Chapitre 5 La gestion des périmés à l`officine 1

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Chapitre 5 La gestion des périmés à l`officine 1
Chapitre 5
La gestion des périmés à l’officine
1-
Pourquoi ?
Tout produit présente une date de péremption, cette dernière étant plus ou moins longue mais gérer
les périmés à l’officine est une tâche non négligeable quand on sait qu’une officine moyenne de
chiffre d’affaires annuel d’environ 1,2 millions d’euros présente près de 20.000 « boîtes » à suivre.
A travers ce travail, plusieurs objectifs sont donc recherchés, en particulier :
• Faciliter la tâche qu’est la gestion des périmés ;
• Avoir le moins de périmés possible à l’officine, ceci afin :
- D’éviter une dispensation ou une vente par erreur d’un médicament ou d’un produit
dont la date de péremption est dépassée, c’est-à-dire optimiser la sécurité de la
dispensation (contribuer à une dispensation de qualité) ;
- D’éviter absolument le retour d’un patient avec un produit périmé, ce qui, il faut bien le
reconnaître ne contribue pas à la valorisation de l’acte officinal et ne donne pas une
image idéale de l’officine, quelle qu’elle soit (sécuriser le métier) ;
- De réduire le coût financier que représente la perte de ces produits (2600 euros TTC
par an en moyenne) ;
Cela par le biais d’une nouvelle méthode de travail à adapter dans le temps et selon chacun, mais
disponible pour tous et en particulier pour les nouveaux arrivants au sein de l’équipe.
2-
Comment ?
2-1- Projet
C’est prévenir les incidents, les déceler à temps afin de les corriger, ceci en trouvant des moyens
simples, facilement applicables pour faciliter la charge de travail que représente le brassage des
produits dans la gestion des périmés.
2-1-1- Identification du besoin
De façon générale par tous, l’équipe dans son ensemble étant concernée par ce sujet, mais plus
précisément :
− Par le titulaire car les périmés ont un coût financier non négligeable à l’officine (calcul annuel),
d’autant plus que cette somme semble pouvoir être réduite ;
− Par les collègues lors de retours par les clients/patients de produits vendus périmés. Nous
pouvons ici citer une anecdote au sujet de la vente d’un pain Hydralin* : lors de cette vente, en
février 2006, une préparatrice avait eu un doute sur sa date de péremption mais l’étiquette de prix
cachait cette dernière. La vente a été effectuée mais le lendemain appel téléphonique de la cliente
précisant que sur le papier entourant le savon la date de péremption indiquait « janvier 2006 »,
l’incident fut rapidement clos et sans conséquences (la personne a ramené le savon sans
animosité et on le lui a remboursé) mais n’a pas reflété une image très positive de la pharmacie.
Au final, cela a entraîné une réflexion sur la gestion des périmés et leur contrôle.
− Par tous lorsque la tâche est partagée, de par la longueur et la morosité du travail ;
− Par l’inspecteur qui peut aussi vérifier les matières premières utilisées dans les préparations
magistrales (exemple : vérification et comparaison des dates de péremption et de préparations à
base d’érythromycine poudre).
2-1-2- Moyens pour satisfaire ce besoin
Pour progresser sur ce sujet, il convient de
− Réfléchir sur des moyens simples utilisables à l’officine et pratiques (élastiques, post-its, fiches
Farhenberger pour nos cas personnels) ;
− Discuter avec des confrères, questionner sur « comment font les autres ? » : le partage
d’expérience ne peut être qu’enrichissant (voir ce qui va et ce qui au contraire n’est pas
applicable) ;
− Adopter une homogénéité dans la méthode générale de travail à l’officine (ranger les produits
tous de la même façon dans les rayons/tiroirs, se servir du même côté dans les rayons pour
savoir toujours quel produit prendre en premier, droit ou gauche …).
2-2- Réalisation
A nous deux, nous travaillons régulièrement dans trois officines différentes, où des méthodes de
travail distinctes ont été adoptées, l’essentiel étant d’utiliser des moyens efficaces qui restent
toutefois discrets en ce qui concerne les produits accessibles à la clientèle (en particulier pour la
parapharmacie). On retrouve donc, les moyens décrits ci-après dans les différentes officines.
2-2-1- Dans la 1ère officine
a- Le maintien de l’utilisation des fiches jaunes et blanches Farhenberger, ceci malgré la gestion de
stock informatique
La fiche blanche est utilisée pour commander et la fiche jaune permet d’identifier la place du produit
en rayon. Une fois par an, on inverse le sens des fiches c’est-à-dire que l’on commande une année
avec les fiches blanches et l’autre année avec les fiches jaunes, le changement se faisant au
moment de prélever la fiche pour commander au fur et à mesure des délivrances, on réalise
facilement (de façon visuelle) au bout de quelques mois ce qui « tourne » et ce qui « ne tourne pas »
dans le stock.
b- Un système de mise en place d’élastiques autour des produits qui seront périmés dans l’année et
retrait des rayons des produits se périmant dans les 6 mois à venir
Chaque mois d’août (à cette période car il y a souvent un rythme de travail plus calme à l’officine), on
met en place un élastique autour de chaque produit qui sera périmé l’année suivante et on enlève
des rayons les produits se périmant entre septembre et décembre de l’année en cours. Le plus long
étant la mise en route au départ pour vérifier l’ensemble du stock car ensuite il ne s’agit plus que de
retirer des rayons les produits entourés d’un élastique.
c- Parfois il peut aussi être difficile, quand les médicaments sont rangés dans des tiroirs, de savoir où
se situent les boîtes les plus anciennes, car les boîtes peuvent se « balader » à cause des
mouvements des tiroirs (exemple : boîtes de sachets de Kardégic*), d’où une meilleure utilisation des
intercalaires de tiroirs éventuellement déplacés au rythme des stocks qui s’amenuisent peu à peu.
d- L’utilisation du code géographique informatique pour des produits particuliers et peu vendus
L’utilisation du code géographique permet d’éviter de les commander en double croyant à une erreur
de stock alors qu’en fait on ne les cherchait pas au bon endroit (pour l’utilisation du code
géographique, il s’agit d’informer dans les fiches-produits informatiques au choix un numéro de
colonne et un numéro de tiroir prédéfinis au niveau des meubles de rangement). De même, il semble
judicieux de limiter au maximum les lieux de stockage, l’idéal étant qu’un produit n’ait qu’une seule
place.
2-2-2- Dans la 2ème officine
a- L’utilisation de post-it® colorés et translucides de petite taille pour lesquels 3 couleurs différentes
sont utilisées
Par exemple on appose un post-it® :
- Violet sur ce qui se périmera dans les 6 mois à venir donc pour ce qui doit être vendu rapidement
ou ce pour quoi il convient d’être très vigilant lors de la vente ;
- Un de couleur verte pour ce qui se périmera entre 6 mois et 1 an ;
-
Un de couleur bleue si au-delà de 1 an. On utilise aussi ce système pour ce qui est rangé en
réserve (couleur rose) afin de voir en un coup d’œil ce pour quoi on a un stock important à
l’officine.
b- Pour certains types de produits que l’on reçoit en commande direct-laboratoire en quantité assez
importante, on utilise l’informatique en entrant la date de péremption dans l’ordinateur par le biais du
logiciel.
Si on reçoit plusieurs lots avec des dates de péremption différentes, on entre dans l’ordinateur la
date la plus proche. On place un post-it® où figure la nouvelle date de péremption sur la première
boîte du 2ème lot. Celle-ci sera donc remplacée dans l’ordinateur en temps voulu par la personne qui
aura en premier cette boîte en main.
c- Un moyen simple a été mis en place pour la gestion des périmés pour les produits conservés au
réfrigérateur.
Il s’agit d’un petit carnet sur chaque page duquel on a inscrit un mois de l’année et à chaque
réception de « produits-frigo » on inscrit systématiquement la date de péremption du produit, ceci
faisant partie intégrante de la méthode de déballage des commandes.
d- L’informatique peut également se révéler être un outil précieux dans la mesure où il permet
d’éditer régulièrement la liste des produits invendus depuis par exemple 6 mois, produits que l’on
peut alors retirer du stock et retourner chez le grossiste.
2-2-3- Dans la 3ème officine
a- On a pour habitude de stocker les produits particuliers (soit parce que pris par une seule et même
personne au long cours soit produits coûteux qui se vendent peu soit encore nouveau médicament
pour lequel on n’est pas sûr qu’il se vendra dans l’avenir…) par ordre alphabétique sur 2 étagères
au-dessus de la table de déballage des commandes, entourés du bon de livraison.
Ainsi on peut facilement vérifier la rotation de ces produits, vérifier la date de la dernière commande
et les retourner chez le grossiste quand on s’aperçoit qu’on n’en a plus la vente (moins de perte
financière que de les retirer périmés des rayons). Cela demande obligatoirement de la rigueur et une
uniformité de travail de tous mais ce système semble valable. De la même façon, on n’hésite pas à
mettre couramment des commentaires en fiche client pour ces produits particuliers stipulant qu’une
boîte est déjà réservée pour le traitement du mois suivant au niveau de ces étagères et quand on
prend cette dite boîte on recommande la même chose par le biais du bon de livraison (officine où il
n’y a pas de gestion de stock).
b- Quand cela est possible, on tente aussi au maximum de faire payer les produits de
parapharmacie que certains clients peuvent commander spécialement : d’une part quand le produit
est payé, la personne semble moins oublier de venir le rechercher, d’autre part même si elle oublie
au moins ce n’est pas perdu pour l’officine (en précisant : « je vous le fais régler maintenant, ça ne
vous dérange pas ? Je vous fais un ticket où il est noté que c’est payé comme cela vous n’avez plus
qu’à venir le rechercher », cela passe en général très bien).
Et pour ces 3 officines, on précisera l’importance du rangement et en particulier de l’uniformité de sa
méthode : chacun se doit de travailler de la même manière et, par exemple, de bien positionner les
derniers produits reçus derrière les plus anciens afin de vendre en premier ces derniers mais aussi
de prendre en priorité le produit le plus à droite ou à gauche selon les habitudes (mais que chacun le
fasse de la même façon, en particulier en informer les étudiants ou les stagiaires qui ont pu travailler
différemment dans d’autres officines).
3-
Évaluation
3-1- Temps passé
3-1-1- Préparation
Il est difficile d’évaluer le temps passé entre la prise de conscience de ce problème de la gestion des
périmés et la mise en place d’une méthode. Tout s’est établi au fur et à mesure :
- Suite à des réflexions lors de réunions entre collègues ;
- Lors de discussions avec d’autres officinaux ;
- Apparition d’idées spontanées.
D’un autre point de vue, on peut dire que pour la réalisation de ce travail chacune de nous deux a
passé environ une dizaine d’heures entre la préparation personnelle du sujet et la mise en commun
de nos idées et des méthodes de travail que nous appliquions déjà de part et d’autres là où nous
travaillons respectivement.
3-1-2- Réalisation
Dans une des 3 officines, le travail du contrôle des périmés se partage entre le pharmacien adjoint
qui met environ 5 heures (2 fois par an) pour enlever les produits du premier/second semestre de
l’année en cours et mettre un élastique sur les produits qui se périmeront l’année suivante. La
préparatrice vérifie régulièrement le bon rangement de la zone parapharmacie et médication
familiale lors de « périodes creuses » (difficile à chiffrer en temps car non régulier). Chacune y a
consacré environ 1 à 3 heures par semaine pendant 2 mois pour démarrer la méthode.
Dans les 2 autres officines, ce sont les préparatrices qui se chargent de ce travail. L’une d’entre elles
estime à environ 35 heures le temps passé à noter les périmés à venir sur un cahier spécifique
(autre que le cahier frigo cité précédemment) et à mettre en place les post-it®. Ensuite il convient
une fois par mois de contrôler sur ce même cahier les produits qui se périment et des les retirer des
rayons.
La réalisation de la liste de ces produits périmés et de leurs prix hors TVA et TTC peut aussi prendre
plus ou moins de temps selon que l’on soit en gestion de stock et que l’on utilise régulièrement l’outil
informatique pour déstocker les produits dans la rubrique « périmés » ou que l’on doive établir un
listing sur Works ou Excel ou encore que l’on fasse cela manuellement.
3-2- Points positifs constatés
1- Étiquettes de prix bien placées qui laissent visible la date de péremption ;
2- Regard systématique de la date de péremption quand on a en main un produit avec élastique ou
post-it® ;
3- Prise de conscience du problème et des pertes financières par l’ensemble de l’équipe ;
4- Le cahier « frigo » est bien rempli et spontanément car c’est une démarche simple ;
5- Brassage des produits plus rapide quand mise en place des moyens de repérage.
Cependant nous avons peu de recul sur d’éventuels produits périmés qui seraient néanmoins
« passés entre les mailles du filet » et auraient malgré tout été délivrés périmés, ni sur l’impact
financier du sujet.
3-3 Points à améliorer
− Il convient de rappeler sans cesse l’intérêt d’un rangement efficace (surtout lors d’arrivée de
nouveaux membres dans l’équipe, étudiants ou stagiaires) ;
− Une certaine réticence à utiliser l’ordinateur pour la gestion des périmés car cela paraît pour
certains trop compliqué : ceci est un point à améliorer car il s’agit en fait d’un manque de maîtrise
de l’outil informatique ;
− Chaque membre de l’équipe se doit de participer et d’être impliqué ;
− Certains produits arrivent à l’officine avec une date de péremption courte, il convient donc de
penser à les noter directement sur le cahier des périmés ou de les garder à vue d’œil, l’essentiel
étant de savoir quels sont ces produits (parfois on reçoit un produit pour lequel l’emballage nous
alerte mais pas toujours). On peut citer par exemple les vaccins Repevax*, les collyres Dulciphak*,
l’antibiotique Zeefra*… pour lesquels on a déjà remarqué qu’ils ont une date de péremption
courte ;
− Il y a eu aussi dans une des officines un souci quant à la maison de retraite dont on a les résidents
comme patients une année sur 3. Or ces derniers prennent souvent des traitements particuliers (et
souvent coûteux) dont on n’a pas forcément la vente en temps normal (médicaments de la maladie
d’Alzheimer ou de Parkinson par exemple mais aussi certains pansements spéciaux anti-escarres
ou autres …), or suivant la gestion de stock certains produits se sont recommandés
automatiquement en quantités et quand « l’année de la maison de retraite » s’est terminée, ces
produits ne se sont plus vendus et ont été retirés périmés ;
− Souci pour les stupéfiants car produits peu brassés. Il n’y a pas de méthode de vérification
régulière des périmés, ceci est fait au coup par coup en particulier lors de l’inventaire et sinon lors
des délivrances qui sont peu nombreuses.
4-
Conclusion
Il s’avère difficile de changer radicalement les méthodes de travail qui sont en place au quotidien,
même pour améliorer la qualité de la dispensation.
Rien n’est jamais acquis et il faut sans cesse rappeler et vérifier les bonnes méthodes de
rangement des produits.
Toutefois s’est mise en place une bonne motivation pour réduire au maximum les périmés car nous
avons pris conscience du gaspillage que cela représente.
En résumé, réduire les périmés c’est surtout agir en amont et éviter de sur-stocker.
L’idéal ne serait-il pas d’innover comme en Belgique et d’inclure la date de péremption de chaque
produit dans son code-barre car dans cette mesure tout produit scanné et périmé serait détecté par
l’ordinateur au moment de la vente et éviterait ainsi toute malencontreuse délivrance ? Quant à
baisser le coût financier des périmés …