lettre ouverte David Garcia
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lettre ouverte David Garcia
Lettre ouverte à nos gouvernants passés, présents et à venir C’est d’abord une émotion, forte, un frisson d’horreur qui m’a saisi, d’entendre à la radio qu’une personne, enseignant dans un lycée de ma ville ait attenté à ses jours d’une façon cruelle. Et très vite, au-delà du sentiment humain il y a la révolte. Car enfin qu’avez-vous fait de l’école publique, de l’éducation nationale, notre bien public seul accès à l’égalité, seul lieu où l’on éduque à la liberté dans la fraternité. C’est de cette école-ci que je me rappelle. Ce serait injuste de dire qu’il y a eu un âge d’or, car il n’a jamais existé le bon temps, mais peut-être l’école avait-elle plus de vertu à être le moteur du triptyque de la devise républicaine. Et qu’avons-nous fait ? Nous nous sommes au mieux bornés dans une indifférence lâche, dans des attitudes condescendantes envers le corps enseignant le renvoyant à son statut pense-t-on de privilégiés. S’il est un privilège parents citoyens c’est d’avoir la responsabilité d’éduquer la jeunesse, d’essayer de la rendre critique, intelligente, curieuse, désireuse de devenir meilleur par le savoir et la connaissance. Je suis descendant d’exilés républicains espagnols pour qui l’école plus encore qu’ailleurs en Europe a représenté l’espoir et l’a suscité et entretenu. Je suis un ancien élève qui a appris, appris à apprendre, a aimé apprendre, car se servir d’internet ou d’un dictionnaire s’acquiert, comme l’on acquiert le goût du sport, de la musique, de la littérature, de la curiosité intellectuelle et de l’éveil lorsqu’on est au contact de personnes dévouées à leur métier, soucieuses de transmettre équitablement des acquis fondamentaux pour s’élever. On peut manquer de l’amour d’une mère, de la présence d’un père, tout ce que l’école ne remplacera pas car les enseignants sont des éducateurs, des professeurs, pas des assistants sociaux ou des psychologues mais ce qu’il donne à apprendre peut permettre de sortir de sa condition d’ignorant, de voir des choses invisibles sous leur éclairage, d’éveiller sa conscience au monde. Aller à l’école, la fréquenter assidûment, fouler les sols de ses classes, c’est aussi rencontrer et découvrir l’Autre, le plus âgé, le sexe complémentaire, celui ou celle d’une autre confession, d’un autre exil, d’une autre contrée du monde. L’école c’est un laboratoire de savoirs, un laboratoire des sciences de l’homme et un formidable rempart contre l’ignorance et la tradition. C’est un lieu d’échanges, de rencontres, de premiers émois, des aventures collectives, de la découverte du monde. Et tout cela pour tous. Cette école que nous détruisons chaque jour par notre passivité lâche et aujourd’hui coupable, car qui peut dire qu’il a fait ce qu’il devait devant la déshumanisation de notre bien public, du bien public le plus indispensable à notre société civile. L’école est la nôtre, nous y forgeons nos consciences, nous développons nos goûts, nous apprenons ce qui nous sera indispensable pour être des citoyens actifs, éclairés, critiques. Cette école que nous voulons refuse de transformer les enseignants en comptables d’évaluations dénigrantes, elle refuse de faire de nos enfants de dociles employés d’une rentabilité à tout crin, incapables de réfléchir à son devenir collectivement en brisant les plus démunis et les plus faibles par des mises à l’écart chiffré, soit par le handicap, soit par les origines sociales ou les différences de rythme d’apprentissage. Mon école est celle qui me fait aimer l’Autre et aimer l’homme et non pas celle qui rejette. Mon école est celle où ses enseignants éduquent en se respectant et en étant respecté pour un meilleur de l’homme demain. J’aime et je défends notre bien public, l’école. David Garcia. Béziers le 14 octobre 2011