Quatre situations réelles, questions à partager en groupe et

Transcription

Quatre situations réelles, questions à partager en groupe et
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Une aide au suicide ?
Une patiente de 35 ans se bat de puis des années contre des poussées
successives de sclérose en plaque. Elle a progressivement perdu son
autonomie, se déplace en fauteuil roulant et a maintenant de la difficulté
à parler distinctement. La dernière crise a exagéré sa condition. Elle est
déprimée et en colère. Elle demande à mourir. Elle ne veut plus
continuer. Un soir, elle demande { son ami de l’aider. Il va dans la
pharmacie et lui apporte tous les médicaments qui s’y trouvent. Elle
avale tout d’un coup. Elle s’endort puis elle meurt.
Son ami n’a aucune intention criminelle : il veut être fidèle au lien qu’il a
avec elle, il veut respecter sa volonté. Il voit bien, avec elle, que la
situation est désespérée; il ne voit pas comment elle pourra en sortir. Il
ne voit pas de commune mesure entre l’ampleur de la souffrance vécue
et les tentatives thérapeutiques plus ou moins efficaces auxquelles on a
eu recours jusqu’ici. Il l’aide volontairement par compassion. Cette
situation lui fend le cœur; mais ne convient-il pas de penser avant tout à
elle ? (Dr Patrick Vinay)
Questions :
Auriez-vous fait la même chose que l’ami de cette patiente ?
Si oui, pensez-vous que vous êtes moralement responsable de sa
mort? Pensez-vous que vous pourriez être accusé
criminellement ?
Sinon, qu’auriez-vous pu faire humainement ? Qu’auriez-vous pu
faire dans une perspective de foi ?
Y verriez-vous un cas qui justifierait l’aide au suicide ?
Service diocésain de formation – Euthanasie et aide au suicide, 12 mai 2010
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Commentaire du Dr Vinay (Situation 1)
Cet acte est un suicide avec aide au suicide. Dans un sens, cela aurait pu
se passer plus mal : les tentatives de suicide sont souvent manquées et
peuvent laisser en vie un malade plus hypothéqué qu’avant. Au moins
elle ne souffre plus.
Ce geste est illégal. Est-il immoral ? Était-ce plus juste de l’abandonner {
sa situation ? Mais on peut aussi se demander si c’était la seule et la
meilleure solution possible. Sa décision de mort était-elle liée à sa
dépression ? La vie qui lui restait aurait-elle pu être vécue autrement ?
Cette dame a-t-elle été assez entourée, aimée, protégée ? Nous entrons
ici dans un creuset de souffrances où les valeurs s’opposent, où les lois
changent de visage, où la protection du faible recourt à de nouveaux
moyens adaptés à lui seul.
Ces cas nous demandent parfois de suspendre le jugement : nous
aurions peut-être fait pareil. Mais est-ce une raison suffisante pour
légaliser l’aide au suicide accessible { tous ? Les lois sont-elles faites
pour les cas d’exception ou pour l’ensemble de la société ? Et si l’ami
était lui-même épuisé, confus de douleur, { bout ? Et si c’était aussi sa
propre souffrance qu’il évacuait au prix de la vie de l’autre ?
Service diocésain de formation – Euthanasie et aide au suicide, 12 mai 2010
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Un arrêt de traitement
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«L’année dernière, deux doigts de la main gauche de ma femme refusaient de bouger.
Six mois plus tard, elle ne pouvait plus marcher et cela fait un mois maintenant qu’elle
est complètement paralysée. Elle doit rester au lit tout le temps et elle ne peut plus
respirer normalement : ses côtes ne bougent plus. Il lui faut un masque sur son visage
presque tout le temps pour souffler de l’air dans ses poumons. Elle ne peut presque
plus l’enlever. Elle devient essoufflée quand elle l’ôte pour parler ou manger. Mais ce
masque lui fait mal car il écrase son visage et la blesse. Mais elle ne veut pas de
machine pour respirer! Et maintenant elle souffre quand on la tourne, quand on la
déplace. Elle ne veut pas continuer à vivre paralysée et complètement dépendante.
C’est son droit n’est-ce pas ?»
Cette femme souffre d’une maladie appelée sclérose latérale amyotrophique, ou
maladie de Lou Gherig, au cours de laquelle les fonctions motrices s’éteignent les
unes après les autres. Un peu comme si une prison d’acier se refermait sur un corps
de plus en plus immobile, elle se trouve enfermée dans son corps et dans sa
chambre : elle regarde sa vie et n’y voit plus d’avenir. Lentement elle s’est habituée {
cette idée que sa vie achevait. Ses parents, ses amis défilent dans sa chambre,
essuyant une larme à la sauvette. Elle demeure souriante, accueillante. Certains la
trouvent même plus belle encore qu’auparavant.
Elle est transférée { l’hôpital. Son idée est claire et sa famille la supporte : elle ne
veut pas, elle ne peut pas continuer. C’est de plus en plus difficile et bientôt le
masque ne suffira plus. Il faudra un trou dans la trachée, un respirateur mécanique,
un tube pour la nourrir d’une diète liquide, une sonde dans la vessie, etc… Elle ne
pourra plus parler du tout. Ce qu’elle exprime { ses proches et au personnel
soignant indique clairement qu’elle ne veut rien de tout cela. Elle veut plutôt mourir
paisiblement.
Alors, par un matin ensoleillé, en présence des siens et de son mari, elle est
endormie avec des sédatifs. Jusqu’{ la perte de conscience, elle lui redit des mots
d’amour et un vibrant merci pour ces 25 ans de bonheur, puis elle s’endort
calmement. Vingt minutes plus tard le masque est retiré et, 15 minutes après, elle
est déclarée morte. (Dr Patrick Vinay)
Questions :
Cette anesthésie avec des sédatifs et le retrait du masque : est-ce de
l’euthanasie ?
Le médecin a-t-il agi de façon éthique en arrêtant ce traitement ?
Quel accompagnement spirituel auriez-vous offert à cette patiente, à ses
proches ?
Service diocésain de formation – Euthanasie et aide au suicide, 12 mai 2010
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Commentaire du Dr Vinay (Situation 2)
«Est-ce de l’euthanasie ? Non. C’est un arrêt de traitement volontaire et
planifié, réalisé avec une aide médicale pour qu’elle ne souffre pas et
avec le support des siens. Ce geste n’est pas l’acte de donner la mort
artificiellement; c’est celui de l’accueillir lorsqu’elle vient,
naturellement. Nul n’est tenu d’accepter de vivre avec une machine,
dans des conditions insupportables. Chapitre 1. Article 11 du Code civil
du Québec : «Nul ne peut être soumis sans son consentement à des
soins, quelle qu’en soit la nature…»
Tous les médecins peuvent accepter un tel refus de traitement et
adhérer { sa réalisation. C’est légal, c’est possible, c’est le droit du
malade juridiquement accepté depuis le cas si publicisé de Nancy B.; on
n’a pas besoin de changer la loi pour cela. Et surtout, ce n’est pas un
meurtre.
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La fin d’une personne atteinte
de la maladie d’Alzheimer
«Ma tante souffre d’Alzheimer depuis 5 ans. Elle vit en CHSLD et cela fait
des mois qu’elle ne me reconnaît plus. Elle n’a plus que moi. Je vais la voir
deux fois par semaine. Il faut toujours quelqu’un pour la faire manger
maintenant. Je le fais quand j’y vais, mais vous savez, j’ai mon travail : je
ne peux être toujours l{ ! Hier, l’infirmière m’a appelée : il parait qu’elle
s’est étouffée en mangeant. Aujourd’hui elle fait de la température, elle
tousse, elle est malade. La nuit dernière, elle délirait. On lui a donné du
Tylénol. L’infirmière m’a posé cette question : faut-il lui donner des
antibiotiques ?
Alors je suis allé voir le médecin, et nous avons discuté des avantages et
des inconvénients de ce traitement. J’ai compris qu’au mieux, elle
reviendrait comme avant, mais que cela n’était pas certain. Comme elle ne
peut plus dire ce qu’elle souhaite, c’est { moi de la représenter. Je crois
qu’elle souffre que sa vie depuis longtemps n’a plus de sens pour elle,
qu’elle ne s’améliorera pas, même si elle guérit de cette pneumonie
d’aspiration. Cette maladie survenue spontanément indique ici que même
la nutrition normale deviendra vite complètement impossible pour elle.
Nous avons convenu de ne pas lui donner d’antibiotiques et de la garder
confortable. J’accepte qu’elle va mourir : c’est son heure. Je suis en paix
avec cette décision. Qu’en pensez-vous ?» (Cas présenté par le Dr Patrick
Vinay)
Questions :
Est-ce une euthanasie par abstention de traitement ?
Cette décision est-elle conforme à une saine éthique médicale ?
Quel accompagnement pastoral feriez-vous ?
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Commentaire du Dr Vinay (Situation 3)
Nul n’est tenu d’être gardé en vie, de recevoir des traitements jugés
excessifs qui deviennent de l’acharnement thérapeutique. Soigner de
force est aussi violent que de ne pas soigner du tout quelqu’un qui en a
besoin, qui le désire. Essayer de comprendre le meilleur intérêt de son
parent, en prendre et en porter jusqu’au bout la responsabilité lorsqu’il
ne peut le faire par lui-même, c’est parfois la meilleure façon de lui
montrer son amour. Mais il faut défendre son meilleur bien à lui ou à
elle. Et parfois c’est d’accepter de ne pas prolonger une lente agonie, de
ne pas faire de traitements inutiles, de ne pas ajouter à ses souffrances,
de respecter le fait que sa vie est devenue impossible.
La malade n’aura pas d’antibiotiques, et on mettra tout en œuvre pour
qu’elle ne souffre pas. Elle meurt. Ceci n’est pas de l’euthanasie : c’est
une abstention de traitement. C’est éthique, légal, humain et cela
respecte la volonté de la patiente.
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Il souffrait le martyr
Le malade est allongé sur le dos, les yeux fermés, la peau jaune et
cireuse, son visage est lisse et absent.
«Il est comme ça depuis hier matin. Il ne ressemble plus à lui-même : sa
transformation me fait peur. J’hésite { le regarder : cela me repousse, cela
me blesse. Mais aujourd’hui, en plus, il râle ! Un roulement sourd
accompagne chaque expiration. On dirait qu’il doit se battre pour respirer.
L’infirmière lui donne régulièrement des injections sous la peau, mais cela
n’a rien changé. Je ne peux m’empêcher de me révolter de le voir ainsi
souffrir. On devrait arrêter, le soulager, lui donner ce qu’il faut pour qu’il
ne souffre plus…»
Jaillit alors une demande d’euthanasie pour faire cesser ce calvaire.
(Docteur Patrick Vinay)
Questions :
Comment répondriez-vous à cette demande ?
Comment accompagneriez-vous la personne qui fait cette
demande ?
Avez-vous l’expérience de cas semblables ? Comment se sont-ils
résolus ?
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Commentaire du Dr Vinay (Situation 4)
Il n’est pas rare que les patients se mettent { râler en fin de vie. Les
secrétions s’accumulent dans les poumons car leur production s’accroît
alors qu’ils ne sont plus assez forts pour les expectorer. L’air qui sort les
fait bouger et cause un roulement sonore. Ils ne se rendent pas compte
du bruit qu’ils font. Souvent d’ailleurs ils n’en souffrent pas : ils ne
présentent aucun signe de douleur ou de détresse. Ces râles surviennent
chez environ 50% des patients en fin de vie et annoncent souvent un
décès dans les prochaines 24-48 heures.
Mais la famille, elle, en souffre. Elle a tendance à projeter sur ce malade
la douleur et la peur qu’elle vit elle-même. «Cette respiration est
anormale, alors il souffre certainement le martyr.» C’est d’autant plus
inconfortable pour la famille que parfois les soignants n’arrivent pas {
faire disparaître ces râles chez la personne aimée : «Ils ne savent plus
quoi faire!»
Les soignants feront le maximum pour ôter les râles, surtout pour aider
la famille. Certains médicaments utilisés sont fortement sédatifs, et
contribuent ainsi au confort du malade lorsque celui-ci devient très
anxieux, mais 1/3 de ceux-ci ne répondront à aucun traitement. Ils
mourront avec leur dernier râlement.
Peu de malades en fin de vie bénéficiant de soins palliatifs de qualité
vivent en fait des douleurs intolérables : les outils pour contrôler la
douleur sont puissants. Quand les médicaments usuels ne fonctionnent
pas, d’autres stratégies sont utilisées. Mais les familles peuvent quand
même penser que les souffrances ne sont pas contrôlées. Les soignants
expliquent ce qui se passe, mais ce n’est pas toujours suffisamment
rassurant. Parfois jaillissent des demandes d’euthanasie : les familles
ont trop mal ou elles n’ont pas eu de temps pour accepter cette vie qui
part, ce fil qui se coupe, cette souffrance qui s’impose. Ce sont elles qui
souffrent, ce sont elles qu’il faut alors soulager, aider, accompagner dans
le respect. Comme c’est souffrant de ne pas contrôler absolument la
biologie, saine ou défaillante !
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