Télécharger le portrait de Lisa Cat-Berro

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D
LISA CAT-BERRO QUARTET
Elle a du souffle Lisa. Un souffle qui gonfle ses voiles
pour l’emmener sur toutes les terres du jazz. Et puis
elle a un nom, Cat-Berro, qui claque dans l’air et se
termine comme un solo de Lee Konitz, tout en
rondeur. Saxophoniste de son état, cette jolie blonde
aux reflets forcément cuivrés fait son bonhomme de
chemin depuis quelques années dans le paysage
jazzistique français.
Les aficionados l’auront découverte dans le Lady
Quartet de Rhoda Scott, au gré de ses pérégrinations
festivalières ou au détour d’un club de jazz de la
capitale. Ce quatuor de femmes de tête est mené par
un morceau d’histoire, la swingwoman Rhoda Scott,
pianiste reine du be-bop. Dans le milieu, disons
viril, du jazz français, le Lady Quartet fait en effet
figure d’exception, étendard non prémédité
d’une réjouissance musicale toute en fougue, dont
s’extirpent des joyaux comme l’inventive Sophie Alour
ou Lisa Cat-Berro.
Sur la route sinueuse de la jeune femme s’égrènent
ainsi quelques balises, des repères qui l’ont fait
grandir et s’affirmer, l’ont aiguillée sur la voie de
l’alto. Le père, déjà, fou de jazz, qui écoutait sans
cesse de vieux vinyls à la maison; puis au lycée, le
professeur d’histoire, saxophoniste mordu qui
encadrait le big band de l’école et possédait «une
maison tapissée de disques».
«Loin de la surenchère technique et numérique,
je veux qu’on entende le souffle, le grain, presque la salive.»
création à La Coursive
LISA CAT-BERRO
QUARTET
LISA CAT-BERRO
saxophone alto
JULIEN OMÉ
guitare
NICOLAS LARMIGNAT
batterie
STÉPHANE DECOLLY
basse électrique
VEN 6 JANVIER 20 H 30
DURÉE 1 H 30
THÉÂTRE VERDIÈRE
La passion qui rôde commence à s’imprimer chez
l’adolescente, qui enchaîne chaque été depuis ses
quinze ans, des tournées avec une fanfare de rue rythm
n’ blues ou étudie aux master classes de Marciac, avec
pour consultant de luxe, un certain Wynton Marsalis.
L’apprentissage s’y fait à l’américaine, à l’oral et sans
partition, ludique. A dix-sept ans, la jeune Lisa joue
devant le maître, qui dira en sortant de la salle «She’s
got the sound!». En américain dans le texte.
Après trois années d’hypokhâgne khâgne laissant trop
peu de place à la musique, elle intègre finalement un
conservatoire, le prestigieux CNSM, graal souvent
inaccessible pour les profils si peu orthodoxes, tout
en jonglant entre cachets d’intermittence et cours.
Des rencontres, encore, du travail, toujours, des
précepteurs pointus… Elle y apprend beaucoup,
notamment à «écrire pour toutes sortes de formations,
et même pour un orchestre symphonique. Une expérience
géniale» sourit-elle avec gourmandise.
Gourmandise, parce qu’à l’écouter se raconter, on sent
bien que c’est cette rigueur d’apprentissage tout
autant qu’un parcours atypique –elle jouera même un
été dans la fanfare de Disney!– qui ont forgé la
musicienne.
Elle n’hésitera pas à aller jouer la comédie pour
François Morel, dans son récital créé à La Coursive,
Le Soir, des lions... L’occasion de «ne pas rester
cloisonnée au jazz» et de se faire diriger par la
chanteuse Juliette. Sur cette dernière, Lisa ne tarit
pas d’éloges: «Elle a tout, l’oreille, le regard,
l’intelligence». L’occasion aussi de venir travailler à
La Rochelle et de tomber amoureuse de la ville.
«J’ai complètement flashé, dévoile-t-elle, il se passe
quelque chose ici, la lumière, ce port ouvert, ces
pierres, le théâtre… La Rue sur les Murs est la plus
belle rue du monde!». Plus de cent cinquante dates
avec l’équipée sauvage du sieur Morel, un «type
extraordinaire», et voilà que Lisa revient créer sur nos
terres. Mais à la tête de son propre équipage.
Déjà bercée par les rythmes africains, «l’avenir de la
musique», elle se prend d’amour pour la folk et les
sonorités multiples de Joni Mitchell. Un tournant,
presque une révélation. Pas étonnant alors que son
quartet se mutine en un rock band. «Même si ça
reste du jazz, je compose les harmonies avec cette
esthétique roots et folk. Lorsque j’ai présenté le projet
aux musiciens, je leur ai dit que je voulais la caisse
claire de Neil Young, la basse de Melody Nelson et
le son de guitare d’Ali Farka Touré!».
Après avoir répété en juin dernier au Théâtre Verdière,
l’équipe décide non pas d’aller enregistrer son album
dans un studio parisien comme il était prévu, mais
ici, à même la salle. «Après les premiers essais, c’est
devenu une évidence. Ce théâtre possède une grâce,
une résonnance lumineuse qui rend notre son plus
proche de la matière, des racines. Loin de la surenchère
technique et numérique, je veux qu’on entende le
souffle, le grain, presque la salive.»
Déterminée et à l’écoute, Lisa Cat-Berro est
décidément une fille épatante. Sans esbroufe, elle
vogue avec délicatesse sur les rivages du jazz et se
nourrit de chacune de ses escales. Sa nouvelle
embarcation viendra jeter l’ancre pour quelques jours
sur le Vieux Port, avant, elle l’espère, d’y poser un
jour pied à terre. Et dans un grand éclat de rire: «Mais
pour ça, il faudra que je vende vraiment beaucoup
d’albums ou que je trouve un mari très riche!». Et en
plus elle a de l’humour… La demoiselle Cat-Berro est
définitivement une lady.
propos recueillis par Camille Lagrange
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