Alejandro Jodorowsky

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Alejandro Jodorowsky
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Alejandro Jodorowsky
- Portrait d'auteurs -
Date de mise en ligne : mercredi 28 janvier 2009
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Alejandro Jodorowsky
Conversation à propos de Carlos Castaneda, propos
recueillis par Gilles Farcet
Cinéaste éveilleur (El Topo, La Montagne sacrée, sans parler de Dune, projet certes avorté, mais quil a réussi à
rendre légendaire), écrivain, homme de théâtre, membre du groupe Panique à côté dArrabal, maître ès tarots,
scénariste de B.D. (Le Lama blanc... ), Alessandro Jodorowski est un personnage dune dimension extraordinaire
dont la vie ressemble à un conte fantastico-initiatique. Rien détonnant à ce que Castaneda, lhomme invisible de
"LHerbe du Diable", soit un beau soir venu à lui.
La transcription ne permet malheureusement pas de rendre laccent chantant de "Jodo". Le monstre de créativité est
plutôt volubile, mais il sait aussi écouter.
Fils d'émigrants russes exilés au Chili, Alexandro Jodorowsky commence sa carrière artistique comme
marionnettiste ambulant. Il part pour la France à 24 ans et intègre la compagnie Marcel Marceau. Cinq ans plus tard,
il abandonne la troupe pour devenir peintre en bâtiment. Il rencontre Roland Topor et Fernando Arrabal avec qui il
crée un anti-mouvement artistique, 'Panique', visant à dépasser le surréalisme. Puis il repart en Amérique du Sud où
il reste dix ans. Là, en plus de la pantomime, il crée le théâtre d'avant-garde de Mexico, et réalise trois films dont 'El
Topo', qui devient le film culte de la génération psychédélique. Il se lance alors dans la bande dessinée. Après 'L'
Etranger' avec Manuel Moro, il crée avec Moebius le personnage de John Difool. La série de 'L' Incal' impose
Jodorowsky comme l'un des scénaristes les plus originaux et les plus prolifiques. Auteur de plusieurs romans, essais
et poèmes, il est aussi mystique. Inventeur du concept de psychomagie, il est le spécialiste incontesté du Tarot de
Marseille.
Gilles Farcet : Castaneda est un personnage insaisissable que peu de gens peuvent se vanter avoir vu. En quelles
circonstances lavez-vous rencontré ?
Alessandro Jodorowski : A cette époque, dans les années 70, jétais très connu de certains milieux grâce à mon film
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"El Topo" qui était pour beaucoup une sorte de référence en matière de cinéma initiatique. Castaneda avait vu deux
fois "El Topo", et il lavait vraiment aimé. Je me trouvais donc au Mexique dans un restaurant où lon mange de gros
biftecks et où lon boit du bon vin. Jétais accompagné dune actrice mexicaine qui a reconnu dans la salle une de
ses amies attablée avec un monsieur. Castaneda - car cétait lui- apprenant qui jétais a envoyé son amie â notre
table. Celle-ci ma demandé si je voulais rencontrer Castaneda. "Bien sûr, ai je répondu, je ladmire beaucoup !" Elle
a proposé quil vienne sasseoir avec moi, mais jai tenu à me lever et à aller moi-même à sa table.
G.F. : Voilà un hasard romanesque...
A. J. : La vie est romanesque ! Jai proposé à Castaneda daller le voir, mais il a voulu venir à mon hôtel. Nous étions
comme deux Chinois rivalisant de politesses. Il ne cessait de sabaisser pour mélever, et je faisais bien entendu de
même...
G.F. : Vous navez pas douté dêtre vraiment en présence de Castaneda ?
A.J. : Non pas un instant. Plus tard, aux États-Unis, est sorti un livre dans lequel figure un portrait de lui, un dessin.
Ce portrait est bien celui de lhomme que jai rencontré.
G.F. : Quelle fut votre première impression ?
A. J. : Au Mexique, il est très facile de déterminer à quelle classe sociale un homme appartient au seul vu de son
physique. Castaneda a un physique de garçon de restaurant.
G.F. : ? !
A. J. : Oui, il ressemble à un homme du peuple, pas gros mais massif, les cheveux frisottés, le nez un peu aplati, on
dirait un Mexicain issu des classes populaires. Par contre, dès quil parle, il se transforme en Prince, on sent une
grande culture derrière chacun de ses mots.
G.F. : Donne-t-il une impression de sagesse ?
A. J. : Pas de sagesse, mais de sympathie. On sest de suite sentis amis. Il était simplement vêtu et se tapait un gros
steak arrosé de Beaujolais... Il ne ressemblait pas à don Juan, mais au Castaneda qui sexprime dans les livres. Je
retrouvais son ton, sa voix, pour ainsi dire...
G.F. : Daprès vous, ses livres racontent-ils des faits réels, ou sagit-il dune fiction ?
A. J. : Il mest difficile de me prononcer. Mon impression est quil se fonde sur une expérience réelle, à partir de
laquelle il extrapole ; il introduit des concepts puisés dans la littérature initiatique universelle. Dans ses livres, on
retrouve le zen, les Upanishads, les tarots, le travail sur les rêves... Une chose est sûre : il parcourt réellement le
Mexique pour faire des recherches.
G.F. : Croyez-vous à lexistence de don Juan ?
A. J. : Non, je crois que ce personnage est une invention géniale de Castaneda, qui a effectivement rencontré
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plusieurs sorciers yaquis.
G.F. : Comment sest déroulée votre conversation ultérieure dans la chambre dhôtel ?
A. J. : Il a dabord appelé pour me prévenir quil arriverait avec cinq minutes davance ! Jai été touché de ce geste,
si délicat. Puis il est arrivé, et je lui ai dit : "Je ne sais pas si tu es un fou, un génie, un escroc, ou si tu dis la vérité." Il
ma affirmé quil ne disait que la vérité et sest mis à me raconter une histoire incroyable, mexpliquant comment don
Juan, dune simple tape dans le dos, lavait projeté à quarante kilomètres de distance - parce quil sétait laissé
distraire par une femme qui passait... Il ma aussi parlé de la vie sexuelle de don Juan, capable déjaculer quinze fois
de suite. Il me semble dailleurs que Castaneda lui-même aime beaucoup les femmes. Il ma demandé si nous
pouvions faire un film ensemble. Hollywood lui avait proposé beaucoup dargent, mais il ne voulait pas que don Juan
soit joué par Anthony Quinn...
Puis sa diarrhée a commencé, il sest mis à avoir très mal à lestomac, ce qui, ma-t-il dit, ne lui arrivait jamais, et jai
moi-même ressenti de violentes douleurs au foie et à la jambe droite ! Cétait étrange de ressentir ces douleurs alors
que nous commencions à envisager un projet... Nous nous sommes traînés dans la chambre, je lui ai appelé un taxi,
et lai ramené à son hôtel. Puis je suis allé me faire opérer par une sorcière, Pachita. Javais invité Castaneda à venir
rencontrer cette femme exceptionnelle, mais il ne sest pas manifesté. Jai dû ensuite demeurer trois jours alité. Une
fois rétabli, jai appelé à son hôtel, mais il était parti. Je ne lai jamais revu, la vie nous a séparés. Un guerrier ne
laisse pas de traces.
G.F. : Il vous apparaît donc à la fois Comme un tricheur et quelquun de très intéressant.
A. J. : Il ma raconté ses histoires de don Juan avec une telle conviction... Je suis habitué au théâtre, aux acteurs, et
je nai pas eu le sentiment quil mentait. Peut-être est-il fou et génial ?
G.F. : Pour vous, quel est lapport de Castaneda ?
A. J. : Son apport est immense : il a créé une source de connaissance différente, la source sud-américaine. Il a fait
revivre le concept du guerrier spirituel... Il a remis au goût du jour le travail sur le rêve éveillé. Sans doute a-t-il trop
publié, mais les éditeurs américains font signer des contrats pour une dizaine de livres... Et il a toujours, malgré tout,
quelque chose de neuf à dire, ses bouquins révèlent bien des choses oubliées. Alors, vrai ou faux, peu importe. Si
cest de la tricherie, il sagit dune tricherie sacrée...
La tricherie sacrée : Voir le livre ici
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La tricherie sacrée : Voir le livre ici
La Tricherie, quinze ans après (extrait du livre)
A l'automne 1989, paraissait chez Dervy La Tricherie sacrée, un petit livre composé de dialogues spontanés entre
Alejandro Jodorowsky et moi-même. Cet opuscule connut un surprenant destin. Il ne cessa, sans faire de bruit, de
trouver de nouveaux lecteurs au fil des années. « Jodo » jouissait déjà d'une solide réputation en tant que scénariste
de bande dessinées - ces BD qu'il s'obstine à appeler de leur nom américain « comics ». Il était également connu,
aussi bien en France, son pays d'adoption, qu'outre-Atlantique, comme un cinéaste culte auteur de films
précurseurs. Il l'était moins en tant qu'électron libre et génial de la spiritualité. Electron libre et génial, oui, car
comment qualifier notre homme ? Tarologue ? Mais il n'est pas seulement cela, même si les consultations que l'on
trouve aujourd'hui proposées dans nombre de cafés branchés ont pour origine son « Cabaret Mystique » et sont
souvent données par ses ému-les. Maître spirituel ? Même s'il aime parfois à se décrire comme un « pauvre gourou
exploité par le business spirituel », Jodo n'est pas et ne se prétend pas un « maître » au sens traditionnel du terme. Il
ne s'inscrit dans aucune lignée précise - quoiqu'il fasse souvent référence aux maîtres qui croisèrent sa route,
notamment le Roshi zen Ejo Takata, la sorcière Pachita ou le mystérieux Castaneda. Ainsi qu'il s'en explique dans
nos plus récents dialogues, quand il estime qu'une personne venue le consulter aurait besoin d'entrer en contact
avec un maître spirituel, il l'oriente vers Arnaud Desjardins, parce qu'il ne se conçoit pas, lui, comme proposant une
voie. Ésotériste extraordinaire ? Guérisseur toujours prêt à extirper de son chapeau un « acte psychomagique » ?
Sorcier atypique ? Illusionniste transcendantal ? Charlatan sublime ? En vérité, en matière de vie spirituelle comme
d'ailleurs dans tous les aspects de sa vie incroyablement riche, Jodorowsky est un être hors norme, l'un de ces
personnages dont l'existence est en elle-même un roman initiatique. Si foisonnante et variée que soit sa créativité,
c'est bien sur une vie intérieure, un parcours proprement spirituel qu'elle repose. De ce parcours, La Tricherie sacrée
fut le premier témoignage quelque peu conséquent. Advenu comme un petit miracle, ce livre conçu alors que son
sujet venait d'avoir soixante ans inaugura pour ce dernier une nouvelle ère. Tout en poursuivant ses activités
artistiques - essentiellement les « comics » - il fut de plus en plus connu d'un certain public dans sa dimension de «
mage », comme on l'eût dit autrefois d'un Gurdjieff avec qui il a en commun d'avoir marqué nombre d'artistes, ainsi
qu'en attestent les témoignages figurant en troisième partie du présent volume. La Tricherie fut aussi le prélude à un
autre livre réalisé à deux, Le Théâtre de la guérison, dans lequel Alejandro eut tout loisir de développer sa vision «
psychomagique ».
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