La Victoire du marquis de La Fayette

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La Victoire du marquis de La Fayette
12th October 2014
La Victoire du marquis de La Fayette
[http://1.bp.blogspot.com/DXGhaWEZ9B4/VDo4NFBHXQI/AAAAAAAAKHM/9i3H2blwlFA/s1600/L%27Hermione.jpg]
Bordeaux célèbre La Fayette et l'Hermione réunis dans la conquête de la Liberté offerte aux insurgents américains.
Et il est vrai que L'Hermione, construite entre 1778 et 1779 à Rochefort, doublée en cuivre pour protéger sa coque des
tarets [https://fr.wikipedia.org/wiki/Teredinidae] , a transporté le très jeune officier de cavalerie qui allait devenir majorgénéral dans l'armée américaine et se couvrir de gloire dans le Nouveau Monde.
Cette jolie frégate [https://fr.wikipedia.org/wiki/Hermione_(1779)] , commandée par l'audacieux Latouche Tréville
[https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Ren%C3%A9-Madeleine_de_Latouche-Tr%C3%A9ville] , fit merveille contre les Anglais,
reçut le jeune Congrès américain à son bord, avant de rentrer en France, en 1782.
Pendant la Révolution, le 20 septembre 1793, après 14 ans de bons et loyaux services, elle sombra assez piteusement aux
mains d'un pilote maladroit dans l'embouchure de la Loire, en plein jour, par beau temps et faible vent, sur le plateau du
Four, au large du Croisic.
L'Hermione n'est pas partie de Bordeaux...
Quoiqu'en laissent croire les festivités du port de la lune en ce mois d'octobre 2014, l'Hermione n'est pas partie de
Bordeaux, mais de La Rochelle, et seulement pour le deuxième voyage de La Fayette en 1780.
Ce n'est que pour son premier voyage que le navire de La Fayette, La Victoire, est parti de Bordeaux le 25 mars 1777, mais
sans le marquis, qui l'a rejoint à cheval à Pauillac. La destination réelle était Saint-Sébastien, en Espagne, et plus
précisément le port de Pasajes [https://fr.wikipedia.org/wiki/Pasaia] où La Victoire fit escale plus d'un mois avant de repartir
le 26 avril pour rejoindre l'Amérique qu'elle atteint le 12 juin de la même année.
Ce navire historique mérite aussi que l'on s'intéresse à sa courte histoire.
La Victoire, un vieux senault...
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Le navire choisi par La Fayette était un bâtiment modeste de 22 m de long, 8 m de large et 3,50 m de creux qui jaugeait
268 tonneaux. Un bateau quatre fois plus petit que l'Hermione, qui fait 45 mètres de long (66 mètres hors tout), 11 mètres
de large et et près de 6 mètres de creux pour 1166 tonneaux, et qui compte trois mâts avec une voilure de 2 200 m2,
armée de trente-quatre canons, dont vingt-six tirant des boulets de douze livres (d'où le terme de « frégate de 12
[https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9gate_de_12] ») et huit canons de huit livres. La Victoire, elle, a été équipée
de six petits canons...
La Victoire était un senault, construit sur place aux chantiers Chaigneau et Bichon à Lormont (lieu-dit Carriet). Il ne reste
de ce navire aucune trace, aucun plan, aucune gravure.
Le senault ou senau [https://fr.wikipedia.org/wiki/Senau] est un navire de commerce gréé en brick mais portant un mâtereau
nommé mât ou baguette de senau, en arrière du grand mât, avec une corne enverguant un artimon, appelée voile de
senau. Moins fin que le brick, plus lourd, avec un plus grosse carène, le senau est un deux mats gréé de voiles carrées .
[https://www.blogger.com/null] Le navire acheté par La Fayette avait été construit six ans auparavant en 1771, sous le nom
de « Comtesse de Richemond », pour Pierre Richet, petit armateur bordelais qui l'utilisa pour trois voyages aux Antilles.
En 1775, il fut vendu 25 000 livres au négociant Labat de Serène qui le rebaptisa « La Bonne Mère », et l'affecta à deux
voyages en droiture pour Saint-Domingue. Revendu au négociant Louis Lanoix, en février 1777, il devint « La Clary », au
moment ou La Fayette le fit acheter, en mars de la même année, pour le renommer « La Victoire ».
C'était donc un bateau en fin de vie, mais encore en état de naviguer, sachant que la durée de vie moyenne d'un navire au
XVIIIème siècle était de 10 ans et six voyages (cf. Gaston Martin, L’ère des négriers [http://books.google.fr/books?
hl=fr&id=bnggwbnW9d0C&q=moyenne+dur%C3%A9e+de+vie#v=onepage&q=moyenne%20dur%C3%A9e%20de%20vie&f=false]
, 1993, p. 32).
Une juteuse opération commerciale...
Le financement de l'opération fut complexe. La Fayette n'était pas majeur, à 19 ans, et ne pouvait mener seul l'opération.
Même si sa famille était riche, il bénéficiait du concours du Comte de Broglie, qui rêvait aussi de se rendre célèbre en
Amérique et finançait l'opération pour son propre compte. C'est donc François-Augustin Dubois-Martin, frère du
secrétaire du Comte, qui fut chargé de la transaction avec la maison des armateurs bordelais Basmarein,Raimbaux et Cie
[http://archives.bordeaux.fr/expositions/salle-recules-de-basmarein-raimbaux-et-compagnie-21/n:45] , pour 29 000 livres.
De Broglie versa 26000 livres tournois. La beau-frère de Dubois-Martin, Pierre de Larquier prêta les 3000 livres
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manquantes. Un capitaine, nommé Jean Baptiste Le Boursier, fut engagé, qui recruta l'équipage pour la traversée.
Mais l'investissement total était de 120 000 livres avec la cargaison. 40 000 livres investies par La Fayette. Autant par
Dubois-Martin, pour le compte de Broglie, le Baron de Kalb [https://fr.wikipedia.org/wiki/Johann_de_Kalb] , un aristocrate
allemand qui voulait aussi retourner en Amérique apportant le reste.
Et quelle est cette cargaison ? Des uniformes, des armes et des munitions : 5 000 fusils, en vente libre dans la place
négrière de Bordeaux qui fournit le marché africain. Beaumarchais [https://fr.wikipedia.org/wiki/PierreAugustin_Caron_de_Beaumarchais] s'y approvisionne aussi, pour le même trafic. Le Comte de Broglie, qui habite Ruffec en
Saintonge, possède une forge de canons et de boulets. Chef du service secret de Louis XV et marchand d'armes ! Le profit
attendu de la revente est de 400 000 livres. L'expédition en Amérique est aussi une juteuse opération commerciale, assez
spéculative compte tenu des risques encourus !
[https://www.blogger.com/null] [https://www.blogger.com/null] Pour ne pas attirer l’attention des curieux ou des espions
britanniques présents sur la place de Bordeaux, La Victoire est déclarée à destination de Saint-Domingue et La Fayette
n'est pas à bord au départ de Bordeaux.
[https://www.blogger.com/null] La Fayette est malade durant une grande partie des sept semaines d'un long voyage qui
dure jusqu'au 12 juin 1777, date à laquelle La Victoire atteint le voisinage de Charleston avant que la ville ne soit capturée
par les Anglais trois ans plus tard, en 1780.
La marchandise est livrée après avoir déjoué le blocus maritime anglais. La vente se fait par l’intermédiaire de Cribbs and
May pour Pierre de Basmarein [http://www.sudouest.fr/2013/10/25/l-histoire-dans-une-poubelle-1210025-2780.php] ,
l'armateur bordelais.
La Victoire recharge une nouvelle cargaison de riz pour Saint-Domingue. Mais le navire ne reviendra jamais à Bordeaux.
Le 14 août 1777, alors qu'il quitte le port, il coule dans la rivière de Charleston, sans qu'il soit fait état d'engagement avec la
flotte ennemie.
Ainsi le combat pour la Liberté du glorieux marquis s'appuie-t-il sur d'obscures manœuvres mercantiles, avec sans doute
le financement occulte d'une royauté ambiguë et en décomposition.
Dans l'opération, De Broglie [https://fr.wikipedia.org/wiki/Victor-Fran%C3%A7ois_de_Broglie_(1718-1804)] se sera fait damner
le pion par l'audacieux jeune homme. L'armateur bordelais de La Victoire, Pierre Recul
[http://archives.bordeaux.fr/expositions/salle-recules-de-basmarein-raimbaux-et-compagnie-21/n:45] ès de Ba
[http://archives.bordeaux.fr/expositions/salle-recules-de-basmarein-raimbaux-et-compagnie-21/n:45] smarin
[http://archives.bordeaux.fr/expositions/salle-recules-de-basmarein-raimbaux-et-compagnie-21/n:45] sera conduit à la faillite
par la perte de son navire et de quelques autres. Les gains financiers de La Fayette lui auront permis d'offrir
gracieusement ses services à l'insurrection américaine, de payer ses officiers, d'équiper ses soldats... et de se couvrir de
gloire.
_______________________
Le premier voyage de La Fayette en Amérique est raconté en détail par le Professeur Patrick Villiers dans un texte
accessible sur internet [http://crhael.univ-littoral.fr/wp-content/uploads/2008/12/article-la-fayette.pdf] , intitulé "Une
ténébreuse affaire", et dans son ouvrage"La Fayette, rêver la gloire [http://www.librairie-sciencespo.fr/autres-ouvragesd-histoire/autres-ouvrages/livre/la-fayette---rever-la-gloire/patrick-villiers--laurence--chatel-debrancion/9782903824846.html] "
(2013) et aussi sur le tout nouveau site des Archives de Bordeaux
[http://archives.bordeaux.fr/expositions/salle-washington-nous-voila-le-premier-voyage-en-amerique-de-la-fayette-sur-la-
L'épave de la frégate L'Hermione [http://www.sudouest.fr/2011/06/22/il-a-vu-l-originale-4323481391.php] a été découverte au large du Croisic en 1984 à 10 milles nautiques des côtes. La dernière campagne de
fouilles s'est achevée en 2005. L'ancre et les trois canons, restaurés, sont exposés au château des ducs de Bretagne, à
Nantes. André Maurois, dans son livre Adrienne ou la vie de Mme de La Fayette, (1961), a raconté les quatre voyages
en Amérique à travers la correspondance de La Fayette à sa femme (voir Les quatre voyages américains de La
Fayette, contés par ses lettres à Adrienne [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_03990826_1977_num_84_3_2901] , par Jack Kolbert, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, 1977, Volume 84, n° 843, pp. 265-27)
victoire-20/n:45]
Le récit du départ de Bordeaux paru dans Sud Ouest du 10/10/14 [http://www.sudouest.fr/2014/10/09/la-vraie-histoirede-la-fayette-et-bordeaux-1698780-2780.php]
La description du senau, dans un dictionnaire de la marine [http://www.1789-1815.com/dict_marine.htm]
Les passagers de La Victoire comprenaient :
- Gilbert du Motier, marquis de La Fayette (19 ans) avec ses domestiques Jean Simon Camus (30 ans) Michel Motteau
(27 ans) et Combois, son cocher .
- le baron de Kalb (50 ans) avec son domestique François Armand Roger (20 ans),
Treize officiers, à savoir :
- François-Augustin du Boismartin dit Petit Dubois, 32 ans, de Barbezieux, avec ses domestiques Jean Eloi Lepas (18
ans) et Pierre Redon (22 ans);
- Louis-Ange de La Colombe, 22 ans, du Puy-en-Velay;
- Charles Bedaulx, 25 ans, de Neuchâtel, en Suisse;
- Philippe-Louis Candon, 26 ans, de Versailles,
qui figurent dans l'acte d'embarquement du 21 mars 1777, comme se rendant à Saint-Domingue pour leurs affaires ;
- Simon de Franval, 26 ans, de La Réole ;
- Jean de Gimat, 22 ans, d'Agen;
- Léonard Price, 22 ans, de Sauveterre;
embarqués, le 21 mars, pour la même destination de Saint-Domingue;
- Louis Cloquet de Vrigny (36 ans), de Strasbourg;
- Jean-Pierre Rousseau de Fayolle, 27 ans, de Notre- Dame, près de Ruffec;
- Guillaume de Lesser, 25 ans, d'Angoulème;
- Louis Sylvestre de Valfort (27 ans) de Thionville,
embarqués, le 22 mars, à destination du Cap
- Jean Capitaine, 38 ans, de Ruffec
- le chevalier Charles François du Buysson (25 ans), de Moulin en Bouvarais, embarqués le 24 pour aller au Cap.
auxquels s'ajoutaient Edmund Brice (américain, 22 ans), Louis de Morel de La Colombe (22 ans) et Jean Thevet de
Lessert (25 ans)
1757-1834,
notice
biographique
[https://archive.org/stream/legnrallafa00char/legnrallafa00char_djvu.txt] par Etienne Charavay, Archiviste-Paléographe, 1898)
(Le
général
La
Fayette,
Sur les "affaires" (commerce des armes, armement négrier) et la faillite de la maison de commerce bordelaise
Reculès de Basmarein, Raimbaux et compagnie, voir le site des Archives de Bordeaux.
[http://archives.bordeaux.fr/expositions/salle-recules-de-basmarein-raimbaux-et-compagnie-21/n:45]
Un
monument
commémoratif est érigé dans le port de Pauillac [https://fr.wikipedia.org/wiki/Pauillac] (Gironde). Une plaque avec la
reproduction symbolique d'un bateau aux emblèmes de la franc-maçonnerie rappelle que : " D’ici, le 25 mars 1777,
s’est embarqué Marie-Joseph-Paul-Yves Gilbert Motier, marquis de La Fayette , avec l’espoir de rallier les
Amériques. À bord de " La Victoire ". Aux États-Unis, La Fayette a donné son nom à 40 villes et 7 comtés, ainsi qu'à
une montagne. Sa statue a été érigée en 1891 au Lafayette Park [https://fr.wikipedia.org/wiki/Parc_du_Pr%C3%A9sident]
, à proximité de la Maison Blanche à Washington.
[https://www.blogger.com/null]
[https://www.blogger.com/null]
[https://www.blogger.com/null]
[http://2.bp.blogspot.com/-hIqtj_LO7-g/VDoujraNRRI/AAAAAAAAKGw/bWaO7aLrnnk/s1600/Pauillac-stele-La-Fayette.jpg]
La revue chasse-marée n° 267 [http://media.chasse-maree.com/flipbook/flip_267/] (avril 2015) qui consacre un article à
L’Hermione, frégate des Lumières, l'illustre d'un tableau de Hubert Robert [https://fr.wikipedia.org/wiki/Hubert_Robert] :
"Départ de La Fayette à bord de La Victoire pour son premier voyage le 20 avril 1777 " [http://L’Hermione, frégate des
Lumières] (Musée national de la coopération franco-américiane à Blérancourt). La date, comme le paysage, situent la
scène dans le port de Pasaia (en basque), ou Pasajes (en espagnol).
[http://3.bp.blogspot.com/so38udvN6wY/VVbvkIWtd_I/AAAAAAAALpw/uaiRutEJeX8/s1600/La%2BVictoired%C3%A9part.jpg]
Publié il y a 12th October 2014 par CéCédille
Libellés: Histoire
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