Analyse prosodique de musiques urbaines en français et en
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Analyse prosodique de musiques urbaines en français et en
Analyse prosodique de musiques urbaines en français et en tchèque – IN PROGRESS Polina Chodaková ii Table des matières 1 Introduction 1.1 1 Idées directrices et question principale . . . . . . . . . . . . . 2 Méthode 2.1 2 5 Transcription des paroles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 2.1.1 Textsetting . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 2.1.2 Notations alternatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 2.1.3 Conventions graphiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 iii TABLE DES MATIÈRES 2.2 Corpus textuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 2.2.1 Paroles de musique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Représentativité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Restrictions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Comparabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 2.2.2 Fond instrumental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 3 Interface langue – musique 3.1 3.2 25 Euphonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 3.1.1 Polysyllabes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 3.1.2 Mots grammaticaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Mètre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Triolets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 iv TABLE DES MATIÈRES Biaccentualité métrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Techniques vocales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 3.3 Performance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Décompte syllabique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Débit articulatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 3.4 Groupement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 3.4.1 Vers : vue d’ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 v TABLE DES MATIÈRES vi Table des figures 2.1 Textsetting exemple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 2.2 Représentation alternative 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2.3 Représentation alternative 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2.4 Conventions graphiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 3.1 Mots grammaticaux – É. Piaf . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 3.2 Mots grammaticaux – Danakil . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 vii TABLE DES FIGURES viii Liste des tableaux 2.1 Abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 2.2 Restrictions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 2.3 Comparabilité Syllabes Mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 2.4 Comparabilité Structure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 2.5 Tempo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 3.1 Polysyllabes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 3.2 Mots grammaticaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 ix LISTE DES TABLEAUX x 3.3 Triolets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 3.4 Deux temps forts dans 1 mot 3.5 Décompte syllabique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 3.6 Débit articulatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 3.7 Tempo musical et débit articulatoire . . . . . . . . . . . . . . 35 3.8 Détermination des vers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 3.9 Orientation des vers . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 Chapitre 1 Introduction Ce travail vise une description de deux genres musicaux (le rap et le reggae) dans deux langues (le français et le tchèque). La thèse se propose de relever un nombre de traits récurrents liés dans les deux musiques urbaines, et de parvenir à une modélisation de particularismes dans un chapitre de l’évolution poétique. Ces deux genres directement apparentés, prolifiques et très dynamiques, comportent des traits innovateurs, hypothétiquement moins présents dans le reste de la production chansonnière. Un nombre restreint d’études portent sur le langage à déclamation singularisée dans un but esthétique, segmentales ou prosodiques, mais elles ne concernent que rarement l’élocution dans le rap/reggae, et moins encore les deux langues. Il est donc souhaitable d’analyser l’adaptation de ces traditions musicolangagières du point de vue des sciences phonétiques. En ce qui concerne 1 Introduction d’autres champs de connaissance, le rap est beaucoup plus étudié que le reggae et la production française reste mieux décrite que la tchèque. Dans cette contribution à la phonétique contrastive entre le français et le tchèque, l’intérêt principal de comparer deux langues typologiquement très différentes, qui partagent néanmoins un nombre de caractéristiques prosodiques. Le comportement symétrique de certains domaines et le surpoids de la fonction poétique rendent apparent les subtilités dans l’échafaudage du rythme. L’accent est donc mis surtout sur le cadre suprasegmental, le domaine du segmental est abordé seulement pour rendre compte des composantes de ces rythmes complexes. 1.1 Idées directrices et question principale La distinction sera faite entre les qualités phoniques ancrées dans le texte, données, et la réalisation acoustique des paroles, qui dépend de la décision de la personne récitant un poème. Cette concrétisation correspond au flow, « une diction fortement rythmée et faiblement mélodique » (Barret, 2008, p. 172). Dans chaque flow concret, il est possible de distinguer des ordres d’organisation des événements : il y a des motifs réguliers d’un côté et leurs perturbations de l’autre. Afin de saisir ces systèmes superposés dans la parole artistique, il s’agit de savoir quels traits relèvent de la stabilité vs. de la labilité. Ainsi, la question principale porte sur les principes organisateurs et sur leurs disruptions. Certains des principes à l’œuvre sont universaux (mécaniques ou économiques), d’autres sont spécifiques à une langue. 2 Idées directrices et question principale Il s’agit d’établir les modalités de l’appropriation (l’adoption, puis l’adaptation) de deux modèles préexistants, par deux communautés linguistiques différentes. La problématique – la façon dont les paroles sont alignées à la musique selon les différents contraintes – se conçoit dans ces hypothèses de travail : 1) La sonorité vocale dans le rap/reggae français/tchèque, comprenant le mètre, le groupement et la prosodie linguistique, fait déployer aux interprètes une gamme de techniques rythmiques et vocales. Ainsi, l’analyse de formes récurrentes permet de cerner un éventail de chansons-types. Différents corrélats acoustiques de ces musiques sont révélateurs des universaux existants dans les phonostyles rap/reggae. 2) Les langues française et tchèque partagent des similarités importantes dans les deux musiques, en ce qui concerne a) l’agencement de la parole littéraire rythmée et du fond instrumental, b) les conséquences du double système d’accentuation, c) le groupement des évènements sonores à l’intérieur des unités, et cela à tous les niveaux de la hiérarchie prosodique (groupes accentuels et unités intonatives) ainsi que dans la structure des rimes. 3) Le développement des musiques rap/reggae sur l’axe temporel s’élabore différemment pour le française et tchèque. Les phases successives de cette évolution se reflètent dans des traits rythmiques et acoustiques, qui traduisent une innovation sonique en cours. [. . .] Après l’exposition de la méthode, la partie pratique présente les données issues du corpus textuel en visant à suivre l’ordre des phénomènes de la partie théorique. En ce qui concerne la relation du mètre sous-jacent avec les stratégies rythmiques de surface, il est d’abord question de décalages accen3 Introduction tuels sur les mots polysyllabiques et de ceux sur les mots grammaticaux. Pour rendre compte de l’élasticité du mètre, des syllabes en triolets et de la biaccentualité métrique sont esquissées. Ensuite, les chiffres des décomptes syllabiques par mesure et du débit articulatoire sont détaillés. L’alignement des syllabes sur le schéma métrique abstrait est présenté comme celui des modalités, ou techniques vocales. Finalement, le mètre de la diction chantée/rappée implique aussi la question des contretemps et des syncopes. Concernant le groupement des motifs musicaux et celui des unités prosodiques sur les niveaux supérieurs à la syllabe, l’attention se centre dans un premier temps sur le fond instrumental – et particulièrement sur la régularité, les motifs répétés et le tempo musical. Ensuite, une définition des vers et ses limites sont proposées : les lignes de texte sont la plupart du temps délimités par les pauses et la rime finale. La description du groupement des vers, qui se superposent aux phrases musicales, comprend notamment les enjambements et les rejets. Enfin, il est question de l’innovation postulée des deux musiques, qui se traduit par une complexité croissante de perfomance vocale. 4 Chapitre 2 Méthode Dans ce chapitre, le choix du premier traitement des paroles est expliqué. Ensuite sont exposées différentes caractéristiques du corpus textuel. 2.1 Transcription des paroles Différents outils différents sont à la disposition pour la transcription des paroles : les grilles rythmiques (textsetting), la notation musicale, le flow diagram. Dans ces systèmes de transcription, illustrés ci-après, certains paramètres sont convertibles entre eux. Cette transposabilité remédie à un défi du rap, celui de la « la difficulté à mettre à l’écrit ces entités vocales-textuelles ; cette difficulté conduit à des différences nettes, suivant les auteurs, d’ap5 Méthode proche et de rendu pour ce qui reste une unique réalité auditive »(Pecqueux, 2003, p. 347). C’est la première transcription qui a été choisie pour mettre à l’écrit les paroles. 2.1.1 Textsetting Tout extrait de reggae/rap étudié a été réécrit dans des grilles rythmiques (Hayes et Kaun (1996)) à quatre niveaux de proéminence métrique. Cette transcription dite textsetting, dont un exemple est donné en Fig. 2.1, reflète la périodicité des battements forts tout en permettant de refléter la malléabilité de la chaîne sonore (mi-)chantée. Cette structure de groupement hiérarchisé représente l’unification du traitement théorique des rythmes poétique et musical. Figure 2.1 – Grille rythmique (textsetting) d’une chanson de reggae francophone (2010). Chaque ligne dans la grille rythmique résulte d’un découpage temporel 6 Transcription des paroles régulier et correspond à une mesure dans le solfège. Dans le rythme 4/4 (quasi-universel dans le rap/reggae), elle comprend quatre temps forts (battements, strong beats, ou tactus). Le premier tactus de chaque ligne est situé dans la première colonne à gauche. La notation marque seize positions/colonnes (comme les seizièmes de mesure dans une partition musicale). Dans le rap/reggae, les quatre temps de la mesure sont le plus souvent marqués par des samples de batterie : les premier (downbeat) et troisième (upbeat) sont soulignés par la grosse caisse (kick drum), les deuxième et quatrième temps sont ponctués par la caisse claire (snare drum). À un niveau inférieur, chaque ligne comprend quatre temps mi-forts (off-beats), placés entre les forts et marqués par les cymbales charleston (hi-hat). La force relative de chaque battement (fort, moyen, faible) est représentée par le nombre de croix dans une colonne, qui montrent le nombre de niveaux auxquels cette position participe. Les battements sont donc hiérarchiquement organisés selon leur force : les plus forts contrastent avec les plus faibles. Ainsi, la grille rythmique indique, au moyen des rangées des points isochroniques, les niveaux de périodicité (Patel (2010)). Au-dessous de la rangée représentant les temps forts (le niveau de base), les autres rangées montrent d’autres niveaux psychologiquement accessibles de cette récurrence régulière. Dans cette approche non-linéaire, la proéminence est conçue comme ayant plusieurs degrés, elle n’est donc pas simplement une catégorie phonétique binaire, où une syllabe est soit porteuse d’accent, soit elle ne l’est pas. La démarche est analogue au traitement des battements dans la musique. La projection acoustique de la structure prosodique d’une unité intonative est hiérarchisée : le niveau de base est syllabique, le deuxième niveau marque les 7 Méthode syllabes accentuées (ce niveau correspond aux temps forts dans la musique), le troisième niveau marque l’accentuation au niveau phrastique (analogiquement avec les vers et les mesures musicales). Ainsi, le textsetting est une représentation des proéminences par rapport à la hiérarchie du mètre musical. Indiquer la position de chaque syllabe sur la carte de proéminences qu’est le fond musical est un outil clair pour noter un grand nombre de traits rythmiques. En revanche, comme les proéminences sont relatives, la représentation traite chaque syllabe comme un point sur l’axe temporel rendu abstrait, c’est-à-dire que les durées réelles ne sont pas indiquées. Le textsetting fait abstraction non seulement des durées syllabiques, mais aussi de l’intonation, deux phénomènes qui seront étudiés à l’aide du logiciel WinPitch. 2.1.2 Notations alternatives Voici deux autres transcriptions possibles. La première est un solfège d’une chanson de rap français (Fig. 2.2), la deuxième est le flow diagram d’un rap américain (Fig. 2.3). Dans ces deux représentations, aussi, les longueurs des notes sont approximatives et il est fait abstraction de l’intonation, mais à la différence du textsetting, la hiérarchie explicite des battements (par ex. la différence entre les temps forts et moyens est absente. Pour noter leurs paroles, les rappeurs utilisent habituellement le flow diagram. De plus, ils s’inventent des stratégies individuelles – des systèmes de ponctuants pour marquer les syncopes, les durées vocaliques, les pauses, etc. (Edwards, 2009, 8 Transcription des paroles p. 68). Figure 2.2 – Représentation 2 – Chanson Caroline de MC Solaar. Source : http://www2.ac-lyon.fr/enseigne/musique/crispi/chants/caroline.pdf Figure 2.3 – Représentation 3 – Chanson Drop du groupe rap américain Pharcyde 2.1.3 Conventions graphiques Lors de la détermination des frontières syllabiques, la transcription des paroles tchèques s’appuie sur l’intuition de locutrice native de cette langue. En revanche, en français, si la syllabation n’est pas univoque, la segmentation 9 Méthode s’appuie sur un principe lequel veut que deux consonnes appartiennent à une même syllabe, si la première d’entre elles est plus fermée que la suivante, avec l’exception possible pour les liquides ; en règle générale, le caractère fermé des consonnes diminuerait dans l’ordre suivant : [p, t, k, b, d, g, m, n, f, s, S, v, z, Z, ñ, l, K](Delattre, 1944, p. 112). En vue de la clarté de représentation univoque et d’une détemination hiérarchique des niveaux d’analyse, les grilles rythmiques sont est dotés de ponctuants (2.4). Les majuscules marquent le début de vers (après une amorce de crochet) et les noms propres, les nombres sont écrites en toutes lettres. Dans le cas des répétitions, le textsetting mentionne un passage non transcrit (...). Les éléments non orthographiables sont en italiques entre parenthèses (rires). Sauf le point d’interrogation, les ponctuants phrastiques sont absents. — Crochets [. . .] — Vers (ou phrases, si la détermination des vers est problématique) — /Barres obliques/ — Frontières des groupes accentuels — Trois barres obliques (///) — Nouvelle prise de parole ; si ce passage donne lieu à un chevauchement de répliques, la deuxième est écrite sous la précédente — Guillements (« françaises » et „tchèques“) — Citation de propos — Voyelles allongées sur plusieurs cases, ou mélismes (doublé-é, tri-iiplée) — Étirement donné aux voyelles non tautosyllabiques dans la continuité d’une seule émission vocale — Trois paires de crochets [[[. . .]]] — Rupture puis reprise de beat/riddim — XXX — Passage incompréhensible ; les Xs correspondent au nombre de syllabes discernables. 10 Corpus textuel Figure 2.4 – Textsetting illustrant les conventions graphiques (Y. Odua : Rouge jaune vert) 2.2 Corpus textuel La méthode sert d’approche à 200 chansons hip-hop/reggae françaises et tchèques. En fonction de chaque style et langue, cet ensemble de paroles est subdivisé en quatre sous-corpus, avec 50 chansons chacun. Les textes ont été téléchargés à partir d’Internet (la plupart), envoyés par les interprètes ou notés à l’écoute. Tous les décomptes ont été faits avec des paroles normalisées (sans répétitions de couplets et de refrains, sans couplets entiers en langue étrangère). Dans les décomptes, l’abstraction est faite des mesures linguistiquement silencieuses, autrement dit, une ligne dans laquelle ne figure aucune syllabe est effacée. Sources : www.rapgenius.com , www.lyrics.com, www.karaoketexty.cz 2.2.1 Paroles de musique Voici les traits du corpus textuel qui ont rapport 1) à son représentativité, 2) aux restrictions pratiques lors de sa collecte, 3) à la comparabilité des quatre sous-corpus. 11 Méthode Représentativité Les paroles sont choisies selon les critères visant à faire refléter au corpus la réalité de la scène musicale en ce qui concerne leur évolution dans le temps, la diversité des sous-styles, la proportion des hommes/femmes parmi les interprètes et celle des interprètes solo vs. des groupes. 1. Les chansons sont réparties en cinq étapes, représentés ci-après par A, B, C, D, E. Compte tenu des quatre sous-corpus, cela fait 20 miniéchantillons avec 10 chansons chacun. La durée des 5 tronçons temporels est de cinq ans, sauf la période A qui est la plus longue : en fonction de l’accessibilité des enregistrements audio et de leur transcription fiable, la première étape A s’étale respectivement sur 10 ans (rap tch.), 11 ans (reggae tch.), 13 ans (rap fr.), voire 15 ans (reggae fr.). 2. La plupart des interprètes sont des hommes. Les femmes chantent le plus souvent en chœur en accompagnant la voix masculine. Dans 4 chansons, des rappeuses/chanteuses interprètent une strophe entière, et toute la chanson dans 7 cas (sur 200) seulement. De ce fait, les formes masculines « rappeur/chanteur » comptent désormais aussi pour les interprètes-femmes. Tous sont locuteurs natifs de la langue dans la12 Corpus textuel quelle ils rappent/chantent, à l’exception du groupe tchèque Babalet dont le chanteur vient du Congo-Kinshasa. 3. Il y a 69 chansons à plusieurs voix (y compris les featurings – coopérations ad hoc pour une chanson). Les 131 autres extraits sont interprétés par des chanteurs solo (avec ou sans chœurs). Pour la plupart renommés, presque tous peuvent être considérés comme des rappeurs/chanteurs experts : ils vendent beaucoup de disques, leurs clips vidéo ont beaucoup de vues, souvent il s’agit des pionniers du genre, etc. 4. Les données présentent un maximum d’hétérogénéité musicale de par sa richesse de sous-genres. Dans la partie rap du corpus figurent les chansons de freestyle, ego-trip, gangsta rap, rap conscient, speed rap, etc. ; la moitié reggae comprend des morceaux de new roots, dancehall, ragga, rub-a-dub, dub et de ska. Il y a aussi trois chansons d’artistes éclectiques (cross-over artists) – des raps sur un riddim reggae et du reggae chanté sur un beat hip-hop. Certains de ces points sont marqués dans la liste suivante, qui énumère les titres le corpus textuel en précisant leur année de sortie. Les chansons avec une participation d’interprètes-femmes sont précédées d’une étoile. Les chansons à plus d’une voix à l’intérieur de l’extrait sont en italiques et les exemples de fusion entre les sous-genres rap/reggae sont en gras. Rap FR 1981 ?Chagrin d’amour : Chacun fait ç’qui lui plaît 1990 Benny B : Vous êtes fous ! 13 Méthode 1990 Assassin : La fromule secrète 2009 Fayçal : La Belle endormie 1991 Suprême NTM : Le monde de demain 2009 Disiz : Alors tu veux rapper 1991 MC Solaar : Qui sème le vent récolte le 2010 Rohff : Dis mon nom tempo 2010 Soprano : La Colombe Et Le Corbeau 1991 IAM : Planète Mars 2011 Sniper : Arabia 1992 Assassin : Écologie Sauvons la planète 2011 Booba : Saddam Hauts de Seine 1992 Ministère A.M.E.R. : Damnés 2012 Disiz : Vide 1993 Suprême NTM : J’Appuie Sur La Gachette 2012 Rocca : Génération Hip-hop 1993 IAM : Je danse le mia 2012 Soprano, Redk : Flow Siamois 1994 Mc Solaar : Le Nouveau Western 2013 Greg Frite : Kicker 1994 Ministere A.M.E.R. : Les cloches du diable 1995 Suprême NTM : Pass pass le oinj 1996 Doc Gynéco, Passi : Est-ce que ça l’fait ? 1997 LIM : A 9 ans déjà 1997 Rocca, Raphaël : Sous un grand ciel gris Reg FR 1997 IAM : Demain c’est loin 1979 S. Gainsbourg : Aux armes et caetera 1998 Akhenaton, Freeman, Le Rat : Le mégotrip 1979 S. Gainsbourg : Lola Rastaquouère 1998 113 : Truc de fou 1986 Alpha Blondy : Kalashnikov Love 1998 Arsenik : Quelques gouttes suffisent 1986 Jo Corbeau : J’aime l’OM 1999 Ménage à 3 : Vampaïa 1988 ?Princess Erika : Trop de bla bla 1999 Freeman, Oxmo Puccino, Pit Bacardi : Le 1989 Alpha Blondy : Coups d’État passé reste 1990 Saï Saï : Rouleurs à l’heure 2000 Fabe : L’emmerdeur public No. 1 1992 Saï Saï : Lyrics adéquat 2000 Assassin : Touche d’espoir 1992 Massilia Sound System : Méchant violent 2001 Oxmo Puccino : J’ai mal au mic 1993 Human Spirit : Prends le reggae 2002 Scottie : 1m73 62 kilos 1994 Tonton David : Ma number one 2002 La Rumeur : Le silence de ma rue 1995 Pierpoljak : La sensi de la Vreu 2003 Sniper : Gravé dans la roche 1995 Raggasonic : Légalisez la ganja 2003 Rocca : Mille et une raisons 1996 Sinsemilia : P4 2003 Cinquième Kolonne : Nuits sans ivresse 1996 Marcel Et Son Orchestre : La Septième 2004 Psykick Lyrikah : La sphère Compagnie En Jamaïque 2004 Booba : Tallac 1997 Nèg Marrons : La Compétition 2004 Dadoo : Sales gosses 1997 Raggasonic : Rude boy 2005 La Fouine : Fouiny flow 1997 Daddy Nuttea : Natural Mystic 2006 Admiral T, ?Diam’s : Les mains en 1997 Pierpoljak : La music l’air 1998 Blacko : Armageddon time 2006 ?Keny Arkana : La rage 1999 Baobab : Naturelle 2007 Al Peco : Tu te trompes 1999 Dub Inc. : Rude boy 2007 Zoxea : 60 piges 1999 Big Red : Respect or Die 2008 ?Keny Arkana : Cinquième soleil 2000 Tryo : Les nouveaux bergers 2008 Pit Baccardi : La rue 2000 Nuttea : Trop peu de temps 14 Corpus textuel 2001 Pierpoljak : Cultivateur moderne 1994 PSH : Pohádka 2002 Akhenaton : Aux âmes offensées 1996 Chaozz : Planeta opic 2002 Tiken Jah Fakoly : Françafrique 1996 Chaozz : Sám doma 2003 Nuttea : Retour aux sources 1996 Chaozz : Policié 2003 Admiral T : Reggae story 1997 Chaozz : 9 minut poezie 2004 K2R Riddim : Hatta faya 1997 JAR : Schyzm 2005 Dub Inc. : Bla bla 1997 JAR : Maskérka a herečka 2005 Sir Samuel : Blasphème 1998 PSH : Jižní město 2005 Baobab : La Nuit 1998 Syndrom Snopp : Fakt se nediv 2006 Pierpoljak : Je sais pas jouer 1999 Chaozz : Rány slovem 2006 Irie Révoltés : Mouvement 1999 Defuckto : Čtyřiadvacet hodin 2007 Daddy Mory : Seigneurs de guerre 2000 Indy, Wich : Dema nemá téma 2007 Mr. Lézard : Saltimbanque 2001 K. O. Kru : Nádech 2008 Tunisiano : Toucher mes rêves 2001 PSH : Hlasuju proti 2008 ?Bhale Bacce Crew : Combine et son 2002 Diwokej Západ : V rytmu THC 2009 Taïro : Planifier nos vies 2002 James Cole, Hugo Toxxx : Nehas co nepálíš 2009 Yaniss Odua : Pas comme ça 2002 Indy, Wich : My 3 2009 Tairo, ?Flya : Elle veut 2003 Pio Squad : Hledáme lásku 2010 Irie Révoltés : Merci 2003 Naše věc : Koráli 2011 Danakil : Je ne regrette rien 2004 DeFuckTo : Volný styl 2011 Taïro : Cowboy 2004 Bow Wave : Námořník 2012 Danakil : Quitter Paname 2005 Prago Union : Kandidát vět 2012 Raggasonic : Ça va clasher 2006 Marpo : Jděte mi z cesty 2013 Keefaz : Liberté 2007 LA4 : Panoptikum 2013 Yaniss Odua : Rouge jaune vert 2007 Supercrooo, Vladimir 518 : Sweet dreams 2008 Vladimir 518, Orion, Hugo Toxxx : Smíchov Újezd 2008 BMP : Příběhy z předměstí 2008 Orion, James Cole, Vladimir 518 : Drby Rap CS 2009 ?Lara 303, Komer : Emmène-moi 1984 Manželé : Jižák 2010 Gaul, Lipo, Eki : Nejsme nic 1984 Manželé : Začala mladým slavnost 2010 Prago Union : Myšlenkovej pochod 1984 Manželé : Vybírám si dovolenou 2010 MC Gey : Privátní Vesmír 1984 Manželé : Je to vono 2010 Rest : Kuřivoj Vysajbong 1988 Piráti : Led Sezelim 2011 Papa Rasty : Jen tak pro nic za nic 1991 Piráti : Hej 2011 Prago Union : Černá 1991 Rapmasters : Praha plná keců 2012 Gaul, Rest : Flowtci 1992 Rapmasters : Dej mi víc 2012 Gaul, Rest, Idea : Hit 1993 PSH : Metro 2012 Ektor : Loket z vokna 1993 ?WWW : Noční můra 2013 Detektiv30 : Tichej Don 1994 PSH : Jižák 15 Méthode 2001 Feher Fekete Kerek : Bože ochraň 2002 Švihadlo : Soleil 2002 Fast food orchestra : Jamaica Reg CS 2003 Švihadlo : Tři psi 1983 ?Jana Kratochvílová : Copánky 2004 Sto zvířat : Domácí kino 1986 Babalet : Zelená 2004 Ilam, Suppafly : Jah Jah 1986 Zuíla : Velbloudi 2004 Ex-T Band : Dr. Greenthumb 1989 Zuíla : Slávce a hlávce 2004 Ilam : Já jsem zlej 1990 Yoyo Band : Lehkou chůzí 2005 ?Švihadlo : Vodopád 1991 Zuíla : O vaflích 2005 Švihadlo : Optimista 1992 He Band : Jé jé 2006 Zagga : Chceš-li začít psát 1992 He Band : Dívka Juju 2006 Zagga : My lid 1993 Nahoru po schodišti dolů band : Sbal to 2007 Zion Squad : Nemám čas 1993 Yoyo band : Ženská logika 2007 ?Sto zvířat : Alice se dala na pití 1994 Švihadlo : Pohoda 2008 Ilam : Jamajka 1994 Babalet : Kytkový reggae 2008 Fast food orchestra : MC 1995 Yoyo Band : Telefon má dlouhej tón 2009 Uraggan Andrew : Pěstuj dál 1995 Yoyo Band : Je mi fajn 2009 Colectiv : Budějice Jamajka je 1995 Yoyo Band : Pátej den 2010 Colectiv : Bad Boys 1996 Sto zvířat : Sněhulák 2011 Mr. Roll : Jamaica nice 1997 Yoyo Band : Dr. Kalina 2011 Ex-T Band : Grybla 1997 Babalet : Zítra bude sluníčko 2011 Cocoman, Dr. Kary : Tak už to bal 1997 Švihadlo : Zelený list 2011 Messenjah : Ganja je lék 1997 Švihadlo : Na Jamajce půl srdce mám 2012 Bad boyz : Smát 1999 Sto zvířat : Kanál 2012 Mr. Roll : Vzpomínám rád 1999 Sto zvířat : Ksicht 2013 Mista Deck : Špatnej pocit 2001 Suppafly : Pošli mi jointa 2001 Yoyo Band : Austrálie C’est avec des abréviations codées qu’il est fait référence aux chansons analysées. Les renvois sont listées dans le Tab. 2.1 – chacun marque la langue, le style musical, la phase (A – E) et des lettres représentant les interprètes et la chanson – par exemple, FrRegA-S-aAetc correspond à Aux armes et caetera de Serge Gainsbourg. 16 Corpus textuel Table 2.1 – Abréviations des chansons Étape (A) 1979-1993 (B) 1994-1998 (C) 1999-2003 (D) 2004-2008 (E) 2009-2013 FrRapA-Ch-ChFcqlP FrRapB-M-lNW FrRapC-Mà3-V FrRapD-PL-lS FrRapE-F-lBE FrRapA-B-VeF FrRapB-MA-lCdD FrRapC-F,O,P-lPR FrRapD-B-T FrRapE-D-AtVR FrRapA-A-FS FrRapB-SN-PPlO FrRapC-F-lEPn1 FrRapD-D-SG FrRapE-R-DmN FrRapA-SN-LMdD FrRapB-D,P-Elf FrRapC-A-TdE FrRapD-lF-FF FrRapE-S-CC FrRapA-M-QSlVRlT FrRapB-L-A9aD FrRapC-O-JMaM FrRapD-A,D-lMeA FrRapE-S-A FrRapA-I-PM FrRapB-R,R-SGCG FrRapC-S-1m73 FrRapD-KA-lR FrRapE-B-SHdS FrRapA-A-ESlP FrRapB-I-DcL FrRapC-LR-lSdmR FrRapD-AP-TtT FrRapE-D-V FrRapA-MA-D FrRapB-A,F,R-lM FrRapC-S-GdlR FrRapD-Z-06 FrRapE-R-GHH FrRapA-SN-JslG FrRapB-1-TdF FrRapC-R-M1R FrRapD-KA-CS FrRapE-S,R-FS FrRapA-I-JlM FrRapB-Ar-QgS FrRapC-C-NsI FrRapD-PB-lR FrRapE-GF-K FrRegA-S-aAetc FrRegB-T-MN1 FrRegC-B-N FrRegD-K2R-HF FrRegE-T-PnV FrRegA-S-LR FrRegB-P-LSdlV FrRegC-DI-RB FrRegD-DI-BB FrRegE-Y-PCç FrRegA-A-KL FrRegB-R-LlG FrRegC-B-RoD FrRegD-S-B FrRegE-T,F-eV Rap FR FrRegA-J-JOM FrRegB-S-P4 FrRegC-T-lNB FrRegD-B-lN FrRegE-IR-M FrRegA-P-TdBB FrRegB-MeO-7eCJ FrRegC-N-TPdT FrRegD-P-JpJ FrRegE-D-JRR Reg FR FrRegA-A-CdE FrRegB-NM-lC FrRegC-P-CM FrRegD-IR-M FrRegE-T-C FrRegA-SS-RàH FrRegB-R-R FrRegC-A-aAO FrRegD-D-SdG FrRegE-D-QP FrRegA-SS-LA FrRegB-N-NM FrRegC-T-lF FrRegD-M-S FrRegE-R-ÇVC FrRegA-M-MV FrRegB-P-lM FrRegC-N-lRaS FrRegD-T-T FrRegE-K-L FrRegA-H-PlR FrRegB-B-AT FrRegC-A-lRS FrRegD-BBC-CeS FrRegE-Y-RJV CsRapA-M-J CsRapB-PSH-J CsRapC-Ch-RS CsRapD-DF-VS CsRapE-G,L,E-NN CsRapA-M-ZMS CsRapB-PSH-P CsRapC-DFT-420 CsRapD-BW-N CsRapE-P-MP CsRapA-M-VsD CsRapB-Ch-PO CsRapC-I,W-DNT CsRapD-P-KV CsRapE-M-PV CsRapA-M-JtV CsRapB-Ch-SD CsRapC-KO-N CsRapD-M-JmzC CsRapE-R-KV CsRapA-P-LS CsRapB-Ch-P CsRapC-PSH-HP CsRapD-LA4-P CsRapE-P-JtpNzN CsRapA-P-H CsRapB-Ch-9MP CsRapC-DZ-VRT CsRapD-S,V-SD CsRapE-P-Č CsRapA-R-PPK CsRapB-JAR-S CsRapC-JC, HT-NcN CsRapD-V,O,H-SÚ CsRapE-R,G-F CsRapA-R-DmV CsRapB-JAR-MaH CsRapC-I,W-M3 CsRapD-BMP-PzP CsRapE-R,G,I-H CsRapA-PSH-M CsRapB-PSH-JM CsRapC-PS-HL CsRapD-O, JC, V518 : D CsRapE-E-LzO CsRapA-WWW-NM CsRapB-SS-FsN CsRapC-N-K CsRapD-L3,K-Em CsRapE-D3-TD CsRegA-J-C CsRegB-Š-P CsRegC-100Z-Ka CsRegD-ExT-DG CsRegE-UA-PD Rap CS CsRegA-B-Z CsRegB-B-KR CsRegC-100Z-Ks CsRegD-I-JjZ CsRegE-C-BJJ CsRegA-Z-V CsRegB-YB-TmDT CsRegC-S-PMJ CsRegD-Š-V CsRegE-C-BB CsRegA-Z-SaH CsRegB-YB-JmF CsRegC-YB-A CsRegD-Š-O CsRegE-Mr-JN CsRegA-YB-LCh CsRegB-YB-5D CsRegC-FFK-BO CsRegD-Z-ChZP CsRegE-ExT-G CsRegA-Z-oV CsRegB-100Z-S CsRegC-Š-S CsRegD-Z-ML CsRegE-C,D-TUTB CsRegA-HB-J CsRegB-YB-DrK CsRegC-FFO-J CsRegD-ZS-NČ CsRegE-M-GJL CsRegA-HB-DJ CsRegB-B-ZBS CsRegC-Š-3P CsRegD-100Z-A CsRegE-BB-S CsRegA-NSDB-St CsRegB-Š-ZL CsRegC-100Z-DK CsRegD-I-J CsRegE-Mr-VR CsRegA-YB-ŽL CsRegB-Š-nJPSM CsRegC-I, S-JJ CsRegD-FFO-MC CsRegE-Md-Šp Reg CS 17 Méthode Table 2.2 – Combien de chansons par interprète ? n = 117 interprètes chansons 58 % 1 25 % 2 9% 3 4% 4 2% 5; 7; 8 Restrictions La recherche des paroles a présenté des limitations concernant le nombre de chansons par interprète, la longueur des extraits des chansons et l’accord des artistes pour l’analyse des paroles, leur feedback sur notre transcription : 1. Le plus souvent, il y a dans le corpus une ou deux chansons par interprète. En tchèque cependant, une telle variété n’est pas accessible en raison du manque des chansons antérieurs à l’an 2000. Le tableau 2.2 montre cette répartition : Les 200 chansons sont interprétées par 117 chanteurs/rappeurs, dont 58 % y figurent avec une seule chanson. Pour aboutir à un corpus équilibré (4 x 50 chansons), quatre groupes tchèques sont surreprésentés, avec 7 (reggae : Švihadlo, Yoyo Band), voire 8 chansons chacun (rap : Chaozz, PSH). 2. En raison de la disproportion importante de la taille des chansons 18 Corpus textuel entières, l’analyse ne concerne qu’entre 20 et 30 premiers groupes de souffle. S’il y a plusieurs artistes dans un morceau, un extrait est établi pour chacun d’entre eux. Le choix du découpage par les groupes respiratoires résulte de l’absence d’une structure universelle de la chanson, en fait, il est impossible de toujours prendre comme référence une strophe et un refrain, par exemple. Les strophes n’ont pas la même importance, et sont souvent moins facilement identifiables que les groupes de souffle qui sont au contraire faciles à déterminer. Si l’inspiration audible du chanteur est supprimée pendant le mastering (en vue de l’amélioration du son), les pauses permettent de rétablir ce découpage. 3. Sur les 117 interprètes, seulement 17 n’ont pas pu être contactés par e-mail ou sur les réseaux sociaux afin d’obtenir une permission explicite pour le traitement de textes. Ceux/celles qui ont répondu ont tous exprimé leur accord pour l’analyse, ainsi que l’approbation de la transcription proposée (textsetting), où ils ont notamment été priés de vérifier l’alignement des syllabes aux battements forts. À ce jour, cet accord de la part des auteurs-interprètes concerne 89 chansons. Comparabilité Étant donné que les critères sont extra-linguistiques (deux chansons par année ; 20 à 30 groupes de souffle par extrait), la question se pose de savoir si la taille des quatre sous-corpus est la même. Du point de vue de la quantité 19 Méthode Table 2.3 – Comparabilité des échantillons 1 Rap FR Reg FR Rap CS Reg CS Syllabes 17 432 12 925 17 884 10 244 Mesures 1522 1301 1494 1326 Syllabes/chanson 349 258 358 205 Mesures/chanson 30 26 30 27 de données, les quatre sous-corpus sont symétriques de par leur organisation et leur longueur. Concernant le nombre de mesures et celui de syllabes, les écarts sont moins grands entre les langues qu’entre les styles. Cette différence inter-style est dûe à l’allongement vocalique, inhérent au chant (vs. la diction rappée). Le Tab. 2.3 montre en détail l’aspect symétrique de la taille des échantillons. Les extraits ont entre 205 et 349 syllabes en moyenne. L’écart maximum (entre le rap fr. et le reggae tch.), est de 12 % du corpus, qui compte 58 481 syllabes. Les extraits ont entre 26 et 30 mesures en moyenne. Le plus grand écart (celui entre le reggae fr. et le rap fr.) n’est que de 221 mesures, soit 4 % de leur ensemble dans le corpus (5 643 mesures). Les quatre échantillons sont aussi comparables du point de vue de l’organisation des chansons en strophes et en refrains (plus les intros, outros, etc.). Le Tab. 2.4 montre le bilan des formules les plus fréquentes. Dans les deux langues, les extraits sont répartis dans les catégories de façon similaire. Sur les 200 extraits, 140 se composent d’au moins une strophe et d’un refrain. Celui-ci fait défaut dans les 60 autres, dont 11 extraits reggae et 49 rap – le refrain n’est pas universel dans ce genre. Enfin, c’est le cas des trois strophes 20 Corpus textuel Table 2.4 – Comparabilité des échantillons 2 Rap FR Reg FR Rap CS Reg CS Strophe(s) avec refrain 24 47 27 42 2 strophes sans refrain 15 2 8 3 1 strophe sans refrain 7 1 11 1 3 strophes(+) sans ref. 4 0 4 4 ou plus sans refrain qui est le plus rare (12 extraits). 2.2.2 Fond instrumental Avant d’aborder les paramètres linguistiques du flow chanté/rappé, il faut préciser la régularité du mètre musical, la complexité des motifs musicaux dans les beats/riddims et le tempo musical, qui sera spécifié pour établir le degré de sa corrélation avec le débit de parole. Régularité Le rythme musical dans tout le corpus est binaire (celui du 4/4) et le tempo musical reste le même tout au long de l’extrait. C’est la chanson CsRapD-S,V-SD qui constitue la seule exception à cette invariabilité : à plusieurs reprises, son tempo passe de 63 bpm à 126 bpm et inversement. En réalité, il s’agit là d’un seul et même tempo, comme la deuxième cadence est le double de la première, et que les deux diffèrent seulement par les cymbales charleston (hi-hat). Groupement des motifs Au-delà de la régularité des mesures musi21 Méthode cales (des lignes rythmiques), la plupart des chansons développent des phrases musicales plus longues. La durée de ces dernières est souvent d’ordre des multiples entiers de la mesure à quatre temps forts, ce dont attestent les répétitions des patterns mélodiques et percussifs ainsi que leur sens de finition (la perception, par l’auditeur, de l’achèvement du thème). Voici trois cas de figure selon la complexité croissante du beat/riddim sous-jacent : — Le fond instrumental est bâti d’une seule mesure se répétant en boucle (14 % du corpus). Le plus souvent, c’est le cas des beats rap, dont 23 % (12× FR, 11× CS) réitèrent une même mesure tout au long de la chanson. — Deux mesures différentes sont utilisées en alternance, créant des distiques musicaux ; ce marquage de deuxième niveau concerne 80 % des chansons. — Le groupement marque des motifs plus longs en faisant alterner quatre mesures ; c’est le cas des 68 % des chansons. Cependant, toutes les chansons soulignant les quatrains musicaux par des motifs n’en marquent pas automatiquement des distiques. Ce sont les riddims reggae qui sont les plus complexes car 94 % en soulignent à la fois les mesures, les distiques et les quatrains. En ce qui concerne la complexification des motifs dans le temps, 81 % parmi ces thèmes musicaux des plus cycliques appartiennent aux deux premiers tronçons temporels. Il y a donc une plus grande intrication musicale pendant les trois autres phases postérieures. Tempo musical Le rap/reggae étudié se rattache aux catégories musicales down-tempo et mid-tempo, comme la plupart des extraits couvrent 22 Corpus textuel Table 2.5 – Tempo musical et durée de mesures Tempo (bmp) ⇒ Mesure (sec.) Min. Max. Ø Min. Max. Ø Rap FR 69 130 94 1,8 3,5 2,6 Reg FR 62 111 84 2,2 3,9 2,9 Rap CS 56 126 92 1,9 4,3 2,7 Reg CS 53 115 83 2,1 4,5 3,0 l’intervalle de 60 à 110 bpm, cf. Edwards (2013). Le Tab. 2.5 indique le tempo musical et la durée des mesures en secondes, qui a été calculée à partir de ce dernier. Les données suggèrent une grande variabilité de cadence à l’intérieur des deux styles, malgré les différences minimales entre les moyennes des échantillons. La rapidité des beats du rap français, qui comprennent le maximum enregistré (130 bpm), est la plus élevée. En revanche, une plus grande lenteur est associée à la musique reggae tchèque, à laquelle le corpus doit le riddim à seulement 53 bpm. Les mesures musicales de chaque extrait de l’échantillon durent de 1,8 à 4,5 secondes. 23 Méthode 24 Chapitre 3 Interface langue – musique 3.1 3.1.1 Euphonie Polysyllabes Sur les mots avec au moins trois syllabes, la double accentuation linguistique et musicale peut se manifester de sorte à rendre caduque l’accent tonique, si ce dernier ne se situe pas déjà sur un temps fort. Dans les deux langues, les contraintes à l’œuvre ne sont pas les mêmes, mais se placent de manière symétrique : un accent primaire se trouve à une frontière de mot, son caractère fixe présente des restrictions (le schwa non accentuable en français, la déplaçabilité de l’accent tchèque sur la préposition). Cet accent tonique 25 Interface langue – musique est non dynamique et peu iconique. Le Tab. 3.1 détaille le taux d’accentuation inhabituelle dans l’ensemble des mots polysyllabiques pour chacune des cinq étapes (A à E) et dans le corpus (Ø). Au préalable, il faut remarquer l’existence d’une disproportion parmi ces mots : la troisière colonne montre que le total de polysyllabes du corpus tchèque se trouve être nettement supérieur au celui en français, même si les deux moitiés du corpus sont de taille comparable par leurs nombres de chansons, de groupes respiratoires et de syllabes. Dans le cas du rap, le tchèque compte même presque le double des lexies concernées en français (1632 vs. 848 polysyllabes). Cette disparité est due à la morphologie synthétique du tchèque, qui implique une longueur syllabique plus importante des mots que celle des mots en français, à morphologie analytique (Duběda, 2013, p. 70). Reprenons l’hypothèse définie supra : l’échantillon français comptera autant de polysyllabes « non canoniques » que l’échantillon tchèque. L’hypothèse est affaiblie : si l’on prend en considération l’accent primaire seulement (final en français, initial en tchèque), c’est le français qui atteste d’un plus grand nombre de polysyllabes s’écartant de la norme linguistique. Calculé à partir du total des polysyllabes dans le corpus, 37 % ont un accent non-final en français (hormis les mots finissant en schwa) et 29 % en ont un accent non initial en tchèque (sauf les mots dépourvus d’accent métrique précédés d’une courte préposition). En plus, le statut de cette hypothèse varie peu en fonction du style musical : dans le rap : FR 38 % > CS 29 % et dans le reggae FR 33 % > CS 29 %. 26 Euphonie Table 3.1 – % Polysyllabes non canoniques dans l’ensemble des polysyllabes n= A B C D E Ø Rap FR accent non-final 848 33 42 58 40 36 38 Reg FR accent non-final 703 23 38 43 30 34 33 Rap CS accent non-initial 1632 8 31 36 28 36 29 Reg CS accent non-initial 1048 24 24 27 28 36 29 3.1.2 Mots grammaticaux À côté des mots polysyllabiques, les mots grammaticaux accentués sur un temps fort montrent un autre type de décalage des proéminences perçues. La condition de mot-porteur d’accent n’est pas réservée aux unités lexicales de classe ouverte (noms, adjectifs, adverbes, verbes), mais partagée avec celles de la classe fermée. Dans le corpus, 95 % des chansons attestent d’au moins un mot grammatical placé sur un un battement fort – un accent métrique sur un mot grammatical fait défaut dans seulement dix extraits (soit : 1× rap FR, 4× rap CS, 5× reggae CS). Les mots fonctionnels sous accent métrique forment donc le sommet de proéminence des groupes accentuels (GA) respectifs, qui peuvent se composer uniquement de mots sur le battement fort, de plusieurs mots grammaticaux, ou encore de mots grammaticaux et lexicaux. La part que les GA avec un mot fonctionnel pour tête forment parmi tous les groupes accentuels pour chaque langue et style est montrée dans le Tab. 3.2. Dans la moitié française du corpus, leur proportion est 2,7 fois plus importante que dans la moitié tchèque – les GA inhabituels dans l’ensemble des 27 Interface langue – musique Table 3.2 – % de GA avec un mot grammatical sur SB A B C D E Ø Rap FR 11,6 6,8 8,9 10,7 8 9,2 Reg FR 11,3 13,8 13,1 15,3 14,3 13,0 Rap CS 2,6 3,8 5,3 3,9 3,7 4,0 Reg CS 4,0 4,4 5,2 6,4 6,1 5,2 GA sont 11,4 % (FR) et seulement 4,3 % (CS), si les mots qui s’étendent sur plusieurs temps forts sont comptés comme un seul GA. Cette différence est due à la morphologie des langues essentiellement isolantes (FR) vs. flexionnelles (CS). Ce sont les paroles du reggae français qui accentuent le plus de mots de la classe fermée. Les pourcentages du rap sont un peu plus élevés par rapport au reggae – en fait, la modalité chantée du reggae va de paire avec une plus grande longueur syllabique, et donc une mesure moins remplie de syllabes. Pour prendre en exemple le maximum enregistré, la chanson du corpus dont 33 % des temps forts sont occupées de mots fonctionnels est la reprise reggae de la chanson Non, je ne regrette rien par le groupe Danakil. Les transcriptions textsetting rendent évident ce décalage accentuel : dans la version reggae, avec seulement 4,2 syllabes/mesure, il y a 12 mots grammaticaux sur un battement fort (Fig. 3.2), tandis que dans la chanson originelle, Édith Piaf n’y en place que deux (Fig. 3.1). Le nombre de syllabes est le même dans les deux extraits (100), et elles sont réparties dans 25 mesures (É. Piaf) vs. dans 24 mesures (Danakil). 28 Euphonie Figure 3.1 – Extrait textsetting de la chanson d’É. Piaf Figure 3.2 – Extrait textsetting de la chanson FrRegE-D-JRR aux accents décalés. 29 Interface langue – musique 3.2 Mètre Triolets Il arrive fréquemment qu’il y ait une accélération momentanée du débit d’élocution, qui rompt avec la binarité du mètre. Un éclat de trois syllabes au lieu de deux, de durée égale ou non, peut aussi s’enchaîner directement, avec six syllabes à la place de quatre, par exemple. Pour noter cette exception, le solfège marque ces notes avec le chiffre 3 sur le groupe en triolet. Dans la grille rythmique, cette saturation syllabique fragilise l’assignation univoque des syllabes au schéma rythmique strictement binaire. Voici deux stratégies possibles de transcription : dans une grille textsetting à 16 cases, les syllabes supplémentaires sont placées par deux dans les cases appartenant aux temps faibles. Ainsi, la proéminence relative est reflétée sur les temps moyens, qui portent une seule syllabe. Une transcription plus espacée est celle qui multiplie le nombre de cases dans la grille par deux. Dans un solfège, cela correspond à une représentation par trente-deuxièmes de mesure. Cette transcription semble adéquate si ces accélérations sont systématiques tout au long de la chanson, qui relève alors de la discipline dite speed rap. Le corpus atteste de la présence des triolets dans 43 % des extraits (86 sur 200). Comme on le voit dans le Tab. 3.3, les triolets sont plus fréquents dans la production française (341 triolets dans 46 chansons) que dans l’échantillon tchèque (247 triolets dans 40 chansons). Cependant, les occurences restent très limitées, à l’exception des chansons speed rap (75 et 104 triolets par extrait) mais aussi de ce qu’il convient d’appeler du speed reggae (33, 36 et 38 triolets par extrait). C’est la chanson rap Flow siamois (FrRapE-S,R-FS) 30 Mètre Table 3.3 – Triolets chansons occurences Rap FR 18 118 Reg FR 28 221 Rap CS 28 185 Reg CS 12 62 qui contient le maximum de syllabes en triolet par rapport au nombre de syllabes. En effet, parmi ses 433 syllabes, 225 en participent à un triolet (soit 50,8 %) ; la technique est incorporée par les deux MCs de la chanson. Cet extrême est suivi par la chanson Sweet dreams (CsRapD-S,V-SD) avec 48,2 % de syllabes en triolet. Biaccentualité métrique Les mots à plusieurs battements forts (avec deux syllabes ou plus) se trouvent du côté opposé des triolets – dans l’optique de la souplesse rythmique. Comme le montre le Tab. 3.4, les mots métriquement biaccentuels du corpus apparaissent dans la plupart des chansons (à savoir 57 françaises et 69 tchèques) – ces mots sont plus nombreux en tchèque qu’en français, vu la longueur syllabique des mots français en général. Ils sont plus nombreux dans le reggae que dans le rap dont le décompte syllabique est plus élevé. Dans les autres sections, ils sont tous comptés comme formant à un seul groupe accentuel. S’il s’agit de polysyllabes, ils ne figurent pas parmi les mots longs 31 Interface langue – musique Table 3.4 – Biaccentualité métrique chansons occurences Rap FR 24 60 Reg FR 33 188 Rap CS 27 94 Reg CS 42 331 à accent non-canonique. Techniques vocales En ce qui concerne la modalité des 200 extraits, les stratégies pour aligner les paroles au fond instrumental sont variées en raison de l’éclectisme de certains artistes, du métissage musical et des changements de modalité au cours d’une chanson en fonction de sa structure. Parmi les chansons : — 97 sont chantées (50 Reg CS, 45 Reg FR et 2 Rap FR), — 76 sont mi-chantées/scandées (38 Rap FR, 36 Rap CS et 2 Reg FR), — 27 combinent les deux techniques (14 Rap CS, 10 Rap FR, 3 Reg FR). 32 Performance Table 3.5 – Décompte syllabique (syllabes/mesure) A B C D E Ø (Min.) Ø (Max.) Ø (Style) Rap FR 10,8 11,4 11,7 11,6 12,5 8,4 16,6 11,6 Reg FR 9,4 9,9 9,9 9,5 11,2 4,2 14,9 10,0 Rap CS 10,4 10,7 12,8 13,2 12,6 6,6 17,0 11,9 Reg CS 5,4 6,5 8,3 8,2 11,3 3,3 13,1 7,9 3.3 Performance Décompte syllabique Dans l’approche du nombre de syllabes dans une mesure, les phases des mélismes (syllabes étirées sur plusieurs notes différentes) sont comptées comme des syllabes individuelles. Dans la transcription, elles sont notées avec des traits d’union après la voyelle rallongée (ainsi dans FrRegE-T-PnV : Dé-fini-i-tive-men-en-en-en-en-en-ent). Les détails sont montrés dans le Tab. 3.5. Par leur étendue uniquement, les lignes rythmiques prototypiques ressemblent par leur décompte syllabique à des vers poétiques classiques. En fait, d’après les moyennes établies pour les quatre sous-corpus (dernière colonne), le représentant canonique des raps français et tchèque compte autant de syllabes que l’alexandrin, celui du reggae français autant qu’un décasyl33 Interface langue – musique labe, et la longueur d’une ligne rythmique de reggae tchèque correspond à un octosyllabe. Comme le montrent les colonnes Ø (Min.) et Ø (Max.), la musique vocale étudiée voit les lignes rythmiques expensées par rapport au maximum théorique de seize syllabes (une pour chaque seizième de la mesure). Si l’on prend en considération seulement les moyennes des chansons, force est de constater, un grand écart entre les deux extrêmes en l’occurence tchèques : le remplissage moyen va de 3,3 syllabes/ligne (reggae) jusqu’à 17 syllabes/ligne (rap). Si l’on considère les changements du décompte syllabique dans le temps, une tendence est manifeste dans les données : la densité syllabique des vers va en s’acroissant avec le temps. En fait, dans les deux langues/styles, les mesures les plus occupées se positionnent dans les colonnes D et E, ce qui témoigne de la plus grande complexité du rap/reggae actuel. Débit articulatoire Dans le cas des chansons à plusieurs interprètes, l’intervention de chaque chanteur est comptée séparément, puis une moyenne est établie pour chaque chanson si leurs strophes sont clairement divisées. Le Tab. 3.6 montre la variation du débit articulatoire dans les quatre échantillons et à travers les cinq étapes. Dans la dernière colonne, le débit des rappeurs est presque le même dans les deux langues. Tout comme pour le décompte syllabique par mesure, les chiffres du rap sont plus élevés que ceux du reggae. Mis à part les moyennes des chansons, le débit du flow varie beaucoup d’un interprète 34 Performance Table 3.6 – Débit articulatoire (syllabes/seconde) A B C D E Ø (Min.) Ø (Max.) Ø (Style) Rap FR 4,8 4,4 4,5 4,5 4,5 3,2 6,0 4,5 Reg FR 3,2 3,6 3,2 3,5 4,2 1,4 5,8 3,8 Rap CS 4,0 4,0 5,1 5,2 4,6 1,9 6,4 4,6 Reg CS 1,9 2,0 2,7 3,1 4,2 0,9 5,4 2,8 Table 3.7 – Tempo musical et débit articulatoire Coefficient de corrélation Rap FR 0,45 Reg FR 0,65 Rap CS 0,62 Reg CS 0,51 < 0, 7 à l’autre : il se situe entre la moyenne minimale par extrait (0,9 syllabes par seconde – CsRegA-Z-SaH ) et la moyenne maximale enregistrée (6,4 syll./sec. – CsRapD-S,V-SD). Les maxima se situent dans les phases D et E (sauf pour le rap français, à vitesse d’élocution stable), donc le débit de flow s’accélère avec le temps. Pour investiguer la relation entre le débit articulatoire et le tempo musical exprimé en bpm (cf. le Tab. 2.5), voici le Tab. 3.7 : les coefficients de corrélation établis pour les 4 échantillons sont inférieurs à 0,7. Contrairement aux attentes (« Plus la musique de fond est rapide, et plus vite l’interprète chantera/rappera »), le tempo musical n’est que faiblement corrélé avec la vitesse d’élocution. 35 Interface langue – musique 3.4 Groupement 3.4.1 Vers : vue d’ensemble Les données révèlent relativement peu de correspondance exacte entre les phrases musicales et les vers. L’alignement de ces derniers va au-delà des mesures tant par la position des vers que par leur durée. En fait, seulement 34 % des mesures du corpus (total = 58 480 mesures) contiennent un vers en entier, comme le montre la deuxième colonne du Tab. 3.8 De plus, il faut souvent faire appel à plusieurs critères pour déterminer les vers poétiques. Parmi des descripteurs phonétiques, stylistiques, sémantiques et syntaxiques – pause, rime finale, contours mélodiques, sens de finition d’un syntagme – sont ici retenus la rime et la pause. Les courtes pauses sont ici définies avec un paramètre métrique – comme 0 à 4 cases vides dans le textsetting. En fait, à partir de 5 cases, la pause pourrait comprendre deux battements forts ; dans le corpus, 70 chansons (35 %) n’ont aucune longue pause. Ainsi, trois cas de figure sont envisagés, pour les chansons du corpus : 1. Délimiter les vers s’avère possible sans ambiguïté uniquement avec de courtes pauses (sans l’aide de rimes). Dans une chanson donnée, cette courte pause apparaît presque toujours au même endroit du schéma (de la mesure), et la plupart en occupent le même nombre de cases (de seizièmes). 2. La fin des rimes est délimitée par des pauses irrégulièrement placées et de durée changeante, c’est la rime finale qui aide à ponctuer la fin du 36 Groupement vers. Cependant, la fréquence des syllabes rimées à tout autre endroit des vers rend caduque leur potentiel de définir le vers comme tel à lui seul. C’est la combinaison des marqueurs qui permet d’établir les limites des vers. 3. À l’intérieur de certaines chansons reste un nombre de passages sans frontière saillante de vers. Le découpage versologique traditionnel, contrarié par ces fragments, à savoir les flows ininterrompus avec beaucoup de rimes (ou au contraire très peu rimés), est souvent empêché aussi par un découpage syntagmatique équivoque et/ou par une l’intonation plate. Ces chaînes de syllabes sont marquées par la couleur rouge à gauche de la grille rythmique, indiquant que l’interprétation suggérée des vers en permet une autre. Pour montrer en détail la saillance ou non des frontières de vers, le Tab. 3.8 montre ces trois cas, ainsi que le faible degré de correspondance entre la mesure et le vers. Un vers est clairement indiqué par une courte pause dans 43 chansons et par un concours de facteurs dans le reste (157 chansons). Parmi ces derniers, les passages à découpage ambigu sont présents dans 34 chansons (plus nombreuses dans le rap que dans le reggae). Les extraits tendent à accumuler les frontières d’un côté de la mesure. Concernant l’endroit correspondant à la fin d’un vers et au début du vers suivant, les quatre échantillons marquent l’extrémité gauche de la mesure, tendance qui est plus forte dans le rap que dans le reggae. L’alignement des phrases textuelles aux phrases musicales s’effectue à gauche dans 183 chansons sur 200, et dans 98 % des extraits rap (Tab. 3.9). Cette orientation 37 Interface langue – musique Table 3.8 – Vers Correspondance : Détermination des vers par : Passages Mesure – Vers pause typique pause et rime ambigus Rap FR 31 % 9 28 13 Reg FR 23 % 11 36 3 Rap CS 46 % 11 26 13 Reg CS 35 % 12 33 5 Ø 34 % Σ43 Σ123 Σ34 Table 3.9 – Orientation des vers Amorce à gauche Amorce à droite Orientation (Beat 1-2) (Beat 3-4) changeante Rap FR 48 2 0 Reg FR 42 5 3 Rap CS 50 0 0 Reg CS 47 0 1 Σ 50 est donné par le premier temps fort des vers : les extraits dont bâtis le plus souvent sur le premier ou le deuxième battement fort, qui sert d’ancrage. 38 Bibliographie Barret, J. (2008). Le rap, ou, L’artisanat de la rime : stylistique de l’egotrip. l’Harmattan. Delattre, P. (1944). L’aperture et la syllabation phonétique. The French Review, 17(5):281–285. Duběda, T. (2013). Études de prosodie contrastive : le cas du français et du tchèque. Karolinum Press. Edwards, P. (2009). How to Rap. Chicago Review Press. Edwards, P. (2013). 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