9-15 MEP Abbé Pierre

DALAÏ-LAMA
IMAGES
D’UNE VIE
J’étais éperdu de reconnaissance à l’égard du
treizième dalaï-lama quand je pensais aux cadeaux
merveilleux qu’il m’avait faits sans le vouloir.
Maints de mes balayeurs du Potala l’avaient connu
de son vivant, et j’appris d’eux bien des choses sur
son compte. C’était un maître spirituel parfaitement
accompli, doublé d’un chef d’État capable et
clairvoyant. Par deux fois, des envahisseurs étrangers
le contraignirent à s’éxiler : d’abord les Britanniques,
qui, en 1903, envoyèrent une armée aux ordres
du colonel Younghusband, puis les Mandchous,
en 1910. Alors que les Anglais décidèrent eux-mêmes
de se retirer, l’armée mandchoue, elle, fut expulsée
de force durant l’hiver 1911-1912.
Ici ma mère, mon père, mon frère ainé
et moi bébé. Mes parents étaient de petits
cultivateurs. S’ils ne dépendaient d’aucun
maître, ils n’étaient pas nobles pour
autant. Ils travaillaient eux-mêmes
les quelques terres qu’ils louaient. Au
Tibet, les cultures principales sont l’orge
et le sarrazin. Mes parents cultivaient
l’une et l’autre, ainsi que des pommes
de terre.
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Le Potala est un endroit
où il fait bon vivre. Il occupe
l’emplacement d’un bâtiment
plus petit, sur un rocher dit
« la Montagne rouge ». Son
constructeur, le cinquième
dalaï-lama, mourut en 1682,
alors qu’il était loin d’être
terminé, et son fidèle Premier
Ministre, Desi Sangye Gyatso,
cacha sa mort jusqu’à ce
qu’il fût terminé, soit pendant
quinze ans, laissant croire
à tous que Sa Sainteté faisait
une longue retraite.
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J’entendis de ma chambre le roulement
lent et obstiné des tambours de guerre.
Je montai en hâte sur le toit du Potala,
où, armé de mon télescope, j’observai
la progression d’une interminable
colonne sinuant à travers un nuage
de poussière. Les soldats entrèrent dans
la ville dans un grand déploiement
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de drapeaux rouges et de pancartes
à l’effigie du président Mao et de son
second, Chu Teh, tandis que jouait
une fanfare de trompettes et de tubas.
Tout cela était très impressionnant
– comme les soldats eux-mêmes qui
semblaient sortir tout droit de l’enfer.
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Après l’invasion de notre territoire
par Mao, j’étais cruellement
conscient que le monde extérieur
nous tournait le dos. Plus que
tout, j’étais déçu que l’Inde, notre
mentor spirituel et plus proche
voisin, eût tacitement accepté
les prétentions de Pékin sur leTibet.
En avril 1954, Nehru avait en effet
signé un nouveau traité sino-indien
comprenant une note diplomatique,
dite Panch Sheel, par laquelle il
était entendu que l’Inde et la Chine
ne devaient en aucune circonstance
se mêler des affaires « intérieures »
l’une de l’autre. Aux termes de
ce traité, le Tibet était considéré
comme faisant partie de la Chine.
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En 1959, il me fallut quitter le Tibet sous
la pression des Chinois. On organisa mon évasion
vers l’Inde. Je quittait le pays à cheval mais,
malade durant ce voyage, on me porta jusqu’à
la frontière. Nous dûmes offrir un bien pitoyable
spectacle aux quelques gardes indiens que nous
trouvâmes à la frontière : quatre-vingt voyageurs
epuisés, aussi bien moralement que
physiquement. On m’expliqua qu’on avait l’ordre
de me conduire à Bomdila, gande ville située
à une semaine de marche, pour que je m’y repose.
Nous y arrivâmes trois semaines après avoir
quitté Lhassa, j’avais l’impression que le voyage
avait duré un siècle
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De notre côté, nous espérons
contribuer à l’édification
d’un monde plus paisible,
plus humain et plus beau.
Un futur Tibet libre
s’efforcera d’aider tous ceux
qui sont dans le besoin,
de protéger la nature
et de promouvoir la paix.
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