-ouest de la France, XVIesiècle, thèse de doctorat soutenue le 7 novembre 1998, Université Michel-de-Montaigne Bordeaux III, CROCEMC.
XVIIIe
Revue historique, CCCV/4
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Corinne DOUCET
Corinne Doucet
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sont travaillés et le noble, chef militaire idéal, doit donner l’exemple
dans son comportement. On assiste alors à une multiplication de
traités composés du XVIe au XVIIIe, destinés à définir quelle doit être
l’attitude idéale du noble. Ainsi, Pierre Charron, dans son Traicté de
sagesse publié en 1608, décrit le comportement idéal du noble ou
Antoine de Courtin dans son Nouveau traité de civilité. Progressivement, les académies équestres apparaissent comme des lieux d’enseignement qui permettent aux nobles de servir au mieux la
royauté. On y délivre des règles strictes qu’ils doivent suivre comme
celles décrites par Jean du Peyrat dans son Galatée ou la manière et fasson comme le gentilhomme se doit de gouverner en toute compagnie, rédigé
en 1562.
Les premières académies du XVIe siècle sont donc contemporaines d’une réflexion sur l’éducation de la noblesse. Trois aspects
permettent de comprendre le succès de leur développement :
l’empreinte italienne, la création de « proto-académies », enfin, le
souhait de la monarchie de former dans les provinces les cadres du
royaume.
Cette dernière raison a souvent été primordiale : en effet,
implanter les académies permettait d’éviter des voyages coûteux aux
familles, tout en renouant avec le souhait d’un modèle français
d’éducation. On peut citer l’exemple de Thomas Pelletier qui écrit :
« Ce n’est donc point un Italien qu’on a à nourrir. C’est un gentilhomme françois qu’on désire avoir, les mœurs, la façon, la grâce
vrayment à la Françoyse et non à l’estrangère. Ce sera donc en la
seule France qu’il apprendra à estre à cheval, à courir la bague, à
danser, à s’habiller à nostre mode sans estre jugé à son retour plus
italien que françois, esparnant en cela le temps et la dépense qu’il
faudroit faire derechef pour donner de l’esponge sur le tableau et
luy rendre l’air de la France. »2
Il est probable que l’installation du modèle italien a profité de
l’existence de « proto-académies ». L’exemple de Rouen est ici à
prendre en considération. En effet, l’académie y est tenue au
XVIe siècle par un Italien, Francisque del Campo, qui représente la
liaison entre l’académie de la Renaissance et une école médiévale.
En 1369, Charles V a institué la Société du Jardin de l’Arc, au faubourg Bouvreuil, où s’installe plus tard l’académie de Del Campo.
Beaucoup plus tard, un projet de création d’un lycée social3, daté du
2. Cité par Mark Motley, Becoming a French Aristocrat, the Education of the Court Nobility, 15801715, Princeton, University Press, 1990, p. 140.
3. AN O1917, fol. 162, 11 mars 1780, Prospectus de l’établissement d’un lycée social en la
ville de Rouen.
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Les académies équestres du
XVIe
à la fin du
XVIIe
siècle
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11 mars 1780, signale qu’ « on remarque encore des inscriptions qui
constatent l’émulation qu’inspiraient aux jeunes de cette époque les
jeux équestres qu’on y pratiquait ». L’académie ne fait, sans doute,
que succéder à un établissement bien antérieur. Ainsi s’affirme une
continuité entre l’enseignement équestre médiéval et celui de la
Renaissance.
Mais généralement, c’est l’influence italienne qui provoque la diffusion de ces écoles sur le territoire. En même temps, la jeune
noblesse continue de se former auprès des grands maîtres que sont
alors les Fiaschi ou Pignatelli. Elle tente d’acquérir là-bas la sprezzatura chère au courtisan de Castiglione. Les maîtres français font aussi
le voyage outre-monts : ainsi, Salomon de La Broue fait un séjour à
Naples. Le déplacement se fait d’ailleurs dans les deux sens : Marco
Pavari, gentilhomme vénitien, enseigne à Lyon et y publie, en 1581,
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son ouvrage Escuirie4. Cette quête d’un savoir équestre est intense des
deux côtés des Alpes comme à l’intérieur de chacun des pays considérés. Bientôt, la France se couvre d’académies. Elles sont présentes sur
l’ensemble du territoire, dès le XVIe siècle, à Rouen, Caen, Saumur,
Tours, Nevers, Lyon, Brouage, Toulouse. Leur développement est
continu au XVIIe siècle et, au XVIIIe siècle, près de 44 villes accueillent
de tels établissements.
Outre celle de Rouen, une académie équestre existe aussi à Caen
au XVIe siècle, un document de 15365 la mentionne déjà. Son auteur,
Jean Rouxel, écrit : « Naples est une très ancienne et très noble cité
d’Italie, dont le sol porte une race de chevaux excellents et très vites à
la course. Aussi les hommes de ce pays passent-ils pour l’emporter sur
tous les autres dans l’art de monter à cheval. C’est de là que l’on fait
venir les maîtres pour enseigner, à prix d’argent, à gouverner et à
manier les chevaux, soit pour l’usage de la guerre, soit pour les jeux
et les passe-temps. C’est à cette race d’hommes qu’appartient Janus
Geronimo, de Naples, très expert dans cet art, établi dans notre ville
depuis longtemps déjà. Voilà pourquoi on nous compare à Naples. »
L’institution de l’académie équestre à Caen n’est donc pas nouvelle
et il faut noter que c’est un Italien qui la dirige. La comparaison avec
Naples sert à illustrer la renommée de l’académie de Caen, même si
elle est peut-être exagérée. L’académie de Saumur est un autre
exemple de l’existence ancienne de ces établissements en France.
Dans ce cas, on est cependant confronté à la fiabilité des sources ; en
effet, c’est un compte rendu de délibération du conseil de ville, en
date du 16 août 16806, qui mentionne l’existence de cette académie
depuis plus de deux cents ans. Réalité ou fierté de la ville ?
On pourrait multiplier les exemples de ces écoles qui se sont perpétuées pour certaines jusqu’au XIXe siècle et ont été qualifiées par
Mark Motley7 de « private business ». En réalité, leur fonctionnement
est plus complexe et elles ont souvent été à la merci de relations
conflictuelles entre pouvoirs locaux et pouvoir central. Lorsqu’on les
étudie, le premier terme à revoir est celui de « privé ». Seuls les chevaux appartiennent à l’écuyer. Les emplacements et les installations
sont, selon les cas, propriété de la ville, de la province, parfois du
roi. Ce dernier verse quelquefois des pensions aux écuyers, mais pas
nécessairement. Les villes n’aident pas non plus systématiquement
les académies. Autrement dit, les relations entre tous ces acteurs
4.
5.
6.
7.
Marco Pavari, Escuirie, éd. Jean de Tournes, Lyon, 1581.
Jean Rouxel, De instauratione cadomensis academiae oratio, Caen, Cavelier, 1536, p. 254.
AM Saumur, BB2, fol. 117.
Op. cit., n. 2.
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créent une réalité diverse faite d’exceptions. Aucune règle générale,
aucun schéma type ne sont applicables au fonctionnement des académies équestres, même si l’on peut mettre en évidence un certain
nombre de points communs.
À l’origine de l’ouverture d’une académie se trouve un écuyer
désireux d’établir un établissement dans telle ou telle ville. La cité
en question lui délivre alors une autorisation de s’installer. Mais
lorsque le Grand Écuyer de France prend en charge sous Henri III
les académies du royaume, l’autorisation de la ville est dans certains
cas, suivie de la délivrance de lettres de provision. L’académie
devient ainsi « académie royale », ou « académie du roi en telle ou
telle province ». Ce statut s’accompagne de privilèges, un fait plus
ou moins bien toléré par les corps de ville. L’écuyer doit souvent
faire appel à la protection de l’intendant, du gouverneur ou de personnes influentes auprès de la ville. C’est donc l’écuyer qui fait le
premier pas pour s’installer. Ainsi, Jacques Bihoriau sieur de Saint
Amour émet le souhait, dans une lettre du 9 mai 16988, de tenir
une académie à Blois. Mais il se peut que cette initiative soit une
réponse à une invitation de la ville.
Certaines créations semblent d’origine royale comme celle de
Toulouse, qui aurait été fondée par Henri IV par lettres patentes
données à Fontainebleau le 18 septembre 15989. En réalité, l’académie se tenait auparavant à Pézenas, puis elle a été transférée à
Montpellier avant que les députés de la ville de Toulouse ne la
réclament. L’appellation d’académie du Languedoc est donc plus
appropriée que celle d’académie de Toulouse. D’autres établissements émaneraient de la volonté d’un grand personnage, comme
celle de Nevers, créée par le duc au XVIIe siècle, mais il s’agit du seul
exemple. Certaines académies ont été intégrées au royaume à la
suite de conquêtes, ce qui montre, d’une part, que cette forme éducative n’est pas spécifique à la France, d’autre part, que le mérite du
maître survit à la conquête puisqu’il est maintenu en place. C’est le
cas à Besançon où l’académie existe au moins depuis 1671 et dont
le chef, qui a reçu un brevet du roi d’Espagne, est reconduit dans sa
fonction par Louis XIV.
Retenons que si un écuyer se présente spontanément pour ouvrir
une académie, c’est la ville qui prend la décision ultime.
L’académie de Rennes apparaît dans un document en date du
31 décembre 161810. Il s’agit d’un procès-verbal de « la place qui est
8. AM Blois, BB25, 55-vo 56.
9. AN O1917, fol. 208.
10. AM Rennes, liasse no 63, travée 2.
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Les académies équestres et l’éducation de la noblesse
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à choisir pour mettre le manaige ». Il est rédigé et signé par les
« lieutenants de monsieur le comte de Bretagne au service de la
ville » de Rennes. Les membres de l’assemblée de la ville sont présents, c’est elle qui prend la décision d’installer le manège. Il n’y a
aucune intervention d’institution extérieure. Rennes possède un
écuyer et décide elle-même de son installation et de celle de son
manège. C’est une décision purement urbaine.
Lorsque le premier écuyer d’Angers, le sieur des Loges, se présente pour tenir l’académie, les sources ne permettent pas d’établir
s’il bénéficie d’une aide quelconque de la part de la ville. Par contre,
lorsqu’en 1679 les Pignerolle acquièrent le matériel et les chevaux du
sieur du Hallo, la ville, consciente de l’intérêt de l’établissement, aide
le nouvel écuyer après avoir déjà accordé une telle subvention au
sieur du Hallo en 164811. L’académie de Bordeaux a également été
instituée sur décision de la ville. Le 31 décembre 161112, l’écuyer est
installé par les jurats qui lui promettent une somme pour son établissement. On peut multiplier ainsi les exemples.
Lorsque la ville possède une académie en ses murs, cela ne
signifie pas pour autant que cet établissement est royal. Certaines de
ces écoles sont indépendantes du pouvoir central. Elles ne portent
l’appellation « royale » que si le Grand Écuyer délivre des lettres de
provision à leur écuyer. Ces lettres sont en fait intitulées de façons
très diverses. Ce qui ajoute à la complexité de la situation. Les mots
brevet, commission, charge sont indifféremment utilisés. Cependant,
ce document est bien une lettre par laquelle le roi, par l’intermédiaire du Grand Écuyer, donne la place d’écuyer à untel. Une
seule fois, cette place a été donnée par le roi lui-même. Le récipiendaire est le baron de Vitrac dont les lettres sont signées de la main
du souverain. Ses provisions sont scellées du grand sceau de cire
jaune13, couleur attribuée aux actes de portée transitoire. Ces lettres
ne sont délivrées qu’une fois un certain nombre de preuves fourni
par l’écuyer. Leur octroi peut prendre des formes diverses : directement au nouvel écuyer, en survivance à un membre de la famille,
ou au créat14 de l’académie déjà sur place. Cette survivance constitue une caractéristique essentielle de la transmission de ce
« métier » et en renforce la cohésion. Des lettres d’association sont
accordées si l’écuyer en place est malade ou a besoin d’aide, ou que
son fils attend de lui succéder. Rien ne vaut pour les obtenir quel11.
12.
13.
14.
303, cheval, recherche et créations, La revue des pays de Loire, no XXIX, 1991, p. 80-95.
AM Bordeaux, BB22.
AN O1917, fol. 210, 8 mai 1674.
Écuyer adjoint ou sous-écuyer.
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ques cadeaux comme ces perdrix15 envoyées par l’écuyer d’Angers à
son anonyme protecteur. Les survivances sont accordées après
démission de l’écuyer précédent. Ainsi, Charles Claude Avril de
Pignerolle obtient la survivance de son père Marc Antoine François
en 1732 parce que ce dernier souffre de la pierre. Il donne depuis
plusieurs années déjà des leçons à l’académie. Le père démissionne
devant les notaires royaux en faveur de son fils le 5 mai 173216. La
survivance permet la constitution de véritables dynasties, l’écuyer
assure ainsi sa succession et le futur écuyer minimise les frais
d’installation en ayant de plus une clientèle déjà constituée.
Le statut d’ « académie royale » a des conséquences diverses sur
l’établissement lui-même. En effet, cette appellation correspond dans
l’esprit de certains à une faveur, pour d’autres elle constitue une
intrusion du pouvoir royal dans la vie de la cité. D’autant que
parmi les privilèges accordés par ce « titre » se trouve le monopole
de l’enseignement équestre. La ville précède pourtant le pouvoir
royal quant à l’installation de l’académie. À Rouen, l’autorisation de
la ville date du 16 novembre 1673, le brevet est du 22 avril 1677 ; à
Bordeaux, la ville l’autorise en 1611 alors que le premier brevet
n’arrive que le 17 octobre 1698 ; enfin à Rennes, l’académie est
autorisée le 25 janvier 1739 et l’écuyer reçoit son brevet le 30 janvier 1739. Le pouvoir royal ne s’est emparé que plus tard d’un certain contrôle sur ces établissements. Ce sont les villes qui prennent
l’initiative. Celles-ci acceptent donc plus ou moins bien l’envoi des
lettres à leur écuyer. Certaines participent activement à la vie de
l’académie, d’autres considèrent la mainmise du pouvoir central sur
l’établissement comme une greffe intolérable. On observe alors,
comme en représailles, la présence de plusieurs établissements dans
un même lieu. Ainsi, le 22 avril 1677, des provisions d’écuyer académiste pour la province de Normandie sont remises à René le
Maillard sieur Duplessis. Le Grand Écuyer est clair sur son intention : Duplessis est « seul écuyer académiste de la province de Normandie pour tenir son académie en la ville de son choix avec
défense à toute personne de quelque qualité et condition qu’elles
soient de la troubler ou inquiéter en la fonction de cette charge »17.
Or, en Normandie, d’autres écuyers pratiquent leur art. Un nommé
de Barqueuville est installé à Rouen, un certain Du Ruel tient un
établissement à Caen. Il existe donc bien des écuyers nommés par
les villes parallèlement à ceux, officialisés par le roi. La même anomalie se retrouve à Bordeaux lors de la succession du sieur Pierre
15. AN O1915, fol. 311, 5 février 1740.
16. AN O1915, fol. 309.
17. AN O1917, fol. 98, 14 octobre 1679.
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Pauzié. Le 10 avril 177318, les jurats nomment le sieur Merlet,
écuyer natif de la ville, puis la ville demande au Grand Écuyer de
lui adresser ses lettres. Mais celui-ci rappelle à la cité les prérogatives qui sont les siennes en l’admonestant dans une missive et décide
de nommer un autre écuyer.
Les incompatibilités personnelles sont souvent la raison de ces
discordances. Les relations entre écuyers, villes et pouvoir central
sont particulièrement floues. Chacun profite à un moment donné de
cette situation. Il est quasiment impossible de savoir qui dépend de
qui. La ville réclame à corps et à cris une académie, mais elle se
défend souvent face à la nomination d’un écuyer du roi. Veut-elle
mieux contrôler l’école ? Pourquoi tant de « laxisme » du côté du
Grand Écuyer ? Le contrôle monarchique n’est pas total et se
heurte inévitablement aux villes et à leurs prérogatives propres. Les
écuyers se trouvent quasiment exclus du jeu et incapables de faire
valoir leur point de vue. Ils ne sont qu’une pièce mineure sur
l’échiquier de la grandeur, terrain d’affrontement entre les villes et
le roi. Prenons un dernier exemple : celui de l’académie dite de
Toulouse. Dans un premier temps, elle est établie à Pézenas et
tenue par un sieur de Moreton. L’écuyer suivant, le sieur Alphonse
de Chéderie, transporte l’académie à Montpellier à l’incitation du
maréchal de Schomberg. Apparemment, la ville n’intervient pas.
Cette installation semble due au gouverneur qui intercède d’ailleurs
en 1627 pour demander la nomination de l’écuyer suivant, le baron
de Vitrac. Les députés de Toulouse ne se manifestent auprès du
nouveau gouverneur le prince de Conti qu’en 1663, pour obtenir le
transfert de l’académie chez eux. En 1674, le fils du baron de
Vitrac, François, obtient ses lettres mais aucun lieu n’est clairement
établi pour l’académie qu’il doit tenir dans les deux villes. Trois ans
plus tard, deux écuyers frondeurs ouvrent un établissement sans
provision du Grand Écuyer. La ville confirme Vitrac dans un premier temps et défend l’exercice à Baron et Laborie, les deux dissidents. Mais, estimant quelques années plus tard que le premier
néglige ses fonctions, elle change d’avis et en 1679 établit en la
charge d’écuyer académiste le sieur Baron. L’intervention de la ville
est ici flagrante. Le Conseil d’État avait pourtant interdit à celui-ci
d’exercer ; elle ne s’en émeut pas et supprime la pension de Vitrac
en 1687. En 1711, les capitouls vont plus loin affirmant que cela fait
plus de quarante ans que la ville possède au moins quatre académies19. L’opposition entre la décision urbaine de changer d’écuyer et
18. AM Bordeaux, BB134, pièce no 19, 1er avril 1773.
19. AN O1917, fol. 219, 1er avril 1711.
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le pouvoir central qui exige le maintien de celui qu’il a nommé et
doté de lettres est évidente. La situation se complique encore quand
on se rend compte que le sieur Baron prétend tenir ses lettres d’un
particulier, le duc de Bouillon. On pourrait détailler davantage,
l’essentiel est que la ville se permet dans ce cas des extravagances
exceptionnelles mais significatives des relations complexes et mouvementées qui existent entre les pouvoirs locaux et le pouvoir central
au sujet de ces établissements.
D’autres villes soutiennent l’écuyer royal, comme Marseille ou
Lyon. La première réclame l’ouverture de l’académie. Elle est si satisfaite de son école et de son écuyer qu’elle lui vote une aide financière.
Dans une lettre de 1778, l’écuyer écrit même au Grand Écuyer que
le maire de la ville est tout disposé à venir en aide à son établissement
en achetant la maison et le manège. L’écuyer rend son académie particulièrement prospère et la ville l’en félicite. La ville de Lyon20
accorde pour sa part des privilèges locaux à Bourgelat pour le remercier du bon fonctionnement de l’école. Autre exemple, lorsque
l’écuyer Müller de Gleisberg est nommé à la tête de l’académie de
Lille, le maire et les échevins font de lui un rapport très élogieux
auprès du Grand Écuyer, de même que le gouverneur de la ville.
On constate combien les manipulations administratives sont
lourdes : il se peut que la nomination de l’écuyer par la ville, avant
l’intervention du Grand Écuyer, ait pour but d’accélérer les démarches. Non seulement la jeune noblesse ne doit pas demeurer inactive, mais une académie est un atout économique pour la cité. La
ville acquiert par cette présence une autre dimension, accroît son
prestige, celui de sa région et de ses dirigeants, tout cela au service
du roi ; ce qui en soit est un paradoxe, puisqu’en même temps, elle
garde une réelle indépendance dans le choix du maître.
Il faut aussi prendre en compte le statut relativement précaire de
l’écuyer, le fait qu’il est simple locataire, ce qui complique encore la
situation. La ville accepte parfois de loger l’écuyer qui se présente
en échange de leçons aux enfants de la ville ou de la municipalité,
mais l’entretien, la réparation des bâtiments restent à la charge de
l’écuyer sur avis du conseil. Parfois, comme à Rouen, la ville autorise l’écuyer à bâtir un hangar à l’endroit qu’elle lui assigne pour
enseigner, mais il n’en est pas propriétaire. La ville s’autorise à tout
faire démolir quand bon lui semble sans rembourser le maître.
D’autres écuyers sont cependant mieux accueillis au moment de
leur installation : celui de Bordeaux qui reçoit une aide financière,
20. Charles Duplessis, L’équitation en France, ses écoles et ses maîtres depuis le XVe siècle jusqu’à nos
jours, Paris, 1892, p. 359.
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mais avec une restriction, il ne devra plus rien demander à l’avenir.
La ville de Rennes n’est pas aussi généreuse, c’est à l’écuyer de soutenir totalement l’établissement. À Caen la situation est différente.
La Guérinière est sollicité mais on ne peut ni le loger, ni lui verser
le moindre denier pour construire, ni lui céder d’emplacement à cet
effet. Lorsqu’il se décide à acheter par ses propres moyens un terrain pour établir son école, celle-ci disparaît dans un incendie. Il se
tourne alors vers la ville pour réclamer de l’aide. Celle-ci lui
rétorque alors qu’en tant qu’écuyer du roi, il n’a qu’à s’adresser au
Grand Écuyer. Les villes veulent donc bien une académie, mais ne
veulent pas en assumer les frais. Si l’écuyer fait appel au Grand
Écuyer, les municipalités réagissent immédiatement en mettant en
avant leurs prérogatives de propriétaires des lieux. De toute façon, à
la lueur des archives consultées, le Grand Écuyer n’a que faire des
problèmes du maître et considère ceux-ci comme des questions
d’ordre local.
Heureusement pour les académies, certaines parviennent à
s’installer dans des villes conscientes de l’intérêt économique qu’elles
représentent. C’est par exemple le cas de Bordeaux. Les jurats ont
en effet parfaitement accepté son installation, l’école attire des jeunes de la province et de l’étranger qui dépensent de l’argent dans la
ville. La jurade achète même les terrains nécessaires pour son
implantation et, lorsqu’il apparaît qu’ils sont insalubres, va jusqu’à
déplacer l’académie. Lorsque l’intendant Tourny est chargé de la
province, il décide de s’impliquer dans le projet de construction
d’un vaste ensemble architectural qu’il inclut dans son propre dessein de développement prestigieux de la ville. Il confie la construction de l’académie à Jacques-Ange Gabriel, décidant qu’il ne
« s’embarrassera point de l’argent qu’il faudra »21. La vision de
l’académie par l’intendant est celle d’un outil de prestige au service
d’une ville en plein développement, et la jurade ne fait aucune difficulté. Elle soutient même l’écuyer par le versement de gages qu’elle
n’hésite pas à augmenter lorsque c’est nécessaire ; l’archevêque de
Bordeaux lui aussi intervient favorablement. Le nom des intervenants, les efforts de la ville pour obtenir des financements, la médiation positive de l’intendant montrent de toute évidence que l’académie de Bordeaux est beaucoup plus importante que bien d’autres.
Ces exemples, permettent d’appréhender les relations très variables entre les délégués ou représentants du pouvoir central et les
villes. On perçoit l’intérêt très divers qu’ils portent alors à ces établissements et les buts qu’ils leur assignent. Si une impulsion positive
21. AD Gironde, C1239, 22 février 1755.
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est donnée au départ de son installation, l’académie a toutes les
chances d’être un succès, les autorités ne négligeant pas l’intérêt
économique que revêt une telle école. Mais ce succès reste fragile et
tributaire des relations entre les personnes. Les intendants ont parfois un rôle important, mais il reste à savoir ce qu’il en était avant
leur instauration. On peut aussi se demander comment ce déroulaient ces mises en place d’académies avant l’ « institutionnalisation » du rôle du Grand Écuyer de France. Les sources concernant
le XVIe siècle et la période antérieure sont trop lacunaires pour permettre une vision d’ensemble. Tout au plus peut-on avancer que la
bonne marche des académies dépendait alors de leur clientèle et du
bon vouloir des villes leur louant les terrains et bâtiments.
L’existence d’une académie dépend de l’attitude des différents
corps amenés à la gérer. Mais il n’est pas possible d’établir des relations directes avec l’évolution du pouvoir royal. Si le Grand Écuyer
est théoriquement responsable des écuyers, c’est en réalité la ville
qui accueille d’abord l’homme de l’art et décide ou non de son installation. L’intendant, lui, joue un rôle dynamique et novateur dans
certains cas, s’il sent l’intérêt que l’on peut tirer de telles écoles, ou
bien n’agit pas. La présence, la bonne marche des académies témoignent du dynamisme des cités, de leur capacité à passer outre les
querelles de personnes, de leur volonté ou non de se doter d’un instrument de prestige. L’inverse révèle les tensions entre les élites locales, ou l’obstruction au pouvoir royal. Au pire, l’académie se heurte
à de sombres intrigues locales. Le pouvoir royal ne semble pas vraiment s’être intéressé à ces écoles, il a peut-être aussi feint d’ignorer
les soucis des écuyers pour ne pas à avoir à s’engager financièrement. Globalement, le fonctionnement de ces écoles et leurs relations avec les pouvoirs locaux sont extrêmement complexes, il n’y a
pas de schéma type. Elles dépendent d’une multitude de niveaux
décisionnels qui se superposent mais ne travaillent pas de concert en
faveur de ces établissements. Parfois, un écuyer plus dynamique, un
intendant plus soucieux de la valeur d’une telle école relancent la
lourde machine et redonnent vie à un outil de prestige lui permettant de traverser les siècles.
Globalement, on constate aussi que le titre d’académie du roi
n’est d’aucun secours pour l’écuyer. Il ne l’empêche pas de souffrir
souvent de la concurrence d’autres établissements installés illégalement en ville. Mais, un trait commun et essentiel relie tous ces
acteurs : la conscience du rôle reconnu à ces écoles destinées à l’élite
du royaume. Elles sont une pépinière de serviteurs, de courtisans au
service de la royauté ou de cours locales. Aussi représentent-elles un
danger potentiel pour les villes qui y voient le risque d’une intrusion
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Les académies équestres et l’éducation de la noblesse
Corinne Doucet
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du pouvoir central dans la politique locale sous prétexte d’un droit
de regard sur les académies. C’est la raison pour laquelle les villes
n’ont jamais véritablement soutenu ces écoles fréquentées par une
noblesse souvent opposée à la noblesse de robe défendant une autre
notion du prestige.
Du XVIe au XVIIIe siècle, le pouvoir central n’a de cesse d’accentuer son contrôle sur les académies, preuve que l’éducation qu’on y
délivre renforce l’image d’une noblesse héritière d’une certaine idée
du second ordre ; preuve aussi de l’importance que l’on donne au
développement d’une culture particulière. Les académies deviennent
le refuge d’un symbole social.
Quelle conception de l’éducation noble y développe-t-on ? Il ne
s’agit pas de se contenter de rudiments vite appris mais d’inculquer
un savoir propre à l’état nobiliaire. L’équitation guerrière médiévale
cède la place à l’acquisition d’une image de soi. Le corps est le signe
d’un statut social qu’il convient de rendre évident. Quel moyen plus
élégant dans cette volonté d’élévation que le cheval ? L’animal
noble par excellence rehausse la noblesse de son cavalier. De la
force à l’état brut illustrée par la statue équestre du Condottiere
Erasmo Da Narni, à Padoue, on progresse vers la tranquille et élégante assurance des gravures d’Audran insérées dans L’école de cavalerie de La Guérinière. Cette évolution est parallèle à la domestication de la noblesse elle-même. Au fur et à mesure que la haute
bourgeoisie les menace ou les concurrence, les catégories nobiliaires
affirment un mode de vie particulier et s’abritent derrière une attitude dans des lieux qui leur sont propres. Dans une société où le
moindre geste est hiérarchisé et permet de mesurer le prestige
social, le geste équestre devient fondamental. En raison de son passé
médiéval, la noblesse reste attachée à ce cadre et les académies
représentent un écrin de la tradition chevaleresque.
En même temps, ces académies se transforment en absorbant les
nouveautés, en les adaptant aux valeurs de la noblesse.
L’enseignement qu’on y délivre est spécifique à la noblesse. Il se
scinde entre enseignement purement physique et enseignement
intellectuel. Au sein des premières activités, l’équitation occupe la
place d’honneur. Mais celle-ci n’est pas destinée à des débutants.
On y pratique le manège avec ses airs hauts et bas classifiés par La
Guérinière, pratique indispensable au parfait courtisan, la danse et
l’escrime font partie du programme des activités corporelles dès les
origines des académies à la Renaissance, alors que les exercices de
tir s’agrègent un peu plus tard.
Définir l’art équestre revient à le comparer à la danse. Le cheval
est l’artiste. Le cavalier prétend à sublimer ses allures. À travers
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cette nouvelle vision de l’équitation importée d’Italie, c’est en fait un
but simple que l’on vise, mettre en valeur le cavalier par
l’intermédiaire du cheval. Les méthodes ont fortement évolué entre
les premières écoles de la fin du Moyen Âge et celles de la fin de
l’Ancien Régime. Mais l’enseignement, essentiellement oral, n’a
quasiment pas laissé de traces écrites. Chaque écuyer formait son
successeur, souvent son propre fils ou un parent proche, se protégeant de l’éventuelle concurrence. Au fil du temps, l’auditoire vient
y chercher non plus les bases d’une équitation militaire, mais le
contenu d’une tradition équestre lui permettant de se distinguer du
commun. On distingue ainsi dans cet art équestre ce que les planches de l’Encyclopédie ont parfaitement illustré et ce que La Guérinière a classé sous les termes d’airs bas et hauts. Il s’agit dans le premier cas des allures simples du cheval naturelles ou artificielles
comme le pas, le trot ou le galop, et les plus sophistiquées : le passage, piaffer, galopade, passade ou pirouette par exemple. Quant
aux airs relevés ou gaillards selon la terminologie du temps, ils
recouvrent la pesade, le mézair, la courbette, la croupade, la balotade et la cabriole, qui sont des sauts. À ces exercices de manèges
s’en ajoutent d’autres directement issus des tournois médiévaux. Il
s’agit d’un travail effectué avec le cheval dit « de bague ». Les courses de bague ou de tête, la méduse, le faquin en sont des exemples.
Ainsi la course de bague consiste à attraper une bague à l’aide
d’une lance, à cheval et au galop. L’apothéose de ces exercices
purement équestres réside dans le carrousel où les cavaliers montrent leur adresse, leur virtuosité, leur tact mais aussi leur capacité à
rester maîtres d’eux-mêmes et de leur monture. Un luxe tout particulier s’y déploie réservant à la noblesse ce genre de distraction.
Tous ces exercices qui forment la base du contenu pédagogique des
académies se retrouvent dans toutes celles qui ont été étudiées jusqu’à présent. Les reprises sont nombreuses ; ainsi, à Angers, il y en
a douze par jour.
Mais l’équitation n’est pas le seul élément de base que l’on
trouve dès l’ouverture de ces écoles, s’y adjoignent également
l’escrime et la danse. Ces deux éléments complètent l’éducation parfaite du jeune noble. Ce trio « équitation, danse, escrime » est sans
aucun doute issu de l’éthique de cour développée en Italie au
XVe siècle, mais son importance remonte au Moyen Âge et il y a là
une réelle continuité. Il constitue en tout état de cause la base de
l’enseignement sur laquelle se sont développées les académies.
Les matières intellectuelles ne sont pas négligées. Celles-ci sont
même de plus en plus nombreuses à être enseignées au cours de la
période considérée. Cette diversité prouve une ouverture et une
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Les académies équestres et l’éducation de la noblesse
Corinne Doucet
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curiosité d’esprit de plus en plus grandes. Aux langues, aux mathématiques et à l’art de la fortification, s’ajoutent progressivement la
musique instrumentale et vocale, le dessin, l’histoire, la géographie,
les langues, la cartographie, le droit. À Lyon, où Bourgelat, écuyer
de l’académie, est aussi fondateur de la première école vétérinaire
au XVIIIe siècle, les murs de l’académie sont couverts de fresques
anatomiques destinées à étudier les proportions, beautés et défauts
des chevaux, et les causes et symptômes de leurs maladies avec leurs
remèdes. On ne possède pas pour l’instant de véritable chronologie
du développement de toutes ces matières par rapport au programme d’origine. On peut noter cependant un contenu de plus en
plus encyclopédique et l’alliance entre des matières liées au caractère anciennement militaire de ces écoles (les fortifications) d’une
part, et des activités revêtant un caractère social (danse, musique)
d’autre part. Ces écoles tendent à offrir un choix de plus en plus
vaste de matières. Ce ne sont bien sûr pas les écuyers qui se chargent de leur enseignement, mais des maîtres particuliers ayant reçu
un brevet à cet effet. C’est de plus le Grand Écuyer qui le délivre ;
ainsi le 14 avril 1767 un sieur Bertrand reçoit le sien pour enseigner
les mathématiques à l’académie d’Angers.
Ces établissements, dont les élèves se distinguent par le port d’un
uniforme propre à chacun d’entre eux, ne sont pas accessibles à
tous. Déjà réservés à la noblesse, leur coût élevé les ferme à un
grand nombre de familles du second ordre. Leurs recettes ne couvrent jamais les dépenses et les écuyers sont le plus souvent acculés
à la faillite. Les villes versent trop peu et trop rarement des subsides
et le roi ne marque pas sa générosité envers tous les écuyers. Restent alors les droits versés par les élèves. Ainsi à Caen, les pensionnaires versent 1 320 livres par an en 1769, et les externes,
600 livres. À Angers, en 1761, la pension se monte à 1 800 livres
auxquelles s’ajoutent les entrées au manège à raison de 120 livres
par mois, les étriers pour 7 livres et les gaules pour 1 livre et 10 sols.
La pension de l’académie de Lyon, en 1747, est de 1 300 livres.
L’élève doit considérer aussi que son gouverneur éventuel paie
600 livres, de même que son page, et un valet lui coûtera 400 livres.
Les académistes sont malheureusement très difficiles à identifier
du fait de la rareté des sources. Les listes sont très rares. Les écuyers
de Toulouse ont laissé, pour le XVIIe siècle, un document manuscrit
où sont consignées les entrées et sorties des élèves, ainsi que celles
des chevaux. Mais les données sont portées de façon très irrégulière
et mêlées à d’autres informations variées. Les listes peuvent éventuellement être dressées grâce à des noms qui apparaissent ponctuellement au milieu d’autres documents d’archives issus de séries des
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fonds municipaux et départementaux. Une exception réside dans les
inventaires très précieux de l’académie d’Angers. Deux listes complètes existent, de 1601 à 1635 de 649 noms, l’autre de 1755 à 1790
comportant 482 noms. Si la première ne donne que les noms des
élèves, en latin, et l’année de leur présence, la seconde livre les
noms, les pays d’origine, les dates d’entrée et de sortie et si l’élève
est accompagné ou non et par qui, s’il est pensionnaire ou non. Les
autres académies ne donnent que 255 noms d’élèves, ce qui est peu
significatif. Les plus nombreux sont à Toulouse, 114 noms.
On constate, à la lumière de ces informations, que les académies
sont loin de ne s’adresser qu’à une clientèle locale. Elles accueillent
des élèves de l’Europe entière, et même au XVIIIe siècle, des Antilles
et d’Amérique. Si le XVIIe siècle est caractérisé par une forte présence des ressortissants germaniques, le XVIIIe siècle est dominé par
la présence des Anglo-Saxons. Ces fluctuations sont sans doute à
mettre en relation avec des problèmes d’ordre économique. On
remarque une chute des présences correspondant à la guerre de
Sept ans, puis une nette reprise après le traité de Paris, tout comme
une présence réduite des élèves germaniques pendant la guerre de
Trente ans. Mais l’absence de pensionnaires étrangers en 1765 ne
s’explique pas vraiment. Il est très difficile d’analyser ces variations,
elles ne correspondent pas vraiment à l’évolution des relations internationales en dehors des exemples précédents. Dans l’académie
d’Angers, on note la présence d’Irlandais, d’Écossais, de Suisses,
d’Allemands, de Danois, de Hollandais, de Napolitains, de Gantois,
de Flamands, de Bohémiens, de Polonais, de Russes, d’Américains.
Les autres académies sont également marquées par une forte présence étrangère continue du XVIe au XVIIIe siècle. Même durant les
périodes de guerre, elle reste notable. Ainsi, une ordonnance royale
du 23 juin 1756 autorise les jeunes gentilshommes anglais à séjourner à l’académie d’Angers. Parmi des élèves concernés par une
période de conflit, certains ont le statut de prisonnier dans les académies même. À Angers, le sieur de Pignerolle, directeur de l’académie, accueille, en août 1779, six prisonniers anglais sur parole. Il
en avertit le Grand Écuyer de France mais leur présence provoque
des tensions avec la ville qui ne l’entend pas de la sorte, et le maire
en profite pour ranimer de vieilles querelles personnelles avec
l’écuyer.
La noblesse est seule présente au sein des académies. Il est intéressant d’observer le nombre important de grands noms étrangers.
À Angers, en 1611, viennent perfectionner leur art équestre, Georges Villiers duc de Buckingham, en 1615, Gustave de Horn, les
deux neveux du roi Christian IV de Suède, en 1619, le baron Fré-
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Les académies équestres et l’éducation de la noblesse
Corinne Doucet
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dérik de Pappenheim, en 1629, Georges Sculte conseiller du roi du
Danemark, le baron Frédéric de Schilk, William Pitt et Arthur Wellesley duc de Wellington, en 1724, Georges Louis Leclerc comte de
Buffon, le fils de lord Byron, le fils du duc de Newcastle, etc. Mais
l’académie d’Angers n’a pas le monopole d’une telle présence. Ainsi
à Caen, Charles Fox le chef du parti Whig s’inscrit à l’académie.
À travers ces chiffres, on perçoit l’importance respective de telle
ou telle académie et la faculté d’attraction de tel écuyer par rapport
à ses confrères. Cette présence étrangère est remarquablement constante durant les XVIe-XVIIIe siècle. Même en période de guerre, les
élèves étrangers demeurent dans les académies. Par contre, on ne
constate pas de passage des élèves d’une académie à une autre. Les
élèves viennent sur les conseils d’un membre de leur famille ou
d’amis, se contentent alors de celle qui leur est connue. La mobilité
des élèves est donc réduite, elle ne se fait que dans un seul sens, il
n’y a pas d’échanges ou de voyage interacadémique. D’autre part,
les élèves français des académies sont issus d’un bassin local. Ils ne
vont pas chercher l’enseignement plus loin puisqu’ils la trouvent à la
porte de leur ville. Mais il faudrait pouvoir observer des listes de
présence dans les académies étrangères pour vérifier s’ils ne vont
pas étudier à l’étranger et dans ce cas s’il existe des échanges à
l’échelle européenne dans la tradition du voyage italien.
Parmi la noblesse qui fréquente les manèges des académies, se
trouvent de très nombreux officiers. À Angers, les prisonniers
anglais sont capitaine de frégate et lieutenants de vaisseaux. À Bordeaux, on trouve un carabinier, des brigadiers des gardes du roi, un
quartier-maître, un sous-lieutenant ; à Caen, trois enseignes, un
garde marine, des capitaines, des lieutenants, des mousquetaires, des
cornettes.
Ces élèves s’inscrivent rarement seuls. La plupart du temps, ils
sont accompagnés de leur gouverneur, parfois aussi d’un frère, d’un
père, d’un oncle ou d’un neveu. Ils viennent dans telle ou telle académie parce qu’un membre de leur famille les a précédés, ou parce
que la réputation du maître des lieux est bonne. La proximité de
l’académie par rapport au lieu de résidence est à prendre en considération au moment de l’inscription. Mais d’autres raisons interviennent également. Ainsi, deux membres d’une famille originaire
de Martinique s’inscrivent à l’académie de Bordeaux parce que leur
famille y a une maison.
Il reste à considérer la durée de telles études. Elle est très
variable, mais, de manière générale, inférieure à un an. Le coût de
l’inscription explique sans doute cette brièveté mais aussi l’éloignement des académies par rapport au lieu de résidence. Cepen-
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dant, beaucoup d’élèves multiplient les séjours de brève durée. Les
seuls à y rester définitivement sont les fils de maître qui songent à
prendre la succession. Rares sont les très jeunes élèves. Racan, placé
à l’âge de 13 ans, doit rapidement renoncer parce qu’il est trop
faible pour suivre les exercices. Gaston d’Orléans se voit refuser
l’entrée à 16 ans et le fils de Charles de Gamaches n’y entre pas
avant 17 ans. Certains sont cependant suffisamment âgés et y restent assez longtemps pour nouer des liens qu’une famille noble ne
peut pas toujours accepter. Tel est le cas de Dumont de Bostaquet,
très attiré par la fille de M. de Corval, l’écuyer de Rouen. Dans ses
mémoires, publiés en 1658, il écrit : « Les charmes de Mlle de Corval firent naître en mon cœur le désir de lui plaire. On m’entendit :
enfin on ne me désespéra pas et je goûtais assez le plaisir d’aimer et
d’être aimé. Mais comme la chose allait un peu loin, ma mère en
ayant eu connaissance, craignant quelque engagement trop fort, me
fit quitter avec chagrin cette académie. »22
Au service de la jeune noblesse, ces académies présentent un
corps prestigieux d’écuyers et un piquet23 de chevaux variés. Aucun
portrait ne permet de connaître ces maîtres pour la plupart restés
dans l’ombre de leurs illustres confrères parisiens. On se réjouit
alors de pouvoir observer ce tableau signé Beaumanoir, datant
de 1786, représentant quelques membres de l’illustre famille des
Avril de Pignerolle, écuyers de l’académie d’Angers24.
À ce jour, 130 noms d’écuyers ont été identifiés pour l’ensemble
de la période considérée. Si la majorité d’entre eux sont français, on
note aussi la présence d’écuyers étrangers. Ils sont originaires
d’Italie au début de la période : ainsi, Francisque del Campo et
Janus Geronimo sont napolitains. D’autres écuyers ont pu continuer
à exercer après que leur ville a été rattachée au royaume de France,
c’est le cas d’Ernest Edouard Dauphin de Zettwitz à Strasbourg ou
de Jean Henri Müller de Gleisberg à Lille. Enfin, certains écuyers
sont venus volontairement enseigner en France comme Jean Christophe de Gosse, originaire de Düsseldorf, à Bordeaux, ou Jean Baptiste, Müller, né à Luxembourg, son successeur.
À l’image de leurs élèves, les écuyers sont nobles. Concernant leur
appartenance religieuse, on note que si celle des élèves ne revêt
22. Isaac Dumont de Bostaquet, Mémoires, Paris, 1968, p. 42.
23. Ensemble des chevaux de l’écuyer constituant son écurie.
24. Ce tableau n’est pas accessible au public, il représente les derniers écuyers de l’académie
d’Angers : Arsène Avril de Pignerolle en uniforme de capitaine au régiment Bourgogne-cavalerie,
Rosalie Avril de Pignerolle sa femme et leur fils Arsène II encore bébé, le frère d’Arsène, Marcel
Avril de Pignerolle alors directeur de l’académie, et leurs sœurs, Sophie Avril de Pignerolle et Victoire Avril de Pignerolle ; collection privée.
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Les académies équestres et l’éducation de la noblesse
Corinne Doucet
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aucune importance, celle des écuyers est mentionnée systématiquement, à partir de 1685, date de la Révocation de l’Édit de Nantes,
dans les lettres accordées par le Grand Écuyer, et un certificat est
même exigé prouvant leur appartenance à la religion catholique. Si à
Bordeaux Jacques Louis du Breuil de Monisson de Marsalus est protestant, son fils doté du même prénom se convertit le 3 juillet 1686
devant le prêtre bénédictin de Saint-Pierre pour obtenir la succession
de son père à la tête de l’académie. On relève là la caractéristique
dominante attachée à ces écuyers : l’endogamie. Elle soude les membres d’un groupe forcément restreint en donnant le moyen de conserver une tradition et un savoir nobles multiséculaires. Ainsi se constituent de véritables dynasties qui assurent la pérennité du savoir
équestre. Qu’il s’agisse de la dynastie des Cottard à Rouen, des La
Guérinière à Caen, des Avril de Pignerolle à Angers.
Les chevaux restent l’outil indispensable à leur travail. De nombreux portraits les présentent, mais ces beaux étalons de type espagnol sont une convention artistique. La plupart de ceux qui sont utilisés dans les académies ne sont pas ibériques. Le cheval espagnol
joue davantage un rôle de modèle. Les origines des chevaux sont
beaucoup plus diverses qu’on ne le pense généralement. Sur les
22 chevaux identifiés de l’académie de Toulouse, un seul vient
d’Espagne. Les académies sont pourvues de chevaux anglais, danois,
hanovriens, barbes, mais aussi d’origine locale, limousin et angevine.
Ces écoles servent aussi de haras et des étalons sont uniquement
présents au titre de l’élevage. Bordeaux, par exemple, en possède
provenant du Médoc, du Cotentin, du Poitou.
En fait, le cheval espagnol est beaucoup moins utilisé que les
chevaux italiens et, de plus en plus, les chevaux français. L’élevage
des races locales se développe et la Gascogne, le Limousin, la Normandie dès le haut Moyen Âge, la Bretagne fournissent des chevaux
appréciés des écuyers. Si certains écuyers, tel Menou de Charnizay,
n’aiment pas le cheval espagnol qu’ils considèrent trop nerveux et
pourvu une tête mal placée à cause de la « genette »25, il n’en reste
pas moins que c’est lui qui représente le type idéal. Mais son prix le
réserve à une élite. Il faut aussi tenir compte du goût et des modes.
Ainsi, au XVIe siècle, la mode est aux chevaux italiens, plus particulièrement napolitains. Ils sont très renommés pour leur vitesse. Puis
au XVIIe siècle, le cheval andalou devient l’idéal avant que l’engouement pour le cheval de chasse, venu d’Angleterre au XVIIIe siècle, ne
fasse naître une nouvelle passion pour le pur-sang anglais.
25. De « gineta », très ancienne équitation de combat corps à corps des cavaliers espagnols.
De ce mot est dérivé le nom du genêt d’Espagne – autrement dit, le cheval de pure race espagnole.
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Dans les académies, chaque cheval, en fonction de sa morphologie et de ses capacités, est destiné à jouer un rôle spécifique. S’ils
sont presque tous entiers, on distingue ceux utilisés pour le manège,
pour les piliers, pour la haute école, et les sauteurs. Enfin, en fonction de leur utilisation, le prix de ces animaux est plus ou moins
élevé. À Rennes, l’écuyer achète en 1740 à un marchand anglais,
un cheval pour 2 000 livres. Le 21 janvier 1787, 3 000 livres sont
confiées à l’écuyer pour l’achat de deux chevaux. Certains sont
moins onéreux et l’écuyer de Bordeaux renouvelle un cheval de son
piquet tous les quatre ans pour 700 livres. Enfin, à Toulouse,
en 1783, 12 chevaux sont achetés pour 500 livres chacun.
Du XVIe au XVIIIe siècle, les académies délivrent un enseignement
totalement adapté aux souhaits et au rôle des catégories nobiliaires.
Leur rôle éducatif est essentiel mais elles ont aussi une fonction
sociable qui permet aux élèves de nouer des liens primordiaux pour
leur avenir. Le geste équestre s’éloigne de plus en plus du geste pratique nécessaire à la guerre, pour devenir le symbole du groupe
social auquel on appartient. Si le rôle de l’Italie est primordial dans
l’installation de ces établissements dans le royaume de France, leur
origine n’est pas totalement étrangère. Il semble évident qu’il existait, au préalable, une forme médiévale qui a permis l’implantation
des académies. Elles sont, enfin, des structures complexes, souvent
écartelées entre des pouvoirs qui les tolèrent, les utilisent, les détestent ou les soutiennent. Elles sont le lieu où de véritables dynasties
d’écuyers se sont succédé au service d’une noblesse venue d’horizons géographiques très variés. Elles sont un lieu d’échange de pensées, de méthodes, de savoirs. Les académies connaissent leur
apogée en France au XVIIIe siècle et serviront de modèles à d’autres
créations à travers l’Europe. Les soldats de la Révolution seront
entraînés dans celles qui n’auront pas été fermées. Sous l’Empire,
certaines d’entre elles renaîtront avant d’être définitivement remplacées par les manèges bourgeois, puis les sociétés hippiques du
XIXe siècle.
Professeur certifié, Corinne Doucet a soutenu sa thèse de doctorat en 1998
sur : Les académies d’art équestre dans l’ouest et le sud-ouest de la France du XVIe au
e
XVIII siècle (Université Michel-de-Montaigne, Bordeaux). Un article, « Les académies équestres ou l’école de la noblesse », est à paraître dans les prochains
actes du Colloque international de Valence (mai 2002) consacré aux Échanges
entre les universités européennes à la Renaissance.
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Les académies équestres et l’éducation de la noblesse
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Corinne Doucet
RÉSUMÉ
Du Moyen Âge à la Révolution, les académies équestres s’épanouissent sur
l’ensemble du territoire français. Elle sont alors le lieu par excellence de l’éducation
du courtisan. Pour cette raison, le pouvoir central les prend progressivement sous
son aile sans pour autant les aider, laissant les frais de gestion aux villes. Inconnus
ou mal connus, les écuyers qui les dirigent sont les responsables de l’éducation de la
noblesse. Pour les élèves, les académies sont un vivier de relations et la source d’un
art symbolique de leur rang dans la société d’Ancien Régime.
Mots clés : Ancien Régime, France, académie équestre, noblesse, éducation,
cheval.
ABSTRACT
From the Middle Age to the Revolution, the equestrian academies blossom on
the whole french territory. They are consider as the courtier’s educational place. For
this reason, the central authorities gradually take them under their wing, but without
giving them any help, they let the cities assuming the financial running. Unknown or
badly known, the equerry that direct them, are responsible for the nobility education.
For the pupils, the academies are the perfect place to build important relations and
the source of an art, symbol or their position in the Ancien Regime society.
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Key words : Ancien Regime, France, equestrian academies, nobility, education,
horse.

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