l`Histoire, peut relever de la simple curiosité d`amateur

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l`Histoire, peut relever de la simple curiosité d`amateur
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l’Histoire, peut relever de la simple curiosité d’amateur ? « La dette de reconnaissance à
l’égard des morts » 209 poussant l’historien à faire « le vœu de rendre justice au passé » 210
suffirait-elle à le justifier ? On pourrait aussi dire que la mort de Pierre Terrasse « n’est un fait
historique qu’en vertu du faisceau d’intentions, de motifs et de valeurs qui l’incorpore à un
ensemble intelligible » 211. Cet ensemble intelligible s’observe à différentes échelles de
représentation. A une petite échelle, des individus comme Pierre Terrasse s’agrègent à
d’autres personnages pour former des entités collectives qui estompent les composantes
individuelles. Comme le souligne Paul Ricœur dans sa réflexion Temps et récit :
« C’est parce chaque société est composée d’individus qu’elle se comporte sur la scène de l’histoire
comme un grand individu et que l’historien peut attribuer à ces entités singulières l’initiative de certains
cours d’actions et la responsabilité historique […] de certains résultats, même non intentionnellement
visés » 212.
Finalement Pierre Terrasse est-il mort pour rien ? On pourrait dire qu’il est mort justement
pour ce rien, pour ce pronom indéfini « rien » qui, issu par l’évolution orale du latin rem,
désignait au départ le bien, la possession, la propriété, comme l’expression res publica en a
conservé la trace 213. Alors c’est vrai, Pierre Terrasse est peut-être mort pour défendre ce
« rien », cette « chose publique », et sa mort donne une autre dimension à l’engagement de
ces hommes. Mais l’histoire reconstituée de Pierre Terrasse ou des insurgés du 2 Décembre à
partir de cartons d’archives de la série M ne nous dit pas pourquoi ils ont assumé cet
engagement parfois jusqu’à la mort. Quelle fut alors leur postérité dans l’histoire ? C’est ce
qu’il nous faut vérifier dans les différentes reconstitutions données dans les « livres
d’histoire ».
209
Paul RICŒUR, « La réalité du passé historique », dans Temps et récit. 3. Le temps raconté, p. 253.
Paul RICŒUR, « La réalité du passé historique », idem, p. 273.
211
Paul RICŒUR, « L’éclipse du récit », dans Temps et récit. 1. L’intrigue et le récit historique, p. 175.
212
Paul RICŒUR, « L’intentionnalité historique », dans Temps et Récit.1, idem, p. 351.
213
Alain REY, [dir.], Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires Le Robert, Paris, 1998,
(1ère édition 1992).
210