Analyse d`une oenochoé

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Analyse d`une oenochoé
Depuis le début de la civilisation des Hellènes avec les Minoens, les Grecques ont un
long passé de fabricants de céramique de qualité et d’un goût artistique et symbolique
qui encore aujourd’hui ébloui le monde. Parmi ces œuvres, celle qui sera l’objet de ce
document est particulièrement intéressante si l’on veut en savoir plus sur la période
qui lui est contemporaine. L’œuvre en question est un oenochoé (vase servant à
verser le vin ou l’eau.) 1 à figure rouge datant de l’époque hellénistique (entre 300 et
200 av. J.-C.) qui a été fabriqué à Athènes. Le thème représenté sur ce vase est le
sport puisqu’il représente deux coureurs qui approchent de la Victoire 2 . Le texte sera
divisé en deux grandes parties, soit l’analyse du vase (description physique,
description du contexte spatio-temporel et description du thème développé sur le
vase) et finalement, une comparaison entre deux autres œuvres présentées durant
l’exposition du Louvre à Québec présentée du 5 juin au 26 octobre 2008 au Musée
National des Beaux-Arts de Québec.
Comme il a été dit plus tôt, l’œuvre qui nous intéressera est un oenochoé à figure
rouge représentant une scène de sport et plus précisément de course. Le mot
oenochoé vient du grec signifiant "verser le vin". C’est habituellement un vase à
panse arrondie pourvu d'une seule anse, utilisé pour contenir et verser le vin. Il en
existe une grande variété ; l'embouchure est généralement trilobée et l'anse verticale 3 .
La représentation que l’on retrouve sur le vase est deux jeunes gens nus courant vers
la victoire qui est représentée par une jeune femme en peplos (sorte de tunique sans
manches) 4 . La Victoire, ou «Niké» en grec, tient deux bandelettes qu’elle s’apprête à
remettre aux vainqueurs. On remarque également que le cadre de l’image est formé
de motifs floraux mais aussi que les yeux des personnages ne sont pas de profil car
avec l’arrivée de la technique de la figure qui consiste à peinturer les détails des
1
www.louvre.fr. Glossaire, Oenochoé. Voir image 1 en annexe. 3
Op.cit. www.louvre.fr 4
Musée Nationale des beaux‐arts du Québec. Les arts et la vie Le Louvre à Québec, Carnet de visite, 2008, page 152. 2
personnages plutôt que les personnages eux-mêmes, et depuis le cinquième siècle, les
yeux ne sont plus peints de profil 5 .
Le cadre spatio-temporel de l’œuvre est très intéressant puisqu’il se situe durant la
période hellénistique, c’est-à-dire la période qui suit la mort d’Alexandre le Grand en
323 av. J.-C. Pour mieux comprendre la période en question, il est important de faire
un retour sur le court règne d’Alexandre. Alexandre est le fils de Philippe II de
Macédoine, et lorsque son père meurt assassiné, il obtient le trône de Macédoine, et
par extension de toute la Grèce car son père vient d’en faire l’unification. Il part vers
l’orient avec 40 000 soldats et se bat pendant dix ans avant de se rendre jusqu’en Inde
et revenir à Babylone où il meurt. L’important dans l’épopée d’Alexandre est
l’héritage qu’il a laissé à ses généraux et à l’Histoire. Suite au décès d’Alexandre, il
se produit un phénomène que l’historiographie a nommé «la crise des diadoques».
Les diadoques sont les généraux d’Alexandre qui décident de se séparer l’empire en
quatre royaumes rivaux 6 . Celle sur laquelle nous nous pencherons est le royaume
Antigonide régi par Antigone dit le Borgne qui, soit dit en passant, n’a jamais régné
en Macédoine 7 . Son fils Démétrios 1er lui succède en 301 et devient roi des
Macédoniens en 294 après avoir assassiné les fils de Cassandre 8 et tente par la suite
de refaire l’empire d’Alexandre, mais ses ambitions lui ont valu une coalition des
autres diadoques. En 283, il se rend à Séleucos où il meurt. Le fils ainé de Démétrios,
Antigone Gonatas, hérite donc d’une couronne vide mais il profite du chaos causé par
les Gaulois qui tente de rentrer en Macédoine. Grâce à sa victoire sur les Galates en
277, il gagne un royaume pour lequel il doit se battre car il doit faire face une
coalition entre Athènes et Sparte suscité par Ptolémée II. Le conflit commence en 268
et se termine en 261 lorsqu’Athènes capitule. Les succès d’Antigone sont toutefois
5
Denis Leclerc. L’Héritage gréco‐romain, Cégep François‐Xavier‐Garneau, Hiver 2008. François Lafrenière et Denis Leclerc. La rechreche en civilisations anciennes, Les éditions de L’instant même, Québec, 2001, page 51. 7
Jean Leclant. Dictionnaire de l’Antiquité, Presses Universitaires de France, Quadridge/puf, Paris, 2005, page 130. 8
Cassandre étais le roi des Macédoniens depuis la Bataille de Ipsos où il triompha d’Antigone. 6
assombris par son neveu Alexandre qui perd Corinthe en 249 même si Antigone est
victorieux de la flotte de Ptolémée III en 245, où il reprend Corinthe, car il s’agit
d’une victoire sans lendemain. La Ligue achéenne dirigée par Aratos reprend
immédiatement Corinthe et commence à menacer les positions macédoniennes en
Grèce. Antigone 9 meurt en 239. Démétrios II succéde à Antigone mais son règne
n’est pas resplendissant car son alliance avec le roi illiryen Agron livre toute la Grèce
aux raids des pirates illiryens. À la mort de Démétrios, son successeur étant encore
enfant, son tuteur Antigone Dôsôn exerce le pouvoir. Le régent fait face aux
invasions des Dardaniens au nord, aux Étoliens au sud et réussi à reprendre la majeur
partie de la Thessalie. Il ne peut cependant pas faire face à l’émancipation d’Athènes
de l’empire macédonien en 229 ni à l’expansion achéenne dans le Péloponnèse.
Durant son expédition en Carie en 227, le roi spartiate Cléomène menace la Ligue
achéenne qui se voit obligée de confier le commandement suprême à Antigone. Grâce
à l’Alliance Hellénique, Antigone bat Cléomène et les Illyriens avant de mourir en
221. Philippe V obtient, à 17 ans, un royaume en bien meilleur état que celui de son
père adoptif. Allié en 215 aux Carthaginois, il réussit à refouler les Romains jusqu’à
la fin de la première guerre de Macédoine en 205. Mais finalement sa politique
expansionniste dans la mer Égée a raison de lui, car en 200 c’est la deuxième guerre
de Macédoine qui se termine en 197 en Thessalie où il perd sa flotte ainsi que toutes
ses possessions extérieures. La fin de sa vie est assombrie par la mort de son fils
Démétrios que les Romains ont tenté d’utiliser à leurs fins. Finalement, Philippe
laisse, malgré tout, derrière lui une Macédoine redressée grâce à un effort immense
de réformes qui sont connues aujourd’hui par les inscriptions et les monnaies 10 . Le 3e
siècle avant J.-C. est également important parce que c’est l’arrivée massive d’œuvres
d’art grec à Rome à cause de la deuxième guerre punique (218-201) où Syracuse est
9
Antigone étais reconnu pour son amour des lettres et des arts, mais également pour son attachement à la philosophie stoïcienne. 10
Jean Leclant. Dictionnaire de l’Antiquité, Presses Universitaires de France, Quadridge/puf, Paris, 2005, page 131. pillée comme toutes les autres citées grecques de la Grande Grèce à l’exception de
Naples qui gardera son patrimoine culturel intact 11 .
En raison de l’importance de la gymnastique dans la paideia grecque, et du rôle des
concours agnostiques dans la culture hellénique, on croit souvent que le sport a été
inventé à Athènes ou à Olympie, mais il n’en est rien car on peut voir des scènes de
luttes dès le IIIe millénaires à Bagdad 12 . Les Grecs n’ont pas de terme pour traduire
la notion de sport et pour se distinguer des Barbares, ils pratiqueront toujours
l’activité sportive nue. Le sport est vu comme une préparation pour les activités
guerrières. Les compétitions avaient pour but de recevoir l’honneur d’une couronne
dite sacrée, et la plupart du temps le citoyen victorieux étais récompensé par sa ville.
Bien entendu les scandales d’achat du vainqueur ou de corruption des participants
existent (par exemple les tyrans de Sicile achèterons des vainqueurs durant
l’Antiquité). La course se pratique dans un stade formé d’une piste mesurant cent
pieds. Les épreuves comprennent la course simple, double (aller et retour) et le
sextuple ou lente (12 distances) 13 . Finalement, l’activité sportive féminine est
beaucoup plus limitée puisqu’elle est censée, soit favoriser la naissance de beaux
enfants ou s’inscrire dans le cadre de rites de passage 14 .
La seconde partie sera consacrée à l’élaboration de liens existants entre un artéfact
datant de l’Antiquité, d’un artéfact qui provient d’une époque postérieure à
l’Antiquité présenté lors de l’exposition du Louvre à Québec et l’objet étudié dans la
première partie. L’artéfact provenant de l’époque antique qui sera étudié est une
sculpture découverte en Italie entre le premier et le deuxième siècle après J.-C.
11
Martin Colas. Le monde Romain, Armand Colin, Paris, 2007, page 14. Jean Leclant. Dictionnaire de l’Antiquité, Presses Universitaires de France, Quadridge/puf, Paris, 2005, page 2054. 13
Musée Nationale des beaux‐arts du Québec. Les arts et la vie Le Louvre à Québec, Carnet de visite, 2008, page 152. 14
Op.cit. Jean Leclant, page 2056. 12
représentant un pugiliste 15 . Les pugilistes pratiquent le pugilat 16 qui est un sport de
combat qui se rapproche de la boxe contemporaine. Ainsi de façon superficielle, on
peut faire le lien entre les deux objets puisque les deux œuvres représentent des
scènes sportives (la course et le pugilat). Mais en y regardant de plus près, on
remarque que dans les deux cas le corps des sportifs est nu (donc même si la Grèce
est romaine, on représente un sportif grec) et on voit un énorme travail pour rendre le
corps le plus parfait possible. Ainsi on peut voir que l’artiste qui a créé le pugiliste
s’est grandement inspiré des sculptures grecques de l’époque classique car ces
sculptures sont reconnues pour représenter une version parfaite du jeune homme sain
et vigoureux plutôt que de représenter un personnage en particulier 17 . Le second lien
serait donc l’idéalisation du corps et l’appréciation de la beauté des œuvres
classiques.
La seconde œuvre à être mise en comparaison avec l’œuvre principale est une huile
sur toile 18 faite en 1746 par le peintre Luis Eugenio Melendez, qui étudie à
l’Académie Madrilène de San Fernando. Cette œuvre représente l’artiste tenant
fièrement une «académie» 19 pour souligner qu’il maîtrise le dessin selon un modèle
vivant. On peut se demander qu’elle lien peut exister entre un vase fait avant J.-C. et
une peinture du 18e siècle, d’autant plus qu’il n’y a rien de sportif dans cette peinture.
Le lien qui existe entre ces deux œuvres est dans la symbolique de la scène
représenté. Sur le vase, plus que le sport est représentée la Victoire (sous la forme de
la femme tenant deux bandelettes) tout comme le peintre à voulu immortaliser la
victoire qu’il a obtenue lors de l’obtention de son académie et donc au passage au
prochain niveau d’apprentissage de l’art. Le second lien que l’on peut faire entre ces
œuvres est sensiblement le même que l’un des liens qui existent entre le pugiliste et
15
Voir image 2 en annexe Collectif. Le petit Larousse illustré 100e édition, Larousse, Paris, page 878 17
Denis Leclerc. L’Héritage gréco‐romain, Cégep François‐Xavier‐Garneau, Hiver 2008. 18
Voir image 3 en annexe 19
L’académie est le passage obligé d’un artiste afin de pouvoir commencer l’étude de la composition et de la peinture. 16
l’œuvre principale, soit l’amour de la beauté classique. Cet amour est visible par le
fait que l’académie tenue par Melendez est une représentation idéalisée du corps
humain de la même façon que les coureurs sont également montrés sur leur plus beau
jour et nu de surcroît.
En conclusion, on a pu observer que le sport est né il y a longtemps et qu’encore
aujourd’hui il est une partie importante de la fierté nationale comme pour les
Grecques anciens et tout comme la corruption afin d’obtenir la victoire sportive. Mais
plus fort encore, les jeux Olympiques, qui ont depuis le 19e siècle refait leur
apparition et qui sont un événement d’une importance incroyable pour tous les
peuples qui y participent, sont le phénomène le plus éloquent de la postérité du sport
qui était pratiqué par les Grecques et les Mésopotamiens avant eux. Un autre élément
qui a connu une évolution depuis l’époque de la Grèce antique est la représentation de
la Victoire. Effectivement, on peut remarquer l’étrange ressemblance entre la Victoire
représenté sur le vase et la Liberté (courant vers la victoire) de la Révolution
Française personnifiée par la Marie-Anne 20 . Le transfert de l’imagerie s’est fait
d’abord entre la Grèce et Rome puis entre la République romaine et les
révolutionnaires français qui ont créé leur république sur les bases de la république
romaine. Finalement, on peut affirmer non seulement que le sport et ses
représentations sont restés bien importants pour les occidentaux mais également son
imagerie.
20
Voir image 4 annexe Médiagraphie
- COLAS Martin. Le monde Romain, Armand Colin, Paris, 2007, 127 p.
- COLLECTIF. Le petit Larousse illustré 100e édition, Larousse, Paris, 1855 p.
- LECLANT Jean. Dictionnaire de l’Antiquité, Presses Universitaires de France,
Quadridge/puf, Paris, 2005, 2389 p.
- LAFRENIÈRE François et LECLERC Denis. La rechreche en civilisations
anciennes, Les éditions de L’instant même, Québec, 2001, 159 p.
- Musée Nationale des beaux-arts du Québec. Les arts et la vie Le Louvre à Québec,
Carnet de visite, 2008, 176 p.
- Musée du Louvre. www.louvre.fr [en ligne]. Glossaire, Oenochoé (page consultée le 9 décembre 2008. Images : Musée du Louvre. www.louvre.fr [en ligne] (consulté le 10 décembre 2008).
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