La grand-messe mondiale de l`eau est dite

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La grand-messe mondiale de l`eau est dite
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La grand-messe mondiale de l’eau est dite
mercredi 21 mars 2012, par Karine Thollier
La grand-messe triennale de l’Eau vient de se terminer à Marseille, dans le calme le plus absolu. On nous
annonçait des solutions, on a surtout vu et entendu des discours politiques. Accès à l’eau, financement,
gouvernance... autant de grands principes qui peuvent être utilisés pour justifier tout et son contraire. Et
l’on est en droit de se poser des questions quant aux objectifs de ce Forum en regardant qui se cache
derrière cette grosse artillerie…
L’organisation est conjointe entre l’Etat français, la Ville de Marseille et le Conseil Mondial de l’Eau, avec
un budget modique de 30 millions d’euros, dont 18 d’argent public. Pourquoi Marseille ? On comprend
mieux en se penchant sur le conseil Mondial de l’Eau. Ce conseil est effectivement mondial de par la
diversité géographique de ses membres, mais deux noms bien connus y figurent : Véolia et Suez
Environnement. Parmi les autres membres, on trouve certes les agences françaises de l’eau et les Nations
Unies, mais aussi des banques et des entreprises privées. Le président, Loïc Fauchon, est également le
président de la société des Eaux de Marseille, société détenue à parts égales par Véolia et Suez
Environnement.
On le voit donc, ce forum est principalement une initiative du
secteur privé de la gestion de l’eau, à laquelle les
gouvernements ont été invités à se joindre. Il est vrai que
ceux-ci font les yeux doux aux sociétés privées, afin de se
décharger de la responsabilité de l’entretien des réseaux de
distribution et d’assainissement. Mais on connaît depuis
longtemps (les problèmes du rail anglais en sont un
témoignage) les méfaits potentiels de la privatisation : si les
prix aux consommateurs augmentent, c’est en général pour
payer les actionnaires et non pour améliorer la qualité du
service fourni. A tel point qu’en France certaines
municipalités (dont notamment Grenoble et Paris) reprennent
le contrôle de la gestion de leur eau en régie, et ce malgré les
problèmes qu’elles rencontrent pour se réapproprier les
compétences techniques nécessaires, parties dans le secteur
privé.
Certes, au niveau mondial l’accès à l’eau et à l’assainissement
reste un problème majeur. Les Nations Unies se sont fixé
pour but, dans ce qu’on appelles « les Objectifs du Millénaire
», de réduire de moitié la population n’ayant pas accès à l’eau
potable et à l’assainissement, entre 1990 et 2015. Ceci
revient à assurer la distribution d’eau potable à 89% de la
population mondiale pour 2015. Cet objectif est en voie d’être
atteint, même si cela laissera encore 770 millions de
personnes sans accès à l’eau potable... Pour l’assainissement,
la situation est beaucoup plus problématique : l’objectif de
77% de la population ayant accès à des toilettes avec
assainissement ne devrait être atteint qu’en 2049, au rythme
de l’évolution actuelle. En 2008, 2,6 milliards de personnes
n’avaient accès à aucune forme d’assainissement. Il reste
donc encore un travail énorme à effectuer pour que
l’ensemble de l’humanité ait accès à ces services de base.
Mais confier cette mission à des sociétés privées est risqué.
Alors que les populations n’ayant pas encore accès à l’eau
sont souvent pauvres et habitent dans des régions à fort
stress hydrique, encourager la spéculation sur l’or bleu
pourrait se révéler contre-productif.
Des initiatives se multiplient pour dénoncer la privatisation croissante du secteur de l’eau, et les risques
qu’elle fait courir aux populations. En marge du Forum Mondial de l’Eau, un « contre-forum » (le Forum
Alternatif Mondial de l’Eau) se tient également à Marseille. Ce contre-forum a été lancé à l’initiative de
plusieurs associations dont Attac. Leur objectif est de développer une vision alternative de l’eau, en
opposition à la privatisation. Loin des solutions commerciales présentées au Forum « officiel » (techniques
de stérilisation de l’eau, usines de dessalement etc), le FAME, les propositions issues d’ONG et de
citoyens proposent de favoriser la remunicipalisation de l’eau en Europe, de lutter contre la privatisation
accélérée par les politiques d’austérité budgétaire, et de renforcer l’accès à l’eau dans les pays du sud via
des partenariats entre acteurs publics.
Ces considérations peuvent sembler lointaines : après tout, en Wallonie, la privatisation du secteur de
l’eau n’est pas à l’ordre du jour. Malgré tout, certains points doivent amener chaque citoyen à rester
attentif à ces enjeux. La sous-traitance de l’épuration des eaux bruxelloise à Aquiris, filiale de Véolia, a
mis en exergue l’absence de contrôle des autorités sur un acteur privé, qui a résulté en une pollution
massive de la Senne en aval de Bruxelles.
Plus préoccupant encore, l’eau est devenue une affaire d’ingénieurs, d’industriels, les citoyens se sentent
désemparés et n’ont plus confiance dans l’eau qui sort de leur robinet. Ils se tournent alors vers l’eau en
bouteille, enrichissant au passage les multinationales qui les produisent, bien souvent à partir de la même
eau que celle du robinet. Ainsi, la boucle est bouclée...
Plus d’info essentiellement sur la dimension Nord/Sud de la problèmatique :
Les oubliés du forum mondial de l’eau LIEN A ACTUALISER
L’eau, source de vie, pas de profit LIEN A ACTUALISER
L’eau, bien commun... des multinationales LIEN A ACTUALISER
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